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La réforme dans le système judiciaire albanais et la Cour constitutionnelle

Qu’est-ce que la réforme constitutionnelle a apporté?

En juillet 2016, le Parlement albanais a adopté une série de lois dans le cadre de la réforme du système de la justice, ce qui représente l’un des changements les plus radicaux que le pays ait connus depuis 25 ans. Les amendements constitutionnels de 2016 ont également affecté des aspects de l’organisation, du fonctionnement et des compétences de la Cour constitutionnelle, qui sont reflétés à la fois dans les dispositions constitutionnelles et dans la loi sur son organisation et son fonctionnement.

Par la Loi no. 99/2016 “Sur certains ajouts et amendements à la loi no. 8577 du 10.02.2000 « Organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle de la République d’Albanie », la plupart des articles de la loi organique de cette Cour ont été modifiés.

Plus précisément, la formule pour l’élection et la nomination des juges à la Cour constitutionnelle a été modifiée, de nouvelles compétences ont été ajoutées et d’autres compétences ont été redimensionnées, en fonction de l’efficacité et de l’efficience. En outre, y ont été reflétées certaines solutions aux problèmes rencontrés au fil années lors de la prise de décision de la Cour constitutionnelle.

La formule de nomination / élection

En raison du rôle défini par la Constitution de 1998, mais également par la loi, en ce qui concerne le système judiciaire, le Président de la République, en vertu de l’article 125/1 de la Constitution, nommait les membres de la Cour constitutionnelle, avec l’assentiment de l’Assemblée. Le mécanisme constitutionnel de l’inclusion du Président de la République et de l’Assemblée avait été pensé au début par les rédacteurs de la Constitution de 1998 comme la meilleure solution par rapport au libellé précédent.

L’expérience de la mise en œuvre de cette procédure constitutionnelle jusqu’à la modification de la Constitution en 2016, a témoigné du dysfonctionnement à cause du manque de coopération institutionnelle entre le Président de la République et l’Assemblée. La problématique de la procédure d’élection des juges de la Cour Suprême et ceux de la Cour constitutionnelle a mis à l’ordre du jour la révision constitutionnelle du procédé de leur élection.

Compte tenu de cette situation, sur la base des modifications constitutionnelles de 2016, la Cour constitutionnelle dispose d’une nouvelle formule pour l’élection de ses membres :

Trois membres sont nommés par le Président de la République, trois membres sont élus par l’Assemblée et trois membres sont élus par la Cour Suprême.

Les membres sont choisis parmi les candidats figurant aux trois premières places de la liste par le Conseil des Nominations à la Justice, conformément à la loi. Les candidats pour devenir juges à la Cour constitutionnelle sont soumis au processus d’évaluation et de notation conduit par le Conseil des Nominations à la Justice. À la fin du processus d’évaluation, le Conseil classe les candidats en fonction des critères objectifs et scientifiques définis dans la loi organique à cette fin. Outre l’intégrité morale, c’est l’évaluation professionnelle qui s’avère très importante. Cette évaluation professionnelle est centrée sur plusieurs paramètres, tels que : la richesse de l’expérience professionnelle dans le domaine juridique, la cohérence (le suivi) du jugement rendu à d’autres étapes/instances du jugement, la quantité et la qualité du travail effectué, le respect des délais pour l’annonce de la décision, la participation active et l’assistance fournie par le juge pour le bon fonctionnement du bureau / tribunal dans lequel il exerce ses activités, la disponibilité, la participation aux cours de formation, la contribution à la résolution de problèmes organisationnels, les mérites particuliers en matière d’enseignement, etc.

Après cette procédure, le Conseil des Nominations à la Justice envoie la liste des candidats à chacun des organes de nomination lesquels doivent pourvoir la vacance respective. Le Président de la République nomme un des candidats figurant dans les trois premières places. De même, l’Assemblée élit, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, un des trois candidats listés et ayant été évalué avec le plus grand nombre de points. Tandis que la Cour Suprême élit un des candidats classés au début de la liste avec le vote des deux tiers de tous les juges de cette Cour. Au cas où l’organe de nomination (le Président de la République, l’Assemblée et la Cour Suprême) dans les 30 jours n’exerce pas son pouvoir, alors le candidat le mieux classé est considéré comme nommé.

Cette formule d’élection vise l’obtention de quelques objectifs: premièrement, elle assure la participation de certains organes et groupes d’intérêt au processus, puisque chaque organe a une compétence essentielle et inhérente aux autres ; deuxièmement, elle dispose d’un mécanisme de déblocage du procès, sans affecter le fonctionnement de la Cour constitutionnelle pour cause du non-renouvellement de la part des organes de nomination ; troisièmement, elle exclut la domination du processus par la politique et permet en même temps le maintien de la balance des pouvoirs ; finalement, elle garantie une diversité des expériences parce que les candidats proviennent de divers domaines du droit et possèdent différentes expériences professionnelles.

Les compétences de la Cour constitutionnelle

Un des aspects importants des compétences redimensionnées est également celui de l’élargissement du recours individuel avec les requêtes introduites en cas de violation des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution.

Conformément à la Constitution de 1998, la Cour constitutionnelle avait le pouvoir d’examiner les recours constitutionnels introduits par les individus alléguant la violation de leur droit à un procès équitable en le transformant en une de ses compétences les plus importantes. Nonobstant ce fait, la Cour n’est pas parvenue à inclure dans sa juridiction le contrôle de constitutionnalité de tous les actes normatifs des pouvoirs publics violant les droits substantiels énoncés dans la Constitution et la CEDH. Et c’est pour cette raison que, dans le cadre des dernières modifications constitutionnelles, il est envisagé également l’élargissement de la base du recours constitutionnel individuel qui vise une plus grande protection de l’individu contre les actes des pouvoirs publics.

Une autre compétence est celle du contrôle de la constitutionnalité de la loi révisant la Constitution, lorsque la procédure de l’adoption de cette loi n’a pas été respectée. En outre, il est envisagé la possibilité de rouvrir le procès devant la Cour constitutionnelle lorsque les juridictions internationales ont considéré que sa décision porte atteinte aux obligations découlant du droit international.

Toujours en fonction des compétences de la Cour constitutionnelle, il faut souligner que le nombre d’entités qui peuvent saisir la Cour constitutionnelle et initier un jugement constitutionnel a subi une modification significative. En vertu de l’article 134 de la Constitution, à part les entités envisagés précédemment pour mettre en branle la Cour constitutionnelle, ont été ajoutes d’autres entités dont l’activité principale est la protection des droits et libertés fondamentaux de l’homme, telles que les commissionnaires crées par la loi pour la protection des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution. Par ailleurs, ont été ajoutés le Haut Conseil Judiciaire et le Haut Conseil des Procureurs en tant qu’organes constitutionnels de la gouvernance du système de la justice.

Outre ce qui précède, la loi a également prévu certains aspects importants d’une organisation plus efficace de la Cour constitutionnelle, tels que l’élection du président par les juges de la Cour elle-même, en évitant toute influence extérieure sur les affaires internes de son organisation ; la mise en place de l’Unité Juridique, composée de conseillers juridiques, agissant comme une structure à caractère scientifique et chargée de faciliter la prise de décisions par la Cour ; les questions liées à la procédure de la prise de décision, à la publicité, à la transparence mais également au jugement de l’affaire dans un délai raisonnable ; les régulations pertinentes concernant l’exécution des décisions de la Cour, etc.

Ces modifications constitutionnelles constituent la base d’une réforme profonde et entière, légale et institutionnelle pour réformer le système de la justice en Albanie. Les solutions constitutionnelles, légales et institutionnelles, proposées à travers cette réforme visent à réaliser le fonctionnement efficace du système et sa capacité autorégulatrice, renforcer la responsabilité des juges et le contrôle réciproque entre les institutions, consolider la carrière des magistrats par le biais de l’évaluation des mérites, des compétences professionnelles et de l’honnêteté lors de l’exercice du devoir.

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