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Bulletin n° 12
L'organisation du contradictoire
Ouverture de la Conférence
Allocution de Nicolae Timofti
Président de la République de Moldova
Excellences,
Présidents et juges des cours et conseils constitutionnels,
Mesdames, Messieurs,
La tenue à Chisinau de la 8e Conférence des chefs d’institutions de l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF) constitue un motif de joie et de fierté non pas seulement pour la Cour constitutionnelle de la République de Moldova, en qualité d’hôte de l’événement, mais aussi pour l’État de la République de Moldova.
En devenant membre de plein droit de l’Association des cours constitutionnelles francophones, il y a 19 ans, la Cour constitutionnelle de la République de Moldova contribue significativement au bon fonctionnement de cette prestigieuse organisation – grâce à son apport à la consolidation de l’État de droit et au développement de relations coopératives entre les membres de cette association.
C’est pour cela que je voudrais, premièrement, féliciter l’Association des cours constitutionnelles francophones pour la persévérance qu’elle a démontrée dans la promotion des valeurs de l’État de droit – essentielles pour une justice constitutionnelle, en offrant une plateforme solide de dialogue judiciaire constitutionnel constructif entre les instances compétentes.
Deuxièmement, je voudrais exprimer mon intérêt pour le thème de la conférence d’aujourd’hui. Or, les instances de juridiction constitutionnelles des différents États ont des visions distinctes sur le principe du contradictoire dans les procédures constitutionnelles, qui constitue dans la pratique et dans la doctrine juridique un impératif de notre temps.
Il est à noter que la Cour constitutionnelle représente un des plus importants piliers du système des garanties constitutionnelles, qui assure le fonctionnement démocratique de la société et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
C’est pour ce motif que la Cour constitutionnelle, en plus des tâches qui lui sont accordées par le législateur, a le rôle de garantir la mise en application des dispositions constitutionnelles, en les transformant d’in abstracto en règles de vie in concreto, tout en tenant compte des circonstances historiques et géopolitiques de la société à une certaine étape de son développement.
Dans ce contexte, il est important de mentionner que la Cour constitutionnelle reste l’unique autorité de juridiction constitutionnelle, indépendante de toute autre autorité publique, qui préserve de toute déviation dans les mécanismes statutaires, en assurant ainsi la suprématie de la Constitution.
À côté des institutions de droit, selon moi, la Constitution doit assurer la stabilité et le développement démocratique de la République de Moldova, de sorte que, malgré les divergences des partis politiques, il ne soit pas possible de dévier de l’intérêt et des objectifs nationaux. Dans le cas de mon pays – il s’agit du développement de la dimension européenne.
L’évolution du constitutionnalisme a déjà démontré que, étant un acte intègre, toute constitution ne doit pas seulement être lue textuellement, mais aussi en partant des valeurs qui déterminent l’ancrage de l’État de droit.
C’est précisément par le contrôle de constitutionnalité que les crises politiques peuvent être atténuées, une culture politique peut être cultivée. C’est dans ce sens que les actes de la Cour constitutionnelle ont une influence évidente sur les normes qui réglementent les institutions-clés de la société, dans le fonctionnement de la justice et le respect de l’État de droit.
Un exemple révélateur constitue l’arrêt de la Cour du 5 décembre 2013, dans lequel l’Honorable cour se prononce sur la valeur juridique de la Déclaration d’indépendance, en statuant que ce document juridique a proclamé les valeurs constitutionnelles du nouvel État indépendant, duquel découle la légitimité du pouvoir de ceux qui gouvernent la République de Moldova.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à déclarer que dans le domaine de la protection de l’ordre constitutionnel et de la garantie de la suprématie de droits fondamentaux, intervient toujours la justice constitutionnelle qui marque un changement profond dans la logique du pouvoir de l’État, en assurant la transition de la suprématie des forces politique à la suprématie de la Constitution, y compris dans son rôle d’assainissement de la législation.
À cet égard, les cours constitutionnelles ont tendance à consolider leur coopération non seulement pour diffuser leur expérience commune, mais aussi pour prévenir et résister à tout acte qui s’attaque à l’indépendance du pouvoir judiciaire constitutionnel. Or, l’Association des cours constitutionnelles francophones en est une preuve fondamentale.
Mesdames et Messieurs,
En conclusion, permettez-moi de partager avec vous l’idée suivante :
un régime de la Constitution est bon, si la gouvernance est guidée par le bon sens. Ceux qui conçoivent la Constitution – les députés, les juges de la Cour constitutionnelle – doivent être dominés par le sentiment de responsabilité et d’amour de la patrie.
Selon l’illustre politicien roumain Ionel Constantin Brătianu « On devrait faire l’habillement de la Constitution assez large, pour que lorsque le corps qu’il couvre, grandisse – il ne soit pas nécessaire de le couper, de le changer trop tôt ».
Pour conclure, je souhaite aux participants, une réunion productive et utile pour la valorisation du thème de la conférence et un agréable séjour à tous les invités à Chişinău.
Allocution de Pavel Filip
Premier ministre de la République de Moldova
Monsieur le président de la République de Moldova,
Monsieur le président de la Cour constitutionnelle,
Monsieur le président de l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français,
Messieurs les juges de la Cour constitutionnelle,
Honorable assistance,
Permettez-moi, au nom du gouvernement de la République de Moldova, de saluer les participants à la 8e conférence des chefs d’institutions de l’ACCPUF.
C’est une occasion extraordinaire pour les spécialistes notoires dans le domaine d’aborder des questions d’intérêts majeurs tels que le développement de la jurisprudence constitutionnelle, l’évolution du rôle et de la place des instances de juridiction constitutionnelle dans l’État de droit.
C’est un honneur pour nous d’accueillir à Chişinău cette prestigieuse conférence qui confirme le ralliement de la Cour constitutionnelle de Moldova aux plus respectées institutions de juridiction constitutionnelle du monde civilisé.
Je suis persuadé que les stratégies de réforme en Moldova deviennent de plus en plus certaines et claires. Or, toutes ces réalisations n’auraient pas été possibles sans le concours direct de la Cour constitutionnelle, garante de la suprématie de la Constitution.
Les cours constitutionnelles veillent à ce que les lois soient appliquées également à tous dans un État de droit et que les systèmes juridiques fonctionnent en conformité avec les exigences de la justice sociale. Ce rôle devient encore plus important dans les nouvelles démocraties et les pays qui n’ont pas connu une histoire démocratique signifiante. Ici, en Moldova, nous sommes absolument conscients de ce fait.
Le rôle de la Cour constitutionnelle, du point de vue du développement du pays, a été et reste incontestable. Le temps aidant, l’histoire démontrera la profondeur de son importance. L’histoire récente de notre pays prouve que, dans les situations d’incertitude politique et sociale, la Cour a été le facteur décisif pour le maintien de l’action politique ou législative dans les limites de la Constitution. À maintes reprises, la Cour a dépassé les calculs politiques, mettant fin à des crises de proportion et d’inspiration variées. En ma qualité de Premier ministre, je peux vous dire avec certitude que nous ne souhaitons plus de crise politique ou constitutionnelle.
Chers amis, Je crois fermement que le renforcement de l’État de droit, la primauté du droit, le respect de la dignité humaine sont essentiels pour notre pays et doivent orienter toutes nos actions. Nous devons toujours maintenir cette attitude, continuellement, tant au niveau national qu’international.
Ces valeurs unanimement acceptées doivent édifier en Moldova un État constitutionnel stable et prévisible, respecté par tous les acteurs de la société et garanti par une justice indépendante. Nous avons la conviction profonde que ce fait représente le fondement du développement social et économique durable et de la protection adéquate des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Je voudrais souligner le fait que le développement d’une coopération entre les cours constitutionnelles, quelle que soit sa forme, association, forum, etc., est toujours bienvenu, ouvrant la voie vers une assistance mutuelle entre les cours constitutionnelles dans la protection des valeurs communes comme la souveraineté, l’intégrité territoriale, la justice et les droits fondamentaux. Le rôle de l’instance de juridiction constitutionnelle dans la protection de ces valeurs est primordial.
La solidarité au sein de la coopération entre les cours constitutionnelles francophones permet d’identifier les bonnes pratiques promues par les juridictions constitutionnelles, représentant une action indispensable dans le processus de démocratisation.
Honorable assistance,
Je profite de cette occasion pour vous souhaiter plein de succès dans l’activité professionnelle, pas facile du tout, en vue du renforcement des valeurs démocratiques et européennes inscrites dans les constitutions des États que vous représentez ! Il ne s’agit pas seulement de révéler, mais aussi de respecter la Constitution jour après jour !
Je vous remercie.
Allocution de bienvenue d’Alexandru Tănase
Président de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova
Monsieur le président de l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français,
Monsieur le président de la République de Moldova,
Monsieur le Premier ministre de la République de Moldova,
Monsieur le ministre de la Justice,
Il me revient le grand honneur de vous saluer et vous accueillir à Chişinău à l’occasion de la 8e conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF.
Je vous invite à cette occasion à découvrir la République de Moldova, surtout pour ceux qui viennent pour la première fois, dans ce pays de culture européenne, avec de riches traditions et un charme indéniable des paysages.
La réunion d’aujourd’hui, au-delà de l’aspect de la coopération internationale au sein de l’ACCPUF, dénote aussi la vitalité de la francophonie dans notre pays. La francophonie représente non seulement l’espace linguistique commun mais aussi la promotion des droits de l’homme et des valeurs de l’État de droit. L’activité de la Cour constitutionnelle est en bonne partie déterminée par les relations établies avec les cours constitutionnelles d’autres pays, les institutions judiciaires et les organisations internationales. La Cour constitutionnelle de la République de Moldova devint membre de plein droit de l’ACCPUF en 1997, l’année même de la création de l’Association, avec le but commun de renforcer l’État de droit au moyen de la justice constitutionnelle.
Grâce à la coopération de la Cour moldave avec l’ACCPUF et au soutien généreux de l’association, le fonds documentaire de la Cour s’est enrichi considérablement grâce au don de livres juridiques offerts par l’ACCPUF en 2015. Je profite de cette occasion pour exprimer mes remerciements au Secrétariat de l’ACCPUF pour ce don d’ouvrages précieux qui représente un réel soutien pour la pratique jurisprudentielle de la Cour constitutionnelle.
Mesdames et Messieurs,
Un regard léger sur le droit constitutionnel comparé relève l’absence d’un document réglementant des modèles et des formes du contentieux constitutionnel, ainsi le contrôle de constitutionnalité découle des principes de droit et l’obligation de protéger les droits fondamentaux.
Au fil de sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle de la République de Moldova a jugé a fortiori la justice constitutionnelle comme attribut essentiel de l’État : la Cour constitutionnelle représentant l’unique autorité de juridiction constitutionnelle qui est indépendante et soumise uniquement à la Constitution, garantit la suprématie celle-ci, assure le respect du principe de séparation des pouvoirs, garantissant en même temps la responsabilité de l’État devant le citoyen et du citoyen devant l’État. Vu la complexité et les particularités des attributions de la Cour constitutionnelle, ainsi que les procédures selon lesquelles celle-ci accomplit ces fonctions, on peut dire qu’elle est une institution politico-juridictionnelle. Son caractère politique en résulte de la modalité de nomination des membres de la Cour constitutionnelle, ainsi que de l’essence de certaines fonctions. Le caractère juridictionnel est déterminé par les principes de fonctionnement et d’organisation, comme l’indépendance et l’inamovibilité des juges, ainsi que d’autres attributions et procédures.
Le thème de la 8e Conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF portant sur les procédures devant les cours constitutionnelles est un sujet réglementé par la Loi sur la Cour constitutionnelle et le Règlement sur la procédure d’examen des saisines soumises à la Cour constitutionnelle de la République de Moldova. Compte tenu du fait que la procédure d’examen des saisines est spécifique pour la justice constitutionnelle, la Cour a retenu dans sa jurisprudence que son organisation et le fonctionnement sont établis par elle-même, et toute norme juridique qui pourrait bloquer d’une certaine manière sa fonctionnalité est considérée ab initio inconstitutionnelle.
Dans un autre ordre d’idée, la Cour a élargi l’accès à la justice constitutionnelle par l’exception d’inconstitutionnalité, comme modalité indirecte d’accès. Par un arrêt historique, la Cour constitutionnelle a changé le cours de la justice constitutionnelle, en sa qualité de garante de la suprématie de la Constitution, en offrant au citoyen la possibilité de la saisir au cours du procès judiciaire. La quintessence du contentieux constitutionnel est la sauvegarde du développement démocratique du droit, c’est pourquoi la juridiction constitutionnelle doit avoir un rôle, des fins et des procédures différentes de toutes les autres autorités publiques.
Honorable assistance,
« La Constitution est la loi qui établit les conditions dans lesquelles une nation, un peuple conçoit la délégation de pouvoirs », déclarait l’illustre constitutionnaliste roumain Constantin Stere. Ainsi, la Cour constitutionnelle, en sa qualité de gardien de la Constitution, doit suivre les procédures juridictionnelles qui garantissent les droits fondamentaux. Pour conclure, je voudrais souligner l’importance du pouvoir souverain du juge constitutionnel dans l’appréciation et le raisonnement de chaque affaire examinée, ainsi que la sagesse et la pondération des juridictions constitutionnelles dans la garantie de la suprématie de la Constitution.
Permettez-moi de conclure en vous souhaitant des discussions fructueuses et plein succès pour les travaux de la conférence, ainsi qu’un séjour agréable en République de Moldova, surtout à ceux qui visitent pour la première fois notre pays, indifféremment de la diversité des cultures constitutionnelles.
Allocution de Gilbert Kolly
Président de l’ACCPUF
Président du Tribunal fédéral suisse
Monsieur le président de la République,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le ministre de la Justice,
Monsieur le président de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Chers collègues des cours et conseils constitutionnels de l’espace francophone,
Mesdames et Messieurs les invités,
Mesdames et Messieurs,
J’ai le plaisir et l’avantage de vous souhaiter à tous la plus cordiale bienvenue à la conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF. La dernière conférence s’est tenue en 2014 au Canada à Ottawa, plus précisément à Gatineau dans la belle province francophone du Québec. J’aimerais redire ici à nos amis Robert Wagner et Roger Bilodeau à quel point nous avons apprécié l’hospitalité canadienne. Aujourd’hui, nous sommes réunis à Chisinau, la capitale de la République de Moldova. C’est la première fois dans son histoire que l’ACCPUF organise une manifestation dans ce pays. Je tiens du fond du coeur à remercier la Cour constitutionnelle de la République de Moldova, et en particulier son président Alexandru Tanase, pour l’invitation à venir siéger à Chisinau et pour l’accueil particulièrement amical qui nous est réservé. Je sais d’expérience quelle somme de travail, l’organisation d’une telle manifestation exige. J’en suis d’autant plus reconnaissant à la Cour moldave. Je me permets d’ajouter mes sincères remerciements à la secrétaire générale de la Cour constitutionnelle moldave Rodica Secrieru, une participante régulière à nos manifestations. Son engagement a été déterminant pour que nous puissions être ici aujourd’hui.
Lors de nos diverses manifestations, il arrive régulièrement qu’un haut représentant de l’État hôte nous rejoigne pour nous adresser un message de bienvenue. Mais ce que nous vivons aujourd’hui à cet égard est exceptionnel et unique. Monsieur le président de la République, Nicolae Timofti et Monsieur le Premier ministre, Pavel Filip se sont tous les deux déplacés en personne pour assister à la cérémonie officielle d’ouverture de la conférence et pour nous adresser chacun un message. Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre, notre association est infiniment honorée. Votre présence nous démontre quelle importance vous-même, et à travers vous la République de Moldova, reconnaissez à la justice constitutionnelle et à la collaboration internationale entre les juges constitutionnels. Votre présence démontre aussi votre attachement à l’espace francophone qui réunit toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent ou expriment une appartenance à la langue française ou aux cultures francophones. Nous sommes impressionnés et ravis. Ce disant, je pense aussi exprimer l’avis de Monsieur Boubacar Issa Abdourhamane, représentant de l’Organisation internationale de la Francophonie et l’un de nos fidèles que nous accueillons toujours avec plaisir.
Notre conférence traitera durant deux jours du contradictoire devant les cours constitutionnelles. Les rapports présentés par les cours et conseils membres sont d’un grand intérêt, et je me réjouis d’entendre les interventions annoncées et aussi des interventions spontanées. Comme à l’accoutumée, le professeur Mathieu Disant a préparé une synthèse des réponses données par les cours et conseils membres. Permettez-moi, Monsieur le professeur, de vous dire, au nom de nous tous, à quel point nous apprécions non seulement votre précieuse collaboration, mais aussi votre présence amicale. Enfin, je tiens à exprimer nos remerciements à notre secrétaire générale, Caroline Pétillon et à son équipe qui, comme toujours, ont fourni un gros travail de préparation sans lequel une conférence comme la notre ne pourrait pas se dérouler sérieusement.
Mes chers collègues, trois belles journées sont devant nous. Profitons-en pour travailler, mais aussi pour jouir des beautés du pays hôte et de l’accueil chaleureux et amical qui nous est réservé. Je remercie encore une fois le président Alexandru Tanase et la Cour constitutionnelle de la République de Moldova pour l’organisation de la conférence, et je remercie Monsieur le président de la République Nicolae Timofti et Monsieur le Premier ministre Pavel Filip d’être parmi nous.
Allocution de Schnutz Dürr
Chef de la Division de la justice constitutionnelle de la Commission de Venise
Secrétaire général de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle
Monsieur le président de l’ACCPUF,
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les présidents des institutions membres de l’ACCPUF,
Mesdames et Messieurs les juges et conseillers,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de m’avoir invité à votre conférence et de me réserver une place dans votre programme. J’ai le grand plaisir de saluer les chefs d’institution et les délégations de l’ACCPUF, à la fois de la part de la Commission de Venise et de la part de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle.
Depuis la création de l’ACCPUF en 1997, les relations entre nos institutions ont été proches et chaleureuses. Les accords de coopération de Vaduz et de Djibouti, qui lient l’ACCPUF et la Commission de Venise, ont fait preuve de leur utilité. Ils permettent notamment aux cours et conseils membres de l’ACCPUF de contribuer à la base de données CODICES. Parmi les 9 000 décisions contenues dans le CODICES, beaucoup sont des contributions des membres de l’ACCPUF. Ce CODICES représente un outil de recherche de droit constitutionnel comparé formidable. Grâce à cette base de données, vous pouvez prendre connaissance de la jurisprudence de vos pairs. La place privilégiée de la langue française, à côté de l’anglais, assure une large diffusion de la jurisprudence francophone. Vous contribuez à cette base à travers vos agents de liaison ou vos correspondants que nous invitons trois fois par an à nous envoyer des résumés de la jurisprudence importante de votre institution. Les contributions arrivent, en général, de façon régulière, mais nous avons pu constater que certains conseils ou cours constitutionnelles contribuaient de façon irrégulière. Je vous invite donc à vous assurer que votre agent de liaison ou votre correspondant contribue de façon régulière à notre base commune. Ce travail nécessite une certaine préparation, mais il est primordial pour mettre en évidence les points de droit essentiels. En mars 2015, nous avons organisé à Strasbourg, en collaboration avec l’ACCPUF, une formation fructueuse sur les contributions au CODICES pour vos agents de liaison. Du fait du changement de personnel au sein de votre institution, les personnes formées ne sont peut-être plus en fonction. Mais nous sommes toujours disponibles pour répondre aux questions des agents de liaison.
Monsieur le président, beaucoup de cours et conseils constitutionnels membres de l’ACCPUF sont également membres de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, dont la Commission de Venise assure le secrétariat. Je voudrais profiter de cette occasion pour inviter chaleureusement les cours et conseils membres de l’ACCPUF qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au plus tôt à la Conférence mondiale. Le quatrième congrès de la conférence se tiendra du 11 au 14 septembre 2017 à Vilnius, en Lituanie. Les invitations formelles suivront sous peu. J’espère que beaucoup d’entre vous seront présents lors de ce congrès. Comme pour les congrès précédents, la Cour hôte et la Conférence mondiale, en utilisant leur propre budget, assureront la participation des délégations des pays les moins avancés. L’ACCPUF est invité à nommer des candidats pour les fonctions de présidents de session, orateurs principaux et modérateurs. La participation de ces personnes assurera le succès des travaux du quatrième congrès.
Monsieur le président, le thème de votre conférence – l’organisation du contradictoire – est particulièrement pertinent. Souvent, la qualité des arrêts dépend d’une présentation raisonnée des arguments des uns et des autres. Dans ses avis, notamment pour les nouvelles démocraties de l’Est de l’Europe, la Commission de Venise a souvent critiqué les compétences de pure interprétation des cours constitutionnelles. Dans de telles procédures, un organe de l’État est chargé de l’interprétation sans qu’il y ait de parties opposées. En réalité, derrière ces cas, se cache souvent un conflit entre institutions. Mais la forme d’interprétation pure ne permet pas que ce conflit soit discuté ouvertement. Ainsi, le juge constitutionnel ne bénéficie pas des arguments contradictoires des vraies parties au conflit.
Dans un récent avis pour la Cour constitutionnelle de Géorgie, la Commission de Venise a précisé que la procédure contradictoire ne devait pas avoir pour effet d’exclure des arguments en faveur des droits de l’homme qui n’ont pas été présentés par les parties au litige. La Cour suprême disait que seuls les arguments présentés par les parties étaient à prendre en considération, même si la Constitution prévoyait des règles plus favorables aux parties, notamment en matière de droits de l’homme. La Commission de Venise a également souvent insisté sur le fait que la procédure contradictoire ne signifiait pas forcément procédure orale. Cela est souvent le cas, mais les parties peuvent également s’échanger des arguments au cours d’une procédure écrite. Les cours avec une saisine individuelle large doivent souvent suivre une procédure écrite pour une grande partie des affaires. Cette procédure écrite permet au juge de prendre connaissance des arguments des parties opposées. Monsieur le président, je regrette de ne pas pouvoir participer aux débats. J’aurais beaucoup aimé suivre vos présentations et vos discussions, mais je dois retourner à Strasbourg pour préparer notre prochaine session plénière à Venise. Je ne manquerai pas de m’informer sur la teneur de vos échanges afin d’apprendre davantage sur ce thème important qu’est le contradictoire.
Je vous remercie pour votre attention.
Allocution de Boubacar Issa Abdourhamane
Spécialiste de programme Organisation internationale de la Francophonie
Merci Monsieur le président.
Monsieur le président de la Cour constitutionnelle de Moldavie,
Monsieur le président de l’ACCPUF,
Honorables chefs des institutions,
Mesdames et Messieurs,
C’est toujours un grand plaisir d’assister à vos concertations régulières.
La conférence des chefs des institutions de l’ACCPUF est un grand réseau francophone grâce auquel les juges constitutionnels d’une cinquantaine de pays peuvent échanger et se soutenir dans leur travail d’édification de l’État de droit. Au nom de la secrétaire générale de la Francophonie, je remercie le président de l’ACCPUF et la secrétaire générale, Madame Caroline Pétillon, pour la qualité de notre partenariat. Au mois de mai a eu lieu la journée des réseaux institutionnels au siège du Conseil constitutionnel français à Paris, sur l’invitation du Président Fabius. Cette journée reste encore dans nos mémoires.
Je voulais également particulièrement remercier la Cour constitutionnelle de Moldavie, son Président Monsieur Alexandru Tanase ainsi que les plus hautes autorités de la Moldavie, le président de la République et le Premier ministre qui nous ont fait l’honneur de leur présence. Je souhaiterais les remercier, à la fois pour leur accueil et pour la généreuse hospitalité qu’ils nous offrent dans leur belle ville de Chisinau que je visite pour la première fois et que je trouve magnifique et agréable. Je ne ferai pas de commentaires particuliers sur le thème car je sais que vous êtes impatients de passer au vif du sujet. Je dirai seulement que nous resterons attentifs aux échanges et aux propositions qui pourront contribuer à l’amélioration des juridictions constitutionnelles au service des citoyens. Nous les savons de plus en plus exigeants dans nos pays vis-à-vis des institutions et en particulier des juges constitutionnels. Parfois, ils expriment ces demandes avec beaucoup de véhémence. La Francophonie sera attentive à vos travaux et elle apprécie la qualité des rapports qu’elle entretient avec l’ACCPUF et avec les juridictions. La Francophonie poursuivra son soutien pour que l’outil de la justice constitutionnelle continue à inspirer la confiance à la solidité des systèmes démocratiques et également la confiance des citoyens.
Je vous remercie pour votre aimable attention.
Allocution d’Arief Hidayat
Président de la Cour constitutionnelle d’Indonésie
Président de l’Association des cours constitutionnelles asiatiques (AACC)
Je m’adresse au président de la Cour constitutionnelle de Moldavie, Monsieur Alexander Tanase.
Je m’adresse au président de l’ACCPUF, Monsieur Gilbert Kolly,
et au secrétaire général de la conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, Monsieur Schnutz Dürr.
Mesdames, Messieurs,
Je m’adresse à vous en tant que juge en chef de la Cour constitutionnelle de la République d’Indonésie. Je suis aussi le président de l’Association des cours constitutionnelles d’Asie et des institutions équivalentes. Je participe à la huitième conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF en Moldavie. J’aimerais féliciter et remercier la Cour constitutionnelle de la République de Moldova pour son engagement et tout son travail visant à créer une atmosphère positive et chaleureuse pour cette conférence.
J’aimerais également en profiter pour saluer au nom des responsables des institutions de l’AACC, le président de la République de Moldova, Monsieur Nicolae Timofti, et vos collègues. Ces salutations sont destinées au président de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova, du président du PUF asiatique et à nos membres de l’ACCPUF. J’espère que cette conférence connaîtra un franc succès et que notre participation sera bénéfique.
Résultats du congrès de l’AACC
Mandat à la présidence
J’aimerais souligner les relations positives entre nos associations de cours constitutionnelles. J’aimerais d’ailleurs vous faire part de certains des derniers développements au sein de l’AACC. Le 11 et le 12 août, le troisième congrès de l’AACC a été organisé à Bali, en Indonésie. Je vais vous résumer les résultats du congrès. Tout d’abord, la Cour constitutionnelle de la République d’Indonésie a reçu un mandat pour continuer en tant que présidente de l’AACC pendant une année supplémentaire. Un nouveau président sera ensuite choisi. La Cour constitutionnelle de la République d’Indonésie a effectué le mandat et est encore prête à assurer sa fonction de présidente.
Signature de la déclaration de Bali
Par ailleurs, les membres de l’Association ont signé la déclaration de Bali. Cela réaffirme leur engagement vis-à-vis de l’importance de mener des actions concrètes dans leurs juridictions respectives. L’objectif est de renforcer la protection et la promotion du droit constitutionnel des citoyens. Le troisième résultat du congrès a concerné la décision de défendre le rôle du secrétariat dans le cadre du soutien du programme et des activités de l’AACC. L’objectif reste de mettre en place un secrétariat commun permanent situé à Jakarta et à Séoul.
Rôle du secrétariat
La Cour constitutionnelle de la République d’Indonésie disposera d’une division dédiée à la stratégie. La Cour constitutionnelle de la République de Corée disposera d’une division dédiée à la recherche et au développement. La Cour constitutionnelle de Turquie deviendra le centre pour l’échange et le renforcement des ressources humaines. Le congrès fait office de plateforme idéale pour le partage d’expériences et de bonnes pratiques en matière de promotion et protection des droits constitutionnels des citoyens.
Autres thèmes abordés
Nous avons abordé trois thèmes différents, comme le mécanisme utilisé par les différents pays pour promouvoir et protéger les droits constitutionnels des citoyens. Le rôle de la cour constitutionnelle et des institutions est équivalente dans les différents pays. Nous avons également parlé de la direction future de ces pays, du renforcement de la promotion et de la protection des droits constitutionnels des citoyens.
Coopération parmi les institutions
Nécessité de coopérer
La communication nationale favorise les échanges positifs entre les nations. La coopération entre les institutions fédérales est essentielle. La simulation ne suffit plus au sein des institutions intergouvernementales qui leur sont exclusives. La coopération parmi les institutions judiciaires est devenue nécessaire. Pour moi, la coopération et les synergies entre les institutions judiciaires répondent à nos perceptions des besoins en matière de sécurisation constitutionnelle.
Coopération en Asie
En Asie, la coopération entre les institutions judiciaires a été mise en place entre les 16 cours constitutionnelles et institutions depuis la création de l’AACC en 2010. La palette des activités de l’AACC a été et continue à être régulière. L’objectif reste de renforcer l’efficacité respective des institutions membres en matière de suprématie constitutionnelle. Cela permet d’instaurer la démocratie, la protection des droits de l’homme et les droits constitutionnels des citoyens.
Coopération entre les nations
Lors du récent congrès de l’AACC, nous avons accepté d’élargir la portée de cette coopération. Nous avons accepté d’envisager d’autres manières de renforcer la coopération avec d’autres associations de cours constitutionnelles. Prenons l’exemple de la CJCA basée en Algérie. La décision fut en partie renforcée par le fait que les nations d’Asie et d’Afrique ont longtemps été unies par un sens de la collaboration. Une conférence Afrique-Asie avait été organisée à Banda, en Indonésie, il y a plus de 16 ans.
Manières de renforcer la coopération avec l’AACC
Créer des synergies
J’espère que nous parviendrons à créer ce même esprit de coopération entre les institutions en Asie et en Afrique. Par ailleurs, en tant que président de l’AACC, j’espère aussi que l’AACC et l’ACCPUF sauront créer des synergies et définir une orientation claire à notre coopération. L’objectif est de renforcer et d’optimiser le travail ainsi que le rôle de nos associations. Je constate qu’il existe de nombreuses opportunités pour l’AACC et l’ACCPUF. Pourquoi ne pas planifier par exemple un rendez-vous pour que les institutions judiciaires échangent régulièrement leur expérience et leur expertise. Nous pourrions améliorer, par le biais de ces activités, la compréhension des événements qu’ont vos juges.
Échange de connaissances
Par ailleurs, des échanges réguliers pourraient peut-être être organisés sur les décisions entre les associations. Ce serait avantageux pour les parties de connaître et comprendre comment chaque entité améliore sa perspicacité dans ses décisions. Cela pourrait également faire office de source d’inspiration et de cadre de référence lorsque des décisions sont prises sur des cas similaires. Le dernier point officiel est que nous programmons aussi des plans d’amélioration et de réforme.
Améliorer l’expertise des employés
Nous pouvons proposer des réunions à vos employés afin qu’ils apprennent les uns des autres, partagent des informations et mènent des échanges. Le projet a pour objectif de mieux connaître et comprendre vos employés. Nous pouvons espérer davantage de leur part par rapport à leur mission de soutien auprès de nos institutions respectives. Je sais que l’on pourra continuer à profiter d’avantage de votre engagement répété à renforcer la coopération et développer les synergies entre l’AACC et l’ACCPUF. Avant de terminer, je tiens à vous dire que je souhaite vraiment que cette conférence se déroulera parfaitement, sans encombre.
1ère session – Le cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Synthèse des réponses au questionnaire
Mathieu Disant, Professeur à l’Université Lyon Saint-Étienne, Expert auprès de l’ACCPUF
Cette synthèse, comme les deux suivantes, est réalisée à partir des trente réponses adressées par les destinataires du questionnaire. Bien entendu, elle ne peut rendre compte de la grande diversité des situations des institutions membres de l’ACCPUF. Il s’agit de restituer les réponses apportées par les cours, le plus fidèlement possible, mais aussi le plus brièvement possible – deux exigences souvent… contradictoires !
À ce stade, par convention, j’entendrai largement la notion de contradictoire pour viser l’ensemble des opérations tendant à ce que tous les intéressés aient été mis à même de participer aux recours portés devant vos cours.
Résumons en un mot ce qui rend possible et fonde la contradiction : le caractère juridictionnel de vos institutions, la reconnaissance par vos cours et vos législations nationales de « parties » et de « procès », même si cette reconnaissance réserve plusieurs spécificités.
1. Il est important de souligner immédiatement que la latitude d’investigation et la profondeur du contrôle exercé par vos cours n’est pas obligatoirement liée au contradictoire.
D’ailleurs, la procédure n’est délibérément pas contradictoire au sein de certaines cours, au Burundi, en Guinée, au Liban, ou plus encore au Sénégal où la loi organique en dispose ainsi expressément. L’identité profonde de la justice constitutionnelle, sinon son efficacité s’y opposerait selon les réponses du Conseil constitutionnel du Liban, lequel souligne le souci que ses décisions soient fortement argumentées pour montrer que la finalité du contradictoire peut être assurée, sans procédure contradictoire formalisée.
Il n’en reste pas moins que cela fait figure d’exception au regard de l’ensemble de vos cours, où le caractère contradictoire de la procédure est le plus souvent explicitement consacré par un texte. Parfois de façon très solennelle, lorsque c’est la Constitution elle-même qui s’en charge (Albanie, Cambodge, Gabon, Suisse).
Le plus souvent par la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la cour. Celle de Monaco a été modifiée en ce sens le 19 juin 2015, s’agissant du Tribunal suprême de Monaco. La loi organique y fait référence par exemple en France, au Burkina Faso, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Maroc, Niger, RDC, ou encore la loi spéciale s’agissant de la Cour belge. Le caractère contradictoire de la procédure découle finalement de l’économie générale des textes applicables à vos cours. Il découle parfois plus explicitement de la compétence générale d’appel confiée par exemple à la Cour suprême du Canada.
À titre subsidiaire, le principe est posé dans les règlements intérieurs fixant les règles de procédure, au Bénin, Mauritanie, Togo et en République de Moldova.
Il est à noter, sur ce point, le cas de la Roumanie. Sous l’effet d’une disposition de renvoi opérée par la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le caractère contradictoire de la procédure est formellement prévu par le code de procédure civile. De sorte que la procédure constitutionnelle se trouve complétée par les règles de droit commun, dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec la nature de la procédure constitutionnelle – l’appréciation de cette compatibilité relevant exclusivement de la Cour. On relève également que les dispositions du code de procédure civile s’appliquent à titre subsidiaire à la Cour constitutionnelle en Angola.
2. Vos jurisprudences témoignent aussi de l’attention portée au principe du contradictoire. C’est à la lumière de ce principe que la Cour de Belgique interprète de façon constante l’article 6 de la loi spéciale, qui indique que la requête en annulation doit contenir un « exposé des faits et moyens ». Elle définit ainsi plusieurs exigences tenant à l’exposé clair et univoque des moyens, animées « par le souci d’offrir aux autres parties au procès la possibilité de répliquer aux arguments des requérants ». « Admettre une requête imprécise » ou « se réserver le droit de développer ses arguments plus tard dans la procédure », juge la Cour, « mettrait en péril le caractère contradictoire de la procédure, dès lors que la partie qui interviendrait pour défendre les dispositions législatives attaquées ne serait pas mise en mesure de fournir une défense utile ».
3. Nombre de coutumes ou usages internes à vos institutions complètent, le cas échéant, ces dispositifs textuels ou jurisprudentiels. C’est le cas généralement pour l’organisation interne du travail de vos cours. Ces usages peuvent concerner :
- les modalités de dépôt des requêtes (la Cour du Gabon demande au requérant de déposer sa requête en vingt-deux exemplaires) ;
- l’attribution des affaires selon la spécialité du membre rapporteur (par exemple au Maroc) ;
- les modalités de circulation interne du rapport du rapporteur (Sénégal) ;
- les modalités de communication au gouvernement d’une demande contestant une loi (Slovénie) ;
- ou encore l’organisation des débats lors de l’audience (comme le souligne la Belgique).
Cela peut aussi concerner la computation du délai de réponse accordé au requérant après communication de la mesure d’instruction initiale. Par exemple, la fixation d’un délai procédural de 15 jours, ainsi que la limitation à trois lettres de rappel, sont des usages propres à la Cour constitutionnelle du Bénin. Cette manière de procéder n’est pas écrite. Elle a été décidée par l’Assemblée générale des conseillers de la Cour, dans le but d’un traitement diligent des recours.
Autre pratique, en France, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori, une réunion de travail réunissant le rapporteur et le représentant du Secrétariat général du gouvernement (SGG) est organisée systématiquement dans les jours qui suivent la saisine. Un questionnaire établi à partir des griefs soulevés dans la saisine des parlementaires sert de base à la discussion. À la suite de cette réunion, le SGG produit des observations écrites qui sont communiquées aux parties et autorités. On retrouve une démarche comparable en Slovénie.
En Roumanie, s’est affirmée la pratique des « conclusions supplémentaires ». Il s’agit de proposer la solution à adopter par la Cour, sous la forme d’un document qui n’est pas accessible aux parties. Cette pratique a été instituée en réaction au fait que le juge rapporteur se prononce sur la solution à adopter par le biais de son rapport officiel.
4. Dans les conditions définies par le système juridique considéré, vos cours prennent en considération plus ou moins directement les exigences extranationales imposant le principe du contradictoire. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que l’extension, en droit national, du droit d’accès à un tribunal a été favorisé par ces exigences, comme le souligne la Suisse par exemple.
Prenant acte de la jurisprudence Ruiz-Mateos de la Cour européenne des droits de l’homme [1]. , la Cour constitutionnelle de Belgique a reconnu que « l’article 6, § 1er [de la Convention EDH] pouvait être applicable à une juridiction constitutionnelle » [2]. Même démarche en Slovénie.
Devant la Cour constitutionnelle de Moldova, cet article a servi d’argument pertinent pour l’interprétation extensive des sujets autorisés à soulever l’exception d’inconstitutionnalité devant la Cour, de façon à ne pas limiter la possibilité de transmission de l’exception d’inconstitutionnalité uniquement par l’intermédiaire de la Cour suprême de justice. Ainsi, dans son arrêt du 9 février 2016, la Cour a jugé que le droit d’accès à l’instance constitutionnelle des citoyens à travers l’exception d’inconstitutionnalité représente une forme du droit à un procès équitable.
Quant aux dispositions de l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples – qui posent les principes du droit d’accès à un juge impartial et indépendant, du droit à un procès équitable, du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, des droits de la défense –, elles sont d’application courante devant la Cour constitutionnelle du Bénin.
Nous trouvons ici un prolongement aux travaux réalisés l’année dernière au Congrès triennal qui s’est tenu à Lausanne. Si l’influence de la jurisprudence de la Cour EDH se fait sentir pour les cours européennes concernées, plusieurs de vos cours soulignent qu’elles ne se réfèrent en la matière qu’aux dispositions nationales sans que la nécessité de puiser dans le vivier international ne se fasse sentir pour organiser leur procédure (Par exemple, au Cambodge, Côte d’Ivoire, Mali, Maroc, RDC, Sénégal).
5. Différents paramètres enserrent – ou sont de nature à enserrer – l’organisation du contradictoire. Il y a, bien sûr, la question des délais de jugement. Ils sont variables, en droit comme en fait. Sans pouvoir ici affiner selon les procédures concernées, le délai moyen de jugement varie de quelques jours à plus d’1 an.
Heureuses – mais rares ! – sont les cours qui ne sont strictement soumises à aucun délai. Par exemple, le seul délai imposé par la loi à la Cour de Slovénie concerne le jugement de constitutionnalité d’un référendum – délai d’ordre, de surcroît, que la Cour dépasse assez souvent. Point de délai fixe non plus pour le Tribunal fédéral suisse, tout dépend de la nature de la cause et de son importance, la durée moyenne de procédure étant de 4 à 5 mois. La Cour suprême du Canada doit quant à elle rendre jugement avec « une promptitude raisonnable », ce qui en pratique correspond à un délai moyen de 6 mois après la mise en délibéré.
La plupart des cours souligne volontiers que des délais contraints ne constituent pas une limite à la mise en oeuvre du contradictoire – singulièrement dans la cadre du jugement des exceptions d’inconstitutionnalité compte tenu de la reprise des arguments développés devant les juridictions ordinaires. Cette appréciation semble largement partagée pour le contrôle de constitutionnalité, elle l’est moins en matière électorale.
Pour autant, le cadre de déroulement des procédures dépend largement de la nature du délai qui pèse sur vos cours. Il convient de distinguer selon que le délai pour statuer est seulement un délai d’ordre, c’est-à-dire simplement indicatif, avec valeur de recommandation (comme en Roumanie), ou un délai de rigueur que la Cour entend respecter scrupuleusement (par exemple en France).
En Belgique, il arrive que le dépassement du délai soit dû à la nécessité de respecter le contradictoire. Ainsi, lorsque plusieurs affaires sont jointes, il arrive régulièrement que le délai d’un an soit dépassé vis-à-vis des affaires les plus anciennes. Ce dépassement s’explique par la nécessité de respecter les délais de procédure permettant aux parties intervenant dans l’affaire la plus récente d’échanger leurs arguments.
La Cour du Bénin n’a pas hésité à aménager de façon coutumière la procédure d’instruction en triplant le délai de réponse de 15 jours mentionné par les textes. Cet aménagement pratique vise précisément à assurer le principe du contradictoire.
En France, compte tenu de la brièveté des délais impartis au Conseil constitutionnel pour juger les QPC, au lieu de procéder à des échanges successifs de mémoires contradictoires entre les parties à une procédure, il est demandé à toutes les parties de produire dans un même délai. Puis il leur est identiquement accordé un nouveau délai pour produire des secondes observations, en réponse à celles qui ont pu être produites lors du premier délai par les autres parties.
7. Je terminerai en mentionnant que plusieurs évolutions sont programmées ou envisagées pour renforcer le contradictoire.
Elles s’inscrivent parfois dans un plan de réforme plus vaste visant à renforcer l’ensemble du système juridique et juridictionnelle, comme c’est le cas pas exemple en Angola.
De façon plus spécifique, certaines cours ont fait état de leurs souhaits :
- de faire progresser la communication des pièces et mémoires (Bénin) ;
- d’organiser des plaidoiries au cours d’une audience publique pour permettre aux parties de discuter de vive voix les moyens de droit ;
- d’accorder « un temps raisonnable aux parties pour leurs observations sur le rapport » (Cameroun) ; délai qui tienne compte aussi des contraintes matérielles et géographiques pour permettre à chacun de rejoindre le siège de la Cour (RDC) ;
- de fixer « les critères de priorité pour l’examen des affaires [en tenant compte] du délai raisonnable » (Moldova) ;
- d’instaurer « l’obligation du Parquet général près la Cour de communiquer aux parties son avis écrit émis dans le dossier afin de permettre à celles-ci d’y répliquer éventuellement » (RDC).
D’autres cours, en particulier celles du Mali et du Maroc, mais aussi les Conseils d’Algérie et du Burkina Faso, associent très justement la progression du contradictoire, et notamment la publicité des débats, à la mise en oeuvre d’une voie d’accès du citoyen à la cour par voie incidente, procédure au cours de laquelle les parties au procès ont vocation à participer.
La mise en forme d’une procédure dématérialisée est une préoccupation commune.
L’outil n’est pas encore généralisé, mais son installation est en cours et déjà bien avancé au sein de plusieurs de vos institutions. Les cours qui la pratiquent (notamment en Slovénie, Suisse depuis 2007, elle est obligatoire en France pour les QPC) y décèlent une évolution qualitative des méthodes de travail dans le traitement des dossiers et un progrès en terme d’accessibilité pour les parties et mandataires. Une véritable plate-forme de distribution, et une mise à disposition d’un formulaire procédural existent auprès du Tribunal fédéral suisse, au sein duquel un grand projet de dossier électronique est actuellement en cours.
L’outil est donc incontestablement utile mais il ressort de vos réponses, tant pour les cours qui ont mis en œuvre cette dématérialisation que pour celles qui projettent de le faire, que l’innovation technologique est, en elle-même, assez neutre sur le plan de la mise en contradiction des débats.
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[1]
C.E.D.H., arrêt Ruiz-Mateos c. Espagne, 23 juin 1993 [Retour au contenu] -
[2]
C.C., arrêts n°35/94 et 36/94. [Retour au contenu]
L’exemple de la Cour suprême du Canada
Richard Wagner, Juge à la Cour suprême du Canada [1]
Roger Bilodeau, Registraire à la Cour suprême du Canada
Roger Bilodeau
Merci Monsieur le président et merci à la Cour de Moldavie pour cet accueil. Nous sommes très heureux d’être ici pour la conférence. En quelques minutes, le juge Wagner et moi-même allons vous présenter le cadre général des procédures à la Cour suprême.
En introduction, j’aimerais vous livrer quelques informations sur le rôle et la juridiction de la Cour suprême.
Il convient tout d’abord de le préciser, la Cour suprême du Canada est une cour de dernier ressort pour tout le pays. Cette cour a compétence nationale, dans les deux langues (anglais et français) et dans les deux systèmes juridiques (common law et droit civil).
Nous pouvons également le rappeler, la Cour suprême du Canada figure au sommet de l’appareil judiciaire canadien, à côté des branches exécutive et législative. Mais chacune de ces branches conserve, dans le système britannique, son statut particulier incluant celui de la Cour suprême du pays. La Cour suprême se situe d’ailleurs juste à côté du Parlement canadien. Sur le site web, nous avons une déclaration de la Juge en chef qui nous rappelle l’importance de l’État de droit. Il s’agit d’un fondement de notre système, comme pour beaucoup d’autres systèmes dans le monde. Dans la hiérarchie des tribunaux, la Cour suprême est une cour d’appel de deuxième niveau. Dans chacune des treize provinces et territoires du Canada, existent une cour d’appel et une cour supérieure. Tous les litiges prennent naissance dans une cour supérieure, avant d’arriver éventuellement en appel dans la cour de la province ou du territoire. C’est seulement après ces étapes que l’affaire peut arriver en Cour suprême. Le juge Wagner expliquera, sous peu, comment les affaires arrivent à la Cour suprême du Canada. Je vais passer quelques étapes afin d’aborder directement la procédure et les démarches suivies auprès de la Cour suprême. Je vous rappelle que la Cour suprême est une juridiction qui remonte à 1875. En vertu de la loi sur la Cour suprême du Canada, cette juridiction est considérée comme une cour d’appel finale. Jusqu’en 1949, les décisions de la Cour suprême pouvaient être portées en appel au Conseil privé de Londres. La Cour suprême a dorénavant le dernier mot et a donc le statut de cour d’appel de dernier ressort. Cette ancienne possibilité de recours est un aspect important de notre histoire dans le cadre particulier du Canada avec ses deux systèmes de common law et de droit civil. Le juge Wagner est l’un des trois juges issus du Québec à la Cour suprême du Canada. La loi prévoit en effet neuf juges à la Cour suprême, dont trois doivent provenir du système de droit civil du Québec. Les six autres juges sont de formation de common law des autres provinces du territoire. Le juge Wagner, qui est donc l’un de ces trois juges issus du Québec, pourra vous parler du statut constitutionnel, récemment confirmé par la Cour suprême dans un renvoi.
Richard Wagner
La loi sur la Cour suprême est une loi du Parlement fédéral. En 1982, la Constitution canadienne a été rapatriée du Royaume-Uni. Le statut de la Cour suprême n’avait jamais été précisé comme faisant partie de la Constitution du Canada. En 2014, la Cour suprême a dû se prononcer sur les critères d’éligibilité d’un juge qui devait occuper un poste au Québec. Dans ce contexte-là, la Cour suprême a décidé de saisir cette opportunité pour déclarer qu’elle faisait partie de la Constitution canadienne. Cela implique qu’il est impossible de modifier la constitution de la Cour suprême du Canada (le nombre de juges, les sièges réservés au Québec…) sans un amendement constitutionnel. Or, les amendements constitutionnels sont rares au Canada car ils nécessitent l’assentiment de sept provinces sur dix, ayant 50 % de population canadienne. Les chances de faire passer un amendement sont donc très minces. Cette situation garantit le statut des juges du Québec à la Cour suprême mais également une certaine pérennité de la Cour.
Roger Bilodeau
La Cour actuelle est composée de neuf juges, contre six auparavant. Lorsque la Cour siège, les juges sont vêtus de toges noires et blanches. Les juges sont tous désignés par le Premier ministre sur avis du cabinet et après de multiples consultations. Notre Juge en chef actuelle, qui siège depuis 2000 et qui détient le record de longévité dans cette fonction, est également la première femme à occuper ce poste.
Les affaires se retrouvent devant la Cour suprême après une saisine de la part d’une des parties. La Cour ne peut pas s’auto-saisir.
Richard Wagner
Tous les dossiers amenés devant la Cour suprême du Canada le sont sur permission en principe, à l’exception de deux cas. En matière de droit criminel, lorsque le tribunal a rendu une décision de façon majoritaire, l’appel se fait de plein droit. Le gouvernement fédéral peut, comme il l’a fait pour le renvoi sur la Cour suprême, soumettre à la Cour suprême une demande pour étudier la constitutionnalité d’un projet de loi. Le reste des dossiers sont entendus sur permission. La requête pour permission est toujours faite par écrit. Quatre cents à six cents demandes sont portées tous les ans. 30 % de ces dossiers sont présentés par des personnes qui se représentent seules, sans l’aide d’avocat. Nous entendons parmi ces demandes, environ quatre-vingt dossiers par an. Les dossiers sont entendus dans un délai variant de six à neuf mois à compter de l’autorisation d’appel. La Cour décide d’entendre un dossier selon le critère d’intérêt d’importance. Auparavant, les dossiers étaient sélectionnés selon le critère d’intérêt national. Mais comme le Québec est régi par le droit civil et les autres provinces par le common law, les critères définissant l’intérêt général peuvent différer. Le critère d’intérêt d’importance a donc été choisi.
Neuf juges sont présents à la Cour suprême. Ils siègent à sept dans certains cas et à cinq dans les cas d’appel de plein droit. La plupart des décisions sont prises par écrit, dans les deux langues. Les deux versions ont la même force de loi. Les juges ont le droit à la dissidence. Les décisions se prennent à la majorité.
Toutes les audiences sont publiques et télédiffusées en direct sur tout le territoire. Les parties disposent d’un délai de 60 minutes pour plaider. Aucune partie ne peut s’adresser à la Cour sans avoir déposé un mémoire écrit. Les parties ne sont pas seules à pouvoir s’adresser à la Cour. Tout intervenant peut demander la permission de s’adresser à la Cour. Les procureurs généraux des dix provinces canadiennes disposent d’un droit d’intervention prévu par la loi. Les autres parties civiles (groupe de pression, lobby…) peuvent demander la permission d’être entendues en tant qu’intervenant dans un dossier qui représente un intérêt. Leurs interventions peuvent en effet être pertinentes pour la Cour. Le jugement est rendu dans un délai de six mois en principe, mais dans certains dossiers d’appel de plein droit, le jugement peut être rendu séance tenante. Cela reste cependant exceptionnel. La plupart des décisions sont prises après délibéré, par écrit, dans les deux langues officielles. Une réponse est apportée aux demandes sous trois à quatre mois. De la date d’autorisation jusqu’à l’audience, neuf mois s’écoulent environ. Enfin six mois séparent la date de l’audience du jugement final.
Roger Bilodeau
Pour conclure, je rappelle que les parties doivent déposer des mémoires. Si la cause est acceptée en appel, les parties se présentent devant les juges. Ensuite, le tribunal se retire et délibère pour décider de l’orientation du jugement et le préparer pour le rendre dans les mois suivants. Aucune autre partie que les neuf juges n’assiste au délibéré.
Voici un bref résumé de la façon dont se déroule la procédure à la Cour suprême. Nous sommes à votre disposition si vous avez des questions.
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[1]
Le 18 décembre 2017, Richard Wagner a été nommé juge en chef du Canada. [Retour au contenu]
L’exemple de la Cour constitutionnelle de Belgique
Jean Spreutels, Président de la Cour constitutionnelle de Belgique
1. Aspects généraux du caractère contradictoire de la procédure devant la Cour constitutionnelle
1.1 – La procédure devant la Cour constitutionnelle est essentiellement écrite, inquisitoire, gratuite et contradictoire. Ce caractère contradictoire résulte de dispositions législatives et réglementaires, dont des directives émises par la Cour, de la jurisprudence et d’usages.
1.2 – Aucun texte ne prévoit expressément que la procédure devant la Cour doit être contradictoire. Mais la façon dont la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle organise la procédure traduit sans équivoque la volonté du législateur de garantir le respect du principe du contradictoire devant la Cour. Ainsi, cette loi dispose explicitement que lorsque la Cour entend les parties, cela doit se faire « contradictoirement ». Elle indique aussi que lorsque la Cour décide d’entendre d’autres personnes, les parties et leurs avocats sont convoqués. Il en va de même en cas de descente sur les lieux. L’ordonnance fixant la mission des experts est communiquée aux parties. La minute du rapport d’expertise est déposée au greffe et les parties en sont avisées.
1.3 – Dans la procédure ordinaire, la Cour, saisie soit d’un recours en annulation, soit d’une question préjudicielle fait publier un avis détaillé au journal officiel. Cet avis, indique, selon le cas, l’auteur et l’objet du recours ou la teneur de la question préjudicielle ainsi que le numéro de l’affaire au rôle de la Cour. En même temps, le recours ou la décision de renvoi de la question préjudicielle est communiqué par le greffe au gouvernement fédéral et aux gouvernements des entités fédérées, ainsi qu’aux présidents des assemblées législatives. Les décisions de renvoi de questions préjudicielles sont aussi notifiées aux parties devant la juridiction de renvoi. Tous les destinataires de ces notifications, ainsi que toute personne justifiant d’un intérêt peuvent faire parvenir un mémoire à la Cour. L’envoi de ce mémoire les rend « parties au litige ».
Le greffe notifie les mémoires reçus à toutes les parties. Chaque partie peut faire parvenir un second mémoire au greffe. Tous les mémoires reçus sont, à nouveau, adressés par le greffe aux autres parties. De la sorte, aussi bien dans une procédure sur recours en annulation que dans une procédure sur question préjudicielle, chaque partie devant la Cour, requérant, Conseil des ministres, gouvernement fédéré, partie intéressée, dispose de la possibilité de s’exprimer dans deux écrits de procédure.
À la fin des délais impartis pour l’échange des mémoires, la Cour procède à la « mise en état » de l’affaire, c’est-à-dire qu’elle constate que l’affaire est en état d’être jugée. Elle peut décider à ce moment de poser des questions complémentaires aux parties et, éventuellement, de les entendre au cours d’une audience publique.
1.4 – Dans les affaires qui font l’objet d’une procédure simplifiée, le rapport des juges rapporteurs est communiqué, selon le cas, à la partie requérante, aux parties devant la juridiction de renvoi et, si le rapport conclut à une violation manifeste de la Constitution, au Conseil des ministres fédéral, aux gouvernements des entités fédérées et aux présidents des assemblées. Tous les destinataires de ces notifications disposent d’un délai de 15 jours pour faire parvenir leurs observations à la Cour. Après avoir reçu ces observations, la Cour décide soit de mettre fin à l’affaire par un arrêt conforme aux conclusions des juges-rapporteurs, soit d’entamer la procédure ordinaire.
1.5 – Pour le surplus, la Cour a adopté un règlement d’ordre intérieur dont l’article 2 l’autorise à arrêter des directives de procédure lorsque la mise en oeuvre des règles de procédure établies par la loi spéciale appelle une interprétation ou des précisions. Elle l’a fait dans deux situations, organisant elle-même en détail le caractère contradictoire de la procédure.
1.6 – En application de l’une de ces directives, lorsqu’une demande de suspension de la norme attaquée est introduite, la Cour fixe une audience et invite le Conseil des ministres, les gouvernements des entités fédérées et les présidents d’assemblées législatives à communiquer des observations écrites dans le délai qu’elle détermine. La Cour a ainsi, par voie de directive, organisé elle-même le caractère contradictoire de la procédure sur demande de suspension.
1.7 – Une autre directive concerne les mémoires tardifs. Ici aussi, la Cour organise le caractère contradictoire de la procédure par laquelle le mémoire introduit hors délai est écarté, en permettant à l’auteur de ce mémoire de faire valoir ses observations par écrit au sujet du dépassement du délai.
1.8 – Plusieurs principes développés par la jurisprudence constitutionnelle montrent que la Cour est attentive à assurer le respect du contradictoire. Par exemple, elle interprète l’article 6 de la loi spéciale, qui indique que la requête en annulation doit contenir un « exposé des faits et moyens », à la lumière du respect du contradictoire.
Dans le même souci, la Cour n’admet pas qu’une partie renvoie aux arguments qu’elle a développés à l’occasion d’une autre affaire si toutes les parties en présence ne sont pas les mêmes, estimant que tolérer une telle pratique porterait atteinte aux droits de la défense.
1.9 – Au contentieux préjudiciel également, la Cour est attentive au fait que les parties doivent pouvoir, dès le début de la procédure, mener une défense utile et doivent donc, pour cela, être en mesure de comprendre l’objet et la portée du litige constitutionnel. 1.10 – Enfin, l’organisation des débats lors de l’audience n’est pas organisée par la loi. Ce sont donc des usages qui prévalent en cette matière.
2. Aspects particuliers du caractère contradictoire de la procédure devant la Cour constitutionnelle
2.1 – La loi spéciale impose à la Cour de statuer dans un délai de six mois à compter de la saisine (art. 109, qui prévoit une possibilité de prorogation de six mois supplémentaires au maximum ; en pratique, le délai est toujours prorogé). Il ne s’agit pas d’un délai d’ordre, mais d’un délai de rigueur, qui est parfois dépassé, pour des raisons diverses.
Cela dit, l’exigence du respect du délai ne conduit jamais la Cour à limiter la mise en oeuvre du principe du contradictoire. Au contraire, il arrive que le dépassement du délai soit dû à la nécessité de respecter ce principe. Ainsi, lorsque plusieurs affaires sont jointes, il arrive régulièrement que le délai d’un an soit dépassé vis-à-vis des affaires les plus anciennes. Ce dépassement s’explique par la nécessité de respecter les délais de procédure permettant aux parties intervenant dans l’affaire la plus récente d’échanger leurs arguments.
2.2 – La procédure devant la Cour a un caractère inquisitoire. La loi spéciale sur la Cour constitutionnelle précise, en son article 91, que la Cour « a les pouvoirs d’instruction et d’investigation les plus étendus ». Cette disposition indique que la Cour peut notamment correspondre directement avec toute autorité publique, entendre contradictoirement les parties et se faire communiquer par elles et par toute autorité publique tous documents et renseignements ayant trait à l’affaire, entendre toute personne dont elle estime l’audition utile, procéder sur les lieux à toute constatation, commettre des experts. Elle interroge souvent les parties, voire même le juge de renvoi.
2.3 – On relèvera enfin que, quant à la publicité donnée aux pièces de la procédure, le contenu de la requête en annulation et des mémoires échangés n’est pas publié par la Cour, mais il est résumé dans l’arrêt. Les requêtes en annulation peuvent être consultées au greffe dans les trente jours qui suivent la publication de l’avis d’enrôlement au Moniteur belge. Les mémoires ne sont communiqués qu’aux parties. Les audiences sont publiques mais elles ne sont pas filmées ou enregistrées. Tous les actes et pièces adressées à la Cour sont systématiquement communiqués aux parties, il n’y a pas, vis-à-vis des parties, lieu de parler de « secret de l’instruction ».
3. La procédure écrite devant la Cour constitutionnelle
3.1 – Les parties peuvent intervenir en personne ou se faire assister ou représenter par un avocat. Il n’y a par ailleurs pas de barreau spécialisé et la Cour peut commettre un avocat d’office.
3.2 – Le mécanisme de l’intervention permet la participation de tiers dans le procès constitutionnel, la personne intervenante devenant partie à la procédure. Pour que l’intervention soit recevable, il est requis que la partie intervenante démontre son intérêt. La Cour interprète cet intérêt de façon assez large.
L’intervenant devenant partie à la procédure, toutes les pièces lui sont notifiées et il dispose, à l’instar des autres parties, de deux écrits de procédure et du droit de demander la tenue d’une audience.
3.3 – La Cour peut aussi, conformément à l’article 90 de la loi spéciale, soulever des moyens qui paraissent devoir être examinés d’office, mais alors, sauf si les parties ont déjà eu l’occasion de s’exprimer à ce sujet, elle ordonne la réouverture des débats. De manière analogue, au contentieux préjudiciel, la Cour peut être amenée à compléter d’office une question, en mobilisant des normes de référence qui n’étaient pas évoquées par le juge de renvoi. Ou soulever d’office la question relative à la compétence de l’auteur de la norme à l’occasion d’une question posée au contentieux des droits et libertés. Dans ce cas aussi, elle rouvre les débats pour permettre aux parties d’échanger leurs arguments sur ce point.
4. La procédure orale devant la Cour constitutionnelle
4.1 – La procédure comprend une phase orale facultative. En règle, la Cour décide de ne pas organiser d’audience, sauf si une des parties au moins en fait la demande. Les parties disposent d’un délai de sept jours, à compter de la notification de l’ordonnance de mise en état, pour demander la tenue d’une audience. Les parties ne doivent pas motiver leur demande d’être entendues et la Cour ne refuse jamais d’organiser l’audience si une partie au moins en fait la demande.
4.2 – Si une audience est tenue, elle est aussi régie par le principe du contradictoire. Le défenseur de la norme attaquée ou en cause a toujours la parole en dernier lieu. Le président donne ensuite l’occasion aux juges de poser des questions. Il est assez rare que le président ou les juges interrogent les parties directement à l’audience.
4.3 – Il arrive que les débats soient rouverts si un élément apparaît en cours de délibéré au sujet duquel les parties devraient s’expliquer. La Cour interrompt alors son délibéré et invite les parties à s’expliquer, dans un mémoire complémentaire, au sujet de l’élément nouveau. Les mémoires complémentaires sont échangés. Les parties peuvent se voir à nouveau offrir la possibilité de demander une audience publique.
5. Conclusions
5. – En conclusion, il importe de souligner que le principe du contradictoire est lié au droit de défense qui implique en principe qu’aucun élément pouvant déterminer la décision de l’autorité compétente ne peut être soustrait à la contradiction des débats (arrêt n° 25/2013, B.6.). La Cour a pris acte de la jurisprudence Ruiz-Mateos de la Cour européenne des droits de l’homme [1] qui a « estimé que l’article 6, § 1er, [de la Convention européenne des droits de l’homme] pouvait être applicable à une juridiction constitutionnelle » (arrêts nos 35/94 et 36/94.). La Cour constitutionnelle a admis, à propos des juridictions ordinaires, que les garanties ainsi prévues puissent être limitées, mais à de strictes conditions :
« Les garanties de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme comprennent également le respect du principe du contradictoire. Ce principe implique en règle le droit pour les parties litigantes de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée devant le juge et de la discuter.
Les droits de la défense doivent cependant être mis en balance avec les intérêts qui relèvent du domaine de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (qui garantit le droit au respect de la vie privée). On peut ainsi concevoir des situations exceptionnelles dans lesquelles certaines pièces du dossier échappent à la contradiction.
Toutefois, seules sont légitimes au regard de l’article 6.1 de la Convention précitée les mesures restreignant les droits de la défense qui sont nécessaires dans une société démocratique » (arrêt n° 105/2012, B.7.1).
C’est dans cet esprit que la Cour constitutionnelle applique le principe du contradictoire, qui, dans le système applicable en Belgique, est inhérent au droit à un procès équitable, lui-même élément essentiel de l’État de droit démocratique.
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[1]
C.E.D.H., arrêt Ruiz-Mateos c. Espagne, 23 juin 1993. [Retour au contenu]
L’exemple du Conseil constitutionnel du Burkina Faso
Kasoum Kambou, Président du Conseil constitutionnel du Burkina Faso
Introduction
Le principe du contradictoire, élément essentiel du droit à un procès équitable, doit être respecté devant toutes les juridictions. Prévu par l’article 14 – 3 (a) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, ce principe est défini comme étant le droit pour toute personne accusée d’une infraction pénale, en pleine égalité, d’avoir les garanties suivantes : « a) à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle » afin de pouvoir préparer sa défense. Ce principe, en vertu duquel chaque partie à l’instance doit être en mesure de discuter les prétentions, les arguments et les preuves de l’adversaire, est garanti par la Constitution du Burkina Faso et de façon générale dans toutes les procédures judiciaires.
Ainsi défini, le principe du contradictoire trouve son sens dans tout procès mettant en cause au moins deux parties ayant des prétentions divergentes. Il doit être respecté dans toute procédure, qu’elle soit civile, pénale, administrative ou disciplinaire. C’est tout naturellement qu’il est également envisagé dans le contentieux constitutionnel au niveau des conditions d’accès au prétoire du juge constitutionnel, avec cependant quelques nuances.
Le Conseil constitutionnel Burkinabé, né de l’éclatement en 2000 de la Cour suprême en quatre hautes juridictions (Conseil constitutionnel, Cour de cassation, Conseil d’État et Cour des comptes), trouve l’essentiel de ses attributions dans la Constitution, la loi organique n° 017-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, attributions, fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure applicable devant lui, le règlement intérieur, le code électoral et d’autres textes spécifiques. Ces textes prévoient les conditions d’accès au juge constitutionnel et l’observation des règles d’organisation des recours.
Deux principales catégories de titre de compétence sont dévolues au Conseil constitutionnel :
– une compétence consultative en matière d’empêchement du président du Faso (article 43, alinéa 2 de la Constitution), en matière de pouvoirs exceptionnels du président du Faso (article 59 de la Constitution) et en matière d’ordonnances d’habilitation (article 107 de la Constitution). L’absence de contentieux dans cette catégorie de compétence exclut le respect du principe du contradictoire ;
– une compétence juridictionnelle en matière de contrôle de constitutionnalité et en matière de contentieux électoral et référendaire (article 152 de la Constitution). En raison de la matière et des intérêts en jeu, l’organisation de la procédure contradictoire est envisagée.
I. Le déroulement du contradictoire dans le contentieux normatif
Dans le cadre du contentieux normatif, les attributions du Conseil constitutionnel se limitent au contrôle de constitutionnalité des lois, à la répartition des compétences entre la loi et le règlement, ainsi qu’à la régularité de la procédure de révision de la Constitution. Il s’agit ici pour le Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle dont le but est de confronter la loi aux exigences de la Constitution et des normes internationales ratifiées par le Burkina Faso. La Constitution, la loi organique et le règlement intérieur ne prévoit pas expressément le respect d’une procédure contradictoire dans ce contrôle, même si un rapporteur est désigné par le président pour dire si la loi soumise à l’appréciation du Conseil est conforme à la Constitution ou pas. Ils se contentent de déterminer le délai dans lequel le Conseil constitutionnel doit statuer (un mois dans le cadre d’une procédure normale ou huit jours en cas d’urgence). L’article 45 du règlement intérieur en disposant cependant que « la procédure devant le Conseil constitutionnel est gratuite, écrite et, le cas échéant, contradictoire », donne la liberté au Conseil constitutionnel de respecter le contradictoire toutes les fois qu’il le juge nécessaire (il n’y a pas d’obligation pour le Conseil constitutionnel). L’examen des procédures spécifiques à chaque type de contrôle permet d’apprécier le respect du contradictoire par le Conseil constitutionnel.
– Lorsque le Conseil constitutionnel exerce un contrôle a priori dans le cadre du contrôle de droit portant sur les lois organiques et les résolutions portant adoption ou modification des règlements des chambres du Parlement, la question du respect du principe du contradictoire n’est pas posée. Ce contentieux ne cherche pas à trancher un conflit subjectif entre deux prétentions opposées. Il n’y a pas de contradicteur à l’origine. Or le principe du contradictoire n’a de sens que lorsque deux ou plusieurs parties font valoir des prétentions opposées devant un juge. Il n’y a véritablement pas de litige. Le recours ici est introduit par les autorités administratives habilitées par la loi.
Dans le cas du contrôle facultatif exercé sur les lois ordinaires et les traités, le contrôle a un caractère objectif. Le respect du principe du contradictoire n’a pas été expressément prévu par les dispositions règlementant la procédure devant le Conseil constitutionnel. L’article 51 du règlement intérieur prévoit seulement que lorsqu’une loi ou un engagement international est déféré au Conseil constitutionnel sur l’initiative des députés, le président du Conseil constitutionnel en informe immédiatement le président du Faso, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. Cette information reste une formalité et n’a pas pour effet de provoquer un débat contradictoire entre les saisissants et les personnalités concernées. Cependant, dans la pratique il est instauré un échange d’écriture entre l’administration, auteur de l’acte incriminé et les auteurs de la saisine. Le Conseil constitutionnel dans le cadre des recours introduits par un dixième (1/10) des membres du Conseil national de la transition (CNT) en 2015 contre d’une part la modification de la loi n° 014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral par la loi 005-2015/CNT du 7 avril 2015 de même que la mise en accusation des anciens dignitaires du régime déchu de Monsieur Blaise Compaoré, a notifié les différents recours au président du CNT et au ministre de l’Administration territoriale, auteurs des différents textes, alors qu’aucune disposition légale ne l’y obligeait.
Il s’agit des requêtes suivantes :
Requête de Monsieur SERE dama et huit autres députés du Conseil national de la transition, tous membres du groupe parlementaire de l’Alliance pour la République et de la démocratie (ARD) aux fins de voir déclarer anticonstitutionnelle la résolution de mise en accusation de l’ancien président du Faso Compaoré Blaise et la loi n° 20/95/ADP du 16 mai 1995 portant composition et fonctionnement de la Haute cour de justice et procédure applicable devant elle, modifiée par la loi organique n° 17/2015/CNT du 21 mai 2015
– Lorsque le Conseil constitutionnel exerce un contrôle a posteriori, il se limite uniquement à la protection des droits fondamentaux et des libertés publiques devant les juridictions. Dans ce contentieux, le principe du contradictoire trouve à s’appliquer car le requérant se plaint de la violation d’un droit subjectif. Le Conseil constitutionnel est tenu d’observer les règles régissant le procès contradictoire. Le règlement intérieur organise la procédure contradictoire autour du membre rapporteur qui procède à l’instruction du dossier (article 48 du règlement intérieur).
II. Le déroulement du contradictoire dans le contentieux électoral et référendaire
Au Burkina Faso, les contestations relatives aux élections nationales (élections présidentielle, législatives et référendaires) sont confiées au Conseil constitutionnel. On distingue :
- le contentieux relatif aux listes électorales ;
- le contentieux relatif aux candidatures ;
- le contentieux relatif à la campagne électorale ;
- le contentieux relatif aux opératif aux opérations de vote ;
- le contentieux des résultats.
Quel que soit le type de recours, la procédure est essentiellement contradictoire. Les recours sont déposés au greffe du Conseil constitutionnel. Ils sont communiqués aux autres candidats intéressés par le greffier en chef qui disposent d’un délai de quarante-huit heures dans le cadre de l’élection présidentielle et de trois jours dans le cadre des élections législatives (article 151 et 200 du code électoral) pour déposer un mémoire en défense. Dans tous les cas les échanges d’écritures se font dans le délai de huit jours impartis au Conseil constitutionnel pour statuer.
C’est l’exemple dans la décision n° 2015-016/CC du 5 mai 2015 sur la requête en date du 10 avril 2015 signée par Maître Anna OuattarA-Sory pour le compte d’un collectif d’avocats et introduite au nom de Monsieur Sere Adama et neuf autres, tous députés au Conseil national de la transition, aux fins de voir déclarer anticonstitutionnelles les dispositions des articles 135, 166 et 242 de la loi n° 014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral.
Le règlement intérieur du Conseil constitutionnel précise la procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral. En effet, l’article 79 du règlement intérieur dispose qu’« en cas de contestation, le président commet un membre pour instruire l’affaire. Il peut, le cas échéant, ordonner toute enquête, se faire communiquer tout rapport ou tout document ayant trait à l’élection… ». Les parties sont avisées de la fin de l’instruction et sont invitées à prendre connaissance des pièces du dossier. Elles disposent d’un délai à elles imparti pour formuler leurs observations. Les résultats définitifs des élections sont proclamés en séance solennelle en présence des candidats ou des parties politiques (article 83 du règlement intérieur).
En matière référendaire, le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats définitifs. Il est juge du contentieux résultant des opérations référendaires. À ce titre il examine et tranche définitivement toutes les réclamations (article 32 de la loi organique). Selon l’article 67 du règlement intérieur, lorsque le Conseil constitutionnel constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement des opérations, il lui appartient d’apprécier si eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations soit de prononcer leur annulation totale ou partielle. Aucune disposition légale ne prévoit expressément une procédure contradictoire dans la gestion de ce contentieux. Le Conseil constitutionnel fait observer le contradictoire selon les circonstances de l’espèce.
Conclusion
Au regard de la spécificité des juridictions constitutionnelles, il est inapproprié de parler du principe du contradictoire dans le contentieux normatif, le contrôle restant abstrait. Cependant, toutes les fois que la procédure est ouverte aux particuliers, il importe d’organiser un véritable débat contradictoire avec l’auteur de la norme contrôlée. Au Burkina Faso, la loi 072-2015/CNT du 5 novembre 2015 portant révision de la Constitution a introduit à l’article 157 de la Constitution, la possibilité pour le citoyen de saisir directement le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois. Cette possibilité qui n’existait pas avant constitue une évolution significative dans la protection des droits des citoyens. Il s’impose donc la nécessité d’une mise en forme de la procédure en contentieux constitutionnel des lois pour tenir compte de ces nouveaux acteurs de contrôle de constitutionnalité des lois.
La procédure contradictoire en matière de contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel de Djibouti
Abdoulkader Abdallah Hassan, Membre du Conseil constitutionnel de Djibouti
La procédure suivie devant le Conseil constitutionnel de Djibouti présente des différences sensibles selon que celui-ci statue en matière électorale ou bien dans d’autres matières telles que le contrôle de constitutionnalité des lois ou l’exception d’inconstitutionnalité pour garantir les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. En effet, s’agissant de cette procédure applicable lors d’un contentieux électoral, elle se caractérise particulièrement par le fait qu’elle est beaucoup plus respectueuse des droits fondamentaux inhérents à la justice d’un État moderne notamment au respect des droits de la défense dont découle le principe du contradictoire, le droit à un procès équitable ou encore le droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable. Cependant, il convient donc de remarquer que se dégagent incontestablement un certain nombre de caractères généraux (I) sans toutefois que la marche du procès ne soit pas fondamentalement différente selon les cas (II).
I. Les caractères généraux de la procédure devant le Conseil constitutionnel
La procédure en matière de contentieux électoral est écrite, en principe secrète et de type inquisitoire. Mais elle tend à être de plus en plus contradictoire.
A. Une procédure à la fois écrite et secrète
Les divers actes de la procédure sont écrits. Il n’est guère que le rapport (généralement rédigé) qui soit présenté oralement à l’audience. Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’officieusement puissent avoir lieu des échanges oraux, notamment par voie téléphonique ou par audition de certains fonctionnaires, mais cela ne ressort pas des documents officiels et ne peut être invoqué comme un droit.
Par ailleurs, il ne saurait y avoir, en particulier, de plaidoiries d’avocat devant le Conseil constitutionnel à l’exception du contentieux électoral car les débats ne sont pas publics. Dans le même ordre d’idées, le requérant a même la possibilité de choisir une tierce personne pour le représenter ou l’assister dans les actes de la procédure à la seule condition qu’il doit l’indiquer expressément et par écrit. Il peut arriver que le rapporteur puisse accepter de recevoir des représentants des requérants qui souhaitent développer oralement leurs arguments écrits sans toutefois en faire état dans sa décision. D’autre part, le caractère secret de la procédure peut s’apprécier dans le fait que ne sont publiés ni le compte rendu de l’audience ni les pièces de la procédure (excepté la communication faite aux parties). En principe, la manière dont se sont reparties les voix des juges n’est pas connue non plus.
B. Le caractère essentiellement contradictoire et inquisitorial de la procédure
On pourrait être tenté d’affirmer que la procédure est contradictoire en matière électorale et non contradictoire dans les autres matières qui traitent des cas de juridiction non contentieuse. Autrement dit, lorsque l’on n’est pas en présence de deux prétentions opposées tel que lors des cas de litiges électoraux. D’une manière générale, on peut déplorer le fait que le débat contradictoire a des limites qui tiennent à ce que le Conseil constitutionnel doit statuer dans des délais relativement brefs mais cela n’empêche pas, parfois, l’intensité des échanges contradictoires. En effet, selon l’article 1er du règlement du 10 juillet 1993 applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux des élections, pour contester une élection, un candidat ou parti politique doit impérativement adresser sa requête au secrétariat général de l’institution dans un délai de dix jours qui court à compter du jour qui suit celui de la proclamation officielle des résultats provisoires de l’élection par le ministère de l’Intérieur. Toutefois, il est important de souligner que ce délai expire le dernier jour à minuit et que la requête n’a pas d’effet suspensif. En ce qui concerne l’aspect inquisitorial de la procédure applicable en matière du contentieux électoral, on constate que le juge constitutionnel conduit incontestablement la procédure comme le fait d’ailleurs le juge administratif dans la mesure où il procède lui-même à la jonction des requêtes, rejette sans instruction préalable des requêtes irrecevables, ordonne éventuellement des mesures d’instruction (notamment une enquête ou un transport sur les lieux en matière électorale), des auditions, provoque la production d’observations complémentaires, etc.). Enfin, le juge constitutionnel peut se faire communiquer certains renseignements ou documents par les différentes administrations (ministère des Finances, de la Justice, de l’Intérieur ou des Affaires étrangères).
II. L’instance devant le juge constitutionnel
Au-delà de la diversité de ses attributions, force est de constater qu’on retrouve une démarche semblable dans tous les cas où le Conseil constitutionnel est amené à rendre une décision.
A. La saisine : préalable incontournable en matière de contentieux électoral
Conformément à l’article 77 de la Constitution de Djibouti, « le Conseil constitutionnel est saisi en cas de contestation sur la validité d’une élection par tout candidat et tout parti politique ».
Quant à la forme de la saisine, elle est très simple puisqu’il s’agit le plus souvent d’une ou plusieurs lettres adressées au président du Conseil constitutionnel et enregistrées au Secrétariat général dans l’ordre de leur arrivée. Ces requêtes ne sont soumises à aucune condition de timbre ou de présentation particulière.
Par ailleurs, les délais de saisine sont généralement fixés par les textes (règlement intérieur du Conseil constitutionnel ou par loi ou décret) et sont souvent très brefs. Par exemple, il faut compter quelques heures seulement en matière de contestation de la liste des candidats à l’élection présidentielle et quelques jours pour la contestation des élections législatives ou pour l’élection présidentielle.
Enfin, la juridiction constitutionnelle doit statuer à toutes les requêtes relatives aux contestations portant sur la régularité d’une élection dans un délai raisonnable qui ne peut excéder au maximum une période de deux mois.
B. L’instruction du contentieux électoral proprement dite
L’instruction en matière de contentieux de toutes les élections (présidentielle, parlementaires ou régionales ou communales) fait l’objet de dispositions précises contenues dans des textes législatifs et complétés par le règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux des élections édicté le 10 juillet 1993 en application de l’article 54 de la loi organique n° 4/AN/93/3e L du 7 avril 1993.
Concrètement, l’instruction est confiée, par le président, à l’une des deux sections composées de trois membres désignés par le sort, mais dont chacun devra avoir été désigné par une autorité différente. Le président désigne en outre un rapporteur qui peut être pris parmi les rapporteurs adjoints (qui sont des magistrats de la cour d’appel choisis à partir d’une liste lors du renouvellement partiel des membres du Conseil tous les trois ans). Concrètement, la section impartit un délai au candidat de l’élection présidentielle ou aux candidats des élections législatives, régionales ou communales dont l’élection est contestée pour prendre connaissance des pièces du dossier et pour pouvoir produire leurs observations. Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, la section entend le rapporteur, lequel expose les éléments de fait et de droit du dossier et présente un projet de décision. La section délibère sur les propositions du rapporteur et porte l’affaire devant le Conseil en vue de son jugement au fond. Elle peut également, auparavant, ordonner toute mesure d’instruction qu’elle juge utile.
Enfin, toutes les décisions sont prises en séance plénière dans les mêmes formes et elles bénéficient ensuite de la même mesure de publicité. Le Conseil prend ses décisions en matière de contentieux électoral à la majorité simple. Au cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
2e session – L’organisation de la procédure écrite
Synthèse des réponses au questionnaire
Mathieu Disant, Professeur à l’Université Lyon Saint-Étienne, Expert auprès de l’ACCPUF
Dans le temps imparti, je serai amené à sacrifier certains aspects ou certaines particularités pour me concentrer sur quelques positions structurantes quant à l’organisation de la procédure écrite.
1. La 1re observation concerne l’examen préliminaire de la requête. Il permet d’évaluer le respect des critères formels d’admissibilité et d’écarter la requête qui serait manifestement infondée ou sans portée. Pour reprendre une formule retenue dans la jurisprudence canadienne, qui nous semble relever du bon sens pratique, il s’agit pour la cour de jouir de « toute la latitude requise pour consacrer ses ressources peu abondantes aux causes qui ont une véritable importance pour le public » [1]. Cet examen préliminaire, lorsqu’il existe, donne lieu à une approche différenciée.
En Albanie, cet examen est effectué par un panel de trois juges, sans que la Cour en avise les parties et sans débat contradictoire. Une formation de trois juges également se prononce, dans une sorte de premier filtre, sur les demandes d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada – cela a été évoqué hier par le juge Wagner.
En RDC, le président de la Cour communique le dossier à deux juges pour un examen approfondi qui exercent le filtrage : si ces derniers aboutissent à la même conclusion du rejet de la requête, le dossier est appelé et fixé à une audience après notification faite au requérant et au Procureur général.
En Suisse, le président du Tribunal fédéral, ou un juge désigné par celui-ci, peut décider seul en procédure simplifiée, sans débat contradictoire, de ne pas « entrer en matière » selon la formule retenue. En 2015, environ 3 000 dossiers sur 7 700 ont ainsi été qualifiés d’irrecevables, soit près de 40 % des recours.
Plus largement, la possibilité de rejeter une requête par voie préliminaire est couramment reconnue en matière électorale (France, Congo, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Togo…). Dans ces hypothèses, le contradictoire est en quelque sorte conditionné par la recevabilité. Même si, bien entendu, plusieurs de vos cours reconnaissent la possibilité d’inviter le requérant à régulariser son recours (par exemple Monaco).
Il faut insister sur le cas de la Belgique. Car, lorsque la procédure préliminaire y est mise en oeuvre – on parle d’arrêt rendu sur « courte procédure » -, le principe du contradictoire est dûment respecté. Les conclusions des juges-rapporteurs proposant à la Cour de mettre fin à l’affaire par un tel arrêt sont notifiées, selon le cas, aux parties requérantes ou aux parties au litige devant la juridiction de renvoi. Les destinataires de ces notifications disposent d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations à la Cour. Il arrive ainsi que la Cour, ayant pris connaissance des observations des parties, décide d’abandonner la procédure préliminaire et de traiter l’affaire selon la procédure ordinaire.
On peut relever par ailleurs que le juge rapporteur de la Cour de Slovénie peut communiquer le recours constitutionnel avant que celui-ci soit déclaré recevable, précisément s’il l’estime nécessaire pour la décision sur la recevabilité.
2. 2e observation : Les règles relatives à la production des observations et de succession des mémoires sont légèrement différentes selon le type de procédure en cause (notamment entre recours en annulation et procédure sur question préjudicielle). Vos pratiques en la matière sont aussi nécessairement conditionnées par les capacités matérielles de traitement des dossiers.
Dans l’ordre croissant des délais de production des observations concernant les recours en inconstitutionnalité, il est prévu par exemple : 7 jours (Niger), 8 jours (RDC et Angola), 2 semaines (Albanie), 15 jours (Congo, Madagascar), 3 délais successifs de 15 jours (Bénin), 45 jours (Belgique). À noter qu’en Belgique, où le principe est que chaque partie dispose de deux écrits de procédure, ces délais peuvent être prorogés à la demande des parties.
Une formule plus souple consiste à prévoir un délai fixé par le membre rapporteur. C’est le cas au Burkina Faso, Gabon, Slovénie, et Suisse. Cette compétence revient au président de la cour en Côte d’Ivoire et au Mali. Cela présente l’avantage de moduler au cas par cas ces échanges d’écritures, pour tenir compte de la spécificité de certaines questions posées. La fixation des délais peut alors prendre la forme d’une décision avant-dire-droit, comme au Gabon. Elle peut prendre plus simplement la forme d’une indication lors de la notification (Maroc, Slovénie).
En France, le délai de production des premières observations en QPC est en général de trois semaines, celui des secondes observations de deux semaines – délai standard pour les répliques et dupliques. Ces mêmes délais sont observés, de fait, en Roumanie où les textes ne prévoient pas de délai fixe. Le délai coutumier est plus long en Slovénie, à hauteur de 60 jours, délai rapporté à 15 jours pour les recours individuels. Devant le Tribunal suprême de Monaco, la contre requête du défendeur est présentée dans un délai de 2 mois, les répliques et dupliques dans le délai d’un mois. Le Tribunal fédéral suisse, quant à lui, a pour pratique de fixer le délai à 30 jours, étant précisé qu’il n’y a en règle générale qu’un seul échange d’écritures, un deuxième échange n’est ordonné qu’exceptionnellement.
3. S’agissant des règles d’assistance et de représentation des parties, le droit commun est en général applicable.
Les parties peuvent intervenir en personne ou se faire assister ou représenter par un avocat, l’intervention de ce dernier étant parfois obligatoire, par exemple pour les recours en inconstitutionnalité déposés devant la Cour en Angola ou devant le Tribunal suprême de Monaco. Mais le plus souvent, cette représentation n’est pas obligatoire (Albanie, Belgique, Congo, France, Mali, Suisse).
Au Bénin, comme en Guinée, la Cour distingue l’assistance de la représentation : si l’assistance est possible devant la Cour, la représentation même par avocat ne l’est pas. En France, les avocats disposent d’un monopole pour l’audience publique qui a lieu dans le cadre des QPC, où seuls les avocats aux conseils ou les avocats à la cour peuvent présenter des observations orales. En Roumanie, si les parties choisissent d’être représentées par un avocat, celui-ci doit avoir le droit de plaider devant la Haute cour de cassation et de, c’est-à-dire avoir au moins 5 années d’expérience.
De façon générale, on peut relever qu’en pratique, les avocats sont présents dans la majorité des procédures de contrôle de constitutionnalité, voire la quasi-totalité d’entre elles (plus de 95 % des affaires QPC en France sont concernées). Cette présence est moins systématique dans le contentieux électoral.
À noter que, pour faciliter l’accès à la Cour, la Cour constitutionnelle de Slovénie a créé des formulaires pour les requêtes, pétitions et demandes qui facilitent la rédaction aux requérants et grâce auxquels les écrits reçus par la Cour constitutionnelle sont plus claires. Quant au Tribunal fédéral suisse, il attribue d’office un avocat au requérant qui est manifestement incapable de se représenter lui-même.
On peut souligner que la présence de personnes non représentées par avocat devant la Cour suprême du Canada, surtout au stade de la demande d’autorisation d’appel, est un phénomène qui ne cesse de croître. En 2015, sur 539 demandes d’autorisation d’appel déposées à la Cour, 151 l’ont été par des plaideurs non représentés, soit 28 % des demandes. Il existe toutefois très peu cas où des personnes se présentent sans avocat à l’audience devant la Cour suprême. Dans la plupart des cas, un amicus curiae est alors nommé par la Cour suprême.
4. Concernant les pouvoirs en matière d’instruction, il faut insister sur la faculté de soulever des moyens d’office.
Cette faculté, souvent avancée comme un signe de l’identité des cours constitutionnelles, n’est pas aussi généralisée qu’on pourrait le penser. Plusieurs cours en sont privées ou s’y refusent : Albanie, Guinée Bissau, Madagascar, Roumanie, Mauritanie, RDC, Togo. L’examen de l’affaire se limite alors à l’objet de la requête et aux motifs qui y sont avancés. C’est le cas aussi au Canada compte tenu du fait que la Cour suprême n’adopte pas en principe d’approche inquisitoire, même si des moyens peuvent être soulevés d’office par la Cour après la clôture des débats.
Ceci étant, cette faculté « d’appliquer le droit d’office » – pour reprendre une formule du Tribunal fédéral suisse – est reconnue de plein droit à la majorité de vos cours dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité. Elle l’est aussi pour les moyens d’ordre public s’agissant du contentieux électoral. Elle permet parfois d’aller au-delà des demandes des auteurs des saisines, comme le souligne le Liban, de contrôler la loi dans son intégralité ou de maintenir la saisine de la Cour en cas de retrait du recours. Les moyens d’incompétence et de recevabilité sont les plus concernés, les textes pouvant parfois limiter le pouvoir de relèvement d’office à ces deux domaines. C’est le cas au Congo. La faculté devient parfois obligation, par exemple pour le Conseil constitutionnel du Sénégal s’il relève, précise la loi organique, une « violation de la Constitution qui n’a pas été invoquée ».
Deux cas méritent plus particulièrement attention :
D’une part, au Bénin, il existe un « moyen tiré de la violation des droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ». La Cour peut le soulever d’office dans toute affaire qui lui est soumise, même si elle est saisie d’une requête irrecevable.
D’autre part, en Slovénie, la Cour constitutionnelle peut engager une procédure de contrôle de constitutionnalité de sa propre initiative si, en statuant sur un recours individuel, elle estime que l’acte normatif sur lequel est basé l’acte individuel contesté n’est pas conforme à la Constitution. Ceci étant, en pratique, sur l’année 2015, seules trois affaires ont été issues de cette situation… alors que la Cour a tranché plus de mille recours individuels.
De façon générale, l’usage des moyens d’office n’est pas fréquent. En réalité, tout dépend de la nature du recours.
Par exemple, la Cour constitutionnelle slovène ne soulève pas de moyens d’office dans un recours individuel, elle n’est en revanche pas liée au contenu de la demande dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des actes normatifs (article 30 LCC).
C’est significatif aussi en Belgique. Il est rare que la Cour soulève un moyen d’office lors de l’examen d’un recours en annulation (on compte seulement 5 exemples dans toute la jurisprudence de la Cour), tandis que dans le contentieux préjudiciel, elle peut être amenée à compléter d’office une question, en mobilisant des normes de référence qui n’étaient pas évoquées par le juge de renvoi.
Quoi qu’il en soit, lorsqu’une cour le fait, elle prend soin généralement de vérifier si les parties ont déjà eu l’opportunité de s’expliquer à son sujet. Les débats sont donc rouverts, d’une façon ou d’une autre, pour permettre aux parties d’échanger leurs arguments sur ce point. Par exemple, en France, le règlement sur la procédure suivie pour les QPC précise que les griefs susceptibles d’être soulevés d’office sont communiqués aux parties et autorités pour qu’elles puissent présenter leurs observations dans le délai qui leur est imparti. Ces observations sont alors communiquées contradictoirement à toutes les parties. De même, depuis 2015, le Tribunal suprême de Monaco doit informer les parties d’un tel moyen.
5. Au titre des mesures d’instruction ou d’investigation, et en fonction de la nature du procès, vos cours peuvent le cas échéant convoquer des experts, procéder à des auditions, solliciter des précisions ou des éclaircissements, notamment statistiques, auprès des autorités publiques, collecter les documents liés à l’examen de l’affaire. Ce type de sollicitation concerne principalement des institutions. Il relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Quoi qu’il en soit, vos cours ne procèdent que très rarement à des enquêtes, constats ou expertises, et ne possèdent pas, en tout état de cause, de moyens propres d’investigation en dehors de leurs services internes de recherche et de documentation. La Cour du Bénin s’en donne l’occasion, comme celle du Cambodge, de Mauritanie, du Niger et du Gabon. En RDC, ces investigations sont effectuées par le Parquet général attaché près la Cour constitutionnelle lorsqu’elle se prononce en matière pénale contre les autorités publiques. La tendance naturelle est de penser que ces mesures conservent théoriquement leur sens dans le cadre du contentieux électoral, mais même en ce domaine, si certaines d’entre vous y restent attachées (comme la Côte d’Ivoire et le Congo), cette possibilité n’est plus utilisée en pratique par plusieurs cours, dont le Conseil constitutionnel français.
À s’en tenir au contrôle de constitutionnalité, l’expérience de la Cour de Slovénie mérite d’être signalée. Celle-ci peut poser des questions spécifiques aux ministres ou autres organes de l’État. Il lui arrive aussi d’ordonner qu’une expertise soit faite sur des questions du droit spécifiques (notamment droit commercial ou droit fiscal). En outre, des experts, auxquels est donné accès au dossier, sont invités à participer aux audiences publiques en vue de répondre aux questions des juges à l’audience. Le Tribunal fédéral suisse, de son côté, ne s’interdit pas de demander une prise de position d’un office fédéral lorsqu’il veut faire appel à des connaissances spéciales dans un domaine particulier.
On se plait aussi à relever que la Cour de la République de Moldova sollicite sans hésiter les opinions du monde académique, scientifique et universitaire, ou encore la Commission de Venise par la demande d’un mémoire amicus curie, tout comme la position de diverses ONG actives dans le domaine des droits de l’homme ; toutes ces opinions sont communiquées aux parties qui peuvent adresser leurs observations en réponse.
La sollicitation d’observations auprès des juridictions est, quant à elle, plus rare encore, elle relève principalement du traitement du recours individuel adressé contre une décision d’une juridiction (Slovénie), ou du système mixte que connaît l’Angola. La Cour de Belgique, à titre exceptionnel, a pu interroger en 2011 le président du Conseil d’État au sujet d’une pratique en vigueur dans cette institution concernant la procédure de nomination de ses membres. En Suisse, il peut arriver très exceptionnellement que le Tribunal fédéral renvoie la cause à l’autorité juridictionnelle inférieure afin qu’elle mette en oeuvre les mesures d’instruction nécessaires concernant la situation factuelle du recours.
Dans la plupart des cas, toutes les questions posées et mesures engagées par la cour, ainsi que les réponses, sont communiquées à toutes les parties. Toutefois, cette communication peut s’avérer conditionnée à la demande expresse des parties, comme au Mali.
6. Dernier point qui me semble très important. Il s’agit de la participation de tiers dans le procès constitutionnel. Cette participation est possible via le mécanisme de l’intervention, reconnu par la majorité de vos cours. Parmi les cours qui ne la pratiquent pas : Angola, Bénin, Côte d’Ivoire, Burundi, Guinée, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo.
Par l’intervention (spontanée ou sollicitée), la personne intervenante, qu’elle soit personne physique ou personne morale, devient partie à la procédure.
Cette caractéristique distingue techniquement l’intervention de deux autres types de contribution de tiers.
D’une part, la prise en considération des observations spontanées reçues tout particulièrement par le Conseil constitutionnel français dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori. Ces notes, dénommées « portes étroites », peuvent être librement prises en considération par le rapporteur et ne sortent pas du secret de l’instruction. Une formule comparable semble applicable au Liban, où le Conseil constitutionnel peut profiter de tout éclairage factuel et juridique.
D’autre part, l’opinion issue de l’amicus curiae. Nommé par la cour, il a pour mandat de présenter un mémoire qui défend une position autre que celles des parties, il s’agit en ce sens d’un intervenant désintéressé, chargé d’assister la cour. La sollicitation d’une telle opinion relève d’une procédure différente selon les cours qui la pratiquent, soit qu’elle entre dans le cadre général du pouvoir d’instruction du juge-rapporteur (Bénin, Burkina Faso, Congo), soit qu’elle résulte à titre spécifique d’une décision de l’assemblée des juges (Albanie). La Cour de Slovénie considère que les écrits introduits par un amicus curiae ne font pas partie des éléments du dossier qu’elle doit impérativement prendre en compte. La Cour de Roumanie précise que l’amicus curiae n’est pas soumis aux débats, mais que les parties y ont accès. Au Canada, il peut être admis à plaider devant la Cour suprême, c’est généralement le cas lorsqu’une des parties choisit de ne pas présenter d’observations, ou lorsqu’une personne n’est pas représentée par un procureur à l’audience.
La recevabilité de l’intervention (au sens plus strict du terme) est quant à elle conditionnée à la démonstration de son intérêt, personnel ou collectif. Sur ce point, quelques cours se montrent soucieuses de retenir une interprétation large. Par exemple, en moyenne, le Conseil constitutionnel français rejette moins de 20 % des demandes en intervention en QPC.
Un contre-exemple serait à trouver au Canada, la Cour suprême ayant à composer avec un régime d’intervention défini de façon plus élaboré (il n’y a pas moins de cinq catégories d’intervenants dans les textes applicables à la Cour). De sorte que des intervenants participent régulièrement aux appels et renvois entendus par la Cour. Il s’agit de groupes d’intérêts, d’associations, des procureurs généraux des provinces ou du Canada, et parfois aussi de personnes parties à un recours parallèle qui soulève des questions analogues. Certaines affaires ont entraîné la participation d’un très grand nombre d’intervenants : 32 s’agissant d’un litige tranché l’année dernière relatif à la portée du droit de grève au regard du droit constitutionnel à la liberté d’association ! 27 dans un renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe.
Dans le contrôle de constitutionnalité a posteriori, le Conseil constitutionnel français peut admettre ces interventions, dès lors que la demande est formulée dans les délais impartis par le règlement de procédure et qu’elle fait valoir un intérêt spécial à intervenir. L’admission des interventions en QPC est appréciée, au vu des pièces et argumentations produites par la personne, par le membre du Conseil constitutionnel qui est désigné comme rapporteur de l’affaire. En cas de doute, il consulte le collège.
Au terme d’une évolution de sa jurisprudence, la Cour de Belgique accueille depuis 2008 l’intervention de tiers dans les procès sur question préjudicielle, sous la condition de démontrer l’effet direct que peut avoir sur leur situation personnelle la réponse que va donner la Cour. De sorte que la Cour de Belgique, elle aussi, accueille régulièrement des interventions de la Ligue des droits de l’homme et d’autres associations de défense des droits et libertés, des barreaux et des ordres d’avocats, d’associations professionnelles, de syndicats…
Dans une configuration particulière, la Cour de Slovénie autorise pour seules interventions, celles des parties de la procédure devant la juridiction ordinaire. Il en va de même pour « prendre part à la procédure » devant le Tribunal fédéral suisse, devant lequel il n’est pas possible d’intervenir pour la première fois : il faut avoir pris part à la procédure précédente ou avoir été privé de la possibilité de le faire.
Dès lors que les tiers sont admis à intervenir, l’ensemble des pièces de la procédure leur sont communiquées et ils y participent pleinement, y compris le cas échéant par la formulation d’observations orales à l’audience. L’intervenant devient tout bonnement partie à la procédure. Toutes les cours qui reconnaissent le droit à intervenir se rejoignent sur ce statut commun de l’intervenant. Ce qui n’empêche certaines spécificités. Par exemple, devant la Cour suprême du Canada, ce ne sont pas tous les intervenants qui jouissent du droit de présenter une plaidoirie orale, ils doivent y être spécifiquement autorisés par la Cour, et sous une contrainte d’intervention variant entre 5 et 10 minutes.
De fait, il ressort de vos réponses que les interventions sont peu fréquentes, plus rares en contentieux préjudiciel que dans les recours en annulation. La France fait exception à cette tendance dans la mesure où les demandes en intervention portent sur près du quart des dossiers QPC. Les intervenants récurrents ont tendance à être des associations spécialisées, qui suivent avec attention tel ou tel domaine juridique. Les interventions viennent le plus souvent en soutien du requérant.
Tous ces éléments permettent de situer les points d’équilibre de la procédure écrite pratiquée devant vos cours.
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R. c. Hinse, [1995] 4 R.C.S. 597, par. 8. [Retour au contenu]
L’exemple du Conseil constitutionnel du Sénégal
Papa Oumar Sakho, Président du Conseil constitutionnel du Sénégal
Si, sous d’autres cieux, le statut d’organe juridictionnel du Conseil constitutionnel a pu être contesté, il n’en est pas de même au Sénégal où l’institution chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et du traitement du contentieux électoral et référendaire a, en raison de ses origines, constamment fonctionné comme une véritable juridiction.
Au lendemain de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, la Constitution avait fait figurer, parmi les institutions de la République, une Cour suprême dont les règles d’organisation et de fonctionnement étaient fixées par l’ordonnance n° 60-17 du 3 septembre 1960.
L’article 62 de cette loi, consacré à la compétence de cette Cour, était ainsi conçu : « La Cour suprême de la République connaît notamment de la constitutionnalité des lois ainsi que des engagements internationaux ». Ces attributions ont été maintenues et même quelque peu élargies par la loi n° 63-22 du 7 mars 1963 portant Constitution du Sénégal, qui avait donné compétence à la Cour suprême pour recevoir les candidatures à l’élection présidentielle, arrêter et publier la liste des candidats, déclarer les résultats officiels, installer le président de la République nouvellement élu, après sa prestation de serment devant elle, et connaître de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, ainsi que des conflits entre le Législatif et l’Exécutif.
La qualification de la Cour suprême, compte tenu de son positionnement dans l’espace judiciaire sénégalais, ne suscitait aucune difficulté, même lorsqu’elle intervenait pour statuer en sections réunies sur la constitutionnalité des lois.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue la réforme de 1992 qui avait supprimé la Cour suprême et créé sur ses cendres le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation. Avec cette réforme, le Conseil constitutionnel avait hérité des attributions jadis dévolues à la Cour suprême en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois et de gestion des problèmes de fonctionnement des institutions. La succession était annoncée, dans l’exposé des motifs de la loi n° 92-23 du 30 mai 1992, en ces termes : « Le Conseil constitutionnel exercera toutes les compétences antérieurement dévolues à la Cour suprême en matière constitutionnelle, notamment en matière de contentieux des élections nationales, auxquelles s’ajoutera une compétence essentielle consistant à pouvoir apprécier la conformité à la Constitution de lois déjà promulguées dont la constitutionnalité est discutée à l’occasion d’un procès devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation ».
Elle était confirmée par les articles premier et 2 de cette loi organique repris pour l’essentiel par la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016.
On aurait pu penser qu’avec la réforme de 1992, le débat sur la nature de ce nouvel organe chargé de gérer les questions constitutionnelles allait surgir. Tel ne fut cependant pas le cas. Le fait que le Conseil constitutionnel était placé au coeur du pouvoir judiciaire n’était certainement pas étranger à la qualification d’organe juridictionnel que tous les analystes lui donnaient. Il s’y ajoute que l’argument jadis tiré de la composition du Conseil français pour contester son caractère de juridiction est inopérant au Sénégal. C’est le lieu de rappeler qu’en France, comme le disait GeorgesVedel [1], on a pu relever qu’aucun « critère de compétence technique ne limite le choix [des membres], ce qui autorise à faire entrer dans le Conseil des personnalités n’ayant que des références et sans connaissances juridiques ». Au Sénégal, les membres du Conseil, au nombre de 7 depuis la révision constitutionnelle de 2016, sont choisis parmi des personnalités présumées avoir de solides connaissances en droit : magistrats ayant exercé de hautes fonctions juridictionnelles, professeurs titulaires des facultés de droit, avocats, en activité ou ayant cessé leurs activités et comptant 20 ans d’exercice de leur profession. Ces personnalités, qui n’acquièrent certes pas la qualité de magistrat du seul fait de leur nomination au Conseil, même si elles prêtent le serment du magistrat, ont un statut qui leur permet, en raison de l’immunité et de l’inamovibilité qu’il leur confère, d’exercer leurs fonctions en toute indépendance. Outre le statut de ses membres, la qualification de juridiction du Conseil constitutionnel peut être justifiée par la procédure suivie devant cet organe qui est proche de celle qui est applicable devant les juridictions ordinaires, même si elle s’en distingue par son caractère exclusivement écrit (I) et simplifié, voire sommaire (II).
I. Une procédure exclusivement écrite
La procédure orale, définie comme la procédure simplifiée dans laquelle les plaideurs ont la possibilité de s’adresser directement au juge sans recours obligatoire à l’écrit, est totalement exclue du contentieux porté devant le juge constitutionnel sénégalais. En raison de l’exclusion du débat oral, la procédure est totalement écrite. Ce choix, dicté dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par la nature de ce contentieux qui se concilie mal avec l’oralité, est justifié, en matière électorale, par des raisons d’opportunité.
A. Un choix guidé par la nature du contentieux en matière constitutionnelle
Dans la classification de ses décisions, le Conseil constitutionnel du Sénégal distingue traditionnellement celles qui sont rendues en matière constitutionnelle, celles qui sont rendues en matière consultative et celles qui sont rendues en matière électorale.
Cette présentation, qui conduit à établir une distinction entre la matière constitutionnelle et la matière consultative, laisse penser que lorsqu’il exerce sa mission consultative, le Conseil se situe en dehors de la matière constitutionnelle. Or, tel n’est pas le cas, puisque c’est toujours en référence aux normes constitutionnelles qu’il se prononce sur les demandes d’avis qui forment ce qu’il qualifie « matière consultative ». En somme, que l’acte émanant de lui prenne une dimension contentieuse ou qu’il constitue l’aboutissement d’une procédure non contentieuse, l’activité du Conseil constitutionnel consistera toujours soit à vérifier la conformité à la Constitution d’une norme adoptée, soit à indiquer, au regard de la Norme fondamentale, la voie à suivre ou à éviter dans le cadre d’une procédure consultative. Au vu de ce qui précède, il serait plus juste de considérer que la classification devrait conduire à la distinction entre la matière électorale et la matière constitutionnelle et, à l’intérieur de celle-ci, entre procédure contentieuse et procédure non contentieuse ou consultative.
Sous le bénéfice de cette observation, il convient de relever qu’il est aisé de comprendre les raisons de l’option pour une procédure qui ne laisse aucune place pour le débat oral, lorsque le Conseil constitutionnel exerce sa mission première, celle qui lui vaut sa dénomination de juridiction constitutionnelle, à savoir celle de contrôle de la conformité, à la Constitution, des lois et des engagements internationaux. C’est le lieu de rappeler qu’au Sénégal, en matière de contrôle de constitutionnalité, le cadre dans lequel se déroule la procédure est celui d’un contentieux objectif où le procès est fait, non à une personne, mais à la loi. Il ne s’agit donc pas pour le Conseil de trancher un conflit entre des parties ayant besoin d’un débat oral pour développer leurs moyens et conclusions.
La compétence du Conseil constitutionnel en tant qu’organe régulateur de l’activité normative des pouvoirs publics, pour reprendre l’expression de Louis Favoreu [2], est définie par les articles 74, 76, 78, 83 et 92 de la Constitution, complétés par l’article premier de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les attributions du Conseil, dans ce domaine, se rattachent à trois idées.
D’abord, il veille au respect du partage de compétence entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée nationale. La procédure de délégalisation prévue par l’article 76 de la Constitution illustre parfaitement le rôle qu’il joue à cet égard. Après avoir déterminé dans l’article 67 les matières qui relèvent, totalement ou partiellement, du domaine de la loi, le Constituant indique, dans l’alinéa premier de l’article 76, que les matières non prévues par ce texte ont un caractère réglementaire et il fixe, dans l’alinéa 2 du même article, les effets de l’empiètement du pouvoir législatif dans le domaine du règlement en ces termes : « Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décret si le Conseil constitutionnel, à la demande du président de la République ou du Premier ministre, a déclaré qu’ils ont un caractère réglementaire… ». La procédure prévue par l’article 83 de la Constitution est une autre illustration de la mission dévolue au Conseil en matière de gestion des conflits nés entre l’Exécutif et le Parlement à propos de leurs compétences. Ce texte commence par rappeler que le Premier ministre et les autres membres du gouvernement peuvent, lorsqu’il apparaît qu’une proposition ou un amendement proposé au cours de la procédure législative n’est pas du domaine de la loi, opposer l’irrecevabilité ; il donne par la suite au Conseil constitutionnel le pouvoir de trancher, à la demande du président de la République, du président de l’Assemblée nationale ou du Premier ministre, le conflit entre l’Assemblée et le gouvernement.
Ensuite, le Conseil intervient pour exercer un contrôle de la conformité des lois adoptées par l’Assemblée nationale à la Constitution.
Ce contrôle est parfois obligatoire. Tel est le cas du contrôle des lois organiques avant leur promulgation, rétabli à la faveur de la réforme constitutionnelle de 2016 après avoir été supprimé pendant longtemps. Il résulte du nouvel article 78, alinéa 2 de la Constitution que les lois organiques « … ne peuvent être promulguées si le Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi par le président de la République, ne les a déclarées conformes à la Constitution ». Le Constituant avait jadis prévu expressément l’exercice de ce type de contrôle sur le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ; c’était à l’époque où le règlement intérieur n’était pas qualifié de loi organique. Étant donné qu’avec la réforme de 2016, le règlement intérieur reçoit désormais la qualification de loi organique, c’est au titre de l’article 78, alinéa 2 que le contrôle sera effectué. Lorsqu’il exerce son contrôle sur la base de l’article 78, alinéa 2, le Conseil s’assure du respect de la procédure d’adoption de la loi qui, rappelons-le, implique un vote de la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Il vérifie, quant au fond, d’une part, qu’elle est intervenue dans le champ de compétence du législateur organique, et, d’autre part, qu’elle ne comporte aucune atteinte aux règles constitutionnelles de référence préalablement identifiées.
En dehors des lois organiques, le contrôle des lois ne peut s’exercer que s’il est demandé, soit par voie d’action, soit par voie d’exception soulevée devant la Cour suprême ou la Cour d’appel.
Enfin, le Conseil intervient pour contrôler la conformité à la Constitution, des engagements internationaux. La disposition consacrée à ce type de contrôle est assez laconique, puisqu’elle prévoit simplement que « Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution ».
Comme on peut le constater, si l’on met de côté le contrôle par voie d’exception provoqué par un plaideur qui saisit à cette fin la Cour suprême ou la Cour d’appel, alors tenues de surseoir à statuer et de renvoyer devant le Conseil constitutionnel, le contrôle de l’activité normative des pouvoirs publics est, ainsi que le souligne le professeur Guillaume Drago [3], un contrôle abstrait et objectif exercé sur la loi avant son entrée en vigueur et qui pose les questions de constitutionnalité dans leur généralité, sans lien avec un contentieux concret. On comprend, dans ces conditions, pourquoi le législateur organique, en fixant les règles de procédure, indique clairement que les intéressés ne peuvent pas demander à être entendus.
Ce caractère abstrait du contentieux en matière constitutionnelle ne marque pas le contentieux en matière électorale. C’est la raison pour laquelle le fondement du choix de la procédure écrite réside ailleurs ; il s’agit en cette matière de rechercher l’efficacité.
B. Un choix guidé par la recherche de l’efficacité en matière électorale
Dans la classification des décisions du Conseil constitutionnel, il est fait référence à la matière électorale pour désigner l’ensemble du contentieux lié à l’expression de la volonté populaire. Cette présentation n’est pas satisfaisante, puisqu’elle donne l’impression que le référendum n’est pas concerné.
La qualification retenue par le Conseil s’explique certainement par le fait que, jusqu’à la réforme constitutionnelle de 2016, le Constituant s’était montré, comme d’ailleurs le législateur organique, très disert sur le contentieux en matière référendaire. C’est du reste la raison pour laquelle le juge constitutionnel se référait, en les adaptant, aux dispositions consacrées à l’élection du président de la République pour traiter le contentieux né du référendum. Aujourd’hui, une petite évolution est notée avec la loi organique de 2016 puisqu’il résulte de l’article 14, alinéa 4 de ladite loi qu’en matière référendaire, le recours ayant pour objet de contester la régularité des opérations référendaires est communiqué à l’autre courant qui a quarante-huit heures pour déposer son mémoire en réponse.
Au Sénégal, dans le cadre du contrôle de l’expression de la volonté populaire, le Conseil a deux types d’attribution.
Il se prononce, d’une part, sur le contrôle des élections politiques nationales. Il intervient, à cet égard dans :
- l’élection présidentielle, pour recevoir les candidatures, pour se prononcer sur leur recevabilité et pour statuer sur les contestations relatives à la régularité des opérations électorales soulevées par l’un des candidats ;
- les élections des députés à l’Assemblée nationale pour examiner le contentieux de la régularité des opérations électorales dans les conditions prévues par les articles LO 187 à LO 188 du code électoral et pour constater la déchéance du mandat du député en situation d’inéligibilité ;
- l’élection des membres du Haut conseil des collectivités territoriales (l’assemblée consultative nouvellement créée et chargée d’étudier les politiques de décentralisation, d’aménagement et de développement du territoire et de donner un avis motivé sur celles-ci) pour examiner les contestations des actes du ministre chargé des élections et celles des opérations électorales.
Il se prononce, d’autre part, sur les questions référendaires pour donner, dans les conditions prévues par l’article 51 de la Constitution, un avis lorsque le président de la République envisage un recours au référendum et pour traiter le contentieux des opérations du référendum par l’examen des réclamations des représentants des courants.
Le contrôle de l’expression de la volonté populaire n’a pas le caractère abstrait qui est la marque du contrôle des normes. Comme l’a fait observer le professeur Luchaire [4], à propos des élections parlementaires en France, en devenant juge, non de toutes les élections, mais seulement de celles qui sont contestées, le Conseil constitutionnel s’est rapproché du juge administratif : un requérant tente de prouver que la proclamation d’une élection est irrégulière ; le contrôle devient alors une procédure permettant à un candidat de faire valoir son intérêt auquel s’oppose naturellement celui de l’élu. Ainsi selon cet auteur, « d’un contentieux en principe objectif établi dans l’intérêt général on passe… à un contentieux beaucoup plus subjectif dans lequel l’intérêt général n’est pas nécessairement oublié mais vient souvent en second lieu car il s’estompe derrière le conflit opposant les candidats ». [5]
En raison de cette dimension contentieuse qui rapproche le contentieux devant le juge constitutionnel de celui qui se développe devant le juge administratif, voire le juge civil, on pouvait s’attendre à l’introduction, dans la procédure, d’un débat oral pour permettre aux protagonistes, le candidat qui conteste l’élection et l’élu dont la désignation est contestée, de développer et d’expliciter leurs conclusions écrites devant le juge, lors d’une audience organisée à cet effet.
Cette manière de voir ne semble pas avoir été celle du législateur organique qui a opté pour une procédure exclusivement écrite, même en matière électorale ou référendaire. L’article 15, alinéa 1 de la loi organique n° 2016-23 relative au Conseil constitutionnel, qui prévoit que les intéressés ne peuvent demander à être entendus, ne fait pas de distinction entre la matière constitutionnelle et la matière électorale.
Cette option s’explique par des raisons d’efficacité et d’opportunité. Le délai très court imparti au Conseil pour traiter les contestations, très souvent cinq jours à compter de la date de la réclamation, est incompatible avec l’introduction d’une procédure orale qui implique la comparution des intéressés devant être convoqués suffisamment à temps pour avoir la possibilité raisonnable d’exposer leur cause devant le Conseil dans des conditions qui ne les désavantagent pas. Il s’y ajoute que les plaidoiries inhérentes à la procédure orale, avec les conclusions nouvelles ou les demandes de renvoi qu’elles comportent, risquent de retarder le dénouement d’une procédure que l’on voulait voir intervenir dans un délai très court.
II. Une procédure écrite simplifiée
Le contentieux relevant de la compétence du Conseil constitutionnel s’accommode mal des lenteurs qui caractérisent la procédure judiciaire classique ; compte tenu des questions en jeu, promulgation d’une loi votée ou proclamation des résultats d’une consultation populaire, il appelle toujours un règlement sans retard excessif. C’est ce qui explique que les règles applicables à la procédure devant cette juridiction se caractérisent par leur simplicité, qu’il s’agisse aussi bien des règles communes aux différents contentieux que des règles propres à chaque type de contentieux.
A. Le choix de la simplicité dans les règles communes
Le souci de simplifier la procédure apparaît d’abord dans l’organisation du déclenchement de l’activité du juge constitutionnel. Certes, à l’instar des autres juridictions, le Conseil constitutionnel ne peut se saisir d’office, mais tout est fait pour simplifier les modalités de la saisine. Il résulte de la combinaison des articles 16 et 17 de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel que les recours sont présentés sous forme de requête déposée au greffe qui, selon l’article 3 du règlement intérieur du Conseil du 6 janvier 1993, reçoit toutes les pièces relatives à l’exercice des activités de cette juridiction.
On retrouve le même souci de simplification dans les règles applicables à l’instruction des affaires soumises au Conseil. En la matière, les règles s’éloignent quelque peu des principes gouvernant l’instance dans les procédures juridictionnelles classiques, puisque l’article 14 de la loi organique de 2016 écarte expressément, sauf dans les cas prévus, le caractère contradictoire de même que la publicité ainsi que, comme nous l’avons déjà remarqué, l’oralité. La question qui se pose à cet égard est de savoir si ce que l’on cherche en simplifiant la procédure vaut ce que l’on perd notamment au regard des exigences du procès équitable. S’agissant du déroulement de l’instruction, il est pour l’essentiel sous le contrôle du rapporteur désigné pour chaque affaire par le président parmi les membres du Conseil, conformément à l’article 14, alinéa 5 de la loi organique de 2016. Ce rapporteur, après examen du dossier qui lui est communiqué, établit trois documents :
- une note dactylographiée en six exemplaires dans laquelle il résume les faits ayant donné lieu à l’affaire, examine la régularité de la procédure, la recevabilité de la requête ainsi que le fond, et propose une solution ou, éventuellement, plusieurs solutions, en cas de doute sur l’issue de l’affaire ;
- un projet de décision ou, le cas échéant, plusieurs projets de décision, et un projet de sommaire ;
- des visas rédigés conformément au modèle type adopté par le Conseil constitutionnel.
Le rôle important assumé par le rapporteur ne doit pas cacher la place, dans le système, du Conseil lui-même dans sa formation collégiale ; celui-ci conserve en effet le pouvoir de prescrire toutes les mesures qui lui paraissent utiles et de fixer les délais dans lesquels elles doivent être exécutées.
À la fin de sa mission, le rapporteur présente le dossier au président qui porte l’affaire au rôle d’une séance. Lors de cette séance, le Conseil entend le rapporteur et statue par une décision motivée ; cette décision, revêtue de la signature des membres ayant siégé ainsi que de celle du greffier, est notifiée aux autorités concernées et aux personnes intéressées.
B. Le choix de la simplicité dans les règles propres
1. Les règles propres à la matière constitutionnelle
La détermination de la (ou des) personne(s) autorisée(s) à saisir le Conseil dépend de la nature du texte qui fait l’objet du contrôle.
S’il s’agit d’une loi organique, le Conseil est, depuis la réforme constitutionnelle de 2016, obligatoirement saisi, avant sa promulgation, par le président de la République. La question qui peut se poser ici est de savoir si les députés peuvent, indépendamment de la saisine du président de la République, critiquer devant le Conseil des dispositions particulières de la loi organique. Le Conseil n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer, sous l’empire de la Constitution du 22 janvier 2001, sur cette question, en raison de l’introduction récente de ce type de contrôle dans notre ordre juridique. Il est cependant possible de s’inspirer de la jurisprudence qui s’est dégagée à propos du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. C’est le lieu de rappeler qu’avant que le règlement intérieur de l’Assemblée n’ait été qualifié expressément de loi organique, l’article 62 de la Constitution avait prévu qu’il ne pouvait être promulgué avant que le Conseil, obligatoirement saisi par le président de la République ne l’ait déclaré conforme à la Constitution. On pouvait penser qu’avec cette saisine qui amenait le Conseil à examiner le texte dans tous ses aspects, la saisine par les députés pour critiquer le texte sur un point précis était inutile. Pourtant, dans sa décision rendue le 6 août 2015, le Conseil avait accepté, malgré sa saisine par le président de la République, de se prononcer sur la demande par laquelle des députés critiquaient la procédure d’adoption du règlement intérieur et le contenu de certaines dispositions qui, à leurs yeux, violaient la Constitution.
Si le contrôle porte sur une loi ordinaire, il peut être déclenché soit par voie d’action, soit par voie d’exception. Le contrôle par voie d’action ne peut être déclenché que par le président de la République dans les six jours francs de la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée, ou par un nombre de députés représentant au moins le dixième de l’Assemblée nationale, dans les six jours francs qui suivent l’adoption définitive du texte. Dans une telle hypothèse, le recours est, malgré le caractère non contradictoire de la procédure affirmé par l’alinéa premier de l’article 14, transmis par le Conseil, pour information, au président de la République, au Premier ministre et au président de l’Assemblée nationale qui peuvent produire, par un mémoire écrit, leurs observations.
Le contrôle par voie d’exception est déclenché à l’initiative des plaideurs, mais ceux-ci n’ont pas la possibilité de saisir directement le Conseil. En effet, ils peuvent seulement, lorsque la solution d’un litige porté devant la Cour suprême ou devant la Cour d’appel est subordonnée à l’appréciation de la conformité des dispositions d’une loi à la Constitution, soulever une exception d’inconstitutionnalité qui oblige la juridiction en cause à saisir le Conseil et à surseoir à statuer. Dans ce cas également, le Conseil transmet le recours au président de la République, au Premier ministre et au président de l’Assemblée nationale. Lorsque le Conseil, saisi d’une exception, estime que la disposition dont l’application est en cause est contraire à la Constitution, il ne pourra plus en être fait application.
Le régime du contrôle des engagements internationaux est moins précis que celui des lois. L’article 97 de la Constitution consacré à la question se borne à indiquer que « Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution », sans fournir d’indication sur la procédure conduisant à cette décision, ni sur l’identité des personnes habilitées à saisir le Conseil à cette fin. On peut cependant penser que, la déclaration d’inconstitutionnalité de l’engagement ayant pour effet d’empêcher l’approbation ou la ratification dudit engagement, le Conseil doit être saisi par voie d’action. C’est la raison pour laquelle il est difficile de comprendre l’article 22 de la loi organique de 2016 qui semble ouvrir la possibilité de déclencher la procédure de contrôle au moyen d’une exception soulevée devant la Cour suprême ou la Cour d’appel.
Dans tous les cas où le Conseil est saisi en vue de l’appréciation de la conformité d’une norme à la Constitution, il exerce son contrôle sur toutes les dispositions du texte en cause. La solution est évidente lorsque le texte visé est une loi organique, puisque la saisine par le président de la République n’est pas fondée sur un grief précis. Elle l’est moins dans les autres cas où l’auteur du recours critique de manière expresse une disposition particulière de la loi. Mais, pour éviter d’enfermer le Conseil dans les limites de sa saisine telle qu’elle résulte des termes du recours, le législateur organique prévoit, dans l’alinéa 3 de l’article 17 que « si le Conseil constitutionnel relève dans la loi contestée ou l’engagement international soumis à son examen, une violation de la Constitution, qui n’a pas été invoquée, il doit la soulever d’office ».
En matière de contrôle de constitutionnalité, quel que soit le mode de saisine du Conseil, le délai qui lui est imparti pour rendre sa décision est toujours d’un mois ; il court du jour du dépôt du recours ou, en cas d’exception, du jour de la saisine. Le délai est ramené à huit jours francs quand le gouvernement en déclare l’urgence.
2. Les règles applicables en matière de contentieux électoral ou référendaire
Lorsqu’il s’agit de contester la régularité d’un scrutin, la procédure s’apparente à celle qui est conduite devant les autres juridictions chargées de trancher un conflit entre des parties émettant chacune des prétentions.
En l’absence de saisine d’office, il faut, pour déclencher l’activité juridictionnelle du Conseil, un recours qui ne peut être introduit que par les personnes visées par la Constitution, le code électoral et la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016.
En ce qui concerne l’élection du président de la République, le Conseil peut être saisi soit d’une réclamation contre la liste des candidats dans le délai fixé par l’article L0 120 du code électoral, soit d’une contestation de la régularité des opérations électorales dans les soixante-douze heures qui suivent la proclamation provisoire des résultats par la Commission nationale de recensement des votes ; le recours est toujours exercé par l’un des candidats.
Pour l’élection des députés, l’article L0 187 ouvre à tout candidat au scrutin le droit de contester la régularité des opérations dans le délai de 5 jours à compter de la proclamation provisoire des résultats par la Commission nationale de recensement des votes. Le législateur organique a voulu une procédure contradictoire dans ce domaine, puisqu’il prévoit la communication de la requête, par le greffier en chef du Conseil, aux mandataires des différentes listes en présence qui disposent d’un délai maximum de trois jours francs pour déposer leur mémoire en réponse. Ce droit d’expression n’est cependant pas toujours ouvert, puisque le Conseil peut, lorsque la requête est irrecevable ou ne contient que des griefs qui ne peuvent avoir une influence décisive, la rejeter sans instruction contradictoire préalable.
Le Conseil intervient également en matière d’élection des députés pour statuer sur les contestations formées contre les actes préparatoires, notamment les actes pris par le ministre chargé des élections relativement aux déclarations de candidature. De telles contestations sont soulevées par les mandataires des listes de candidats dans les 24 heures suivant la notification de la décision ou sa publication.
Le contentieux né de l’élection des membres du Haut conseil des collectivités territoriales est traité selon le même modèle que celui qui est prévu en matière d’élection des députés ; d’ailleurs, l’article LO 190-30 introduit dans le code électoral par la loi organique n° 2016-25 du 14 juillet 2016 relative à l’élection des hauts conseillers renvoie expressément aux dispositions des articles LO 187 à LO 190 consacrées au contentieux de l’élection des députés.
En matière référendaire, les règles relatives au contentieux des opérations sont particulièrement sommaires. Elles sont fixées pour l’essentiel par l’alinéa 4 de l’article 14 de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel qui prévoit implicitement que la régularité des opérations peut être contestée par le représentant d’un courant au moyen d’une requête communiquée par le greffier en chef à l’autre courant qui a 48 heures pour déposer son mémoire en réponse.
Conclusion
Le contentieux porté devant le Conseil constitutionnel du Sénégal, qu’il porte sur la constitutionnalité des normes ou la sincérité de l’expression de la volonté des citoyens, est traité selon une procédure qui, bien qu’exclusivement écrite, se rapproche de plus en plus de celle qui est suivie devant les autres juridictions, tant au regard de la saisine qu’au niveau de l’instruction de l’affaire. Mais, malgré ce rapprochement, cette procédure reste encore une procédure non publique. Il y a cependant lieu de croire, au regard de l’évolution de sa jurisprudence, que le Conseil va progressivement rompre avec cette image d’un juge rendant sa décision sans respect des principes qui fondent le procès équitable. On ne peut pas attendre moins d’une juridiction chargée de veiller au respect de la Constitution et des droits et libertés qui y sont proclamés.
-
[1]
Vedel G., Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel, in « Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs », Mélanges Perrot, Dalloz, p. 537. [Retour au contenu] -
[2]
Favoreu L. et alii, Droit constitutionnel, 16e édit., Dalloz, coll. Précis, 2014, n° 431, p. 335. [Retour au contenu] -
[3]
Drago G., Contentieux constitutionnel français, 3e édit., 2011, PUF, coll. Thémis, n° 353, p. 336. [Retour au contenu] -
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4. Luchaire F., Le Conseil constitutionnel, Economica, p. 350. [Retour au contenu] -
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Luchaire, loc. cit. [Retour au contenu]
L’exemple du Tribunal suprême de Monaco
Didier Linotte, Président Tribunal suprême de Monaco
Monsieur le président,
Madame le secrétaire général,
Mesdames, Messieurs les présidents,
Mes chers collègues,
Je souhaite en premier lieu féliciter les organisateurs, pour le choix du sujet « le contradictoire » au coeur du juste procès, et les remercier pour avoir accepté d’entendre l’actualité du sujet à Monaco. Mes remerciements vont aussi à la Moldavie et à sa Cour constitutionnelle pour leur parfait et chaleureux accueil.
Je rappellerai d’abord l’ancienneté des textes qui à Monaco organisent, de manière très ouverte, le recours direct en contrôle de constitutionnalité des lois et de légalité administrative. C’est en effet la Constitution de 1911 qui prévoit cette procédure susceptible de déboucher sur l’annulation erga omnes de lois ayant pourtant reçu l’assentiment du Conseil national et du Prince ou d’actes émanés du seul exécutif.
Après la Constitution de 1962, c’est l’ordonnance souveraine organique n° 2.984 du 16 avril 1963 qui régit le fonctionnement et l’organisation du Tribunal suprême.
C’est dire qu’il était nécessaire, notamment après l’entrée de la Principauté au Conseil de l’Europe et la ratification de la Convention européenne, de réformer les textes applicables à la procédure, notamment.
Tel fut l’objet, entre autres, de la réforme opérée par l’ordonnance souveraine organique du 19 juin 2015 modifiant l’ordonnance souveraine organique de 1963 précitée. À vrai dire l’objet de la réforme de 2015 a dépassé le seul cadre de la procédure contradictoire. Un certain nombre de dispositions importantes concernent, notamment, le statut et le mandat des membres du Tribunal suprême mais l’on s’en tiendra au seul cadre ici de la procédure contradictoire.
Une part très significative de la réforme est consacrée à la procédure tant écrite, c’est la part majeure, qu’orale pour le reste.
L’esprit de cette réforme est à la fois de tenir compte des exigences du procès juste et équitable (6-1 CEDH), donc d’améliorer notamment, chaque fois que possible, le caractère contradictoire de la procédure ; mais tout en améliorant la bonne administration de la justice (contre le dilatoire et l’inutile), et en lui conservant son caractère inquisitoire (et non accusatoire).
Je traiterai donc de ce sujet autour de trois idées complémentaires et non contradictoires :
I. L’amélioration du contradictoire au sens strict
II. L’amélioration de la bonne administration de la justice
III. Le maintien et le renforcement du caractère inquisitoire de la procédure
I. L’amélioration du contradictoire au sens strict
Je distinguerai successivement procédure écrite (1) puis orale (2).
1. La procédure écrite
L’article 18 de l’ordonnance souveraine de 1963 par sa modification du 19 juin 2015 vise d’abord à élargir le contradictoire. En effet, il autorise désormais le président du Tribunal suprême à communiquer la procédure d’une requête, aussi bien pour le recours au fond que s’agissant de recours en urgence (référé, sursis, etc.), aux tiers intéressés.
Ainsi le pétitionnaire ou le bénéficiaire d’une autorisation attaquée sera systématiquement informé et appelé à défendre ; ce qui n’était pas nécessairement le cas auparavant. On peut même imaginer que la communication aux tiers intéressés pourrait voisiner le processus d’amicus curiae.
L’article 19 rappelle, et renforce, le caractère obligatoirement francophone de la procédure. Non seulement les écritures, mémoires et registres, doivent être rédigés en français mais aussi les pièces communiquées. Et faire, en cas de besoin, l’objet d’une traduction assermentée.
L’article 22 permet à présent au président, et sans attendre comme précédemment l’audience et une décision collégiale avant dire-droit, d’arrêter toute mesure d’instruction, notamment les productions de pièces et de documents, utiles à la manifestation de la vérité, et ce dès l’introduction de la requête et pendant toute la durée de l’instruction.
Enfin, l’article 23 oblige maintenant le juge suprême monégasque, s’il envisage de fonder sa décision sur un moyen d’ordre public, de l’indiquer aux parties avant l’audience et le soumettre à leurs observations contradictoires.
2. La procédure orale
Déjà essentiellement fondée sur le respect du contradictoire, même si son rôle doit être réduit en raison du caractère écrit de la procédure, la procédure orale ne subit que peu de modifications.
L’article 31 en son dernier alinéa précise que les avocats, et l’avocat de la défense en dernier, peuvent reprendre la parole après les conclusions du procureur général, lequel devant le Tribunal suprême de Monaco, n’est ni l’avocat du gouvernement ni un commissaire ou rapporteur public, mais plutôt la bouche de l’intérêt de la loi.
Contrairement à une idée reçue l’amélioration du contradictoire n’est pas nécessairement l’adversaire d’une bonne administration de la justice mais, au contraire, peut parfaitement s’articuler complémentairement avec elle.
II. L’amélioration de la bonne administration de la justice
L’intervention du juge, dans le cadre d’une saine procédure inquisitoire (cf. infra), n’est pas nécessairement l’ennemi du débat contradictoire loyal des parties et peut permettre tantôt, soit de sauver un procès qui pourrait être perdu pour d’autres raisons que des raisons de fond, soit, à l’inverse, d’éviter aux parties de mobiliser moyens et espérances dans des causes perdues d’avance de façon rédhibitoire.
C’est ainsi que l’article 17 de l’ordonnance souveraine de 1963 dans sa nouvelle rédaction issue de la réforme de 2015 permet au président de la juridiction d’informer un requérant que sa requête est entachée d’une irrégularité formelle et l’inviter à régulariser dans le délai de quinze jours. Ce qui permet d’éviter de laisser jouer l’entier contradictoire, l’échange de tous les mémoires, la convocation à l’audience, les plaidoiries pour déboucher, après des mois de travail de l’entière machine de la justice et des parties, sur une décision de rejet, fondée sur une irrecevabilité formelle ; défaut d’une signature, défaut d’une pièce obligatoire ou autre.
En revanche, une requête entachée d’une irrecevabilité pour tardiveté manifeste pourra faire l’objet de la part du président, d’un rejet sans instruction. Ce, là encore, pour éviter l’engagement et la mobilisation de moyens et de temps procédural, sans espoir aucun de débouché utile.
Par ailleurs, l’article 22 en son dernier alinéa nouvellement rédigé, permet désormais au président, et non au seul Tribunal après audience et par décision avant-dire droit, de prescrire les mesures d’instructions utiles à la manifestation de la vérité. Ces mesures sont évidemment soumises au contradictoire, pendant l’instruction, qu’elles contribuent à fortifier.
III. Le maintien et le renforcement du caractère inquisitoire de la procédure
C’est ici le lieu de réfuter une idée implicitement trop véhiculée selon laquelle l’accusatoire de la procédure représenterait le triomphe de son contradictoire.
Or, on vient de le montrer, en intervenant dans le contradictoire, pour y aider et pour l’assister, le juge, avec les textes, conduit le procès. Si le procès devant le Tribunal suprême repose sur l’inquisitoire et non sur l’accusatoire c’est en raison de la nature particulière de son contentieux. Le Tribunal suprême de la Principauté juge de la constitutionalité, dans certain cas de la conventionalité, et de la légalité à la fois des lois mais aussi des actes de l’exécutif. La nature objective du procès, fait à un acte, au nom de la hiérarchie des normes, interdit de le regarder comme la chose exclusive des parties. Et d’ailleurs ses conséquences les dépassent et se manifestent erga omnes.
Mais loin de défavoriser le contradictoire l’inquisitoire peut le respecter, voire le renforcer.
C’est ainsi que, depuis la réforme de 2015, le greffe général doit communiquer à l’ensemble des parties les récépissés d’accusé de réception des écritures et des pièces échangées attestant du respect par chacune d’entre elles des délais de procédure.
On pense l’avoir concrètement montré, tout en maintenant son cadre institutionnel et procédural, la juridiction constitutionnelle et administrative suprême monégasque s’est attachée à vérifier et conforter le principe du contradictoire.
Trop d’accusatoire tue le contradictoire lorsqu’il dégénère en dilatoire généralement au détriment de la partie la plus faible.
Le contradictoire dans les procédures écrites devant le Conseil constitutionnel français
Michel Charasse, Membre du Conseil constitutionnel français
Le contradictoire est écrit ou oral ou les deux dans toutes les procédures qui viennent devant le Conseil : la conformité des lois organiques ou ordinaires ou des règlements des assemblées avant promulgation, la QPC, le contentieux électoral, le jugement des comptes de l’élection présidentielle. Le contradictoire joue systématiquement dans tous les cas sauf pour la vacance de la présidence de la République ou l’empêchement définitif du président de la République, etc.
Nicole Belloubet traitera de la procédure orale, je me limiterai à la procédure écrite.
1. Le contradictoire dans le cadre du contrôle a priori
En contrôle a priori, le Conseil constitutionnel dispose d’un court délai pour statuer, d’un mois, qui peut être réduit à huit jours en cas d’urgence. Malgré ce court délai, la procédure demeure toujours écrite et contradictoire, même en fin d’année sur les lois des finances lorsque les documents demandés au Gouvernement nous parviennent le 23 décembre ou dans la journée du 24 décembre avant la dinde de Noël pour une réunion intervenant entre le 28 et le 30 décembre, car les lois budgétaires doivent paraitre au Journal officiel du 31 décembre au plus tard pour être applicables au 1er janvier, début de l’exercice ! Pas besoin de nous demander l’urgence. Nous l’appliquons automatiquement car nous avons le sens de la responsabilité et de la continuité de l’État et de la vie nationale.
La saisine du Conseil constitutionnel est communiquée aux autorités (présidence de la République, Sénat, Assemblée nationale et Premier ministre pour suspendre le délai de promulgation de la loi). Le gouvernement peut répondre aux arguments des saisissants et produire des observations écrites, qui sont alors communiquées aux mêmes autorités et aux parlementaires saisissants qui ont la possibilité d’y répondre.
En cas de répliques, celles-ci sont également communiquées aux autorités.
C’est le Conseil constitutionnel qui assure le respect du contradictoire et procède à la communication des écritures.
Dans ce système, il peut aussi y avoir une procédure orale : Nicole Belloubet en dira un mot cet après-midi et nous dira un mot de la réunion organisée avec le gouvernement.
2. Le contradictoire dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité
Le délai de trois mois imposé au Conseil constitutionnel pour statuer est bref, il faut donc organiser un débat contradictoire adapté.
L’ensemble des échanges entre le Conseil et les parties s’effectue par voie écrite électronique. Tous les actes de la procédure sont mentionnés au registre du greffe du secrétariat général et tous sont notifiés par voie électronique. Le Conseil peut également recevoir des documents écrits de la part des requérants ou des intervenants extérieurs.
La décision de renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui saisit le Conseil constitutionnel d’une QPC est enregistrée au greffe du secrétariat général du Conseil constitutionnel. Celui-ci en avise aussitôt les parties à l’instance ou, le cas échéant, leur représentant. Les « autorités constitutionnelles » (président de la République, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat) en sont également avisées – ainsi que, s’il y a lieu, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président du Congrès et les présidents des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.
Ces avis mentionnent la date limite imposée aux parties et aux autorités pour présenter des observations écrites. Ainsi, les parties et autorités sont toutes amenées à produire dans le même délai. Ce délai est habituellement de trois semaines et un jour, mais il peut exceptionnellement être réduit. Les observations qui seraient adressées postérieurement à cette date ne sont pas versées à la procédure. Il en fut ainsi, pour les ultimes observations du Président Sarkozy sur son compte de campagne parvenues 24 heures après la fin du délai, citées dans les visas de notre décision mais jugées irrecevables car hors délai !
Ces premières observations sont enregistrées et communiquées, toujours par voie électronique, à l’ensemble des autorités et parties. Tout ce qui a été reçu est communiqué pour assurer réellement le contradictoire. Un avocat reçoit ainsi les observations du Premier ministre et celles de son contradicteur le cas échéant.
Un avis est joint aux premières observations indiquant un délai pour produire des secondes observations qui, de manière générale, est de deux semaines et un jour. Ces secondes observations ne peuvent avoir d’autre objet que de répondre aux premières.
Il n’y a pas de possibilité de répliquer à ces secondes observations autrement qu’en présentant des observations orales à l’occasion de l’audience publique.
Tout ceci est fait pour respecter strictement le délai organique de 3 mois ! C’est une obligation constitutionnelle que nous nous faisons un devoir de respecter strictement même si le dépassement des 3 mois ne comporte aucune sanction juridique. Mais cela entacherait la réputation du Conseil et nous y sommes autant attachés qu’aux principes constitutionnels eux-mêmes.
En pratique : le Conseil constitutionnel reçoit par mail, sur une adresse dédiée, la décision de renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Celle-ci est accompagnée de l’ensemble des mémoires et observations relatifs à la QPC. À l’arrivée de la décision, le greffe du Conseil constitutionnel prend connaissance de la décision de renvoi, vérifie les pièces et enregistre immédiatement la QPC. Les QPC sont traitées le jour même et il n’est fait exception à cette pratique que lorsque la quantité des parties ou le volume des pièces nécessitent un traitement particulier, mais c’est assez rare. Toutes les communications sont enregistrées et transmises, y compris aux membres alors que les interventions extérieures appelées « portes étroites » ne sont pas prévues par la Constitution et la loi organique contrairement à la QPC où le Conseil peut accepter des interventions. Nous lisons tout ce qui nous est envoyé.
Au cours de l’instruction, d’autres mesures sont possibles :
Les mesures d’instruction
Le Conseil constitutionnel peut avoir recours à des mesures d’instruction ou des auditions. Le caractère contradictoire de la procédure continue de s’appliquer. À ce jour, il n’a jamais eu recours à l’audition sauf sur l’article 61 avant promulgation où le rapporteur peut entendre les parlementaires saisissants ou les rapporteurs de la loi. En revanche il a utilisé à plusieurs reprises la demande de précisions et notamment des statistiques.
Les demandes d’intervention
L’intervention n’était pas abordée dans le règlement initial de la procédure devant le Conseil constitutionnel pour les QPC. Des mémoires ou courriers étaient régulièrement adressés au Conseil par des tiers pour défendre ou combattre la disposition objet de la QPC. Le Conseil constitutionnel a tenu compte de cette pratique et a modifié son règlement en 2011 en ajoutant quatre alinéas à l’article 6 (décision n° 2011-120 ORGA du 21 juin 2011). L’intervention est ainsi désormais strictement encadrée dans la procédure qui vise à éviter tout débordement d’une faculté qui ne saurait permettre d’inonder le Conseil de dizaines et de dizaines de mémoires, délai de 3 mois oblige.
Quand une personne justifie d’un intérêt spécial et que le Conseil l’autorise, elle peut adresser un mémoire en intervention dans un délai de trois semaines suivant la date de transmission au Conseil constitutionnel. Cette date est mentionnée sur le site Internet du Conseil. Ce délai n’est pas opposable à la partie qui a posé une QPC sur une disposition dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi et qui, pour cette raison, n’a pas été renvoyée ou transmise.
L’intervention admise est communiquée à l’ensemble des parties et autorités qui se voient accorder un délai pour présenter d’éventuelles observations.
L’auteur de l’intervention se voit notifier quant à lui l’ensemble des pièces de la procédure.
Les récusations
Elles sont prévues par le règlement intérieur. Ainsi l’article 4 dispose que tout membre du Conseil constitutionnel qui estime devoir s’abstenir de siéger en informe le président qui soit en prend acte soit peut saisir le Conseil si le motif ne lui parait pas être un motif sérieux de récusation.
Une partie peut aussi, dans le délai des premières observations, demander la récusation d’un membre du Conseil par un écrit spécialement motivé accompagné de pièces propres à la justifier. Cette demande est communiquée au membre du Conseil concerné. Ce dernier fait connaître s’il acquiesce à la récusation. Dans le cas contraire, la demande est examinée en séance sans la participation du membre dont la récusation est demandée, ceci pour éviter les demandes abusives comme celles de M. Montebourg sur le financement des dépenses sociales des départements qui récusaient M. Debré, président qui avait présidé à l’Assemblée nationale au moment du vote de la loi, M. Steinmetz, directeur de cabinet du Premier ministre qui avait déposé la loi, Messieurs Barrot, Haenel et moi-même, car parlementaires à l’époque et donc présents à l’Assemblée et au Sénat quand la loi a été votée plus encore, un ou deux autres membres, ce qui en fait ramenait le Conseil à 3 membres sur 9 aptes à délibérer. Seuls M. Barrot et moi avons accepté de nous déporter même si, dans les débats, nous n’avions dit que « bravo » ou « très bien ! ».
Il arrive régulièrement que les membres s’abstiennent de siéger par eux-mêmes. Par exemple quand nous avons participé à la rédaction du texte comme membre du gouvernement ou du Parlement ou à son jugement par une cour suprême comme nos collègues Denoix de Saint Marc et Canivet, anciens présidents du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel a donc reçu des demandes de récusations mais a toujours appliqué la règle strictement pour que soient récusés ceux des membres dont la présence au délibéré poserait un vrai problème et entacherait gravement la réputation de la décision.
3. Le contradictoire dans le cadre du contentieux des élections législatives et sénatoriales
Le Conseil constitutionnel peut être saisi dans les 10 jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin, par toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l’élection, ainsi qu’aux personnes qui ont fait acte de candidature à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Les requêtes doivent contenir le nom, les prénoms et la qualité du requérant, le nom des élus dont l’élection est attaquée, les raisons pour lesquelles l’élection doit être annulée.
Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que par une requête écrite.
Les requérants peuvent se faire représenter par toute personne de leur choix.
Dans cette hypothèse, c’est leur représentant qui est seul destinataire des notifications, généralement un avocat, et pas nécessairement au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.
Le Conseil constitutionnel peut également être saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) en cas de non-dépôt ou de rejet d’un compte de campagne à l’élection présidentielle ou parlementaire.
Les saisines (de la CNCCFP) ou les requêtes (des candidats ou électeurs) donnent lieu à un enregistrement au secrétariat général du Conseil constitutionnel, qui assure ensuite le respect du contradictoire pendant toute la procédure. Dès réception d’une requête, il en avise l’assemblée intéressée.
Par exception, la procédure contradictoire n’est pas obligatoire : si les conditions de l’article 38 alinéa 2 lui semblent remplies (« requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une incidence sur les résultats de l’élection »), le Conseil constitutionnel peut rejeter la requête sans instruction préparatoire.
Dans tous les autres cas, les saisines ou requêtes, ainsi que les pièces qui les accompagnent le cas échéant, sont communiquées aux membres du Parlement dont l’élection est contestée et un délai leur est imparti pour produire leurs observations écrites. Il n’y a pas de délai pour purger tout contentieux des élections sauf pour statuer sur les réclamations dirigées contre l’élection du président de la République : 3 jours pour le premier tour et 10 jours pour le second.
Pour l’examen du contentieux électoral, trois sections de trois membres sont formées au sein du Conseil constitutionnel, qui est assisté de dix rapporteurs adjoints désignés chaque année parmi les maîtres des requêtes au Conseil d’État et les conseillers référendaires à la Cour des comptes.
Le Conseil constitutionnel et ses sections peuvent, s’ils l’estiment utile, ordonner une enquête et se faire communiquer toutes pièces se rapportant à l’élection, ce que nous avons fait scrupuleusement pour l’élection présidentielle à partir de la décision de la Commission des comptes qui était contestée devant nous et que nous avons jugée à partir des documents comptables qui ont été déposés et non de ceux qui ont pu apparaître après notre décision et dont on discute encore aujourd’hui. Mais nous avons constaté un dépassement qui suffisait à rejeter le compte à partir des documents que nous avions sans pouvoir aller en chercher d’autres.
Le rapporteur de l’affaire peut également procéder à l’audition de témoins. Cette audition donne alors lieu à rédaction d’un procès-verbal, qui est communiqué aux intéressés qui ont trois jours pour déposer leurs observations écrites.
D’autres mesures d’instruction peuvent également être ordonnées par l’un des membres du Conseil constitutionnel ou le rapporteur adjoint.
Pour les présidentielles, le contentieux se règle avant la proclamation des résultats. Il n’y a pas de procédure écrite ou orale, nous statuons sur le rapport de nos délégués dans les départements et outre-mer.
Pour les comptes de campagne, la procédure est écrite exclusivement sauf pour le compte du président de la République où la procédure est écrite et orale.
Quand le Conseil constitutionnel soulève d’office, il notifie aux parties et leur donne un bref délai pour réagir.
Très simple.
Très souple.
À la portée des requérants ou saisissants, en évitant un formalisme inutile quand ce n’est pas obligatoire ou inévitable. Notre Maison est donc largement ouverte au dialogue et à la présentation des arguments des uns et des autres.
3e session – L’organisation de la procédure orale
Synthèse des réponses au questionnaire
Mathieu Disant, Professeur à l’Université Lyon Saint-Étienne, Expert auprès de l’ACCPUF
La procédure devant vos cours étant principalement écrite, l’oralité occupe une place subsidiaire dans la procédure.
Il n’existe pas à proprement parler de procédure orale en matière de constitutionnalité devant certaines cours : Angola, Bénin, Burkina Faso, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Liban, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo. La pratique des auditions peut le cas échéant atténuer ce constat, mais celle-ci se fait quoi qu’il en soit en dehors des audiences et ne remet pas en cause la place très limitée voire inexistante de l’oralité dans ces cours.
Pour d’autres, à l’inverse, l’oralité trouve toute sa place lors de l’audience publique de plaidoirie : Albanie, Burundi, Cambodge, Cameroun, Congo, France (s’agissant de la procédure QPC), RDC, Roumanie, Monaco, Slovénie. Elle se dessine aussi au Maroc, où la loi organique relative à l’exception d’inconstitutionnalité prévoit une procédure orale où les parties et leurs défenses auront à développer leurs arguments devant la Cour.
L’audience publique permet aux parties – et éventuellement aux intervenants – de présenter, oralement, leurs observations devant la Cour. La plupart des cours qui la pratique souligne que cette phase orale permet opportunément d’approfondir certains aspects de l’affaire, de compléter la procédure essentiellement inquisitoire (indiquent la Côte d’Ivoire et la RDC), de permettre aux parties d’éclairer leurs positions (précise la Roumanie) et, comme l’indique la Cour du Congo, de « vivifier le principe du contradictoire ».
Ceci étant, la procédure orale, qui n’est pas chose naturelle dans le contentieux constitutionnel, peut se trouver réservée à certaines procédures. Par exemple, en Roumanie, pour les exceptions d’inconstitutionnalité ; en France, pour les seules QPC ; tandis qu’en Slovénie, les requêtes individuelles en sont exclues.
Cette phase orale est parfois facultative (Belgique, Madagascar, Slovénie). Son organisation dépend de l’importance de l’affaire au Congo ; à Madagascar, elle relève d’une décision souveraine de la Cour, qui en examine l’utilité sur la base d’une demande motivée par les avocats des parties. En Slovénie, cette possibilité n’est utilisée tout au plus qu’une fois par an.
En Belgique, le caractère facultatif de l’audience a été introduit par une révision de la loi spéciale en 2014. Avant cette date, une audience devait être systématiquement tenue pour chaque affaire. Dans la plupart des cas, toutefois, l’audience n’apportait rien aux débats, les parties se contentant de répéter leurs arguments ou de renvoyer à leurs écrits.
Désormais, l’audience a donc lieu soit à la demande d’une partie à être entendue (demande que ne refuse jamais la Cour), soit à l’appréciation des juges-rapporteurs qui estiment, au moment de la mise en état, par indication dans leur rapport, si une audience doit être tenue en ce sens qu’elle est utile ! Ce sera le cas lorsque de nouveaux éléments de droit apparaissent en cours de procédure ou lorsque des difficultés d’interprétation ou de compréhension des questions soulevées nécessitent des éclaircissements de la part des parties.
La Cour fait observer le caractère vertueux de ce nouveau régime : le caractère facultatif de l’audience incite les plaideurs qui en sollicitent la tenue à centrer leur plaidoirie sur les seuls éléments qu’ils estiment essentiels pour la décision de la Cour.
Au Canada, la Cour tient des audiences pour tous les appels et les renvois du gouverneur en conseil qui lui sont présentés. Chaque année se tiennent trois sessions consacrées à l’audition publique des appels. La première commence fin janvier ; la seconde, fin avril ; et la troisième, début octobre. La Cour entend généralement des appels pendant dix-huit semaines à raison de deux semaines de session suivies de deux semaines d’interruption. En République de Moldova, ce sont quatre sessions qui organisent les audiences publiques, une par saison !
1. Les règles applicables à la présentation orale des observations ne sont mentionnées que pour partie dans vos règlements internes de procédure, lesquels renvoient parfois aux règles du droit commun (Roumanie), applicables en l’absence de disposition contraire (Albanie).
L’organisation concrète de l’audience publique relève donc essentiellement d’usages.
Dans ses grandes étapes, le déroulement est standardisé. Après que, pour certaines cours seulement, le juge-rapporteur ait présenté son rapport en rappelant les étapes de procédure et les points de droit, les parties interviennent à tour de rôle. Le président donne d’abord la parole à la partie qui « attaque » la norme en cause et, ensuite, à la partie qui la « défend ». Le défenseur de la norme contestée a la parole en dernier lieu. Il est systématiquement offert (sauf en Albanie) un droit de réplique aux avocats qui le souhaitent.
La durée des audiences peut varier de quelques minutes à quelques heures, selon les cas. L’expérience montre qu’il est cependant exceptionnel qu’une audience dure plus d’une demi-heure en Belgique ; la durée moyenne est d’une heure et demi à Madagascar, elle ne dépasse pas deux à trois heures en RDC.
Le temps de présentation orale des observations n’est pas figé. Il peut être limité à 5 minutes devant la Cour du Congo. Les observations de chacune des parties sont limitées à quinze minutes en France ; c’est aussi le temps imparti en pratique en Roumanie et en Moldavie. Le temps à disposition est d’environ 20 minutes en Slovénie. Dans le cadre plus particulier des appels devant la Cour suprême du Canada, la durée des plaidoiries est rigoureusement réglementée : les appelants disposent d’une heure, tout comme les intimés, puis cinq minutes pour formuler leur réplique, avant de laisser la parole aux procureurs généraux (10 minutes) et aux intervenants admis à plaider (5 à 10 minutes).
Quant à la matière présentable, deux pratiques se distinguent plus ou moins nettement.
L’une, que j’appellerais « confortative », consiste à considérer que les observations orales n’ont pas pour objet de présenter de nouveaux moyens non développés dans les mémoires écrits. Cette règle est parfois clairement établie (Madagascar).
L’autre, que je qualifierais de « supplétive », retient que les participants à l’audience sont invités à exposer seulement sur les points qui n’étaient pas déjà éclairés dans leurs mémoires écrits. C’est le cas en Slovénie, à Monaco également.
La démarche est statique dans l’une, dans l’autre est retenue une logique de l’entonnoir qui place l’audience comme une véritable mesure d’instruction.
À cet égard, une question pratique non négligeable concerne la possibilité pour les membres d’interroger les parties. Sauf erreur, cela ne conduit jamais au sein de vos cours à un véritable débat, simplement à un jeu de question/réponse. L’intérêt n’en est pas moindre car l’interaction générée par ces questions est de nature à donner une plus-value à l’audience publique, ce qui est parfois discuté par les praticiens du contentieux constitutionnel.
Les membres de certaines de vos cours peuvent adresser des questions aux parties durant l’audience publique (Slovénie, Monaco, Canada, Moldavie). Cette faculté s’exerce parfois par l’intermédiaire du président (Roumanie, Belgique). À cette fin, au Congo, le président reçoit un support écrit de la part des membres et apprécie s’il y a lieu ou non de poser la question suggérée. Ces questions peuvent être posées directement à tous les participants. Toutefois, cette pratique d’interrogation orale est peu fréquente.
Il est à noter que le Conseil constitutionnel français, en mai 2016, a retenu cette pratique pour les audiences de QPC. Une formule plus interactive est mise en place devant la Cour de la République de Moldova puisque les parties, elles aussi, peuvent mutuellement s’interroger, sous le contrôle du président de séance.
2. Dans un tel contexte, les modes de publicité organisés par les cours ont un rôle crucial. Plusieurs de vos cours font état de mesures très concrètes en la matière.
Au cours de l’audience, certaines cours peuvent autoriser la présence des médias (Albanie, Canada, Belgique, Cambodge, Congo, Mauritanie, RDC). Les cours peuvent le cas échéant émettre des avis sur leurs sites Internet officiels en ce qui concerne les questions en cours d’examen.
En France, une salle d’audience a été spécialement aménagée au Conseil constitutionnel et les audiences QPC y sont tenues chaque semaine. Les audiences sont filmées, elles sont retransmises en direct dans une salle annexe, si les capacités d’accueil de la salle d’audience sont insuffisantes pour accueillir le public, et surtout retransmises sur le site Internet du Conseil constitutionnel quelques heures après la tenue de l’audience. La Cour de Roumanie fait de même sur son site lorsqu’il s’agit des exceptions d’inconstitutionnalité.
À cet égard, on notera que, depuis le mois d’avril 2016, le Tribunal fédéral suisse a décidé de mettre à disposition une sélection de séquences filmées de ses délibérations publiques – dont on rappelle le caractère éminemment spécifique ! Ces enregistrements peuvent être visionnés sur le site Internet du Tribunal fédéral.
En revanche, en Slovénie, si les audiences publiques font objet d’un enregistrement sonore, ayant valeur de procès-verbal de l’audience, le droit d’accès à l’enregistrement ne concerne que les participants.
Des restrictions à la publicité existent dans vos règlements intérieurs. De façon générale, les cours peuvent décider d’interdire l’accès ou, le cas échéant, la retransmission pour une partie ou pour la totalité des débats, pour des raisons qui tiennent toujours à des motifs d’ordre public, de protection de bonnes moeurs ou de protection des droits personnels (Albanie, Belgique, France, Slovénie, RDC, Suisse). La différence est tout au plus technique, selon que le huis clos est décidé par un arrêt motivé (par ex. Belgique) ou par décision du président. Quoi qu’il en soit, cette restriction est extrêmement rare (Slovénie), et ne s’est jamais produite dans la plupart des cours concernées (par ex. Belgique). Comme le relève la Cour de Roumanie, dès lors que le jugement d’une exception d’inconstitutionnalité est une question d’ordre public qui ne vise pas des aspects de fait, les restrictions à la publicité demeurent essentiellement théoriques.
3. Les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ne sont pas négligeables en pratique.
Dans la plupart des cours (notamment Belgique, Cambodge, Canada, Congo, Mali, Mauritanie, Moldavie, Niger, RDC, Roumanie, Slovénie), les parties agissent en personne ou par avocat et sont libres de choisir leur mandataire si elles en souhaitent un. Parfois avec une condition de qualification du représentant, comme celle de justifier d’un diplôme en droit devant la Cour de la République de Moldova.
À l’inverse, en France, au Cameroun, à Madagascar, il existe un monopole de représentation au profit des avocats. Compte tenu de la technicité de la procédure constitutionnelle, c’est une solution qui semble gagner du terrain, elle est par exemple envisagée en RDC. Précisons qu’aucune de vos cours ne connaît de barreau spécialisé devant la cour constitutionnelle (du type du barreau des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’État). Quant aux parties institutionnelles, elles peuvent charger leurs fonctionnaires d’intervenir devant la Cour.
4. L’issue de l’audience marque le plus souvent la fin de l’instruction contradictoire. Seules certaines cours donnent la possibilité aux parties de déposer une note post-audience. C’est possible en Albanie, Cameroun, Gabon, Mauritanie, Roumanie, et en France. Le Conseil constitutionnel français peut inviter les parties à produire une note en délibéré afin d’être éclairé sur un point précis qui n’aurait pas été suffisamment précisé lors de l’instruction écrite. En pratique, cette mesure a été très peu utilisée (dans le cas français, cela a concerné moins de dix dossiers depuis l’entrée en vigueur de la QPC).
En Belgique, une partie peut déposer une « note de plaidoirie » lors de l’audience, sous réserve de l’autorisation du président. Si celui-ci l’accepte, les autres parties ayant pu éventuellement s’y opposer, la pièce est versée au dossier et communiquée aux autres parties.
Quoi qu’il en soit, sous ces quelques réserves, le contradictoire n’a pas vocation à se poursuivre après l’audience. Les parties n’interviennent plus, en principe, après que le président ait clôt les débats à la fin de l’audience. Tout au plus, si un fait nouveau apparaît après la clôture des débats (modification législative, évolution jurisprudentielle…), les parties peuvent évidemment en informer la Cour. Devant cette situation d’école, la Cour de Belgique souligne qu’elle peut rouvrir les débats pour permettre aux parties de s’exprimer sur ce fait nouveau. De façon plus solennelle, une procédure de réaudition des appels est prévue par les règles applicables à la Cour suprême du Canada. La Cour peut, sur requête ou de son propre chef, convoquer les parties à une nouvelle audition afin de les réentendre sur une question qui n’a pas entièrement été traitée à l’audience, ou encore sur une nouveau point.
D’où l’on voit, que sans renverser le caractère principalement écrit de la procédure, la contradiction orale a sa place dans le contentieux constitutionnel, particulièrement dans le contentieux incident.
L’exemple du Tribunal fédéral suisse
Ulrich Meyer, Vice-président du Tribunal fédéral suisse[1]
I. Remarques préliminaires
Les quelques 8 000 procédures de recours que le Tribunal fédéral suisse traite chaque année [2] se déroulent presque exclusivement par écrit. On pourrait dès lors être tenté de négliger la procédure orale. Pourtant, comme nous le verrons, la procédure orale revêt qualitativement une grande importance.
II. Formes de la procédure orale
A. Débats
Au chapitre 2 (dispositions générales de procédure), section 9 (procédure de jugement), l’article 57 de la loi sur le Tribunal fédéral [3] dispose que : le président de la cour peut ordonner des débats. Les débats constituent un pas vers le jugement ; ils appartiennent à l’instruction de la procédure. Dans les procédures simplifiées des articles 108 et 109 LTF, il n’y a pas de débats oraux. Mais, dans la procédure ordinaire également (art. 29 ss, art. 90 ss LTF), ils sont extrêmement rares. En effet, dans la mesure où le Tribunal fédéral est en principe lié par les faits établis par l’autorité précédente (art. 105 al. 1 et al. 2 LTF) et que son rôle se restreint au contrôle du droit (art. 95 let. a LTF), des questions nécessitant une instruction lors de débats oraux ne se posent qu’extrêmement rarement. Cela étant, les droits des parties, en particulier celui de s’exprimer (droit d’être entendu), sont garantis dans la procédure écrite, raison pour laquelle des débats oraux (plaidoiries) ne sont généralement pas nécessaires. Le Tribunal fédéral a ordonné des débats oraux par exemple lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation du droit au sens de l’article 6, paragraphe 1 de la CEDH [4].
B. Délibérations
Les délibérations orales sont bien plus importantes [5] . Aux termes de l’article 58, alinéa 1 de la LTF, le Tribunal fédéral délibère en audience si le président de la cour l’ordonne ou si un juge le demande (let. a) ou – alternativement – s’il n’y a pas unanimité (let. b). Dans les autres cas, le Tribunal fédéral statue par voie de circulation (art. 58, al. 2 LTF). Bien que les profanes les confondent toujours, les délibérations en audience sont fondamentalement différentes des débats oraux. Les délibérations ne constituent ni un acte d’instruction ni un forum permettant l’exercice des droits des parties mais une forme de jugement dont résulte – à l’issue des délibérations orales – la décision.
Le Tribunal fédéral délibère en audience dans moins de 100 affaires sur les quelque 8 000 jugements qu’il rend par année. Ce faible nombre peut surprendre au regard de l’unanimité nécessaire à la liquidation dans la procédure écrite (par voie de circulation). Ce faible taux se justifie de manière purement pragmatique. Jusque dans les années 1990, une grande partie des affaires était traitée en délibération publique, ce qui est devenu impossible avec l’augmentation de la charge de travail. Le fait que la minorité de la cour appelée à statuer se rallie à la majorité lors de la (deuxième, troisième …) circulation, avant tout lorsque le score des voix est clair [6], constitue un autre aspect qui se justifie également sur le plan pratique. Il existe des différences considérables dans la pratique de délibération en audience au sein des sept cours, ce qui s’explique en particulier par la personnalité des différents juges. Certains juges privilégient les délibérations publiques alors que d’autres ont plutôt tendance à les éviter.
III. Modalités
Les présidents des cours convoquent les séances en fixant l’ordre du jour qui est envoyé en règle générale au moins six jours ouvrables à l’avance ; les dossiers doivent être mis à disposition des juges au plus tard au moment de l’envoi de l’ordre du jour [7] . Le déroulement de la séance est confié au président de cour et suit strictement l’ancienneté (ancienneté de service ou selon leur âge en cas d’élection à la même date ; cf. art. 44, al. 1 RTF). Lors de la délibération, le président donne d’abord la parole au juge rapporteur puis aux autres juges ; le président s’exprime en dernier (art. 44, al. 2 RTF). Celui qui entend faire une contre-proposition peut la présenter immédiatement après la présentation du rapport (art. 44, al. 3 RTF). Les greffiers peuvent exprimer leur voix consultative après que les juges ont exprimé leur avis lors du premier tour de parole (art. 39, let. a RTF). Un deuxième tour de parole est en principe effectué au sein du collège de juges. Lorsque la parole n’est plus demandée, le président de cour passe au vote sur les propositions du juge rapporteur et la (ou les) contre-proposition( s) pour autant qu’elles soient maintenues. Habituellement, on vote d’abord sur l’issue matérielle de l’affaire (le fond), ensuite sur les effets accessoires de l’issue du procès (frais judiciaires, dépens). Puis, le président de cour notifie oralement le jugement en lisant le dispositif dans la langue de la procédure concernée. Le jugement est ainsi rendu. Les parties et les autres participants à la procédure reçoivent immédiatement le dispositif sous forme écrite. La motivation du jugement, qui diffère parfois de ce qui a été dit lors des débats, suit quelques semaines ou mois plus tard. Le règlement prescrit que lors des audiences publiques, les juges et les greffiers et en cas de débats – les représentants des parties également – doivent porter des vêtements noirs (art. 48 RTF).
IV. Publicité
A. Principe
Conformément à l’article 59, alinéa 1 de la LTF, les éventuels débats ainsi que les délibérations et votes en audience ont lieu en séance publique. Il n’existe dès lors pas de confidentialité des délibérations au Tribunal fédéral. La cour ne se retire pas pour délibérer mais au contraire prononce son jugement en public. Cela constitue une spécialité helvétique, qui n’a guère d’équivalent en Europe et en particulier dans le monde francophone [8] .
B. Motifs d’exclusion
Le Tribunal fédéral peut ordonner le huis clos total ou partiel si la sécurité, l’ordre public ou les bonnes moeurs sont menacés, ou si l’intérêt d’une personne en cause le justifie (art. 59, al. 2 LTF). Cela concorde en substance avec l’article 6, paragraphe 1 de la CEDH. La publicité n’est que très rarement exclue.
C. Médias
Outre les journalistes accrédités au Tribunal fédéral, qui bénéficient de droits d’accès et de prestations de service particuliers [9], les journalistes sont admis aux audiences publiques comme tout un chacun. En revanche, les prises de son et de vue ne sont pas autorisées en séance ; en particulier, une intervention parlementaire visant à la retransmission en direct des délibérations publiques a récemment été rejetée par les chambres fédérales à la demande du Tribunal fédéral. Bien que notre haute juridiction n’ait pas réglé expressément la question, jusqu’à maintenant et dans les limites de l’article 62 du RTF, les ordinateurs et téléphones portables dans les salles d’audience ont été tolérés, pour autant qu’ils soient utilisés dans le but de rédiger un texte et qu’ils ne dérangent pas le bon déroulement de la séance. Dans ces conditions et si le juge qui préside l’audience n’ordonne pas le contraire, l’utilisation de « Twitter » est possible. Une prise de vue de la cour est possible après la séance au moment où cette dernière quitte la salle d’audience. On ne tient pas de conférence de presse sur les différents arrêts. Il arrive très rarement que le président de la cour appelée à juger donne des informations aux représentants des médias. En revanche, les communiqués de presse élaborés par un spécialiste en collaboration avec la cour appelée à statuer lors d’arrêts de principe particulièrement importants ont fait leurs preuves ces dernières années.
Dans le cadre de la procédure écrite, le principe de publicité est par ailleurs garanti en ce sens que le Tribunal fédéral met le dispositif des arrêts n’ayant pas été prononcés lors d’une séance publique à la disposition du public pendant 30 jours à compter de leur notification (art. 59, al. 3 LTF). En outre, tous les arrêts sont publiés sur Internet, en principe sous forme anonymisée.
V. Importance des délibérations publiques
A. Du point de vue procédural
Bien que, comme indiqué précédemment, les délibérations publiques soient peu nombreuses, elles revêtent une grande importance pour le Tribunal fédéral. Tout d’abord, les grandes affaires, soit les cas les plus importants sont assez fréquemment tranchés en audience publique. S’y ajoute la culture de la délibération, qui diffère toutefois d’une cour à l’autre, mais qui est néanmoins très marquante. Les arrêts rendus oralement trouvent régulièrement un large écho dans la presse. Les délibérations publiques ont une importance considérable sur le plan interne également. Elles permettent en particulier au membre de la cour dont l’avis est resté minoritaire de motiver son point de vue dissident en audience publique. Même si l’opinion minoritaire n’apparaît pas dans l’arrêt, on peut y voir une forme particulière – toute helvétique – de dissenting opinion que la procédure devant le Tribunal fédéral au sens technique ne connaît pas (contrairement à quelques rares cantons). Une initiative parlementaire demandant l’introduction des dissenting opinions dans les jugements du Tribunal fédéral est actuellement pendante.
B. Du point de vue constitutionnel
Les délibérations publiques et le vote sont l’expression du principe spécifiquement suisse de structure constitutionnelle de la démocratie. La Suisse est un État de droit fédéral et social, mais en premier lieu une démocratie (semi-directe). C’est la raison pour laquelle l’activité judiciaire et le processus de prise de décision doivent être transparents et contrôlables. Il est indéniable que cela provoque certaines tensions avec l’indépendance des juges, tensions qui sont accentuées par la réélection (après six ans) par l’Assemblée fédérale. En fin de compte, il en va de la légitimité démocratique de la justice également, une particularité typiquement suisse, que le Tribunal fédéral a globalement très bien réussi à gérer.
-
[1]
En décembre 2016, Ulrich Meyer a été désigné président du Tribunal fédéral suisse et est devenu président de l’ACCPUF. [Retour au contenu] -
[2]
Rapport de gestion du Tribunal fédéral 2015, p. 9. [Retour au contenu] -
[3]
LTF, RS 173.110. [Retour au contenu] -
[4]
ATF 137 I 86. [Retour au contenu] -
[5]
Concernant leur importance, cf. ci-dessous note 14. [Retour au contenu] -
[6]
Les cours statuent en principe à trois juges (art. 20, al. 1 LTF). Elles statuent à cinq juges lorsque la cause soulève une question juridique de principe ou si un juge en fait la demande (art. 20, al. 2 in initio LTF). Généralement, seules les affaires de principe sont tranchées en audience publique. [Retour au contenu] -
[7]
Art. 43 du règlement du Tribunal fédéral, RS 173.110.131. [Retour au contenu] -
[8]
Pour précision, cf. ci-dessous ch. V. [Retour au contenu] -
[9]
cf. Directives concernant la chronique judiciaire du Tribunal fédéral, RS 173.110.133. [Retour au contenu]
L’exemple de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova
Aurel Baiesu, Membre de la Cour constitutionnelle de la République de Moldova
Cadre légal
La procédure d’examen des saisines se déroule conformément aux dispositions des textes suivants :
- loi relative à la Cour constitutionnelle n° 317-XIII du 13 décembre 1994 ;
- code de la juridiction constitutionnelle n° 502-XIII du 16 juin 1995 ;
- règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle, approuvé par l’arrêt de la Cour n° AG-3 du 3 juin 2014.
NB. Vu que le législateur a prévu que la Cour fixe à elle seule les limites de ses compétences, la Cour réglemente par des règles internes et essentiellement par elle même la procédure d’examen des saisines.
Principes de l’organisation de la procédure de juridiction constitutionnelle
- La Cour constitutionnelle, en tant que seule autorité habilitée par la loi à exercer le contrôle de constitutionnalité, a la compétence de pleine juridiction en la matière ;
- l’action de contrôle de conformité des actes normatifs qui contiennent des normes de droit avec la Constitution de la République de Moldova a pour objectif de réaliser le principe de suprématie de la Constitution. Ainsi, la Cour vérifie les aspects de droit in abstracto et non pas in concreto ;
- principe d’égalité des armes – le principe d’égalité des parties et d’autres participants au procès devant la Constitution et devant la Cour constitutionnelle, qui permet aux parties aux procès de participer activement et équitablement à la présentation, l’argumentation et à la justification de leurs droits lors du procès ;
- le caractère direct des débats, selon lequel la Cour constitutionnelle entend directement les explications des parties, les conclusions des experts, donne lecture des actes et d’autres textes relevant de l’examen de l’affaire.
Procédure orale vs procédure écrite
La procédure orale devant la Cour constitutionnelle de la République de Moldova est une règle, tandis que la procédure écrite constitue une exception.
La procédure orale est applicable devant la Cour pour :
- le contrôle de la constitutionnalité des lois ;
- le contrôle des règlements et des décisions du Parlement ;
- le contrôle des décrets du président de la République de Moldova ;
- e contrôle des décisions, des ordonnances et des dispositions du gouvernement ; • le contrôle des traités internationaux auxquels la République de Moldova est partie ; • la confirmation des résultats des référendums républicains ;
- la confirmation des résultats des élections du Parlement et du président de la République ;
- la constatation des circonstances justifiant la dissolution du Parlement, la révocation du président de la République ou l’intérim de la fonction du président, ainsi que l’impossibilité pour le président de la République d’exercer ses attributions durant plus de 60 jours ;
- la résolution des cas exceptionnels d’inconstitutionnalité des actes juridiques ;
- les décisions sur les problèmes ayant comme objet la constitutionnalité d’un parti.
La procédure écrite est applicable lorsque la Cour :
- effectue l’interprétation des dispositions constitutionnelles ;
- adopte des avis relatifs à la modification de la Constitution.
En tout cas, le dispositif des arrêts et des avis est rendu public. Les parties sont informées de la date, du lieu du prononcé public du dispositif.
Participants aux procès
Auteurs de la saisine
La Cour exerce sa juridiction sur les saisines émanant :
- du président de la République de Moldova ;
- du gouvernement ;
- du ministre de la Justice ;
- de la Cour suprême de justice ;
- du Procureur général ;
- d’un député du Parlement ;
- d’un groupe parlementaire ;
- de l’Avocat du peuple ;
- de l’Avocat du peuple pour les droits de l’enfant ;
- des conseils des unités administratives territoriales de premier ou deuxième niveau, l’Assemblée nationale de Gagaouzie (Gagauz-Yeri).
La Cour peut être saisie par toutes les instances judiciaires pour des exceptions d’inconstitutionnalité.
Représentants des autorités
Lors des audiences publiques de la Cour, à part l’auteur (les auteurs) de la saisine, doivent être invités :
- le représentant du Parlement et, selon le cas, du président de la République de Moldova et du gouvernement, si le contrôle de constitutionnalité porte sur une loi ;
- le représentant du Parlement, si le contrôle de constitutionnalité porte sur un arrêté du Parlement ;
- le représentant du président de la République de Moldova, si le contrôle de constitutionnalité porte sur un décret du président ;
- le représentant du gouvernement si le contrôle de constitutionnalité porte sur un arrêté du gouvernement.
Les représentants des autorités susmentionnés ont la compétence de défendre avec des arguments pertinents la constitutionnalité des normes attaquées par la saisine.
Intervenants
Afin d’éclairer certains aspects pour la résolution de l’affaire, aux audiences publiques de la Cour, à part l’auteur (les auteurs) de la saisine, peuvent être invités des intervenants, si la Cour le juge nécessaire, si :
- le sujet de l’affaire pendante ne peut pas être suffisamment expliqué par les parties ;
- les opinions écrites des autres autorités ne sont pas suffisantes.
Habituellement, la Cour fait appel à des intervenants professionnels sur des sujets de recherche très spécifiques ou pour les affaires importantes.
Représentation lors de l’audience
L’auteur de la saisine peut personnellement participer à la séance publique de la Cour ou peut déléguer un représentant.
Le représentant de l’auteur de la saisine et les représentants des autorités invités aux audiences publiques de la Cour doivent avoir une licence en droit, sauf si le Plénum de la Cour en décide autrement.
La qualification du représentant doit être confirmée par des actes justificatifs.
L’organisation de l’audience
Les saisines sont examinées par la Cour en audiences publiques, selon l’agenda approuvé en session plénière.
Le projet de l’agenda est proposé par le président de la Cour. Tout juge peut proposer des modifications à l’ordre du jour des séances.
La séance de la Cour est dirigée par le président de la Cour. Les indications du président de la séance sont obligatoires pour les participants au procès et les autres personnes présentes dans la salle.
Déroulement de l’audience
Le président de la séance constate la présence des participants au procès, le motif de l’absence, selon le cas, les pleins pouvoirs des représentants des parties.
Le président de la séance présente la composition de la Cour constitutionnelle et le greffier.
Le président de la séance explique aux participants au procès leurs droits et obligations de procédure.
Les prises de parole
Les prises de parole se succèdent de l’auteur de la saisine aux autres participants au procès.
Lors de la séance de la Cour, les parties présentent les faits et les aspects de droit de la cause de façon à ce que le temps de parole ne dépasse pas 15 minutes, le président de la séance ayant le droit de limiter les plaidoiries.
À la demande des parties, le président peut accorder 15 minutes supplémentaires pour répondre aux questions posées par les juges.
L’échange avec les membres de la Cour
Les démarches écrites des participants au procès sont jointes au dossier après lecture en séance.
Les démarches orales sont inscrites au procès-verbal de la séance. Celles-ci sont solutionnées durant la séance par arrêt de la Cour constitutionnelle.
Les participants au procès s’adressent à la Cour constitutionnelle, formulent des demandes et des déclarations, présentent des arguments et répondent aux questions.
Les participants au procès n’ont pas le droit de d’interroger les juges de la Cour constitutionnelle.
Après le mot de clôture des parties, le président de l’audience annonce le retrait des juges pour délibération. Les participants à l’audience sont informés sur le lieu, la date et l’heure du prononcé du dispositif de l’arrêt.
Le rôle actif du juge constitutionnel (procédure inquisitoire vs procédure accusatoire)
Lors du procès, la Cour constitutionnelle entend directement les explications des parties, pose des questions, donne lecture des actes et d’autres textes relevant de l’examen de l’affaire.
Lors de l’instruction de l’affaire, le juge constitutionnel peut, le cas échéant, inviter et entendre d’autres personnes que les parties au procès, demander des documents se rapportant à l’affaire aux organes concernés ; demander les expertises ; mener d’autres actions pour la résolution de l’affaire.
À titre d’exception, la Cour peut étendre l’objet du contrôle sur d’autres dispositions légales, si les dernières sont liées avec l’objet allégué dans la saisine.
Considérations conclusives
La Cour constitutionnelle examine exclusivement les problèmes de droit, en lien avec les dispositions de la Constitution, ce qui détermine une procédure particulière, y compris pour ce qui est de l’administration des preuves et l’invocation des revendications, surtout concernant l’utilisation de tout outil de procédure pour soutenir l’opinion prétendue.
Bien que la législation offre aux parties la possibilité de présenter des arguments et poser des questions, vu que la compétence d’exercer le contrôle de constitutionnalité des actes normatifs est uniquement offerte à la Cour constitutionnelle, durant le processus de corroboration des dispositions contestées aux exigences de la Constitution, le juge constitutionnel ne peut qu’avoir un rôle actif.
La prérogative, avec laquelle elle a été investie par la Constitution, suppose la détermination du sens authentique et total des normes constitutionnelles, qui peut être réalisée au moyen de l’interprétation textuelle ou fonctionnelle, dans la mesure où elle peut être déduite du texte de la Constitution, vu le caractère générique de la norme, les situations concrètes que le législateur ne pouvait pas prévoir lors de l’élaboration de la norme, les règlementations ultérieures (connexes ou bien contradictoires), les situations complexes dans lesquelles la norme doit être appliquée.
L’exemple du Conseil constitutionnel français
Nicole Belloubet[1], Membre du Conseil constitutionnel français
Introduction
Le principe du contradictoire est un principe à valeur constitutionnelle issu de l’article 16 de la DDHC (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Il permet de donner une base constitutionnelle interne à un principe défendu par la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme).
Le développement de la procédure orale devant le Conseil constitutionnel (CC) répond à une montée en puissance du principe du contradictoire. Cette ligne directrice peut être observée dans les trois types de contrôle exercés par le Conseil (contrôle a posteriori, a priori et dans le domaine électoral) alors même que la CEDH n’impose pas les exigences de l’article 6, al. 1 de la Convention pour tous les contentieux. Liée à l’histoire du CC, qui n’a pas été conçu à l’origine comme une juridiction mais comme une institution de régulation des pouvoirs publics, la procédure contradictoire orale est jeune : nous découvrons l’oralité et nous en sommes encore au stade où nous estimons que c’est un élément essentiel du contradictoire. Le CC est, de ce point de vue, à un stade de moindre maturité que celui de la Cour constitutionnelle belge. Toute évolution vers un caractère facultatif de l’audience publique serait sans doute considérée comme une régression dans l’exercice du contradictoire. L’oralité est aujourd’hui une exigence incontournable du contradictoire.
I. Une accentuation progressive du contradictoire oral en contrôle a posteriori
Jusqu’à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le CC n’était pas concerné par la jurisprudence développée par la CEDH. Depuis l’instauration de la QPC, les règles de l’article 6§1 applicables dans le cadre d’un litige civil lorsqu’il y a des parties, sont désormais respectées. La Cour européenne a en effet jugé que cet article s’appliquait dans les systèmes de contrôle constitutionnel a posteriori et concret. Il en va ainsi en cas de saisine directe d’un particulier devant une cour constitutionnelle ou en cas de question préjudicielle posée à la cour par une juridiction ordinaire [2].
La mise en place de la QPC a été à l’origine de nombreuses novations dans la procédure au sein du Conseil constitutionnel.
L’article 6 CEDH impose la tenue d’audience publique avant qu’il ne soit statué sur les droits et obligations de caractère civil ou les accusations matière pénale sauf dans certaines circonstances exceptionnelles. L’organisation des audiences a ainsi conduit le CC à procéder à certains aménagements pratiques de ses locaux en construisant une nouvelle salle d’audience au rez-de-chaussée de la rue Montpensier, utilisée dès 2012.
Le caractère systématique de l’audience
La QPC est le prolongement préjudiciel d’un procès engagé devant une juridiction administrative ou judiciaire. Procès dans le procès, l’examen de la QPC débouche sur un procès fait à la loi.
- C’est un procès, donc il suppose que les parties au litige puissent présenter devant le CC, leurs observations sur la constitutionnalité de la disposition contestée.
- C’est un procès fait à la loi. Le caractère particulier du contrôle de constitutionnalité de la loi conduit donc à ce que certaines autorités constitutionnelles soient mises en cause devant le CC : il s’agit du président de la République, du Premier ministre et des présidents des deux assemblées parlementaires.
La tenue des audiences publiques
Si l’article 61-1 de la Constitution de 1958 n’évoque pas cette question, la loi organique du 10 décembre 2009 a prévu que le Conseil tiendrait une audience publique sauf dans certains cas exceptionnels définis par son règlement intérieur (RI).
L’article 23-10 de l’ordonnance organique modifiée du 7 novembre 1958 dispose « le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf dans les cas exceptionnel définies par le règlement intérieur du Conseil ». Michel Charasse a déjà exposé devant vous les dispositions qui concernent l’instruction écrite. Notre règlement intérieur du 4 février 2010 fixe également les règles à suivre relatives à la procédure orale [3] .
D’une part il prévoit les modalités pratiques de la publicité de l’audience. L’article 8 énonce que l’audience fait l’objet d’une retransmission audiovisuelle diffusée en direct dans une salle ouverte au public dans l’enceinte du Conseil. L’article 9 prévoit que l’enregistrement de l’audience est diffusé sur le site Internet du Conseil en léger différé, l’après-midi même de la séance, sur décision du président ayant au préalable recueilli l’avis des parties présentes. Toutefois, dans des cas particuliers, le président du CC peut, soit à la demande d’une partie ou d’office, restreindre la publicité de l’audience dans l’intérêt de l’ordre public ou lorsque des intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des personnes l’exige. Il ne peut ordonner le huis clos des débats qu’à titre exceptionnel et pour ces seul motifs.
Le déroulement de l’audience
La date de l’audience est indiquée aux parties ainsi qu’aux autorités constitutionnelles dès lors que le président du Conseil a inscrit l’affaire à l’ordre du jour d’une séance. En pratique les parties sont généralement informées trois semaines à l’avance de la date de l’audience. Cette date est également rendue publique sur le site Internet.
Le déroulement de l’audience est déterminé par l’article 10 du règlement intérieur.
Dans la salle d’audience siègent les neuf membres du Conseil qui font face au public. Face aux membres du Conseil, à leur droite, siège le représentant du gouvernement ; à leur gauche prennent place les avocats des différentes parties. Le public s’assoit derrière eux.
L’audience publique peut faire apparaître qu’un ou plusieurs membres du Conseil ne siègent pas dans l’affaire en cause. Quel qu’en soit le motif (maladie, absence pour représentation du CC à l’étranger, déport ou récusation), la conséquence de l’absence à l’audience est d’interdire aux membres absents de prendre part ultérieurement au délibéré de l’affaire.
La police de l’audience appartient (article 8) au président du Conseil qui dirige les débats et veille à son bon déroulement.
Dans un premier temps, le ou la greffière rappelle la question posée et les différentes étapes de la procédure.
Dans un second temps, les représentants des parties sont invités à présenter leurs observations orales. C’est le président qui détermine l’ordre des prises de parole.
– Le CC a retenu des règles de représentation des parties adaptées à la nature de la QPC. Les productions écrites sont libres ce qui découle logiquement de l’absence d’avocat obligatoire devant le juge a quo, par exemple en droit pénal ou en contentieux de l’excès de pouvoir. En revanche la barre du Conseil est réservée aux avocats et aux avocats au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il n’y a donc pas de libre accès à la barre. En pratique, les parties s’expriment environ un quart d’heure par l’intermédiaire de leurs mandataires. Un bon avocat est celui qui, à l’oral ne duplique pas son intervention écrite mais expose une opinion plus percutante. C’est celui qui laisse des traces de son intervention dans l’esprit des membres du Conseil.
– Les statistiques démontrent qu’un peu moins de 5 % des parties n’ont pas d’avocat donc ne plaident pas ; 60 % des parties font appel à un avocat aux Conseils ; 35 % à un avocat à la cour : parmi ces derniers le nombre des avocats au barreau de Paris augmente progressivement (49 % en 2011 mais 71 % en 2016) au détriment des barreaux de province.
– Dans le cadre de la QPC, la pluralité des requérants susceptibles de vouloir contester la même disposition peut justifier que leur argumentation soit prise en compte par le Conseil. Ces « interventions » ont peu à peu été admises. Le Conseil constitutionnel a complété son règlement intérieur en 2011 en ce sens pour ouvrir explicitement aux personnes justifiant d’un « intérêt spécial » la possibilité de lui adresser des observations en intervention. Communiquées au cours de l’instruction contradictoire, elles peuvent conduire à ce qu’un mandataire de l’intervenant soit entendu au cours de l’audience publique.
– Les quatre autorités constitutionnelles précitées ont théoriquement la possibilité d’adresser au Conseil leurs observations sur la QPC qui lui est soumise. En pratique, elles ne mettent pas toutes à profit cette possibilité. Seul le Premier ministre dépose systématiquement des observations dans chaque affaire pour défendre la constitutionnalité de la loi. Il est représenté à l’audience par un directeur ou un chargé de mission du Secrétariat général du gouvernement (SGG).
Dans un troisième temps, un dialogue peut être esquissé sur les moyens de droit développés par les parties.
– Depuis le mois de septembre 2010, le président du Conseil permet aux représentants des parties de répliquer en quelques mots à l’intervention du représentant du Premier ministre.
– Autre innovation depuis l’arrivée du président Laurent Fabius, les membres du Conseil constitutionnel sont désormais autorisés à poser des questions aux représentants des parties ou du Premier ministre. Ils doivent le faire sans se départir de leur neutralité et de leur impartialité. Ils doivent également veiller, puisque le règlement l’impose, à ce que le rapporteur du dossier ne soit pas connu des parties. Depuis la mise en place de cette innovation, il semble que les questions portent soit sur l’apport de données concrètes permettant d’éclairer la question posée, soit sur des précisions juridiques relatives au raisonnement de constitutionnalité. Le 27 septembre 2016, des questions ont ainsi été posées à propos d’une QPC relative à la procédure d’expulsion en urgence absolue, sur la portée effective des voies de recours dont disposait la personne menacée d’expulsion.
Comme l’univers, le caractère oral du contradictoire est en expansion.
II. L’expansion du contradictoire oral au contrôle a priori et au contrôle électoral
Le contrôle a priori
L’article 6§1 de la CEDH [4] ne s’applique pas au contrôle de constitutionnalité exercé à titre préventif et abstrait que le Conseil constitutionnel pratique avant la promulgation de la loi. En effet, il y a dans ce cas ni litige civil ni partie. La procédure est essentiellement écrite dans le cadre de ce contrôle abstrait. Pour autant on trouve trace d’éléments d’une procédure orale non formalisée en contrôle a priori.
D’une part la réunion avec le Secrétariat général du gouvernement (SGG) permet aux membres du Conseil constitutionnel d’approfondir les enjeux juridiques des diverses dispositions législatives soumises à leur contrôle. Elle leur permet également de questionner le gouvernement sur le sens des dispositions contestées, leur finalité, leur constitutionnalité. À l’issue de cette réunion, le SGG fait parvenir des observations écrites qui seront communiquées aux saisissants et serviront d’éléments pour élaborer la décision du Conseil. On peut bien sûr s’étonner que le Conseil auditionne le représentant du Premier ministre et non les parlementaires qui ont fait la loi. Ce mode de défense de la loi assurée par des représentants du pouvoir exécutif s’est imposé en pratique et, « faute d’appétence du Parlement à défendre lui-même la loi, il fonctionne de manière satisfaisante »[5]. Il n’empêche que la défense de la loi pourra être assurée par les représentants d’un Premier ministre qui n’appartient pas au courant politique qui était majoritaire lors de l’adoption de la loi contestée.
Cette fiction a souvent été critiquée. En effet, au cours de cette réunion, il arrive que le gouvernement ne soutienne qu’avec une certaine mollesse des dispositions législatives adoptées par les parlementaires qu’il ne veut pas voir entrer en vigueur. Toutefois il apparaît difficile d’auditionner les parlementaires : d’une part la brièveté des délais (un mois), d’autre part la difficulté d’obtenir des interlocuteurs juridiquement compétents sur les questions posées ont conduit à la mise en place de cette procédure. C’est aussi une façon de prendre en compte le fait que les trois quarts des textes de loi adoptés le sont sur initiative gouvernementale. D’autre part, il faut souligner que dans quelques circonstances des auditions d’instruction ont pu être organisées dans le cadre du contrôle par voie d’action. Le rapporteur de la décision devant le Conseil constitutionnel est alors conduit à auditionner, à sa demande, le rapporteur de la loi devant le Parlement. Ce fut ainsi le cas à propos de la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre où le député F. Bottes a été entendu sur des points techniques de ce texte. Il n’est pas prévu de restitution contradictoire entre les auteurs de la saisine et le gouvernement. De même lors de l’instauration des assurances santé complémentaires, le CC a auditionné deux experts (un économiste, Patrick Rey et une spécialiste de l’économie de la santé) pour mesurer les incidences de ces dispositions législatives sur l’équilibre à terme des comptes sociaux et sur l’organisation du système de prévoyance. Ces auditions ne sont pas fréquentes : depuis ma nomination, il n’y a eu que les deux précitées. C’est sans doute regrettable car les auditions d’experts contribuent à forger une culture commune.
Le contentieux électoral
La CEDH a jugé que le CC n’est pas soumis à son contrôle lorsqu’il statue comme juge électoral [6] . Elle a fondé son raisonnement sur le caractère politique du contentieux électoral pour ne pas appliquer l’article 6§1 qui ne concerne que les litiges de caractère civil. Toutefois, au regard de l’importance des enjeux liés aux élections, le CC a souhaité instaurer des éléments de contradictoire.
Le Conseil a admis à partir de 1995, dans le cadre du contentieux électoral, la tenue d’audiences permettant aux parties aux litiges électoraux (le requérant, le ou les membres du Parlement élus par le même scrutin dans la circonscription concernée) d’être entendues à leur demande ou d’office (article 17 du RI pour le contentieux des élections des députés et des sénateurs). Ces audiences ne sont en tout état de cause pas ouvertes au public.
Le Conseil est conduit à exercer un contrôle in concreto et à apprécier les circonstances de l’espèce (pressions, appréciation de la validité des bulletins de vote…). Il est donc logique qu’il puisse auditionner les élus dont l’élection est contestée avec ou sans leurs avocats.
Lors de l’élection présidentielle, le Conseil doit statuer sur les résultats de l’élection du premier tour dans les trois jours qui suivent la fin des opérations électorales. Siégeant en permanence durant ces journées, il est conduit à auditionner ses délégués dans les départements d’outre-mer ou à les entendre par un système de visioconférence. Dans un autre domaine, concernant la vérification des comptes de campagne du président Sarkozy, candidat à une seconde élection, son avocat, Maître Blanchetier, a été auditionné par le Conseil à plusieurs reprises.
Dans le contentieux des élections législatives ou sénatoriales, lorsque l’élection d’un candidat est contestée, les candidats malheureux ainsi que le candidat élu peuvent être entendus. Les auditions ne sont pas systématiquement organisées : elles ne le sont que sur demande des parties et notamment lorsqu’un élu risque d’être frappé d’une invalidation. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure contradictoire que le Conseil rend sa décision. À la suite des élections législatives de 2007, le Conseil a procédé à 6 auditions mais il a organisé 12 auditions (sur 97 décisions) à la suite du scrutin législatif de 2012. Le contradictoire oral semble donc prendre une importance accrue.
Conclusion
Il serait paradoxal de conclure cette intervention sans dire un mot du délibéré qui par définition est principalement oral.
- D’une part le rapporteur du dossier présente oralement son rapport à ses collègues. Ce rapport n’est pas distribué au préalable avant le délibéré. Les membres du CC disposent seulement d’un projet écrit de décision.
- D’autre part le débat qui suit la présentation du rapport permet d’échanger sur les différents arguments de constitutionnalité. Ce débat n’aboutit pas en France à la publication des opinions dissidentes. Ce n’est qu’après ces deux étapes orales que s’engage la lecture de la décision.
L’ensemble du processus témoigne d’une montée en puissance de l’oralité et donc du contradictoire. Cela est indiscutablement dû à la mise en place du contrôle a posteriori qui s’est nécessairement accompagné d’une procédure contradictoire, laquelle déteint progressivement sur les autres modes de contrôle. Ce n’est au fond que l’application d’un « droit vivant ».
-
[1]
Le 21 juin 2017, Nicole Belloubet a été nommée garde des Sceaux, ministre de la Justice. [Retour au contenu] -
[2]
L’Espagne et la République tchèque ont déjà été condamnées dans ce cadre faute d’un échange contradictoire sur la question posée. [Retour au contenu] -
[3]
Art 5 à 11 du RI sur la procédure suivie devant le CC sur les QPC. [Retour au contenu] -
[4]
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » [Retour au contenu] -
[5]
Christine Maugüe et Jacques Henri Stahl, la QPC, Dalloz, p. 88. [Retour au contenu] -
[6]
21 octobre 1997, Jean-Pierre Pierre Bloch. [Retour au contenu]
L’exemple du Conseil constitutionnel du Cambodge
Uth Chhorn, Membre du Conseil constitutionnel du Cambodge
Monsieur Gilbert Kolly, président de l’ACCPUF et président du Tribunal fédéral suisse,
Monsieur Alexandru Tănase, président de la Cour constitutionnelle de la République de Moldavie,
Madame Caroline Pétillon, secrétaire générale de l’ACCPUF,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Monsieur le président, permettez-moi de saisir cette occasion pour vous adresser, au nom du Conseil constitutionnel du Cambodge, nos remerciements pour vos aimables paroles de bienvenue, ainsi qu’à la Cour constitutionnelle de Moldavie pour le chaleureux accueil à notre arrivée et pour toutes les facilités qui nous sont accordées durant notre séjour dans votre beau pays. J’ai l’honneur de participer à cette 8e conférence.
Le Conseil constitutionnel du Cambodge a été créé et a effectivement fonctionné depuis le 15 juin 1998. Le Conseil constitutionnel est une institution suprême prévue dans la Constitution et complétée par la loi portant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel (LO), ainsi que par le règlement intérieur de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel (PACC). Le Conseil constitutionnel est compétent pour garantir le respect de la Constitution, interpréter la Constitution et les lois, examiner et statuer sur les litiges relatifs aux élections des députés et aux élections des sénateurs.
Pour les litiges électoraux, la procédure est définie dans la 3e section du 2e chapitre de la loi portant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel (LO) et du règlement intérieur de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel (PACC).
A. Le caractère général du procès
La procédure applicable devant le Conseil constitutionnel est inquisitoire. Les parties ont le droit de se désister au cours de la procédure à tout moment sauf pendant le déroulement de l’audience. Le Conseil constitutionnel peut être saisi en premier et dernier ressort ou en juge d’appel. Le demandeur peut être un particulier ou un parti politique. En pratique le demandeur est le représentant du parti politique et le Comité national des élections est toujours défendeur. Le délai fixé pour la requête ainsi que la durée fixée pour la résolution du litige varient selon la nature de la requête et ceux-ci doivent être absolument respectés.
B. Le caractère contradictoire de la procédure
Traitement de la requête
Quand il y a une plainte, le fonctionnaire du service juridique procède à l’enregistrement de la requête en assurant que le requérant a bien rempli toutes les modalités conformément à la loi et a bien déposé les documents à l’appui, les preuves à charge et autres moyens nécessaires. Le demandeur a aussi le droit de modifier ou compléter les pièces. Ensuite, le service juridique peut contacter les parties intéressées. Après, le service juridique fait une synthèse sur le dossier et la soumet au président qui va désigner un membre rapporteur parmi les membres des trois groupes du Conseil constitutionnel. Le membre rapporteur peut inviter les parties à éclairer sur les faits, à fournir les preuves pour qu’il puisse faire l’analyse et donne son appréciation sur le dossier. Ensuite le débat sera mené au sein de son groupe et enfin, le membre rapporteur établit un rapport afin de le soumettre à la session du Conseil.
L’instruction de la requête
La requête étant recevable, le membre rapporteur et le Conseil doivent accomplir une série de procédures contradictoires et prendre d’autres mesures d’instruction. Par ces moyens, le Conseil doit informer par écrit la partie faisant l’objet de contestation pour que cette dernière puisse produire les mémoires en réplique ou des preuves à décharge. Par ailleurs, le groupe du Conseil peut convoquer toutes les parties à son audition.
Le Conseil constitutionnel dirige ces instructions sans les notifier à aucune institution chargée d’instruction des tribunaux. En pratique, le Conseil peut désigner ses membres et ses personnels pour mener l’enquête sur place, effectuer les contrôles aléatoires et participer à l’ouverture des paquets de sûreté des bulletins de vote. Ces instructions se finalisent par les procès-verbaux qui feront l’objet du débat dans les sessions du Conseil. Les procès-verbaux sont souvent cités dans les décisions du Conseil. Le Conseil constitutionnel ne fournit pas le service d’avocat pour les parties mais les accepte dans le procès. En revanche les procès-verbaux ne peuvent ni être rendus publics ni transmis aux parties.
L’audience publique
L’audience se déroule sous la présidence du président du Conseil constitutionnel et ses 8 autres membres, avec la participation des parties, des avocats, des témoins, du représentant du Comité national des élections, du public et des journalistes.
La déclaration de décision du Conseil se fait dans la salle d’audience en présence des parties ou en leur absence. La décision du Conseil est définitive et sans recours et a autorité sur tous les pouvoirs constitués.
La décision sera notifiée au Roi, au Sénat, à l’Assemblée nationale, au gouvernement royal et publiée au Journal officiel. Les parties reçoivent la décision pour la rendre exécutoire. Toute personne qui ne respecte pas la décision du Conseil sera passible d’une peine d’un mois à un an de prison et d’une amende de 100.000 à 600.000 riels (20 euros à 120 euros), ou de l’une des deux sanctions.
Conclusion
Pendant plus de 18 ans de fonctionnement, le Conseil constitutionnel a ouvert 25 audiences sur 81 cas de contentieux relatifs aux élections des députés et des sénateurs.
Le Conseil constitutionnel a respecté dûment la procédure contradictoire conformément aux lois en vigueur. Merci pour votre attention !
Principes communs de la protection des droits fondamentaux en Europe et le rôle de la justice constitutionnelle
Rainer Arnold, Professeur à l’Université de Ratisbonne
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand plaisir pour moi que de pouvoir intervenir, pour quelques minutes, à la fin de la conférence, sur un sujet plus large que les questions de procédure qui sont au centre de notre congrès.
1. La protection des droits fondamentaux comme fonction centrale des cours constitutionnelles
La protection des droits fondamentaux est une fonction centrale des cours constitutionnelles. La procédure et la protection de l’individu sont interconnectées. Une procédure efficace assure l’application adéquate de la constitution et favorise donc le respect des garanties de la liberté de l’individu. Je m’excuse de ne pas contribuer au sujet propre de la conférence, étant donné que l’Allemagne n’est pas un pays francophone, mais je suis très reconnaissant de pouvoir intervenir brièvement sur la thématique de la protection constitutionnelle de la liberté, qui est le sujet de mon travail comparatiste. La protection des droits fondamentaux est une fonction centrale des cours constitutionnelles (bien sûr aussi des cours suprêmes et des conseils constitutionnels) dans le constitutionnalisme contemporain. Ces cours sont les gardiennes et les promotrices de la protection de l’individu.
On peut dire que cette protection figure parmi les tâches de tout organe juridictionnel dans un système constitutionnel, puisque les droits fondamentaux (ou, en terminologie française, les libertés publiques, les droits humains [1]) ont force obligatoire pour la totalité de la puissance publique (y compris le législateur). Ils sont, pour la plupart, directement applicables et s’effectuent dans toutes les branches du droit, ce qui correspond à leur caractère double, comme des droits subjectifs et, en même temps, des valeurs objectives [2]. Toutefois la fonction des cours ou des conseils constitutionnels ainsi que des cours suprêmes dans ce cadre est particulièrement importante car ces institutions ont le « dernier mot » en ce qui concerne la définition et l’application des droits fondamentaux.
2. La dignité humaine et le principe de liberté comme principes directeurs du constitutionnalisme contemporain
Le constitutionnalisme d’aujourd’hui, en Europe et aussi au-delà, manifeste l’acceptation du rôle primordial de l’être humain dont la dignité est reconnue, de manière croissante, dans les textes des constitutions comme étant la valeur suprême de l’État et de la société. Le principe de liberté de l’homme est le principe de base de la Constitution, fonctionnellement lié à la dignité [3].
Il faut souligner : la liberté est le principe et la restriction de la liberté est l’exception qui doit être légitimée. Cette légitimation réside dans le fait que la liberté est restreinte pour des raisons contraignantes de l’intérêt public, ce dernier résultant de la seule finalité que poursuit l’État : celle de servir l’homme, directement ou indirectement.
La restriction de la liberté doit correspondre au principe de la proportionnalité, principe « magique » du constitutionnalisme contemporain, répandu universellement [4] .
3. Les fonctions de la justice constitutionnelle pour la protection de l’individu
Quatre fonctions reviennent à la justice constitutionnelle, qu’elle soit exercée soit par des cours ou des conseils constitutionnels (modèle autrichien-européen) soit par des cours suprêmes (modèle américain).
Ces fonctions sont les suivantes :
– dynamiser la liberté exprimée par les droits fondamentaux, c’est-à-dire interpréter celle-ci de manière dynamique. La constitution est un instrument vivant [5] qui doit adapter son contenu aux changements sociaux majeurs, étant donné qu’il représente un instrument créé à un moment historique précis, mais destiné à être une norme directrice pour le futur, et qu’il est donc nécessaire d’adapter [6] pour qu’il puisse remplir sa fonction à chaque moment de son existence, effectuer la protection en interprétant les droits fondamentaux de manière substantiellement et fonctionnellement efficace. Le principe de liberté qui est à la base de chaque Constitution démocratique, soit de manière écrite soit non écrite, implicite, présuppose l’existence d’une protection complète de l’individu. Il en résulte que les juges ont le droit et même l’obligation de compléter le texte écrit par interprétation pour introduire par la jurisprudence les garanties qui ne sont pas encore formulées. Cette fonction de compléter le texte constitutionnel et avec cela la substance de la protection est l’une des tâches les plus importantes du juge constitutionnel [7].
La fonction que remplit la justice constitutionnelle d’effectuer la protection de l’individu s’exprime aussi par l’obligation, pour le juge, de renforcer la fonction des droits fondamentaux.
L’efficacité des garanties formulées par les textes doit être optimisée par l’interprétation, en accord avec le principe de l’effet utile tel qu’il est développé par les cours européennes. Cette approche d’optimisation s’applique, sans aucun doute, aussi aux garanties non écrites, développées par la jurisprudence [8].
Effectuer la protection de manière fonctionnelle veut aussi dire limiter les restrictions. Il faut que l’essence, la nature du droit fondamental soit respectée par la loi qui restreint la liberté et, surtout, que le principe de proportionnalité soit soigneusement appliqué. Si le texte de la constitution ne prévoit pas ces principes, il faut que le juge les développe par interprétation. On trouve des exemples de ce développement dans la jurisprudence constitutionnelle de nombreux pays, intégrer la protection des droits fondamentaux dans le concept moderne de l’État de droit. Celui-ci est « valorisé » c’est à- dire qu’il comprend, comme éléments nécessaires, les valeurs à protéger exprimées par les droits fondamentaux. Protection de la liberté et État de droit s’associent l’un à l’autre et forment une « unité fonctionnelle » [9]. Les éléments importants de l’État de droit développés par la jurisprudence sont indispensables pour la protection de la liberté : la sécurité juridique, notamment la précision de la loi, la proportionnalité, la non rétroactivité, les exigences procédurales, la justiciabilité des restrictions de la liberté, etc.
– internationaliser la protection, c’est-à-dire l’harmoniser avec les garanties existantes à un niveau international, incorporées notamment dans les instruments régionaux comme la Convention européenne des droits de l’homme.
L’internationalisation de la protection de l’individu est une conséquence nécessaire de la primauté du droit international sur le droit national qui s’inscrit dans le processus plus général de la globalisation. Ce processus favorise l’harmonisation régionale et universelle des standards de protection. Un tel processus ne doit pas affaiblir la protection en réduisant sa substance mais, au contraire, doit viser à la renforcer. C’est justement ce que la Cour constitutionnelle fédérale allemande a fait en 2004, dans l’affaire Görgülü [10], en établissant l’obligation, pour les interprètes de la Constitution, de concevoir les droits fondamentaux nationaux à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits humains. Le non-respect du standard international de la Convention porterait atteinte, selon ce concept, aux droits fondamentaux nationaux.
Une telle « sous-estimation » du droit international justifierait même un recours individuel pour violation des droits nationaux [11]. Ce phénomène d’internationalisation de la protection de l’individu à niveau national se révèle être une tendance commune européenne, celle-ci se manifestant soit par un texte écrit (comme l’art. 10 de la Constitution espagnole) soit par jurisprudence constitutionnelle.
Le juge, et notamment le juge constitutionnel, occupe un rôle primordial dans la défense des droits protégeant la liberté de l’individu. Une procédure adéquate est indispensable pour réaliser une protection efficace. La procédure, sujet de notre congrès, est donc la condition indissociable de la protection substantielle, tâche fondamentale de la justice constitutionnelle.
-
[1]
1. V. Samuel Etoa, La terminologie des « droits fondamentaux dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, https://www. unicaen.fr/puc/images/crdf0902etoa.pdf [Retour au contenu] -
[2]
V. pour l’Allemagne la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale (CCF) déc. vol. 6, p. 55, 72 ; vol. 7, p. 198, 204/205 ; vol. 21, p. 362, 371, 372 ; vol.50, p. 290, 337 ; pour des nouvelles démocraties postcommunistes v. Rainer Arnold, Allgemeine Prinzipien des verfassungsrechtlihen Grundrechtsschutzes in Mittel-, Ost- und Südosteuropa (Principes généraux des la protection desdroits fondamentaux dans l’Europe centrale, orientale et de sud-est), dans Handbuch der Grundrechte vol IX, dir. Detlef Merten, Hans-Jürgen Papier, Rainer Arnold (directeurs), 2016, p. 1011-1037, 101371014, avec des références à la Serbie,la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie [Retour au contenu] -
[3]
V. Rainer Arnold, Substanzielle und funktionelle Effizienz des Grundrechtsschutzes im europäischen Konstitutionalismus (Efficacité substantielle et fonctionnelle de la protection des droits fondamentaux dans le constitutionnalisme européen), dans: Max-Emanuel Geis, Markus Winkler, Christian Bickenbach, Von der Kultur der Verfassung, Festschrift für Friedhelm Hufen zum 70. Geburtstag, C.H. Beck, 2015, p. 3-10. [Retour au contenu] -
[4]
V. Rainer Arnold, El principio de proporcionalidad en la jurisprudencia del Tribunal Constitucional, together with J.I.Martínez Estay, F. Zuniga Urbina, dans: Estudios Constitucionales 2012, Santiago de Chile, p. 65-116. [Retour au contenu] -
[5]
V. Luzius Wildhaber, The European Court of Human Rights in action, http://www.asianlii.org/jp/journals/RitsLRev/2004/4.pdf. Ce caractère d’un document de type constitutionnel comme la Convention européenne des droits de l’homme est à constater également pour les constitutions formelles de l’État. [Retour au contenu] -
[6]
V. Fritz Ossenbühl, Grundsätze der Grundrechtsinterpretation (Principes de l’inetrprétation des droits fondamentaux), dans : Handbuch der Grundrechte, vol. i, detlev Merten, hans-jürgen Papier (dir.), 2004,p. 595-630, en particulier p. 607-609. [Retour au contenu] -
[7]
V. Giorgio Berti, Interpretazione Costituzionale, 2e éd.1990, p. 234-239. [Retour au contenu] -
[8]
8. V. Rainer Arnold, Les points de vue des juridictions nationales en Allemagne, in : Cours suprêmes nationales et cours européennes: concurrence ou collaboration ?, In memoriam Louis Favoreu, J. Iliopoulos-Strangas (dir.) Athènes 2007, p. 63-93 [Retour au contenu] -
[9]
9. Rainer Arnold, L’État de droit comme fondement du constitutionnalisme européen, Revue française de droit constitutionnel, 25 ans de droit constitutionnel no. 100,2 1014/4, p. 769-776. [Retour au contenu] -
[10]
10. http://www.bverfg.de/entscheidungen/rs20041014_2bvr148104.html/32,33. [Retour au contenu] -
[11]
FCC Görgülü (note 10) note marg. 63. [Retour au contenu]
Synthèse générale des travaux
Mathieu Disant, Professeur à l’Université Lyon Saint-Étienne, Expert auprès de l’ACCPUF
Monsieur le président de l’ACCPUF,
Mesdames et Messieurs les présidents de juridictions constitutionnelles,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Mesdames et Messieurs les conférenciers et participants,
Les contributions, écrites via les questionnaires ou orales avec les communications présentées durant ces deux journées, ont été riches et diverses. Elles constituent une somme de références pour tous les acteurs du procès constitutionnel, qu’ils soient sujet ou dépositaire du contradictoire.
Plus de quarante questions qui vous ont été soumises, regroupées en 3 sessions de travail, lesquelles ont donné lieu à une quinzaine de communications, enrichies de débats vifs et approfondis. L’organisation du contradictoire était un sujet incontournable tant il s’est peu à peu imposé comme un principe directeur du procès ayant portée générale. Un « standard » fondé sur les canons du procès équitable et les droits de la défense, eux-mêmes éléments essentiels à un État de droit démocratique comme l’a rappelé le Président Linotte.
Dresser un état des lieux sur la place et les modalités d’organisation du contradictoire devant vos cours était plus que justifié ; vos travaux, dans leur diversité, l’ont montré de façon évidente. Bien que le sujet n’ait jamais été traité en tant que tel dans les précédents travaux, déjà riches, de l’ACCPUF, il s’agit pour vos cours d’une interrogation continue, qui engage la nature du procès constitutionnel et la légitimité de la justice constitutionnelle, et qui concentre toute une série de difficultés théoriques et pratiques.
À l’issue de vos travaux, il est toujours tentant de regrouper telle ou telle famille de solutions et de techniques quant à sa mise en oeuvre, et de rechercher dans quelle mesure ces options résultent de choix stratégiques implicites. Les échanges ont confirmé qu’il fallait, sur ce sujet aussi, se faire à l’idée de la diversité des situations, tenir compte de l’histoire et du contexte. Et prendre garde à l’usage symbolique auquel peut se prêter, sans frais, l’étiquette du contradictoire. Il est donc vain de prétendre établir des classifications ou un modèle de contradiction ajusté à toutes les cours susceptibles de faire écho aux « principes communs » que notre collègue Rainer Arnold a présenté en matière de protection des droits fondamentaux.
Au contraire, il n’y a pas un mais des contradictoires au sein de chacune de vos cours, ou plutôt plusieurs degrés de contradictoire. Celui-ci s’organise différemment selon l’objet de la saisine, le contrôle exercé et surtout la nature du contentieux : normatif, interprétatif ou électoral – contentieux électoral dont la spécificité de traitement a été mise en lumière à Djibouti, grâce à l’intervention de M. Abdallah Hassan.
Les exemples de ce « sur-mesure » sont nombreux. En Slovénie, la Cour constitutionnelle n’entame pas une véritable procédure d’instruction pour les recours individuels (tous les faits de la matière étant normalement déjà établis) ; en République de Moldova, les saisines d’interprétation de la Constitution, ainsi que celles relatives aux projets de modification de la Constitution sont examinées en audience à huis clos, sans la participation des parties ; en Roumanie, la séance n’est pas publique concernant le jugement des contestations ayant pour objet la constitutionnalité d’un parti politique. Plus largement, le contrôle a priori de constitutionnalité des lois échappe largement aux canons du contradictoire.
À l’inverse, plusieurs aspects caractéristiques du principe du contradictoire sont appliqués devant vos cours lorsque le citoyen a accès à la justice constitutionnelle par voie d’action ou par voie incidente, véritable fief de la contradiction. Qu’on l’approuve ou qu’on le déplore, la procédure contradictoire accompagne, en droit comme en fait, l’installation du contrôle par voie d’exception d’inconstitutionnalité, là où la justice constitutionnelle n’est plus, et ne peut plus être, déconnectée de la justice ordinaire, calfeutrée dans un monde juridictionnel à part.
Ne soyons pas dupes. L’expérience même des cours et conseils constitutionnels dont les compétences sont heureusement variées montre, pour reprendre la formule du Professeur Messarra, que le débat normatif, comme le dialogue, au sens grec et romain, chez Socrate, Platon, Cicéron…, même le plus proche des réalités humaines, se situe sur une autre échelle, et à un autre niveau que tout débat légaliste. Au-delà des procédures – de toutes les procédures –, qu’elles soient contentieuses ou non contentieuses, les finalités du contradictoire demeurent, pour vos cours, la qualité de l’investigation et la profondeur de l’analyse normative, sans obstacle de fait, en vue d’une bonne administration de la justice constitutionnelle.
À cette fin, vos travaux ont permis de dégager un certain nombre d’axes de réflexion et de progrès, tous articulés autour d’une conclusion commune : on ne peut coller toutes les procédures du contradictoire, sans discernement, à la justice constitutionnelle ! Son application au contentieux constitutionnel, particulièrement dans le procès constitutionnel incident, s’explique certes par l’adéquation entre les notions de contradiction et de procès. Mais les règles classiques du contradictoire ne sont pas et ne peuvent être appliquées au contentieux constitutionnel sans adaptations. La contradiction y est structurée en tenant compte des spécificités de ce contentieux. Ce sont ces spécificités qui conditionnent la forme et la teneur du contradictoire dans le procès constitutionnel.
Quelles sont ces spécificités ? Comment se manifestent-elles ?
Vos travaux conduisent à en retenir une dizaine… Je ne peux en évoquer que quelques-unes parmi les plus structurantes, qui m’ont semblé être au coeur de vos principes d’organisation.
1. La première d’entre elles est que le juge constitutionnel assume une responsabilité quant à l’ordre juridique et tranche une « saisine publique », pour reprendre une formule employée dans la réponse du Liban, en ce sens qu’elle « concerne l’ensemble de la communauté nationale ». Pour le dire autrement, la justice constitutionnelle est tournée vers un auditoire impersonnel voire universel, en tant qu’instance suprême de régulation de l’ordre juridique et de vérification de la conformité des actes normatifs.
Faudrait-il craindre que la formalisation du contradictoire au sein de vos cours ne vienne altérer la nature noble de la justice constitutionnelle, ainsi ravalée au rang d’un tribunal de plus dans le système judiciaire ? Certaines cours ont fait état, explicitement ou implicitement, de ce risque de dénaturation, qui est davantage une crainte. Il faut la prendre au sérieux. Elle explique la volonté, parfois, de limiter le débat contradictoire ou les difficultés pour l’installer.
Vos travaux permettent d’y répondre de façon constructive. Le principe du contradictoire ne se limite pas à la protection des justiciables, il est également un instrument d’élaboration du jugement. Tout est là : le juge constitutionnel n’a pas seulement pour office d’encadrer le contradictoire et de maîtriser la procédure, il est lui-même, même partiellement, tributaire de l’échange contradictoire des parties. Sa réflexion est stimulée par les conclusions et les arguments présentés. C’est la confrontation et la prise en compte de ces arguments, dans un débat équitable, qui permettent au juge de trancher au mieux le litige qui lui est soumis. En matière constitutionnelle aussi, la justice se réalise par la libre contradiction et par le choc des arguments présentés. C’est une nécessité à la fois matérielle et morale. Alors que le juge constitutionnel a pour mission d’assurer la défense des droits fondamentaux des citoyens, comment accepter qu’il puisse user de règles procédurales moins protectrices que les juges ordinaires ?
Disons-le sans détour : les parties au procès constitutionnel ne sont pas des gêneurs ou des éléments perturbateurs ! Leurs intérêts subjectifs ne viennent pas contrarier la nature objective du contentieux constitutionnel ! Les travaux réalisés durant ces deux jours contribueront à lever ce qui reste de scepticisme sur le sujet, sans verser dans l’enthousiasme stérile.
Bien sûr la protection de l’ordre constitutionnel est au centre de l’activité des juridictions constitutionnelles ; bien sûr, la présence de plaideurs ne doit pas les détourner de cette mission première. Mais les faits sont là. Les textes et vos pratiques tendent à organiser une véritable contradiction entre les parties, sans qu’on puisse relever une telle dérive. Au contraire, le caractère objectif du contrôle de constitutionnalité et les contraintes liées au problème d’encombrement de vos cours ont été pris en compte pour définir les modalités d’organisation du débat contradictoire, non pour l’écarter donc… mais pour lui donner un aspect original et approprié.
Il ne peut en être autrement car le procès constitutionnel n’a rien de véritablement commun. Et ce pour au moins trois raisons essentielles.
D’une part, dans le procès constitutionnel, sur un plan purement technique, la matière litigieuse ne connaît qu’une évolution limitée. Le litige constitutionnel est fixé de façon définitive par les termes de la requête ou du renvoi. Cette stabilité détermine la nature et l’utilité du contradictoire. Techniquement, la valeur pratique du contradictoire se trouve nécessairement réduite en comparaison du contentieux ordinaire où la transformation du litige s’opère souvent de manière progressive par la rencontre des conclusions opposées des plaideurs. Cette fonction traditionnelle du contradictoire n’existe pas dans le procès constitutionnel où l’action du défendeur se résume à démontrer que la norme contestée ne viole pas la Constitution. Le litige est tout entier dans la norme incriminée. Les arguments peuvent certes s’adapter aux conclusions développées, mais la teneur du débat contradictoire se réduit à un échange sur un litige qui portera invariablement sur le même objet.
Cette situation est accentuée par la faible attention accordée aux éléments factuels, précisément là où le principe du contradictoire constitue traditionnellement une garantie de la discussion sur l’exactitude des éléments de fait. Cette situation ne peut évidemment pas être analysée comme une défaillance du procès constitutionnel, elle est seulement le signe d’une indispensable adaptation du principe du contradictoire aux spécificités du contentieux constitutionnel et à la nature particulière de la matière litigieuse.
D’autre part, dans le contentieux constitutionnel incident – qui est ou devient le point d’équilibre de vos cours –, l’une des particularités est de confronter de simples particuliers à des organes étatiques. Un justiciable peut avoir pour contradicteur le gouvernement ou le Parlement. Dans ce face à face, dont le contradictoire suppose l’égalité des armes, les intérêts subjectifs des particuliers sont opposés aux intérêts objectifs défendus par les plaideurs institutionnels.
Enfin, dans le débat contradictoire du procès constitutionnel, les intérêts subjectifs des particuliers se superposent à l’intérêt objectif tendant à l’élimination des lois inconstitutionnelles. Ces deux types d’intérêt coexistent et peuvent générer d’ailleurs une certaine concurrence. L’action des particuliers est toute entière destinée à satisfaire leur situation personnelle et subjective alors que la nature objective du contentieux constitutionnel porte le juge vers des considérations plus élevées. Votre priorité n’est pas d’arbitrer entre deux adversaires, mais de rechercher les motifs de droit qui guideront votre décision. Ces motifs, cela a été souligné à plusieurs reprises, vous pouvez les trouver en dehors de l’échange d’arguments développés par les plaideurs.
Le juge constitutionnel pourrait-il donc se passer du contradictoire ? On aurait tort de le penser. Singulièrement en matière de recours incident. Un tel recours est conditionné par la lésion d’un droit subjectif auquel ne renonce pas le justiciable pour devenir un représentant désintéressé de la collectivité et de l’ordre juridique. Et c’est heureux ! C’est précisément parce que les parties conservent leurs préoccupations individualistes qu’un véritable débat contradictoire est possible dans le procès constitutionnel. C’est en défendant ses intérêts personnels que le justiciable permet la défense de l’intérêt général. Car si la finalité du contrôle de constitutionnalité s’étend bien au-delà de l’intérêt immédiat des parties, le juge constitutionnel (pas plus qu’aucun autre) ne dit le droit de façon désincarnée ; il le fait, sinon à travers un cas concret, par le prisme des prétentions opposées. Dans le contentieux incident, il serait à tous égards contreproductif de refuser aux parties du procès a quo de prendre pleinement part à un contentieux auquel elles ont donné naissance.
2. Une deuxième spécificité tient au renforcement, par le contradictoire, du caractère juridictionnel du contrôle de constitutionnalité. L’existence d’un débat contradictoire inscrit solidement le contrôle de constitutionnalité dans une logique contentieuse et processuelle et sert l’office du juge constitutionnel.
Cela renforce sa légitimité, là où le principe du contradictoire apparaît comme le symbole – je n’ose dire un indicateur – de la qualité juridictionnelle. Certes, vous l’avez souligné, il est incité en cela par la jurisprudence internationale, mais son attitude est davantage dictée par un intérêt institutionnel bien compris. En ce sens, la légitimité du juge constitutionnel procède aujourd’hui prioritairement d’une légitimité procédurale. Ce que confirme, par exemple, l’installation de la QPC en France où plus personne ne remet sérieusement en cause que le contrôle de constitutionnalité s’exerce dans le cadre d’un vrai procès : la décision apparaît comme le résultat d’une confrontation processuelle de deux interprétations opposées de la Constitution.
Le caractère juridictionnel de vos institutions n’est plus aujourd’hui sérieusement contesté. Au contraire, il est consacré par les textes, au premier rang desquels la Constitution.
Ce qui n’élude en rien la complexité et la nature des fonctions des cours constitutionnelles, ni la spécificité des procédures par lesquelles elles sont réalisées. La particularité de ce type de cours au regard des instances judiciaires de droit commun peut conduite à ce qu’elle ne relève pas statutairement du système judiciaire, et ne soit pas formellement considérée comme un organe de justice ou une composante de l’autorité judiciaire. La Cour constitutionnelle de la République de Moldova, comme d’autres, est ainsi assimilée à une autorité publique politique et juridictionnelle.
Les dispositions organiques relatives aux cours confirment, à loisir, ce caractère juridictionnel de vos institutions, sur le plan organique comme sur le plan fonctionnel. Chose acquise donc, en droit comme en fait. Vous soulignez toutes que la fonction juridictionnelle de vos cours est de plus en plus soutenue et légitimée.
3. Pour qu’un débat contradictoire puisse avoir lieu, il faut naturellement qu’il y ait des parties. Dans la science du procès constitutionnel, la chose est -ou était- loin d’être évidente, même dans le contentieux incident.
C’est là un troisième enseignement de vos travaux. Les notions de « parties » et de « procès » sont pleinement reconnues au sein de vos cours et par vos législations nationales, quelle que soit la procédure examinée. Si ces notions sont moins naturelles pour les institutions inspirées du modèle européen de justice constitutionnelle, elles sont partout associées aux litiges, voire aux « plaintes » qu’ont à connaître vos cours, que ce soit en matière électorale ou en matière de contrôle de conformité à la Constitution. Le juge Baiescu a souligné que la législation de la République de Moldova fait la distinction entre « participants » et « parties » au procès, mais le code de la juridiction constitutionnelle prévoit expressément que « la juridiction constitutionnelle est exercée selon le principe d’égalité des parties et d’autres participants au procès devant la Cour constitutionnelle ».
Il est vrai que cette reconnaissance n’est pas toujours formelle, par exemple en Mauritanie et au Sénégal pour les recours en inconstitutionnalité, ou au Niger pour la matière électorale.
Il est vrai aussi que ces notions n’apparaissent pas toujours expressément dans les textes constitutionnels et organiques, parfois seulement dans le règlement intérieur qui fixe les règles de procédure applicables devant la Cour (Bénin, Congo, Côte d’Ivoire, Guinée). Mais, à vous lire et à vous écouter, il n’y a aucune conséquence concrète à tirer de cette différence de support formel.
Certes, au sens strict, la notion de « parties » – qui n’est pas toujours claire – peut demeurer inappropriée au contentieux abstrait et objectif. Il faut prendre garde, comme nous y invitent les réponses du Conseil constitutionnel du Liban, à ce que la généralisation de cette terminologie processuelle de droit commun et l’agitation à tout crin du contradictoire ne dénature la spécificité de la justice constitutionnelle.
L’essentiel est d’observer que, sinon la notion de procès, au moins celle de débat processuel est pleinement reconnue et intériorisé y compris dans le contentieux de la loi. En ce sens, la notion de procès est utilisée comme synonyme de procédure, ainsi que l’a souligné le Tribunal fédéral suisse. La personne qui dépose un recours ou toute demande a la qualité de partie, tout comme la personne qui formule des prétentions contraire à celle de partie adverse.
4. Dans la distribution des rôles, celui du demandeur est tout naturellement assumé par le requérant. La fonction de défendeur, quant à elle, peut poser plus de problème. Et c’est là une autre spécificité. La quatrième qui doit être évoquée.
Vos législations ont prévu des participations multiples et se sont attachées à sélectionner les personnes les plus intéressées au maintien en vigueur de la loi attaquée.
Dans le contrôle de constitutionnalité, deux situations générales se distinguent au sein de vos cours.
Dans la 1re, aucune autorité ne prend la défense de la loi en matière de contrôle de constitutionnalité, tant a priori qu’a posteriori le cas échéant. C’est le cas au Bénin, au Gabon, au Liban, au Niger ou au Togo, sans que ces cours ne fassent état d’une insatisfaction particulière sur ce point, contrairement à celles du Burundi et du Congo où une telle situation est jugée insatisfaisante. En Guinée, mais aussi au Bénin s’agissant du contrôle a posteriori, on semble se résoudre à considérer, de fait, que la Cour elle-même se trouve en charge de cette défense. Certaines cours, comme celle du Burkina Faso par la voix du Président Kambou, retiennent que le contrôle objectif ne nécessite pas la présence de l’auteur de la loi, d’autres soulignent que la possibilité de convoquer toute personne intéressée, susceptible de l’éclairer ou de lui fournir des documents utiles, est d’application satisfaisante pour pallier cette absence. C’est la position du Cambodge, telle que rapportée par le Conseiller Chorn Uth.
Lorsque cette défense est assurée – 2nde situation – elle l’est par des autorités assez différentes.
Le spectre sera large lorsque plusieurs autorités sont habilitées à présenter leurs observations devant la cour. C’est le cas, par exemple, au Maroc. En République de Moldova, comme l’a mentionné le Conseiller Baiescu, la défense de la constitutionnalité dépend directement de la norme critiquée : au Parlement de défendre la loi ou un arrêté du Parlement ; au représentant du président de la République de défendre un de ses décrets ; au Gouvernement de défendre ses arrêtés.
En tout état de cause, la défense de la loi n’est qu’une faculté. Et, en pratique, elle peut s’avérer peu utilisée… à tel point que certaines cours, comme celle du Sénégal, soulignent que, de fait, la loi n’a pas de véritable défenseur devant elles.
Devant les autres cours, la défense de la loi appartient, tantôt au procureur et aux avocats de l’État devant le Tribunal suprême de Monaco et dans le cadre explicité par le Président Linotte, tantôt aux tribunaux dans le cadre du système mixte en Angola ; à la direction de la législation et du contentieux, rattachée à la Primature à Madagascar ; au procureur général du Canada ou d’une province, selon que la loi contestée relève de l’une ou l’autre juridiction ; et surtout au chef du gouvernement (not. Mali, Maroc, Mauritanie).
En France, ainsi que l’a souligné M. Charasse, la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité a priori est exercé à titre exclusif par le Gouvernement, représenté par son Secrétariat général. Dans la pratique, et dans un souci de cohérence, il en est de même pour le contentieux a posteriori, même si rien n’interdit aux autres autorités auxquelles sont notifiées les saisines de produire également des observations devant le Conseil constitutionnel, ce qu’elles n’ont jusqu’à présent fait que de manière exceptionnelle, comme l’a souligné – pour le déplorer – Mme Belloubet.
En Belgique, cette défense est aussi assurée à titre principal par le Gouvernement correspondant à l’auteur de la norme : le Conseil des ministres pour les lois fédérales, les gouvernements de communautés et de régions pour les décrets et ordonnances adoptés par leur législateur. Le même logique préside en Suisse, où dans le cadre d’un contrôle abstrait a posteriori contre une disposition de droit cantonal, l’autorité qui a élaboré la disposition peut être appelée à présenter des « déterminations », selon la formule consacrée.
5. Une autre spécificité du contentieux constitutionnel conduit aussi à imposer des critères spéciaux et sélectifs à l’intervention des tiers.
Les interventions devant la cour occupent une place centrale. Une place à part.
En opérant une sélection adéquate des tiers autorisés à intervenir, le juge constitutionnel éloigne le risque d’un « procès sans parties » et s’assure d’un débat contradictoire dynamique et de qualité. Il sélectionne les tiers qui disposent soit de compétences particulières, soit d’une importante représentativité. Il renchérit d’autant sa réflexion et appréhende plus efficacement les données d’une situation juridique souvent complexe.
Les plaideurs défendant des intérêts personnels ont leur rôle. Mais le procès constitutionnel a aussi besoin d’analyses présentés par des experts ou des amici curiae, comme l’a souligné le juge Wagner. En privilégiant l’intervention des personnes touchées de façon spécifique par la norme litigieuse, le juge constitutionnel sait que les arguments apportés auront une valeur propre à éclairer sa réflexion.
À bien y réfléchir, on peut penser que l’intervention des tiers porteurs d’intérêts collectifs, sorte d’éléments segmentaires de l’intérêt général, est en meilleure adéquation avec le caractère objectif du contentieux constitutionnel. Les véritables parties du contentieux constitutionnel ne sont-elles pas là ?, dans ces « sujets sociaux » – pour reprendre une formule de doctrine italienne – parfaits défenseurs des intérêts diffus de dimension supra-individuelle, mais aussi destinataires principaux de la décision et surtout de la norme attaquée.
On le voit, vos législations et vos pratiques ont crée les conditions favorables au développement d’un important débat contradictoire. Et partant, une véritable incarnation du contentieux constitutionnel.
6. Vous avez fortement insisté sur une autre spécificité. L’écrit !
Dans le contentieux constitutionnel de façon générale, l’essentiel de la contradiction s’opère avant tout par écrit.
L’oralité ne tient qu’une place réduite devant vos cours. Parfois inexistante, comme au Sénégal où la procédure est exclusivement écrite en tout domaine, au nom de l’efficacité ainsi que l’a rapporté le président Sakho. Nous l’avons vu, la phase orale du débat contradictoire connaît certes, ici et là, des évolutions remarquables qui témoignent de la considération apportée au principe de publicité des audiences. Et le vice-président Meyer a souligné son importance qualitative en Suisse, en raison d’une culture de la délibération particulièrement marquée. Mais, vue d’ensemble, elle ne conserve, en droit et en fait, qu’une importance secondaire. L’utilité des débats oraux devant les juridictions constitutionnelles est sans commune mesure avec celle qu’elle revêt dans le procès civil et, plus encore, en matière pénale.
7. Ce trait en rejoint un autre. Le dernier que j’évoquerai, mais pas le moindre. Devant vos cours, la procédure revêt un caractère inquisitorial.
C’est un trait dominant. Qui rejoint les qualités de juge du droit et non du fait (du moins dans l’exercice du contrôle de constitutionnalité). Qui correspond aussi, dans la plupart des cas, au rôle actif du juge constitutionnel dans l’exercice de sa compétence exclusive de contrôler la constitutionnalité des actes normatifs et de fixer l’interprétation authentique de la Constitution. Et qui se concrétise par des exigences d’investigation poussée, ce qu’on pourrait qualifier « inquisitoire élargi ». Même devant la Cour suprême du Canada, laquelle a hérité ses règles de preuve et de procédure de la common law d’Angleterre, le caractère accusatoire du procès a été sensiblement assoupli.
Le juge constitutionnel dispose de larges pouvoirs en matière d’instruction.
Le président Spreutels l’a souligné s’agissant de la Cour constitutionnelle de Belgique. La Cour peut notamment correspondre directement avec toute autorité publique, entendre contradictoirement les parties et se faire communiquer par elles et par toute autorité publique tous documents et renseignements ayant trait à l’affaire, entendre toute personne dont elle estime l’audition utile, procéder sur les lieux à toute constatation, commettre des experts.
Il n’est guère surprenant, compte tenu de ce caractère inquisitorial, que la procédure constitutionnelle soit marquée par l’importance des juges-rapporteurs. Leur rôle est d’instruire l’affaire, de collecter les éléments utiles à sa compréhension, de procéder aux auditions, enquêtes ou toutes mesures nécessaires, de proposer les éventuelles questions complémentaires à poser aux parties et, en définitive, de proposer un projet de décision. On relève surtout qu’il dirige l’instruction avec une grande liberté et peut prendre toutes les initiatives nécessaires à l’instruction de la saisine. C’est lui qui, dans la plupart des cas, sonne la fin du contradictoire, dans la mesure où la rédaction de son rapport correspond à la clôture de l’instruction. Le juge-rapporteur incarne l’inquisitoire.
Il ne s’agit pas de négliger les éléments accusatoires de vos procédures. Il y en a particulièrement au Cameroun, Gabon, Madagascar, Roumanie, et Slovénie.
La Cour de Slovénie, par exemple, est limitée par les arguments des parties, singulièrement ceux de la partie demanderesse lorsqu’elle allègue l’inconstitutionnalité de l’acte attaqué. Ce n’est que dans le cadre de ces allégations, que la Cour constitutionnelle peut elle-même collecter des éléments du dossier dont elle estime avoir besoin pour la décision. Elle ne dépasse donc pas les limites définies par les pétitions et requêtes.
Mais le sentiment dominant, formulé de façon percutante par le président Linotte, est que trop d’accusatoire tue le contradictoire, alors que le renforcement de l’inquisitoire est plusieurs fois intervenu au soutien du contradictoire.
8. Tous ces éléments montrent combien l’organisation du contradictoire s’est adaptée à la spécificité des recours en inconstitutionnalité, ce qui ne prive pas les cours de s’adapter elles-mêmes aux exigences du contradictoire.
Le contradictoire a-t-il contribué à une meilleure justice constitutionnelle ? Chacun appréciera.
Au stade de la synthèse générale de vos travaux, on pourrait aisément souligner, ça et là, le caractère insuffisamment contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse. Vous en faites souvent l’autocritique (Bénin, Sénégal, Niger, Togo, Burundi…), notamment pour souligner que la communication ou l’échange des pièces n’est pas toujours suffisamment assurée en matière de contrôle de constitutionnalité.
Mais il est surtout permis de relever les améliorations réalisées en la matière. Elles témoignent du caractère progressif, pour certaines cours, de l’acculturation au contradictoire et, pour d’autres, de son renforcement ou de son perfectionnement. L’influence de la jurisprudence internationale, notamment celle de la Cour EDH relative au droit d’être entendu et aux diverses garanties de procédures, a été mise en évidence, notamment par le Tribunal fédéral suisse.
La période récente ne manque pas d’avancées sensibles en la matière. Sans même évoquer les modifications du texte constitutionnel qui, comme en Angola en 2010, ont consacré le droit de tout citoyen « à un procès équitable ».
En Belgique, a été introduite en 2003 la possibilité pour le défenseur de la norme de répondre au mémoire en réponse des parties requérantes par un mémoire en réplique, pièce de procédure qui n’existait pas auparavant, de sorte que chaque partie dispose depuis ce moment de deux écrits de procédure.
En France, tant par l’intervention de Mme Belloubet que celle de M. Charasse, on a pu constater que la procédure de la QPC a donné au Conseil constitutionnel l’occasion d’élaborer une procédure contradictoire moderne dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Le fait d’avoir admis la possibilité pour des tiers à la procédure de faire valoir leur intérêt spécial à intervenir a permis d’enrichir le débat de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel.
En République de Moldova, le Règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle a été complété par un arrêt de la Cour du 23 juin 2015. La Cour est désormais en mesure d’adresser des questions sur le fond du dossier aux autorités, ces opinions étant communiquées aux parties qui, dans le délai fixé par la Cour, peuvent présenter leurs commentaires. Et on rappellera, à la suite du juge Baiescu, l’arrêt de la Cour du 9 février 2016 jugeant désormais que l’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée devant la Cour par toute partie ou son représentant, ainsi que d’office par l’instance judiciaire. C’est un témoignage significatif de l’engagement de la Cour pour garantir le droit au procès équitable en considérant l’accès à son prétoire comme une voie de défense.
Et comment ne pas penser au Maroc, où la récente loi organique relative à la Cour constitutionnelle permet à la Cour d’entendre les intéressés en présence de leurs défenses ou toute autre personne connue pour son expertise dans le domaine de l’affaire qui lui est soumise. Lors de la première de nos travaux, le président Kambou a fait part d’un même renforcement du contradictoire au Burkina dans le cadre de l’introduction, l’année dernière, de la saisine directe des citoyens.
Mais le progrès du contradictoire ne suit pas un chemin linéaire.
Il est parfois perturbé. En Slovénie, depuis 2007 et les modifications apportées à la loi sur la Cour constitutionnelle, la juridiction ordinaire n’a plus le statut d’une partie à la procédure devant la Cour, statut qui jusqu’alors lui permettait de répondre au recours constitutionnel porté à l’encontre d’une décision judiciaire.
Plus encore, la Cour de République démocratique du Congo souligne que la non communication aux parties de l’avis écrit du Parquet général constitue un recul du contradictoire avec lequel elle doit composer.
Rien n’est parfait et tout est perfectible. Au rythme qui sied à la consolidation de la justice constitutionnelle dans le système considéré. Au gré des besoins qui se font réellement sentir dans le traitement des procès. Au son de la petite musique du contradictoire qui résonne au sein de vos cours.
Par les réflexions mises en commun durant ces deux journées, et la capitalisation des pratiques, l’ACCPUF contribue sans aucun doute à la compréhension et donc à la maîtrise de cette évolution. En cela au moins, les travaux de la 8e conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF auront contribué à la réflexion sur la place de la justice constitutionnelle dans le monde judiciaire contemporain.
Réponses des cours constitutionnelles au questionnaire
Cour constitutionnelle d’Albanie
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Non.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Il s’agit d’une procédure à caractère contradictoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure est consacré par l’article 42 de la Constitution (le droit à un procès équitable), par la loi organique de la Cour constitutionnelle et par son règlement intérieur.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux sont régies par la loi « sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle de la République d’Albanie » ainsi que par le règlement intérieur « sur le jugement constitutionnel et le fonctionnement de l’administration de la Cour ».
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Cour peut être saisie uniquement sur requête des parties et elle ne s’investit pas d’office. Lors du jugement, les principes d’égalité et du contradictoire doivent être respectés.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La loi ne prévoit pas de délais précis pour l’examen de l’affaire après son passage à l’audience ou de délais pour la prise des décisions par la Cour constitutionnelle. Bien que l’article 47 de la loi organique qui organise les procédures d’une séance plénière ait prévu que l’examen de l’affaire devant la Cour constitutionnelle ne doit commencer que 2 mois après le dépôt de la requête. Cette norme, en pratique, est appliquée au moment de l’examen préliminaire de l’affaire, donc jusqu’au moment de la prise d’une décision soit pour le rejet de la requête soit pour son examen en séance plénière. Après avoir passé l’affaire pour examen en séance plénière, la Cour n’a pas de date limite pour prendre une décision.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Oui.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour sont déterminées par la loi organique (article 1er), alors que pour les questions liées à des procédures qui ne sont pas régies par la présente loi, la Cour prend en compte les dispositions légales qui régissent les autres procédures judiciaires, prenant en considération la nature juridique de la question.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Conformément à l’article 8 du règlement interne de la Cour (paragraphes 4 et 5), les parties au procès ont le droit d’accéder à tout moment aux documents du dossier. Les actes contenant le procès-verbal du vote des juges, le projet de décision, les notes et les remarques du rapporteur et les opinions des conseillers ne peuvent pas être communiqués aux parties. Dans tous les cas, s’appliquent les normes de la loi relative à la protection des données personnelles. Il est défendu de transmettre des copies des actes du dossier à des tiers, sauf lorsque cela est requis par une autorité publique en raison de l’intérêt de l’État en la matière.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Oui.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Non.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les notifications et la participation en audience plénière sont prévues à l’article 38 : la date et l’heure de l’ouverture de l’audience plénière devront être notifiées au requérant, au sujet intéressé ou à leurs représentants. La notification est faite par le greffier en chef de la Cour constitutionnelle au moins 10 jours avant la date fixée pour l’ouverture de l’audience plénière. La notification officielle est faite par écrit, par convocation postale ou, en cas d’urgence, par télégramme ou par télécopie, qui devra être remise aux parties ou aux membres adultes de leurs familles. Lorsque l’adresse d’une partie n’est pas connue par le bureau du greffier en chef ou que la partie a sa résidence permanente à l’étranger, la notification est faite par publication affichée au siège de la Cour constitutionnelle au moins un mois avant la date fixée pour l’ouverture de l’audience plénière. À l’audience plénière participent le requérant, le sujet intéressé, leurs représentants ainsi que les témoins ou les experts, le cas échéant. Faute de notification, l’audience plénière sera reportée et une autre date sera fixée, suivie de la notification respective de ce report. L’audience plénière se déroulera par défaut si le
requérant, le sujet intéressé ou leurs représentants, quoique dûment convoqués, ne se présentent pas à l’audience plénière sans raisons suffisamment plausibles.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
En vertu de l’article 31 de la loi, la requête est soumise à l’examen préliminaire d’un panel de trois juges qui évaluent le respect des critères formels et si la requête est manifestement mal fondée. Cette phase de l’examen s’effectue par la Cour sans en aviser les parties et sans débat contradictoire.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Après avoir examiné l’affaire en séance plénière, les parties ont un délai de deux semaines pour le dépôt des observations. Ces observations sont communiquées aux parties qui ont le droit de répliquer.
Les parties peuvent présenter leurs écritures jusqu’à la date fixée pour l’audience.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
La loi prévoit le droit des parties à la procédure constitutionnelle de se défendre seul ou de bénéficier de l’aide d’un avocat choisi par eux-mêmes. Plus précisément, cela est prévu à l’article 39, paragraphe 2, 3, et 4 selon lequel : 2. Lorsque les parties à la procédure constitutionnelle sont des organes
de l’État, ces derniers sont représentés par leurs titulaires ou à défaut, par des personnes autorisées par écrit. 3. Un avocat peut présenter une partie à la procédure constitutionnelle à condition qu’il soit muni d’une procuration ou que ce pouvoir lui soit conféré par une déclaration en audience plénière.
4. Le Barreau national (La Chambre nationale des avocats) dresse la liste des avocats susceptibles d’être représentants des parties à la procédure d’examen devant la Cour constitutionnelle.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
La loi et la régulation interne de la Cour constitutionnelle ne prévoient pas un mécanisme à ce sujet. Toutefois, en Albanie il existe une loi « sur l’aide juridique ».
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Non, la Cour n’accorde pas de tels frais.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La Cour constitutionnelle, en règle générale, s’exprime sur le sujet de la requête. L’article 48 de la loi sur la Cour constitutionnelle définit les limites de l’examen de l’affaire en vertu duquel : l’examen de l’affaire se limite à l’objet de la requête et aux motifs qui y sont avancés. De manière exceptionnelle, lorsque l’objet de la requête est lié à d’autres actes normatifs, la Cour constitutionnelle statue au cas par cas.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Sur la base des articles 40, 41, 42 de la loi qui régit l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, la Cour convoque des experts, des témoins et demande des documents liés à l’examen de l’affaire :
Article 40. Convocation de l’expert.
1. La Cour constitutionnelle peut, sur la demande des parties ou d’office, convoquer en qualité d’expert des personnes ayant des connaissances spécialisées dans les domaines de la science, de la technologie ou des arts pour donner leur avis pour l’établissement ou l’éclaircissement des faits relatifs à l’affaire soumise à l’examen.
2. L’expert formule son avis par écrit ou il est entendu en audience plénière.
Article 41. Convocation du témoin.
S’il s’avère nécessaire à l’éclaircissement des faits relatifs à l’affaire soumis à examen, la Cour constitutionnelle peut, sur demande des parties ou d’office, convoquer et interroger en audience plénière des personnes en qualité de témoin.
Article 42.
1. Réclamation de pièce à l’appui. S’il s’avère nécessaire, la Cour constitutionnelle peut, sur demande des parties ou d’office, réclamer des pièces liées à l’affaire soumise à examen.
2. Les pièces réclamées sont soumises à l’acceptation en audience plénière.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Voir la section 3.2.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Si la Cour estime qu’il est nécessaire, sur décision de l’Assemblée des juges, elle peut demander une opinion (amicus curia) aux fins de l’examen de l’affaire.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Les parties à la procédure constitutionnelle sont :
a. le sujet ayant introduit la requête ;
b. les sujets contre lesquels la requête est introduite ou les personnes qui sont directement concernées par l’affaire soumise à examen ;
c. l’organe ayant émis l’acte contesté (Article 39). Si un sujet qui n’a pas été convoqué au procès souhaite y participer, c’est la Cour qui en décide. En tout cas, c’est la Cour qui décide d’accepter l’intervention d’une autre partie dans le procès.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Dans un tel cas, l’intervenant est considéré comme le sujet intéressé et jouit de tous les droits des autres parties au procès.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
De tels cas sont très rares.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La Cour procède avec l’examen de l’affaire en audience publique ou sur la base de documents. Dans le premier cas, il y a une procédure orale devant la Cour, alors que dans le second cas, la Cour juge la question uniquement sur la base des documents fournis (soumis par les parties par écrit).
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Dans le cas des requêtes individuelles, en général, la Cour procède à l’examen des documents fournis, alors que dans d’autres cas, elle procède à l’examen de la question en suivant également la procédure orale.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Les parties sont prévenues à l’avance du temps dont elles disposent devant la Cour pour la présentation orale des observations ; en règle générale, cette durée est d’environ 20 minutes. Après la présentation des parties, la Cour leur pose des questions pour la clarification de l’affaire. (Article 9 / du règlement interne.)
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ? Comment est-elle fixée ?
Voir la section 4.2.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Au cours de l’audience, la Cour peut autoriser la présence des médias. La Cour peut également émettre des avis sur son site officiel en ce qui concerne les questions en cours d’examen.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
L’article 21 de la loi qui régit l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle d’Albanie prévoit que les débats en audience plénière de la Cour constitutionnelle sont publics.
La Cour constitutionnelle peut décider d’interdire l’accès du public en audience plénière durant l’intervention d’une partie ou pour la totalité des débats pour des raisons de protection de bonnes moeurs publiques, du maintien de l’ordre public, la sécurité nationale, le droit à la vie privée ou des droits personnels.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Voir la section 2.5.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Pour le déroulement des audiences, les règles générales du code de procédure civile s’appliquent, dans la mesure où la loi organique de la Cour et son règlement interne ne prévoient pas autrement. L’article 43 de la loi et l’article 9 du règlement, prévoient expressément les modalités qui doivent être respectées par les parties. L’audience commence par la vérification de la présence des parties et de leur légitimité ainsi que par la présentation de leurs demandes préliminaires le cas échéant. Le juge rapporteur fait lecture de la requête et les parties sont invitées à présenter leurs demandes et leurs objections, en commençant par le sujet ayant introduit la requête. Après la présentation, les parties exposent leurs explications ou fournissent tout éclaircissement de preuve aux questions posées par les juges. Les parties peuvent également présenter de brèves remarques qui portent sur des questions qui n’ont pas été abordées dans leurs observations et qui ont été identifiées au cours du procès, mais aucune réplique n’est pas autorisée. L’audience se clôt avec l’invitation des parties à présenter leurs conclusions et la Cour se retire pour délibérer.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Oui, à l’issue de l’audience, les parties soumettent auprès du greffier leurs note-post-audience.
Conseil constitutionnel d’Algérie
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Oui, dans le cadre des amendements à la Constitution.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
En cours d’élaboration.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
En cours d’élaboration.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
– La Constitution prévoit en effet, ce qui suit :
Art. 187. Le Conseil constitutionnel est saisi par le président de la République, le président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée populaire nationale ou le Premier ministre.
Il peut être saisi également par cinquante (50) députés ou trente (30) membres du Conseil de la Nation.
Art. 188. Le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une exception d’inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d’État, lorsque l’une des parties au procès soutient devant une
juridiction que la disposition législative dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Les conditions et les modalités de mise en oeuvre de l’alinéa ci-dessus sont fixées par une loi organique.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
En cours d’élaboration.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Oui, l’article 189 de la Constitution prévoit ce qui suit :
« Le Conseil constitutionnel délibère à huis-clos ; son avis ou sa décision est donné dans les trente (30) jours qui suivent la date de sa saisine. En cas d’urgence, et à la demande du président de la République, ce délai est ramené à dix (10) jours.
Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi sur le fondement de l’article 188 ci-dessus, sa décision est rendue dans les quatre (4) mois qui suivent la date de sa saisine. Ce délai peut être prorogé une seule fois de quatre (4) mois au maximum, sur décision motivée du Conseil, notifiée à la juridiction saisissante ».
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Oui.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
En cours d’élaboration.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
En cours d’élaboration.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
En cours d’élaboration.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
En cours d’élaboration.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le nouveau règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, pris en application des nouvelles dispositions constitutionnelles, prévoit que la décision du Conseil constitutionnel, rendue par voie d’exception, est notifiée au président de la Cour suprême ou au président du Conseil d’État, ainsi qu’aux autorités concernées.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
En cours d’élaboration.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
En cours d’élaboration.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
En cours d’élaboration.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
En cours d’élaboration.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
En cours d’élaboration.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
En cours d’élaboration.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
En cours d’élaboration.
III. Les incidents
Cette partie ne peut être renseignée pour l’instant.
IV. Organisation de la procédure orale
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Le contrôle par voie d’exception d’inconstitutionnalité dont découle la procédure du contradictoire, objet de la conférence, est inscrit dans la Constitution algérienne depuis la révision constitutionnelle du 7 mars 2016. Cependant, il serait opportun de rappeler dans cette partie du questionnaire, les dispositions qui fondent ce nouveau mécanisme de contrôle de constitutionnalité en Algérie :
L’article 188 de la Constitution prévoit en effet, que le Conseil constitutionnel peut être saisi d’une exception d’inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d’État, lorsque l’une des parties au procès soutient devant les juridictions que la disposition législative dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le législateur se chargera de fixer par une loi organique, les conditions et les modalités de mise en oeuvre de ce mécanisme de
contrôle de constitutionnalité.
Le Constituant a également prescrit les délais dans lesquels le Conseil constitutionnel est tenu de rendre sa décision lorsqu’il est saisi d’une exception d’inconstitutionnalité.
En effet, sur la base de l’article 189, alinéa 2, le Conseil constitutionnel rend sa décision dans les quatre (04) mois de sa saisine. Ce délai peut être prorogé une seul fois de quatre (4) mois maximum sur décision motivée du Conseil, notifiée à la juridiction saisissante.
Quant aux effets découlant de la décision du Conseil constitutionnel rendue dans ce cadre, le Constituant a prévu à l’article 191, alinéa 2 que lorsqu’une disposition législative est jugée inconstitutionnelle, celle-ci perd tout effet du jour de la décision du Conseil.
En outre, en vertu de l’article 191, alinéa 3 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel ont force de chose jugée puisqu’elles sont définitives et s’imposent à l’ensemble des pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles.
Le Constituant a également prévu une disposition transitoire dans laquelle il prévoit que ce nouveau mécanisme de contrôle sera mis en oeuvre dans un délai de 3 ans suivant l’entrée en vigueur de l’amendement constitutionnel. L’objectif étant de permettre la réunion de toutes les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre du mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité et afin d’en garantir sa prise en charge effective.
Une loi organique (en cours de préparation) est prévue pour compléter et préciser les nouvelles dispositions constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel pourra, le cas échéant, définir, dans son règlement, les autres procédures de mise en oeuvre.
L’autre amendement introduit par la révision constitutionnelle du 7 mars 2016 consiste en l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel à une minorité qualifiée de parlementaires d’une loi votée avant sa promulgation.
Cette possibilité de recours devant le Conseil constitutionnel pour contester une loi votée par la majorité, permet une confrontation de la loi entre des points de vue différents au regard des dispositions de la Constitution.
Enfin, la révision constitutionnelle vise à consolider la démocratie pluraliste en Algérie ; le principe du contradictoire devant la justice, en général, et la justice constitutionnelle, en particulier, en tant que corollaire du pluralisme, vise, dans son essence, à donner plus de légitimité aux décisions dans un cadre de transparence et d’égalité aux parties du litige.
Conseil constitutionnel d’Angola
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il encore aujourd’hui discuté ?
Non. La loi constitutionnelle de 1992 a permis la mise en place formelle de la Cour constitutionnelle.
Toutefois, du fait d’impératifs divers, les compétences de la Cour constitutionnelle ont été assumées à titre provisoire par la Cour suprême. C’est en 2008 qu’a été matériellement instaurée la Cour constitutionnelle, cette dernière reprenant alors à son compte toutes les compétences qui lui revenaient et fonctionnant comme une instance autonome, garante de la Constitution et des droits fondamentaux.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Concernant la notion de « parties » au niveau de la juridiction constitutionnelle, son sens diffère de celui qui a pu en être donné par les juridictions communes, dans la mesure où nous sommes saisis sur des arrêts de tribunaux susceptibles de porter sur des fondements du droit, mais aussi, de décisions portant atteinte à des principes, des droits, des libertés et des garanties prévues dans la CRA (Constitution de la République d’Angola) ; ou encore, qui refusent d’appliquer une norme en arguant de son inconstitutionnalité, ou qui appliquent des normes dont l’inconstitutionnalité a été évoquée au cours de la procédure. La notion de « partie » la plus proche de ce que l’on connaît en droit civil (« partie active ») s’applique dans le cadre des procédures impliquant des partis politiques.
Pour ce qui a trait à la notion de « procès », les diverses dispositions de notre Constitution et de notre législation la reconnaissent pleinement.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Les notions d’inquisitoire et d’accusatoire ne sont pas des caractéristiques liées au fonctionnement de la Cour, mais plutôt des principes renvoyant au procès en tant que tel. Dans la mesure où la Cour constitutionnelle n’est pas à l’initiative des procédures, il ne lui appartient de juger que les affaires soumises à son appréciation.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ? (Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Oui. Le principe du contradictoire, à la base de notre système judiciaire, est prévu dans la CRA, dans la loi sur la procédure constitutionnelle, ainsi que dans d’autres textes.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Oui. L’organisation et le fonctionnement de la Cour sont inscrits dans la CRA, dans la loi sur la procédure constitutionnelle (loi 2/08 du 17 juin) et dans le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle (résolution 1/14 du 28 juillet). Le cadre procédural est réglementé par la loi sur la procédure constitutionnelle et, conformément à l’article 2 de cette dernière, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent à titre subsidiaire.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Oui, il existe des usages, qui reflètent des pratiques répétées de notre Cour comme, par exemple, la présence des conseillers lors des séances plénières.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le principe du contradictoire est le socle du système judiciaire angolais, conformément à l’article 174 § 2 de la CRA. Par ailleurs, dès que cela s’avère nécessaire au vu des dispositions des articles 13 et 26 de la CRA, nous avons recours aux instruments internationaux.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Pour certains procès (les cas, par exemple, de contrôle préventif et abstrait), la loi fixe des délais dans lesquels la Cour doit se prononcer. Un jugement de la Cour constitutionnelle est rendu dans un délai moyen de quatre mois.
Oui, le délai moyen de jugement constitue une limite à la mise en oeuvre du contradictoire, dans la mesure où ce dernier ne peut être exercé que jusqu’au jugement. En outre, comme la Cour est une juridiction d’appel, ses décisions ont l’autorité de la chose jugée.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Oui, le Greffe, dont relèvent les greffiers, assure l’efficacité des enregistrements de pièces procédurales. Oui, il s’agit d’une procédure déjà dématérialisée, avec une base de données appelée 7-PRO-TC et qui a pour vocation de permettre la consultation des procédures achevées ou en cours, provenant des services des juges conseillers et du Cabinet de consultants techniques et jurisprudentiels de la Cour constitutionnelle.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Non, les règles sont les mêmes que pour les autres juridictions supérieures. Du fait de la spécificité d’une Cour constitutionnelle, les recours dont elle est saisie revêtent un caractère ultima ratio, s’agissant normalement de contestation de normes réputées inconstitutionnelles ou de non-application d’une norme sur la base de son inconstitutionnalité (recours ordinaire en inconstitutionnalité).
On trouve également des cas de remise en cause d’un jugement ou d’un acte administratif au motif qu’ils violeraient des droits, des libertés et des garanties inscrits dans la CRA (recours extraordinaire en inconstitutionnalité). De la sorte, l’organisation du contradictoire doit s’adapter à la spécificité des recours en inconstitutionnalité.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Au niveau des juridictions supérieures, les parties n’assistent à aucune audience des procès en appel, puisque seuls y sont traités les points de droit et non les faits. À la fin de l’instruction, les parties en présence en sont notifiées par le biais d’une copie de la décision de la Cour et d’une publication de cette dernière sur notre site.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Il y a un renforcement continu de l’application du principe du contradictoire. Étant donné qu’avec l’entrée en vigueur, en 2010, de la Constitution actuelle de la République d’Angola, ce principe a été consacré dans les dispositions de son article 174 § 2, on ne peut parler d’un caractère renforcé du principe du contradictoire dans le cadre du procès constitutionnel, mais simplement de sa prévision normative en tant que principe général.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Il existe bel et bien un standard du procès constitutionnel, puisque tous les procès ont pour base le principe d’équité, conformément aux articles 29 et 72 de la CRA, qui reconnaissent à tout citoyen « le droit à un procès équitable, rapide et dans le respect de la loi ».
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Oui, notre organisation du contradictoire est perfectible. L’Angola a lancé une réforme de l’ensemble de son système juridique (http://crjd-angola.com/), dont l’un des objectifs consiste à renforcer les garanties constitutionnelles, parmi lesquelles se trouve le principe du contradictoire.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les recours au titre du contrôle concret sont déposés auprès de l’instance d’appel. S’agissant de la Cour suprême, c’est cette institution qui est saisie du recours et c’est à elle qu’il appartient de notifier le recours et le procès auprès de la Cour constitutionnelle. Quant aux affaires pour lesquelles la Cour suprême déboute le requérant, ce dernier pourra saisir directement la Cour constitutionnelle, qui peut alors accepter ou refuser cette saisine. En cas d’acceptation, la Cour constitutionnelle en notifie la Cour suprême et demande le transfert du procès.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Elle le peut, en effet, dans les cas de rejet préliminaire prévus par la loi, comme par exemple, a) lorsque la demande est déposée par une personne sans légitimité pour le faire ; b) lorsqu’elle a été déposée hors délai ; ou lorsque c) les failles qu’elle contient n’ont pas été corrigées, même après intimation du juge conseiller rapporteur en ce sens (cf. article 41 §s 3 et 4 de la LPC – loi de procédure constitutionnelle – loi 3/08 du 17 juin, et la rédaction qu’en donne l’article 1er de la loi 25/10, du 3 décembre).
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
En Angola, il appartient aux tribunaux d’assurer la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité. À noter que tous les tribunaux assurent ce contrôle. Le contrôle de constitutionnalité est mixte (système diffus et concentré). Les magistrats des tribunaux de droit commun sont également juges constitutionnels. Il existe toutefois une autorité spécialisée en matière juridique et constitutionnelle qui assure spécifiquement le contrôle de constitutionnalité, ce qui donne lieu au système dit système concentré de contrôle de constitutionnalité.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Le délai de production des pièces de procédure varie selon le type de procès. Par exemple, pour les recours en inconstitutionnalité, le délai pour un dépôt d’appel est de 8 (huit) jours. Les répliques et les dupliques sont produites entre 10 (dix) et 20 (vingt) jours.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
L’intervention d’un avocat est obligatoire pour les recours en inconstitutionnalité. Dans les procès où un conseil juridique n’est pas obligatoire, les parties ont de plus en plus tendance à se faire représenter par un avocat.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il existe un mécanisme d’aide juridictionnelle qui a pour mission d’assurer une représentation juridique aux citoyens n’ayant pas les moyens d’engager un avocat, mais qui est géré par l’Ordre des avocats. Les demandes d’aide juridictionnelle sont faites auprès de l’Ordre des avocats d’Angola (OAA), sur présentation de justificatifs attestant les faibles revenus d’un requérant.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Le seul système recevable est celui de la digne représentation, qui consiste à restituer les montants engagés par la partie ayant remporté le procès au prorata des dépenses encourues lors du procès.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Les demandes d’instruction qui sont du ressort de la Cour constitutionnelle sont déposées auprès du Greffe et, une fois traitées, elles sont soumises au juge président qui décide de leur recevabilité. Le requérant est notifié dans un délai de 24 heures après le prononcé de ladite décision. Lorsque la requête ne contient pas tous les documents nécessaires à son instruction, ou qu’elle présente des irrégularités ou des failles susceptibles de compromettre le bon avancement de l’action en justice, le juge président de la Cour constitutionnelle peut délivrer une ordonnance invitant le requérant à corriger ou à compléter sa demande dans un délai maximal de cinq jours. Lorsque la requête est recevable, elle est adressée de nouveau pour distribution. Le juge président ou le juge rapporteur peuvent réclamer auprès d’une institution tous les éléments qu’ils considèrent nécessaires ou pertinents pour apprécier la requête et instruire le procès.
Ce dernier est clos par un arrêt ou une ordonnance. Une réouverture de l’instruction n’est pas possible.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La Cour n’a pas l’initiative de la procédure. Elle peut demander aux parties d’étoffer leurs requêtes, de même qu’elle peut demander aux tribunaux frappés d’appel de lui fournir des compléments d’information, le tout dans le but d’aboutir à une prise de décision plus éclairée, comme le stipule d’ailleurs la loi de procédure constitutionnelle. Chaque fois qu’il lui semblera nécessaire de le faire,la Cour aura recours aux mécanismes décrits ci-dessus.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ? La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
La Cour demande des clarifications complémentaires aux parties ou à l’institution dont émane la législation contestée. Les mesures d’instruction ne sont pas communiquées à la partie adverse mais figurent dans l’arrêt final. Oui, la Cour sollicite des éclaircissements de la part de n’importe quelle juridiction, indépendamment de son niveau de ressort. Le paragraphe 3 de l’article 174 de la CRA stipule que « tous les organes publics et privés doivent coopérer avec les cours dans l’exercice de leurs fonctions, avec pour obligation de prendre, dans les limites de leurs compétences, toute mesure que pourraient leur demander les tribunaux ».
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Notre Cour ne dispose pas, en propre, de moyens d’investigation et peut demander à d’autres organes de mener des enquêtes, des constats ou des expertises, sans y procéder directement.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Oui, la Cour a déjà, à titre exceptionnel, convoqué les parties pour les entendre oralement, avant de prendre sa décision. Il en a été ainsi principalement dans des cas de litiges entre partis politiques.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Nous n’avons jamais eu jusqu’à présent de procès avec la participation de tiers. La législation angolaise ne prévoit pas ce type d’intervention.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure
contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
L’intervention de tiers (spontanée ou sollicitée) est recevable aux termes de la législation relative aux procédures civiles, qui s’applique à titre subsidiaire à la procédure constitutionnelle (cf. article 2 de la LPC). De ce point de vue, les tiers peuvent intervenir dans la procédure constitutionnelle, au titre d’une procédure contradictoire. L’admission des interventions est analysée par le juge conformément au principe de libre appréciation de la preuve.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
L’intervenant est un tiers susceptible de provoquer une modification dans la relation entre juridique et procédural, consécutivement au remplacement de l’une des parties ou à l’admission d’un tiers.
Comme cela a été dit, le régime juridique des interventions est inscrit dans le code de procédure civile, qui s’applique à titre subsidiaire à la procédure constitutionnelle. Les droits des tiers intervenants consistent à accepter, ou pas, d’être partie au procès et, en cas d’admission, de jouir des mêmes droits que ceux des parties.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Il n’existe que des interventions spontanées ou des interventions sollicitées.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Non.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Non. En règle générale, la procédure est écrite. Ce n’est que très rarement qu’il y a des interventions orales. Seules les délibérations pour décision entre juges conseillers sont entièrement orales.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Comme déjà dit, la procédure est entièrement écrite, seules les délibérations pour décision étant orales.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Les observations orales sont si rares que l’application de règles se fait au cas par cas.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ? Comment est-elle fixée ?
La Cour n’organise pas d’audiences publiques. Elle se contente de faire connaître ses décisions.
À l’occasion et si besoin, en organisant des conférences de presse.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Les arrêts sont rendus publics sur le site officiel de la Cour – www.tribunalconstitucional.ao. Pour les cas de normes déclarées inconstitutionnelles, la Cour a l’obligation de les publier au Journal officiel de la République (Diário da República), conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi organique de la Cour constitutionnelle – LOTC – loi 2/08 du 17 juin, et la rédaction qu’en donne l’article 1er de la loi 24/10 du 3 décembre.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée).
La procédure est menée sous le sceau du secret, l’arrêt étant pour sa part public.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Nous avons une procédure foncièrement écrite, ce qui ne donne pas lieu à des interventions orales d’avocats ou d’autres professions judiciaires. À titre exceptionnel, les avocats peuvent être invités à intervenir oralement en plénière.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Nous n’avons pas d’audience au sens strict du terme (à savoir, un juge, des parties, des avocats…).
Le prononcé est rendu en présence des seuls juges. Une séance plénière débute par la prise de parole du juge conseiller président, qui présente l’ordre du jour soumis à la considération des juges conseillers et qui, une fois ce dernier approuvé, donne la parole au juge rapporteur. Après la présentation par ce dernier du projet d’arrêt dans son ensemble, chaque juge-conseiller prend la parole, suite à quoi il est procédé à une analyse et à une discussion dans le détail. Après l’approbation du projet d’arrêt, ce dernier est signé par tous les juges conseillers. Enfin, le juge président clôture la séance en dictant un récapitulatif pour le procès-verbal.
Pour ce qui a trait à la durée des audiences, il est difficile d’être précis, dans la mesure où elle dépendra de l’affaire en l’espèce. Cependant, en termes estimatifs, une audience dure en moyenne 36 heures.
L’enregistrement global des interventions se fait immédiatement, avec le procès-verbal de l’audience.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
À l’issue de l’audience, les parties peuvent demander une clarification de la sentence/décision.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non. Le pouvoir juridictionnel de la Cour prend fin avec sa décision finale sur l’affaire dont elle a été saisie.
Cour constitutionnelle de Belgique[1]
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
La Cour constitutionnelle est une véritable juridiction constitutionnelle. Elle l’a été dès sa création, en 1984, en dépit du fait qu’elle ait été, à ce moment, baptisée « Cour d’arbitrage » et que ses compétences étaient limitées. Elle se nomme « Cour constitutionnelle » depuis la révision constitutionnelle du 7 mai 2007, appellation qui correspond mieux à la nature et à la fonction qui sont les siennes depuis l’origine[2]. Ses compétences ont été étendues au fil du temps. Elle exerce aujourd’hui un contrôle de la constitutionnalité de toutes les normes de valeur législative par rapport, d’une part, aux règles de répartition des compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées et, d’autre part, aux droits et libertés fondamentaux.
L’appellation « Cour » indique, dès la création de l’institution, qu’il s’agit d’un organe juridictionnel.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui. Toute procédure devant la Cour est un procès constitutionnel. Les requérants en annulation, les défenseurs de la norme attaquée, les parties devant la juridiction qui a posé la question préjudicielle et les tiers intervenants sont tous qualifiés de « parties » devant la Cour par la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant la Cour a un caractère inquisitorial [3]. La loi spéciale sur la Cour constitutionnelle précise, en son article 91, que la Cour « a les pouvoirs d’instruction et d’investigation les plus étendus ». Cette disposition indique que la Cour peut notamment correspondre directement avec toute autorité publique, entendre contradictoirement les parties et se faire communiquer par elles et par toute autorité publique tous documents et renseignements ayant trait à l’affaire, entendre toute personne dont elle estime l’audition utile, procéder sur les lieux à toute constatation, commettre des experts.
La Cour fait régulièrement usage de la possibilité d’interroger les parties devant elle (parmi d’autres, arrêts n° 144/2014, 112/2003). Elle le fait généralement en posant des questions lors de la mise en état et en demandant que les parties y répondent dans un écrit (mémoire complémentaire). Elle a, dans une affaire isolée, également adressé une question à un juge de renvoi (arrêt n° 61/98).
En revanche, elle n’a, à ce jour, jamais fait usage d’autres pouvoirs d’investigation, à l’exception d’un cas dans lequel elle a interrogé le président du Conseil d’État au sujet d’une pratique en vigueur dans cette institution (arrêt n° 123/2011) [4]. Elle considère à ce sujet qu’elle ne peut faire usage des pouvoirs d’investigation que lorsqu’ils sont nécessaires à la solution des questions juridiques qu’elle doit trancher : « Une mesure d’instruction n’est utile qu’en ce qu’il est possible de constater des éléments matériels pertinents pour statuer sur un recours en annulation, une question préjudicielle ou un incident » (voy. les arrêts n° 139/2000, 81/2002, 51/2003, 9/2009, 157/2009, 29/2010, 32/2015).
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ? (Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Si aucun texte ne proclame solennellement que la procédure devant la Cour constitutionnelle doit être contradictoire, la façon dont la loi spéciale du 6 janvier 1989 organise la procédure, en précisant quelles parties peuvent introduire un mémoire, à quel moment, en réglant la notification de ces mémoires aux parties par le greffe et en indiquant ce que ces mémoires doivent contenir, traduit sans équivoque la volonté du législateur de garantir le respect du principe du contradictoire devant la Cour. Le déroulement de la procédure est exposé dans la réponse à la question suivante.
Par ailleurs, l’article 91 de la loi spéciale précise explicitement que lorsque la Cour entend les parties, cela doit se faire « contradictoirement ». L’article 92 précise que lorsque la Cour décide d’entendre d’autres personnes, les parties et leurs avocats sont convoqués. Il en va de même en cas de descente sur les lieux (art. 93). L’ordonnance fixant la mission des experts est communiquée aux parties (art. 94). La minute du rapport d’expertise est déposée au greffe et les parties en sont avisées.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La loi spéciale du 6 janvier 1989 organise la procédure en ses articles 74 et suivants (procédure ordinaire) et 70 et suivants (procédure préliminaire, « filtre » permettant de rendre un arrêt rapidement au terme d’une procédure respectant néanmoins le principe du contradictoire). La procédure est essentiellement écrite.
- La procédure ordinaire
La Cour est saisie soit d’un recours en annulation, soit d’une question préjudicielle. Un avis, publié au journal officiel (Moniteur belge) sur la demande du greffe de la Cour, indique, selon le cas, l’auteur et l’objet du recours ou la teneur de la question préjudicielle (art. 74 de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle) ainsi que le numéro de l’affaire au rôle de la Cour. En même temps, le recours ou la décision de renvoi de la question préjudicielle est communiqué par le greffe au gouvernement fédéral et aux gouvernements des entités fédérées, ainsi qu’aux présidents des assemblées législatives. Les décisions de renvoi de questions préjudicielles sont aussi notifiées aux parties devant la juridiction de renvoi (art. 76 à 78).
Tous les destinataires de ces notifications, ainsi que toute personne justifiant d’un intérêt peuvent faire parvenir un mémoire à la Cour. L’envoi de ce mémoire les rend « parties au litige » (art. 87).
Le greffe notifie les mémoires reçus à toutes les parties. Chaque partie peut faire parvenir un second mémoire au greffe. Tous les mémoires reçus sont, à nouveau, adressés par le greffe aux autres parties.
De la sorte, aussi bien dans une procédure sur recours en annulation que dans une procédure sur question préjudicielle, chaque partie devant la Cour, requérant, conseil des ministres, gouvernement fédéré, partie intéressée, dispose de la possibilité de s’exprimer dans deux écrits de procédure.
À la fin des délais impartis pour l’échange des mémoires, la Cour procède à la « mise en état » de l’affaire, c’est-à-dire qu’elle constate que l’affaire est en état d’être jugée. Elle peut décider à ce moment de poser des questions complémentaires aux parties et/ou de les entendre au cours d’une audience publique. Si elle décide qu’il n’y a pas lieu d’organiser une telle audience, elle communique cette décision aux parties, qui ont alors la possibilité de demander l’organisation d’une audience. Si une des parties demande qu’une audience soit tenue, la Cour fixe une date, habituellement 3 semaines plus tard, et convoque toutes les parties.
- La procédure préliminaire :
Cette procédure permet à la Cour de se prononcer rapidement lorsqu’elle juge que le recours ou la question est manifestement irrecevable, qu’elle n’est manifestement pas compétente pour en connaître, ou que, au vu de « la nature de l’affaire » ou de « la simplicité relative des problèmes soulevés », elle peut y répondre rapidement. Dans ce cas, les juges-rapporteurs font rapport en ce sens à la Cour. Le rapport est communiqué, selon le cas, à la partie requérante, aux parties devant la juridiction de renvoi et, si le rapport conclut à une violation manifeste de la Constitution, au Conseil des ministres fédéral, aux gouvernements des entités fédérées et aux présidents des assemblées (art. 71 et 72). Tous les destinataires de ces notifications disposent d’un délai de 15 jours pour faire parvenir leurs observations à la Cour. Après avoir reçu ces observations, la Cour décide soit de mettre fin à l’affaire par un arrêt conforme aux conclusions des juges-rapporteurs, soit d’entamer la procédure ordinaire.
Au surplus, la Cour a adopté un règlement d’ordre intérieur dont l’article 2 l’autorise à arrêter des directives de procédure lorsque la mise en oeuvre des règles de procédure établies par la loi spéciale appelle une interprétation ou des précisions. La Cour a adopté deux directives.
La procédure de suspension n’est, curieusement, pas réglée avec la même précision par la loi spéciale, qui se limite à prévoir que « les parties doivent être entendues ». La directive du 14 février 1989 vient combler le laconisme de la loi à ce sujet. La suspension d’une norme peut être demandée, en complément d’un recours en annulation, dans certaines circonstances. En application de la directive adoptée par la Cour, lorsqu’une demande de suspension est introduite, la Cour fixe une audience et invite le Conseil des ministres, les gouvernements des entités fédérées et les présidents d’assemblées législatives à communiquer des observations écrites dans le délai qu’elle détermine. La Cour a ainsi, par voie de directive, organisé le caractère contradictoire de la procédure sur demande de suspension.
La directive du 20 juin 1996 concerne les mémoires tardifs. Ici aussi, la Cour organise le caractère contradictoire de la procédure par laquelle le mémoire introduit hors délai est écarté, en permettant à l’auteur de ce mémoire de faire valoir ses observations par écrit au sujet du dépassement du délai.
Enfin, plusieurs principes développés par la jurisprudence constitutionnelle montrent que la Cour est attentive à assurer le respect du contradictoire. Par exemple, la Cour interprète l’article 6 de la loi spéciale, qui indique que la requête en annulation doit contenir un « exposé des faits et moyens », à la lumière du respect du contradictoire : « Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 précité, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions. Ces exigences sont dictées, d’une part, par la nécessité pour la Cour d’être à même de déterminer, dès le dépôt de la requête, la portée exacte du recours en annulation et, d’autre part, par le souci d’offrir aux autres parties au procès la possibilité de répliquer aux arguments des requérants, en sorte qu’il est indispensable de disposer d’un exposé clair et univoque des moyens. » (jurisprudence constante, par exemple : arrêt n° 60/2015). La nécessité de garantir le caractère contradictoire des débats est explicite : « Admettre une telle requête imprécise [lorsqu’il est impossible de définir l’objet des griefs] mettrait en péril le caractère contradictoire de la procédure, dès lors que la partie qui interviendrait pour défendre les dispositions législatives attaquées ne serait pas mise en mesure de fournir une défense utile ». (entre autres, arrêts n° 111/2011, 130/2013). Dans le même sens, il n’est pas admissible que la partie requérante se réserve le droit de développer ses arguments plus tard dans la procédure, car une telle attitude « met en péril le caractère contradictoire de la procédure » (arrêt n° 17/2013).
Dans le même souci, la Cour n’admet pas qu’une partie renvoie aux arguments qu’elle a développés à l’occasion d’une autre affaire si toutes les parties en présence ne sont pas les mêmes, estimant que tolérer une telle pratique porterait atteinte aux droits de la défense (par exemple, arrêt n° 50/2011).
Au contentieux préjudiciel également, la Cour est attentive au fait que les parties doivent pouvoir, dès le début de la procédure, mener une défense utile et doivent donc, pour cela, être en mesure de comprendre l’objet et la portée du litige constitutionnel : « permettre que soit posée une question préjudicielle [qui ne précise pas en quoi les normes de contrôle invoquées pourraient être violées par la disposition en cause] compromettrait le caractère contradictoire de la procédure devant la Cour, dès lors que les parties qui, le cas échéant, souhaitent intervenir à la cause devant la Cour n’ont pas la possibilité de le faire efficacement. Il en est particulièrement ainsi pour la partie qui interviendrait pour défendre la disposition en cause et qui ne serait pas en mesure de fournir une défense utile » (arrêt n° 33/2014, dans le même sens, arrêt n° 99/2012).
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
L’organisation des débats lors de l’audience n’est pas organisée par la loi. L’usage est toujours le suivant : après avoir entendu le rapport des juges-rapporteurs, le président donne d’abord la parole à la partie qui soutient l’inconstitutionnalité de la norme (la partie requérante ou une de parties en cause devant la juridiction de renvoi) ainsi que, éventuellement, à la partie intervenante qui appuie cette position et ensuite à la partie qui défend la validité de la norme au regard de la Constitution (le Conseil des ministres ou le gouvernement fédéré correspondant à l’auteur de la norme ainsi que, le cas échéant, l’autre partie devant la juridiction de renvoi) ainsi que, éventuellement, à la partie intervenante qui défend également la norme. Les parties qui sont intervenues en premier peuvent ensuite répliquer mais la parole est toujours donnée en dernier lieu au défenseur de la norme contestée.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ? Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Prenant acte de la jurisprudence Ruiz-Mateos de la Cour européenne des droits de l’homme [5], la Cour constitutionnelle a reconnu que la Cour strasbourgeoise a « estimé que l’article 6, § 1er, pouvait être applicable à une juridiction constitutionnelle » [6].
Le principe du contradictoire est respecté dans toute procédure devant la Cour.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La loi spéciale impose à la Cour de rendre ses arrêts dans l’année de la saisine (art. 109, qui prévoit un délai de 6 mois, prorogeable une fois de 6 mois supplémentaires au maximum ; en pratique, le délai est toujours prorogé). Il ne s’agit pas d’un délai d’ordre, mais d’un délai de rigueur.
Ce délai total d’une année est toutefois parfois dépassé, pour des raisons diverses.
L’exigence du respect du délai ne conduit jamais la Cour à limiter la mise en oeuvre du principe du contradictoire. Au contraire, il arrive que le dépassement du délai soit dû à la nécessité de respecter ce principe. Ainsi, lorsque plusieurs affaires sont jointes, il arrive régulièrement que le délai d’un an soit dépassé vis-à-vis des affaires les plus anciennes. Ce dépassement s’explique par la nécessitéde respecter les délais de procédure permettant aux parties intervenant dans l’affaire la plus récente d’échanger leurs arguments.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le greffe de la Cour enregistre les saisines (recours en annulation et questions préjudicielles) par leur inscription au rôle général de la Cour. Il assure les notifications de pièces conformément à la procédure prescrite par la loi spéciale du 6 janvier 1989. Tout ce qui entre à la Cour et tout ce qui en sort passe par le greffe et toutes les pièces sont conservées par ce service. C’est aussi au greffe que les pièces peuvent être consultées lorsque la loi le permet. Les notifications se font, jusqu’à présent, par pli recommandé à la poste avec accusé de réception. Dans le futur, une plateforme électronique sécurisée jouera le rôle de « service des postes » et permettra la dématérialisation de la procédure.
De nouvelles dispositions ont déjà été insérées dans la loi spéciale afin d’organiser la procédure électronique. Des mesures d’exécution doivent encore être adoptées.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Contrairement au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle ne connaît pas d’auditorat ou de ministère public. Les parties dialoguent donc entre elles, mais elles n’ont pas l’occasion de confronter leur point de vue à un tiers assumant le rôle du ministère public. Au surplus, les délais et les séquences d’échange de mémoires diffèrent, mais le principe du contradictoire est également respecté par toutes les juridictions du pays.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Le contenu de la requête en annulation et des mémoires échangés n’est pas publié par la Cour, mais il est résumé dans l’arrêt (« partie A » des arrêts). Les requêtes en annulation peuvent être consultées au greffe dans les trente jours qui suivent la publication de l’avis d’enrôlement au Moniteur belge.
Les mémoires ne sont communiqués qu’aux parties. Les audiences sont publiques mais elles ne sont pas filmées ou enregistrées. Tous les actes et pièces communiqués à la Cour sont systématiquement communiqués aux parties, il n’y a pas, vis-à-vis des parties, lieu de parler de « secret de l’instruction ».
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Bien que la procédure ait été conçue, dès l’origine de la Cour, comme fondamentalement contradictoire, le président émérite Paul Martens a pu formuler, au tournant du siècle, quelques souhaits en forme de suggestions « pour accroître la contribution de la Cour au bonheur des Belges »[7].
La première de ces suggestions portait sur « les remèdes à apporter au caractère insuffisamment contradictoire de la procédure ».
Par la loi spéciale du 9 mars 2003, le législateur a introduit la possibilité pour le défenseur de la norme de répondre au mémoire en réponse des parties requérantes par un mémoire en réplique, pièce de procédure qui n’existait pas auparavant, de sorte que chaque partie dispose depuis ce moment de deux écrits de procédure. La même loi améliore également la position des personnes intéressées par une requête, avant qu’elles décident d’intervenir. Alors qu’auparavant, elles ne pouvaient prendre connaissance du contenu de la requête en annulation qu’une fois qu’elles étaient formellement parties à l’affaire, ce qui les obligeait à intervenir « à l’aveugle », toute personne peut à présent, dans les trente jours de la publication de l’avis au Moniteur belge, consulter la requête au greffe. Enfin, cette loi impose aussi à la Cour de communiquer aux parties le rapport des juges-rapporteurs lors de la mise en état. Ce rapport, fort succinct, ne contient aucune indication sur l’opinion des juges-rapporteurs.
L’ordonnance de mise en état indique les questions que la Cour estime devoir poser aux parties et auxquelles elles sont invitées à répondre, soit par l’introduction d’un mémoire complémentaire, soit oralement à l’audience.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Rien n’est parfait et tout est donc perfectible. Néanmoins, la procédure telle qu’elle est organisée et pratiquée par la Cour constitutionnelle semble répondre de façon assez satisfaisante aux exigences du contradictoire.
On peut peut-être regretter cependant que la séquence de l’échange des mémoires sur question préjudicielle n’organise pas vraiment un dialogue, dans la mesure où les parties se parlent en même temps et non pas l’une après l’autre (pour le détail, voir la réponse à la question 2.4). Toutefois, comme elles disposent chacune de deux écrits de procédure et de la possibilité de demander la tenue d’une audience, elles ont l’occasion de répondre aux arguments de la partie adverse. En outre, comme la procédure préjudicielle est le prolongement d’une procédure commencée devant la juridiction de renvoi, les parties ont généralement déjà eu l’occasion de s’expliquer au sujet de la question de constitutionnalité qui se pose et elles ont déjà une idée assez précise des arguments avancés par l’autre partie.
L’évolution de la procédure vers une procédure dématérialisée devrait être neutre sur le plan de la contradiction des débats.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les recours en annulation sont notifiés au Conseil des ministres fédéral, aux gouvernements des entités fédérées et aux présidents des assemblées législatives fédérales et fédérées. Les questions préjudicielles sont également notifiées à ces autorités, ainsi qu’aux parties au litige devant la juridiction de renvoi. La notification est réalisée par envoi recommandé à la poste avec accusé de réception.
Enfin, l’objet du recours en annulation et le texte de la question préjudicielle font l’objet d’une publicité par le biais d’une publication au journal officiel (Moniteur belge) et sur le site Internet de la Cour.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Même lorsque la procédure préliminaire est mise en oeuvre (voir ci-dessus, réponse à la question 1.5), le principe du contradictoire est respecté. Les conclusions des juges-rapporteurs proposant à la Cour de mettre fin à l’affaire par un arrêt rendu sur courte procédure sont en effet notifiées, selon le cas, aux parties requérantes ou aux parties au litige devant la juridiction de renvoi. Lorsque les juges-rapporteurs concluent à une violation manifeste de la Constitution, leurs conclusions sont en outre notifiées au Conseil des ministres, aux gouvernements des entités fédérées et aux présidents des assemblées législatives (« défenseurs de la norme » potentiels). Tous les destinataires de ces notifications disposent d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations à la Cour. Il peut arriver que la Cour, ayant pris connaissance des observations des parties, décide d’abandonner la procédure préliminaire et de traiter l’affaire selon la procédure ordinaire (par exemple, arrêts n° 204/2009 et 111/2015).
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Il s’agit généralement du gouvernement correspondant à l’auteur de la norme : le Conseil des ministres pour les lois fédérales, les gouvernements de communautés et de régions pour les décrets et ordonnances adoptés par leur législateur. D’autres parties peuvent se joindre à lui : d’autres gouvernements, le parlement correspondant ou d’autres parlements, des tiers intervenants (un exemple récent est donné par le recours en annulation contre la loi du 22 mai 2014 « tendant à lutter contre le sexisme
dans l’espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l’acte de discrimination » : l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, institution publique indépendante, est intervenu pour défendre la constitutionnalité de la loi). Il arrive, mais c’est assez rare, que le ministère public près la juridiction de renvoi intervienne devant la Cour constitutionnelle.
On observe certains cas exceptionnels dans lesquels aucune autorité n’assure la défense de la norme attaquée ou mise en cause. Le défenseur de la norme n’est en effet pas automatiquement mis à la cause, il est informé de l’introduction du recours ou de la question préjudicielle et il lui revient d’intervenir en déposant un mémoire dans le délai qui lui est imparti, ce qui le rend partie à la cause. S’il néglige de déposer un mémoire dans le délai, il n’est pas partie.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Le principe est que chaque partie dispose de deux écrits de procédure. La loi spéciale organise l’envoi et l’échange des mémoires en ses articles 85 et suivants. La succession des mémoires est légèrement différente selon qu’il s’agit d’une procédure sur recours en annulation ou d’une procédure
sur question préjudicielle.
Sur recours en annulation : les autorités qui se sont vu notifier la requête disposent de 45 jours pour faire parvenir un mémoire au greffe de la Cour. Toute personne intéressée dispose de 30 jours, à compter de la publication de l’avis au journal officiel, pour faire parvenir un mémoire en intervention au greffe. À l’échéance de ces délais, le greffe notifie les mémoires reçus à la partie requérante, qui dispose à compter de ce moment de 30 jours pour introduire un mémoire en réponse. Ce mémoire est notifié aux parties ayant introduit un premier mémoire, qui disposent alors de 30 jours pour introduire un mémoire en réplique au mémoire en réponse et aux éventuels mémoires en intervention.
Le mémoire en réponse ne peut pas contenir de moyens nouveaux, ceci dans le souci de garantir le principe du contradictoire.
Sur question préjudicielle : les autorités et les parties devant la juridiction de renvoi, qui ont reçu notification de la question préjudicielle, disposent de 45 jours pour faire parvenir un mémoire à la Cour. Toute personne intéressée dispose d’un délai de 30 jours, à compter de la publication de l’avis au journal officiel, pour introduire un mémoire en intervention. À l’issue de ces délais, le greffe notifie les mémoires reçus aux parties ayant introduit un mémoire (échange des mémoires), qui disposent alors de 30 jours pour introduire un mémoire en réponse.
Un auteur signale que « les praticiens du contentieux constitutionnel s’accordent généralement pour considérer que ces délais sont trop courts. » [8]. L’on ne relève toutefois pas de difficultés en pratique. Ces délais sont systématiquement prorogés pendant les vacances judiciaires. Ils peuvent également être prorogés à la demande des parties. La Cour accède généralement à ces demandes si elles sont adéquatement motivées. Ils peuvent également être écourtés si la Cour le juge utile. Une des hypothèses dans laquelle la Cour écourte les délais pour l’envoi de mémoires est celle de la suspension d’une norme. Si la Cour suspend une norme législative, l’arrêt d’annulation doit être rendu dans les trois mois de la suspension, à défaut de quoi, la suspension est levée. Dans cette hypothèse, il est difficile de maintenir la procédure d’annulation dans les délais normaux. Le raccourcissement des délais ne porte généralement pas préjudice au principe du contradictoire, car les parties ont déjà eu l’occasion de s’expliquer de manière étendue lors de la procédure de suspension.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Les parties peuvent intervenir en personne ou se faire assister ou représenter par un avocat. Même si la représentation par un avocat est la situation la plus fréquente, il n’est pas rare de voir des personnes s’adresser seules à la Cour. Lorsque c’est le cas, la Cour est généralement moins exigeante sur le respect des formes, pour autant que l’objet et le contenu de la requête soient explicites et qu’ils permettent à la partie adverse de mener une défense utile.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
L’article 75 de la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle prévoit que la Cour peut commettre un avocat d’office. L’arrêté royal du 14 avril 2009 porte exécution de cette disposition. Lorsque la personne assistée se trouve dans les conditions pour avoir droit à l’aide juridique, les frais et honoraires de l’avocat commis d’office sont à charge de l’État.
Jusqu’à présent, la Cour n’a jamais commis un avocat d’office.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La procédure devant la Cour est entièrement gratuite.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
La procédure devant la Cour est essentiellement écrite. À l’issue des délais pour l’introduction des différents mémoires, la Cour procède à la mise en état de l’affaire, après avoir entendu le rapport des juges-rapporteurs. Leur rôle est d’instruire l’affaire, de proposer les éventuelles questions complémentaires à poser aux parties et de proposer un projet d’arrêt. C’est au moment de la mise en état que la Cour décide, le cas échéant, de poser des questions aux parties si elle estime devoir être éclairée plus avant. La Cour formule les questions dans l’ordonnance de mise en état qui est communiquée à toutes les parties. Les parties sont invitées à répondre aux questions posées dans un mémoire complémentaire, qui est communiqué aux autres parties.
L’ordonnance de mise en état clôt l’instruction de l’affaire. Elle fixe, le cas échéant, la date de l’audience. Une fois les parties entendues, si une audience est organisée, ou à la fin de la période au cours de laquelle elles peuvent demander la tenue d’une audience, l’affaire est prise en délibéré. Il arrive que les débats soient rouverts, si un élément apparaît en cours de délibéré au sujet duquel les parties devraient s’expliquer. C’est le cas, notamment, lorsqu’apparaît la nécessité de soulever un moyen d’office. C’est le cas, également, lorsqu’est prononcée ou publiée, au cours de cette période, une décision de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la Cour de justice de l’Union européenne susceptible d’avoir une influence sur le litige constitutionnel. C’est aussi le cas lorsqu’est publiée au cours de cette période une nouvelle norme ayant une influence sur l’objet du litige. Dans toutes ces hypothèses, la Cour interrompt son délibéré et invite les parties à s’expliquer, dans un mémoire complémentaire, au sujet de l’élément nouveau. Les mémoires complémentaires sont échangés. Les parties peuvent se voir à nouveau offrir la possibilité de demander une audience publique.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
L’article 90 de la loi spéciale précise que l’ordonnance de mise en état énonce les moyens qui paraissent devoir être examinés d’office. L’article 107, alinéa 1er, de la même loi dispose : « La Cour peut ordonner d’office la réouverture des débats. Elle doit l’ordonner avant d’accueillir une exception ou un moyen sur lesquels les parties n’ont pas été mises en demeure de s’expliquer. »
Il arrive, même si ce n’est pas fréquent, que la Cour soulève un moyen d’office lors de l’examen d’un recours en annulation. Lorsqu’elle le fait, elle prend soin de vérifier si les parties ont déjà eu l’opportunité de s’expliquer à son sujet. C’est par exemple le cas lorsque les parties ont débattu d’une question alors que le moyen n’était pas recevable, par exemple parce que soulevé pour la première fois dans le mémoire en réponse (par exemple, arrêt n° 97/2011). Si la Cour juge que le moyen doit être soulevé d’office, elle peut ne pas rouvrir les débats si elle constate que les parties se sont déjà expliquées (par exemple, arrêt n° 35/2003). En revanche, si la Cour estime devoir soulever un moyen d’office qui n’a pas fait l’objet de débats entre parties, elle rouvre les débats et les invitent à s’expliquer (par exemple, arrêts n° 40/94, 81/95, 14/2005). Il est rare que la Cour soulève un moyen d’office. On compte les 5 exemples précités dans toute la jurisprudence de la Cour.
Au contentieux préjudiciel, la Cour peut être amenée à compléter d’office une question, en mobilisant des normes de référence qui n’étaient pas évoquées par le juge de renvoi. C’est le cas, par exemple, lorsque la Cour constate que la problématique sur laquelle elle est interrogée a fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne et que celle-ci a constaté une violation du droit européen.
Dans ce cas, la Cour constate une violation de la Constitution, combinée avec le droit européen, après avoir invité les parties à s’expliquer au sujet de l’incidence de l’arrêt de la Cour luxembourgeoise sur leur procédure (arrêt n° 68/2014). La Cour peut également soulever d’office la question relative à la compétence de l’auteur de la norme à l’occasion d’une question posée au contentieux des droits et libertés. Dans ce cas aussi, elle rouvre les débats pour permettre aux parties d’échanger leurs arguments sur ce point (arrêt n° 41/2010).
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ? La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Sur les mesures d’instruction : voir ci-dessus, 1.3.
Toutes les questions posées par la Cour, ainsi que les réponses, sont communiquées à toutes les parties.
À l’exception du cas dans lequel la Cour a interrogé le président du Conseil d’État (voir ci-dessus, 1.3), la Cour n’a jamais sollicité d’observations de la part des autres juridictions nationales. Lorsqu’elle estime que le droit de l’Union européenne l’y oblige, elle pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Voir également ci-dessus, 1.3.
La Cour n’a jamais procédé à des enquêtes, constats ou expertises.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
La Cour a le pouvoir d’entendre toute personne dont elle estime l’audition utile.
Elle ne l’a jamais fait.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curiae) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
La participation de tiers dans le procès constitutionnel est possible via le mécanisme de l’intervention.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’« amicus curiae », car par l’intervention, la personne intervenante devient partie à la procédure.
Pour que l’intervention soit recevable, il est requis que la partie intervenante démontre son intérêt.
La Cour interprète cet intérêt de façon assez large [9].
Au contentieux de l’annulation, il est acquis qu’est recevable à intervenir toute partie qui démontre que sa situation peut être directement affectée par l’arrêt que la Cour rendra à propos du recours. Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une personne morale, notamment d’une association défendant un objet particulier. La Cour accueille régulièrement des interventions de la Ligue des droits de l’homme et d’autres associations de défense des droits et libertés, des barreaux et des ordres d’avocats, d’associations professionnelles, de syndicats, … La partie intervenante peut intervenir dans la procédure soit pour appuyer les arguments des parties requérantes, soit pour défendre la norme attaquée.
Au terme d’une évolution de sa jurisprudence, la Cour accueille également l’intervention de tiers dans les procès constitutionnels sur question préjudicielle (arrêt n° 44/2008). Elle admet ainsi que justifient d’un intérêt à intervenir devant la Cour les personnes qui apportent la preuve suffisante de l’effet direct que peut avoir sur leur situation personnelle la réponse que va donner la Cour à une question préjudicielle. Cette ouverture concerne également les personnes morales qui, défendant un intérêt collectif, disposeraient à ce titre d’un intérêt suffisant à introduire un recours en annulation subséquent à un arrêt rendu sur une question préjudicielle, ou à intervenir dans une telle procédure en annulation et qui apportent la preuve suffisante de l’effet direct que peut avoir sur cet intérêt collectif la réponse que va donner la Cour à la question préjudicielle (arrêt n° 96/2012).
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Outre la condition de l’intérêt (voir réponse à la question 3.5), l’intervenant, s’il n’est pas une personne physique, doit en principe disposer de la personnalité morale et la décision d’intervenir doit avoir été prise par l’organe compétent. La Cour admet également l’intervention d’associations de fait, mais uniquement lorsqu’elles sont reconnues comme telles par le législateur et directement concernées par la législation en cause. C’est le cas, par exemple, lorsqu’est attaquée la législation organisant les élections sociales : l’intervention des organisations syndicales est recevable (arrêt n° 9/2009).
Par ailleurs, l’intervention doit avoir lieu dans le délai imparti pour ce faire, soit 30 jours à compter de la publication de l’avis rédigé par le greffe au Moniteur belge.
Les autres parties au litige peuvent soulever des exceptions d’irrecevabilité de l’intervention et l’intervenant peut y répondre dans son deuxième mémoire.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Par l’envoi de son mémoire, l’intervenant devient partie à la procédure. Toutes les pièces de la procédure lui sont notifiées et il dispose, à l’instar des autres parties, de deux écrits de procédure et du droit de demander la tenue d’une audience. Si une telle audience est organisée, sur sa demande, sur demande d’une autre partie ou sur décision de la Cour, il a le droit d’y participer, soit en personne, soit par avocat.
Par ailleurs, la partie intervenante lie son sort à celui de la partie requérante (dans le cas d’un recours en annulation) ou des parties devant la juridiction de renvoi (dans le cas d’une question préjudicielle).
Il en découle que si le recours ou la question est irrecevable, ou si, pour une raison de procédure devant la juridiction de renvoi, il ne doit pas être répondu à la question préjudicielle, il sera mis fin à la procédure pour ce motif, sans égard au contenu de l’intervention.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
L’intervention d’associations dans les recours en annulation n’est pas rare. Au contentieux préjudiciel, cela demeure moins fréquent.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La procédure comprend une phase orale facultative. À l’issue de la procédure écrite, lorsque tous les délais pour les échanges de mémoires sont expirés, la Cour constate que l’affaire est en état. À ce moment, les juges-rapporteurs indiquent s’ils estiment qu’une audience doit être tenue. Ils l’indiquent dans leur rapport. Cela peut être le cas si les juges-rapporteurs ou la Cour souhaitent poser des questions complémentaires aux parties. Si aucune question ne doit être posée, la Cour décide de ne pas organiser d’audience, sauf si une des parties (au moins) en fait la demande. Les parties disposent d’un délai de sept jours, à compter de la notification de l’ordonnance de mise en état, pour demander la tenue d’une audience (article 90 de la loi spéciale sur la Cour). Les parties ne doivent pas motiver leur demande d’être entendues et la Cour ne refuse jamais d’organiser l’audience si une partie au moins en fait la demande. Lorsqu’une partie demande à être entendue, la Cour fixe la date d’audience, en général à trois semaines, et convoque toutes les parties. La loi impose que les parties soient avisées de la date d’audience au moins quinze jours à l’avance (article 103, alinéa 1er, de la loi spéciale).
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
La procédure devant la Cour constitutionnelle est principalement écrite. Le caractère facultatif de l’audience a été introduit par la révision de la loi spéciale de 2014. Avant cette date, une audience devait être systématiquement tenue pour chaque affaire. Dans la plupart des cas, toutefois, l’audience n’apportait rien aux débats, les parties se contentant de répéter leurs arguments ou de renvoyer à leurs écrits. Le barreau en était conscient, certains considérant d’ailleurs qu’une audience à la Cour est « la meilleur manière pour un avocat stagiaire d’acquérir de l’expérience puisque l’audience n’a en principe pas de valeur ajoutée » [10].
L’audience est utile lorsque de nouveaux éléments apparaissent en cours de procédure : une modification législative, un arrêt pertinent de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme… ou lorsque des difficultés d’interprétation ou de compréhension des questions soulevées nécessitent des éclaircissements de la part des parties. En revanche, lorsque les mémoires sont complets et clairs, la phase orale de la procédure ne présente pas vraiment d’intérêt.
Le caractère facultatif de l’audience incite les plaideurs qui en sollicitent la tenue à centrer leur plaidoirie sur les seuls éléments qu’ils estiment essentiels pour la décision de la Cour.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Les parties interviennent à tour de rôle. Le président donne d’abord la parole à la partie qui « attaque » la norme en cause et, ensuite, à la partie qui la « défend ». Il invite ensuite les avocats à répliquer s’ils le souhaitent. Le défenseur de la norme contestée a la parole en dernier lieu. Le président donne ensuite l’occasion aux juges de poser des questions. Il est assez rare que les juges interrogent les parties directement à l’audience. À l’issue de l’audience, le président prononce la clôture des débats
et l’affaire est prise en délibéré.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Voir ci-dessus, réponses aux questions 4.1 et 4.2.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
L’audience est publique. La salle est accessible à toute personne. Depuis peu, pour des raisons de sécurité, les personnes qui se présentent pour assister à l’audience doivent remettre leur carte d’identité à l’entrée. Il n’est pas nécessaire d’annoncer sa venue. Les audiences ne sont ni filmées ni enregistrées, elles ne sont pas retransmises.
Les journalistes peuvent assister aux audiences et prendre des notes. Les photos et enregistrements audio et visuels sont interdits dès que les débats sont entamés.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
L’article 104 de la loi spéciale prévoit une exception à la publicité des audiences. La Cour peut déclarer, par arrêt motivé, que l’audience aura lieu à huis-clos, si la publicité est « dangereuse pour l’ordre ou les bonnes moeurs ». Cela ne s’est jamais produit.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Les parties agissent en personne ou par avocat. Il n’y a pas de barreau spécialisé (du type du barreau des avocats à la Cour de cassation) devant la Cour constitutionnelle. Les parties institutionnelles peuvent charger leurs fonctionnaires d’intervenir devant la Cour.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
L’audience est présidée par le président appartenant au même rôle linguistique que celui de l’affaire.
Il appelle l’affaire et donne la parole au premier juge-rapporteur pour son rapport. Ce rapport contient pour l’essentiel le résumé des positions des parties et les points de droit à trancher par la Cour. Il ne renseigne pas sur la position du juge-rapporteur lui-même. Le second juge-rapporteur se joint ensuite à ce rapport, la coutume est fixée en ce sens qu’il n’y ajoute rien. Les parties sont ensuite invitées à prendre la parole (voir ci-dessus, réponse à la question 4.3). Il n’y a pas de limite de temps aux
interventions, la durée des audiences peut varier de quelques minutes à plus de deux heures, selon les cas. L’expérience montre qu’il est cependant exceptionnel qu’une audience dure plus d’une demi-heure. Les membres de la Cour ont l’occasion d’interroger les parties à l’issue des plaidoiries.
Cette pratique est peu fréquente. Les audiences ne sont ni filmées, ni enregistrées. Chaque audience fait l’objet d’un procès-verbal, établi par le greffier et conservé au greffe. Ce procès-verbal indique la composition du siège, les noms des avocats des parties présents, les heures de début et de fin des débats et mentionne si des questions ont été posées par les juges aux parties.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Une telle pièce n’est pas prévue par la procédure. Il arrive toutefois qu’une partie souhaite déposer une pièce ou une note de plaidoirie lors de l’audience. Elle en demande l’autorisation au président. Si celui-ci l’accepte, les autres parties ayant pu éventuellement s’y opposer, la pièce est versée au dossier et communiquée aux autres parties, à moins qu’elles en aient reçu une copie au moment-même.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
À la fin de l’audience, le président clôt les débats. Les parties n’interviennent plus, en principe. Si un fait nouveau (modification législative, évolution jurisprudentielle…) apparaît après la clôture des débats, elles peuvent évidemment en informer la Cour. Si la Cour le juge utile, elle rouvre les débats pour permettre aux parties de s’exprimer sur ce fait nouveau.
-
[1]
Par B. Renauld, référendaire. [Retour au contenu] -
[2]
Un observateur étranger avait fait remarquer, en 1990 : « This is something of a misnomer as the Court is, essentially, a constitutional court » (R. Cullen, « Adaptive Federalism in Belgium », UNSW Law Journal, 1990, vol 13, p. 346.). [Retour au contenu] -
[3]
A. Alen et K. Muylle, Belgisch Staatsrecht, Malines, Kluwer, 2011, p. 561. [Retour au contenu] -
[4]
4. Il s’agissait d’une question préjudicielle en rapport avec une procédure de recours contre la nomination d’un conseiller d’État, recours qui doit être introduit au Conseil d’État alors que celui-ci remet un avis lors des présentations de candidats. Le président a expliqué que plusieurs membres du Conseil d’État ne participaient pas à la procédure de présentation des candidats préalables à la nomination, de façon à pouvoir former une chambre, ultérieurement, en cas de recours contre la nomination. [Retour au contenu] -
[5]
C.E.D.H., arrêt Ruiz-Mateos c. Espagne, 23 juin 1993. [Retour au contenu] -
[6]
C.C., arrêts n° 35/94 et 36/94. [Retour au contenu] -
[7]
P. Martens, « La Cour d’arbitrage et le troisième millénaire », J.T., 2000, p. 4. [Retour au contenu] -
[8]
M. Verdussen, Justice constitutionnelle, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 332. [Retour au contenu] -
[9]
De sorte que certains auteurs y voient une forme d’« amicus curiae » : F. Tulkens, « La Cour constitutionnelle vue par le barreau », in A. Alen, J. Spreutels e.a., Cour constitutionnelle, 1985-2015, La Charte, 2016, p. 43. [Retour au contenu] -
[10]
F. Tulkens, op. cit., p. 45. [Retour au contenu]
Cour constitutionnelle du Bénin
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle du Bénin résulte de la Constitution. Aux termes de l’article 114 de cette loi fondamentale, « La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».
Malgré les critiques froides qui fusent quelque fois des rangs des universitaires et des acteurs politiques quant à certaines décisions de la Cour à l’égard du pouvoir politique, tout le monde s’accorde pour lui reconnaître son rôle juridictionnel prépondérant dans la garantie et la protection des droits de la personne humaine et de la démocratie.
Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle du Bénin, n’est donc pas discuté. Au contraire, il est consacré. En outre, la fonction juridictionnelle de cette Cour est de plus en plus soutenue et légitimée malgré l’effervescence de critiques que certaines de ses décisions suscitent quelquefois.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Les notions de « parties » et de « procès » n’apparaissent pas expressément dans la Constitution ni dans la loi n° 91-009 du 4 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001.
Cependant, dans le règlement intérieur qui fixe les règles de procédure applicables devant la Cour constitutionnelle du Bénin, la notion de « partie » apparaît aux articles 23, alinéa 3, 29 et 30 du chapitre II intitulé « Des procédures ». On peut lire à l’article 29, alinéa 3 in limine, « Il [le juge constitutionnel] entend, le cas échéant les parties… » ; alinéa 4 du même article, « Il [le juge constitutionnel] fixe aux parties des délais pour produire leurs moyens et ordonne au besoin des enquêtes… ». À l’article 30, « Les partie peuvent se faire assister de toute personne physique ou morale compétente… »
Cependant, ces notions peuvent être déduites de la réunion de plusieurs notions qui apparaissent dans la Constitution et la loi organique et qui prouvent la reconnaissance d’un procès constitutionnel réel devant la Cour constitutionnelle du Bénin. En effet, la notion de procès suppose l’existence d’une affaire ou d’un litige soumis à une juridiction pour solution. Tout d’abord, le constituant béninois a instauré le contrôle de la constitutionnalité des lois (art. 117 de la Constitution). Ce contrôle peut se faire a priori ou a posteriori (article 122 de la Constitution et 24 de la loi organique). Dans le contrôle a posteriori, le constituant permet de remettre en cause la souveraineté parlementaire.
Il va en découler un litige entre le Parlement et le citoyen qui aurait saisi la Cour soit directement soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité aux fins de l’entendre dire contraire à la Constitution la loi qu’il querelle. Il se dégage ainsi, l’idée d’un « procès constitutionnel » par la réunion des éléments de la trilogie « citoyen et parlement (partie) loi querellée (litige), juge constitutionnel (juge) ».
Cette même démarche, en matière des droits de la personne humaine et des libertés publiques, peut être entreprise. Par exemple, tout citoyen peut saisir la Cour d’un texte de loi (art. 3 et 120 de la Constitution) ou d’un acte administratif ou même comportemental (art. 3 de la Constitution), ou « d’une plainte en violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques » (article 120 de la Constitution). Ces cas de figure suppose un litige (l’acte administratif), les parties (le citoyen et l’administration) puis enfin le juge (le juge constitutionnel). Par ailleurs, la notion de « plainte » de l’article 120 de la Constitution suppose pleinement des prétentions, un contentieux qui va être soumis au juge afin qu’il en juge du bien ou du mal fondé. Cette notion tend même à assimiler en matière des droits de la personne humaine et des libertés publiques, le procès constitutionnel au procès de droit commun. En cette matière notamment, le juge constitutionnel peut entendre les parties, les inviter à produire des pièces, ordonner au besoin des enquêtes (art. 29 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle), les parties peuvent se faire assister d’avocat-conseil (art. 30 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle), le juge peut entendre des témoins (art. 29 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle).
En définitive, les notions de « procès » et de « parties », n’apparaissent pas expressément dans la Constitution ni la loi organique sur la Cour. Mais, dans la pratique de cette Cour, elles sont pleinement reconnues.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Selon les articles 28 et 29 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle, la procédure devant la Cour constitutionnelle est écrite, gratuite et secrète. Le juge rapporteur instruit lui-même l’affaire en vue d’un rapport écrit à soumettre à la Cour. Ce ne sont donc pas les parties qui conduisent l’instance et instruisent l’affaire selon leurs intérêts. Les intérêts en cause ne sont en effet pas privés même si une partie peut tirer profit de la saisine de la Cour. Il s’agit de la protection de l’ordre constitutionnel.
Au nom de la défense de la Constitution, le juge constitutionnel prend les initiatives nécessaires pour la manifestation de la vérité, par exemple, à travers les mesures d’instruction, et l’influence des parties sur l’instance est insignifiante. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 30 de ce même règlement intérieur, les débats ne sont pas publics, sauf décision contraire de la Cour notamment en ce qui concerne le contentieux électoral. La procédure est écrite et « Nul ne peut demander à y être entendu » (article 30 alinéa 3 du règlement intérieur). C’est le rapporteur qui, le cas échéant, décide d’entendre les parties.
Cette forte dominance des caractères d’une procédure inquisitoire permet d’affirmer que la procédure constitutionnelle suivie devant la Cour constitutionnelle du Bénin est de type inquisitorial et non accusatoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 28 du règlement intérieur qui fixe les règles de procédure devant la Cour constitutionnelle, la procédure « est contradictoire selon la nature de la requête ».
La pratique judiciaire de la Cour constitutionnelle du Bénin a contribué à affiner puis à affermir ce principe. À l’exception des procédures de contrôle a priori de la constitutionnalité de la loi, de l’exception d’inconstitutionnalité et du contentieux électoral, pour la plupart des requêtes soumise à la Cour sont instruites contradictoirement. Dans la pratique, une mesure d’instruction accompagnée de la requête est envoyée à l’administration dont l’acte est remis en cause soit à la personne soit à la structure contre laquelle une plainte est dirigée aux fins de recueillir ses observations et/ou ses moyens de défense. S’il y a lieu, une audition des parties est organisée par le conseiller rapporteur.
Enfin, la décision de la Cour est notifiée à chacune des parties et publiée au Journal officiel.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Ce sont les articles 20 à 30 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle qui réglementent la procédure d’instruction. Notamment, l’article 28 dispose que l’instruction est écrite, secrète et contradictoire. Elle est selon l’article 29, dirigée par un conseiller rapporteur, qui instruit l’affaire puis rédige un rapport qu’il soumet à la Cour. Le conseiller instructeur, envoie des mesures d’instruction pour requérir les observations des parties ainsi que les pièces qu’il estime nécessaires pour asseoir sa conviction. Si celles-ci ne suffisent pas, il peut convoquer les parties, procéder à leur audition. Il fixe les délais (généralement de 15 jours) aux parties pour produire les pièces et observations demandées.
Il peut se transporter sur les lieux afin de faire par lui-même des constats.
À la lecture du règlement intérieur, toutes ces mesures se succèdent dans un ordre chronologique.
D’abord des mesures d’instructions sont envoyées. S’il y a lieu, les parties sont invitées pour être auditionnées. Enfin, le juge effectue un transport judiciaire en cas de besoin pour constater par lui-même les faits.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Il est d’usage à la Cour qu’après la mesure d’instruction initiale envoyée à une partie au procès, il faut observer ou accorder au requis un délai de réponse de quinze jours. En outre, passer ce délai, il faut lui rappeler la mesure d’instruction par une simple lettre ou correspondance. Quinze jours après, en cas d’inaction, une deuxième et dernière lettre de rappel lui est envoyée. Après ces deux correspondances de rappel et quinze jours après la dernière, le conseiller rapporteur peut passer outre et rédiger son rapport.
Le délai procédural de quinze jours à observer ou délai de réponse ainsi que la limitation à trois lettres de rappel après la mesure d’instruction initiale sont des usages propres à la Cour constitutionnelle du Bénin. Cette manière de procéder n’est pas écrite. Elle a été décidée par l’Assemblée générale des conseillers de la Cour dans le but d’un traitement diligent des recours.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples fait partie intégrante de la Constitution béninoise. L’article 7 de cette Charte pose les principes du droit d’accès à un juge impartial et indépendant, du droit à un procès équitable, du droit d’être jugé dans un délai raisonnable, du droit à la défense. Ces droits relèvent du principe du contradictoire. Ils sont d’application courante devant la Cour constitutionnelle particulièrement dans les affaires où sont remis en cause les droits de la personne humaine et les libertés publiques.
Le principe de délai raisonnable par exemple, a donné lieu à plusieurs décisions de la part du juge constitutionnel. On peut citer par exemple les décisions DCC 07-126 du 18 octobre 2007, DCC 07-170 du 27 octobre 2007, DCC 12-158 du 16 août 2012, DCC 14-108 du 3 juin 2014, DCC 14-191 du 11 novembre 2014, DCC 15-071du 26 mars 2015, DCC 15-113 du 26 mai 2015, DCC 16-032 du 4 février 2016. Etc.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ?
Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Aux termes de l’article 120 de la Constitution, « La Cour constitutionnelle doit statuer dans le délai de quinze jours après qu’elle a été saisie d’un texte de loi ou d’une plainte en violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques ». En matière d’exception d’inconstitutionnalité, selon l’article 122 de la Constitution, la décision de la Cour doit intervenir dans un délai de trente jours.
Ce délai de 30 jours est scrupuleusement respecté par la Cour. Il n’en est pas de même des autres procédures en raison des exigences de l’instruction.
Mais, compte tenu de la réalité et dans le souci de garantir le principe du contradictoire, l’usage de la Cour se dénote de ces délais. Ainsi, compte tenu du délai de réponse de 15 jours invoqué dans la réponse à la question 1.6, on peut dire que le délai moyen de jugement est de quarante-cinq jours tout calcul fait (15 jours fois trois soit un délai total de 45 jours). Ce délai qui résulte d’une procédure d’instruction coutumière traduit le souci du respect du contradictoire. Il ne peut donc être une limite à la mise en oeuvre du contradictoire. Au contraire, c’est un aménagement pratique qui vise à assurer et à garantir le contradictoire.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le décret n° 2014-118 du 17 février 2014 portant attributions, organisation et fonctionnement du secrétariat général de la Cour constitutionnelle a prévu en son article 28 un service du Greffe et de la gestion des recours qui assure, la gestion administrative de toute la chaîne des recours adressées à la Cour et des audiences juridictionnelles. À ce titre, ce service est chargé, entre autres, de l’enregistrement des recours, de la notification des décisions et de la délivrance des copies, et d’accomplir tous actes liés à la gestion des recours.
La Cour dispose d’un site Internet par lequel, lorsqu’il est possible ou que le greffe dispose de l’adresse électronique des parties, la notification est faite. En outre, le service informatique a récemment mis en place une plate-forme électronique de gestion des recours. Il faut toutefois dire que la dématérialisation de la gestion des recours est actuellement en cours.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
L’organisation du contradictoire au sein de la Cour constitutionnelle du Bénin est imparfaite.
La communication ou l’échange des pièces n’est pas assurée sauf en matière d’élections législatives.
On peut donc dire que la discussion des pièces et des arguments laisse un goût d’inachevé.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les débats ne sont pas publics sauf décision contraire de la Cour constitutionnelle notamment en ce qui concerne le contentieux électoral (art. 30 du règlement intérieur). Les audiences sont faites en chambre de conseil en l’absence des parties qui ne sont entendues que sur la base des mémoires écrits qu’elles auraient produites.
À l’exception de la décision rendue, tous les actes de procédure sont placés sous le secret de l’instruction.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse n’a pas été renforcé.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Le procès constitutionnel devant la Cour constitutionnelle du Bénin existe en théorie. Dans la théorie, ce procès respecte des délais et une procédure organisée qui peuvent permettre d’évoquer l’idée d’un « standard » du procès constitutionnel fondé sur le droit au procès équitable.
En pratique, les parties ne comparaissent pas pour présenter et discuter leurs moyens. Pas de plaidoirie d’avocat.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Il est apparu dans les réponses aux questions précédentes que l’organisation du contradictoire devantla Cour est incomplète et laisse un goût d’inachevé. Elle est donc perfectible.
Il importe d’organiser une communication des pièces et mémoires. Autrement dit, autant les pièces et mémoire du requérant sont communiqués au défendeur, autant les pièces et mémoire du défendeur doivent également être communiqués au requérant. En outre, il importe d’organiser des plaidoiries au cours d’une audience publique pour permettre aux parties de discuter de vive voix les moyens de droit ou à défaut, de faire produire des mémoires aux parties et les faire communiquer.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le recours est déposé au secrétariat général de la Cour constitutionnelle.
Lorsque la décision est rendue, elle est notifiée aux parties, publiée au Journal officiel et mise en ligne sur le site Internet de la Cour.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
La procédure devant la Cour est marquée par l’absence de formalisme excessif. Tout recours quelle que soit sa nature ou sa forme est examiné et doit faire objet d’une décision. On y note une générosité de l’ouverture du prétoire de la Cour.
Mais, lorsque le recours ne relève pas manifestement des attributions de la Cour, elle le notifie à son auteur par voie administrative, c’est-à-dire sans que le recours ne soit examiné.
Même lorsque le recours ou la requête est manifestement irrecevable ou même, lorsqu’il saute à l’oeil que la Cour n’est pas compétente, le recours fait toujours l’objet d’une communication contradictoire.
L’instruction est normalement suivie et poursuivie de manière contradictoire et selon les usages de la Cour.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 34 du règlement intérieur « Le rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune et notamment les rapporteurs des commissions parlementaires compétentes ». Cette disposition laisse supposer qu’en principe et notamment en matière de constitutionnalité de la loi, le conseiller rapporteur ou conseiller instructeur devrait pouvoir entendre un membre ou un représentant de la Commission des lois du parlement. Ce dernier devrait être celui chargé de la défense de la loi.
Mais la pratique est tout autre. D’abord, en matière de contrôle de constitutionnalité de la loi il faut distinguer le contrôle a priori et le contrôle a posteriori. Dans les deux cas, aucune autorité ne prend la défense de la loi. Juste que la Cour examine la loi au regard de la Constitution et juge de sa conformité à ses dispositions.
Toutefois dans le cas du contrôle a posteriori particulièrement, bien que la Cour adopte la même procédure d’examen, elle semble être à la fois juge et défenseur de la loi puisqu’il s’agit d’une procédure par laquelle un citoyen met en cause la souveraineté parlementaire. C’est donc par excellence une procédure contentieuse contrairement au contrôle a priori. Le citoyen y querelle la loi, la cour examine et juge.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
L’usage de la Cour donne un délai de réponse de quinze jours. Ce délai de production des observations est reconduit une seconde fois en cas d’inaction puis une troisième et dernière. Chaque fois, il est rappelé par une lettre de rappel.
Les observations sont faites par écrit et déposées au secrétariat général de la Cour constitutionnelle au service courriers arrivés. Exceptionnellement et à l’occasion d’une audition, les observations peuvent être faites oralement.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Aux termes de l’article 30 du règlement intérieur de la Cour, « Les parties peuvent se faire assister de toute personne physique ou morale compétente. Celle-ci peut déposer des mémoires signés par les parties compétentes ».
Dans l’application de cette règle, la Cour distingue l’assistance de la représentation. Si l’assistance est possible devant la Cour, la représentation même par avocat ne l’est pas. C’est ce qui résulte de l’abondante jurisprudence de la Cour. L’assistance se limite dans la pratique à écrire les mémoires et observations pour le compte des parties, à l’offre de conseil et à l’assistance dans la procédure.
Mais tous les actes de procédures doivent être signés de la partie assistée à peine d’irrecevabilité.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Toutefois, au cas où un requérant désirerait se faire assister d’un avocat-conseil, il lui revient de s’adresser au barreau des avocats du Bénin ou à l’organe compétent du ministère chargé de la justice afin de bénéficier de cette assistance. La procédure de demande de cette aide obéit aux règles de droit édictées par le code de procédure, civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes. Il n’y a pas de procédure particulière devant la Cour constitutionnelle.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La compétence de la Cour constitutionnelle est strictement limitée et encadrée par les articles 114 et 117. À la lecture de ces articles, la Cour constitutionnelle n’est pas compétente pour procéder à des évaluations pécuniaires, ni pour déterminer le montant d’une procédure de justice et encore moins accorder des frais relatifs ni accorder des dommages-intérêts. Tout au plus, elle s’efforce de constater que les faits dont elle a été saisie et qu’elle a connus et jugés, ouvrent droit à réparation sans en déterminer le montant, à charge pour le requérant de saisir le juge judiciaire compétent pour fixer le montant de la réparation.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
L’instruction suit un schéma classique et simple. Le conseiller rapporteur formalise la mesure d’instruction qu’il dépose au secrétariat qui l’enregistre. Celui-ci la transmet au greffe qui se charge de la notifier aux parties. La réponse, le cas échéant, est déposée au secrétariat qui l’enregistre et l’affecte au greffe qui se charge après enregistrement de la transmettre au conseiller rapporteur.
Une fois que le conseiller rapporteur estime qu’il dispose suffisamment d’éléments pour la compréhension de l’affaire et asseoir sa conviction, il clôture l’instruction par la rédaction de son rapport.
À l’audience, il peut être jugé après débats par les conseillers présents qu’il manque d’éléments ou que les éléments réunis sont insuffisants pour soutenir une décision. Alors il y a réouverture de l’instruction qui prend la forme d’une mise en continuation de l’affaire. Un nouveau rapport est présenté après de nouvelles mesures d’instruction.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
L’exception d’incompétence ainsi que la recevabilité de la requête quant à sa forme (signature, nom et prénom du requérant, adresse précise), sont des moyens sur lesquels la Cour se prononce souvent d’office sans qu’il soit nécessaire qu’ils soient soulevés par une des parties au procès. La Cour examine en premier, la recevabilité de la requête introductive d’instance, puis s’interroge sur sa compétence avant d’en examiner le fond.
En outre, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 121 de la Constitution, « Elle se prononce d’office sur la constitutionnalité des lois et de tout texte réglementaire censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques… ». Ainsi, saisie d’une requête considérée comme irrecevable, mais faisant état de la violation d’un droit fondamental de la personne humaine, la Cour s’y prononce d’office. On peut donc dire qu’il existe un « moyen tiré de la violation des droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques » que la Cour peut soulever d’office dans toute affaire qui lui est soumise.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 34 du règlement intérieur « Le rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune et notamment les rapporteurs des commissions parlementaires compétentes ». En outre, selon l’article 29 du même règlement intérieur, le conseiller rapporteur peut « …solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaires. » Il découle de ces dispositions que la Cour peut envoyer de mesure d’instruction au président de l’Assemblée nationale ou à toute autre personne dont les observations lui paraissent indispensables pour l’éclairer dans une affaire pendante.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Selon l’article 29, alinéa 4 du règlement intérieur sur la Cour constitutionnelle, le conseiller rapporteur « … fixe aux parties des délais pour produire leurs moyens et ordonne au besoin des enquêtes ».
La Cour peut donc au besoin ordonner des investigations.
La Cour effectue des transports judiciaires pour aller constater par elle-même les faits.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
L’alinéa 2 de l’article 34 du règlement intérieur énonce : « Le rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune et notamment les rapporteurs des commissions parlementaires compétentes ».
C’est notamment en matière de violation des droits de la personne humaine et des libertés publique que la Cour recourt à l’audition des parties afin de mieux appréhender les faits. Par ailleurs, lorsque les réponses aux mesures d’instruction ne lui paraissent pas assez claires, elle invite et entend l’auteur.
Le moyen de l’audition a été utilisé en matière du contentieux de l’inscription sur la Liste électorale permanente informatisée (LEPI). En cette matière, le transport sur les lieux du Conseil national de traitement (CNT) et l’audition du coordonnateur du CNT ont été privilégié par la Cour au vu de l’urgence que posaient ces affaires. Ainsi, on peut dire que dans presque toutes les affaires que la Cour a connues lors des élections législatives de 2015 et présidentielle de 2016, l’audition du coordonnateur du CNT et de ses assistants a été faite.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
La procédure devant la Cour ne prévoit l’intervention de tierce personne. Il n’y a donc pas d’intervention volontaire sauf à l’intervenant d’initier lui-même sa procédure autonome qui pourrait être jointe à la procédure principale.
À l’exception de la tenue d’une audience partie présente et ouverte au public, le procès constitutionnel suit les mêmes règles que le procès de droit commun. Les parties peuvent se faire assister.
Il sied une fois encore, de rappeler l’alinéa 2 de l’article 34 du règlement intérieur qui dispose que « Le rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune et notamment les rapporteurs des commissions parlementaires compétentes ». Cette disposition consacre la participation de l’amicus curie.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Celui qui entend intervenir saisit la Cour en dénonciation des mêmes faits relatifs à l’affaire déjà pendante, ce qui donne lieu souvent à une jonction, soit avant même la saisine de la Cour.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Le statut de l’intervenant tel qu’expliqué ci-dessus est le même que celui du requérant principal. Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Dès lors que « Le rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune » et que nul ne peut demander à être entendu, il convient de dire que, outre, les interventions indirectes dont il est fait cas dans les deux questions précédentes, l’intervention sollicitée par le conseiller rapporteur, peut prendre la forme d’une intervention forcée.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
La tendance à l’oeuvre est que l’intervenant vient en appui au requérant dans une affaire pendante, par la dénonciation des mêmes faits tout en estimant que les éléments dont il fait cas seront pris en considération par la Cour, mais ce ne sont pas des cas fréquents.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La procédure devant la Cour est écrite. Mise à part l’audition qui cependant se fait en dehors des audiences.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
L’oralité a une place très limitée. Elle n’y a presque pas de place.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Il n’y a pas de présentation orale des observations, donc aucune règle n’est applicable.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
La Cour n’organise pas d’audience publique.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Mise à part la publication de ses décisions à travers des recueils ou son site Internet, dans le Journal officiel et les journaux privés, aucune publication n’est organisée par la Cour.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Les audiences sont en chambre du conseil. Seuls les conseillers et le secrétaire général y prennent part.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Il n’y a pas de représentation devant la Cour mais plutôt une assistance.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Les audiences étant prises en chambre du conseil, aucune de ces modalités ne peut être renseignée.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Les parties ne sont même pas informées de la tenue de l’audience. Seule la décision leur est notifiée.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non ; après l’audience, la Cour rend sa décision. Aux termes de l’article 124, alinéa 2 de la Constitution, « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours ». Donc la décision de la Cour vient clôturer le débat.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Aucune observation et aucun point spécifique.
Conseil constitutionnel du Burkina Faso
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel du Conseil constitutionnel n’est pas discuté. Le Conseil constitutionnel statue en droit et ses décisions, ayant autorité de chose jugée s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Elles ne sont susceptibles d’aucun recours (article 159 de la constitution). Au regard de ces éléments, le Conseil constitutionnel constitue indubitablement une juridiction.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Dans le cadre du contentieux normatif, les attributions du Conseil constitutionnel se limitent au contrôle de constitutionnalité des lois, à la répartition des compétences entre la loi et le règlement, ainsi qu’à la régularité de la procédure de révision de la Constitution. Il s’agit ici pour le Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle abstrait dont le but est de confronter la loi aux exigences de la Constitution. Ce contentieux ne cherche pas à trancher un conflit subjectif entre deux prétentions opposées. On ne peut donc pas parler de parties, stricto sensu, dans ce type de contentieux où il n’y a pas de prétentions opposées à l’origine de l’instance mais une contestation de la constitutionnalité d’une norme législative objective. Il en résulte que la notion de parties au sens classique du terme n’est pas pleinement reconnue. Mais la notion de procès relatif au contentieux de la loi est reconnue.
En matière de contentieux électoral en revanche, les notions de « parties » et de « procès » sont pleinement reconnues. Il s’agit d’un contentieux subjectif où à l’origine de l’instance s’opposent des intérêts divergents.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel est inquisitoire dans la mesure où le membre rapporteur dirige l’instruction avec une grande liberté. Il lui revient de prendre toutes les initiatives nécessaires à l’instruction de la saisine.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ? (Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
La loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000, précisée par le règlement intérieur du 6 mai 2008 organise la procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Les travaux et les réunions du Conseil constitutionnel sont organisés par les articles 41 et 42 du règlement intérieur du 6 mai 2008. La procédure d’instruction est réglementée aux articles 45 à 49.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Pour le moment les coutumes et les usages ne sont pas appliqués.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Toutes les fois qu’il statue dans un domaine où le principe du contradictoire doit être observé, le Conseil constitutionnel prend en considération les engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Le Conseil constitutionnel est tenu de se prononcer par une décision motivée sur sa saisine dans un délai d’un mois en général. Toutefois en cas d’urgence déclarée par l’autorité de saisine, ce délai est ramené à huit jours. En matière électorale des délais plus brefs sont impartis au Conseil constitutionnel pour vider sa saisine. Ces délais ne constituent pas une limite à la mise en oeuvre du contradictoire.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le Conseil constitutionnel est doté d’un service du greffe chargé de réceptionner les recours et de les enregistrer dans registre ouvert à cet effet. Les articles 30 à 33 du règlement intérieur du 6 mai 2008 décrivent le rôle du greffier en chef en la matière.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Sauf dans le cas du contrôle normatif où il n’y a presque pas de contradictoire, dans les matières où le contradictoire doit être observé, comme en matière électorale, l’organisation du contradictoire est la même que dans les autres juridictions supérieures.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Conformément à l’article 48 du règlement intérieur, le dossier de la procédure est confié par ordonnance du président du Conseil constitutionnel à un membre rapporteur qui procède à l’instruction du dossier et en établit un rapport dans un délai fixé dans l’ordonnance du président. L’instruction du dossier n’est pas publique. Le membre rapporteur dans le cas où le contradictoire doit être respecté, est tenu de communiquer toutes les pièces du dossier à toutes les parties. Du reste en matière de contentieux électoral (élections nationales), lorsque l’instruction du dossier est terminée, les parties ou leurs conseils sont avisés du jour où ils peuvent prendre connaissance au siège du Conseil constitutionnel de toutes les pièces de leur dossier. Ils sont également informés du délai qui leur est imparti pour formuler leurs observations (article 81 du règlement intérieur). Cependant, le rapport et le projet de décision du membre rapporteur ne sont pas communiqués aux parties. Les délibérations sont également sécrètes.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Il n’y a pas eu d’évolution notable dans le respect contradictoire en matière de contentieux constitutionnel. Le contentieux reste soumis aux principes généraux de la procédure surtout en matière électorale.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Le droit à un procès équitable devant le juge constitutionnel est le même que devant les autres juridictions.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Il n’est pas encore envisagé la mise en forme d’une procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel en matière de contentieux des lois comme dans le contentieux électoral.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Dans le cadre du contentieux normatif (contrôle de constitutionnalité des lois.), la loi ne prévoit pas expressément la notification du recours à une autorité quelconque. Cependant dans la pratique, il est fait notification du recours au gouvernement qui a initié le projet de loi. Du reste, cette pratique sera renforcée avec l’ouverture de la saisine directe du Conseil constitutionnel par le citoyen (article 157 de la Constitution). Dans le cadre du contentieux électoral, le recours est notifié au candidat en cause ou à l’auteur de l’acte querellé. Ces notifications sont faites en la forme administrative par le greffier en chef du Conseil constitutionnel.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Toutes les fois que le contradictoire doit être observé, le Conseil constitutionnel ne peut pas se prononcer sans permettre au parties de se prononcer sur le recours.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Aucun texte ne prévoit expressément l’autorité chargée de la défense de la loi. Il s’agit en principe d’un contrôle objectif qui ne nécessite pas la présence de l’auteur de la loi.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Les délais dans lesquels les observations doivent être produites sont ceux fixés par le membre rapporteur. La loi ne lui impose pas un délai à impartir aux parties pour la production de leurs observations (cas du contrôle de constitutionnalité des lois). Dans le cadre du contentieux électoral, un délai maximum de soixante-douze heures est accordé à la partie contre laquelle le recours est dirigé pour présenter ses observations (art. 200, alinéa 1 du code électoral). Sous le contrôle du membre rapporteur, des répliques ou dupliques selon les cas peuvent être organisées au profit des parties.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Le requérant peut se faire assister par un conseil de son choix ou désigner un mandataire (article 46, alinéa 2 du règlement intérieur).
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel est gratuite. Aucun mécanisme d’aide n’est organisé.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel est gratuite. Il ne peut y avoir de condamnation dans ce sens.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
L’instruction de la requête est encadrée par les dispositions des articles 48 et 49 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel. Aux termes de l’article 48, « le dossier de la procédure est confié par ordonnance du président à un membre qui en est le rapporteur. Celui-ci procède à l’instruction de l’affaire et en établit un rapport ainsi qu’un projet d’avis ou de décision à soumettre au Conseil dans un délai à lui fixé dans l’ordonnance… ». Le rapporteur peut entendre le cas échéant les parties ou toute autre personne dont l’audition lui paraît nécessaire. Il fixe aux parties des délais pour produire leurs moyens et ordonne au besoin des enquêtes.
La fin de l’instruction est sanctionnée par la production d’un rapport. Celui-ci analyse la recevabilité de la requête, les moyens soulevés et énonce les points à trancher (article 49 du règlement intérieur).
Il n’existe pas de dispositions relatives à la réouverture de l’instruction. Celle-ci n’est pourtant pas expressément interdite. Le Conseil constitutionnel, dès lors qu’il ne dispose pas suffisamment d’éléments pour trancher, peut renvoyer le dossier (s’il est toujours dans les délais pour statuer) et de demander un complément d’information.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois et des règlements des assemblées, l’examen de constitutionnalité porte sur l’ensemble de l’acte déféré. La possibilité pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office des moyens est de droit. Il n’y a pas de texte qui organise cette possibilité. Mais le recours à cette possibilité n’est pas fréquent.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Le Conseil constitutionnel dans le cadre de l’instruction d’un dossier peut recourir à un spécialiste pour l’éclairer sur une disposition législative. Il peut également se référer aux juridictions supérieures.
En application de l’article 48 du règlement intérieur cet avis peut être demandé par écrit.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Le Conseil constitutionnel ne dispose pas en propre de moyens d’investigation. Le membre rapporteur peut ordonner des enquêtes au besoin (art. 48 RI). Il peut faire des constats et procéder à des auditions.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Le Conseil constitutionnel peut recourir à des auditions dans le cadre de l’instruction du dossier (art. 48 susvisé).
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel ne prévoit pas l’intervention de tiers dans les instances comme parties, que cette intervention soit volontaire ou forcée.
Cependant dans le cadre de l’instruction des dossiers, le membre rapporteur peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune ou solliciter par écrit les avis qu’il juge nécessaires (article 48 du règlement intérieur).
En matière électorale, le président du Conseil constitutionnel peut charger le membre rapporteur de recevoir sous serment les déclarations des témoins ; le procès verbal de cette audition est communiqué aux intéressés qui dispose d’un délai de huit jours pour déposer leurs observations écrites (article 80 du règlement intérieur).
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée)? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Ces questions peuvent trouver leurs réponses dans la réponse aux questions précédentes (3.5).
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Ces questions peuvent trouver leurs réponses dans la réponse aux questions précédentes (3.5).
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Il n’y a pas d’interventions forcées devant le Conseil constitutionnel.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Sauf lorsqu’elles sont sollicitées par le membre rapporteur pour les besoins de l’instruction, il n’y a pas d’interventions devant le Conseil constitutionnel.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel est écrite (article 45 alinéa du règlement intérieur).
Elle n’est donc pas orale.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Dans la procédure devant le Conseil constitutionnel, il n’y a pas d’oralité.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Étant entendu que les audiences généralement ne sont pas publiques, les parties n’ont pas l’occasion de présenter oralement leurs observations. Les décisions sont prises et notifiées aux parties.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
En général, les audiences du Conseil constitutionnel ne sont pas publiques. Cependant en matière de référendum et d’élections nationales (élections législatives et présidentielle) les résultats définitifs sont prononcés en audience publique. En outre dans le cadre du contentieux électoral le Conseil constitutionnel peut décider de tenir des audiences publiques (simple faculté). Les audiences sont fixées par le président du Conseil constitutionnel.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Les audiences, lorsqu’elles sont publiques, sont tenues dans la salle d’audience et ouvertes au public.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Seules les délibérations sont secrètes.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ? Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Les représentations sont admises dans le cadre du contentieux électoral. Seuls les avocats ont le monopole de cette représentation.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Le Conseil constitutionnel se réunit sur convocation de son président ou, en cas d’empêchement de celui-ci, du doyen d’âge des membres (art. 41, al.1 du RI).
À l’ouverture des débats, le président du Conseil constitutionnel donne la parole au membre rapporteur pour exposer son rapport et présenter le projet de décision. La parole est ensuite remise aux membres pour leurs observations. La décision est adoptée à la suite des échanges.
Pour délibérer valablement, le Conseil constitutionnel doit comprendre au moins cinq membres et seuls les membres ayant participé aux séances au cours desquelles l’affaire a été discutée participent à la prise de décision, laquelle est adoptée à la majorité. La décision est publiée au Journal officiel et le cas échéant notifiée aux parties concernées (art. 42 à 44 du RI).
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Généralement, les décisions du Conseil constitutionnel sont prises et notifiées aux parties. Les parties ne sont pas informées des dates de délibéré.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
La décision du Conseil constitutionnel met fin à sa saisine. Les débats ne se poursuivent pas après l’audience.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
La loi 072-2015/CNT du 5 novembre 2015 portant révision de la Constitution a introduit à l’article 157 de la Constitution, la possibilité pour le citoyen de saisir directement le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois. Cette possibilité qui n’existait pas depuis lors constitue une évolution significative dans la protection des droits des citoyens. Il s’impose donc la nécessité d’une mise en forme de la procédure en contentieux constitutionnel des lois pour tenir compte de ces nouveaux acteurs dans le contrôle de constitutionnalité des lois.
Cour constitutionnelle du Burundi
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Non.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Non.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Inquisitoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Non.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Oui.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Non.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Non.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Oui ; 30 jours ou 15 jours selon le type de requérant ; pas de contradictoire.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Oui ; non.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Non.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui
demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Oui ; aucun acte.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Pas organisé.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Pas organisé.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Oui ; instaurer le contradictoire.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et l’Ombudsman par la transmission d’une copie de la requête.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Oui.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Aucune ; non.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production
(secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Pas d’observations ; pas de règles ; pas de délais.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Elles sont de droit commun (avocat, personne tierce) ; pas disponibles.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Non.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La Cour ne les accorde pas ; la procédure est gratuite.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
On confronte la requête à la Constitution ; pas d’organisation spéciale en la matière ; de même que la réouverture.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Oui ; les articles 2 et 10 du règlement intérieur de la Cour ; oui.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Oui ; la communication des pièces ; oui ; non.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-t-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Non.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Non.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Non ; pas de textes applicables.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
L’intervention n’est pas organisée devant la Cour.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Pas organisée.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Pas organisée.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Pas organisée.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Oui, en audience publique.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Elle est minime.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Pas organisée.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ? Comment est-elle fixée ?
Oui ; depuis sa création ; non ; elle est fixée par le président de la Cour ou en son absence le vice-président une semaine avant la tenue de l’audience et indique l’heure à laquelle elle débute.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Salle d’audience.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Dans certains cas, l’audience privée peut substituer l’audience publique.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Pas de règles spécifiques ; pas de monopole.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
Pas organisée
– Les temps de prise de parole ;
Pas organisés
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
Pas organisées
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
Son rôle est de préparer un rapport servant de base de délibéré.
– La durée moyenne d’une audience ;
Pas organisée
– Les modalités d’enregistrement.
L’enregistrement est fait dans un registre dont les colonnes renseignent sur le numéro du rôle, la date d’enrôlement, identité du requérant, objet de la requête, la date de fixation de l’affaire et les différentes audiences, la date de la décision avant dire droit s’il y a lieu, la date de la décision définitive et le dispositif de la décision.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Oui.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Non.
Pour la Cour constitutionnelle du Burundi
Jérémie Ntakirutimana, vice-président.
Conseil constitutionnel du Royaume du Cambodge
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Oui (Article 136 – nouveau – de la Constitution et article 1er – nouveau – de la loi organique portant sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel) (LO).
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui, notamment dans le procès électoral/contentieux électoral (section 3 du chapitre 2 de la loi portant sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel (LO) et de manière exceptionnelle dans le contrôle de constitutionalité (Article 21 de LO).
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Notre procédure est inquisitoire (articles 21, 33 de LO).
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Oui, il est prévu par la Constitution (article 136 nouveau), la loi organique (articles 21 et 33), le règlement intérieur et la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel (article 10 nouveau (2))
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Oui. (Voir surtout l’article 10 nouveau (2) de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel).
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Des coutumes internes à l’institution sont :
– invitations des parties pour renseignement ;
– enquête sur place ;
– contrôle aléatoire ;
– ouverture des paquets de sûreté de l’élection (élection des députés en 2013) ;
– prestation de serment (pour les témoins dans les élections des députés).
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
L’organisation du Conseil constitutionnel se base principalement sur les exigences constitutionnelles complétées par la LO. (Article 144 nouveau de la Constitution).
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
- En général, le Conseil constitutionnel se prononce :
pour le contrôle de la constitutionalité, dans un délai de 30 jours pour les cas normaux et de 8 jours pour les cas urgents (Article 22 nouveau de la LO) ; - pour la contestation des parties contre les conclusions du (ou les décisions du) Comité national des élections, dans un délai de 30 jours (article 26 de la LO) sauf la campagne électorale dans un délai de 10 jours (article 74 de la loi sur les élections des députés) et pour la contestation contre le résultat provisoire des élections, dans un délai de 20 jours (article 27 nouveau de la LO).
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Un service juridique, un service administratif et un service informatique du secrétariat général assurent principalement cette procédure.
La procédure dématérialisée n’est pas encore pleinement applicable.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
La décision du Conseil constitutionnel est sans recours (article 142 nouveau de la Constitution et 4e paragraphe de l’article 13 de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel).
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Non. Elles sont plutôt secrètes (rapport du membre rapporteur et PV).
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Oui.
1998 (date de fondation du Conseil constitutionnel).
1999 et 2007 (procédure applicable devant le Conseil constitutionnel).
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Notre Conseil constitutionnel a un standard du procès constitutionnel (art 3 nouveau et article 6 nouveau de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel et article 21 de la LO).
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Notre organisation de contradictoire n’est pas complètement parfaite mais acceptable et appréciée.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le recours ne doit pas être notifié à une autorité.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Toute la décision de rejet d’une requête est prise par la session du Conseil constitutionnel.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
L’article 21 de la LO prévoit que le Conseil constitutionnel peut convoquer toute personne intéressée, susceptible de l’éclairer ou de 1ui fournir des documents relatifs au cas.
La situation paraît satisfaisante.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Le délai de contrôle de constitutionnalité est de 30 jours pour le cas normal et de 8 jours pour le cas urgent (article 22 nouveau de la LO).
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Les règles d’assistance et de représentation des parties sont en conformité à l’article 21 de la LO.
Ces pratiques sont de plus en plus remarquées.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Aucune disposition ne fixe le mécanisme d’aide juridictionnelle. Par contre le Conseil constitutionnel accepte les interventions des représentants de parties en conformité à l’article 21 de la LO.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Toutes les procédures devant le Conseil constitutionnel sont gratuites (article 28 de la LO).
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
En général, l’instruction du recours est assurée par le membre rapporteur (articles 21 et 33 de la LO) et par le Conseil constitutionnel assisté par un groupe de greffiers.
La décision du Conseil constitutionnel est sans recours (article 142 nouveau de la Constitution et article 34 nouveau de la LO).
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Le Conseil constitutionnel ne soulève pas de moyens d’office.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Le Conseil constitutionnel peut solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante (articles 21, 31, 32, et 33 de la LO).
En pratique ces mesures sont communiquées aux parties.
Le Conseil constitutionnel est une institution neutre et indépendante dans l’exercice de ses compétences (alinéa 1 de l’article 2 de LO).
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Le Conseil constitutionnel est doté de moyens d’investigation et procède à des enquêtes dans le cas nécessaire (articles 21, 3 1,32 et 33 de la LO).
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Le Conseil constitutionnel prévoit l’audition des parties (articles 21, 32 et 33 de la LO).
En pratique l’audition constitue une des mesures principales du Conseil constitutionnel.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Le Conseil constitutionnel accepte la participation des tiers (articles 21, 32 et 33 de la LO).
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
La recevabilité d’une intervention est faite par la sollicitation de parties.
Des observations en intervention sont faites à l’audience publique (article 12 du règlement intérieur de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel).Le Conseil constitutionnel accepte l’admission des interventions en se basant sur la nécessité du procès.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Les intervenants sont des représentants de parties ou personnes intéressées au procès.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Il n’y a pas des interventions forcées.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Notre Cour est fréquemment concernée par des interventions.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Le Conseil constitutionnel peut avoir une procédure orale en audience publique dans le cadre du contentieux électoral.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
La procédure orale est dominante et appréciée.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Il n’y a pas des règles applicables à ce cas.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Le Conseil constitutionnel organise l’audience publique conformément à l’article 12 de la procédure applicable devant le Conseil constitutionnel depuis 1998 et elle devient systématique.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
La publicité de la cour se fait soit par la participation des gens y compris les journalistes dans la salle de la cour, soit par diffusion par câble de télévision pour ceux qui sont à l’extérieur de la salle de cour, soit par la télévision nationale (TVK), soit par site Internet, soit par conférence de presse.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
L’audience privée ne fait pas l’objet de publicité.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ? Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Il n’y a pas des règles applicables en matière de représentation lors de l’audience.
Il n’existe pas de monopole de représentation, l’importance est que le représentant reçoive la procuration de parties.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
L’audience se déroule sous la présidence du président du Conseil constitutionnel assisté par un groupe de greffiers. Le juge rapporteur a le même rôle que les autres membres du Conseil. Les parties peuvent échanger leurs opinions avec les membres de la cour.
A l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
La décision de la Cour est sans recours (article 142 nouveau de la Constitution).
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Voir 4.9.
Cour suprême du Cameroun
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel est acquis.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Ce sont des notions pleinement reconnues et protégées.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
C’est une procédure mixte dominée par l’accusatoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Ce caractère est consacré par la Constitution et la loi organique de la Cour.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La loi organique règlemente la procédure d’instruction des procédures.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de me détailler.
Des coutumes et usages pratiques existent devant la haute juridiction.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La cour statue conformément à la Constitution. Celle-ci invite à respecter les conventions internationales ratifiées et les grandes chartes.
La Cour prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Chaque procédure devant la Cour est encadré dans des délais précis, mais le principe du contradictoire est toujours sauvegardé.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
La procédure est fortement matérialisée. Le greffe de la Cour assure toutes les notifications et communications.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Le contradictoire est marqué par les échanges de conclusions et des répliques.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communications aux parties ?
L’instruction n’est pas publique et les échanges demeurent placés sous le secret.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques
de ce renforcement.
Les modifications législatives successives.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Au Cameroun, le procès constitutionnel obéit aux canons du procès équitable.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, a sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
On peut envisager d’accorder un temps raisonnable aux parties pour leurs observations sur le rapport.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les notifications se font par voie d’huissier ou par tout autre moyen avec accusé de réception.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, non admissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Oui, confère l’article 134 du code électoral.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Le président de la République, 1/3 des députés, 1/3 des sénateurs
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Les délais sont fonction de la nature de la procédure. Et le contradictoire ne veut pas dire débats sans fin.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
L’avocat est le meilleur représentant ou tout autre mandataire légalement accepté.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il existe au Cameroun, un mécanisme d’assistance pour les personnes physiques ou morales indigentes.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Le principe exige que le défendeur soit condamné au paiement des dépens.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
En principe l’instruction est conduite par le greffier en chef et le président ne reçoit la procédure que pour désigner un rapporteur.
III. Les incidents Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La Cour peut soulever un moyen d’office dans les conditions prévues par la loi organique.
La cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur le portée de la disposition législative contestée ? En pratique
aux parties ? La cour peut-elle solliciter des observations de la part de juridictions supérieures ?
La Cour peut toujours ordonner dans certains cas la continuation de l’instruction, si elle estime que la procédure n’est pas en état d’être jugée.
La cour est elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La cour procède-t-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? : Merci d’illustrer votre réponse.
La cour fonctionne comme une juridiction et peut user de toutes les techniques légales. Cf. Art 133.2
du code électoral.
La cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…)
Au cours d’une procédure devant la cour rien n’interdit une audition pour la recherche de la vérité cf. art 133.2 du code électoral.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Il existe dans les principes la possibilité de l’intervention volontaire.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée où sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Si l’intervention est recevable alors les observations sont soumises au contradictoire.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
L’intervenant peut s’associer au demandeur où au défendeur.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Tout dépend de la nature du litige, cela est possible.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Très rarement.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Pour faire des observations et suivre les réquisitions du ministère public.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
L’oralité a toujours sa place pour expliquer les écrits.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
On commence par le demandeur puis le défendeur et enfin le ministère public.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Les audiences sont organisées lorsque la Cour est saisie pour une procédure spécifique.
Quelle sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (Salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…).
Salle d’audience et retransmission.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (Audience privée).
L’instruction se fait sans publicité.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ? Existe-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des Avocats et/où d’autres professions juridiques ?
Les avocats ont le monopole mais les représentants des partis politiques peuvent représenter leur association.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
Rapporteur, demandeur, défendeur et ministère public
– Le temps de prise de parole ;
Temps raisonnable pour chaque parti politique
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (Questions posées par les membres de la Cour) ;
Les membres de la Cour peuvent poser des questions,
– Le rôle particulier que peut exercer le Juge rapporteur ;
Son rapport est le document de base.
– La durée moyenne d’une audience ;
Tout dépend de la nature du litige
– Les modalités d’enregistrement.
Diligence du greffe
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Cela est possible
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Le contradictoire ne saurait se poursuivre après l’audience.
Cour suprême du Canada
Note : Afin d’éviter les répétitions, certaines des questions ont été réunies et des renvois ont été indiqués aux endroits appropriés.
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
La Cour suprême du Canada est la juridiction d’appel de dernier ressort du pays (art. 35 de la Loi sur la Cour suprême (la « Loi »). Elle a été créée en 1875 par l’adoption, par le Parlement fédéral, de la Loi sur la Cour suprême, et ce, en vertu du pouvoir de créer une cour générale d’appel pour le Canada qui lui est conféré par l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L’article 3 de la Loi prévoit que la Cour suprême est un tribunal de droit et d’equity, qu’elle est une cour d’archives et qu’elle est un tribunal propre à améliorer l’application du droit canadien. Depuis 1949[1], la Cour entend les appels en dernier recours dans tous les domaines du droit : en matière civile, criminelle et constitutionnelle, et en droit administratif.
La Cour jouit d’un statut constitutionnel qui lui est garanti par la Constitution. Ses caractéristiques essentielles sont protégées par la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. La « composition de la Cour » ne peut être modifiée que conformément à l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982 – pareille modification requiert le consentement unanime du Parlement et de l’assemblée législative de chaque province. Les autres caractéristiques essentielles de la Cour ne peuvent être modifiées que conformément à l’article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982, lequel requiert le consentement du Parlement et d’au moins sept provinces représentant, au total, au moins la moitié de la population de toutes les provinces. Ces caractéristiques essentielles de la Cour « incluent, à tout le moins, la juridiction de la Cour en tant que cour générale d’appel de dernier ressort pour le Canada, notamment en matière d’interprétation de la Constitution, et son indépendance » [2].
La plupart des appels sont portés devant la Cour par suite d’une demande d’autorisation présentée conformément au paragraphe 40 (1) de la Loi sur la Cour suprême. D’autres lois, le code criminel en particulier, permettent des appels de plein droit et des appels sur autorisation[3]. La Loi sur la Cour suprême prévoit aussi une procédure de « renvoi » par laquelle le gouverneur en conseil peut soumettre au jugement de la Cour toute question importante de droit ou de fait selon l’article 53 de la Loi. Les questions de droit et de fait qui peuvent être ainsi soumises à la Cour sont très diverses [4].
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Les Règles de la Cour suprême du Canada (les « Règles ») définissent la « partie » comme la « [p]ersonne nommée dans l’intitulé conformément à la règle 22, y compris toute personne qui lui est substituée ou est ajoutée aux procédures conformément à la règle 18 ».
La règle 22 prévoit le contenu de l’intitulé de la cause.
Dans une demande d’autorisation d’appel, le « demandeur » est « toute partie [devant la juridiction inférieure] qui présente la demande d’autorisation d’appel ». L’« intimé » est la partie devant la juridiction inférieure visée par la demande d’autorisation d’appel « et qui, devant la juridiction inférieure, avait des intérêts opposés à ceux du demandeur ». Enfin, l’intitulé peut inclure des parties « intervenantes » (voir réponses aux questions 3.5 et suivantes).
L’intitulé de l’appel obéit à des règles similaires. L’« appelant » est « toute partie [devant la juridiction inférieure] qui interjette appel ». L’« intimé » est celui à l’égard de qui l’appel est interjeté « et qui, devant la juridiction inférieure, avait des intérêts opposés à ceux de l’appelant ». L’intitulé d’un appel inclut aussi les « intervenants » (voir réponses aux questions 3.5 et suivantes).
Puisque la Cour suprême est une cour d’appel qui, à l’exception des cas de renvois par le Gouverneur général en Conseil, n’instruit pas d’affaires, la notion de « procès » n’est pas reconnue dans la Loi ou les Règles. L’article 2 des Règles définit la notion de « procédure » (« proceeding », en anglais) comme suit : « Appel, demande d’autorisation d’appel, requête ou renvoi devant la Cour, un juge ou le registraire ».
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Les tribunaux canadiens ont hérité leurs règles de preuve et de procédure de la common law d’Angleterre (et du droit civil français, pour ce qui est du Québec). Dans les matières pénales et civiles, c’est donc le régime de la preuve légale et de la procédure accusatoire et contradictoire qui s’applique.
La preuve est orale et écrite, et la procédure est publique. Comme le remarque un auteur, « l’influence de l’interventionnisme moderne, des considérations financières et administratives et un désir d’obtenir une plus grande vérité judiciaire et une meilleurs justice ont aussi incité les législateurs et les tribunaux canadiens à assouplir la rigidité de la preuve légale et atténuer le caractère accusatoire et contradictoire du procès »[5]. Ces assouplissements sont plus marqués en droit civil et administratif [6].
La procédure devant la Cour suprême respecte cet héritage. Le caractère contradictoire de la procédure devant la Cour découle de l’économie générale de la Loi, des Règles et, le cas échéant, de toute loi prévoyant un droit d’appel à la Cour suprême. Il découle en outre du rôle de la Cour suprême comme cour générale d’appel pour le Canada, lequel est garanti par la Constitution.
Les parties sont chacune tenues de constituer un dossier et de le déposer devant la Cour (art. 62 de la Loi et règle 38). Elles font valoir leurs positions séparément et sont tenues d’indiquer le remède qu’elles recherchent. Les juges n’hésitent toutefois pas à intervenir lors des plaidoiries orales pour poser des questions aux plaideurs. De plus, la Cour peut soulever des moyens d’office (voir les réponses aux questions 2.2, 3.1 et 4.10).
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Les travaux de la Cour sont organisés par la Loi et les Règles.
Demandes d’autorisation d’appel
La demande d’autorisation d’appel est présentée par écrit et déposée dans les 60 jours suivant le jugement porté en appel. La réponse est déposée dans les 30 jours, après quoi le requérant dispose de 10 jours pour répliquer.
Une fois les documents déposés, la demande est soumise à la Cour. Cela veut dire que la demande est soumise à une formation de trois juges, lesquels disposent d’un résumé et d’une note de service préparés par les avocats du personnel et contenant une analyse des questions en cause. Les juges votent par l’entremise de notes de service écrites. Si la formation ou les juges majoritaires votent en faveur de la demande, celle-ci est inscrite sur la liste « B ». Si les juges majoritaires votent contre la demande, le juge dissident peut l’inscrire sur la liste « D ». Si aucun juge n’est dissident ou si le juge dissident n’inscrit pas la demande sur la liste « D », la formation doit aviser les autres juges de la Cour de son intention de rejeter la demande à moins que l’un de ceux-ci ne veuille l’inscrire sur la liste « D ».
Dans le cadre de ce processus, les demandes sont inscrites sur la liste « B » ou encore sur la liste « D » aux fins de discussion au moment de la conférence. Toutes les autres demandes sont rejetées [7]. Après la discussion en conférence, la formation prend une décision définitive. Quatre options s’offrent à la Cour selon l’article 43 :
- autoriser l’appel s’il ressort du dossier que la demande ne justifie pas une audience et satisfait aux critères établis par l’article 40 (al. 43 (1) a)). L’article 40 de la Loi sur la Cour suprême n’impose pas de limite juridictionnelle importante au type de questions dont la Cour peut être saisie [8]. La Cour peut autoriser l’appel si elle estime que « compte tenu de l’importance de l’affaire pour le public […] ou de sa nature ou importance à tout égard, elle devrait en être saisie » ;
- rejeter la demande s’il ressort du dossier qu’elle ne justifie pas la tenue d’une audience et ne satisfait pas aux critères établis par l’article 40 (al. 43 (1) b)) ;
- ordonner la tenue d’une audience pour statuer sur la demande dans tous les autres cas (al. 43 (1) c)).
Cette solution est rarement utilisée depuis 1988. Une audience est toutefois tenue sur demande d’un demandeur qui tente de se pourvoir contre une décision de la cour d’appel annulant son acquittement à l’égard d’un acte criminel et ordonnant la tenue d’un nouveau procès (par. 43(1.2)). Lorsque la Cour ordonne la tenue d’une audience, chaque partie dispose de 15 minutes pour présenter ses arguments et de cinq minutes de droit de réplique ; - renvoyer l’affaire à la juridiction inférieure dont la décision est contestée et ordonner les mesures qui semblent appropriées (par. 43(1.1)).
La Cour ne motive généralement pas sa décision d’autoriser ou non un appel. Cela se justifie par le besoin d’exercer un contrôle discrétionnaire sur le rôle de la Cour et afin de permettre à la Cour de jouir de « toute la latitude requise pour consacrer ses ressources peu abondantes aux causes qui ont une véritable importance pour le public » [9].
Une demande d’autorisation d’appel rejetée peut faire l’objet d’une demande de réexamen en vertu de la règle 73. Selon cette disposition, le demandeur doit déposer une requête et indiquer dans un affidavit « les circonstances extrêmement rares » [10]qui justifient le réexamen. Il doit aussi expliquer pourquoi la question n’a pas été soulevée auparavant, et joindre tout autre document qu’il entend invoquer. Le registraire examine la demande pour déterminer si l’affidavit fait état de circonstances extrêmement rares. En l’absence de telles circonstances, la requête est refusée pour dépôt, et la demande n’est pas soumise à la Cour, en application du paragraphe 73 (4) des Règles. La décision du registraire n’est pas sujette à révision en vertu de la règle 78, car « le par. 73 (4) vise à limiter l’accès à la Cour lorsque certaines normes minimales ne sont pas respectées, [et] le fait d’autoriser la révision des décisions rendues par le registraire en vertu de ce paragraphe irait à l’encontre de l’objet du régime » [11]. En conséquence du refus, la partie adverse n’aura pas à répondre.
Une fois l’autorisation d’appel accordée, la procédure d’appel suit son cours.
Appels
L’appelant doit déposer un avis d’appel dans les 30 jours du jugement porté en appel (dans le cas d’un appel de plein droit) ou de la décision lui accordant l’autorisation d’appel. Il devra, dans les douze semaines suivantes, déposer ses mémoire, dossier et autorités. L’intimé jouit alors d’un délai de huit semaines pour déposer ses documents.
Conformément à la règle 69, une fois le mémoire de l’intimé déposé, le registraire inscrit l’appel pour audition par la Cour. La Juge en chef détermine alors la formation de juges qui entendra l’appel. La plupart des délais peuvent être abrégés ou allongés si les circonstances le justifient (règle 6 (1)).
Le tableau ci-dessous contient un résumé des délais applicables.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
En principe, ni le droit international ni le droit étranger ne sont contraignants en droit interne canadien. Toutefois, en interprétant et en appliquant le droit interne, les tribunaux peuvent se référer aux normes internationales, y compris aux « valeurs exprimées dans le droit international » [12]. Les tribunaux présument que la législation est conçue de manière à respecter les obligations incombant au Canada en vertu des instruments internationaux et en sa qualité de membre de la communauté internationale [13].
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La loi n’exige pas que la Cour se prononce dans un délai déterminé. La déontologie définie par le Conseil canadien de la magistrature énoncent le principe selon lequel « [l]es juges doivent exercer leurs fonctions judiciaires avec diligence ». Le principe 4.3 prévoit que « [l]es juges s’efforcent de remplir toutes leurs fonctions judiciaires, notamment de rendre jugement dans les affaires mises en délibéré, avec une promptitude raisonnable.
En 1985, le Conseil canadien de la magistrature a, par voie de résolution, exprimé l’avis que, sauf s’il existe des circonstances particulières, les juges qui ont mis une affaire en délibéré doivent rendre jugement dans les six mois qui suivent l’audience [14].
Pour la période entre 2005 et 2015, les délais moyens (en mois) entre l’audition de l’appel par la Cour suprême du Canada et le jugement sont les suivants :
2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
5,2 | 5,9 | 6,6 | 4,8 | 7,4 | 7,7 | 6,2 | 6,3 | 6,2 | 4,1 | 5,8 |
Des statistiques sont publiées sur le site Internet de la Cour à cet égard : http://www.scc-csc.ca/case-dossier/stat/index-fra.aspx
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le Greffe de la Cour traite, enregistre, classe et achemine tous les documents produits par les parties ; il consigne tous les événements qui surviennent tout au long d’une cause ; enfin, il informe le personnel de la Cour, les avocats, les parties et le public sur toutes les questions ayant trait aux dossiers de la Cour. La Direction générale du greffe traite les questions ayant trait à l’audition des appels et des requêtes et la présentation des demandes d’autorisation d’appel.
Conformément à la règle 9 des Règles de la Cour suprême du Canada, le Greffe est ouvert du lundi au vendredi de 8 h à 17 h (heure locale d’Ottawa), sauf les jours fériés.Le Centre des dossiers est chargé de l’entreposage et de la conservation des documents ainsi que de leur distribution aux membres de la Cour et au personnel. Ses heures d’ouverture sont de 9 h à 17 h. Les membres du public peuvent demander des copies de documents de la Cour en remplissant un formulaire électronique affiché sur le site Internet de la Cour suprême du Canada, à l’adresse www.scc-csc.ca.
Les documents déposés à la Cour le sont en version imprimée et électronique. C’est le cas notamment des mémoires des parties, lesquels sont en principe affichés sur le site Internet de la Cour. Les documents sont préparés par les parties conformément aux Lignes directrices pour la préparation des documents à déposer à la Cour suprême du Canada (versions imprimée et électronique) (les « Lignes directrices » ; voir aussi la règle 21).
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Le principe de l’ouverture des débats judiciaires (« open courts principle ») reconnu en common law s’applique devant tous les tribunaux du Canada [15]. Par conséquent, sauf exception, les procédures et débats [16] sont intégralement publics. Les délibérations demeurent toutefois assujetties au secret. Voir les réponses aux questions 4.5 et 4.6.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?La règle 20 régit la procédure de signification des procédures :
20 (1) La signification de tout document à une partie se fait à son procureur ou à son correspondant à la dernière adresse connue, à la dernière adresse de courriel connue ou au dernier numéro de télécopieur connu de celui-ci ou, si la partie n’est pas représentée par procureur, à la partie elle-même ou à son correspondant, selon l’un des modes suivants :
a) signification à personne effectuée n’importe quel jour autre qu’un jour férié ;
b) courrier ordinaire, sauf dans le cas d’un acte introductif d’instance et des documents à l’appui ;
c) courrier recommandé ou certifié ou par messagerie ;
d) télécopie, sauf dans le cas des documents suivants :
(i) ceux qui, aux termes des présentes règles, doivent être reliés,
(ii) ceux qui comptent plus de quarante pages, à moins que la partie à laquelle les documents sont signifiés consente à leur signification par ce mode ;
d.1) courriel, sauf dans le cas de documents qui, aux termes des présentes règles, doivent être reliés, à moins que la partie à laquelle les documents sont signifiés consente à leur signification par ce mode ;e) remise d’une copie au procureur ou au correspondant de la partie ou à un employé du cabinet de son procureur ou de son correspondant.
(2) La signification des deux versions – imprimée et électronique – n’est pas requise si le procureur auquel le document est signifié accepte que lui soit signifié l’une ou l’autre de ces versions.
(3) Tout document signifié par télécopie doit comporter une page couverture indiquant :
a) le titre du document transmis ;
b) les nom, adresse et numéro de téléphone de l’expéditeur ;
c) le nom du destinataire et, le cas échéant, celui de son procureur ;
d) la date et l’heure approximative de la transmission ;
e) le nombre de pages transmises, y compris la page couverture ;
f) le numéro du télécopieur utilisé pour la transmission ;
g) les nom et numéro de téléphone de la personne à contacter en cas de difficulté de transmission.
(3.1) Si un document est signifié par courriel, celui-ci comporte les renseignements suivants :
a) le titre du document transmis ;
b) les nom, adresse et numéro de téléphone de l’expéditeur ;
c) le nom de la partie à laquelle le document est signifié et, s’il y a lieu, celui de son procureur ;
d) la date et l’heure approximative de la transmission ;e) une indication du nombre de pièces jointes au courriel ou de l’endroit où la partie à laquelle le document est signifié peut y accéder par voie électronique.
(4) Sous réserve du paragraphe (5), un document est réputé signifié à la date de sa réception ou de la reconnaissance de sa réception, à moins qu’il ne soit reçu entre 17 h et minuit, heure locale, ou un jour férié, auxquels cas il est réputé déposé le premier jour – autre qu’un jour férié – suivant sa réception.
(5) Un document signifié par courrier ordinaire est réputé signifié le cinquième jour ouvrable après sa mise à la poste.
(6) Lorsqu’une tentative de signification par une personne autorisée, conformément aux règles de procédure applicables dans la province ou le territoire de signification, a échoué et est consignée au procès-verbal de signification, la personne autorisée peut signifier le document en laissant une copie du document sur place à l’intention de son destinataire.
(7) La preuve de signification d’une seule version – imprimée ou électronique – suffit.
(8) Sauf ordonnance contraire d’un juge ou du registraire, la preuve de la signification est établie par le dépôt – en conformité avec la règle 19 -, dans les deux jours suivant la signification, de l’un des documents ci-après :
a) dans les cas où la signification a été effectuée par courrier ordinaire, un affidavit conforme au formulaire 20 ;
b) dans les cas où la signification a été effectuée par courrier recommandé ou certifié ou par messagerie, un affidavit conforme au formulaire 20 portant en annexe le récépissé de la poste, un accusé de réception portant la signature du destinataire ou une copie des résultats de suivi du service de messagerie où figurent les détails concernant la livraison du document ;
c) dans les cas où la signification a été effectuée par télécopie, un affidavit conforme au formulaire 20 portant en annexe une copie de la page couverture visée au paragraphe (3) et le bordereau de transmission qui confirme les date et heure de la transmission ;
d) dans les cas où la signification a été effectuée par courriel, un affidavit conforme au formulaire 20 portant en annexe une copie du courriel visé au paragraphe (3.1) et une copie de l’accusé de lecture ou de la confirmation par le destinataire de la signification par courriel ;
e) le procès-verbal de signification établi par toute personne autorisée, conformément aux règles de procédure applicables dans la province ou le territoire de signification ;
f) une reconnaissance de la signification, signée par la partie, son procureur ou son correspondant.
(9) Si des documents qui ne sont pas des documents introductifs d’instance ont été signifiés par courrier recommandé ou certifié, par messagerie, par télécopie ou par courriel, le dépôt d’un affidavit conforme au formulaire 20 n’est pas requis, pourvu que les renseignements devant être joints en annexe en application des alinéas (8)b), c) ou d), selon le cas, soient déposés.
(10) Le registraire peut, sur dépôt d’un affidavit de la partie qui signifie le document, ordonner un mode de signification différent si les circonstances le justifient.
En règle générale, c’est l’avis de demande d’autorisation d’appel et l’avis d’appel qui marquent le début de la procédure devant la Cour suprême du Canada.
Aux termes de l’art. 58 de la Loi sur la Cour suprême, l’avis de la demande d’autorisation d’appel, accompagné de tous les documents utiles, doit être signifié à toutes les parties et déposé auprès du registraire dans les soixante jours suivant la date du jugement porté en appel. Quant à l’avis d’appel, il doit être signifié à toutes les parties et déposé auprès du registraire dans les trente jours suivant la date du jugement porté en appel, s’il s’agit d’un appel de plein droit, et dans les trente jours suivant la date du jugement accordant l’autorisation d’appel, si une demande à cette fin a été présentée.
Les Règles ajoutent certaines exigences en matière de signification. Le paragraphe 26 (2), applicable aux demandes d’autorisation d’appel, prévoit ce qui suit :
(2) En plus de la signification exigée aux termes de l’alinéa 58 (1)
a) de la Loi, le demandeur :a) envoie une copie de la version électronique de chacun de l’avis de demande d’autorisation d’appel, du mémoire et de toute requête relative à la demande d’autorisation d’appel à tout autre demandeur, à tout intimé et à tout intervenant par courriel à leur dernière adresse de courriel
connue et dépose auprès du registraire un affidavit attestant le nom et l’adresse de courriel de chaque partie à laquelle les copies ont été envoyées ou une copie des renseignements devant être joints en annexe en application de l’alinéa 20 (8) d) ;
b) envoie une copie de l’avis de demande d’autorisation d’appel à toute partie devant la juridiction inférieure dont le nom ne figure pas dans l’intitulé visé au paragraphe 22 (2), par courrier ordinaire, par télécopie ou par courriel, à la dernière adresse connue, au dernier numéro de télécopieur connu ou à la dernière adresse de courriel connue et dépose auprès du registraire un affidavit attestant le nom de chaque partie ainsi que l’adresse, le numéro de télécopieur ou l’adresse de courriel auquel a été envoyée la copie de l’avis.
Quant aux avis d’appel, ils sont régis par la règle 34 :
(1) En plus de la signification exigée aux termes de l’alinéa 58 (1) b) de la Loi, l’appelant envoie une copie de l’avis d’appel à toute partie devant la juridiction inférieure dont le nom ne figure pas dans l’intitulé visé au paragraphe 22 (3), par courrier ordinaire, par télécopie ou par courriel, à la dernière adresse connue, au dernier numéro de télécopieur connu ou à la dernière adresse de courriel connue.
(2) Il dépose auprès du registraire l’original et une copie de la version imprimée de l’avis d’appel accompagnés d’un affidavit attestant les noms des parties visées au paragraphe (1) ainsi que les adresses ou numéros de télécopieurs auxquels ont été envoyées les copies de l’avis.
(3) Il dépose auprès du registraire une copie de la version électronique de l’avis d’appel.
Des règles particulières régissent la notification dans les affaires où une partie entend soulever une question constitutionnelle portant sur la validité ou l’applicabilité constitutionnelle d’une loi fédérale ou d’une loi provinciale ou de l’un de leurs règlements, sur le caractère inopérant d’un de ces textes, ou sur la validé ou l’applicabilité constitutionnelle d’une règle de common law. La partie qui souhaite soulever une telle question doit présenter à la Juge en chef une requête pour formulation de questions constitutionnelles (Règle 60). Le requérant doit signifier aux procureurs généraux du Canada et des provinces une copie de l’ordonnance formulant les questions et d’un avis de question constitutionnelle (Règle 61 (2)). Tout procureur général qui souhaite participer à l’appel peut alors le faire, à condition de signifier un avis d’intention (Règle 61 (4)).
La procédure d’avis de question constitutionnelle vise à faire en sorte que les procureurs généraux soient informés de toute contestation constitutionnelle et puissent décider leur présence est requise [17].
Elle permet aussi d’informer les parties et d’éventuels intervenants des questions constitutionnelles soumises à la Cour. La Cour n’est toutefois pas tenue de répondre aux questions formulées, notamment lorsque le dossier factuel constitué en appel est insuffisant pour le faire [18].
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
La Cour peut rejeter proprio motu les appels ou demandes d’autorisation d’appel qui ne relèvent pas de sa compétence ou les rejeter sur requête de la partie intimée [19]. Si sa compétence à l’égard d’une demande d’autorisation d’appel est incertaine, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner une audience sur la question ou accéder à la demande sous réserve des arguments présentés sur la question juridictionnelle [20].
Le registraire qui reçoit un document à déposer a le pouvoir de le rejeter ou de le refuser, notamment au motif que le document n’est pas conforme aux règles ou qu’il n’a pas été signifié conformément aux règles ou à une ordonnance de la Cour, d’un juge ou du registraire (règles 19 (2) a) et 8 (2)).
Enfin, le paragraphe 66 (1) des Règles autorise un juge à ordonner la suspension d’une procédure s’il est convaincu qu’une des parties la conduit de manière vexatoire. En vertu du paragraphe 66 (2), un juge peut interdire le dépôt de tout document supplémentaire lié à une procédure. L’ordonnance
peut être rendue sur requête de l’une ou l’autre des parties (règle 66) ou à la demande du registraire (règle 67). Dans ce dernier cas, le registraire envoie un avis à toutes les parties, qui disposent de dix jours pour y répondre. Une fois le délai de réponse expiré, le registraire examine les réponses écrites reçues avant de demander une ordonnance d’un juge.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Dans le contrôle de la constitutionnalité d’une loi, c’est le procureur général (du Canada ou d’une province, selon que la loi contestée relève de l’une ou l’autre juridiction) qui assure la défense de la loi. Tous les procureurs généraux jouissent d’un droit d’intervention lorsque le litige soulève une
question constitutionnelle et que la Juge en chef a formulé une telle question (voir la réponse à la question 2.1, in fine).
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ?
Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Voir le tableau reproduit dans la réponse à la question 1.6.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Amici curiae
Il arrive que des intervenants désintéressés (amici curiae) soient nommés et admis à ce titre à plaider devant la Cour. C’est notamment le cas lorsqu’une des parties choisit de ne pas présenter d’observations, ou lorsqu’une personne n’est pas représentée par procureur à l’audience. L’amicus curiae nommé par la Cour a pour mandat de présenter un mémoire qui défend une position autre que celles des parties, de déposer tous les documents jugés nécessaires, de plaider à l’audience et d’attirer l’attention de la Cour sur toute autre affaire qu’il considère pertinente dans le contexte de celle dont la Cour est saisie. Les Règles et la Loi permettent la nomination d’un amicus curiae.
La règle 92 autorise la Cour ou un juge à nommer un amicus curiae dans le cas d’un appel, sans toutefois préciser qui assume les honoraires et débours ainsi engagés. La Loi est aussi muette sur le sujet.
Cette omission reflète probablement le fait que l’aide juridique est offerte partout au Canada bien que, dans certaines circonstances, le procureur général ait accepté d’assumer les coûts. Le cas échéant, il y a entre l’amicus curiae et le procureur général une entente établissant les tarifs applicables.
En plus des pouvoirs de nommer un amicus curiae prévus à la règle 92, la Cour bénéficie de mesures particulières l’autorisant à nommer un avocat aux termes de l’article 694.1 du code criminel. Les frais sont assumés par le procureur général, qui est partie à l’appel.
En cas de litige quant aux honoraires et aux débours, le registraire de la Cour suprême peut taxer le compte soumis. Une partie peut également présenter une demande pour que soit fixé le tarif des honoraires des avocats avant la taxation : R. c. White, 2010 CSC 59.La nomination d’un avocat en application de l’article 694.1 et la nomination d’un amicus curiae sont deux choses distinctes sur les plans conceptuel et pratique. Alors que le premier représente l’accusé, le deuxième est un « ami de la cour » et, à ce titre, son client est le tribunal [21].
Plaideurs non représentés
La présence de personnes non représentées par avocat devant la Cour suprême du Canada, surtout au stade de la demande d’autorisation d’appel, est un phénomène qui ne cesse de croître. En 2015, par exemple, des 539 demandes d’autorisation d’appel déposées à la Cour, 151 l’ont été par des plaideurs non représentés, soit 28 % des demandes.
Il existe toutefois très peu cas où des personnes se présentent sans avocat à l’audience devant la Cour suprême. Dans la plupart des cas, un amicus curiae est nommé.
Les tableaux qui suivent présentent des statistiques détaillées sur les plaideurs non représentés devant la Cour suprême du Canada.
Tableau 1
Proportion des demandes d’autorisation déposées par des plaideurs non représentés
Année | Demandes d’autorisation déposées par tous les plaideurs |
Demandes d’autorisation déposées par des plaideurs non représentés |
Demandes déposées par des plaideurs non représentés (en %) |
---|---|---|---|
2002 | 523 | 106 | 20 % |
2003 | 550 | 92 | 17 % |
2004 | 568 | 114 | 20 % |
2005 | 544 | 103 | 19 % |
2006 | 506 | 115 | 23 % |
2007 | 602 | 150 | 25 % |
2008 | 528 | 128 | 24 % |
2009 | 542 | 143 | 26 % |
2010 | 488 | 122 | 25 % |
2011 | 557 | 161 | 29 % |
2012 | 548 | 162 | 30 % |
2013 | 491 | 133 | 27 % |
2014 | 560 | 178 | 32 % |
2015 | 539 | 151 | 28 % |
Tableau 2
Demandes d’autorisation déposées par des plaideurs non représentés par type d’affaire
Année | Civile
(non familiale) |
Familiale | Criminelle |
---|---|---|---|
2002 | 87 | 15 | 4 |
2003 | 76 | 11 | 5 |
2004 | 91 | 6 | 17 |
2005 | 77 | 8 | 18 |
2006 | 90 | 6 | 20 |
2007 | 107 | 11 | 35 |
2008 | 90 | 12 | 26 |
2009 | 108 | 5 | 30 |
2010 | 94 | 6 | 22 |
2011 | 116 | 8 | 37 |
2012 | 122 | 4 | 39 |
2013 | 110 | 4 | 19 |
2014 | 137 | 9 | 32 |
2015 | 122 | 7 | 22 |
Tableau 3
Décisions sur les demandes d’autorisation déposées par des plaideurs non représentés
Décision | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Rejetée | 102 | 83 | 99 | 94 | 107 | 140 | 120 | 128 | 111 | 147 | 154 | 124 | 159 | 105 |
Rejetée – incomplète | 0 | 3 | 1 | 2 | 2 | 0 | 1 | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Rejetée – hors délai | 2 | 4 | 12 | 5 | 5 | 7 | 5 | 13 | 9 | 11 | 9 | 8 | 17 | 7 |
Accueillie | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 |
Abandonnée | 2 | 0 | 2 | 2 | 2 | 2 | 2 | 2 | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Présentée – en délibéré | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 13 |
Fermée par décision administrative |
0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 | 2 | 0 |
Non encore soumise à la Cour (au 31 mars 2016) |
0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 25 |
TOTAL | 106 | 92 | 114 | 103 | 116 | 150 | 128 | 143 | 122 | 161 | 165 | 133 | 178 | 151 |
Tableau 4
Appels dans lesquels un plaideur n’était pas représenté par un avocat (période 2001-2015)
No du greffe |
Intitulé | Partie non représentée |
Amicus nommé |
---|---|---|---|
28198 | R. c. Larivière | Intimé | 20 septembre 2001 |
28799 | Swayze c. Starson | Intimé | 2 octobre 2002 |
28871 | Scotomisation c. La Banque de Nouvelle- Écosse et Thibeault |
Intimés | 23 décembre 2002 (Scotiabank) ; aucun amicus nommé pour M. Thibeault |
29272 | Chaoulli et al. c. Pg du Québec et al. | Appelant | Aucun amicus nommé |
29413 | Ville de Montréal c. 2959-1366 Qc. | Intimée | 24 août 2004 |
29544 | Mireille Boisvert c. RAMQ | Appelante | 29 août 2003 |
30380 | Ville de Lévis c. Louis Tétreault | Intimé | Aucun amicus nommé |
30508 | R. c. Richard Lavigne | Intimé | 5 août 2005 |
30548 | Gary Leskun c. Sherry Leskun | Intimée | 16 mai 2005 |
31852 | Pg de l’Ontario c. McNeil | Intimée | 10 décembre 2007 |
33031 | R. c. Burke | Intimé | 4 août 2009 |
32860 | de Montigny c. Brossard | Intimé | 13 janvier 2010 |
33360 | Christensen c. Archevêque catholique romain de Québec |
Intimé | Aucun amicus nommé |
33529 | R. c. Topp | Intimé | 3 décembre 2010 |
33266 | R. c. Malik et al. | Intimé | L’intimé, M. Malik, est avocat |
34845 | Opitz c. Wrzesnewskyj | Intimé | Argumentation écrite seulement de l’intimée Sarah Thompson |
34819 | Bernard c. Pg du Canada | Appelante | 4 janvier 2013 |
34644 | Spencer c. R. | Demandeur | 24 janvier 2013 – a eu recours aux services d’un avocat à l’étape de l’appel |
35049 | R. c. Hart | Intimé | 24 avril 2013 |
35971 | R. c. Simpson | Intimés | 6 octobre 2014 |
35923 | Pg de la Saskatchewan c. Lemare Lake | Intimée | 5 mars 2015 |
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La Cour jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit d’adjuger les dépens relatifs à tous les types de demandes, de requêtes et d’appels. Ce pouvoir discrétionnaire s’exerce non seulement quant aux instances dont elle est saisie, mais également quant aux procédures qui se sont déroulées devant les tribunaux d’instances inférieures ; voir les articles 47 et 49 de la Loi. Bien qu’elle se garde habituellement d’exercer ce pouvoir en matière criminelle et en matière d’immigration, la Cour a déjà adjugé les dépens dans les cas de déclaration sommaire de culpabilité [22] et d’actes criminels [23]. La Cour peut adjuger les dépens en faveur de la Couronne ou contre elle, y compris la Couronne du chef d’une province (sous réserve de la pratique courante de la Cour en matière pénale et en matière d’immigration) ; voir les articles 98 et 99 de la Loi. La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire d’adjuger les dépens en faveur de l’accusé en matière pénale que lorsqu’il a été démontré que l’affaire revêtait un caractère « exceptionnel » ou que le ministère public s’était conduit « de manière oppressive ou injuste ». La Cour a aussi adjugé les dépens contre la Couronne lorsque cette dernière souhaitait régler un point de droit [24]. La Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire et adjugé les dépens devant toutes les cours à un appelant dont le pourvoi a été accueilli en partie, mais dont la demande d’arrêt des procédures relatives à un certificat de sécurité délivré contre lui en vertu du paragraphe 77 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a été rejetée [25].
Pour un exposé de la Cour sur la nature et l’objet des dépens dans le système juridique canadien moderne, notamment les cas où il convient d’ordonner une provision pour frais [26].
Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens sont adjugés sur une base partie-partie et taxés conformément au tarif prescrit dans les annexes A et B des Règles de la Cour suprême du Canada ;
voir le paragraphe 83 (1). À moins de circonstances exceptionnelles, la Cour adjuge généralement les dépens sur une base partie-partie.
Dans des circonstances exceptionnelles ou en cas de conduite outrancière ou répréhensible – plutôt rares -, la Cour s’écarte de la pratique usuelle et adjuge les dépens sur une base procureur-client [27].
La Cour peut aussi, dans certains cas très précis et extrêmement rares, préciser que les dépens sont adjugés selon une autre échelle ou une autre base[28].
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Voir la section 4.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ?
Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La responsabilité de présenter l’affaire à la Cour appartient aux parties, et la Cour n’adopte en principe pas d’approche inquisitoire. Toutefois, elle peut rejeter proprio motu les appels ou demandes d’autorisation d’appel qui ne relèvent pas de sa compétence ou les rejeter sur requête de la partie intimée (voir l’art. 44 de la Loi et la règle 63). Voir la réponse à la question 2.2. Voir aussi la réponse à la question 4.10 pour les moyens soulevés d’office par la Cour après la clôture des débats.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ?
En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?Aux termes de l’article 40 de la Loi sur la Cour suprême, la Cour jouit du pouvoir d’autoriser un appel d’une décision « compte tenu de l’importance de l’affaire pour le public, ou de l’importance des questions de droit ou des questions mixtes de droit et de fait qu’elle comporte ». De façon générale, la question de savoir si une affaire est importante pour le public relève de la Cour, et la présentation d’éléments de preuve n’est ni utile ni appropriée. Dans les cas où il est difficile de cerner le contexte de l’affaire et les conséquences probables de la décision en cause, les parties peuvent toutefois être demander l’autorisation de présenter de la preuve par affidavit. La question est alors décidée par la formation saisie de la demande ou par un juge [/footnote]Voir, p. ex., Aecon Buildings c. Stephenson (23 juin 2011), le juge Binnie.[/footnote]. En règle générale, cependant, la Cour refuse d’autoriser un appel dans les cas où les questions de droit en cause sont théoriques, ou encore lorsque le dossier factuel ne permet pas d’y répondre. Elle refuse aussi de trancher ce genre de question au stade de l’appel [29].
Dans certains cas, la Cour peut permettre le dépôt de preuves nouvelles, si les parties présentent une requête en vertu du paragraphe 62 (3) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :
La Cour ou un juge peut, à son appréciation, pour des motifs particuliers et par autorisation spéciale, accepter des éléments de preuve supplémentaires sur une question de fait. Ces éléments sont alors recueillis selon les modalités prévues par la présente loi, soit par déposition, soit par affidavit, soit
par interrogatoire, suivant les instructions de la Cour ou du juge.
Bien qu’il soit possible de présenter la requête à un juge, celui-ci la défère souvent à la formation qui statue sur la demande d’autorisation ou qui entend l’appel, selon le cas. L’admission de nouveaux éléments de preuve n’est pas chose courante. Le cas échéant, on applique le critère établi dans
R. c. Palmer, [1980] 1 R.C.S. 759 :
- on ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles : voir McMartin c. La Reine [1964] R.C.S. 484] ;
- la déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès ;
- la déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et
- elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.
Dans le cadre de renvois par le Gouverneur en Conseil, la Cour acceptera des documents extrinsèques pour servir de contexte factuel ou de faits législatifs. Habituellement, la réception de tels documents est traitée dans une ordonnance rendue dans le cours d’une requête en vue d’obtenir des directives.
Récemment, dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32, [2014] 1 R.C.S. 704, en établissant l’échéancier que devaient respecter les parties, le juge LeBel leur a ordonné de déposer d’abord des versions électroniques des dossiers qu’elles se proposaient de déposer, lesquels pouvaient comprendre une nouvelle preuve, il a donné aux parties le temps de faire des contre-interrogatoires, de déposer une preuve en réplique, au besoin, et de déposer un dossier définitif.
La preuve d’éléments extrinsèque est aussi utile lorsqu’il s’agit de trancher des questions de droits fondamentaux qui découlent de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme la Cour l’a expliqué :
Compte tenu de l’importance et des répercussions que ces décisions peuvent avoir à l’avenir, les tribunaux sont tout à fait en droit de s’attendre et même d’exiger que l’on prépare et présente soigneusement un fondement factuel dans la plupart des affaires relatives à la Charte. Les faits pertinents présentés peuvent toucher une grande variété de domaines et traiter d’aspects scientifiques, sociaux, économiques et politiques. Il est souvent très utile pour les tribunaux de connaître l’opinion d’experts sur les répercussions futures de la loi contestée et le résultat des décisions possibles la concernant [30].
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
En principe, la Cour ne procède pas à une investigation. Par contre, lorsque les parties allèguent des faits qui ne sont pas au dossier, elles doivent les attester par affidavit. Un contre-interrogatoire est alors possible. Ces procédures, peu usuelles, sont régies par les règles 89 et 90 :
89 (1) Les faits dont la preuve n’est pas au dossier de la Cour doivent être attestés par affidavit.
(2) L’affidavit présenté dans le cadre d’une procédure se limite à l’énoncé des faits dont le déposant a connaissance. Toutefois, la Cour, un juge ou le registraire peut admettre une déclaration fondée sur des renseignements ou une opinion pourvu que le déposant y indique la source des renseignements
ou les motifs à l’appui de son opinion.
(3) Le dossier de la juridiction inférieure et celui du tribunal de première instance qui sont déposés auprès du registraire font partie du dossier de la Cour.
90 (1) Toute partie peut, avec l’autorisation d’un juge ou du registraire obtenue par requête, contre-interroger
l’auteur d’un affidavit déposé auprès du registraire pour le compte d’une autre partie en signifiant à celle-ci un avis requérant la production du déposant et de documents pour le contre-interrogatoire devant le commissaire à l’assermentation que désigne le juge ou le registraire.
(2) L’avis est signifié dans le délai que le juge ou le registraire fixe.
(3) Le contre-interrogatoire visé au paragraphe (1) doit avoir lieu avant l’audition de la procédure, sauf ordonnance contraire d’un juge ou du registraire.
(4) La transcription d’un contre-interrogatoire peut être déposée auprès du registraire dans les dix jours suivant le contre-interrogatoire.
(5) Le juge ou le registraire peut, de sa propre initiative, ordonner la production de tout document lors du contre-interrogatoire.
(6) Dans le cas où le déposant n’est pas produit pour le contre-interrogatoire, son affidavit est rejeté
sauf ordonnance contraire d’un juge ou du registraire.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Voir la section 4.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Les interventions devant la Cour suprême du Canada, tant au stade de l’autorisation d’appel que de l’appel, se divisent en plusieurs catégories.
Intervenants visés par la règle 55 – C’est l’intervention la plus couramment faite par les intervenants représentant l’intérêt public, c’est-à-dire des personnes ou groupes qui ont un intérêt dans les questions soulevées par un appel ou une demande d’autorisation d’appel, mais non dans l’objet du litige entre les parties. Un juge leur accorde l’autorisation d’intervenir en vertu des règles 55 à 59.
Intervenants visés par la règle 22 – Selon les sous-alinéas 22 (2) c) (i) et (iii) des Règles, les intervenants à qui la juridiction inférieure a reconnu la pleine qualité de partie ainsi que toute commission ou tout tribunal administratif dont la compétence est en cause doivent être nommés à titre d’intervenant dans l’intitulé. Ce sont des intervenants de plein droit qui peuvent demander la reconnaissance de leur statut s’ils ne sont pas désignés en tant que tels dans l’intitulé.
Intervenants visés par la règle 61 – Dans le cas d’un appel où le Juge en chef a formulé une question constitutionnelle en application de la règle 60, les procureurs généraux ou les ministres de la Justice peuvent intervenir de plein droit en vertu de la règle 61. Il est loisible aux procureurs généraux qui interviennent dans un cas de ce genre de déposer un mémoire de 20 pages (par. 42 (5)) et de présenter une plaidoirie orale de 10 minutes (al. 71 (5) c). L’ordonnance formulant des questions constitutionnelles donne, s’il y a lieu, des directives spéciales concernant les dates limites pour le dépôt des avis d’intervention, des mémoires et d’autres points nécessaires pour prévenir tout retard dans l’audition de l’appel.
Intervenants visés par l’art. 53 – Dans les renvois faits en vertu de l’art. 53 de la Loi, les procureurs généraux et les intéressés peuvent intervenir de plein droit. Ils ont le droit d’être « entendu[s] », mais aucun délai fixe n’est prévu par la Loi. Le paragraphe 59 (2) des Règles s’applique alors et le temps alloué est laissé à la discrétion du juge.
Autres intervenants – Il arrive parfois que la Cour nomme un amicus curiae chargé de l’assister. Elle le fait généralement lorsqu’une des parties à un appel se désiste et qu’il n’y a personne pour plaider sa cause. (Voir aussi, à ce sujet, la réponse à la question 2.6.)
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée)? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ?
Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Les règles 55 à 59 établissent la procédure à suivre pour présenter une requête en autorisation d’intervenir dans un appel. Une requête de cette nature doit être déposée dans les quatre semaines suivant le dépôt du mémoire de l’appelant (al. 56 b)).
Une fois que la date limite pour déposer les demandes d’intervention est passée et que toutes les réponses sont déposées, le registraire remet toutes les requêtes au juge de service Les requêtes sont tranchées par étape, la première consistant à décider s’il y a lieu d’accorder l’autorisation d’intervenir et la deuxième consistant à décider si l’intervenant a le droit de présenter une plaidoirie orale à l’audition de l’appel.
La règle 57 énonce les conditions à remplir pour demander l’autorisation d’intervenir. La requête doit préciser qui est l’intervenant, quel est son intérêt dans l’appel, quelle est sa position dans le dossier, quels sont ses arguments et quelle est la pertinence de ces derniers pour la Cour. Les documents doivent exposer tout préjudice que subirait la partie désirant intervenir si sa requête est rejetée.
L’intervenant doit aussi indiquer en quoi les arguments envisagés diffèrent de ceux des autres parties.
Les interventions visent deux objectifs principaux, soit assister la Cour en lui présentant des points de vue additionnels et donner à des tiers susceptibles d’être touchés par la décision finale ou d’avoir un intérêt dans celle-ci la possibilité de participer au processus. Le droit d’intervenir est rarement accordé au stade de l’autorisation d’appel. Les intervenants doivent généralement éviter de s’attacher aux faits, éviter de prendre position sur la solution à apporter à l’appel eu égard à l’application du droit aux faits, et éviter de devenir un adversaire dans le litige. Ils doivent plutôt agir comme un « ami de la Cour ».
Si le juge accepte l’intervention proposée, il accorde à l’intervenant le droit de déposer un mémoire (généralement d’au plus 10 pages). L’intervenant est une « partie » au sens de la règle 2. L’ordonnance précise toutes autres conditions imposées par le juge, comme la date à laquelle le mémoire de l’intervenant doit être signifié et déposé. Elle précise si l’intervenant a le droit de produire de nouveaux éléments de preuve ou de compléter le dossier. Toutefois, un intervenant n’a pas le droit de soulever des questions tout à fait nouvelles [31]. L’ordonnance précise aussi qu’il incombera à l’intervenant de supporter les dépens (débours) supplémentaires des parties résultant de son intervention (voir la règle 59).
Le paragraphe 59 (3) des Règles ne prévoit aucun critère précis pour déterminer s’il convient d’autoriser la présentation d’une plaidoirie ; cette question relève tout simplement du pouvoir discrétionnaire du juge. Lorsqu’il y a autorisation, la Cour avait pour pratique d’allouer 15 minutes. Autour de 2009, la norme est passée de 15 à 10 minutes. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un intervenant soit appelé à s’adresser à la Cour pour une période d’au plus 5 minutes.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
La règle 18 prévoit ce qui suit :
(1) Toute personne peut être ajoutée à une procédure ou substituée à une partie par requête motivée présentée à un juge ou au registraire.
(2) Sous réserve du paragraphe (5), nul ne peut être ajouté à une procédure ou substitué à une partie sans le dépôt de son consentement auprès du registraire.
(3) La requête est aussi signifiée à la partie que l’on veut ajouter ou substituer à une partie.
(4) Sauf ordonnance contraire d’un juge ou du registraire, les documents prévus par les présentes règles doivent être signifiés aux parties ainsi ajoutées ou substituées à une partie, et les délais commencent à courir selon les modalités de l’ordonnance.
(5) Dans toute procédure, la Cour ou un juge peut ordonner l’adjonction ou la substitution d’une partie s’il l’estime nécessaire pour permettre à la Cour de trancher les questions en litige.
Le libellé de la règle 18 couvre trois situations :
La première est celle de l’intervention volontaire : la personne cherche à être ajoutée à une procédure ou substituée à une partie dans une procédure déjà en cours. Dans ce cas, cette personne doit déposer une requête (paragraphe 18 (1)). La « requête en adjonction ou en substitution d’une partie » doit être faite à un juge ou au registraire, conformément à la règle 47. La personne doit prouver un intérêt direct suffisant pour être ajoutée comme partie à la procédure[32].
Le deuxième cas est celui où les parties à une procédure en cours cherchent à y faire ajouter ou substituer une autre personne comme partie. Dans ce cas, les parties à la procédure en cours doivent déposer une requête (paragraphe 18 (1)) et la signifier à la partie que l’on veut ajouter ou substituer à une partie (18 (3)), et l’intéressé doit consentir à l’adjonction ou à la substitution (18 (2)).
Le troisième cas est prévu au paragraphe 5 de la règle 18. Dans ce cas, un juge agissant de son propre chef ordonne qu’une personne soit ajoutée comme partie à une procédure. Dans un tel cas, le consentement de l’intéressé n’est pas nécessaire (par. 2) et aucune requête en ce sens n’a à être déposée (par. 1 et 5). Toutefois, dans son ordonnance, le juge indiquerait les procédures (notamment en ce qui concerne la signification des documents) qui s’appliqueraient à la personne ajoutée comme partie (par. 4).
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Des intervenants participent régulièrement aux appels et renvois entendus par la Cour. Il s’agit de groupes d’intérêts, d’associations, des procureurs généraux des provinces ou du Canada, et parfois aussi de personnes parties à un recours parallèle qui soulèvent des questions analogues. En plus d’avoir le droit de déposer un mémoire, les intervenants peuvent être autorisés à adresser la Cour oralement à l’audience, pour une période variant entre 5 et 10 minutes. Ce ne sont pas tous les intervenants qui jouissent du droit de présenter une plaidoirie orale. Voici quelques exemples de causes qui ont entraîné la participation d’un grand nombre d’intervenants :
Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4, [2015] 1 R.C.S. 245 (portée du droit de grève au regard du droit constitutionnel à la liberté d’association)
Procureur général du Canada,
Procureur général de l’Ontario,
Procureur général du Québec,
Procureur général de la Colombie-Britannique,
Procureur général de l’Alberta,
Procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador,
Saskatchewan Union of Nurses,
SEIU-West,
United Nurses of Alberta,
Alberta Federation of Labour,
Institut professionnel de la fonction publique du Canada,
Canadian Constitution Foundation,
Association des pilotes d’Air Canada,
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique,
Conseil du patronat du Québec, Conseil canadien des employeurs,
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,
Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale,
British Columbia Teachers’Federation,
Hospital Employees’Union,
Congrès du travail du Canada,
Alliance de la Fonction publique du Canada,
Alberta Union of Provincial Employees,
Confédération des syndicats nationaux,
Regina Qu’Appelle Regional Health Authority,
Cypress Regional Health Authority,
Five Hills Regional Health Authority,
Heartland Regional Health Authority,
Sunrise Regional Health Authority,
Prince Albert Parkland Regional Health Authority,
Saskatoon Regional Health Authority,
Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public,
Société canadienne des postes et Air Canada
Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, [2004] 3 R.C.S. 698, 2004 CSC 79
Procureur général du Canada
Procureur général du Québec
Procureur général de l’Alberta
Commission canadienne des droits de la personne
Commission ontarienne des droits de la personne
Commission des droits de la personne du Manitoba
Association canadienne des libertés civiles
British Columbia Civil Liberties
Association du Barreau canadien
Conférence des évêques catholiques du Canada
Conférence des évêques catholiques de l’Ontario
Église Adventiste du Septième Jour au Canada
Église unie du Canada
Conseil Unitarien du Canada
Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours
Metropolitan Community Church of Toronto
Egale Canada Inc. et Couples Egale
Couples de la Colombie-Britannique
Couples de l’Ontario et le Couple du Québec
Working Group on Civil Unions
Association for Marriage and the Family in Ontario
Coalition canadienne des rabbins libéraux en faveur des mariages entre conjoints de même sexe et
le rabbin Debra Landsberg, en sa qualité de représentante désignée
Fondation en faveur de l’égalité des familles
Mouvement laïque québécois
Coalition pour le mariage civil des couples de même sexe
Interfaith Coalition on Marriage and Family
L’honorable Anne Cools, sénatrice, et Roger Gallaway, membre de la Chambre des communes
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
En principe, toutes les requêtes et les demandes d’autorisation d’appel sont traitées sur la foi du dossier écrit. Toutefois, la Cour tient des audiences pour tous les appels et les renvois du gouverneur en conseil qui lui sont présentés. Puisque toute la preuve a déjà été introduite, et que les questions factuelles ont été entendus et tranchées au procès, la présence de témoins et/ou membres du jury à l’audience n’est pas nécessaire.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
La Cour tient chaque année trois sessions consacrées à l’audition publique des appels. Selon l’article 32 de la Loi, la première session commence le quatrième mardi de janvier ; la seconde, le quatrième mardi d’avril ; et la troisième, le premier mardi d’octobre. En pratique, la Cour change la date d’ouverture de sorte que chaque session commence un lundi. Elle entend généralement des appels pendant dix-huit semaines à raison de deux semaines de session suivies de deux semaines d’interruption.
Un mois sépare deux sessions consécutives. Le calendrier de la Cour reflète la tradition voulant que la Cour siège à partir du premier lundi d’octobre après l’interruption d’été.
Une date provisoire est assignée pour chaque appel une fois l’autorisation d’appel accordée ou l’avis d’appel déposé. Le registraire envoie à toutes les parties une lettre faisant état de la date provisoire et les avisant des délais de dépôt. La Cour entend normalement un appel par jour. La règle 71 impose une stricte limite à la durée des plaidoiries orales en appel.
Selon l’article 79 de la Loi, le registraire tient le rôle des appels inscrits pour audition, suivant les modalités établies par la règle 69. Le rôle est généralement publié deux mois avant le début d’une session.
Les dates d’audition n’y figurent pas. On les trouve sur l’agenda.
C’est d’abord la date provisoire des audiences, établie au moment du dépôt de l’avis d’appel, qui figure à l’agenda. Des modifications fréquentes y sont apportées, selon les besoins de la Cour et des parties.
Le Juge en chef désigne la formation de juges qui entendront chaque appel, sous réserve des exigences de la Loi relatives au quorum et aux inhabilités (art. 25 et 27 à 30 de la Loi). Les neufs juges de la Cour entendent normalement tous les appels, sauf ceux de plein droit, lesquels sont entendus plus
souvent qu’autrement par une formation de cinq juges.
L’audience commence généralement à 9 h 30. La Juge en chef préside les audiences, sinon, c’est le juge avec la plus grande ancienneté qui assume ce rôle.
Le public et les médias peuvent assister à l’audition de tout appel, sauf dans les rares cas où l’audience, ou une partie de celle-ci, doit être tenue à huis clos parce que la loi l’exige ou qu’un juge l’ordonne. (Voir la réponse à la question suivante.)
À moins qu’une ordonnance ne prescrive le contraire, le nombre de procureurs admis à plaider en appel est limité à deux par appelant ou par intimé et à un seul par intervenant. Seul un procureur par appelant est admis à plaider en réplique. Ni les intimés ni les intervenants n’ont le droit de réplique, à moins que la Cour ou un juge n’ordonne le contraire.
La durée des plaidoiries est rigoureusement réglementée. Dans la plupart des cas, les appelants disposent d’une heure, tout comme les intimés. S’il y a plus d’un appelant ou plus d’un intimé, ce temps est réparti entre eux mais aucune partie ne peut dépasser l’heure prescrite sans avoir obtenu une ordonnance à cet égard avant l’audience. Les appelants disposent de cinq minutes pour formuler leur réplique, à moins que leur plaidoirie ait duré moins d’une heure. Le cas échéant, la réplique peut durer 15 minutes de plus. Chacun des procureurs généraux qui intervient en vertu du par. 61(4) des Règles dispose de 10 minutes au plus pour sa plaidoirie sauf ordonnance contraire. Les intervenants admis à plaider en vertu du par. 59(2) des Règles ne peuvent pas dépasser le temps prescrit dans l’ordonnance leur accordant le droit d’intervenir (normalement, entre 5 et 10 minutes ; voir les réponses aux questions 3.5 et suivantes).
Si un juge ou le registraire détermine que la Cour doit entendre une requête relative à un appel le jour où l’appel lui-même est entendu, le temps alloué à la partie qui présente la requête est réduit en conséquence à moins que la Cour, un juge ou le registraire ne rende à ce sujet une ordonnance contraire.
Tous les avocats reçoivent des instructions sur le protocole judiciaire avant les audiences. On les avise, entre autres choses, de se lever à l’appel de leur nom, de procéder lentement aux lectures à haute voix et de parler fort, dans les micros, quand ils s’adressent à la Cour. On leur dit également d’employer les appellations, « Monsieur le Juge » ou « Madame la Juge » pour s’adresser aux juges mais non « Lord », « Lady », ou « Votre Seigneurie ». Enfin, ils doivent porter la toge en cour.
Après les plaidoiries, les juges se retirent à la salle de délibérations pour déterminer l’issue de l’appel [33]. Ils ont alors une discussion informelle, laquelle leur permet de déterminer si la décision sera unanime ou s’il y aura une opinion majoritaire et une dissidence. Lorsqu’ils retournent à la salle d’audience, les juges peuvent rendre leur décision séance tenante. La plupart du temps, cependant, ils annoncent que l’affaire sera prise en délibéré. Il faut compter entre six et sept mois entre la date de l’audience et celle du prononcé du jugement. Les motifs sont ensuite publiés en anglais et en français dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême. Les jugements de la Cour suprême peuvent également être consultés en ligne. (http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/fr/nav.do)
Pour rendre une décision, la règle de la majorité simple s’applique. Le jugement peut être rendu par la Cour, auquel cas la décision est unanime. Il est également possible, s’il y a une décision prise à la majorité, qu’un juge concourt avec les motifs énoncés par un autre juge ou qu’il rédige ses propres motifs expliquant comment il arrive à sa décision. Finalement, un juge peut exprimer sa dissidence au moyen de motifs distincts.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Le public peut assister aux débats dans la salle d’audience. Une tribune publique est située à l’arrière de la salle d’audience à cette fin. Les caméras et les dispositifs d’enregistrement sont cependant interdits.
Certains sièges dans la salle d’audience sont réservés aux membres des médias. Ils peuvent prendre des notes ou enregistrer les procédures, mais n’ont pas le droit de prendre de photos. Ils ont aussi accès à Internet par réseau wifi.
Des écrans de télévision dans la salle d’audience sont branchés sur un réseau de vidéoconférence.
Le réseau a été installé en 1984 pour faciliter les comparutions relatives à des demandes d’autorisation d’appel, lesquelles étaient alors tranchées au terme d’une audience ; on s’en sert aujourd’hui pour les requêtes et pour les appels si les parties le demande, ce qui est plutôt rare. Le réseau est accessible dans toutes les grandes villes du Canada.La règle 11 (2) des Règles de la Cour suprême du Canada prévoit que toutes les parties ont accès à des services de traduction simultanée à toutes les audiences tenues devant la Cour. En conséquence, l’interprétation est offerte à toutes les audiences de la Cour.
Les audiences sont enregistrées sur DVD et diffusées par la CPAC (la Chaîne d’affaires publiques par câble) et webdiffusées en direct par la Cour, sauf lorsque l’instance ne s’y prête pas en raison d’une interdiction de publication ou de considérations relatives à la vie privée. À la fin de l’audience, les parties doivent remplir un questionnaire pour confirmer toute restriction à la diffusion ou webdiffusion future de l’audience.
La Cour dispose d’une salle de presse munie d’un système de télévision en circuit fermé permettant la diffusion des audiences en direct dans les deux langues officielles, ainsi que d’installations permettant l’utilisation d’ordinateurs portatifs. Les mémoires (exposés des arguments) des parties et des intervenants pour les affaires entendues ce jour-là sont mis à la disposition des médias dans la salle de presse. Un casque d’écoute muni d’une fiche normale est requis pour se brancher à la prise audio. La Cour ne fournit pas les casques d’écoute.
Avant le début de chaque nouvelle session, l’adjoint exécutif juridique de la Cour tient une séance d’information dans la salle de presse de la Cour pour donner un aperçu des questions en litige dans les affaires qui seront entendues. Un avis annonçant la tenue de cette séance est envoyé à la Tribune de la presse parlementaire canadienne (TPPC), qui en informe à son tour ses membres. Les membres des médias qui ne font pas partie de la TPPC peuvent, en s’adressant à l’adjoint exécutif juridique, demander que leur nom soit ajouté à une liste d’envoi leur permettant de recevoir directement les avis.
Chaque fois que la Cour dépose des motifs de jugement à l’égard d’un appel, une séance d’information est tenue à l’intention des médias pour les aider à bien comprendre les motifs de la décision. Il n’y a pas de séance d’information lorsque la décision est rendue à l’audience sans motifs. Les séances d’information ont lieu dans la salle de presse de la Cour le matin où la décision est déposée. Des copies des motifs de jugement sont distribuées lors de la séance d’information. Des copies des mémoires (exposés des arguments) des parties et des intervenants peuvent être consultées dans la salle de presse.
Les séances d’information à l’intention des médias sont tenues à titre d’information seulement et les propos tenus par le responsable de la séance ne peuvent pas lui être attribués.
Certains des appels entendus par la Cour suscitent un intérêt plus grand de la part du public et des médias et, en raison de leur complexité, une séance d’information plus longue peut être avantageuse.
La Cour a instauré en 2003 une procédure permettant la tenue de huis clos pour certaines affaires importantes et complexes. La Cour peut autoriser la tenue d’un huis clos, mais seulement si les avocats des parties y consentent et si la Cour décide qu’il s’agit d’une mesure appropriée.
À l’occasion du huis clos, les membres agréés de la TPPC sont informés de la décision avant qu’elle soit communiquée au grand public. Seuls les membres agréés de la TPPC ont le droit d’assister aux huis clos. Les avocats des parties et les intervenants peuvent choisir de participer à un huis clos distinct à leur intention. Toutes les personnes qui assistent au huis clos doivent remettre leurs appareils de communication électronique, comme les téléphones cellulaires et les appareils de communication de poche, et s’engager à ne pas communiquer avec quiconque à l’extérieur de la salle du huis clos jusqu’à ce que celui-ci ait pris fin. Le huis clos se termine lorsque la décision est communiquée au public, généralement à 9 h 45 (heure de l’Est).
Les demandes de huis clos sont présentées par le président de la Tribune de la presse parlementaire canadienne ou la personne qu’il désigne. Pour de plus amples renseignements, voir la Procédure de huis clos (http://www.scc-csc.ca/news-nouv/media/lu-hc-fra.aspx).
La Cour offre aussi au public des visites guidées menées par des étudiants en droit. Lorsque la Cour siège, il est possible d’assister à l’audition d’un appel. Des activités spéciales sont offertes aux enseignants et à leurs élèves. Les enseignants peuvent aussi obtenir une trousse éducative téléchargeable (http://www.scc-csc.ca/res/education/kit-trousse/index-fra.aspx).
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
La Loi sur la Cour suprême est en grande partie muette au sujet du principe de la publicité des débats judiciaires, des interdictions de publication et des mesures semblables. Le principe de l’ouverture des débats judiciaires (« open courts principle ») reconnu en common law jouit toutefois d’un statut constitutionnel au Canada. Par conséquent, sauf exception, les procédures et débats 35 sont intégralement publics. Les délibérations demeurent toutefois assujetties au secret.
Les Règles et les Lignes directrices pour la préparation des documents à déposer à la Cour suprême du Canada (versions imprimée et électronique) (http://www.scc-csc.ca/ar-lr/gl-ld2014-01-01-fra.aspx) prévoient des normes précises applicables aux documents sensibles, et ce, tant à l’étape de la demande d’autorisation d’appel qu’à celle de l’appel. En règle générale, la partie qui dépose un document sensible doit informer la Cour qu’il renferme des renseignements auxquels une restriction limite l’accès du public.
Aux termes des Règles, les parties à une demande d’autorisation d’appel doivent déposer, conformément à l’alinéa 23 (1) a), une attestation indiquant :
a) une attestation conforme au formulaire 23A indiquant :
(i) si une ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité rendue par un tribunal d’instance inférieure ou par la Cour est en vigueur dans le dossier et si un document déposé contient des 35. Dans l’affaire R. c. A. et al., [1990] 1 R.C.S. 992, la cour a tenu une audience à huis clos afin d’assurer la sécurité des
appelants. Les documents ont éventuellement été rendus publics.
renseignements qui sont soit visés par une ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité, soit classés comme confidentiels aux termes de dispositions législatives, (ii) s’il existe, aux termes d’une ordonnance ou d’une disposition législative, une obligation de non-publication de la preuve ou du nom ou de l’identité d’une partie ou d’un témoin et si un document déposé contient des renseignements visés par cette obligation, (iii) s’il existe, aux termes d’une disposition législative, une restriction qui limite l’accès du public à certains renseignements et si un document déposé contient des renseignements visés par cette restriction ;
Les parties doivent également déposer une copie de toute ordonnance visée en (i) et (ii) ou des dispositions législatives applicables visées aux sous-alinéas (i) à (iii).L’article 19.1 des Règles porte précisément sur le dépôt de documents scellés à la Cour. Il est ainsi libellé :
19.1 (1) S’il fait l’objet d’un dépôt, tout document visé par une ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité d’un tribunal d’instance inférieure ou de la Cour ou tout document classé comme confidentiel aux termes de dispositions législatives est remis dans une enveloppe scellée et accompagné d’une lettre explicative et d’une copie de l’ordonnance de mise sous scellés, de l’ordonnance de confidentialité ou des dispositions législatives applicables.
(2) Si les documents ci-après font l’objet de dépôt, ils sont remis dans une enveloppe scellée et accompagnés d’une copie épurée de la version électronique, si celle-ci est exigée par les présentes règles, et de deux copies épurées de la version imprimée :
a) tout document qui contient, soit un document visé par une ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité d’un tribunal d’instance inférieure ou de la Cour, soit un document classé comme confidentiel aux termes de dispositions législatives ;
b) tout document qui contient des renseignements qui sont, soit visés par une ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité d’un tribunal d’instance inférieure ou de la Cour, soit classés comme confidentiels aux termes de dispositions législatives ;
c) tout document dont une partie demande la mise sous scellés.(3) Les documents visés aux alinéas (2) b) ou c) sont accompagnés d’une requête demandant au registraire d’en ordonner la mise sous scellés.
La partie qui dépose un document exigé par les Règles contenant ou révélant des renseignements mis sous scellés ou confidentiels doit déposer une requête en mise sous scellés auprès du registraire.
Il peut s’agir d’un mémoire accompagnant la demande d’autorisation d’appel, d’une réponse, d’une réplique ou d’un mémoire accompagnant l’appel. Les requêtes en mise sous scellés sont présentées conformément à l’article 47 des Règles (requêtes à un juge ou au registraire). En principe, la Cour respecte l’ordonnance de mise sous scellés ou de confidentialité rendue par une autre juridiction.
Les Lignes directrices exposent précisément aux parties la marche à suivre si leur document contient des renseignements ne devant pas être rendus publics. Les parties sont tenues de déposer des versions épurées de tout document ou dossier scellé, à moins d’ordonnance contraire. La version épurée d’un document ou dossier judiciaire déposée est versée au dossier et rendue publique.
Les parties à un appel doivent déposer une copie imprimée et une copie électronique de leurs documents.
La copie électronique doit être accompagnée du formulaire de dépôt électronique servant à aviser la Cour si le document ou le dossier judiciaire :
(i) contient des renseignements visés par une interdiction de publication ;
(ii) contient ou révèle des renseignements visés par une ordonnance de mise sous scellés ou une ordonnance de confidentialité ; des renseignements auxquels une restriction limite l’accès du public ou des renseignements qui sont confidentiels ;
(iii) contient des données personnelles nominatives ou des renseignements personnels qui, s’ils sont conjugués au nom d’une personne et sont affichés sur Internet, pourraient constituer une menace sérieuse pour la sécurité de celle-ci.
Comme il est mentionné précédemment, les copies destinées au public sont exemptes de renseignements ne devant pas être rendus publics. Les versions électroniques des mémoires sont affichées sur le site Internet de la Cour. Les meilleures pratiques veulent que, lorsque c’est possible, les mémoires ne contiennent pas :
a) de renseignements visés par une interdiction de publication ;
b) de données personnelles nominatives ni de renseignements personnels qui, s’ils sont combinés au nom de la personne et sont mis largement à la disposition du public, pourraient créer une menace sérieuse pour la sécurité de cette personne. (Voir, à ce sujet, les art. 5.2 et 5.3 de la Politique sur l’accès aux documents judiciaires de la Cour suprême du Canada. (http://www.scc-csc.ca/case-dossier/rec-doc/pol-fra.aspx)
Si le mémoire renferme ce type de renseignements, les Lignes directrices exigent des parties qu’elles produisent une version électronique épurée de laquelle les renseignements sensibles auront été retranchés en vue de l’affichage sur le site Internet de la Cour.
Les audiences sont enregistrées sur DVD et diffusées par la CPAC (la Chaîne d’affaires publiques par câble) et webdiffusées en direct par la Cour, sauf lorsque l’instance ne s’y prête pas en raison d’une interdiction de publication ou de considérations relatives à la vie privée. À la fin de l’audience, les parties doivent remplir un questionnaire pour confirmer toute restriction à la diffusion ou webdiffusion future de l’audience.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Une partie peut agir en son propre non ou être représentée par procureur (règle 15 (2)). Toutefois, les personnes morales, sociétés de personnes ou associations sans personnalité morale sont en principe tenues d’être représentées par procureur (règle 15 (3)). En outre, les parties à un appel ou à un renvoi devant la Cour sont tenues de traiter avec le registraire par l’intermédiaire d’un correspondant
(règle 16 (1)).
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Voir les réponses aux questions 1.5, 1.6 et 4.5.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
En principe, le contradictoire ne se poursuit pas après l’audience et une fois l’affaire prise en délibéré.
Il arrive toutefois que les parties souhaitent déposer du matériel additionnel après la conclusion de l’audience et avant le prononcé du jugement, par exemple pour répondre à des questions posées par les juges à l’audience, pour attirer l’attention de la Cour sur des développements jurisprudentiels ou encore pour apporter d’autres précisions. Cela est permis lorsque les parties y consentent ou encore lorsque la Cour l’ordonne.
Une procédure plus formelle de ré-audition des appels est prévue par la règle 76. Une requête écrite doit être déposée, la partie adverse peur répondre dans les quinze jours, et il y a un droit de réplique. Si la Cour ordonne une nouvelle audition, elle le fait aux conditions qui permettent le bon déroulement de l’audience. La raison d’être de ce pouvoir de réentendre un appel tient au caractère final des décisions de la Cour et de l’importance d’éviter les erreurs.
La Cour peut aussi, de son propre chef, convoquer les parties à une nouvelle audition afin d’entendre les parties sur une question qui n’a pas entièrement été traitée à l’audience, ou encore sur une nouveau point. En pratique, la Cour peut aussi, de son propre chef, demander aux parties de fournir des arguments écrits additionnels après la clôture de l’audience. C’est le registraire qui communique alors avec les parties, sous la direction de la Cour.
Dans quelques cas, plutôt que de convoquer les parties à une nouvelle audience, la Cour a réentendu un appel, du consentement des parties, en visionnant l’enregistrement de l’audition initiale. Dans l’affaire Brian Conception c. Sa Majesté la Reine, et al. (dossier 34930 ; 8 juillet 2014), par exemple, la Cour avait entendu l’appel initial avec une formation de huit juges. Après la nomination d’un neuvième juge, la Cour a informé les parties que le nouveau juge participerait à l’affaire en étudiant le dossier et visionnant l’enregistrement de l’audition. Le cas échéant, le juge poserait ses questions aux parties par écrit, avec droit de réponse et réplique.
Enfin, la taxation des dépens peut donner lieu à une ultime procédure contradictoire. Le Registraire peut ordonner la production des livres, documents et pièces qu’il estime nécessaires aux fins de la taxation des dépens (r. 83 (8)). La contestation de la taxation des dépens, le cas échéant, est régie par les règles 83 et 84. Elle se fait en principe par écrit, sous forme de lettre (r. 83 (3), 84 (1)) ou par requête (r. 84 (2)). Dans ce dernier cas, la contestation est tranchée selon la preuve déposée auprès du registraire, et aucune preuve supplémentaire n’est en principe admise (r. 84 (3)).V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?Le site Internet de la Cour suprême du Canada est à l’adresse suivante :http://www.scc-csc.ca/home-accueil/index-fra.aspxOn retrouve les jugements de la Cour à l’adresse suivante : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/nav_date.do
-
[1]
L’appel au Comité judiciaire du Conseil privé au Royaume-Uni en matière criminelle a été aboli en 1933 et il en a été de même en 1949 dans toutes les autres matières. [Retour au contenu] -
[2]
Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21, [2014] 1 R.C.S. 433, par. 94. [Retour au contenu] -
[3]
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 691-695 ; loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3, par. 183(3) et art. 194 ; loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, art. 532 ; loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 : par. 37(7) et 38(4) ; loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, ch. C-36, art. 15 ; loi sur les liquidations et les restructurations, L.R.C. 1985, ch. W-11, art. 107. [Retour au contenu] -
[4]
Voir le par. 53(1), (2) et (3) et, par exemple, le renvoi relatif à Milgaard (Can.), [1992] 1 R.C.S. 866, le renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, 2004 CSC 79, [2004] 3 R.C.S. 698, le renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, le renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32, [2014] 1 R.C.S 704, et le Renvoi relatif aux articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, 2014 CSC 21, [2014] 1 R.C.S. 433. [Retour au contenu] -
[5]
Jean-Claude Royer, La preuve civile 3e éd., Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2003, à la p. 20. [Retour au contenu] -
[6]
Yves-Marie Morissette, « (Dé)-judiciarisation, (dé) juridicisation et accès à la justice » (1991), 51 R. du B. 585. [Retour au contenu] -
[7]
Voir, généralement, H. Brown, Supreme Court of Canada Practice, 2015, (Toronto : Carswell, 2014), p. 31. [Retour au contenu] -
[8]
J. Sopinka et M.A. Gelowitz, The Conduct of an Appeal 2e éd., 2000, p. 38-39. [Retour au contenu] -
[9]
R. c. Hinse, [1995] 4 R.C.S. 597, par. 8. [Retour au contenu] -
[10]
Par exemple, après avoir rejeté la demande d’autorisation d’appel, la Cour a accordé la permission d’appel dans une affaire soulevant la même question de droit. Voir, p. ex., B010 c. Canada (Citoyenneté et immigration), 2015 CSC 58, [2015] 3 R.C.S. 704. [Retour au contenu] -
[11]
Stubicar c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2014 CSC 38, [2014] 2 R.C.S. 104. [Retour au contenu] -
[12]
Baker c. Canada (ministre de la citoyenneté et de l’immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, par. 70. Voir aussi Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4, [2015] 1 R.C.S. 245, où la Cour interprète la liberté d’association protégée par la Charte canadienne des droits et libertés et la portée du droit de grève à la lumière des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Voir, enfin, le renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alta.), [1987] 1 R.C.S. 313, par. 59-60. [Retour au contenu] -
[13]
Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, par. 137. [Retour au contenu] -
[14]
14. Résolution de septembre 1985 du Conseil canadien de la magistrature. La loi et les règles de procédure peuvent fixer un délai dans lequel le jugement doit être rendu : voir par ex. l’art. 324 du code de procédure civile du Québec, lequel impose un délai de six mois en matière civile pour les affaires contentieuses. Le délai peut être prorogé par le Juge en chef. [Retour au contenu] -
[15]
. Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332, 2004 CSC 43, par. 23 et suivants. [Retour au contenu] -
[16]
Dans l’affaire R. c. A. et al., [1990] 1 R.C.S. 992, la cour a tenu une audience à huis clos afin d’assurer la sécurité des appelants. Les documents ont éventuellement été rendus publics. [Retour au contenu] -
[17]
Corbiere c. Canada (Ministre des affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, par. 49, Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 57. [Retour au contenu] -
[18]
Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60 ; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 59. [Retour au contenu] -
[19]
19. Voir l’art. 44 de la Loi et la règle 63 ; voir également R. c. Kelly, [2001] 1 R.C.S. 741 ; Nagra c. Canada (Secrétaire d’État), C.S.C., no 24097, 30 juin 1994 (publié dans le Bulletin des procédures de la Cour suprême, 1994, p. 1157) ; R. c. Curragh Inc., C.S.C., no 24641, 5 avril 1995 (publié dans le Bulletin des procédures de la Cour suprême, 1995, p. 683) ; R. c. Meddoui, [1991] 3 R.C.S. ix ; R. c. Pilon, [1990] 3 R.C.S. 1422 ; et R. c. Jensen, [1997] 1 R.C.S. 304. [Retour au contenu] -
[20]
Voir Therrien c. Québec (ministre de la justice et Procureur général), no 27004, 17 juin 1999 (publié dans le Bulletin des procédures de la Cour suprême, 1999, p. 993) ; R.C. c. Québec (Procureur général), [2002] 2 R.C.S. 762. [Retour au contenu] -
[21]
Voir : Ontario c. Criminal Lawyers’Association of Ontario, 2013 SCC 43, [2013] 3 S.C.R. 3. [Retour au contenu] -
[22]
R. c. Trask, [1987] 2 R.C.S. 304. [Retour au contenu] -
[23]
R. c. Olan, [1977] A.C.S. no 1 (QL) ; voir aussi R. c. C.A.M., [1996] 1 R.C.S. 500. [Retour au contenu] -
[24]
R. c. Trask, [1987] 2 R.C.S. 304.24. R. c. Trask, [1987] 2 R.C.S. 304. [Retour au contenu] -
[25]
Voir Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326. [Retour au contenu] -
[26]
Voir Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 37 ; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des douanes et du Revenu), 2007 CSC 2, [2007] 1 R.C.S. 38. [Retour au contenu] -
[27]
Pour connaître les principaux généraux de cette base de taxation, voir Mackin c. Nouveau-Brunswick (ministre des finances) ; Rice c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405 ; et Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3. [Retour au contenu] -
[28]
Voir p. ex., Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, décision dans laquelle la Cour a adjugé « des dépens spéciaux sur la base de l’indemnisation intégrale » comme l’expriment les tribunaux de la Colombie-Britannique [Retour au contenu] -
[29]
Voir Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 ; Ford c. Québec, [1988] 2 R.C.S. 712. [Retour au contenu] -
[30]
MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, p. 361. [Retour au contenu] -
[31]
Paragraphe 59(3) des Règles ; renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, p. 487. [Retour au contenu] -
[32]
Alliance for Marriage and Family, c. A.A. 2007 CSC 40, [2007] 3 R.C.S. 124. [Retour au contenu] -
[33]
34. Voir Bertha Wilson, « Decision-Making in the Supreme Court » (1986), 36 U.T.L.J. 227 ; Greene, Baar, McCormick, Szablowski et Thomas, Final Appeal – Decision-Making in Canadian Courts of Appeal, James Lorimer & Co Ltd., Toronto, 1998, pp. 100-120 ; Wewaykum Indian Band c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259. [Retour au contenu]
Cour constitutionnelle du Congo
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?Non, le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle de la République du Congo n’est pas discuté. D’ailleurs, l’article 175, alinéas 1 et 2 de la Constitution de la République du Congo du 25 octobre 2015 dispose :
« La Cour constitutionnelle est la haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle.
« Elle est juge de la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux ».Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?La loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, en ses articles 26 alinéa 2 et 27, reconnaît, pleinement, la notion de « parties ».
Lesdits articles disposent, en effet :
Article 26, alinéa 2 : « Le rapporteur instruit l’affaire. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus. Il peut, dans le respect des droits de la défense, ordonner la communication des pièces, entendre les requérants, les parties adverses, tout sachant et, d’une manière générale, prendre toutes
mesures d’instruction utiles ».
Article 27 : « Les conseils sont autorisés à présenter, oralement, les mémoires des parties devant la Cour constitutionnelle. Il ne s’en suit aucun débat ».
Cependant, même si la notion de « procès » n’apparaît pas, expressément, des textes qui régissent la Cour constitutionnelle, les règles d’organisation de la procédure à suivre devant cette juridiction indiquent que le jugement des affaires qui y sont introduites s’opère dans le cadre du procès constitutionnel qui est, schématiquement, le lieu où s’élaborent les décisions du juge constitutionnel.La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?La procédure devant la Cour constitutionnelle de la République du Congo est à la fois accusatoire et inquisitoire.
Elle est accusatoire en ce que le procès constitutionnel est, avant tout, l’affaire du requérant ou des parties à qui incombe l’initiative du procès et la charge de la preuve. Ces cas sont prévus aux articles 44, alinéa 1 et 56 de la loi organique sus citée.
Article 44, alinéa 1 : « Le recours en inconstitutionnalité n’est soumis à aucun délai. Il est valablement introduit par un écrit quelconque pourvu que celui-ci permette l’identification : nom, prénoms, date et lieu de naissance, profession et localisation adresse du requérant et soit assez explicite en ce qui concerne l’acte ou la disposition dont l’inconstitutionnalité est alléguée et la disposition ou la norme onstitutionnelle dont la violation est invoquée » ;
Article 56 : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, contenir les noms, prénoms, la date et lieu de naissance, la profession et l’adresse du requérant ainsi que les nom et prénoms de l’élu dont l’élection est contestée.
« La requête doit, en outre, contenir un exposé des faits et les textes invoqués pour l’annulation.
« A la requête doivent être annexées les pièces produites au soutien des moyens.
« La requête n’a pas d’effet suspensif. Elle est soumise aux frais de timbre et d’enregistrement ».
La procédure est, par ailleurs, inquisitoire en ce que le juge constitutionnel congolais dispose de très larges pouvoirs en matière d’instruction. Les articles 26, alinéa 2, 59 et 60 de la loi organique précitée sont, à cet égard, édifiants :
Article 26, alinéa 2 : « Le rapporteur instruit l’affaire. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus. Il peut, dans le respect des droits de la défense, ordonner la communication des pièces, entendre les requérants, les parties adverses, tout sachant et, d’une manière générale, prendre toutes mesures d’instruction utiles ».
Article 59 : « La Cour constitutionnelle peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’élection.
« Un membre de la Cour constitutionnelle est désigné pour recevoir, sous serment, les déclarations des témoins. Procès-verbal est dressé par le membre de la Cour constitutionnelle et communiqué aux intéressés qui ont un délai de huit jours pour déposer leurs observations écrites ».
Article 60 : « La Cour constitutionnelle peut commettre l’un de ses membres pour procéder, sur place, à d’autres mesures d’instruction ».
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure devant la Cour constitutionnelle est, explicitement, consacré par les articles 26, alinéa 2, 55, alinéa 2 et 58 de la loi organique sus citée :
Article 26, alinéa 2 : « Le rapporteur instruit l’affaire. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus. Il peut, dans le respect des droits de la défense, ordonner la communication des pièces, entendre les requérants, les parties adverses, tout sachant et, d’une manière générale, prendre toutes mesures d’instruction utiles » ;
Article 55, alinéa 2 : « Le secrétaire général de la Cour constitutionnelle donne immédiatement avis à l’Assemblée nationale, au Sénat et au défendeur de la requête dont la Cour constitutionnelle est saisie » ;
Article 58 : « Lorsqu’il y a lieu à instruction contradictoire, avis est donné à la personne dont l’élection est contestée. La Cour constitutionnelle lui impartit un délai de quinze jours pour prendre connaissance de la requête et des pièces au secrétariat général de la Cour constitutionnelle et produire
ses observations écrites ».
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle réglemente les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction. Il en est le cas des articles 26 et 44, alinéas 2 à 6 de ladite loi.
Article 26 : « A l’occasion de l’examen de chaque affaire dont la Cour constitutionnelle est saisie, le président nomme un rapporteur parmi les membres de la Cour.
« Le rapporteur instruit l’affaire. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus. Il peut, dans le respect des droits de la défense, ordonner la communication des pièces, entendre les requérants, les parties adverses, tout sachant et, d’une manière générale, prendre toutes mesures d’instruction utiles.
« Le rapporteur fait constituer le dossier par le secrétaire général. Il fait rapport à la Cour constitutionnelle après distribution de son rapport écrit aux autres membres de la Cour constitutionnelle.
« La Cour constitutionnelle prend sa décision ou ordonne des mesures d’instruction supplémentaires, en cas de besoin » ;
Article 44, alinéa 2 à 6 : « À l’issue de l’instruction, le rapporteur établit un rapport et un projet de décision qui sont soumis à l’approbation de l’ensemble des membres de la Cour constitutionnelle.
« Après lecture du rapport et, éventuellement, l’audition des parties ou de leurs conseils, les débats s’ouvrent entre les membres de la Cour constitutionnelle.
« Le président de la Cour constitutionnelle dirige les débats et prononce leur clôture.
« Après la clôture des débats, la Cour constitutionnelle statue sur les recours.
« La Cour constitutionnelle se prononce dans le délai d’un mois à compter de l’introduction du recours. Ce délai est réduit à dix jours à la demande expresse du requérant ».
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.Pour l’instant, il n’existe pas de coutumes ou usages internes à l’institution relativement à la procédure d’instruction.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Cour constitutionnelle n’a qu’une compétence d’attribution. Elle la tient de la Constitution et de la loi organique précitée. Dans le préambule de la Constitution, il est, par exemple, énoncé que tous les textes nationaux et internationaux pertinents, dûment ratifiés, relatifs aux droits humains en font partie intégrante. Il en résulte que la Cour constitutionnelle prend en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire dans la mesure où ces exigences font l’objet d’instruments juridiques internationaux pertinents qui ont, par la suite, été ratifiés par la République du Congo.
Il va de soi que les exigences du principe du contradictoire s’appliquent à toutes les compétences de la Cour constitutionnelle (contentieuse et consultative).
La Cour se prononce-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La Cour constitutionnelle se prononce dans un délai de trois mois à compter de l’introduction du recours lorsqu’elle est saisie pour interpréter les dispositions constitutionnelles. Ce délai est réduit à vingt jours lorsque l’acte introductif du recours mentionne qu’il y a urgence (article 36, alinéas 1 et 2 de la loi organique).
En matière de contrôle de constitutionnalité des lois, la Cour constitutionnelle statue dans un délai d’un mois. Toutefois, à la demande expresse du requérant, ce délai peut être réduit à dix jours (article 44, alinéa 6 de la loi organique).
Concernant l’élection du président de la République, si aucune contestation n’a été soulevée dans le délai de cinq jours suivant la proclamation des résultats provisoires et si la Cour constitutionnelle, saisie d’office, estime que l’élection n’est entachée d’aucune irrégularité de nature à entraîner l’annulation du scrutin, elle proclame les résultats définitifs de celle-ci dans les quinze jours suivant sa saisine.
En cas de contestation, la Cour constitutionnelle statue dans un délai de jours à compter de sa saisine et proclame les résultats définitifs (article 72 de la Constitution).
Il en infère que le délai moyen de jugement est de dix jours.
Le délai concernant, par exemple, la proclamation de l’élection du président de la République peut constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire.
En effet, l’article 58 de la loi organique dispose que « Lorsqu’il y a lieu à instruction contradictoire, avis est donné à la personne dont l’élection est contestée. La Cour constitutionnelle lui impartit un délai de quinze jours pour prendre connaissance de la requête et des pièces au secrétariat général de la Cour constitutionnelle et produire ses observations écrites ».
Or, le délai impartit à la Cour constitutionnelle pour proclamer les résultats définitifs de l’élection du président de la République est fixé à quinze jours par l’article 72 sus cité de la Constitution. Il est évident qu’il semble délicat d’organiser le contradictoire dans le délai de quinze jours au regard des
articles 72 de la Constitution et 58 de la loi organique.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le bureau des requêtes et de l’information du secrétariat général de la Cour constitutionnelle fait office de greffe. À ce titre, il a pour mission d’enregistrer les recours, de procéder aux notifications et d’assurer la communication et l’échange de pièces. Pour l’instant, la procédure, au niveau de la Cour constitutionnelle, n’est pas encore dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Il n’y a pas de spécificité majeure entre la Cour constitutionnelle et les autres juridictions supérieures du pays dans l’organisation du contradictoire.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvus de communication
aux parties ?
L’instruction définitive devant la barre de la Cour constitutionnelle se déroule au cours d’une audience publique.
Cependant les actes relatifs à l’instruction préparatoire, telle que prévue aux articles 26, alinéa 2, 44, alinéa 2 et 58 de la loi organique supra citée, quoique communiqués aux parties, restent placés sous le secret de l’instruction.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse est le même depuis la création de la Cour. La loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle n’a, à ce jour, connu aucune modification.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
La Constitution du 25 octobre 2015 ainsi que la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle consacrent, pleinement, le principe du contradictoire et plus globalement les droits de la défense. Ce sont des composantes du procès équitable que la Cour constitutionnelle considère comme des standards du procès constitutionnel.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
L’organisation du contradictoire au sein de la Cour constitutionnelle est, relativement, satisfaisante mais elle est, certainement, perfectible si l’on parvenait à la dématérialiser.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Lorsqu’il s’agit d’un recours ayant trait au contentieux électoral, le secrétaire général de la Cour constitutionnelle donne immédiatement avis à l’Assemblée nationale, au Sénat et au défendeur de la requête dont la Cour constitutionnelle est saisie (article 55, alinéa 2 de la loi organique). Le secrétaire général y procède au moyen d’une lettre administrative.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
La Cour constitutionnelle de la République du Congo peut rejeter une requête sans débat contradictoire.
Ce cas est prévu par l’article 57 de la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle qui dispose que « La Cour constitutionnelle, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui, manifestement, ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection. La décision est aussitôt notifiée au requérant, à l’Assemblée nationale et au Sénat ».
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
La Constitution et la loi organique précitées ne prévoient aucune autorité pour assurer la défense de la loi dans le cadre du contrôle de constitutionnalité.
La situation n’est, assurément, pas satisfaisante (il aurait été, en effet, souhaitable d’avoir auprès de la Cour constitutionnelle l’équivalent d’un commissaire du gouvernement ou d’un procureur).
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Le délai de production des observations est de quinze ou de huit jours lorsqu’il s’agit du contentieux électoral. C’est ce que prévoient les articles 58 et 59 de la loi organique précitée :
Article 58 : « Lorsqu’il y a lieu à instruction contradictoire, avis est donné à la personne dont l’élection est contestée. La Cour constitutionnelle lui impartit un délai de quinze jours pour prendre connaissance de la requête et des pièces au secrétariat général de la Cour constitutionnelle et produire ses observations écrites ».
Article 59 : « La Cour constitutionnelle peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’élection.
« Un membre de la Cour constitutionnelle est désigné pour recevoir, sous serment, les déclarations des témoins. Procès-verbal est dressé par le membre de la Cour constitutionnelle et communiqué aux intéressés qui ont un délai de huit jours pour déposer leurs observations écrites ».
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, aux termes de l’article 55, alinéa 3 de la loi organique, « Les mandataires, constitués par le requérant, ne peuvent intervenir qu’à l’occasion des actes ultérieurs de procédure ». La tendance générale est que, en matière de contentieux électoral, les parties sont souvent représentées par des avocats.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il n’y a, pour l’instant, aucun mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour constitutionnelle.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Non. Les textes relatifs à la procédure devant la Cour constitutionnelle ne prévoient pas la condamnation du requérant ou des parties aux frais irrépétibles, encore moins aux dépens.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
L’instruction des affaires soumises à la Cour constitutionnelle, de l’ouverture à la clôture, est encadrée par les articles 26, 58, 59, 60 et 61 de la loi organique.
Article 26 : « À l’occasion de l’examen de chaque affaire dont la Cour constitutionnelle est saisie, le président nomme un rapporteur parmi les membres de la Cour.
« Le rapporteur instruit l’affaire. Il dispose des pouvoirs d’investigation les plus étendus. Il peut, dans le respect des droits de la défense, ordonner la communication des pièces, entendre les requérants, les parties adverses, tout sachant et, d’une manière générale, prendre toutes mesures d’instruction utiles.
« Le rapporteur fait constituer le dossier par le secrétaire général. Il fait rapport à la Cour constitutionnelle après distribution de son rapport écrit aux autres membres de la Cour constitutionnelle.
« La Cour constitutionnelle prend sa décision ou ordonne des mesures d’instruction supplémentaires, en cas de besoin ».
Article 58 : « Lorsqu’il y a lieu à instruction contradictoire, avis est donné à la personne dont l’élection est contestée. La Cour constitutionnelle lui impartit un délai de quinze jours pour prendre connaissance de la requête et des pièces au secrétariat général de la Cour constitutionnelle et produire ses observations écrites ».
Article 59 : « La Cour constitutionnelle peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’élection.
« Un membre de la Cour constitutionnelle est désigné pour recevoir, sous serment, les déclarations des témoins. Procès-verbal est dressé par le membre de la Cour constitutionnelle et communiqué aux intéressés qui ont un délai de huit jours pour déposer leurs observations écrites ».
Article 60 : « La Cour constitutionnelle peut commettre l’un de ses membres pour procéder, sur place, à d’autres mesures d’instruction ».
Article 61 : « Dès réception de ces observations ou à l’expiration du délai imparti pour les produire, l’affaire est rapportée devant la Cour constitutionnelle qui statue par une décision motivée. La décision est aussitôt notifiée au requérant, ou à l’Assemblée nationale ou au Sénat et à l’élu dont l’élection est contestée ».
La réouverture de l’instruction n’est prévue par aucun texte.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La Cour constitutionnelle peut relever d’office son incompétence ou un moyen d’irrecevabilité. Elle se fonde, pour cela, sur la Constitution et la loi organique qui fixent sa compétence d’attribution ainsi que le formalisme que doit respecter une requête, un recours ou un requérant. Il est vrai que la Cour constitutionnelle prononce beaucoup de décisions d’incompétence ou d’irrecevabilité.
En ce qui concerne, par exemple, le recours en inconstitutionnalité, l’article 44, alinéa 1er de la loi organique prévoit : « Le recours en inconstitutionnalité n’est soumis à aucun délai. Il est valablement introduit par un écrit quelconque pourvu que celui-ci permette l’identification : nom, prénoms, date et lieu de naissance, profession et localisation, adresse du requérant et soit assez explicite en ce qui concerne l’acte ou la disposition dont l’inconstitutionnalité est alléguée et la disposition ou la norme constitutionnelle dont la violation est invoquée ».
L’inobservation de cette disposition par un requérant expose, d’office, son recours à l’irrecevabilité.
En matière de contentieux électoral, l’article 56 de la loi organique est explicite : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, contenir les nom, prénoms, la date et lieu de naissance, la profession et l’adresse du requérant ainsi que les nom et prénoms de l’élu dont l’élection est contestée.
« La requête doit, en outre, contenir un exposé des faits et les textes invoqués pour l’annulation.
« À la requête doivent être annexées les pièces produites au soutien des moyens.
« La requête n’a pas d’effet suspensif. Elle est soumise aux frais de timbre et d’enregistrement ».
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ?
En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
L’instruction des affaires soumises à la Cour constitutionnelle reste encadrée par les articles 26, 58, 59, 60 et 61 de la loi organique comme étayé dans la réponse à la question « 2.8 ».
Ces dispositions ne citent pas dans le détail les différentes mesures d’instruction qui peuvent être ordonnées par le juge constitutionnel. Elles relèvent, donc, de son pouvoir discrétionnaire (toute mesure d’instruction utile) et il peut, si besoin, ordonner une expertise, un transport sur les lieux en vue d’une audition ou d’une enquête… Ces mesures sont exécutées dans le respect des droits de la défense et sont, donc, communiquées aux parties.
La Cour constitutionnelle est une juridiction indépendante des autres pouvoirs. Elle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle ne sollicite pas des observations de la part des autres juridictions supérieures de l’État. Cette réponse est valable pour la question « 3.3 ».
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-t-elle à des enquêtes, constats et / ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
La Cour constitutionnelle n’est pas dotée, en propre, des moyens d’investigation mais elle peut y procéder, si elle n’est pas gênée par le respect des délais de reddition de sa décision.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Même si elle n’y a pas encore procédé, en matière de contrôle de constitutionnalité et dans d’autres matières relevant de sa compétence d’attribution, la Cour constitutionnelle peut, si elle le juge nécessaire, recourir à une audition pendant la phase de l’instruction préparatoire ou définitive.
La Cour constitutionnelle, s’agissant du contentieux électoral, a, déjà, procédé aux auditions lors de l’instruction définitive à l’audience publique.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Le procès constitutionnel intéresse le requérant et les parties, éventuellement. L’intervention de tiers est, toutefois, possible dans le cadre de l’exécution d’une mesure d’instruction telle que prévue aux articles 26, 58, 59, 60 et 61 précités (cf. réponse à la question 2.8) de la loi organique.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/ sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
En réponse à toutes ces questions (3.6 à 3.9), il sied d’indiquer que la Constitution et la loi organique précitées ne prévoient pas, expressément, des interventions et, par conséquent, leur régime.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La procédure orale est celle prévue par l’article 27 de la loi organique qui dispose que « Les conseils sont autorisés à présenter, oralement, les mémoires des parties devant la Cour constitutionnelle. Il ne s’en suit aucun débat ». Cette procédure concerne, également, l’audition des parties ou de tout sachant devant la Cour constitutionnelle à l’occasion de l’instruction définitive à l’audience.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
La procédure orale permet au juge de comprendre l’affaire dans le détail. Elle contribue, aussi, à vivifier le principe du contradictoire.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
À l’exception de l’article 27 précité de la loi organique, il n’existe pas de règles particulières à la présentation orale des observations.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
La Cour constitutionnelle organise des audiences, selon les cas et en raison de l’importance des affaires, depuis son installation en 2003.
Le jour de l’audience est fixé par le président de la Cour constitutionnelle. Le secrétaire général en avise le requérant ou les parties par voie de presse et au moyen d’une notification à personne ou à domicile.Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Les audiences de la Cour constitutionnelle se déroulent dans sa salle d’audience en présence des organes de presse invités par la Cour et ceux qui se présentent spontanément (radios, télévisions, presse écrite) ainsi que du public. Les décisions et avis de la Cour constitutionnelle sont notifiés aux parties, publiés sur son site Internet dont l’identifiant est : www.cour-constitutionnelle.cg et au Journal officiel de la République du Congo.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Il n’y a pas de restrictions à la publicité des audiences devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, certaines audiences concernant les affaires de moindre importance sont tenues à huis-clos.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Il n’y a pas de règles particulières en matière de représentation lors de l’audience. En cette matière, les parties sont libres de choisir leur mandataire qui, dans la plupart des cas, sont des avocats. Ces derniers interviennent devant la Cour conformément aux dispositions des articles 27 et 55, alinéa 3 précités de la loi organique.
Article 27 : « Les conseils sont autorisés à présenter, oralement, les mémoires des parties devant la Cour constitutionnelle. Il ne s’en suit aucun débat ».
Article 55 alinéa 3 : « Les mandataires, constitués par le requérant, ne peuvent intervenir qu’à l’occasion des actes ultérieurs de procédure ».
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Les audiences se déroulent de la manière suivante :
les débats sont dirigés par le président de la Cour constitutionnelle ;
- le temps de prise de parole n’est pas limité par les textes mais le président d’audience, qui est le président de la Cour constitutionnelle, peut, dans la pratique, limiter ce temps à cinq minutes ou moins, à sa convenance ;
- Seul le président pose des questions s’il y a lieu. Si les membres ont des questions, ils les transmettent au président sur un support écrit. Le président apprécie s’il y a lieu ou non de poser la question suggérée ;
- À l’audience, le juge-rapporteur n’a pas un rôle particulier ;
- la durée varie d’une audience à une autre. Il y a des audiences qui durent moins d’une journée, une journée ou qui peuvent s’étaler sur des semaines.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Non, la loi organique sur la Cour constitutionnelle ne prévoit pas le recours aux notes en délibéré.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non, le contradictoire ne se poursuit pas après l’audience car le procès constitutionnel prend fin avec le prononcé de la décision de la Cour constitutionnelle. De plus, aux termes de l’article 181, alinéa 2 de la Constitution, « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles
et aux particuliers ».
Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire n’a jamais été discuté. Cette situation est due au fait que ses décisions sont revêtues de l’autorité de la chose jugée et ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles, militaires et à toute personne physique ou morale (art. 15 de la loi organique).
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Les notions de « parties » et de « procès » sont pleinement reconnues au sein du Conseil constitutionnel, aussi bien en matière de contrôle de constitutionnalité qu’en matière électorale.
Cette reconnaissance s’appuie notamment sur les dispositions de l’article 23 du décret relatif à l’institution et les articles 71 et 94 de son règlement intérieur, lesquels font mention du terme « partie », à propos de la procédure devant le Conseil constitutionnel en toute matière.
S’agissant du terme « procès », les textes n’en font pas expressément mention. Mais, il se déduit de l’économie général des textes et notamment à travers le terme « plaideur » figurant à l’article 19 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne le contentieux électoral, l’article 99 du code électoral montre bien que c’est un procès entre parties.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant le Conseil constitutionnel est inquisitoire en matière de contrôle de constitutionnalité (articles 12 et 13 de la loi organique).
En matière de contentieux électoral, elle est essentiellement inquisitoire.
En effet, en cette matière, malgré le rôle primordial du juge dans la conduite du procès, les parties peuvent être entendues, soit devant le rapporteur, soit devant le Conseil constitutionnel (articles 36 à 40 de la loi organique et article 99 du code électoral).
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Oui ! Le principe du contradictoire est consacré par les articles 12 et 13 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel l’article 99 du code électoral.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Les textes réglementent les modalités selon lesquelles le Conseil constitutionnel organise ses travaux, notamment la procédure d’instruction. Il s’agit de la loi organique relative au Conseil constitutionnel dans sa section 4 (article 20 à 23) et du règlement intérieur dans son Chapitre III (articles 68 à 108).
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Aucune coutume n’est constatée en la matière.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le Conseil constitutionnel ne s’appuie pas sur les textes extranationaux, mais exclusivement sur les dispositions du droit interne. En effet, la Constitution ivoirienne, à travers son préambule et son titre premier, la loi organique et les divers textes relatifs au Conseil constitutionnel prennent déjà en considération les exigences du principe du contradictoire. Celles-ci sont observées tant au niveau du contrôle de conformité qu’au niveau du contentieux électoral.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Le Conseil constitutionnel se prononce dans différents délais déterminés selon la matière.
En matière de contrôle de conformité des textes, le délai est de quinze jours francs à compter de la saisine. Toutefois, s’il y a urgence, le délai est ramené à huit jours francs (article 21 de la loi organique).En ce qui concerne l’éligibilité à la présidence de la République, le Conseil constitutionnel se prononce quarante-cinq jours au moins avant la date de l’élection.En matière de proclamation du résultat définitif de l’élection du président de la République, le délai est de sept jours francs à compter de la date de réception des procès-verbaux du vote (art 62 du code électoral).S’agissant du contentieux de l’éligibilité des députés, il est de quinze jours (art. 100 du code électoral).Quant au contentieux de l’élection des députés, le délai est également de quinze jours (art 101 du code électoral).Ces délais ne constituent pas une limite à la mise en oeuvre du principe du contradictoire dans la plupart des matières. Toutefois, on peut émettre des réserves en ce qui concerne le délai de quinze jours institué par l’article 101 nouveau du code électoral.En effet, vu le nombre habituel de requêtes (71 en 2012), la charge de travail des six conseillers parait énorme pour un délai aussi court, d’autant plus que ceux-ci doivent, pour respecter le principe du contradictoire, notifier les différentes contestations aux députés dont l’élection est contesté, afin de recueillir leurs observations et, au besoin mener des enquêtes dans les circonscriptions concernées.Avant la modification de l’article 101 qui ne prévoyait pas de délais, le Conseil constitutionnel s’appuyait sur l’article 41 de la loi organique qui précise que la décision doit être rendue au plus tard un mois avant la rentrée parlementaire du mois d’avril.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Au sein du Conseil constitutionnel, un service de greffe, rattaché au secrétariat général, assure l’enregistrement des recours, les notifications, les communications et échanges des pièces.
Cette procédure n’est pas encore dématérialisée, le greffe fonctionnant à travers la transmission des pièces.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
L’organisation du contradictoire au sein du Conseil constitutionnel s’apparente à celles des autres juridictions supérieures, telles que la Chambre judiciaire et surtout la Chambre administrative de la Cour suprême. En raison de la spécificité des matières soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, certaines procédures s’en différencient, notamment en matière du contrôle de conformité.
S’agissant du contentieux de l’élection, la procédure est apparentée à celle de la Chambre administrative (futur Conseil d’État), en raison de son caractère inquisitoire.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les discussions et consultations durant la procédure d’instruction devant le Conseil constitutionnel ne sont pas publiques dans la mesure où celles-ci sont conduites par un conseiller rapporteur désigné par le président. Celui-ci instruit seul l’affaire et dépose son rapport qui fait l’objet de délibération du Conseil constitutionnel à huis clos.Le Conseil constitutionnel peut à tout moment procéder à toute mesure d’instruction, notamment entendre tout expert ou sachant, et se faire communiquer tout document utile (article 13 de la loi organique, et articles 21 et 27 du décret relatif au Conseil constitutionnel).Au regard des textes actuels, il n’existe aucun acte placé sous le secret et qui ne puisse être communiqué aux parties.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
La procédure contradictoire est restée identique à l’image de la procédure utilisée par la juridiction administrative suprême.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Nous pensons qu’il existe un standard du procès constitutionnel en vue d’un procès équitable qui trouve son fondement dans les instruments juridiques internationaux auxquels le système juridique ivoirien a adhéré.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Toute oeuvre est par définition perfectible. Mais en l’état actuel du fonctionnement de l’institution la procédure contradictoire est satisfaisante.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le recours est porté devant le président du Conseil constitutionnel par voie de requête écrite (article 19 et 35 de la loi organique).
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Le Conseil constitutionnel peut sans instruction contradictoire préalable, rejeter les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs manifestement sans influence sur l’élection contestée du président de la République (art. 61 du code électoral) ou de l’élection des députés (art. 99 du code électoral).
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Les autorités qui assurent la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité sont le président de la République, le président de l’Assemblée national, tout groupe parlementaire, 1/10 des députés, les associations des droits de l’homme régulièrement constituées, lorsqu’il s’agit des libertés publiques.
Cette situation est acceptable, mais l’élargissement de la saisine aux citoyens dans des conditions strictes, à propos de la violation de certains droits fondamentaux, serait opportun.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
En général, le président ou le conseiller rapporteur fixe un délai approprié aux parties pour formuler leurs observations (art. 141 et 91 du règlement intérieur).
Mais plus précisément, en matière du contentieux de l’éligibilité à l’élection de la présidence de la République, le délai imparti aux candidats ou les partis politiques est de soixante-douze heures suivant la publication des demandes de candidature (art. 56 nouveau du code électoral).En ce qui concerne le contentieux de l’éligibilité à l’élection des députés, avis est donné au candidat concerné qui dispose d’un délai de quarante-huit heures pour produire ses observations (art. 99 du code électoral).S’agissant du contentieux de l’élection des députés, le conseiller rapporteur impartit un délai de quarante-huit heures à celui dont l’élection est contestée pour produire ses observations (art. 37 de la loi organique).
Les preuves se font par tous moyens devant le Conseil constitutionnel.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
La loi prévoit la représentation des parties devant le Conseil constitutionnel. Cette représentation se fait sur la base du droit commun.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il n’existe aucun mécanisme d’aide juridictionnelle devant le Conseil constitutionnel. En tout état de cause, rien n’interdit la possibilité pour les parties de recevoir une aide quelconque.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La procédure est gratuite devant le Conseil constitutionnel (article 36 de la loi organique).
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Toute requête est déposée au greffe du Secrétariat général. Sans délai, le Secrétariat général transmet la requête et les pièces jointes au président. Le président désigne un rapporteur et lui fixe un délai pour déposer son rapport. Le rapporteur avise les parties ou les personnes intéressées et leur fixe un délai pour déposer leurs observations. Il peut recevoir les déclarations des témoins. Il dresse à cet effet un procès-verbal. Il peut ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents relatifs à l’affaire ; il dispose de tous les moyens de l’État à cet effet (article 13 de la loi organique).À la fin de l’instruction et conformément au délai fixé par le président, le rapporteur dépose son rapport au Secrétariat général aux fins de transmission au Conseil constitutionnel.À tout moment, le Conseil constitutionnel, avant de rendre sa décision, peut ouvrir de nouveau le débat et procéder à des auditions supplémentaires si les informations en sa possession lui paraissent insuffisantes.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Le Conseil constitutionnel peut soulever des moyens d’office en toute matière.
Cette faculté est surtout mise en oeuvre s’agissant de l’élection à la présidence de la République où le Conseil constitutionnel, outre l’examen d’éventuelles contestations ou réclamations, vérifie toutes autres irrégularités portées sur les procès-verbaux du vote, afin de s’assurer de la sincérité du scrutin.
Les dispositions conjuguées des articles 61, 62, 63 et 64 du code électoral lui confèrent cette compétence. En cette matière, il revient au Conseil constitutionnel d’établir la liste des candidats et de proclamer les résultats définitifs du scrutin, après examen éventuel des réclamations. Cette allégation est corroborée par le fait que le Conseil dispose des procès-verbaux depuis les bureaux de vote, indépendamment de ceux destinés à la Commission chargée des élections. C’est à ce titre que le Conseil
a adopté un mode opératoire consistant à identifier et à mettre en oeuvre ces différentes opérations.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Le Conseil peut solliciter toute mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante (art. 40 de la loi organique). En pratique, le conseiller rapporteur ordonne une enquête et se fait communiquer tous documents et rapports relatifs à l’élection, s’il estime que les éléments en sa possession sont insuffisants. Sur la portée d’une disposition législative contestée, il peut requérir des experts à cet effet.
Dans ce cas, avis est donné aux parties intéressées afin qu’elles produisent leurs observations.
Le Conseil peut, en cours d’instruction, solliciter des observations de la part des juridictions supérieures de l’ordre judiciaire, le cas échéant. Aucun texte ne s’y oppose.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Les moyens d’investigation du Conseil sont ceux de l’État. Le rapporteur désigné pour une affaire peut entendre les membres du gouvernement, les fonctionnaires et agents des administrations publiques ou privées, ou tout sachant et ordonner toute mesure d’instruction sans qu’il puisse lui être opposé le secret professionnel (art. 13 de la loi organique).
Ces moyens ont été utilisés à l’occasion des élections, notamment celles des députés en 2012 dans les circonscriptions de Biankouman-Bapleu-Kpeta-Santa (décision CI-EL-105 du30 janvier 2012) et Fresco-Dahiri-Gbagban commune (décision du 31 janvier 2012).
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Le Conseil peut recourir à des auditions (art. 71 du règlement intérieur). Ces auditions ont surtout cours pendant l’examen des réclamations en matière électorale, mais faute de statistique, il serait difficile d’évaluer leur fréquence.
Toutefois, lors du contrôle des élections législatives de 2011, le Conseil a procédé à une vingtaine d’auditions sur soixante et onze élections contestées.
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Cette réponse concerne les questions 3.5- 3.6- 3.7- 3.8 – 3.9.
Aucun texte relatif au Conseil constitutionnel ne prévoit les cas d’intervention, contrairement à la procédure instituée devant les juridictions de l’ordre judiciaire.
Dans la pratique, le Conseil n’a pas encore enregistré de cas d’intervention au cours d’un procès.
IV. Organisation de la procédure oraleExiste-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Il existe une certaine procédure orale devant le Conseil dans la mesure où les parties, leurs représentants, les experts et les conseils participent aux débats (art. 27 du décret relatif au Conseil constitutionnel).Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?La place de cette oralité est judicieuse et opportune, car elle complète la procédure essentiellement inquisitoire devant le Conseil.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Il n’existe aucune règle précise dans la présentation orale des observations. Ces observations sont surtout formulées par écrit dans la phase d’instruction au cours de laquelle le rapporteur peut recevoir les observations des parties. Celles-ci peuvent être admises, par la suite, aux débats devant le Conseil constitutionnel.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Le Conseil siège en toute matière à huis clos. Mais, ses décisions sont rendues en audience publique (art. 15 de la loi organique).
À la demande du président, le secrétaire général avise les parties par voie administrative (art. 23 du décret relatif au Conseil constitutionnel).
En ce qui concerne les élections, ces audiences publiques sont systématiquement organisées depuis la rentrée effective en fonction du Conseil en 1995. À cet effet, la population est informée par voie de presse.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Conseil constitutionnel français
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel du Conseil constitutionnel n’est aujourd’hui pas contesté. On peut relever à ce propos que le législateur organique a récemment rendu plus sévère le régime des incompatibilités applicable aux membres du Conseil constitutionnel, en le calquant sur celui applicable aux magistrats judiciaires (modification de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel résultant de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), laquelle a été à l’origine posée par une partie à un litige devant une juridiction, il considère que les parties au litige sont parties à la procédure de QPC. Cette lecture est conforme aux dispositions organiques relatives à la procédure de QPC, qui mentionne les parties.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Dans le cadre du contentieux électoral, la procédure est accusatoire.
Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le procès est fait à la loi.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
La Constitution du 4 octobre 1958 ne précise pas le caractère de la procédure suivie par le Conseil constitutionnel et renvoie à la loi organique pour la détermination des règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel.
L’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel précise expressément le caractère de la procédure suivie pour les questions prioritaires de constitutionnalité.
Ainsi l’article 23-10 indique que « … les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations ».
Le caractère contradictoire de la procédure relative au contentieux électoral n’est pas explicitement mentionné dans l’ordonnance mais peut être déduit de l’article 38, alinéa 2 de l’ordonnance qui prévoit une procédure dérogatoire « sans instruction contradictoire préalable » pour les requêtes irrecevables ou manifestement infondées.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
L’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel précise les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel. Son titre II détermine les modalités de fonctionnement communes à toutes les procédures puis précise celles particulières à chacune d’elles.
Le Conseil constitutionnel a adopté dès mai 1959 un règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Il a par la suite modifié à cinq reprises ce règlement de procédure.
Il a également adopté en octobre 1988 un règlement applicable à la procédure suivie pour les réclamations relatives aux opérations de référendum.
Enfin, avant que la procédure de la QPC n’entre en vigueur (à compter du 1er mars 2010), le Conseil constitutionnel a également adopté un règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité. Ce règlement a été modifié trois fois depuis lors pour intégrer les évolutions rendues nécessaires par la pratique.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Sans qu’elles ne soient mentionnées dans les textes, certaines pratiques ont été instituées.
Ainsi, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori, une réunion de travail réunissant le rapporteur et le représentant du Secrétariat général du gouvernement (SGG) est organisée systématiquement dans les jours qui suivent la saisine. Un questionnaire établi à partir des griefs soulevés dans la saisine des parlementaires sert de base à la discussion. À la suite de cette réunion, le SGG produit des observations écrites qui sont communiquées aux parties et autorités.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le Conseil constitutionnel entend assurer le respect des exigences constitutionnelles applicables à toute procédure juridictionnelle pour tous les contentieux qui se déroulent devant lui.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La Constitution ou la loi organique précisent les délais dans lesquels le Conseil constitutionnel doit statuer pour la plupart de ses compétences. Ce délai est variable selon le type de contentieux :
- huit jours pour les demandes relatives à l’appréciation du caractère législatif ou réglementaire d’une disposition au cours de la procédure législative ;
- un mois pour le contrôle de constitutionnalité a priori des lois organiques, des lois ordinaires et des règlements des assemblées (délai pouvant être ramené à huit jours), pour les demandes de déclassement présentées par le Gouvernement ;
- trois mois pour le contrôle de constitutionnalité a posteriori, pour le contrôle de constitutionnalité a priori des lois du pays de la Nouvelle-Calédonie, pour les demandes de déclassement présentées par des collectivités d’outre-mer.
Enfin, en matière de contentieux des élections législatives et des élections sénatoriales (de même que lorsqu’il est saisi d’une requête tendant à la constatation de la déchéance d’un membre du Parlement ou d’une demande tendant à se prononcer sur une situation d’incompatibilité d’un membre du Parlement), le Conseil constitutionnel n’est pas tenu de statuer dans un délai déterminé. Il s’efforce toutefois de statuer dans un délai qui est en moyenne de six mois lorsque la contestation ne comporte pas de griefs relatifs au financement de la campagne, et d’un an lorsque la contestation comporte de tels griefs (car il doit alors surseoir jusqu’à ce que la CNCCFP statue sur ce point).
De façon générale, lorsqu’il est tenu au respect d’un délai pour statuer, le Conseil respecte scrupuleusement ce délai.
S’agissant du contrôle de constitutionnalité a posteriori, le délai moyen de traitement de ces procédures s’établit à deux mois et demi.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Avant l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, le greffe du Conseil constitutionnel fonctionnait de manière « saisonnière » pour traiter le contentieux électoral. Depuis 2008, un greffe permanent et juridictionnel a été mis en place, rattaché au service juridique, lequel est chargé d’apporter son concours aux membres du Conseil constitutionnel sous l’autorité du Secrétaire général. Le service du greffe est composé d’un cadre (aujourd’hui greffier en chef des services judiciaires) secondé dans ses tâches par un greffier (depuis juin 2012), et par les deux secrétaires du service juridique.
Le greffe est chargé de l’enregistrement de toutes les saisines et requêtes. Il procède à toutes les notifications des pièces et écritures, aux convocations des parties et autorités ainsi qu’à la notification des décisions.
Le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les QPC a imposé la forme dématérialisée pour l’ensemble de cette procédure (de la saisine du Conseil constitutionnel par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, jusqu’à la notification de la décision).
Pour les autres procédures, la voie électronique est également utilisée, même si elle n’est pas imposée par les textes.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Compte tenu de la brièveté des délais impartis au Conseil constitutionnel pour juger les affaires, au lieu de procéder à des échanges successifs de mémoires contradictoires entre les parties à une procédure, il est demandé à toutes les parties de produire dans un même délai, puis il leur est identiquement accordé un nouveau délai pour produire des secondes observations, en réponse à celles qui ont pu être produites lors du premier délai par les autres parties.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
En procédure QPC, l’instruction est écrite et s’organise autour d’échanges de mémoires communiqués de manière contradictoire, par le greffe, aux parties et autorités.
Seule la note juridique préparée par le Secrétariat général et diffusée aux membres du Conseil constitutionnel n’est pas communiquée aux parties.
La publicité est organisée de manière large dans la mesure où le règlement intérieur prévoit également la possibilité, pour les besoins de l’instruction, de recourir à des auditions. Les parties et autorités sont alors invitées à y assister et ont la possibilité de produire des observations.
De la même manière, la publicité de l’audience est entendue largement et les restrictions à cette publicité ne peuvent avoir lieu qu’à la demande d’une partie ou d’office par le président « dans l’intérêt de l’ordre public ou lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des personnes l’exigent » (art.8, alinéa 2 du règlement intérieur).
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
La procédure de la QPC a donné au Conseil constitutionnel l’occasion d’élaborer une procédure contradictoire moderne dans le cadre du contrôle de constitutionnalité.
Le fait d’avoir admis la possibilité pour des tiers à la procédure de faire valoir leur intérêt spécial à intervenir a permis d’enrichir le débat de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours, à l’exception des recours en rectification d’erreur matérielle. Ceux-ci peuvent être sollicités par les parties et autorités dans les vingt jours suivant la publication de la décision au Journal officiel.La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
En matière électorale, le Conseil constitutionnel peut rejeter, sans instruction préalable contradictoire, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection. Cette décision de rejet est motivée et notifiée à l’intéressé.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
La défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité a priori est exercé à titre exclusif par le gouvernement (représenté par son Secrétariat général). Il convient toutefois d’apporter une nuance, en ce qui concerne les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie : dans ce cas, les autorités de la Nouvelle-Calédonie assurent cette défense, tandis que le gouvernement a fait le choix de rester en retrait.Dans le cadre du contrôle a posteriori, de la même manière le SGG assure la défense de la loi. Il s’agit toutefois là d’une pratique, et rien n’interdit aux autres autorités auxquelles sont notifiées les saisines de produire également des observations devant le Conseil constitutionnel (ce qu’elles n’ont jusqu’à présent fait que de manière exceptionnelle).
Le fait que la même autorité assure de façon générale la défense de la conformité à la Constitution de la loi déférée, tant en contrôle a priori qu’en contrôle a posteriori, assure une unité et une cohérence d’ensemble à cette défense.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Le règlement sur la procédure suivie pour les QPC organise le contradictoire et précise que les parties et autorités sont autorisées à présenter des observations écrites avant un délai. Elles ont également la possibilité de répondre à ces observations avant une seconde date. Les secondes observations ne peuvent avoir d’autre objet que de répondre aux premières observations produites.
Ces deux délais ne sont pas fixés par le règlement. Cette souplesse permet au Conseil constitutionnel de moduler au cas par cas ces échanges d’écritures, pour tenir compte de la spécificité de certaines questions posées.
Dans la pratique, le délai de production des premières observations est en général de trois semaines, celui des secondes observations de deux semaines.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
La représentation n’est pas obligatoire devant le Conseil constitutionnel : les parties peuvent être représentées par la personne de leur choix ou se défendre elles-mêmes. Les avocats ne disposent donc pas de monopole, sauf pour l’audience publique qui a lieu dans le cadre des QPC où seuls les avocats aux conseils ou les avocats à la Cour de cassation peuvent présenter des observations orales.
Toutefois, en pratique, des avocats sont présents dans la quasi-totalité des procédures de contrôle de constitutionnalité a posteriori (moins de 1 % des dossiers en 2013 sans avocat, 6 % des dossiers en 2014, 3 % des dossiers en 2015). Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont présents sont de plus en plus présents (ils sont présents dans près de 70 % des dossiers en 2014 et 2015 alors qu’ils n’étaient présents que dans un peu plus de la moitié des dossiers en 2010).
La présence des avocats dans le cadre du contentieux électoral est en revanche moins systématique.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
L’intervention des avocats au titre de l’aide juridictionnelle a été organisée pour les procédures QPC : l’article 23-12 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 prévoit une majoration de leur rétribution.
Le décret n° 2010-149 du 16 février 2010 relatif à la continuité de l’aide juridictionnelle en cas d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel précise que l’aide juridictionnelle demeure acquise en cas d’examen de la QPC et a fixé cette majoration à 16 unités de valeur.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Le Conseil constitutionnel a jusqu’à présent toujours refusé d’accorder des frais irrépétibles, en se fondant sur le fait qu’aucune des dispositions organiques relatives à la procédure suivie devant lui ne le prévoit (voir en ce sens décision n° 97-2145/2239 AN du 16 décembre 1997).
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Le Conseil constitutionnel a la possibilité de soulever un grief d’office dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi.
L’article 7 du règlement sur la procédure suivie pour les QPC précise que, dans cette hypothèse, les griefs susceptibles d’être soulevés d’office sont communiqués aux parties et autorités pour qu’elles puissent présenter leurs observations dans le délai qui leur est imparti. Ces observations sont alors communiquées contradictoirement à toutes les parties.
En pratique, le Conseil use assez peu de cette faculté (dans moins de 10 % des procédures).
Dans le cadre du contentieux électoral, le Conseil n’examine que les moyens invoqués dans la requête. Même des moyens nouveaux soulevés ultérieurement par le requérant ne sont pas pris en considération.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?Au cours de l’instruction dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel peut solliciter des précisions et demander à être éclairé, notamment sur des aspects statistiques. Les éléments de réponse obtenus sont alors communiqués aux parties. En pratique, cette possibilité est très peu utilisée par le Conseil constitutionnel.
Dans le cadre du contentieux électoral, la section d’instruction ou le Conseil peut ordonner une enquête. Dans ce cadre, des dépositions de témoins peuvent être recueillies sous serment. En pratique, cette possibilité n’est plus utilisée par le Conseil constitutionnel.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Cf. réponse à la question 3.2.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Si cette faculté est prévue par l’article 6 du règlement pour la procédure suivie en QPC, le Conseil n’y a jamais eu recours jusqu’à présent.
En contentieux électoral, le Conseil constitutionnel procède à une audition des parties lorsque la portée des griefs est telle qu’une annulation de l’élection est probable. Cette audition permet aux parties d’exposer leurs arguments et de répondre aux éventuelles interrogations des membres du Conseil constitutionnel (notamment sur des éléments de fait).
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
En contrôle de constitutionnalité a priori, le Conseil constitutionnel reçoit fréquemment des notes produites spontanément par des tiers (dénommées portes étroites). Ces notes peuvent être prises en considération par le rapporteur s’il le souhaite.
En contrôle de constitutionnalité a posteriori, le Conseil constitutionnel peut admettre des demandes en intervention de tiers à la procédure, dès lors que ceux-ci formulent cette demande dans les délais impartis par le règlement de procédure et qu’ils font valoir un intérêt spécial à intervenir, lequel est apprécié par le Conseil constitutionnel. Dès lors que ces tiers sont admis à intervenir, l’ensemble des pièces de la procédure leur sont communiquées et ils y participent pleinement.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
La personne qui demande à intervenir doit développer ses arguments au soutien de son intérêt spécial à intervenir dès sa demande initiale. L’admission des interventions en QPC est appréciée, au vu des pièces et argumentations produites par la personne, par le membre du Conseil constitutionnel qui est désigné comme rapporteur de l’affaire. En cas de doute, il consulte le collège.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Dès lors que des tiers sont admis à intervenir à une QPC, l’ensemble des pièces de la procédure leur sont communiquées et ils participent pleinement à toutes les étapes procédurales ultérieures (échange d’observations écrites, observations orales à l’audience).
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Les demandes en intervention portent sur près du quart des dossiers QPC. En moyenne, le Conseil constitutionnel rejette moins de 20 % des demandes en intervention. Les intervenants récurrents ont tendance à être des associations spécialisées, qui suivent avec attention tel ou tel autre domaine juridique.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Comme évoqué plus haut, lors de la procédure QPC une audience publique est organisée, au cours de laquelle les représentants des parties et des éventuels intervenants ainsi que les agents des autorités sont invités à présenter leurs éventuelles observations orales.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Aucune règle ne vient préciser cette présentation orale des observations. La coutume veut que le représentant (ou les représentants) de chaque partie disposent d’un quart d’heure pour présenter leurs arguments.
Il est systématiquement offert un droit de réplique.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
La tenue d’une audience publique a été précisée par l’article 23-10 de l’ordonnance organique du 7 novembre 1958. Une fois l’instruction close, l’affaire est inscrite par le président du Conseil à l’ordre du jour. Les parties et autorités sont informées de la date de l’audience.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Une salle d’audience a été spécialement aménagée au Conseil constitutionnel et les audiences QPC y sont tenues chaque semaine.
L’audience fait l’objet à la fois d’une retransmission audiovisuelle en direct, si les capacités d’accueil de la salle d’audience sont insuffisantes pour accueillir le public, et d’une retransmission sur le site Internet du Conseil constitutionnel quelques heures après la tenue de l’audience.Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)Cf. réponse à la question 1.11.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Cf. réponse à la question 2.5.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Le président du Conseil constitutionnel dirige les débats et organise la prise de parole. En pratique, le greffier procède à la présentation de la QPC et au rappel des étapes de la procédure puis les avocats des parties présentent leurs observations. Un représentant du Premier ministre est également là et présente oralement des observations.
Les observations de chacune des parties sont limitées à quinze minutes.
À l’issue des observations, le président annonce la date à laquelle l’affaire sera rendue publique.
Cette publicité est assurée simultanément la notification, par envoi électronique, de la décision aux parties et par la mise en ligne, sur le site du Conseil constitutionnel de la décision et de documents complémentaires (commentaire de la décision, communiqué de presse, dossier documentaire).
La durée des audiences varie selon le nombre d’affaires inscrites à l’ordre du jour (2 à 3 affaires par audience en moyenne) et selon le nombre de parties présentes dans chacune des affaires.
L’enregistrement audiovisuel est réalisé en direct, la retransmission de l’audience est disponible sur le site du Conseil constitutionnel en très léger différé (en pratique, quelques heures après la fin de l’audience).
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Le Conseil peut inviter les parties à produire une note en délibéré afin d’être éclairé sur un point précis qui n’aurait pas été suffisamment précisé lors de l’instruction écrite.
En pratique, cette mesure a été très peu utilisée (dans moins de 10 dossiers depuis l’entrée en vigueur de la QPC).
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?Cf. la réponse à la question 4.9.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Les membres du Conseil constitutionnel peuvent être amenés à se déporter, s’ils estiment que leur impartialité est en cause. Les parties à la procédure peuvent également formuler une demande de récusation d’un membre du Conseil constitutionnel. Sauf si ce dernier y fait droit, cette demande est examinée par le collège hors la présence du membre dont la récusation est demandée.
Cour constitutionnelle du Gabon
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle de la République Gabonaise n’a jamais été discuté, aujourd’hui pas plus qu’hier. Bien au contraire, il est reconnu et affirmé par diverses dispositions de la Constitution et de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
En effet, l’article 67 de la Constitution énonce que : « La justice est rendue au nom du peuple par la Cour constitutionnelle, les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions de l’ordre administratif, les juridictions de l’ordre financier, la Haute cour de justice et les juridictions d’exception ».
Cette reconnaissance est affirmée de manière encore plus précise en l’article 83 de la Constitution qui dispose que « La Cour constitutionnelle est la haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle.
Elle est juge de la constitutionnalité des lois et de la régularité des élections. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».
Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle de la République gabonaise résulte également des dispositions des articles 84, 86 et 92 de la Constitution qui énoncent respectivement que :Article 84 : « La Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur :
- les traités et accords internationaux avant leur entrée en vigueur, quant à leur conformité à la Constitution ;
- le recensement général de la population ;
- la constitutionnalité des lois organiques et des lois avant leur promulgation, des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ;
- les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution ;
- les règlements du Conseil national de la communication et du Conseil économique et social avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution ;
- les conflits d’attribution entre les institutions de l’État ;
- la régularité des élections présidentielles, parlementaires, des collectivités locales et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats. »
Article 86 : « Tout justiciable peut, à l’occasion d’un procès devant un tribunal ordinaire, soulever une exception d’inconstitutionnalité à l’encontre d’une loi ou d’un acte qui méconnaîtrait ses droits fondamentaux.
Le juge du siège saisit la Cour constitutionnelle par voie d’exception préjudicielle.
La Cour constitutionnelle statue dans le délai d’un mois. Si elle déclare la loi incriminée contraire à la Constitution, cette loi ou cet acte réglementaire cesse de produire ses effets à compter de la décision.
Le Parlement examine, au cours de la prochaine session, dans le cadre d’une procédure de renvoi, les conséquences découlant de la décision de non-conformité à la Constitution rendue par la Cour.
Lorsque la Cour admet l’inconstitutionnalité d’un acte règlementaire, le président de la République et le Premier ministre remédient à la situation juridique résultant de la décision de la Cour dans un délai d’un mois. »Article 92 : « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales ».Quant à la loi organique sur la Cour constitutionnelle, elle confirme ce caractère juridictionnel de l’institution gabonaise, notamment en ses articles 1er et 2, lesquels reprennent intégralement les dispositions des articles 83 et 84 de la Constitution, tout en le renforçant en son article 3 qui énonce :Article 3 : « Les décisions et les avis de la Cour constitutionnelle sont rendus au nom du peuple gabonais.
Les décisions de la Cour constitutionnelle sont motivées et publiées au Journal officiel ou dans un journal d’annonces légales. Elles prennent effet à compter de leur prononcé.
Elles ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités politiques, administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales.
Les avis de la Cour sont motivés et publiés dans les mêmes journaux visés ci-dessus. Ils ont valeur consultative ».Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?Les notions de « parties » et de « procès » sont pleinement reconnues au sein de la Cour constitutionnelle de la République gabonaise. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les dispositions de l’article 1er, alinéa 4 de la Constitution qui stipule que les droits de la défense, dans le cadre d’un procès, sont garantis à tous… L’adverbe « tous » renvoyant, ici, aux parties.
Mieux, en son article 84, alinéa 2, la Constitution dispose que « La Cour constitutionnelle est saisie en cas de contestation sur la validité d’une élection, par tout électeur, tout candidat, tout parti politique ou délégué du gouvernement, dans les conditions prévues par la loi organique », étant entendu que tous ces saisissants sont des parties au procès.
De façon plus explicite, la loi organique sur la Cour constitutionnelle, en son article 25, alinéa 4 stipule que « les parties peuvent se faire assister par un conseil de leur choix ».
Cette disposition confirme, non seulement la reconnaissance des notions sus énoncées, mais encore celles-ci sont réaffirmées aux articles 26 et 36 de la même loi qui disposent respectivement ainsi qu’il suit :Article 26 : « Aucune décision ne peut être rendue, aucun avis ne peut être émis si la requête ou la demande n’a fait au préalable l’objet d’une instruction diligentée par un rapporteur désigné par ordonnance du président de la Cour constitutionnelle parmi les membres de cette Cour.
Les résultats de l’instruction sont consignés dans un rapport écrit. Le rapporteur établit son rapport au terme d’une procédure contradictoire.
Il entend, le cas échéant, les parties. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune ou solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaires. Il impartit des délais et ordonne, au besoin, des enquêtes.
Le rapporteur est assisté dans l’accomplissement de sa mission par un ou plusieurs rapporteurs adjoints. Ceux-ci sont choisis parmi les magistrats en fonction au Centre d’études et recherches constitutionnelles, législatives et de droit comparé de la Cour constitutionnelle, prévu à l’article 17a ci-dessus. Ils peuvent également être choisis parmi les magistrats figurant sur la liste d’aptitude établie chaque année par le Conseil supérieur de la magistrature.
Le rapport analyse les moyens soulevés et énonce les points à trancher. Il est lu à l’audience par le rapporteur. »Articles 36 : « La saisine de la Cour constitutionnelle peut se faire soit par le président de la République, soit par le Premier ministre, soit par le président de chacune des chambres du Parlement, soit par un dixième des membres d’une Chambre, soit par le président de la Cour de cassation, soit par le président du Conseil d’État, soit par le président de la Cour des comptes, soit par toute personne physique ou morale lésée par la loi, l’ordonnance ou l’acte réglementaire attaqué.
Sous réserve de l’article 44, alinéa 2 ci-dessous, la Cour constitutionnelle statue dans un délai d’un mois. Ce délai peut être ramené à huit jours en cas d’urgence invoquée par le gouvernement ».
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant la Cour constitutionnelle est accusatoire.
Ce caractère est affirmé par la Constitution en son article 85, alinéa 3 qui énonce que « la Cour constitutionnelle statue, selon une procédure contradictoire dont les modalités sont fixées par la loi organique, dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du gouvernement ou en cas d’urgence, ce délai est ramené à huit jours. »
La loi organique sur la Cour constitutionnelle, en ses articles 25 qui suit et 26 ci-dessus mentionné, n’en dispose pas moins, lorsqu’elle édicte :Article 25 : « La procédure devant la Cour constitutionnelle est gratuite, écrite et contradictoire.
En matière de contentieux électoral, les débats sont publics et les décisions sont prononcées en audience publique.
Dans les autres matières, les débats ne sont pas publics et les décisions sont prononcées hors de la présence du public, sauf appréciation contraire de la Cour.
Les parties peuvent se faire assister par un conseil de leur choix. »
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure est explicitement consacré par la Constitution en son article 85, alinéa 3 qui énonce que : « La Cour constitutionnelle statue selon une procédure contradictoire dont les modalités sont fixées par la loi organique, dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du gouvernement ou en cas d’urgence, ce délai est ramené à huit jours. »
La loi organique sur la Cour constitutionnelle consacre également, en son article 25, le caractère contradictoire de la procédure devant la Cour constitutionnelle, selon les termes ci-après : « La procédure devant la Cour constitutionnelle est gratuite, écrite et contradictoire. »
Ce caractère contradictoire est encore affirmé dans son article 26, alinéa 3 qui stipule : « Le rapporteur entend, le cas échéant, les parties. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune ou solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaires. Il impartit des délais et ordonne, au besoin, des enquêtes ».
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
L’article 93, alinéa 2 de la Constitution énonce que « les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle, sont déterminées par une loi organique ».
Ce que confirme la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui dispose, à cet effet, en son article 27, que « les règles de procédure applicables devant la Cour constitutionnelle sont déterminées en fonction de la nature de ses attributions et classées dans les cinq rubriques contenues dans ledit article ».
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Il existe effectivement des coutumes ou usages internes à l’institution. Ainsi, en matière contentieuse, il est demandé au requérant de déposer sa requête en vingt-deux exemplaires. De même, lors du contentieux électoral, le greffe de la Cour reste ouvert de 7 heures du matin à minuit, les greffiers se relayant pour assurer la permanence. Cette organisation n’est prévue par aucun texte de loi.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Cette prise en compte ne paraît pas nécessaire, car la loi organique sur la Cour constitutionnelle a non seulement pris en compte le principe du contradictoire, mais l’a surtout très bien organisé.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La Cour constitutionnelle se prononce dans un délai d’un mois. Ce délai peut être ramené à huit jours à la demande du gouvernement ou en cas d’urgence. C’est ce qui résulte des dispositions de l’article 85, alinéa 3 de la Constitution ainsi que de celles de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, notamment en ses articles 30, 36, 37, 39, 43, 47, 51, 54, 56, 57, 61, 63, 65,77, 92, 94, 98, 99 et 110 qui disposent ainsi qu’il suit :
Article 30 : « La Cour constitutionnelle statue dans le délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe.
Ce délai est ramené à huit jours en cas d’urgence invoquée par le Premier ministre dans sa requête ».
Article 37 : « La requête motivée doit être déposée au greffe de la Cour constitutionnelle dans les délais fixés à l’article 35 alinéas 2 et 3 ci-dessus.
Elle est accompagnée d’une copie du texte attaqué. Le greffier en délivre récépissé.
Lorsque la requête émane du dixième des membres d’une chambre du Parlement, elle doit être revêtue de la signature de tous les requérants.
L’enregistrement au greffe de la requête fait courir le délai prévu à l’article 30 de la présente loi.
Il suspend le délai de promulgation de la loi ou l’application de l’acte attaqué ».
Article 39 : « Après lecture du rapport à l’audience et par dérogation au caractère écrit de la procédure, le président de la Cour constitutionnelle peut, s’il le juge opportun, convoquer les parties ou toute autre personne intéressée et les inviter à présenter verbalement leurs observations.
Le président assure la police de l’audience.
Après clôture des débats, la Cour met l’affaire en délibéré et fixe la date du prononcé de la décision.
Le rapporteur participe aux délibérations ».
Article 43 : « Dans le cas où la Cour constitutionnelle constate soit le caractère réglementaire d’une loi, d’une ordonnance ou d’une disposition y figurant, soit le caractère législatif d’un texte réglementaire ou d’une disposition y figurant, la décision est notifiée au président de la République et au Premier ministre qui remédient à la situation juridique résultant de cette décision, dans le délai d’un mois.
La décision est également notifiée aux présidents des chambres du Parlement qui en informent les membres de celles-ci ».
Article 47 : « La Cour constitutionnelle statue dans un délai d’un mois après instruction du dossier par le rapporteur dans les conditions prévues à l’article 26 ci-dessus. La décision de la Cour constitutionnelle est motivée. Elle est publiée au Journal officiel ou dans un journal d’annonces légales et notifiée à la juridiction qui a saisi la Cour constitutionnelle, au président de la République, au Premier ministre et aux présidents des chambres du Parlement qui en informent les membres de celles-ci ».
Article 51 : « Les présidents des quatre institutions visées à l’article précédent saisissent la Cour constitutionnelle qui statue dans le délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la lettre de saisine, après instruction de la demande par le rapporteur dans les conditions prévues à l’article 26 ci-dessus ».
Article 54 : « La demande est adressée à la Cour constitutionnelle par l’autorité de saisine visée à l’article précédent.
La Cour, après instruction du dossier par le rapporteur, vérifie, dans un délai d’un mois à compter de la réception de la lettre de saisine, si ces engagements comportent ou non une clause contraire à la Constitution. En cas d’urgence et à la demande du gouvernement, le délai est ramené à huit jours ».
Article 56 : « Conformément aux dispositions de l’article 26 de la Constitution, le président de la République consulte la Cour constitutionnelle qui donne un avis dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter de sa saisine.
L’avis porte sur la réunion des conditions exigées par le texte susvisé et sur les mesures que le président de la République se propose de prendre ».
Article 57 : « Tout projet ou toute proposition de révision de la Constitution est soumis pour avis à la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 116 de la Constitution.
La Cour est saisie à la demande du président de la République ou d’au moins un tiers des députés ou des sénateurs.
Elle statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
Ce délai est ramené à huit jours en cas d’urgence invoquée dans la lettre de saisine ».
Article 61 : « La Cour constitutionnelle est saisie à la demande du président de la République, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale ou d’un dixième des députés ou des sénateurs.
Elle statue par décision motivée dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, après instruction du dossier par le rapporteur.
Le délai d’examen est ramené à huit jours en cas d’urgence invoquée dans la demande de saisine ».
Article 63 : « La partie la plus diligente saisit la Cour constitutionnelle par requête motivée et déposée au greffe.
La procédure est contradictoire.
La Cour statue dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la requête après instruction du dossier par le rapporteur, conformément à l’article 26 ci-dessus.
Ce délai est ramené à huit jours en cas d’urgence invoquée par l’autorité de saisine ».
Article 65 : « Dans le cas où la Cour constitutionnelle est saisie par le président de la République, en application des dispositions de l’article 17, alinéa 3, de la Constitution, elle doit statuer dans un délai de huit jours après instruction du recours par le rapporteur, conformément aux dispositions de l’article 26 ci-dessus.
La saisine de la Cour suspend le délai de promulgation.
La décision de la Cour est notifiée sans délai au président de la République et aux présidents des chambres du Parlement qui remédient, chacun en ce qui le concerne, à la situation juridique découlant de la décision.
La décision est notifiée pour information au Premier ministre ».
Article 77 : « Après lecture du rapport par le juge constitutionnel rapporteur, la Cour peut, si elle le juge nécessaire, entendre toute personne ou ordonner toute mesure d’instruction complémentaire.
Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, la Cour communique le dossier avec le rapport au Commissaire à la loi pour ses conclusions.
L’affaire est ensuite mise en délibéré et la Cour statue sur le fond dans un délai de deux mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe de la Cour, pour ce qui concerne les élections parlementaires et les opérations de référendum, et dans un délai de trois mois, pour ce qui concerne les élections locales.
Ces délais sont prorogés d’un mois si la Cour rend une décision avant dire droit portant sur une mesure d’instruction ou la production d’une preuve.
En cas de réclamation portant sur l’éligibilité, la Cour statue dans un délai de huit jours ».
Article 92 : « La Cour constitutionnelle est seule juge de l’éligibilité à la Présidence de la République.
Toute personne dont la candidature n’a pas été retenue est habilitée à contester la décision devant la Cour constitutionnelle dans les quarante-huit heures de la publication de la liste des candidats.
La Cour statue dans les huit jours de sa saisine ».
Article 94 : « La prestation de serment marque le début du mandat présidentiel. Elle ne peut avoir lieu avant la décision de proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle.
S’il n’y a pas contentieux, la décision de la Cour constitutionnelle intervient le huitième jour suivant l’annonce des résultats par l’autorité administrative compétente.
S’il y a contentieux, la décision de la Cour constitutionnelle intervient dans un délai maximum de quinze jours à compter du huitième jour qui suit l’annonce des résultats.
En cas de décès ou d’empêchement définitif du président de la République en exercice non réélu, intervenant avant l’expiration du mandat de celui-ci, le président proclamé élu prête immédiatement serment. Si la décision de proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle n’est pas intervenue, l’intérim est assuré conformément à l’article 13 de la Constitution ».
Article 98 : « La Cour constitutionnelle constate la déchéance du député ou du sénateur dont l’inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats.
La déchéance est proclamée à la requête du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat ou du ministre de la justice, Garde des sceaux, en cas de condamnation définitive. La Cour statue sans délai ».
Article 99 : « La Cour constitutionnelle déclare démissionnaire d’office le député ou le sénateur qui, se trouvant dans un cas d’incompatibilité, n’a pas opté dans un délai d’un mois, après une mise en demeure restée sans suite.
Elle est saisie par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat et statue sans délai ».
Article 110 : « Une loi référendaire ne peut être déférée à la Cour constitutionnelle en ce qu’elle constitue l’expression directe de la souveraineté nationale ».
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Un service de greffe assure, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges d’écritures et des pièces. Cette organisation est régie par les dispositions de l’article 37 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
La procédure n’est pas dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
L’organisation du contradictoire au sein de la Cour ne présente pas de spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant la Cour demeurent confidentielles, car l’instruction est secrète. Toutefois, il est donné aux parties la possibilité de consulter les procès-verbaux en matière électorale tel qu’il découle des dispositions de l’article 75 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle : « La Cour ou le rapporteur peut demander aux autorités administratives qui sont tenues de les fournir, tous rapports ou documents qu’ils jugent utiles à la solution de l’affaire notamment les procès-verbaux des opérations électorales et leurs annexes. »
La consultation des pièces du dossier a lieu au siège des commissions électorales locales et, le cas échéant, à la Commission électorale nationale autonome et permanente.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Oui, le caractère contradictoire est renforcé. Il convient pour ce faire de se référer aux dispositions des articles 25, 26 et 39 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
La procédure impose un échange d’écritures et des pièces entre les parties.
Après cet échange, la procédure impose une instruction obligatoire de l’affaire par le juge rapporteur qui a obligation d’entendre les parties, les témoins, de solliciter l’avis des experts ou de toute personne susceptible d’éclairer la religion de la Cour. En matière électorale, après tout ce qui précède, le président de la Cour peut à nouveau accorder la parole aux parties.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Oui, il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel fondé sur le droit au procès équitable, car la procédure devant la Cour constitutionnelle se déroule en toute impartialité dans le respect du contradictoire et de la légalité.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Au stade actuel de la procédure, l’organisation du contradictoire ne souffre d’aucune insuffisance.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Dans les matières autres que le contentieux électoral, tels le contrôle de constitutionnalité le recours est notifié aux autorités représentant les institutions et ceux qui représentant les différents départements ministériels ainsi que les autres institutions de la République concernées.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, non admissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Oui, la Cour peut rejeter une requête sans débat contradictoire. C’est le cas, par exemple, lorsque la requête porte sur une question qui ne ressortit pas à la compétence de la Cour, lorsqu’elle est manifestement infondée ou encore lorsqu’elle n’obéit pas aux exigences de forme prescrites à l’article 72 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui dispose que : « À peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir, les noms, prénoms, adresses et qualités du ou des requérants, le nom du ou des élus dont l’élection est contestée ainsi que l’exposé des faits et des moyens invoqués. Elle doit être signée de son auteur. Les pièces utiles au soutien des moyens doivent être annexées à la requête ».
Il en est de même lorsque la requête est soit prématurée ou tardive, c’est-à-dire introduite soit avant, soit après les délais impartis.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Aucune autorité n’assure la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité. Cette situation n’ayant jamais posé un quelconque problème. La Cour constitutionnelle, elle s’en satisfait pleinement.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Les délais pour produire des observations sont à brefs délais et laissés à l’appréciation discrétionnaire du juge rapporteur, ou impartis par une décision avant-dire-droit de la Cour.
S’agissant de la production des observations, il s’agit de l’application des articles 25, 26 et 39 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle et du respect du contradictoire. Les échanges des conclusions en réponses et en dupliques sont observées. Toutefois la Cour doit rendre sa décision dans le mois, sauf cas d’urgence. Confère l’article 76 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
L’assistance des parties se fait dans les conditions édictées par l’article 72 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui énonce : « À peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir, les noms, prénoms, adresses et qualités du ou des requérants, le nom du ou des élus dont l’élection est contestée ainsi que l’exposé des faits et des moyens invoqués. Elle doit être signée de son auteur. Les pièces utiles au soutien des moyens doivent être annexées à la requête ».
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Non il n’existe pas un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour, car la procédure est entièrement gratuite.
Toutefois, la Cour admet les personnes mandatées pour assister les parties en procès devant elle (avocat ou autres personnes).
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La Cour ne peut accorder des frais irrépétibles, car la procédure est gratuite, d’une part et elle est juge de droit applicable aux faits politiques et non juge de la responsabilité personnelle ordinaire, d’autre part elle ne condamne pas aux dépens.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
L’instruction du recours est organisée suivant les prescriptions de l’article 26 de la loi organique qui dispose : « Aucune décision ne peut être rendue, aucun avis ne peut être émis si la requête ou la demande n’a fait au préalable l’objet d’une instruction diligentée par un rapporteur au terme d’une procédure contradictoire. »
Conformément aux dispositions de l’article 73 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, dès l’enregistrement de la requête, le président de la Cour désigne le rapporteur qui instruit contradictoirement l’affaire conformément aux dispositions de l’article 26 de la même loi.
Article 74 : « La requête est immédiatement notifiée par le greffier à la ou aux personnes dont l’élection est contestée. Le rapporteur lui impartit un délai pour présenter leurs moyens en défense.
D’autres délais supplémentaires peuvent être accordés aux parties, si le rapporteur ou la Cour le juge opportun.
La procédure se poursuit sur les prescriptions de l’article 75 de la loi organique.
La clôture de l’instruction est organisée suivant les dispositions des articles 76 à 77 de la loi organique. »
Article 76 : « Lorsque le rapporteur constate que la requête est manifestement non fondée ou que les griefs articulés n’exercent sur l’élection aucune influence, il en informe la Cour constitutionnelle qui statue après conclusions du commissaire à la loi. »
Article 77 : « Après lecture du rapport par le juge constitutionnel rapporteur, la Cour peut, si elle le juge nécessaire, entendre toute personne ou ordonner toute mesure d’instruction complémentaire.
Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, la Cour communique le dossier avec le rapport au commissaire à la loi pour ses conclusions.
L’affaire est ensuite mise en délibéré et la Cour statue sur le fond dans un délai de deux mois à compter de l’enregistrement de la requête au greffe de la Cour, pour ce qui concerne les élections parlementaires et les opérations de référendum, et dans un délai de trois mois, pour ce qui concerne les élections locales.
Ces délais sont prorogés d’un mois si la Cour rend une décision avant dire droit portant sur une mesure d’instruction ou la production d’une preuve.
En cas de réclamation portant sur l’éligibilité, la Cour statue dans un délai de huit jours ».
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?Conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi organique, « La Cour statue uniquement sur l’ensemble des moyens soulevés par les requérants.
Elle ne peut soulever des moyens d’office sauf cas de violation manifeste de la Constitution ou de principes à valeur constitutionnelle.
La Cour constitutionnelle statue en constitutionnalité et non point en opportunité ».
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Non, car elle est juge de la constitutionnalité des lois. Elle est la juridiction supérieure.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ?
La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Oui, la Cour est dotée en propre des moyens d’investigation. Elle procède elle-même à des enquêtes, constats ou expertises pour éclairer sa propre religion. En matière électorale, lorsqu’un contentieux est élevé, la Cour peut commettre un juge à se rendre sur les lieux pour auditionner les personnes ayant vécu les faits dénoncés. De même qu’elle peut décider d’auditionner et confronter tous les membres d’un bureau de vote pour établir la véracité des faits portés à son examen.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Selon les dispositions de l’article 26 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, en son alinéa 3, le rapporteur désigné par ordonnance du président de la Cour constitutionnelle parmi les membres de celle-ci « entend, le cas échéant, les parties. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît opportune ou solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaire ».
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
La procédure devant la Cour constitutionnelle ne prévoit pas l’intervention volontaire de tiers bénévoles (amicus curie) dans le procès.
En revanche, en matière électorale, les dispositions de l’article 73 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle donnent pouvoir au président de désigner un des expert qui, au sens de la loi, est un homme de l’art, à la demande de la Cour ou du juge rapporteur. L’objet de sa mission est spécifié dans la décision qui le désigne.
Dans ce même cadre, comme dans celui des autres missions qui lui sont dévolues, la Cour peut faire intervenir toute personne qu’un expert susceptible d’éclairer sa religion.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?Il n’existe pas d’intervention spontanée devant la Cour, comme on vient de le voir, à la demande expresse de celle-ci, et ce, dans un cadre et un objet limités.
L’intervention sollicitée d’un expert ou de toute autre personne se fait sous serment.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
L’intervenant n’a aucun statut particulier. Les personnes intervenant sont celles invitées par le juge en vue de l’audition dans la phase de l’instruction obligatoire.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Il n’existe pas des interventions forcées devant la Cour.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Non, la Cour n’est pas fréquemment concernée par les interventions.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Il n’existe pas à proprement parlé une procédure orale devant la Cour. Toutefois, lors de l’instruction des affaires à elle soumises, le rapporteur peut entendre oralement les parties ou auditionner tout témoin ou toute personne susceptible de l’édifier sur les faits objet de la saisine de la Cour. (Confère article 26 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.)
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
L’oralité occupe une place infiniment subsidiaire dans la procédure, car elle est dérogatoire au principe écrit de la procédure.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Confère article 39 de la loi organique, « après lecture du rapport à l’audience et par dérogation au caractère écrit de la procédure, le président de la Cour constitutionnelle peut, s’il le juge opportun, convoquer les parties ou toute personne intéressée et les inviter à présenter verbalement leurs observations ».
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Oui en matière électorale la Cour organise des audiences publiques. Depuis 1993 élection présidentielle.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Les modes de publicité organisés par la Cour sont : salle d’audience ouverte au public ; retransmission en direct à la télévision, visionnage Internet.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Les restrictions éventuelles à la publicité s’opèrent lorsque la Cour statue hors la présence du public.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
En matière électorale, l’avocat assiste le requérant. Il n’existe pas de monopole de représentation.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
En matière électorale, les audiences sont publiques (article 78 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle).
Dans les autres matières, elles sont non publiques.
Les débats sont présidés par le président de la Cour. C’est lui qui a la direction des débats.
C’est le président qui impartit le temps de parole aux parties et détermine l’ordre de prise de parole.
Les membres ne peuvent poser des questions que par l’entremise du président de la Cour qui préside l’audience.
Le juge rapporteur lit son rapport à l’audience à la demande du président de la Cour qui préside l’audience et dirige les débats. Il prend part aux délibérations également.
La durée d’une audience est fonction à la fois du nombre d’affaires inscrites au rôle et de l’importance des questions soulevées.
En matière électorale, une audience peut durer toute la journée comme elle peut durer quelques heures.
Dans les autres matières, l’audience peut durer 45 minutes à 2 heures.
En matière électorale, toutes les audiences publiques sont enregistrées par le service de presse de la Cour qui les diffuse sur l’ensemble des médias.
S’agissant des audiences non publiques, l’enregistrement est fonction de l’importance de l’affaire dont la Cour est appelée à trancher. La diffusion n’est pas systématique.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Les parties peuvent si la Cour l’admet, déposer une note post-audience.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Oui dans la mesure où la note post-audience de lecture du rapport est transmise à la partie adverse avec un bref délai de renvoi, pour répondre à cette note.
Cour constitutionnelle de Guinée
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Conformément à la Constitution (articles 93 et suivants), la Cour constitutionnelle est une juridiction « hors hiérarchie » compétente en matière constitutionnelle, référendaire, électorale, des droits et libertés fondamentaux notamment.Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle de Guinée s’apprécie à plusieurs points de vue :
- au plan organique : la Constitution érige la Cour constitutionnelle en une juridiction indépendante des institutions politiques et du Pouvoir judiciaire ;
- la désignation des membres de la Cour par voie d’élection ;
- au plan fonctionnel :
- la règle de non cumul de mandat ;
- la règle d’inamovibilité ou garantie d’irrévocabilité ;
- celle de l’immunité juridictionnelle ou fonctionnelle ;
- celle du respect de la chose jugée ;
- celle de la morale professionnelle.
Ces garanties sont prévues par les dispositions des articles 93, 99, 100, 101, 102 et 104 de la Constitution.
Dans la pratique, le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle ne fait l’objet d’aucune discussion.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
La loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle (article 44, al. 4) reconnaît la notion de « parties » en ces termes : « En toutes matières, sont parties à une affaire devant la Cour constitutionnelle en premier lieu le requérant, ainsi que les personnes ou les institutions qui sont constituées “partie intéressée”. Aux parties intéressées est offerte la possibilité de produire des observations par écrit concernant la requête. Elles ne peuvent comparaître devant la Cour. »
Quant à la notion de procès, sa reconnaissance n’est pas explicite. Toutefois, la possibilité offerte aux parties intéressées de produire devant la Cour des observations écrites pourrait être interprétée comme constituant une reconnaissance implicite de la notion de procès, entendue comme un débat processuel prenant la forme d’un affrontement, d’une lutte qui s’opère par la voie des arguments juridiques.La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?La procédure devant la Cour est essentiellement inquisitoire (articles 46 et 47 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle) En effet, les audiences de la Cour constitutionnelle statuant en matière constitutionnelle ne sont pas publiques. Les parties ne peuvent demander à y être entendues. La procédure est écrite et le rôle des parties est mineur.
La procédure devant la Cour constitutionnelle n’est pas contradictoire. Tout document produit après le dépôt de la requête n’a pour la Cour qu’une valeur de simple renseignement.
La Cour constitutionnelle prescrit toutes mesures d’instructions qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées.
Enfin, si la Cour constitutionnelle relève dans la loi attaquée une violation de la Constitution qui n’a pas été invoquée, elle doit la soulever d’office.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
La procédure contradictoire dépend de la nature de l’affaire.
La loi organique L/2011/06/CNT du 10 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle prévoit le caractère contradictoire de la procédure en matière électorale, de violation des droits et libertés fondamentaux et du pouvoir de régulation des organes de l’État.
En matière de contrôle de constitutionnalité des normes, la procédure n’est pas contradictoire.
(cf. articles 46, 47, 74, 75 et 78 de la loi organique)
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
Conformément à l’article 46, alinéa 4 de la loi organique : « la Cour constitutionnelle prescrit toutes mesures d’instruction qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées ».
Le règlement intérieur de la Cour, en son article 19, prévoit que les sections sont les formations chargées d’instruire les affaires et demandes d’avis.
La Cour compte deux sections : (i) la section contentieuse et (ii) la section consultative.
Les audiences devant la Cour ne sont pas publiques. Le président de la Cour désigne un rapporteur.
La Cour constitutionnelle entend le rapport de son rapporteur et statue par une décision.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Installée il y a moins d’une année, précisément le 23 juillet 2015, la Cour constitutionnelle n’a pas véritablement développé de coutumes ou usages internes à l’Institution.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Oui, le procès équitable est garanti par l’article 9, alinéas 2, 3 et 4 de la Constitution.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
La Cour se prononce en matière de contrôle de constitutionnalité des lois dans le délai d’un mois.
Ce délai est réduit à huit jours quand le gouvernement déclare l’urgence.
En matière électorale, la Cour se prononce dans un délai de huit jours en l’absence de contestation pour la proclamation des résultats des élections présidentielle et législative, et trois jours à compter du jour de sa saisine pour se prononcer sur la contestation.
Dans le cas de violation des droits humains, le délai maximum est de huit jours à compter de la date de saisine.
En matière de contrôle de conformité des accords et traités internationaux ou de saisine par voie d’exception, la Cour dispose d’un délai de quinze jours pour se prononcer.
Pour des fins de constatation, la Cour se prononce dans un délai de trois jours.
La Cour constitutionnelle doit statuer dans tous les cas de saisine dans le délai maximum de trente (30) jours.
En matière d’élections nationales, le délai de 3 jours semble suffisant pour permettre aux parties d’organiser efficacement leur défense.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Il existe au sein de la Cour, un service de greffe chargé de la réception et de l’enregistrement des requêtes et toutes les pièces relatives à l’exercice des compétences de la Cour. La procédure n’est pas dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Les spécificités du contradictoire devant la Cour constitutionnelle sont entre autres :
- les délais à la Cour constitutionnelle sont relativement courts ;
- en matière électorale, il y a le requérant et la partie intéressée et non demandeur, défendeur et ministère public ;
- pas d’obligation de communication de pièces à la charge du requérant ;
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les audiences de la Cour et les mesures d’instructions ordonnées par ses sections ne sont pas publiques et en toutes matières.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Non.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
L’article 9 de la Constitution le prévoit.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Oui, par exemple le toilettage des textes de Lois.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Le recours tendant à faire constater l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un engagement international est présenté sous la forme d’une requête adressée au président de la Cour constitutionnelle. Les requêtes sont déposées au greffe de la Cour contre récépissé.La requête doit, sous peine d’irrecevabilité :
- être signée par son ou ses auteurs ;
- contenir l’exposé des motifs invoqués ;
Les requêtes déposées devant la Cour doivent avoir pour auteurs les requérant eux-mêmes.
Lorsque le recours est exercé par le président de la République, le greffier en chef de la Cour en donne avis sans délai au président de l’Assemblée nationale.
Lorsque le recours est exercé par les députés ou les autres institutions constitutionnelles habilitées, le greffier en chef de la Cour en donne avis sans délai au président de la République et au président de l’Assemblée nationale.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Oui, pour non-respect de conditions de recevabilité selon l’article 94 de la loi organique.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
La Cour constitutionnelle est l’autorité ayant en charge la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité. Globalement, l’exercice du contrôle des normes est satisfaisant.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Les délais de productions des observations écrites en matière électorale est de 3 jours. Il n’existe aucune succession de délais de production.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Les requêtes déposées devant la Cour doivent avoir pour auteurs les requérants eux-mêmes. Elles ne peuvent être signées par un représentant. Lorsque la requête est introduite par un groupe de députés, c’est le député qui est tête de liste qui peut produire des considérations supplémentaires.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il n’existe aucun mécanisme d’aide juridictionnelle.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?Non.Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
La Cour constitutionnelle prescrit toutes mesures d’instruction qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
L’article 47, alinéa 3 de la loi organique dispose : « Si la Cour constitutionnelle relève dans la loi attaquée une violation de la Constitution qui n’a pas été invoquée, elle doit la soulever d’office ».
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Conformément aux textes, la Cour constitutionnelle prescrit toutes mesures d’instruction qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
La Cour ne dispose d’aucun moyen d’investigation en propre. Elle peut cependant prescrire toutes mesures d’instruction qui lui paraissent utiles, telles des observations écrites de la part des parties intéressées ou avis de techniciens ou d’experts.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Oui.
Dans sa fonction de régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs exécutif, législatif et des autres organes de l’État, la Cour constitutionnelle a récemment entendu, séparément, les commissaires de la Haute autorité de la communication et la présidente de cette institution en vue de trouver une solution à la crise qui y prévalait.
En matière de contrôle de constitutionnalité des lois, la Cour a demandé au gouvernement des précisions sur le projet d’interconnexion électrique dans le cadre de l’Organisation de la mise en valeur du fleuve Gambie.
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Aucune intervention n’est permise devant la Cour constitutionnelle.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ?
La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Sans objet.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Sans objet.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Sans objet.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Sans objet.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
La procédure suivie devant la Cour est écrite.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Sans objet.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Sans objet.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Les audiences de la Cour constitutionnalité ne sont pas publiques sauf en matière de prestation de serment et de proclamation de résultat.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Sans objet.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Les audiences ne sont pas publiques.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Il n’existe devant la Cour aucun monopole de la représentation. Les requêtes doivent être présentées par les requérants eux-mêmes.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
En matière de contrôle de constitutionnalité les audiences ne sont pas publiques. Les parties ne peuvent demander à y être entendues. La Cour entend le rapport de son rapporteur et statue par une décision (article 47 de la loi organique).
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?Non.Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Non.
Conseil constitutionnel de Guinée Bissau
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Non.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant notre Cour est inquisitoire.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure est explicitement consacré par la Constitution.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La procédure dans la matière est organisée par la Constitution dans son article 126º.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Non.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Oui. Par exemple la DUDH de la Charte africaine des doits humains et des peuples. Ces exigences sont applicables pour toutes les compétences de la Cour.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Non. La Cour décide dans un délai raisonnable, compte tenue de la complexité du dossier.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t- il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Oui. La procédure est totalement matérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
La Cour suprême c’est la plus haute Cour de justice de notre pays.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Non.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Non.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Oui.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Oui. Aucune évolution n’est envisagée.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Les recours sont notifiés auprès du juge de premier instance saisie de l’affaire principal, en conséquence, l’affaire principal et la procédure en matière de contentieux constitutionnel sont renvoyées devant la Cour suprême.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Oui.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
L’arrêt da la Cour suprême est définitif, et sans recours. La situation est satisfaisante.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Les observations sont acquises au Parquet et dans un délai minimal de huit jours.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Les règles sont communes. Les parties sont représentées par leurs avocats devant la Cour.
Existe-t-il unmécanismed’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Non.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Non.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Voir la réponse à la question au point 2.1.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Non.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Non.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Non.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Non.
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Non.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Non.Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?Pas d’intervenant.Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Non.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Non.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Il n’existe pas.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?Voir la réponse qui précède.La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Non.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)Il n’existe pas.Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Les restrictions à la publicité sont totales.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Voir la réponse a la question 4.5.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Idem.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?Idem.Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Idem.V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Non.
Conseil constitutionnel du Liban
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Un projet d’amendement du Statut du Conseil constitutionnel libanais a été élaboré par le président du Conseil, Issam Sleiman, à la lumière de l’expérience du Conseil durant vingt ans [1]. Ce projet a fait l’objet d’un séminaire organisé par le Conseil, le 6 mai 2016, groupant nombre de spécialistes.
Le contradictoire n’y est pas mentionné pour des raisons de principe relatives à la spécificité de la justice constitutionnelle qui n’est ni une justice ordinaire, ni un prolongement de la justice ordinaire.
Le projet porte surtout sur l’extension des attributions du Conseil, actuellement fort limitées, et qu’il faudra étendre notamment au recours par voie d’exception, avec certes les exigences d’investigation les plus élargies, mais sans obligation du contradictoire.
On entend par contradictoire (contradictorius, a, um, qui contredit), « l’opération judiciaire ou extrajudiciaire à laquelle tous les intéressés ont été mis à même de participer, même si certains n’y ont pas été effectivement présents ou représentés, mais à la condition que tous y aient été régulièrement convoqués de telle sorte que le résultat de cette opération leur est, à tous, opposable » [2].
Le principe du contradictoire ne couvre pas, sans d’importantes réserves, la justice constitutionnelle pour quatre raisons au moins :
1. La finalité de la justice constitutionnelle est exclusivement normative : Le principe du contradictoire se rapporte certes au procès, tout procès équitable au sens de l’article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Si la jurisprudence constitutionnelle en a fait un droit à caractère constitutionnel, cela ne signifie pas qu’il couvre de façon absolue la justice constitutionnelle, laquelle est saisie de recours et de saisine, et non engagée dans des procès et des parties au procès. Si on emploie parfois le terme de procès constitutionnel, c’est par extension, ce qui n’implique pas la similarité, ni des procédures, ni des finalités.
La justice constitutionnelle est le fruit d’un long travail historique pour garantir la normativité de la Constitution et la suprématie de cette normativité. Il y a un risque sérieux à ravaler cette justice au niveau des procédures courantes de la justice ordinaire, civile, pénale, administrative, et même exceptionnelle, avec les mêmes procédures fort justifiées et en cours suivant les principes généraux du procès équitable.
Dans la justice constitutionnelle, il s’agit certes d’un litige, mais pas à proprement parler d’un « procès » ou d’une « action en justice », portant sur un conflit interpersonnel ou entre le citoyen et l’administration. Même dans le contentieux électoral, le litige porte sur la régularité du scrutin et sa conformité aux normes, et moins sur un différend interpersonnel entre deux ou plusieurs candidats.
Certes, on distingue entre le recours abstrait et le recours concret dans la justice constitutionnelle, mais cette distinction porte sur l’objet du recours, s’il s’agit d’une loi en général, ou d’un cas déterminé, mais non sur la finalité du recours qui est toujours abstraite, c’est-à-dire débouchant sur l’élaboration d’une norme dont la nature même est générale. Dans le cas du recours par voie d’exception ou de Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), c’est la conformité constitutionnelle de la loi qui est contestée, donc sa qualité normative générale, et moins le cas spécifique qui relève de l’appréciation des tribunaux.
2. Les effets négatifs sur l’évolution du droit : le contradictoire sans réserve dans la justice constitutionnelle entraîne des dérives qui se répercutent négativement sur la normativité du droit, avec la subjectivisation et l’individualisation du droit au détriment de sa dimension normative. Dans un droit aujourd’hui sans frontières, l’inflation juridique, la propension à la judiciarisation à outrance et à l’instrumentalisation du droit…, il y a un risque de régression des principes fondamentaux, de relativisme à outrance, et d’une « société liquide » où tout serait négociable et défendable, sans boussole, ni repère [3].
3. Les dérives polémiques : L’expérience du Conseil constitutionnel au Liban montre les risques inhérents au contradictoire, qu’il s’agisse du contentieux électoral ou du contentieux de constitutionnalité des lois. Quels risques ? Non pas le débat serein et public et en vue de l’intérêt général, mais la polémique et la médiatisation effrénée, surtout dans un petit pays comme le Liban (10 452 km2), et plus généralement dans des pays en transition démocratique et là où la démocratie n’est pas consolidée. On donnera trois exemples :
a. Le contentieux électoral de l’année 2009 au Liban : des allégations relatives à la corruption, aux dépenses électorales, au changement de domiciliation électorale… sont soulevées dans les saisines de candidats, et fortement médiatisées. Le Conseil constitutionnel a usé de toute la latitude de ses attributions pour la vérification des faits. Les décisions rendues montrent la profondeur de l’investigation, dont l’audition individuelle des parties et des concernés si le Conseil le juge nécessaire [4].
b. La loi de prorogation du mandat du Parlement : Ce recours qui porte sur un principe fondamental de droit est aussi fortement médiatisé. La décision du Conseil n° 7/ 2014 du 28 novembre 2014 montre la profondeur de l’investigation, sans recours obligé au contradictoire. Antérieurement à cette décision et à propos d’une première prorogation par la loi n° 246 du 31 mai 2013, une proposition non officielle d’audition des services de sécurité pour vérifier la validité de la prétention que les circonstances sont exceptionnelles a été absolument écartée, évitant ainsi de ravaler le Conseil à la qualité d’un tribunal ordinaire. Le problème peut en effet être tranché d’après les déclarations officielles et publiques du pouvoir exécutif chargé d’assurer la sécurité des opérations électorales.
c. La loi de libéralisation des anciens loyers : La décision du Conseil n° 6/2014 du 6 août 2014 qui se propose de normaliser une situation qui remonte à près de 70 ans a été le fruit d’une investigation documentaire et factuelle approfondie, mais sans recours obligé au contradictoire. Toute la documentation est disponible, soit les travaux préparatoires au Parlement, accessibles au Conseil constitutionnel, soit dans les milieux socio-économiques et des mouvements sociaux concernés. Des tentatives de pression, au moyen de manifestations devant le siège du Conseil, ont été sans effet sur l’orientation de la décision. Un contradictoire obligé alimente la polémique, avec un impact fort néfaste sur la sérénité du débat approfondi et à huis clos du Conseil.4. La nature par essence ultra petita de la justice constitutionnelle : le Conseil constitutionnel, en tant qu’instance suprême de régulation constitutionnelle, se doit, quand il est saisi d’un recours, de se pencher sur l’intégralité de la loi contestée, même si les requérants se limitent à la contestation d’un article ou de quelques articles.
Il ne s’agit pas dans la saisine constitutionnelle, comme en droit privé et même en droit administratif, d’un litige entre particuliers ou d’un litige entre le citoyen et l’administration. Il ne s’agit pas, suivant la formule connue, de juger ultra petita, car il est de l’essence et de la finalité de la justice constitutionnelle de juger de la conformité à la Constitution, et non de rendre justice ou que la justice soit rendue dans des litiges privatistes.
Il y a certes un risque que la décision du Conseil constitutionnel soit réduite à son minimum acceptable, sans perspective normative d’ensemble, sans envergure jurisprudentielle, sans vision vraiment publique de la fonction même de la justice constitutionnelle. Cette justice est alors réduite à un tribunal ordinaire chargé de trancher un litige entre particuliers et entre particuliers et l’administration.
L’objection ou la justification, en partant d’une culture privatiste, constitue une dérobade face à la responsabilité de la magistrature constitutionnelle.
Considérer l’intégralité de la loi objet de saisine, ce n’est pas au fond un jugement ultra petita (au-delà de la demande), car il ne s’agit pas dans la saisine constitutionnelle de demande, mais plutôt d’un examen de conformité normative à un texte national fondamental.
Qu’est-ce qu’une demande (petita) ? Dans la saisine du Conseil constitutionnel, c’est une demande en justice à caractère général, public, même si les requérants ont omis, volontairement ou involontairement, de soulever l’ensemble des dispositions de la loi contestée. Le Conseil constitutionnel, en tant qu’instance suprême de régulation constitutionnelle, assume une responsabilité quant à l’ordre juridique en société.
La requête présentée au Conseil constitutionnel ne s’appelle pas demande (petita), mais saisine qui ressemble donc à l’intervention du Procureur général ou Ministère public, lequel intervient de plein droit dans une atteinte publique au droit. Les concernés ou ayant droit ne sont pas exclusivement, ou principalement, les requérants, mais l’ensemble de la communauté nationale.
Deux faits justifient la qualité publique de la saisine :
– Si les requérants après la saisine veulent retirer l’affaire et y renoncer, le Conseil constitutionnel poursuit sa démarche judiciaire sans tenir compte de la renonciation ou du retrait déclaré des requérants.
– L’autosaisine et le contrôle a priori de lois dites organiques par nombre de cours et conseils constitutionnels montrent aussi la dimension publique et non privatiste de la justice constitutionnelle.
À un moment et à un âge où, presque partout, on sollicite l’extension des attributions de la magistrature constitutionnelle, on ne peut à travers la limitation du contrôle de constitutionnalité à la petita (demande) des requérants, minimaliser l’intervention de cette magistrature, sous prétexte qu’il faudra parvenir à une décision unanime ou majoritaire. Il s’agit, et toujours, de se pencher sur l’intégralité de la loi contestée, soulever même des problèmes que les requérants ne soulèvent pas, envisager même des considérants qui débordent la culture constitutionnelle dominante d’une société, sinon la magistrature constitutionnelle devient la reproductrice de la culture constitutionnelle dominante, et non génératrice de changement et d’approfondissement du droit.Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?En ce qui concerne le contentieux électoral, le Conseil constitutionnel jouit des plus larges attributions en vue de l’enquête, mais sans procédure contradictoire. L’article 25 de la loi n° 250 du 14 juillet 1993 dispose que le recours d’un candidat doit être « joint avec les documents et justificatifs qui confirment la véracité du recours ».
En vertu de l’article 27, « le recours (en invalidation électorale) et les documents joints sont communiqués par voie administrative au candidat élu concerné auquel il appartient dans un délai de 15 jours à partir de la date de sa notification de présenter des observations (mulâhathâtihi) et sa défense (difâ’ihi) avec les documents dont il dispose.
« Le candidat contestataire et le député dont l’élection est contestée peuvent se faire aider d’un seul avocat auprès du Conseil constitutionnel. »
Selon l’article 28 : « Le ministère de l’Intérieur doit procurer au Conseil constitutionnel tous les procès-verbaux, documents et informations disponibles auprès du ministère pour que le Conseil puisse entreprendre les investigations nécessaires. »
En vertu de l’article 29 : « Le président du Conseil constitutionnel charge l’un des membres de l’élaboration d’un rapport à propos du recours et lui confie la tâche d’entreprendre les investigations nécessaires. Le rapporteur dispose des plus larges attributions (awsa’al-salâhiyyât) et peut en particulier requérir les documents officiels et autres, écouter les témoins et procéder comme il le juge utile à l’interrogatoire de toute personne relativement aux circonstances du recours. »En vertu de l’article 32 : « Lorsque le Conseil constitutionnel exerce ses attributions en matière de validation d’une élection législative, il jouit, collectivement ou par l’intermédiaire du membre qu’il délègue, de l’autorité du juge d’instruction à l’exception de mandat d’arrêt. »
En matière de constitutionnalité des lois, le Conseil dispose aussi des plus larges attributions pour requérir du Parlement les travaux préparatoires et les procès-verbaux des séances, et se fonder sur toute documentation disponible, mais sans procédure contradictoire.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Le Conseil constitutionnel actuel (2009-2016) a eu le souci que ses décisions soient fortement argumentées pour montrer que la finalité du contradictoire est assurée, sans procédure contradictoire formalisée. Des études et commentaires publiés dans l’Annuaire du Conseil constitutionnel (vol. 4 à 9) montrent la profondeur de l’investigation et de la documentation entreprise par le Conseil constitutionnel en ce qui concerne des sujets complexes : transfert de domiciliation électorale, vérification d’allégations relatives à la corruption électorale, nationalité et problématique du genre en ce qui concerne les femmes libanaises mariées à des étrangers, législation sur les anciens loyers, circonstances exceptionnelles, circonstances d’un concours administratif qui débouche sur une loi de promotion d’agents publics à la Sûreté générale…
Il faudra contrer l’habitude légaliste à toujours résumer dans les décisions, ce qui risque d’occulter un sérieux travail d’investigation et de ne pas informer le public sur les données qui fondent la décision.
Il faudra de plus en plus distinguer entre les considérants justificatifs et les considérants explicatifs, dans un but de culture constitutionnelle, de pédagogie judiciaire et de transparence.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le préambule de la Constitution libanaise, amendée en 1990, implique l’engagement du Liban aux conventions internationales des droits de l’homme et l’obligation de concrétiser les principes de ces conventions « dans tous les champs et domaines sans exception. » Le préambule a toujours servi de référence dans les décisions du Conseil constitutionnel [5].
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Le délai pour le jugement en matière de constitutionnalité des lois est d’un mois environ (art. 20-21).
Le délai pour se prononcer sur la validité des élections présidentielles est de 3 jours (art. 33), et de 5 mois au maximum pour les élections législatives (art. 27 à 30). Il y a toute latitude d’investigation, sans procédure contradictoire.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Un service administratif assure l’enregistrement et l’assistance aux membres du Conseil et au rapporteur.
La procédure n’est pas encore dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Pas de procédures, ni de contradictoire, ni d’audience publique. Les aménagements en vigueur ont prouvé par expérience leur efficience au Liban et il faudra les maintenir.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
Les notions de « procès » et de « parties », parfois inutilisées de façon extensive en matière de justice constitutionnelle, n’ont pas la même signification, ni les mêmes implications juridiques et procédurales, pour la justice ordinaire et pour la justice constitutionnelle. Il faudra éviter toute tentative d’assimilation sous couvert de « droit à la défense » et de « procès équitable ».
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
La saisine est enregistrée aux greffes du Conseil constitutionnel.
Le Conseil refuse d’enregistrer toute requête qui n’émane pas des ayants droit de saisine, et même toute requête ou note émanant de personnes ou d’organisations non qualifiées à présenter un recours devant le Conseil constitutionnel. Cette pratique a aussi prouvé son efficience. Elle ne signifie pas que le Conseil ne profite pas de tout éclairage factuel, juridique, ou jurisprudentiel dans l’élaboration de ses décisions.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Le Conseil considère le recours irrecevable dans la forme quand il est présenté après l’expiration du délai.
Déjà un filtrage est effectué aux greffes du Conseil qui n’enregistre que les recours présentés par les ayant-droits : chef de l’État, président du Parlement, chef du gouvernement, dix députés, et chefs des communautés limitativement en ce qui concerne le statut personnel et l’enseignement religieux.
Le projet d’extension des attributions du Conseil prévoit, entre autres, la saisine par voie d’exception suivant des procédures à déterminer.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Les travaux préparatoires de la loi, les procès-verbaux des commissions parlementaires et des séances plénières du Parlement, l’exposé des motifs de la loi… sont des documents que le Conseil peut réclamer au Bureau du Parlement et qui lui sont fournis. Ils constituent un matériel consistant en vue d’une décision normative qui tient compte des positions diverses.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
La production d’observations écrites en matière de contentieux électoral par le candidat élu dont l’élection est contestée est régie par l’article 27 de la loi n° 250 du 14 juillet 1993. L’élu contesté dispose d’un délai de 15 jours pour la présentation écrite « de ses observations et de sa défense (difâ’uhu) avec les documents dont il dispose. » Le candidat contestataire et l’élu contesté peuvent se faire assister par un avocat en vue de cette procédure, entièrement écrite, et sans contradictoire oral.
Le rapporteur peut convier pour une audition « tout témoin et toute personne s’il l’estime nécessaire pour un interrogatoire sur les circonstances (thurûf) du recours en invalidation électorale » (art. 29).
Cette procédure s’est avérée, par expérience, suffisante en matière électorale, et d’après les concernés eux-mêmes. Le Conseil a exploité toute la latitude de cette procédure en ce qui concerne surtout l’audition de témoins, et sans confrontation contradictoire entre les concernés, évitant ainsi la polémique et l’argumentation dilatoire.
Cependant le dépassement du plafond des dépenses électorales, le régime libanais du secret bancaire et les modalités d’action de la Commission chargée de la supervision des élections méritent une analyse en profondeur. Le Conseil se heurte à des obstacles de fait qui ne relèvent pas de ses propres procédures d’investigation [6].
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Au cas où les attributions du Conseil constitutionnel libanais seraient à l’avenir élargies, à la lumière du projet d’amendement précité, une aide serait nécessaire avec la détermination éventuelle des frais et des règles applicables.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
La jurisprudence du Conseil constitutionnel au Liban a été constante en ce qui concerne la pleine compétence du Conseil d’aller au-delà des demandes des auteurs des saisines, en se penchant donc sur l’intégralité de la loi en ce qui concerne surtout les recours de constitutionnalité [7].
En outre si les auteurs d’une saisine décident par la suite le retrait de leur recours, le Conseil se considère saisi de plein droit [8].
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse. La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Dans le contentieux électoral, la convocation de témoins et d’autres personnes (art. 29) par le rapporteur n’est pas assortie de contrainte, mais elle a toujours été respectée par les témoins et personnes concernées. Nous présumons que ce respect constant est dû en grande partie au fait que le rapporteur les convoque sans procédure contradictoire qui verserait dans la confrontation conflictuelle et la polémique. L’audition entre le juge constitutionnel ayant qualité de rapporteur et la personne convoquée se déroule dans une ambiance favorable à un échange serein et efficace, appuyé par une documentation et des justificatifs concrets.
IV. Organisation de la procédure oraleExiste-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
C’est dans le contentieux électoral au Liban qu’il existe une audition orale engagée par le rapporteur avec des témoins et d’autres personnes qui pourraient fournir des éléments de preuve, mais individuellement, et sans confrontation entre des « parties ». La pratique constante témoigne du souci du Conseil au Liban de ne pas agir en tant que tribunal « ordinaire », engagé dans un « procès » et avec des « parties », mais en tant que juge constitutionnel normatif qui procède à une enquête approfondie, sans être subordonné à des procédures conventionnelles de plaidoirie.
Pas d’audience publique non plus. L’expérience constante du Conseil au Liban montre qu’il faudra maintenir la pratique de la diffusion des décisions, mais sans « audience publique », ni pour le contradictoire ni pour l’audition.
Le Conseil constitutionnel libanais actuel (2009-2016) a été le premier à introduire les médias au siège du Conseil en vue de conférences de presse en général, de communication avec les médias, et de transparence. Mais en ce qui concerne les décisions, en matière électorale et de constitutionnalité des lois, les procédures précitées, et sans contradictoire formalisé, s’avèrent suffisantes et surtout en parfaite conformité avec la nature de la justice constitutionnelle qui doit éviter de devenir un tribunal de plus dans un système judiciaire ou un prolongement de la magistrature civile, pénale ou administrative.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Au-delà du contradictoire, du droit à la défense et du procès équitable, le problème de fond aujourd’hui dans l’évolution du droit et de la mondialisation en général réside dans la norme, la normativité et la reconnaissance de l’universalité de valeurs humaines fondamentales que la justice constitutionnelle en tant que haute instance se propose de garantir.
Cette universalité valorielle se heurte à un relativisme qui menace les acquis de la civilisation.
Les notions d’« audience », de « procès », de « parties », employées par extension en matière de magistrature constitutionnelle, n’ont, ni la même signification, ni les mêmes implications procédurales pour la justice constitutionnelle dont la fonction est, et doit être, exclusivement normative.
Il y a des normes universelles qui ressortent des religions, des grands courants de pensée, des conventions internationales, et des jurisprudences constitutionnelles au niveau international. Cette universalité s’explique par trois considérations :
a. Tous les êtres humains ont la même structure biologique, avec des variantes individuelles, ce qui fait qu’une science médicale est possible ;
b. L’humanité partage trois valeurs fondamentales avec des variantes dans les aménagements : l’être humain est une valeur en soi ; il est libre, et la fraternité entre les hommes.
c. Nous vivons sur la même planète et, en conséquence, l’humanité partage les mêmes soucis de coexistence et de survie.
Il appartient aux tribunaux du système judiciaire général d’appliquer, jusqu’à l’extrême exigence, la force normative de l’adage : specialia generalibus derogant (Ce qui est spécial déroge à ce qui est général), alors que la justice constitutionnelle doit se pencher sur le generalibus, le préciser, le confirmer, le nuancer, l’adapter…, sans dogmatisme aveugle et incompatible avec les exigences de justice, mais aussi sans trop de casuistique, à travers des procédures de contradictoire, de plaidoirie, de procès, et de parties. L’effet pervers ou le dérapage est humainement facile.Notre conclusion est qu’il faut pour la justice constitutionnelle respecter les finalités du contradictoire, mais pas nécessairement les procédures, et toutes les procédures, du contradictoire.
Une question ne figure pas dans le questionnaire : Qu’est-ce que le contradictoire, dans les pays qui l’ont adopté dans la justice constitutionnelle, a par expérience apporté de plus par rapport à la procédure inquisitoire élargie et pour l’équité de la décision ?
S’agit-il, concrètement, d’un processus de défoulement procédural par des plaignants ? Ou de facilitation, par paresse, du travail du juge constitutionnel qui, au lieu d’aller jusqu’au bout de l’investigation documentaire et surtout normative, se rabat sur les arguments présentés dans une plaidoirie et une audience publique, peut-être une audience qui sera exploitée à traves des médias ou auprès des clients de l’avocat ?
L’emploi de la notion de norme (norma, éguerre, règle) est relativement récent, généralisé pour l’essentiel au xixe siècle. L’assimilation entre norme et règle juridique, en faisant abstraction du substrat religieux, philosophique, valoriel, moral, éthique, et plus généralement culturel et humaniste de la norme [9], débouche sur un normativisme formaliste pour la justification d’actions sous-jacentes, ou l’occultation de la dimension culturelle et valorielle de la norme. Ce normativisme formaliste « n’est rien d’autre que l’étude légitime, même si elle est partielle, des instruments justificatifs, des aspects d’un raisonnement pratique », au lieu de la recherche du sens. Certes la « norme complète » doit faire référence à un comportement susceptible d’être empiriquement décrit » [10], mais c’est le sens qui est, et doit être, le moteur de ce comportement [11].
Ni dogmatisme philosophique ou valoriel, ni dogmatisme juridique aussi. Le sens dont on parle concerne la justice qui va plus loin que le droit et la loi, et qui rejoint la distinction romaine entre lex et jus. D’où la distinction entre systèmes normatifs et processus litigieux (normative systems, disputes processes). Il y a un risque à privilégier les processus conflictuels [12]. Pourtant, il est banal de rappeler que les normes de caractère général par essence expriment des valeurs, des significations. C’est sur la conformité de la norme à la justice, et moins à la règle de droit, que la justice constitutionnelle est appelée à se prononcer.
On peut même dire, dans la perspective constitutionnelle et démocratique : « Il n’y a pas de règles à proprement parler juridiques (…). C’est (…) toujours la fonction qui prime l’être et qui lui imprime des déterminations variées… » [13].
La norme en tant que « type concret ou formule abstraite de ce qui doit être, en tout ce qui admet un jugement de valeur » ou ce qui est « conforme à la majorité des cas » est le propre de la justice constitutionnelle en tant que « science normative dont l’objet est constitué par des jugements de valeur » (Le Grand Robert, éd. 2005, p. 805).
La justice constitutionnelle, quand elle a accès à tous les dossiers, n’a pas nécessairement besoin d’un contradictoire qui verserait dans la plaidoirie conflictuelle et même polémique.
L’article 14 du nouveau code de procédure civile français qui dispose que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée », et l’article 15 qui dispose que l’échange doit se faire en temps utile, donnent une perspective assez large au principe du contradictoire, sans nécessairement audience publique, confrontation directe et orale des parties, et publicité de l’audience.
On ne peut coller toutes les procédures du contradictoire, sans discernement, à la justice constitutionnelle.
Pour le respect du contradictoire, il y a place à des procédures contentieuses et des procédures non contentieuses. Ce n’est pas le caractère contentieux ou non contentieux et l’oralité des débats qui importent, mais la qualité et la profondeur de l’investigation et sans obstacle de fait.
Les normes classiques de l’« équilibre des droits des parties » et de « l’égalité des armes » s’appliquent surtout à toutes les juridictions civiles, pénales et administratives, mais pas nécessairement, et avec les mêmes procédures, à la justice constitutionnelle, laquelle est astreinte à un examen complet de l’affaire « pour les points de fait comme pour les questions de droit » (Cour européenne des droits de l’homme, arrêt Zumtobel, 21/9/1993).
L’expérience même des cours et conseils constitutionnels dont la composition est heureusement variée montre que le débat normatif, comme le dialogue, au sens grec et romain, chez Socrate, Platon, Ciceron…, même le plus proche des réalités humaines, se situe sur une autre échelle, et à un autre niveau que tout débat légaliste qui serait du sophisme d’aujourd’hui ou les palabres des Plaideurs de Racine.L’expérience du contradictoire en matière de question prioritaire de constitutionnalité en France (QPC) [14] montre à quel point le contradictoire, quand il va au-delà d’un cadre fort restrictif, plonge le Conseil dans des procédures judicaires conventionnelles. Il faudra, avec lucidité, évaluer cette expérience non pas au regard de la conformité à des règles générales de droit (rendre justice), mais au regard de l’efficience de la justice constitutionnelle (la justice effectivement rendue).
Jean Carbonnier affirme en 1939 : « Rien n’est plus favorable à la vérité que le débat contradictoire.
Il n’y a pas de contradiction sans une défense aussi libre que possible. » Il n’y avait pas alors la justice constitutionnelle [15].
C’est encore Jean Carbonnier qui écrit : « Le droit positif n’inclut point la justice dans sa définition.
La justice est ce qui reste aux juristes quand ils ont oublié tout le droit. » [16]
-
[1]
Issam Sleiman, Projet d’amendement du Statut du Conseil constitutionnel et de quelques dispositions légales (en arabe), juil. 2015, 22 p. et Actes du séminaire du 6/5/2016, à paraître fin déc. 2016. [Retour au contenu] -
[2]
Gérard Cornu, Vocabulaire judirique, ap. Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy-PUF, 2003, 1650 p., pp. 271-274. [Retour au contenu] -
[3]
3. Xavier Molenat (dir.), L’individu contemporain (Regards sociologiques), Paris, Ed. Sciences humaines, 2014, 248 p.
Dominique Schnapper, L’esprit démocratique des lois, Paris, Gallimard, « NRF Essais », 2014, 322 p.Sur la société « liquide » :
Zygmunt Bauman, La vie liquide, Paris, Le Rouergue – Chambon, 2006.
– Le présent liquide, Paris, Seuil, 2007.
– La vie en miettes (Expérience postmoderne et moralité), Paris, Hachette, 2003. [Retour au contenu] -
[4]
Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, 1994-2014, 2 vol., vol. 2 : Le contentieux électoral (en arabe), 2015, 606 p. et : ccliban. org. [Retour au contenu] -
[5]
Recueil des décisions, 1994-2014…, op. cit., vol. 1, index p. 405. [Retour au contenu] -
[6]
Issam Sleiman, al-Fasl fi al-nizâ’ât al-intikhâbiyya fî Lubnân (Le règlement du contentieux électoral au Liban), Annuaire du Conseil constitutionnel, vol. 9, 2015, pp. 51-61. [Retour au contenu] -
[7]
Notamment les décisions n° 2/ 1999 et n° 4/2001, cf. Recueil des décisions 1994-2014, op. cit., vol.1, pp. 90 et 180. [Retour au contenu] -
[8]
Notamment la décision n° 1/1995 du 11/2/1995, in Recueil…, op. cit., vol. 1, pp. 15-16. [Retour au contenu] -
[9]
On relève cette dérive dans quelques contributions dans l’ouvrage fort important : Catherine Thibierge et allii, La force normative (Naissance d’un concept), LGDJ et Bruylant, 2009, 892 p. [Retour au contenu] -
[10]
André-Jean Arnaud (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, LGDJ, 2e éd., 1993, 758 p., pp. 399-407. [Retour au contenu] -
[11]
Cf. François Bayrou, Le droit au sens, Paris, Flammarion, 1996, 282 p. Gérard Fellous, Les droits de l’homme, une universalité menacée, Paris, La documentation française, 2010, 272 p. [Retour au contenu] -
[12]
F. G. Synder, Anthropology, Disputes Processes and the Law. A critical introduction, British Journal of Law and Society, vol. 8, n° 2, Winter 1981, p. 144 et sv., cité par Arnaud, op. cit., p. 403. [Retour au contenu] -
[13]
Michel Alliot, « La coutume dans les Droits originellement africains, in La coutume, Recueils de la société Jean Bodin pour l’histoire des institutions, cité ap. André-Jean Arnaud (dir.), op. cit., p. 402. [Retour au contenu] -
[14]
Christine Maugüé et Jacques-Henri Stahl, La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, Dalloz, 2e éd., 2013, 310 p., surtout pp. 81-120 (Les procédures du contradictoire de la QPC). [Retour au contenu] -
[15]
« La fonction de juger », revue Droit et cultures, n° spécial 47, 2004, pp. 231 et s. rassemblant à l’initiative du Prof. Raymond Verdier des paroles de Jean Carbonnier, décédé en 2003.
R. Verdier, « Jean Carbonnier, historien-sociologue du pénal et du non-droit pénal », in « La peine : Discours, pratiques, représentations », Cahiers de l’Institut d’Anthropologie juridique, n° 12, 2005, note pp. 256 et s. « Droits de la défense et protection de la liberté individuelle. [Retour au contenu] -
[16]
Jean Carbonnier, « La Bible et le Droit », Annales de l’Université de Strasbourg, 1961, cité par Jérôme Benzimra-Hazan, in Dictionnaire des droits fondamentaux, op. cit., pp. 216-249, p. 248.
Cf. aussi Loic Caimet, « Contradictoire », ap. Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy-PUF, 2003, 1650 p., pp. 270-272.
Gérard Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, 7e éd., 1998, 900 p., pp. 210-211.
Dominique Chagnollaud et Guillaume Drago (dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 2006, 752 p.
G. Drago, Contentieux constitutionnel français, Paris, PUF, Thémis, 2e éd., 2006, pp. 372 et s. [Retour au contenu]
Haute Cour constitutionnelle de Madagascar
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Non.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant la Haute cour constitutionnelle est accusatoire, bien qu’étant essentiellement écrite.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure est explicitement consacré par l’ordonnance n° 2001- 003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute cour constitutionnelle et par son règlement intérieur.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
L’ordonnance et le règlement intérieur précités règlementent ces modalités.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Concernant les contentieux électoraux, l’article 137 de la loi organique du 22 mars 2012 portant code électoral impose un délai maximum de soixante jours pour les échanges de mémoires entre les parties. Par contre, les textes ne fixent pas de délai déterminé pour l’arrêt de la Haute cour. Dans la pratique, cette dernière s’efforce de traiter les contentieux avant la proclamation officielle du résultat des élections ou du référendum.
Concernant les conflits de compétence entre des institutions de l’État et entre l’État et une ou plusieurs collectivités décentralisées, l’ordonnance relative à la Haute cour constitutionnelle fixe un délai de trente jours à compter de sa saisine pour que la Cour rende sa décision.
Concernant l’exception d’inconstitutionnalité, selon la Constitution, la Cour doit statuer dans le délai d’un mois à compter de sa saisine.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le service du greffe assure, au sein de la Cour, l’enregistrement des requêtes, des notifications, des communications et des échanges de pièces entre les parties.
La procédure, essentiellement écrite, n’est pas encore dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Non.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Non, la procédure est essentiellement écrite et elle se déroule en audience privée.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?Oui.Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Pour le contentieux constitutionnel, la requête est notifiée à la Direction de la législation et du contentieux auprès de la Primature pour qu’elle puisse préparer le mémoire en défense de l’État.
La notification se fait par écrit.
Pour le contentieux électoral, la requête est notifiée à la Commission électorale nationale indépendante pour qu’elle émette éventuellement des observations.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
La Cour peut rejeter une requête sans débat contradictoire pour vice de procédure (insuffisance des pièces exigées par la loi pour le dépôt d’une requête, non respect des délais de saisine, etc.).
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
La Direction de la législation et du contentieux, rattachée à la Primature, est chargée de la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité, mais uniquement à la demande de la Cour ou en cas de contentieux constitutionnel.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
En moyenne, le délai de production des observations et répliques est de quinze jours pour chaque partie. Ce délai peut être raccourci par la cours si le délai de la prise de décision est limité.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Seuls des avocats peuvent assister et/ou représenter les parties.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Non.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Non.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
L’instruction du recours se fait essentiellement sur la base des documents écrits produits par les parties ou demandés par la Cour. Le rapporteur est chargé de l’instruction du dossier. Chaque conseiller dispose d’une copie intégrale du dossier pour les débats lors de la délibération.
La clôture de l’instruction a lieu lorsque le rapporteur a terminé l’examen du dossier.Il n’y a pas de possibilité de réouverture de l’instruction.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Non, sauf en matière de contentieux électoral où la Cour utilise son pouvoir de contrôle de légalité et de régularité du scrutin.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
En matière de contentieux électoral, la Cour peut ordonner une enquête ou un supplément d’information.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Jusqu’à maintenant, la Cour n’a pas procédé à des enquêtes, constats et/ou expertises.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Non.
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Non.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure
contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
IV. Organisation de la procédure oraleExiste-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Oui.Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
La procédure orale est limitée par la loi, qui exige une demande d’un avocat constitué souhaitant faire des observations orales. Elle est facultative mais, dans la pratique, la demande est généralement acceptée par la Cour.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Les avocats n’ont pas le droit de présenter de nouveaux moyens non développés dans les mémoires écrits lors de la présentation orale.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?Comment est-elle fixée ?
Oui. Depuis son existence. L’audience publique n’est pas systématique. Son organisation relève d’une décision souveraine de la Cour, qui en examine l’utilité sur la base des documents produits par les parties. Dans la pratique, l’audience publique est fixée à la demande des avocats des parties.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Le mode de publicité est l’accès du public à l’audience compte tenu des places disponibles.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
L’essentiel de la procédure se déroule en audience privée.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
La représentation lors de l’audience est strictement limitée aux avocats constitués par les parties.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Les audiences publiques sont dirigées par le président de la Cour. Les avocats des parties sont invités successivement à faire leur plaidoirie. Ils ont ensuite le droit de répliquer successivement à l’argumentation de la partie adverse. Le temps de parole des avocats n’est pas limité. En cas d’excès cependant, le président peut leur demander d’abréger leur propos.
Les membres de la Cour peuvent ensuite poser des questions à l’une ou l’autre partie. Le juge-rapporteur n’a pas de rôle particulier en la matière.La durée moyenne d’une audience publique est d’une heure et demie.Les modalités d’enregistrement sont limitées à la tenue du plumitif par le greffier en chef.À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Non.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
Cour constitutionnelle du Mali
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel de la Cour constitutionnelle du Mali n’est point discuté aujourd’hui.
L’élément essentiel qui caractérise une juridiction, c’est l’autorité de chose jugée qui s’attache à ses décisions. C’est-à-dire le fait qui a été jugé, sous réserve des voies de recours, ne peut plus être remis en question et s’impose de façon définitive à toutes les parties en cause. Il résulte des dispositions de l’article 94 de la Constitution du 25 février 1992 que « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont·susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales ».
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Ces notions sont pleinement reconnues au niveau de la Cour constitutionnelle du Mali dans la mesure où, dans le cadre de ses attributions juridictionnelles, elle tranche des litiges entre deux ou plusieurs parties ayant des prétentions opposées.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure devant la Cour constitutionnelle du Mali est inquisitoire avec cependant quelques spécificités. En effet, la Cour peut ordonner des mesures d’instruction ou demander aux parties d’apporter les précisions qu’elle estimerait utiles.
La phase orale se limite à la lecture par le conseiller-rapporteur d’un projet de rapport et de la discussion entre les membres de la Cour lors du délibéré en audience non publique. Les avocats ne plaident donc pas devant la Cour et il n’y a pas d’intervention du Ministère public. Les arrêts ne sont prononcés en audience publique qu’en matière de contentieux électoral.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
La loi n° 97-010 du 11 février 1997 portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle indique en son article 39 que « dès la clôture de l’instruction de l’affaire, le président de la Cour avise les parties ou leurs mandataires du jour où ils peuvent prendre connaissance de toutes les pièces du dossier, sur place, au greffe de la Cour. Il les informe en outre qu’elles ont cinq jours francs pour formuler leurs observations écrites… »
Le règlement intérieur de la Cour consacre également le caractère contradictoire de la procédure.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La loi organique ci-dessus indiquée prévoit en son article 37 que « le rapporteur peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tout document et rapport. Il peut délivrer des commissions rogatoires à tout fonctionnaire ou tout magistrat-de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire, recevoir sous serment les déclarations des témoins et en dresser procès verbal. La Cour peut commettre l’un de ses membres pour procéder sur place à d’autres mesures d’instruction.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
En l’état actuel, aucun usage ou coutume n’existe en la matière.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
La Cour ne prend en considération aucune exigence extra nationale imposant le principe du contradictoire.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
En matière de contrôle de constitutionnalité, la Cour statue dans un délai d’un mois. Toutefois, à la demande du gouvernement et en cas d’urgence, ce délai est ramené à huit jours. Cette disposition est également valable en matière de contrôle de conventionalité des engagements Internationaux.
En matière de contentieux électoral, au terme des dispositions de l’article 31 de la loi organique, la Cour statue sans délai.En ce qui concerne la procédure en matière d’examen des textes de forme législative, la Cour se prononce dans un délai de quinze jours qui peut être réduit à huit jours quand le gouvernement déclare qu’il y a urgence.
Ceci ne peut nullement constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
L’article 17 de la loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle prévoit l’institution auprès de la Cour d’un service de greffe.
L’article 1er-a, de ladite loi précise que le greffe est dirigé par le greffier en chef nommé par ordonnance du président de la Cour et qui prête serment devant ladite Cour. Il est chargé notamment de tenir la plume aux audiences de la Cour, fait procéder, aux notifications, citations et significations, conserve les minutes des décisions et en délivre copie.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Le respect du contradictoire est un principe cardinal prévu par les lois de procédure au Mali. Toutes les juridictions du pays sont tenues de s’y conformer. Il n’y a aucune spécificité par rapport aux autres juridictions supérieures du pays.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Lors de la procédure d’instruction, les discussions et consultations ne sont pas publiques. Cependant, les parties peuvent se faire assister par le conseil de leur choix. Tous les actes de la procédure peuvent être communiqués aux parties lors de l’instruction. Pareillement, lorsque l’instruction est terminée, les parties sont avisées par le président de la Cour qu’elles peuvent prendre connaissance de toutes les pièces du dossier et au besoin, se faire délivrer copies à leurs frais.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
En tout cas le principe du contradictoire est respecté par la Cour dans ses attributions juridictionnelles.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Oui bien sûr. On ne saurait parler de procès équitable sans respecter et faire respecter le principe du contradictoire.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
L’organisation du ·contradictoire au niveau de la Cour est perfectible. En effet, l’avènement d’une réforme constitutionnelle prenant en compte l’accès du citoyen à la Cour par voie incidente (notamment par l’adoption de la question prioritaire de constitutionnalité – QPC) sera de nature à rendre publics les débats au-sein de l’instruction.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
En matière de contentieux électoral, les requérants ou leurs mandataires peuvent directement saisir la Cour par requête écrite adressée au président. La requête peut égaiement être remise contre récépissé au représentant de l’État dans sa circonscription administrative qui avise immédiatement par télégramme, télécopie ou tous autres moyens de communication rapide le président de la Cour constitutionnelle.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Au terme des dispositions de l’article 38 de la loi organique, lorsque la requête ne contient pas les nom, prénoms, adresse du requérant, la Cour, par arrêt motivé constate son irrecevabilité. Un débat contradictoire n’est donc pas nécessaire.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle, c’est le gouvernement qui assure la défense de la loi. Cette situation est satisfaisante d’autant que c’est le gouvernement qui incarne l’administration et que l’administration agit dans le cadre de l’intérêt public.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Aucun délai n’est prévu pour la production des observations. Au terme de l’article 45 de la loi organique ci-dessus citée, « lorsqu’elle est saisie par le président de l’Assemblée nationale ou un dixième des députés, par le président du Haut conseil des collectivités ou un dixième des conseillers nationaux aux fins de contrôle de constitutionnalité qu’une loi, la Cour transmet une copie de la requête au chef du gouvernement en l’invitant à lui faire parvenir, dans le délai qu’elle fixe, les observations du gouvernement en réponse aux griefs d’inconstitutionnalité soulevés par les requérants ».
La possibilité de répliques et de dupliques n’est prévue ni par la loi, ni par le règlement intérieur.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Le principe est que les parties peuvent se faire représenter par des mandataires et se faire assister par des avocats de leur choix.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Il n’existe aucun mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour. Il ressort des dispositions de l’article 25 de la loi organique que la procédure devant la Cour constitutionnelle est écrite et gratuite.
En conséquence, l’aide juridictionnelle ne se justifie pas.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
La Cour ne peut pas accorder de frais irrépétibles dans la mesure où notre droit de procédure ne rend pas obligatoire l’office de l’avocat devant les juridictions.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Conformément aux dispositions des articles 36 et suivants de la loi organique dès réception de la requête, le président en confie l’examen à la Cour et désigne un rapporteur parmi ses membres.
Le rapporteur procède à l’instruction de l’affaire et rédige un rapport. Il peut ordonner une enquête et se faire communiquer tout document et rapport. Il peut délivrer des commissions rogatoires et recevoir sous serment les déclarations des témoins et en dresser procès-verbal. Il n’y a pas de forme particulière de la clôture de·1’instruction. Lorsque 1’instruction se révèle manifestement insuffisante, rien n’empêche le président de suspendre l’examen du recours et de désigner un autre rapporteur, sous réserve du respect du délai dans lequel la Cour est ténue de statuer.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Rien·n’empêche la Cour de soulever des moyens d’office. Cette faculté n’est pas prévue par un texte spécial.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
La Cour peut solliciter une mesure d’instruction pour l’éclairer. Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, il peut s’agir de l’audition d’une commission parlementaire. Ces observations ne sont pas communiquées aux parties, à moins qu’elles ne le demandent expressément. En l’état actuel des compétences de la Cour, rien ne justifie une telle demande.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
La Cour n’est pas dotée en propre de moyens d’investigation. Très rarement elle procède à des enquêtes, constats et expertises.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
La Cour peut bien recourir à une audition. Dans le cadre de l’examen du contentieux électoral, la Cour a eu à auditionner un membre de la structure, chargée· de l’organisation des élections pour apprécier un grief en lien avec cette organisation
Les interventions devant la Cour :
La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
L’intervention dans le procès n’est pas admise devant la Cour constitutionnelle.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Sans objet.Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Sans objet.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Non.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Sans objet.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Il n’existe pas de procédure orale devant la Cour constitutionnelle du Mali.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?Sans objet.Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?Sans objet.La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
La Cour n’organise pas d’audience publique.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
En matière de contentieux électoral, les arrêts de la Cour sont rendus en audience publique dans une salle d’audience prévue à cet effet. La retransmission en direct à la Radio et à la Télévision nationale est assuré par les médias d’état.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
En dehors du contentieux électoral, les autres décisions de la Cour ne peuvent faire l’objet de publicité à l’exception de leur publication dans le Journal officiel.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Dans le droit de procédure de notre pays, les avocats ont certes le monopole de plaidoirie devant les juridictions, pas celui de la représentation.
Les parties peuvent se faire représenter par les mandataires de leur choix.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Du fait que les débats devant 1a Cour ne sont pas publics ; il n’y a pas de temps de prise de parole par les parties, ni d’échange avec les membres de la Cour.Les débats lors du délibéré sont dirigés par le président. Le rapporteur est entendu en la lecture de son rapport. La discussion porte aussi bien sur le rapport que sur la proposition·d’arrêt dont la rédaction, le sens, le contenu ou l’ordre des considérants peuvent être modifiés.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Dans la mesure où l’audience devant la Cour n’est pas publique, les parties n’ont aucune possibilité de déposer des notes en cours de délibéré.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Nullement.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez évoquer ?
En l’état actuel de la constitution du Mali, l’accès de la justice constitutionnelle au citoyen par voie d’action ou par voie incidente n’est pas possible.
En conséquence, plusieurs aspects du principe du contradictoire ne sont pas appliqués devant la Cour constitutionnelle.
Conseil constitutionnel du Royaume du Maroc
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Non, il n’est nullement discuté. Bien au contraire. La Cour constitutionnelle marocaine se présente comme une véritable juridiction appelée à dire le droit. Elle est compétente pour statuer sur les questions dont elle est régulièrement saisie tant en matière de contrôle de constitutionnalité des lois que de la vérification de la régularité des élections et des opérations du référendum. Ses décisions s’imposent à toutes les autorités de l’État et ont autorité de la chose jugée.
La Cour constitutionnelle, qui remplace le Conseil constitutionnel dans la révision constitutionnelle de 2011, a d’autres attributions telles que les recours pour exception d’inconstitutionnalité et pour se prononcer en matière de traiter. À cet égard, l’article 55 de la Constitution prévoit qu’elle peut être saisie pour déclarer qu’un engagement international ne comporte pas une disposition contraire à la Constitution.
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Oui, en matière électorale, ces notions sont pleinement reconnues au sein de la Cour.De plus, il est à préciser que la Cour constitutionnelle est compétente pour connaître d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution (art. 133 de la Constitution de 2011).
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
En matière de contentieux électoral et contrairement à la procédure inquisitoire, il appartient aux parties d’apporter la preuve du bien-fondé de leurs griefs. En effet, aux termes de l’article 35 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, les requêtes doivent contenir les faits et les moyens d’annulation invoquée ainsi que les pièces produites au soutien de ces moyens.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le caractère contradictoire de la procédure est explicitement consacré par la loi organique relative à la Cour constitutionnelle (articles 35 et 36 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
La loi organique relative à la Cour constitutionnelle prévoit en son article 43 que l’organisation interne et les modalités de fonctionnement de la Cour constitutionnelle sont fixées par un règlement intérieur établi par la Cour.
Et la même loi prévoit que la Cour peut ordonner une enquête et commettre un ou plusieurs de ses membres pour recevoir, sous serment, les déclarations des témoins conformément aux règles et procédures prévues par les règles de la procédure civile (art. 37 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
La Cour peut également commettre l’un ou plusieurs de ses membres pour procéder sur place à toutes mesures d’instruction qu’elle juge nécessaires conformément aux règles et procédures prévues par les règles de la procédure civile (art. 37 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
Pour chaque affaire, le président désigne un rapporteur qui est désigné par le président ; son nom n’est pas diffusé, cela reste secret.
Le travail du rapporteur est généralement individuel mais le travail reste collectif lors des délibérations…
Toutefois, rien ne lui interdit d’en discuter avec d’autres membres pour leurs avis.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
Généralement, les affaires sont attribuées selon la spécialité du membre.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le principe du contradictoire étant prévu par la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, la Cour n’a pas besoin de s’appuyer des normes extranationales.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
L’appréciation de conformité à la Constitution des lois organiques, des lois, des règlements intérieurs des conseils et des engagements internationaux est faite dans le délai d’un mois à compter de la saisine de la Cour constitutionnelle ou de 8 jours en cas d’urgence, à la demande du gouvernement.
(Art. 132 de la Constitution).
On notera que jusqu’à ce jour jamais le dépassement de délai n’a eu lieu.
Statistiquement, le délai moyen de jugement est de 20 jours. Quant au délai moyen de l’urgence, il ne dépasse guère 5 jours.Dans le domaine électoral, de par la Constitution, la Cour doit statuer dans un délai d’un an à compter de la date d’expiration du délai légal du recours. Toutefois, elle peut statuer au-delà de ce délai, par décision motivée, dans le cas où le nombre de recours ou leur nature l’exige.
Pour la modification par décret de textes pris en forme législative, le délai d’examen est le même que celui prévu pour les lois organiques ou les lois. Il est d’un mois, sauf réduction à huit jours lorsque, le gouvernement déclare l’urgence. En cas d’exception d’irrecevabilité législative, l’examen a lieu dans les huit jours (article 29 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
D’autre part, lorsque le gouvernement oppose l’irrecevabilité à une proposition ou un amendement qui n’est pas du domaine de la loi, en cas de désaccord, la Cour statue dans un délai de huit jours.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
Pas particulièrement.En matière de contentieux électoral, les procédures d’instruction s’appliquent conformément aux règles et procédures prévues par les règles de la procédure civile. (Ar. 37 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les séances de la Cour constitutionnelle ne sont pas publiques à moins qu’une loi organique n’en dispose autrement (art. 18 loi organique relative à la Cour constitutionnelle).Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse est renforcée durant toute la procédure d’instruction en ce qui concerne le contentieux électoral si besoin est.
La Cour peut, le cas échéant, entendre les intéressés en présence de leurs défenses ou toute autre personne connue pour son expertise dans le domaine de l’affaire qui lui est soumise. (Art. 18 loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
En fait, chronologiquement, on peut dire que ce renforcement a eu lieu dans le cadre du Conseil constitutionnel puis dans celui de la Cour constitutionnelle.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
Le droit à un procès équitable est un principe constitutionnel consacré par l’article 120 de la Constitution.Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
L’évolution envisagée concerne l’exception d’inconstitutionnalité qui prévoit une procédure contradictoire au cours de laquelle les parties au procès auront à participer.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?Le recours est notifié à toute partie concernée. L’article 36 de la loi organique précise que la Cour adresse une copie de la requête aux membres de la Chambre des représentants ou de la Chambre des conseillers dont l’élection est contestée.
De plus, en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, l’article 25 de la loi organique dispose que la Cour, sitôt saisie des lois organiques, des lois, des règlements intérieurs des conseils et des engagements internationaux, avise le roi, le chef du gouvernement et le président des chacune des deux chambres du Parlement qui en informe les membres de sa chambre.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?Oui, elle peut rejeter la requête si elle ne contient pas les informations prévues à l’article 35 de la loi organique comme prénom, nom et qualité du requérant, de l’un ou des élus dont l’élection est contestée ainsi que l’exposé des faits et les moyens d’annulation invoqués.
Et, en application de l’article 38, alinéa 2 de la loi organique de la Cour constitutionnelle, certaines requêtes sont irrecevables sans même aucune instruction préalable si elles ne sont pas accompagnées des pièces à produire au soutien des moyens invoqués ou même contenant des griefs qui, selon le jugement du Conseil, n’ont pas d’influence sur le résultat de l’élection. C’est ainsi par exemple que dans sa décision n° 485/2002 du 27 novembre 2002, le Conseil avait décidé que « considérant que la requête n’est accompagnée d’aucune preuve de nature à l’étayer, il s’ensuit qu’elle est irrecevable sans instruction préalable ».
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Le chef du gouvernement, le président de la Chambre des représentants, le président de la Chambre des conseillers et les membres des deux chambres peuvent présenter, par écrit à la Cour constitutionnelle des observations au sujet de la question dont elle est saisie. (Art. 25 LO relative à la Cour constitutionnelle).
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
La Cour peut exceptionnellement accorder au requérant un délai pour la production d’une partie des pièces (art. 35 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
La Cour notifie les mémoires en réponse aux parties concernées en indiquant le délai de réplique (art. 36 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Le requérant doit en matière du contentieux électoral annexer à sa requête les pièces produites au soutien de ses moyens et peut se faire assister d’un avocat (art. 35 de la LO relative à la Cour constitutionnelle).
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
Non.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Pas besoin, dans la mesure où la requête est exonérée de la taxe judiciaire et de tous les droits de timbre et d’enregistrement (art. 35 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
La Cour peut ordonner une enquête et commettre un ou plusieurs de ses membres pour recevoir, sous serment, les déclarations des témoins conformément aux règles et procédures prévues par les règles de la procédure civile (art. 37 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
La Cour peut également commettre l’un ou plusieurs de ses membres pour procéder sur place à toutes mesures d’instruction qu’elle juge nécessaires conformément aux règles et procédures prévues par les règles de la procédure civile (art. 37 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle).
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Oui, la Cour peut soulever des moyens d’office en cas d’inéligibilité d’un élu lors du contentieux électoral même dans le cas du désistement du requérant.La question de l’éligibilité qui est d’ordre public et qui n’autorise pas de se lier à la seule volonté du requérant et qu’il s’impose, dès lors, de ne pas donner suite à la demande en question. La question d’éligibilité qui « fait partie de l’ordre public, peut être soulevée d’office et constitue une condition de fond pour se porter candidat aux élections et continuer à représenter la Nation ». (Décision n° 762/2009 rendue par le Conseil constitutionnel le 2 juin 2009.)
La question d’inéligibilité est illustrée également dans la décision du Conseil constitutionnel marocain n° 69/95 rendue le 27 mars 1995. Elle a été considérée par le Conseil comme un moyen d’ordre public. Elle peut être régulièrement invoquée par le demandeur même après l’écoulement du délai réglementaire pour le dépôt de la requête.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Oui, en application de l’article 37 de la loi organique, la Cour peut ordonner une enquête et commettre un ou plusieurs de ses membres pour recevoir, sous serment des témoins.
Tout comme elle peut commettre l’un ou plusieurs de ses membres pour procéder sur place à toute mesure d’instruction qu’elle juge nécessaire.En outre, l’article 18 de la loi organique précise qu’elle peut « le cas échéant, entendre les intéressés en présence de leurs défenses ou toute autre personne connue pour son expertise dans le domaine de l’affaire qui lui est soumise ».
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.En matière de contentieux électoral, l’instruction est la procédure qui met une affaire en état d’être jugée. Elle consiste pour la haute juridiction à solliciter tout document auprès des parties et/ou de l’administration, à procéder à des enquêtes sur les lieux et à l’audition de témoins.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
L’enquête peut aussi être réclamée par l’une des parties (Décision du CC marocain n° 738 en date du 18 février 2009).
Elle n’est décidée que si ces trois conditions sont réunies : d’abord, les faits dénoncés dans les recours soient assortis d’un commencement de preuve. À défaut, l’enquête demandée est systématiquement refusée (Décision du CC marocain n° 105 en date du 12 mars 1996).
En deuxième lieu, si le dossier comporte suffisamment d’éléments pour forger la conviction du juge.
Dans le cas contraire, l’enquête est également refusée (Décision du CC marocain n° 759 en date du 7 mai 2009).
Enfin, la concordance et l’importance des faits incriminés doivent être susceptibles, dans l’hypothèse où ils seraient établis, de motiver l’annulation de l’élection contestée.Les interventions devant la Cour :La
Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Non ; rien ne le permet dans la procédure.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
La recevabilité de la requête est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions : la requête est en effet soumise à des conditions de forme et doit comporter des conclusions et des griefs recevables.
Les requêtes doivent être signées de leurs auteurs ou d’un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux du Maroc et contenir les nom et prénoms du requérant, sa qualité et son adresse, les nom et prénoms de l’élu dont l’élection est contestée ainsi que l’exposé des faits et les moyens d’annulation invoqués.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
En matière électorale, la procédure n’est pas orale. Elle est contradictoire mais écrite.D’autre part, La loi organique relative à l’exception d’inconstitutionnalité prévoit une procédure orale où les parties et leurs défenses auront à développer leurs arguments devant la Cour.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Jusque-là, l’oralité n’existe pas. Sans doute sera-t-elle exercée en matière d’exception d’inconstitutionnalité.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
L’audience au sein de la Cour se déroule à huis-clos.Le projet de loi organique sur l’exception d’inconstitutionnalité offre cette possibilité d’audience publique.Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)Les décisions notifiées aux parties et publiées au Bulletin officiel et sur le site de la Cour constitutionnelle.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée).
Il n’y en a pas !
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Non, en matière électorale, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Néanmoins, en matière d’exception inconstitutionnalité, le recours à un avocat est prévu par la loi organique relative l’exception d’inconstitutionnalité, mais il est facultatif.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Non. Cela n’est pas prévu par la loi.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
Non.
Conseil constitutionnel de Mauritanie
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Certains aspects caractéristiques de la procédure contradictoire apparaissent à travers la mise en oeuvre de la compétence du Conseil constitutionnel en matière des contentieux électoraux (élections du président de la République, des députés, des sénateurs).
Dans d’autres domaines de compétence, en particulier le contrôle de constitutionnalité des normes, la procédure du contradictoire ne peut être totalement envisagée même si le rapporteur désigné par le président du Conseil constitutionnel garde la possibilité d’organiser des réunions de travail dans la phase préparatoire.
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Le caractère juridictionnel du Conseil constitutionnel n’est guère discuté.Il découle de l’article 87 de la Constitution « les décisions du Conseil constitutionnel sont revêtues de l’autorité de la chose jugée ».
Les notions de « parties » et de « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Seulement dans les procédures relatives aux contestations électorales.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La procédure dans le contentieux électoral est à plusieurs égards inquisitoire :
- dans la recherche de la vérité et « sans attendre la production des observations en défense, la section peut demander aux autorités administratives tout rapport qu’elle juge utile à la solution de l’affaire et tous documents ayant trait à l’élection notamment les procès verbaux des opérations électorales et leurs annexes ». (Article 11 du règlement N° 001 du 10 mars 1994 applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.) ;
- la section peut entendre des témoins ;
- la procédure est écrite ;
- la procédure n’est pas publique : les séances du Conseil constitutionnel ne sont pas publiques, les parties ne sont convoquées à l’audience que si elles en font la demande.
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le principe du contradictoire en matière de contrôle de constitutionnalité n’existe pas sauf dans les cas d’une saisine du Conseil constitutionnel par le tiers des parlementaires. Une telle requête, notifiée aux présidents des assemblées et à l’exécutif, pourrait faire l’objet d’un mémoire en réplique du Premier ministre.Ce sont les règlements de procédure suivie devant le Conseil constitutionnel en matière contentieuse qui contiennent des dispositions permettant des répliques et la communication des observations écrites entre les parties.À ce sujet plusieurs dispositions de l’article 9 du règlement N° 001 donnent une assise à une procédure contradictoire essentiellement écrite :
- la section en charge du contentieux avise les parlementaires élus par le même scrutin dans la circonscription concernée par la contestation de l’élection et leur demande de se faire représenter dans toute la procédure. Un délai leur est accordé pour connaître le dossier et produire des observations écrites ;
- le requérant est invité à prendre connaissance des observations de la partie adverse Un délai de réplique lui est imparti ;
- la section peut ordonner toutes autres communications ou entendre tout témoignage qu’elle juge utile.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
L’ordonnance 9204 du 18 février 1992 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ainsi que les règlements N° 001 et N° 002 précités et applicables devant le Conseil constitutionnel dans les contestations électorales déterminent les modalités et les procédures d’instruction.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.À ce jour le Conseil constitutionnel s’est limité à une application stricte des textes sans avoir eu besoin de recourir aux usages et coutumes.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Le Conseil constitutionnel tient compte des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie et qui ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie. (article 80 de la Constitution).
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Les délais sont de 30 jours ramenés à 8 jours en cas d’urgence.
Ces délais sont respectés et sont satisfaisants.
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ?
La procédure est-elle dématérialisée ?
Ces opérations sont assurées par le secrétariat général du Conseil constitutionnel.La procédure n’est pas dématérialisée.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
La procédure suivie par le Conseil constitutionnel est conforme à celle qui a cours devant les juridictions supérieures du droit commun en Mauritanie.
Les discussions et consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Les actes de procédure sont connus et mis à la disposition des parties et sont en outre résumés dans la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui est publiée au Journal officiel.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
La procédure du contradictoire a toujours été respectée depuis la création du Conseil constitutionnel à travers notamment la communication de tous les documents aux parties et la possibilité qui leur est donnée de prendre connaissance des différents éléments du dossier.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé par exemple sur le droit au procès équitable ?
La procédure suivie devant le Conseil constitutionnel est respectueuse des principes du droit à un procès équitable :
- le requérant en contestation électorale accède assez facilement et gratuitement à un juge indépendant, neutre et impartial auprès duquel il apporte les preuves de ses allégations ;
- les recours sont effectifs et efficaces, la saisine du Conseil étant ouverte à toute personne ayant des intérêts à défendre ;
- les décisions sont rendues dans des délais raisonnables et sont publiées au Journal officiel ;
- l’égalité des armes et le droit à la défense sont assurés.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
L’organisation de la procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel donne jusqu’à ce jour satisfaction aux différentes parties ayant introduit des recours.
Elles ne se sont plaintes ni de la lourdeur ni de la complexité de la procédure ni des délais qui leur sont impartis.Les perfections et innovations doivent répondre à des besoins qui ne sont pas encore fait sentir.
II. Organisation de la procédure écrite
L’ensemble de la procédure en toutes matières devant le Conseil constitutionnel est écrite.
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
En matière de contrôle de constitutionnalité, il n’y a pas de notification à faire si le requérant est le président de la République ou le Premier ministre.
Par contre, si le conseil constitutionnel est saisi par les tiers des députés et des sénateurs, il avise immédiatement le président de la République, le Premier ministre et les présidents des assemblées.Ces derniers informent les membres des assemblées.
- Les requêtes introduites par les présidents de L’Assemblée nationale et du Sénat font l’objet de notification écrite au président de la République et au Premier ministre.
- Dans l’examen des fins de non recevoir et en cas de désaccord entre le gouvernement et le président de l’une des assemblées, le président de la République, avisé sans délai, saisit le Conseil constitutionnel qui doit se prononcer par une déclaration motivée dans un délai de 8 jours. Cette déclaration est notifiée au président de l’assemblée concernée et au Premier ministre.
- En matière de contentieux électoral, la décision du Conseil est notifiée à toutes les personnes concernées et publiées au Journal officiel.
La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, nonadmissibilité du recours, requête manifestement infondée…) ?
Sur le fondement de l’article 12 du règlement applicable devant le Conseil constitutionnel en matière de contestation de l’élection des députés, la section peut proposer au Conseil constitutionnel de rejeter, sans instruction contradictoire préalable, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Le Premier ministre.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
La contestation de l’élection des députés doit être enregistrée dans un délai de 10 jours à compter du jour qui suit la proclamation officielle des résultats de l’élection à travers une requête écrite dûment signée par le requérant ou son mandataire. La requête n’a pas d’effet suspensif.
- La requête est notifiée par voie d’huissier à l’autre partie qui dispose d’un délai de trois jours pour déposer ses observations écrites qui seront à leur tour notifiées au requérant pour réplique, laquelle peut être notifiée à l’autre partie.
- Le Conseil constitutionnel peut accorder au requérant un délai supplémentaire pour la production de pièces à verser au dossier.
- Après notification de la requête introductive d’instance, les parties ayant reçu notification disposent d’un délai de 3 jours après cette notification, pour déposer au secrétariat général du Conseil constitutionnel, leur mémoire en réponse (art.15 règlement 001).
- Un délai supplémentaire, sur demande du requérant, peut lui être imparti pour la préparation de sa réplique.
- Pour la production d’observations écrites, un délai supplémentaire est donné au parlementaire élu de la circonscription concernée par la contestation.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Le requérant peut désigner la personne de son choix pour le représenter ou l’assister dans les autres actes de la procédure. Il doit l’indiquer expressément par écrit. Il a la faculté de recourir aux conseils d’avocat.
Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
En raison de la gratuité de la procédure, l’assistance juridictionnelle devant le Conseil constitutionnel est sans objet.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?En raison de la gratuité de la procédure ci dessus évoquée, les parties n’ayant effectué aucune dépense pour faire valoir leurs droits, ne peuvent prétendre à un quelconque remboursement.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
Toutes les pièces des requêtes introductives d’instances sont enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel.
- Après enregistrement de la requête, le secrétariat général informe la partie concernée dans les délais impartis.
- Toutes nouvelles pièces et toute éventuelle présentation de mémoire ampliatif sont mentionnées au registre du secrétariat général du Conseil.
- Lorsque le dossier est en état, le secrétaire général le soumet au président du Conseil qui convoque les membres de l’institution en réunion.
- Le président du Conseil constitutionnel charge une des sections de l’instruction et désigne un rapporteur qui peut être choisi parmi les rapporteurs adjoints figurant sur une liste de 4 rapporteurs adjoints annuellement retenus par le Conseil.
- La section, après avoir effectué les investigations nécessaires, présente son rapport sur les éléments de faits et de droit du dossier ainsi qu’un projet de décision soumis au débat des membres du Conseil.
- L’instruction prend fin dès que le rapporteur et la section ont fini leur travail.
- L’instruction peut être rouverte lorsqu’un nouvel élément déterminant aura été invoqué par l’une des parties dans les délais. Cet élément nouveau sera notifié à la partie adverse pour recueillir son avis.
- Le Conseil peut demander une enquête complémentaire avant la prise de sa décision à la majorité simple.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
L’article 44 de la loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose : « pour le jugement des affaires qui lui sont soumises, le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître de toute question et exceptions posées à l’occasion de la requête. En ce cas, sa décision n’a d’effet juridique qu’en ce qui concerne l’élection dont il est saisi ».
Le Conseil constitutionnel est tenu par les requêtes des parties, il ne peut en aucun cas aller au-delà.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ?
Le Conseil constitutionnel peut en cas de besoin ordonner une instruction relative à l’affaire pendante.
Ces mesures d’instruction peuvent notamment se rapporter à la collecte des textes, à l’étude de la jurisprudence ou à la communication de tout document utile à la manifestation de la vérité.
Les éléments ainsi réunis sont communiqués aux parties afin que soit préservé le caractère contradictoire de l’instruction.
Le Conseil constitutionnel étant une juridiction supérieure qui juge en premier et dernier ressort ne sollicite pas d’avis de la part d’autre juridiction.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
Le Conseil constitutionnel dispose de moyens humains et matériels propres d’investigations.
Le Conseil peut procéder au besoin à des enquêtes dans les bureaux de vote objet de contestation
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
Dans la phase d’instruction la section et le rapporteur peuvent entendre toute personne utile au règlement de l’affaire dont ils ont la charge.
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Le Conseil constitutionnel ne fait pas en principe recours à de tierces personnes en dehors des parties au contentieux. Exceptionnellement et en cas de besoin, il peut ordonner une expertise conduite par une tierce personne.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions
Toutes les interventions provenant des parties au conflit, sous réserve du respect des délais, sont recevables. Si celles-ci requièrent le recours à une tierce personne pour contribuer à l’éclairage du Conseil constitutionnel, cette intervention est aussi recevable.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Dans ce cas précis l’intervenant est réputé être expert dont les compétences dans le domaine considéré peuvent édifier le juge constitutionnel.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
À ce jour, le Conseil constitutionnel n’a enregistré aucune intervention forcée.
Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.
Sans objet.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Non. Toutes les procédures sont écrites.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
Sans objet.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
Sans objet.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Le Conseil constitutionnel tient des audiences publiques pour proclamer officiellement les résultats de l’élection du président de la République, recueillir solennellement la prestation de serment du candidat élu et pour procéder à son installation officielle dans ses nouvelles fonctions de président de la République.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Afin d’assurer une large publicité à ses décisions, le Conseil constitutionnel fait appel aux médias (radios, télévisions, journaux écrits et électroniques).
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)Aucune.Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
Les requérants ont la possibilité de se faire représenter par un avocat ou par toute personne de leur choix.L’avocat conseil doit être muni d’une procuration spéciale pour introduire au nom et pour le compte de son client une action ou un recours.
Comment les audiences se déroulent-elles ? Merci d’indiquer notamment :
– Les modalités de direction et d’organisation des débats ;
– Les temps de prise de parole ;
– Les modalités d’échanges avec les membres de la Cour (questions posées par les membres de la Cour) ;
– Le rôle particulier que peut exercer le juge-rapporteur ;
– La durée moyenne d’une audience ;
– Les modalités d’enregistrement.
Il n’y a pas d’intervention de tiers dans la phase de jugement dont les débats sont dirigés par le président.
Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, la section entend son rapporteur qui expose les éléments de faits et de droit du dossier et présente un projet de décision.
La section délibère la proposition du rapporteur et porte l’affaire devant le conseil en vue de son jugement au fond.
Le Conseil peut se prononcer sur l’opportunité d’une nouvelle enquête ou statuer sur le fond.
- Les audiences solennelles sont publiques ;
- Le président du Conseil dirige les débats et détermine le temps de parole et autorise les membres à poser des questions par son intermédiaire ;
- Le juge rapporteur présente son rapport et répond aux questions posées par les membres ;
- La durée moyenne d’une audience publique est de quatre heures ;
- Le secrétaire général tient un registre dans lequel est transcrit le déroulement des débats.
À l’issue de l’audience, les parties ont-elles la possibilité de déposer une note post-audience (note en délibéré) ?
Il est loisible aux parties de déposer des notes post audience avant que le Conseil constitutionnel ne délibère.
Le contradictoire se poursuit-il, d’une façon ou d’une autre, après l’audience ?
À la fin des débats et lorsque le dossier est mis en délibération, la procédure du contradictoire est réputée close.
V. Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques.
Le Conseil estime que dans l’état actuel de l’ordre normatif de la Mauritanie, la procédure en contentieux électoral garantit les droits fondamentaux du citoyen. En effet celui-ci a toute la liberté de choisir les moyens de défense pour faire valoir ses droits.En outre, il n’existe pas en droit Mauritanien de discrimination entre les citoyens devant le juge constitutionnel. Celui-ci n’obéit qu’à sa conscience et à la loi et reste attentif au respect du principe de la séparation des pouvoirs.En fin le juge constitutionnel estime assumer une lourde responsabilité en raison du rôle qui lui revient dans l’édification de l’État de droit.
Cour constitutionnelle de la République de Moldova
I. Cadre général de l’organisation de la procédure contradictoire
Le caractère juridictionnel de votre institution est-il aujourd’hui discuté ?
Conformément à la loi relative à la Cour constitutionnelle de Moldova, la Cour, seule autorité de juridiction constitutionnelle, est indépendante de toute autorité publique et n’est soumise qu’à la Constitution. La Cour garantit la primauté de la Constitution, assure le respect du principe de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et les responsabilités partagées entre l’État et le citoyen.
La juridiction constitutionnelle n’est pas un organe de justice ou une composante de l’autorité judiciaire. En vertu de son statut particulier, son indépendance constitutionnelle est préservée par sa gestion propre des questions financières, techniques, de fond, informationnelles, de personnel et autres afin d’assurer les conditions nécessaires à son activité [1].
Au vue des fonctions de la Cour constitutionnelle, elle peut être considérée comme une autorité publique politique et juridictionnelle. Le caractère politique résulte de la modalité de nomination de ses membres. Le caractère juridictionnel résulte des principes d’organisation et de fonctionnement (indépendance et inamovibilité des juges [2]).
Les notions de « parties » et « procès » sont-elles pleinement reconnues au sein de votre Cour ?
Les notions de « parties » et « procès » sont utilisées par le cadre légal qui réglemente l’activité de la Cour. En vertu de l’article 29 du code de la juridiction constitutionnelle, « dans le procès de juridiction constitutionnelle les parties sont considérées : a) les organes ou les personnes officielles qui ont le droit de saisir la Cour constitutionnelle ; b) les organes et les personnes officielles dont les actes sont contestés ». La législation de la République de Moldova fait la distinction entre « participants » et « parties » au procès, de sorte que les parties, leurs représentants, les experts et les interprètes sont considérés comme participants.
Conformément au code de la juridiction constitutionnelle de 1995, cette dernière est exercée selon le principe d’égalité des parties et des participants au procès devant la Constitution.
La procédure devant la Cour est-elle inquisitoire ou accusatoire ?
La forme « inquisitoire » ou « accusatoire » de la procédure constitutionnelle doit être interprétée en fonction du rôle du juge et des parties au procès.
Dans ce sens il, est à noter qu’en l’absence d’un accès direct des citoyens à la Cour constitutionnelle lors du procès de contrôle de constitutionnalité, celle-ci exerce un contrôle abstrait et non concret.
Le code de la juridiction constitutionnelle consacre le principe du caractère direct des débats, selon lequel la Cour constitutionnelle entend directement les explications des parties, les conclusions des experts, donne lecture des actes et d’autres textes relevant de l’examen du dossier. Par ailleurs, lors du procès, la Cour peut, inviter et entendre d’autres personnes que les parties au procès. Lors de l’instruction, le juge constitutionnel étudie les éventuelles observations sur la saisine de la partie adverse ; demande les éléments relevant de l’affaire aux organes concernés et demande les expertises.
Il faut souligner la spécificité de l’activité de la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle, en tant que seule autorité habilitée par la loi à exercer le contrôle de constitutionnalité, a pleine juridiction en la matière. La Constitution ainsi que la loi relative à la Cour constitutionnelle réglementent d’importants principes dont les garanties d’indépendance et de neutralité des juges.
Lors des débats, le président de la séance exclut du procès tout ce qui ne porte pas sur l’examen de l’affaire et qui ne relève pas des compétences de la Cour constitutionnelle. Il peut donc :
- interrompre, après sommation, toute participation au procès ;
- exclure toute question ou explication ne se référant pas à l’affaire, ne relevant pas de procès ou de la compétence de la Cour ;
- priver du droit de parole le participant qui, ne respecte pas l’ordre des débats, n’a pas un comportement adéquat, transgresse les règles de procédure de la juridiction
- constitutionnelle ;
- exclure de la salle, toute personne qui transgresse les dispositions légales et réglementaires, ainsi que l’éthique judiciaire.
Pour ce qui est des parties, elles présentent à tour de rôle les arguments auxquels il est fait référence dans la saisine.
Dans les faits, bien que la législation offre aux parties la possibilité de présenter des arguments et poser des questions ; le contrôle de constitutionnalité étant uniquement du ressort de la Cour constitutionnelle, seul le juge constitutionnel peut détenir un rôle actif lors de la confrontation des dispositions contestées.
Dans sa jurisprudence la Cour a retenu que la prérogative qu’elle détient de la Constitution, suppose la détermination du sens authentique et total des normes constitutionnelles, peut être réalisée au moyen de son interprétation textuelle ou fonctionnelle. Étant donné le caractère générique de la norme, la Cour constitutionnelle se penche sur les situations concrètes que le législateur ne pouvait pas prévoir lors de l’élaboration de la norme, des règlementations ultérieures (connexes ou bien contradictoires), des situations complexes dans lesquelles la norme doit être appliquée, etc. [3]
Le caractère contradictoire de la procédure est-il explicitement consacré par un texte ?
(Constitution, texte organique, règlement organisant la procédure devant la Cour…)
Le principe du contradictoire est un principe spécifique de procédure civile et pénale, tout en étant un élément essentiel du droit à un procès équitable. Le contradictoire se manifeste dans les rapports entre les parties, pour que ces dernières soient correctement informées sur le déroulement de la procédure, sur le contenu des prétentions, sur les arguments des parties adverses, ainsi que sur les rapports entre les parties et l’instance.
Le principe analysé est étroitement lié au principe d’égalité des armes – principe qui permet aux parties de participer activement et équitablement à la présentation, à l’argumentation et à la justification de leurs droits lors du procès. Dans ce sens, l’article 11 du code de la juridiction constitutionnelle consacre expressément que « la juridiction constitutionnelle est exercée conformément au principe d’égalité des parties et des autres participants au procès devant la Constitution et la Cour constitutionnelle ».
Toutefois comme il s’agit d’un principe spécifique propre aux instances judiciaires de droit commun, le contradictoire se retrouve dans la procédure de la juridiction constitutionnelle, telle que :
– les parties bénéficient du droit de procédure équitable durant le procès. Les parties ont accès aux composantes du dossier, peuvent présenter des arguments et participer à leur examen, formuler des questions aux autres participants, faire des déclarations, présenter des explications, orales ou écrites, s’opposer aux déclarations, aux arguments et aux considérations d’autres participants. L’auteur de la saisine a le droit, durant le procès constitutionnel, de modifier son fondement ou son objet, de renoncer à la saisine, partiellement ou définitivement. Les parties présentent, seules, ou par leur représentant légal, les arguments inclus dans la saisine ;
– pour les demandes d’avis sur la saisine, la Cour pose éventuellement aux autorités des questions sur le fond de l’affaire. Les avis présentés à la Cour sont communiqués aux parties qui, dans le délai fixé par la Cour, peuvent faire des commentaires sur les positions des autres parties ;
– lors de l’audience de la Cour, les parties présentent les faits et les aspects de droit ;
– pour les exceptions d’inconstitutionnalité, dans le cadre d’affaires pénales ou civiles, les parties ont le droit d’avoir connaissance des éléments du dossier ;
– les participants au procès ont le droit d’avoir accès aux éléments du dossier. Le président de la Cour donne son accord pour l’étude du dossier qui se fait en présence d’un fonctionnaire de la Cour.
Par ailleurs, il est à noter que la Cour ne se réunit pas uniquement en audience publique : les saisines d’interprétation de la Constitution, ainsi que celles relatives aux projets de modification de la Constitution rendues par la Cour sont examinées en audience à huis clos, sans la participation des parties, les arrêts relatifs à l’interprétation de la Constitution et les avis sont rendus publics. Les parties sont informées de la date et du lieu du prononcé public du dispositif.
Selon la législation, la Cour constitutionnelle traite en exclusivité des problèmes de droit, ce qui détermine une approche adaptée du concept du contradictoire.
Les textes (loi, règlement intérieur de procédure…) réglementent-ils les modalités selon lesquelles la Cour organise ses travaux, en particulier la procédure d’instruction ?
L’activité de la Cour constitutionnelle est réglementée par la loi relative à la Cour constitutionnelle n° 317-XIII du 13 décembre 1994, le code de la juridiction constitutionnelle n° 502-XIII du 16 juin 1995, ainsi que le règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle, approuvé par l’arrêt de la Cour n° AG-3 du 3 juin 2014.
La procédure d’examen des saisines se déroule conformément aux dispositions des textes susmentionnés réglementant : la procédure préparatoire de recevabilité de la saisine, l’examen de la recevabilité de la saisine, la préparation de l’affaire pour examen en audience publique de la Cour, l’examen de l’affaire en audience publique et la délibération.Procédure préparatoire de recevabilité de la saisineLes saisines déposées à la Cour, conformément à l’article 25 de la loi relative à la Cour constitutionnelle, sont présentées par le Service d’ordre, greffe et archives au président de la Cour, qui, par résolution, décide de la transmission de celles-ci pour analyse préalable de recevabilité au Secrétariat de la Cour. Le secrétaire général distribue la saisine à la Section d’expertise juridique et gère toute la procédure d’analyse de la saisine préalable à la recevabilité.
La Section d’expertise juridique examine la saisine, en règle générale, dans un délai de 15 jours à compter de la date de distribution, si un autre délai n’est pas fixé par une résolution. Lors de l’examen préalable des saisines sur le contrôle de constitutionnalité des lois, les exceptions d’inconstitutionnalité et l’interprétation de la Constitution, la Section d’expertise juridique rédige la « fiche analytique de la saisine », un document à usage interne, qui comprend l’objet de la saisine, l’essence des normes contestées, les dispositions constitutionnelles invoquées, les arguments des requérants, les conclusions relatives à l’objet de la saisine, les références internationales pertinentes, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, les conclusions de fond et de procédure.
La saisine, accompagnée de la fiche analytique, est transmise au président de la Cour qui désigne un juge-rapporteur.Examen de recevabilité de la saisineLe délai maximum d’examen de recevabilité de la saisine est de 60 jours à compter de la date d’enregistrement de celle-ci ; le président de la Cour peut toutefois prolonger ce délai pour un examen complémentaire, si nécessaire.
Le secrétaire général et l’assistant judiciaire du juge-rapporteur vont assister à la séance d’examen de recevabilité de la saisine, qui est délibérative si la plupart des juges de la Cour y participent.
Durant l’audience, le juge-rapporteur présente l’avis sur la saisine, à partir duquel le plénum de la Cour adopte une des solutions suivantes :
- déclare la saisine recevable ;
- déclare la saisine irrecevable ;
- fait la connexion entre la recevabilité et l’examen de fond de la saisine ;
- décide le renvoi de la saisine.
Préparation de l’affaire pour examen en audience publique de la CourLors de la préparation du dossier pour examen en audience publique, le juge-rapporteur, assisté par un assistant judiciaire de la section d’expertise juridique, demande aux autorités visées de présenter un avis sur la saisine. La Cour va adresser aux autorités des questions sur le fond de l’affaire.
La non-présentation de leurs avis dans le délai fixé n’empêche pas l’examen de la saisine par la Cour.
Les avis sont communiqués aux parties qui, dans le délai fixé par la Cour, peuvent présenter des commentaires sur l’avis des autres parties (point 35 règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle).
10 jours au moins avant la date de l’audience publique, l’auteur de la saisine et les autres participants au procès sont informés du lieu, de la date et de l’heure de l’audience. Dans des situations d’urgence, les participants au procès peuvent être informés dans un délai plus restreint.
À part l’auteur de la saisine sont invités à l’audience : a) le représentant du Parlement et, selon le cas, du président de la République de Moldova et du gouvernement, s’il s’agit d’une saisine sur le contrôle de constitutionnalité d’une loi ; b) le représentant du Parlementent en cas de contrôle de constitutionnalité d’un arrêté du Parlement ; c) le représentant du président de la République de Moldova en cas de contrôle de constitutionnalité d’un décret du président ; d) le représentant du gouvernement en cas de contrôle de constitutionnalité d’un arrêté du gouvernement ; e) le représentant du Parlementent et les représentants des institutions concernées, sur décision du président de la Cour, en cas d’interprétation d’une norme constitutionnelle ; f) la partie (ou son représentant) qui a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité dans le cadre d’un procès judiciaire ; g) les intervenants.Examen de l’affaire en audience publique de la CourLes saisines sont examinées par la Cour en audiences publiques habituellement organisées en quatre sessions : hiver, printemps, été et automne.
Les audiences de la Cour sont présidées par le président de la Cour ou par un juge désigné à cette fin.
Les consignes du président de l’audience sont obligatoires pour les participants au procès et pour les personnes présentes. Lors de l’audience, les parties présentent les faits et les aspects de droit. Le temps de parole ne dépasse pas 15 minutes. À la demande des parties, le président de l’audience peut accorder 15 minutes supplémentaires pour leur permettre de répondre aux questions adressées par les juges.
L’auteur de la saisine peut personnellement participer à l’audience publique ou peut déléguer un représentant.
Le représentant de l’auteur de la saisine et les représentants des autorités invitées aux audiences publiques doivent avoir un diplôme en droit, sauf décision contraire de la séance plénière de la Cour.
Les qualifications du représentant sont à confirmer par des justificatifs.
Après le mot de clôture des parties, le président de l’audience annonce le retrait des juges pour délibération. Les participants à l’audience sont informés sur le lieu, la date et l’heure du prononcé de l’arrêt.DélibérationLes juges de la Cour délibèrent dans la salle du conseil, et celle-ci est secrète. Lors de la délibération le président de l’audience met au vote les propositions du juge-rapporteur et des autres juges. Les juges de la Cour n’ont pas le droit de s’abstenir, et le président de l’audience vote en dernier.
Si, lors des votes, une égalité apparaît, le président de l’audience peut décider de la reprise de l’instruction afin d’analyser de nouveaux arguments ou circonstances essentiels à la résolution de l’affaire.
L’affaire peut également être reprise dans d’autres cas si les juges estiment qu’un examen complémentaire est nécessaire.
L’arrêt est rendu par le président de l’audience. Le jour du prononcé de l’arrêt, un communiqué de presse est diffusé sur le site Internet accompagné habituellement de l’arrêt.
Des coutumes ou usages internes à l’institution existent-ils en la matière ? Merci de les détailler.
La procédure devant la Cour constitutionnelle est réglementée par des normes juridiques énoncées dans les textes réglementaires.
La Cour prend-elle en considération certaines exigences extranationales imposant le principe du contradictoire ? Si oui, lesquelles (par exemple, article 6 §1 de la CEDH) ?
Ces exigences sont-elles applicables pour toutes les compétences de la Cour ?
Les normes et les principes généraux du droit constitutionnel, reconnus par la République de Moldova, sont partie intégrante du droit interne. Le niveau hiérarchique des dispositions des traités internationaux dans l’ordre juridique interne est déterminé par le contenu de ces traités.
En vertu des dispositions de l’article 4, alinéa (1) de la Constitution de la République de Moldova, les dispositions constitutionnelles sur les droits et les libertés sont interprétées et appliquées en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et avec les pactes et les traités auxquels la République de Moldova est liée. La même disposition implique des conséquences juridiques : les organes de droit, y compris la Cour constitutionnelle et les instances judiciaires, peuvent appliquer les normes du droit international lors de l’examen de certaines affaires concrètes dans les cas fixés par la loi et dans les limites de leurs compétences.
La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme représentent une source de droit fondamental pour la jurisprudence constitutionnelle de la République de Moldova. Dans ce sens, l’article 6 §1 de la CEDH a servi d’argument pertinent pour l’interprétation extensive des sujets ayant droit de soulever l’exception d’inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle, afin de ne pas limiter uniquement la transmission de l’exception d’inconstitutionnalité par la Cour suprême de justice. Par son arrêt n° 2 du 9 février 2016, la Cour a statué que l’exception d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans un procès ayant débuté, uniquement lorsqu’elle a une incidence sur la protection des droits et des libertés fondamentales dans la résolution de l’affaire en cours. La Cour a noté que le droit d’accès des citoyens à l’instance constitutionnelle à travers l’exception d’inconstitutionnalité représente une forme du droit à un procès équitable.
Cette voie indirecte, permettant aux citoyens l’accès à la justice constitutionnelle, offre également à la Cour constitutionnelle, en sa qualité de garante de la suprématie de la Constitution, la possibilité d’exercer le contrôle sur le pouvoir législatif en matière de respect des droits et libertés fondamentaux. Dans l’interprétation de ce mécanisme, la Cour s’est inspirée des affaires de la CEDH dont Ivanciuc v. la Roumanie n° 18624/03, Pronina v. l’Ukraine n° 63566/00.
La Cour se prononce-t-elle dans un délai déterminé ? Quel est le délai moyen de jugement ? Cela peut-il constituer une limite à la mise en oeuvre du contradictoire ?
Selon la règle générale, la saisine est examinée en audience publique de la Cour dans un délai de 6 mois à compter de la date de réception. À la demande du juge-rapporteur ou des participants au procès, pour des motifs bien fondés, le délai de procédure peut être prolongé par le président de la Cour.
En vertu du règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle, le délai d’examen de la saisine comprend également celui de recevabilité de la saisine.
Conformément au point 19 du règlement « le délai d’examen de la recevabilité de la saisine est de 60 jours à compter de son enregistrement. Pour un examen supplémentaire de la saisine et à la demande du président de la Cour, le délai peut être prolongé. À titre d’exception, la recevabilité des saisines sur les exceptions d’inconstitutionnalité est examinée prioritairement, dans un délai qui ne dépasse alors pas 15 jours.
Dans le cas de la suspension de l’application de l’acte réglementaire contesté, la Cour constitutionnelle procède à l’examen de fond de la saisine dans un délai raisonnable qui ne dépasse pas 15 jours à compter de son enregistrement. La Cour constitutionnelle peut rendre une décision argumentée sur l’extension de ce délai, de 15 jours supplémentaires.
La législation prévoit des délais d’examen plus restreints en matière électorale et de révision de la Constitution. Ainsi, en vertu du code électoral, article 148, alinéa (2), « la proposition relative à l’organisation du référendum pour la révision de la Constitution est présentée à la Cour constitutionnelle, qui, dans un délai de 10 jour, est obligée d’effectuer le contrôle de constitutionnalité des questions soumises à référendum et présenter un avis ».
Aussi, en vertu de l’article 176, alinéa (2) du code électoral « la Cour constitutionnelle va examiner les actes remis par la Commission électorale centrale dans un délai de 10 jours et va confirmer ou infirmer, par arrêt, les résultats du référendum national ».
Du point de vue de l’organisation interne, un service de greffe (ou équivalent) assure-t-il, au sein de la Cour, l’enregistrement des recours, les notifications, communications et échanges de pièces ? La procédure est-elle dématérialisée ?
Le Service d’enregistrement, greffe et archives, sous-division de la Direction juridique-greffe du Secrétariat de la Cour constitutionnelle est en charge de l’enregistrement des saisines et du circuit de tous les éléments nécessaires au processus de traitement des dossiers.
L’enregistrement des saisines est effectué par écrit et sur support électronique. Les saisines ainsi que les actes définitifs de la Cour sont publiés sur le site Internet de la Cour constitutionnelle afin d’assurer la transparence et la visibilité de son activité.
L’organisation du contradictoire au sein de votre Cour présente-t-elle des spécificités au regard des autres juridictions supérieures du pays ?
À la suite de ce qui a été énoncé précédemment, la procédure de juridiction constitutionnelle est différente de la procédure suivie par les juridictions ordinaires. Ainsi, en vertu de la législation de procédure civile et pénale le principe du contradictoire « suppose l’organisation du procès d’une telle manière que les parties et les autres participants au procès puissent formuler, argumenter et prouver leur vision durant le procès, choisir les modalités et les moyens de son soutien exposer l’opinion à tout sujet de fait et de droit en lien avec la raison donnée au jugement et exposer sa propre vision sur les initiatives de l’instance ».
Il faut tenir compte du fait que la Cour constitutionnelle examine exclusivement les problèmes de droit, en lien avec les dispositions de la Constitution, ce qui détermine une procédure particulière, y compris pour ce qui est de l’administration des preuves et l’invocation des revendications, surtout concernant l’utilisation de tout outil de procédure pour soutenir l’opinion défendue.
Les discussions et les consultations qui se sont déroulées durant la procédure d’instruction devant votre Cour sont-elles intégralement publiques ? Quels sont les actes qui demeurent placés sous le secret de l’instruction et dépourvues de communication aux parties ?
Le niveau de transparence des procédures d’instruction devant la Cour varie en fonction de l’objet de la saisine examinée. Ainsi, les saisines sont d’habitude examinées en audience publique. Les saisines relatives à l’interprétation de la Constitution, ainsi que celles demandant l’avis de la Cour (saisines demandant l’avis sur le projet de loi de modification de la Constitution) sont examinées en audience à huis clos, sans la participation des parties, sauf si la Cour en décide autrement. Le dispositif des arrêts relatifs à l’interprétation de la Constitution et des avis est rendu public. Les parties sont informées de la date et du lieu du prononcé public.
Considérez-vous que le caractère contradictoire de la procédure constitutionnelle contentieuse ait été renforcé ? Préciser, le cas échéant, les étapes chronologiques de ce renforcement.
Afin de renforcer le contradictoire de la procédure dans le cadre du contentieux constitutionnel, le règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle a été complété par l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° AG-2 du 23 juin 2015. Ainsi, selon le cas, la Cour adresse des questions sur le fond du dossier aux autorités si leur avis sur la saisine est demandé.
Ces avis présentés à la Cour sont communiqués aux parties qui, dans le délai fixé, peuvent présenter des commentaires en réponse.
Considérez-vous qu’il existe désormais un « standard » du procès constitutionnel, fondé, par exemple, sur le droit au procès équitable ?
L’objectif de la juridiction de droit constitutionnel est différent de celui d’une juridiction de droit commun. La procédure de juridiction constitutionnelle repose sur la vérification de la conformité des actes normatifs, relevant de la compétence de la Cour constitutionnelle. Ce but est d’affirmer le principe de suprématie de la Constitution. L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 9 février 2016 depuis lequel l’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée devant la Cour, par toute partie ou son représentant, ainsi que d’office par l’instance judiciaire est la preuve que l’objectif de la Cour est de garantir un procès équitable. Selon cet arrêt, la saisine relative au contrôle de constitutionnalité de certaines normes qui seront appliquées ultérieurement au jugement d’une affaire est directement présentée à la Cour constitutionnelle par les juges, les formations de jugement de la Cour suprême de justice, les cours d’appel et les tribunaux où l’affaire est en cours. L’argument de la Cour en faveur de l’introduction de la nouvelle pratique sur la procédure des exceptions d’inconstitutionnalité a été motivée par le fait que l’exception d’inconstitutionnalité est une voie de défense par laquelle la partie appelée devant une juridiction invoque l’inconstitutionnalité d’une norme légale. L’exception d’inconstitutionnalité, avec ses particularités, est un moyen d’accès indirect (via l’instance judiciaire) des personnes à une juridiction de contentieux constitutionnel.
Considérez-vous que l’organisation du contradictoire, au sein de votre Cour, est perfectible ? Quelles évolutions sont envisagées ?
La Cour est la seule à pouvoir fixer les critères de priorité pour l’examen des affaires. Le « forum constitutionnel » doit définir les délais de jugement des saisines en intégrant le concept du délai raisonnable de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Une autre recommandation relative à la procédure d’examen des saisines est la limitation, à toute étape du procès, de la possibilité de retrait de la requête devant la Cour. La saisine est un acte engageant la responsabilité de celui qui l’a déposée, la Cour ne peut pas être exposée à la frivolité de certains sujets ayant droit de saisine. Par conséquent, s’il y a une demande de retrait de la saisine, la loi devrait réglementer le droit de la Cour de décider de rejeter cette demande, si l’intérêt général l’exige.
II. Organisation de la procédure écrite
Auprès de quelles autorités le recours est-il notifié ? Comment est organisée la notification et sous quelle forme ?
Un formulaire de saisine doit être déposé à la Cour. La saisine doit être motivée et comprendre :
- l’objet de la saisine ;
- les circonstances fondant les exigences de l’auteur de la saisine ;
- les exigences du saisissant ;
- d’autres renseignements se référant à l’objet de la saisine.
Le requérant doit expliquer d’une manière claire, détaillée et concise les sujets abordés dans la saisine.La Cour peut-elle rejeter une requête sans débat contradictoire (par exemple, non-recevabilité du recours, requête manifestement infondée…) ?Durant la procédure d’examen de recevabilité de la saisine le Plénum de la Cour peut adopter une des décisions suivantes :
a) déclarer la saisine recevable ;
b) faire la connexion entre la recevabilité et l’examen de fond de la saisine ;c) décider le rejet de la saisine.Lors de l’adoption des arrêts d’irrecevabilité des saisines, les juges peuvent formuler des opinions dissidentes.La saisine est déclarée irrecevable si :
- l’examen de la saisine ne relève pas de la compétence de la Cour ;
- l’exception d’inconstitutionnalité de l’acte contesté a déjà été traitée ;
- les normes contestées ont été modifiées ou abrogées ;
- il existe déjà un arrêt de la Cour sur le problème visé dans la saisine.
La décision d’irrecevabilité de la saisine est publiée dans le Journal officiel de la République de Moldova et portée à la connaissance du requérant. Si la saisine est déclarée irrecevable le dépôt d’une nouvelle saisine ayant le même objet et fondements est exclu.La saisine est à renvoyer par courrier au requérant si :
- la saisine n’est pas motivée et ne comprend pas d’objet sur lequel reposent les exigences ;
- le lien de causalité entre les dispositions contestées et les normes constitutionnelles invoquées n’est pas prouvé ;
- la saisine ne réunit pas les conditions de forme ;
- le requérant n’a pas fourni d’information complémentaire et n’a pas répondu aux questions de la Cour dans le délai fixé.
Le rejet de la saisine par la Cour n’exclue pas la possibilité d’un nouveau dépôt d’une saisine ayant le même objet et fondement, si le sujet ayant le droit de saisine a corrigé toutes les lacunes constatées.
Quelle(s) autorité(s) assure(nt) la défense de la loi dans le contrôle de constitutionnalité ? La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Lors des audiences publiques de la Cour, à part l’auteur (les auteurs) de la saisine, doivent être invités :
- le représentant du Parlement et, selon le cas, du président de la République et du gouvernement, si le contrôle de constitutionalité porte sur une loi ;
- le représentant du Parlement, si le contrôle de constitutionnalité porte sur un arrêté du Parlement ;
- le représentant du président de la République, si le contrôle de constitutionnalité porte sur un
décret du président ; - le représentant du gouvernement si le contrôle de constitutionnalité d’un arrêté du gouvernement est exercé.
Les représentants des autorités susmentionnés ont la compétence de défendre la constitutionnalité des normes attaquées dans la saisine.
Bien que le législateur ait prévu l’organisation des audiences publiques, dans le cadre des procédures écrites, la Cour demande toutefois par analogie les opinions écrites des sujets identifiés.
Quels sont les délais de production des observations ? Quelles sont les règles relatives à la production des observations ? Existe-t-il une succession des délais de production (secondes observations, réponses, répliques, dupliques…) ?
Durant la préparation du dossier pour examen en audience publique, la Cour demande aux autorités visées leurs observations sur la saisine, tout en fixant un délai pour la présentation de celles-ci.
La non-présentation des observations dans le délai fixé n’entrave pas l’examen de la saisine par la Cour.
Les observations présentées à la Cour sont communiquées aux parties, qui, dans le délai fixé par la loi, peuvent faire des commentaires sur les opinions des autres parties. La Cour peut demander des opinions aux autorités mentionnées, mais également au monde académique tel que l’Académie des sciences de Moldova, aux universités, ou bien à la Commission de Venise par la demande d’un mémoire Amicus curiae.
Quelle que soit l’examen de la saisine, suivant la procédure écrite ou les débats publiques, les observations doivent être présentées à la Cour avant l’examen du dossier.
Quelles sont les règles d’assistance et de représentation des parties devant la Cour ?
Quelles sont, en pratique, les tendances observées en la matière (éléments statistiques notamment) ?
Dans le cadre des procédures écrites, l’intervention du représentant de la partie se fait lors de la production et du dépôt de la saisine à la Cour, soit lors d’échanges supplémentaires avant l’examen en audience à huis clos.Existe-t-il un mécanisme d’aide juridictionnelle devant la Cour ? Quelles sont les règles applicables ?
En vertu de l’article 30 du code de la juridiction constitutionnelle, « en qualité de représentants des parties peuvent participer, sur la base d’un mandat, des avocats, des spécialistes compétents du domaine et d’autres personnes ».
Toute partie peut être assistée par un représentant ayant une licence en droit. Habituellement, les parties qui n’ont pas de formation juridique font appel à un avocat.
La Cour peut-elle accorder des frais irrépétibles (compensation des frais de justice) et, dans l’affirmative, quelles sont les règles applicables ?
Selon l’article 78 du code de la juridiction constitutionnelle, les frais de jugement comprennent les montants payés aux experts et aux interprètes ainsi que les dépenses liées à l’examen de l’affaire.
Les dépenses de jugement sont couvertes par le budget de la Cour constitutionnelle. Les experts sont rémunérés dans les termes de la loi.
Comment est organisée l’instruction du recours ? Comment est organisée la clôture de l’instruction ? La réouverture de l’instruction est-elle possible et, dans l’affirmative, dans quelles hypothèses ?
La procédure d’examen des saisines a été exposée dans le point 1.5.
Il est à noter que, si durant la délibération, on constate le besoin d’un examen complémentaire de l’affaire, de l’analyse de nouveaux arguments ou circonstances essentiels pour trancher l’affaire, alors la Cour décide la reprise de l’instruction.
Toutefois, la Cour peut engager la révision de ses propres arrêts en cas de changement de circonstances. À titre d’exemple, l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 31 du 11 décembre 2014 a révisé l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 9 du 26 mai 2009. Cette révision fut motivée par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Tănase vs. Moldova, concernant la possession de plusieurs nationalités pour les candidats à une fonction publique.
III. Les incidents
Les mesures d’instruction :
La Cour soulève-t-elle des moyens d’office ? Comment cette faculté est-elle organisée par les textes et mise en oeuvre en pratique ? Est-ce fréquent ?
Conformément à l’article 25 de la loi relative à la Cour constitutionnelle, peuvent saisir la Cour :
- le président de la République de Moldova ;
- le gouvernement ;
- le ministre de la justice ;
- la Cour suprême de justice ;
- le Procureur général ;
- un député du parlement ;
- un groupe parlementaire ;
- l’Avocat du Peuple ;
- l’Avocat du Peuple pour les droits de l’enfant ;
- les conseils des unités administratives territoriales de premier ou deuxième niveau, l’Assemblée nationale de Gagaouzie (Gagauz-Yeri) – lorsque la Cour contrôle la constitutionnalité des lois, des règlements et des décisions du parlement ; des décrets du président de la République de Moldova ; des décisions, des ordonnances et des dispositions du gouvernement, ainsi que des traités internationaux auxquels la République de Moldova est liée – et qui ne sont pas conformes aux dispositions des articles 109 (les principes de base de l’administration publique locale) et 111 (l’unité administrative territoriale autonome Gagaouzie) de la Constitution de la République de Moldova.
Cependant, la Cour peut être saisie par toutes les juridictions pour des exceptions d’inconstitutionnalité.
La Cour constitutionnelle ne peut pas s’autosaisir pour exercer le contrôle de constitutionnalité.
À titre d’exception, la Cour peut étendre l’objet du contrôle sur d’autres dispositions légales, si ces dernières sont en lien avec l’objet de la saisine. Ainsi, selon l’article 6, alinéa 3 du code de la juridiction constitutionnelle, en contrôlant la constitutionnalité de l’acte contesté, la Cour constitutionnelle peut prononcer une décision concernant d’autres actes normatifs dont la constitutionnalité dépend en tout ou en partie de la constitutionnalité de l’acte contesté ». Cela arrive rarement.
La Cour peut-elle solliciter une mesure d’instruction afin de l’éclairer sur l’affaire pendante, notamment sur la portée de la disposition législative contestée ? En pratique, quelles sont ces mesures d’instructions ? Sont-elles communiquées aux parties ?
La Cour peut-elle solliciter des observations de la part des juridictions supérieures ?
Selon la loi relative à la Cour constitutionnelle, l’effet des actes normatifs peut être suspendu jusqu’à l’examen au fond de l’affaire si les actes portent atteinte ou visent la souveraineté et le pouvoir de l’État, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ; la démocratie et le pluralisme politique, la séparation et la collaboration des pouvoirs, les principes fondamentaux du droit de propriété, l’unité du peuple et le droit à l’identité, la sécurité économique ou financière de l’État.
La Cour est-elle dotée, en propre, de moyens d’investigation ? La Cour procède-elle à des enquêtes, constats et/ou expertises ? Merci d’illustrer votre réponse.
La procédure de juridiction constitutionnelle repose sur l’action du contrôle de conformité des actes normatifs à la Constitution de la République de Moldova. Son objectif est la primauté de la Constitution. Ainsi, la Cour vérifie les aspects de droit in abstracto et non pas in concreto.
La Cour peut-elle recourir à une audition ? Merci de préciser votre réponse par des éléments pratiques et statistiques (fréquence, objet, information des parties…).
En vertu du règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle et afin d’éclairer certains aspects nécessaires à la résolution des affaires, aux audiences publiques de la Cour, des intervenants peuvent être invités si la Cour le décide, en plus de l’auteur de la saisine Par exemple, nous pouvons citer l’affaire dans laquelle la Cour a exercé le contrôle de constitutionnalité de certaines dispositions relatives à l’interdiction des symboles communistes et la promotion des idéologies totalitaires (arrêt n° 12 du 4 juin 2013 relatif au contrôle de constitutionnalité de certaines dispositions sur l’interdiction des symboles communistes et la promotion des idéologies totalitaires). À l’audience publique, ont été invités, en tant qu’experts, des docteurs ès Histoire de l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences de Moldova, de l’Institut de recherches juridiques et politiques de l’Académie des sciences de Moldova, les représentants de l’Associations des historiens de la République de Moldova, les membres de la Commission pour l’étude et l’évaluation du régime communiste totalitaire, l’héraldiste d’État de la République de Moldova.
L’invitation d’une série d’ONG au cours de l’exercice du contrôle de constitutionnalité de la nomination de l’Avocat du Peuple pour les droits de l’enfant constitue un autre exemple (arrêt n° 22 du 16 juillet 2015 relatif au contrôle de constitutionnalité de l’arrêté du Parlement n° 140 du 3 juillet 2015 sur la nomination de l’Avocat du Peuple pour les droits de l’enfant). Ainsi, dans l’intérêt de la justice constitutionnelle, la Cour a invité les organisations non-gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’homme à intervenir dans le cadre de la procédure, en particulier celles qui ont présenté des opinions écrites et qui ont été entendues en tant qu’« intervenants » en audience publique de la Cour.
Les interventions devant la Cour :La Cour accepte-t-elle la participation de tiers (amicus curie) dans le procès ?
Quels sont les textes applicables à cette possibilité d’intervention ?
Une fois invités au procès, les tiers acquièrent le statut d’intervenants. L’implication des intervenants au procès a été mentionnée dans le point 3.4.
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une intervention (spontanée ou sollicitée) ? La recevabilité des observations en intervention fait-elle l’objet d’une procédure contradictoire ? Comment s’opère l’analyse de l’admission des interventions ?
Toute partie au procès a la possibilité d’intervenir selon les conditions supposant l’accord de la Cour. Même si l’intervention est demandée tardivement, elle doit toujours être faite avec l’accord du Président de la séance. Le président de la séance exclut du procès tout ce qui ne porte pas sur l’examen de l’affaire et sur l’exercice des attributions de la Cour constitutionnelle. Il a le droit d’interrompre, après sommation, tout participant au procès ou d’exclure toute question ou explication qui ne relève pas de l’affaire, du procès ou de la compétence de la Cour constitutionnelle.
Quel est le statut de l’intervenant ? Quel est/sont le(s) régime(s) juridique(s) des interventions ? Quels sont les droits des intervenants ?
Tout en se référant à l’explication donnée dans le point 3.4., il est à noter que l’intervenant a un statut de participant au procès. Dans ce sens, l’intervenant va apporter à l’instance des explications sur l’objet de l’affaire et répondre aux questions des parties.
Existe-t-il des interventions forcées devant la Cour ?
Les auditions devant la Cour n’ont pas de caractère forcé. La Cour ne peut qu’insister sur l’intervention d’un interprète.Votre Cour est-elle fréquemment concernée par des interventions ? Merci de donner des précisions concrètes notamment sur la fréquence, le profil des intervenants et les tendances à l’oeuvre.Les intervenants sont rarement invités devant la Cour et uniquement dans la situation où les parties n’apportent pas assez d’éclaircissements, ou si les opinions écrites des autres autorités ne sont pas suffisantes. Habituellement, la Cour fait appel à des intervenants professionnels sur des sujets de recherche très spécifiques ou pour les affaires importantes.
IV. Organisation de la procédure orale
Existe-t-il une procédure orale devant votre Cour ?
Les débats devant la Cour sont caractérisés par l’audition orale des parties et des participants au procès lors des séances publiques.
Comment appréciez-vous la place de l’oralité dans votre procédure ?
La procédure orale devant la Cour constitutionnelle de la République de Moldova est la règle, tandis que la procédure écrite constitue une exception, étant applicable exclusivement à l’interprétation des dispositions constitutionnelles et à l’adoption des avis relatifs à la modification de la Constitution.
Quelles sont les règles applicables à la présentation orale des observations ?
En règle générale, l’auteur de la saisine expose en premier son point de vue, ensuite l’autre partie.
Les parties n’ont pas le droit de se servir de leur droit de parole en audience à la Cour constitutionnelle pour faire des déclarations politiques. Elles sont tenues d’avoir un comportement discipliné et de respecter les règles de procédure de la juridiction constitutionnelle.
Après avoir entendu le point de vue d’une des parties, les juges de la Cour constitutionnelle et l’autre partie ont le droit de lui poser des questions. Le président de la séance rejette les questions orientées, suggérant la réponse.
La Cour organise-t-elle une audience publique ? Depuis quand ? Est-ce systématique ?
Comment est-elle fixée ?
Les saisines sont examinées par la Cour en audiences publiques, organisées habituellement en quatre sessions : hiver, printemps, été et automne. Dans des situations urgentes les saisines peuvent être examinées en séances publiques extraordinaires, en dehors des sessions ordinaires.
Le projet de l’agenda d’examen des saisines en audiences publiques est proposé par le président de la Cour et approuvé en session plénière. Tout juge peut proposer des modifications à l’ordre du jour des séances.
Quels sont les modes de publicité organisés par la Cour ? (salle d’audience, retransmission, visionnage Internet…)
Les séances de la Cour se déroulent dans la salle des séances, dotée d’équipement d’enregistrement audio.
Après autorisation de la Cour constitutionnelle, les représentants des services audiovisuels et d’autres moyens d’information peuvent transmettre en direct, partiellement ou intégralement, les travaux des séances et peuvent faire des reportages. La plupart des séances de la Cour sont retransmises en ligne.
Les communiqués de presse relatifs aux séances publiques de la Cour sont publiés sur le site Internet de la Cour.
Quelles sont les restrictions éventuelles à la publicité ? (audience privée)
Les débats sont publics lors des séances de la Cour constitutionnelle, sauf dans les cas où cette publicité peut porter atteinte à la sécurité de l’État et à l’ordre public, et la Cour décide alors du déroulement des audiences à huis clos.
Quelles sont les règles applicables en matière de représentation lors de l’audience ?
Existe-t-il, par exemple, un monopole de représentation au profit des avocats et/ou d’autres professions juridiques ?
En vertu du règlement relatif à la procédure d’examen des saisines déposées à la Cour constitutionnelle, l’auteur de la saisine peut personnellement participer à la séance publique de la Cour ou peut déléguer un représentant. Le représentant de l’auteur de la saisine et les représentants des autorités invités aux audiences publiques de la Cour doivent avoir une licence en droit, sauf si le Plénum de la Cour en décide autrement. Les qualifications du représentant doivent êtres confirmées par des justificatifs.
Lorsque l’auteur de la saisine et les autorités publiques délèguent plusieurs représentants, au moins un représentant doit être licencié en droit. Le président de la séance, suite à la consultation des représentants des parties, décide de l’ordre des prises de parole. Si une seule personne est déléguée, que celle-ci ne réunit pas les conditions requises par le règlement, et que la session plénière de la Cour n’en a pas décidé autrement, le président refuse sa participation en tant que partie de l’audience publique de la Cour et ne lui donne pas de temps de parole. Dans des situations exceptionnelles et à toute étape du procès, lorsque les circonstances ou la conduite du représentant désigné le justifie, les juges de la Cour peuvent décider q