Bulletin n°10 – Association des Cours Constitutionnelles Francophones

Association des Cours
Constitutionnelles Francophones

Le droit constitutionnel dans l’espace francophone

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Bulletin n°10

Le statut du juge constitutionnel

  •  Niamey, Niger
  •  2011
  • N°ISBN 978-2-914106-14-6
  • © ACCF

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Ouverture de la Conférence

Allocution de bienvenue de Mme Salifou Fatimata Bazeye

Président du Conseil constitutionnel de transition du Niger

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’État,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement,

Madame et Messieurs les Présidents des institutions de la République,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Madame le Gouverneur de la ville de Niamey,

Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique et les représentants des organisations internationales,

Monsieur le Représentant de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF),

Monsieur le Représentant de la Commission de Venise,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’institutions membres de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF),

Madame la Secrétaire générale de l’ACCPUF,

Mesdames et Messieurs les participants,

Chers invités,

L’honneur revient à mon pays, avec l’appui de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), d’abriter les assises de la 6e Conférence des chefs des institutions membres de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français.

Le Conseil constitutionnel par ma voix a le grand plaisir de souhaiter une chaleureuse bienvenue et un agréable séjour à toutes les délégations qui ont bien voulu effectuer le déplacement à Niamey.
Les souhaits que je formule ne relèvent pas du simple protocole. Ils sont d’autant plus sincères et ardents qu’en dépit de la psychose d’insécurité entretenue, vous avez accepté de répondre présents à ce grand rendez-vous d’échanges.

Mesdames et Messieurs, avec l’aide de Dieu et grâce aux dispositions prises par les autorités de mon pays, je puis vous assurer que les travaux de la 6e Conférence se dérouleront dans de très bonnes conditions.

Distingués participants, le thème de la conférence, dois-je le rappeler, est « le statut du juge constitutionnel ».
Les objectifs de cette rencontre consistent essentiellement en la mise en commun et au partage des réflexions que le thème inspire aux uns et aux autres.

Des échanges enrichissants que nous aurons, il est attendu l’émergence de l’image d’un juge constitutionnel non pas indifférent et ignorant vis-à-vis des préoccupations et aspirations des membres de sa société, mais équidistant de toutes les contingences partisanes, mû par la seule volonté d’accomplir avec compétence et dans la sérénité sa mission de protecteur de la démocratie et de l’État de droit.

Il en sera ainsi si le juge constitutionnel, parfaitement convaincu qu’il est une sentinelle en faction aux portes du temple des valeurs essentielles que voilà, reste en permanence en état de veille. Par contre, s’il s’assoupit devant la tâche ou s’il déserte son poste, les résultats seront en-deçà de nos attentes.

L’enjeu est de taille, je formule donc le vœu de voir nos travaux aboutir à des résultats dont chacune de nos juridictions tirera profit dans le but de consolider dans nos pays respectifs la démocratie et l’État de droit.

Une fois de plus, merci d’être présents parmi nous, bon séjour et bons travaux à tous.

Allocution de Robert Dossou

Président de la Cour constitutionnelle du Bénin
Président de l’ACCPUF

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’État,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement,

Madame la Présidente du Conseil constitutionnel de Transition,

Mesdames et Messieurs les Présidents des institutions de la République,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Madame la Gouverneure de la Région de Niamey,

Monsieur le Maire de Niamey,

Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et représentants des Organisations internationales,

Monsieur le Représentant de l’OIF,

Monsieur le Représentant de la Commission de Venise,

Mesdames et Messieurs, chers collègues, Présidents et membres des juridictions constitutionnelles de l’espace francophone,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes à Niamey grâce à la sollicitude du Conseil constitutionnel de transition, fortement encouragé et soutenu par vous et votre Gouvernement, Monsieur le Président de la République, soyez-en remercié.

Au moment où les délégations, les unes après les autres, foulaient le sol nigérien, une grande figure de la vie nationale nigérienne s’en fut allé en douceur dans la paix éternelle.

Oui, il n’est plus le Général Ali Saibou, surnommé « l’homme de la décrispation » qui permit le passage pacifique du monolithisme politique à la démocratie pluraliste, qui me fi t l’honneur de m’inviter à Niamey en 1991 à la veille de la Conférence Nationale Souveraine et qui m’écouta longuement avant de me confi er à la presse pour un long débat radio-télévisé.

Permettez que j’émette une pieuse pensée en sa mémoire et qu’au nom de tous mes collègues de l’espace francophone, je vous présente, Monsieur le Président de la République, à vous, à votre Gouvernement et à tout le peuple nigérien, mes sincères condoléances pour ce deuil que nous partageons avec le peuple nigérien.

Nous sommes au Niger, Monsieur le Président de la République, Mesdames, Messieurs, pour témoigner.

Nous sommes au Niger également pour exhorter.

Témoigner de ce qu’à chaque fois, que l’on ne sait quel vent de folie crée une rupture de constitutionnalité, le peuple nigérien et sa classe politique ont toujours rapidement su retrouver le chemin de l’État de droit.

Témoigner, de ce qu’aujourd’hui les peuples de l’espace francophone refusent que l’on inflige à leur Constitution, tortures et sévices.

Nous sommes au Niger en toute sécurité et en pleine hospitalité nigérienne pour exhorter ; exhorter à travers le thème de cette sixième Conférence des chefs d’institutions de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français : « Le statut du juge constitutionnel ».

En choisissant ce thème en juillet 2010 à Paris, nous ignorions que c’est en terre nigérienne que nous viendrions en débattre. Il n’y a pas de hasard. Le destin qui a conduit nos pas ici nous fait obligation d’exhorter tous acteurs et protagonistes de la vie sociale, toutes institutions constitutionnelles et tous pouvoirs publics au respect constant de la Constitution et surtout à la garantie d’un statut approprié au juge constitutionnel. Le juge constitutionnel doit être et demeurer inamovible. Le juge constitutionnel doit jouir et s’assurer d’une totale indépendance. Ce sont là quelques aspects des débats auxquels nous allons nous livrer au cours de cette sixième Conférence des chefs d’institutions de l’ACCPUF.

Je vous remercie.

Discours de Son Excellence Mahamadou Issoufou

Président de la République du Niger, Chef de l’État

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les Présidents des institutions de la République,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et les représentants des Organisations internationales,

Monsieur le Représentant de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF),

Monsieur le Représentant de la Commission de Venise,

Mesdames et Messieurs les Chefs des institutions membres de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF),

Madame la Secrétaire générale de l’ACCPUF,

Mesdames et Messieurs les participants,

Chers invités,

De sa naissance à ce jour, la démocratie a toujours eu ses partisans résolus et ses adversaires irréductibles.

La raison d’être de ce clivage est le conflit qui existe toujours entre l’intérêt général et les intérêts particuliers ainsi que le besoin ressenti par l’être humain de s’approprier et d’exercer le pouvoir politique sur et au nom de la communauté où il vit.

L’une des conséquences en est un débat permanent qui est allé en s’amplifiant au cours des âges, ponctué par des litiges, des différends et des conflits, autour de la meilleure façon de dévolution du pouvoir. Qui doit détenir et exercer légitimement ce pouvoir ? Telle est la question qu’il fallait trancher.

Face à cette situation, la société humaine qui, pour sa survie, a besoin d’ordre et de justice, a estimé nécessaire et utile de mettre en place un mécanisme de régulation et de contrôle entre les différents prétendants. Cette mission, délicate s’il en est, est de nos jours confiée au juge constitutionnel, protecteur et serviteur fidèle de la Constitution. Le juge constitutionnel est donc un rempart favorable à la démocratie et une barrière élevée contre la tyrannie.

Conscient de l’importance du rôle qui lui est dévolu et des enjeux pour la paix sociale et la tranquillité publique, le juge constitutionnel a fait sienne la pensée selon laquelle « l’essentiel n’est pas de voir seul, même si l’on voit juste et clair, mais de voir ensemble ». Il a donc très vite compris qu’il doit consulter, se concerter avec son collègue investi de la même mission par delà les frontières, à travers l’instrument de communication par essence qu’est la langue.

Cette volonté d’échanges s’est matérialisée par la mise en place en avril 1997 de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF).

Pour renforcer cette volonté de partage qui a présidé à la création de l’Association, une Conférence des chefs d’institutions est périodiquement organisée.

La rencontre que mon pays a l’honneur d’accueillir est la 6e du genre, et je ne doute pas que ses travaux seront hautement profitables à l’enracinement de la démocratie et à l’approfondissement de l’État de droit, notamment sur le continent africain qui connaît en ce moment une intense activité électorale.

S’agissant d’élections, des événements récents démontrent à quel point la paix sociale et la tranquillité publique sont tributaires des conditions et des circonstances dans lesquelles ces consultations sont organisées, mais aussi et surtout de la décision du juge constitutionnel qui a le dernier mot en la matière. Selon qu’il n’obéisse ou non qu’à la Constitution, son pays peut renforcer sa cohésion ou basculer dans la violence et le chaos.

Mesdames et Messieurs,

Le statut du juge constitutionnel, au centre de vos réflexions et débats, représente dans une large mesure une garantie supplémentaire de sécurité juridique et par conséquent de stabilité politique dans nos États.

Juge de la loi, juge du contentieux électoral, juge des conflits d’attributions entre les institutions, le juge constitutionnel prend aussi de plus en plus une place essentielle dans la sauvegarde des droits fondamentaux de la personne humaine.

C’est dire que la juridiction constitutionnelle unit aujourd’hui l’État de droit à la démocratie et occupe une place centrale au sein des institutions de la République.

Mesdames et Messieurs,

La 6e Conférence de l’ACCPUF, permettra à chaque participant de rentrer dans son pays avec une victoire, celle d’avoir défi ni pour nos États le statut du juge constitutionnel, un juge soucieux de dire le droit à l’intérieur des contingences politiques, un juge soucieux de contribuer à consolider dans son pays la démocratie et l’État de droit.

C’est le lieu de rendre, ici, un hommage mérité à la Cour constitutionnelle du Niger qui, par son courage, son sens élevé de responsabilité, son souci de protéger notre Constitution, a jeté, en 2009, les jalons d’une nouvelle lutte pour la défense de la démocratie et de l’État de droit.

Son comportement, salué par tous les démocrates, tenait-il au mode de désignation de ses membres dont deux seulement sur les sept sont choisis par les autorités politiques ? Avait-il un rapport avec le serment confessionnel auquel ses membres sont soumis ? Était-il lié à la formation juridique de tous ses membres ? Ce sont là quelques éléments de réflexion qui serviront sans doute à enrichir vos débats.

Mesdames et Messieurs,

La justice déléguée, c’est-à-dire rendue au nom du peuple, est, par définition, indépendante de toutes influences extérieures.

En particulier, sans être inattentif aux préoccupations quotidiennes de sa société, le juge constitutionnel doit garder ses distances vis-à-vis des considérations partisanes. Dans l’accomplissement de sa mission, il ne doit prendre fait et cause que pour trois valeurs qui ont largement fait leurs preuves dans la conduite des États modernes et dont il est par vocation le chevalier servant : il s’agit, pour les nommer de : la Constitution, la démocratie et l’État de droit.

Pour défendre la Constitution, la Démocratie et l’État de droit, le juge constitutionnel doit assurer avec justesse et responsabilité la noble mission qui lui est confiée.

Justesse et responsabilité, voilà des qualités indispensables qui ont sans doute guidé le Président Robert Badinter lorsqu’il déclarait devant le Conseil constitutionnel français « nous avons un devoir d’ingratitude envers ceux qui nous ont nommés ». L’exercice de ce devoir d’ingratitude a contribué à sauver récemment notre pays d’un recul démocratique certain.

En effet, en déclarant illégal le recours au référendum que l’on sait, notre Cour constitutionnelle lui avait fait perdre tout crédit et toute valeur morale. L’arrêt qu’elle a rendu à cette occasion doit être une source d’inspiration pour les juges constitutionnels.

Mesdames et Messieurs,

C’est là une des leçons que la démocratie nigérienne offre comme exemple à l’Afrique toute entière.

En effet, par construction, notre Cour constitutionnelle est indépendante et indomptable. Il en est de même de notre Commission Électorale Nationale Indépendante.

Depuis 1992, le peuple nigérien s’est doté d’une architecture institutionnelle robuste qui a résisté à tous les assauts visant à remettre en cause l’ordre démocratique. Cette architecture, fruit d’un consensus toujours renouvelé des forces politiques et de la société civile, a imprégné tout le corps social au point de développer de plus en plus au sein de notre peuple, une culture institutionnelle, gage d’une démocratie pérenne. Ceci explique la résistance farouche à toutes les tentatives de restauration autoritaire.

Outre la Cour constitutionnelle et la Commission Électorale Nationale Indépendante, une autre originalité de la démocratie nigérienne se nomme le Conseil National de Dialogue Politique, CNDP. Le CNDP est le lieu de dialogue de l’ensemble des partis politiques, représentés ou non à l’Assemblée nationale, lieu où s’élaborent et s’organisent les consensus, notamment autour des questions électorales. C’est ainsi que le code électoral est toujours consensuel, toutes les étapes dans l’organisation des élections font l’objet d’un consensus. Comment s’étonner alors que les résultats des élections au Niger, fruit d’un tel processus consensuel, ne soient acceptés par tous, les gagnants comme les perdants ?

Cette transparence des normes, leur appropriation par chaque citoyen nigérien, expliquent la prompte réaction du peuple nigérien à chaque fois que l’on s’écarte des règles du jeu.

Pour ancrer l’opposition dans les institutions et afi n de lui garantir tous les droits en la mettant à l’abri de l’arbitraire, le Niger s’est doté d’un statut de l’opposition et de son chef par voie législative.

Une presse qui a conquis sa liberté de haute lutte, des organes de régulation indépendants par construction, une société civile dynamique et de véritables partis politiques animant la vie démocratique, tels sont les autres piliers sur lesquels se construisent et se consolident la démocratie et l’État de droit au Niger.

C’est ce modèle nigérien, que nous comptons avec humilité, partager avec les pays frères d’Afrique.

Ce sera notre contribution à l’universalité de la démocratie et de ses valeurs. L’exemple du Niger et d’autres pays prouve en effet que la démocratie n’est pas une question de géographie : sous les tropiques aussi, les peuples se l’approprient avec ferveur, car la quête de liberté est consubstantielle à l’être humain.

Mesdames et Messieurs,

Au regard de la qualité des participants, j’ai la ferme conviction qu’au terme de deux jours de réflexions et d’échanges, il sera dégagé les voies et moyens propres à permettre au juge constitutionnel de mieux accomplir sa mission et de réaliser les prouesses professionnelles que tous attendent de lui.

J’accompagne de mes vœux vos travaux, et je déclare ouverte la 6e Conférence des chefs des institutions membres de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français.

Je vous remercie !

Intervention de Caroline Pétillon

Secrétaire générale de l’ACCPUF

Chef du service des relations extérieures du Conseil constitutionnel français

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs les Conseillers et membres des Cours et Conseils constitutionnels ayant en partage l’usage du français,

Mesdames et Messieurs,

Je remercie tout particulièrement au nom de l’ACCPUF, la Cour constitutionnelle du Niger qui a accepté d’accueillir la 6e Conférence des chefs d’institution et qui s’est mobilisée pour l’organisation de cette rencontre dans des délais très brefs.

Je tiens à vous rappeler que l’ACCPUF compte aujourd’hui 46 membres issus d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie, ainsi que 3 membres observateurs (Algérie, Bahreïn, Hongrie). Aujourd’hui pour cette conférence, 24 Cours constitutionnelles ont répondu présent et je tiens également à les en remercier.

Permettez-moi en premier lieu de vous faire un bref rappel des dernières réunions et activités de l’association.

• Le 13 juillet 2010 s’est tenue la réunion annuelle du Bureau de l’ACCPUF à Paris.

Je profite de l’occasion pour souligner la mobilisation régulière des membres du Bureau, à savoir :

  • la Cour constitutionnelle du Bénin en sa qualité de Président ;
  • le Conseil constitutionnel marocain en sa qualité de 1er Vice-président ;
  • le Tribunal fédéral suisse en sa qualité de 2e Vice-président ;
  • la Cour suprême du Canada en sa qualité de 3e Vice-président ;
  • la Cour constitutionnelle de Roumanie en sa qualité de membre ;
  • la Cour constitutionnelle du Gabon en sa qualité de trésorier ;
  • les membres de droit : le Conseil constitutionnel du Burkina Faso (en sa qualité de Président sortant) et le Conseil constitutionnel français (en sa qualité d’institution abritant le siège de l’Association).

Le Bureau sera renouvelé en juillet 2012 à l’occasion de l’Assemblée générale qui se tiendra au Maroc pour le Congrès triennal de l’Association. Le Bureau s’est de nouveau réuni hier à Niamey et a déterminé les dates du Congrès de Marrakech (4/5/6 juillet 2012) et son thème : « Le citoyen et la justice constitutionnelle ».

Rappelons qu’à cette occasion le Conseil constitutionnel marocain prendra la présidence de l’Association.

Les 18 et 19 novembre 2010 : le 7e séminaire des correspondants nationaux de l’ACCPUF s’est tenu, à Paris, sur le thème « Le fonctionnement des cours constitutionnelles en période électorale ».

Cette rencontre a été l’occasion de mobiliser 24 cours constitutionnelles membres de l’ACCPUF et d’échanger sur le fonctionnement des différents services d’une cour en période électorale (greffe, service juridique, service documentation, service administratif et financier, service informatique, répartition des compétences avec les CENI ([1])…).

Je vous rappelle que les correspondants nationaux sont désignés par les présidents des cours parmi leurs collaborateurs (membres, juristes, secrétaire général, greffier en chef, chef du service des relations extérieures, chef du service documentation, …) pour assurer le lien entre leur cour constitutionnelle et le Secrétariat général de l’ACCPUF. Ils constituent le relais entre l’Association et ses membres…

Le 16 janvier 2011 s’est tenue la réunion du groupe ACCPUF dans le cadre du 2e Congrès de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, à Rio de Janeiro sur « La séparation des pouvoirs et l’indépendance des cours constitutionnelles et instances équivalentes ».

Monsieur le Président Dossou a présenté le rapport de la commission consacrée à l’indépendance de la Cour constitutionnelle en tant qu’institution.

Du 23 au 27 mai 2011 : Monsieur le Président Dossou a participé en sa qualité de Président de l’ACCPUF au XVe Congrès de la Conférence des Cours constitutionnelles européennes sur « la justice constitutionnelle : fonctions et relations avec les autorités publiques » à Bucarest, en Roumanie.

Cette Conférence a été l’occasion d’adopter les statuts de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle.

Par ailleurs, l’ACCPUF envoie à ses membres 2 à 3 fois par an une lettre d’information électronique.

Celle-ci est l’occasion de faire part de l’actualité de l’Association et des cours membres ainsi que de la coopération avec l’OIF et la Commission de Venise.

Cette lettre dépend des informations que les Cours membres font parvenir au Secrétariat général
(jurisprudence, actualité constitutionnelle, …).

Les publications

Les actes de la dernière Conférence des chefs d’institution sur « la proportionnalité dans la jurisprudence constitutionnelle » (Gabon, 2008) ont été distribués pendant le séminaire des correspondants nationaux de 2010 et sont disponibles au Secrétariat général de l’ACCPUF pour ceux qui en font la demande.

Les actes du Congrès de Cotonou sur « les cours constitutionnelles et les crises » seront disponibles pour le Congrès de Marrakech.

Aide aux cours

Don d’ouvrages

Le Secrétariat général de l’ACCPUF a procédé en décembre 2010 à l’envoi de 200 kg d’ouvrages juridiques à la Cour constitutionnelle du Mali. Ces ouvrages sont le fruit d’une donation du centre de documentation du Conseil constitutionnel français. Le Conseil constitutionnel du Burkina Faso a pu bénéficier également d’un don d’ouvrages juridiques en 2009.

Je souhaiterais également parler de la coopération avec d’une part, l’Organisation internationale de la Francophonie et d’autre part, la Commission de Venise.
L’ACCPUF a, depuis le Congrès de Paris en 2006, inscrit sa participation à la mise en oeuvre des engagements souscrits dans la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 dans ses statuts (article 3).

Je remercie l’OIF pour son soutien financier régulier aux activités de l’Association.

Je rappelle que l’OIF a besoin d’un vivier d’experts (notamment en matière électorale) et que les Cours intéressées doivent se manifester auprès de l’ACCPUF ou de l’OIF (par exemple : un appel à candidature international transmis par l’OIF a été envoyé par l’ACCPUF à ses membres pour l’envoi d’un conseiller juridique aux Comores).

La Présidence et le Secrétariat général de l’ACCPUF sont toujours présents dans les temps forts de l’OIF comme par exemple les 18 et 19 mai 2010 aux Journées des réseaux institutionnels dans le cadre de la préparation du 10e anniversaire de la Déclaration de Bamako.

L’OIF est toujours représentée pendant les rencontres ACCPUF que ce soit pour les réunions de Bureau, le séminaire des correspondants nationaux, la Conférence des chefs d’institution ou le Congrès triennal.

L’ACCPUF et la Commission de Venise ont décidé de coopérer en vue de la diffusion et du développement de la justice constitutionnelle, notamment par l’échange d’informations avec pour objectif essentiel la constitution d’une base de données jurisprudentielles rassemblant les principales décisions produites par les Cours membres.

L’Accord de Vaduz (1999) permet à l’ACCPUF d’utiliser le mode de présentation du Bulletin et le Thésaurus systématique de la Commission de Venise pour rassembler la jurisprudence de ses propres Cours membres. Le protocole de Djibouti (2002), permet l’intégration de ces décisions dans la base de données CODICES.

En outre, l’ACCPUF et la Commission assistent et participent activement aux rencontres internationales qu’elles organisent respectivement. Ainsi à chaque rencontre de l’ACCPUF, un représentant de la Commission de Venise présente la base de données CODICES (exemples : dans le cadre de la Commission de Venise et de l’ACCPUF, j’ai participé à la Xe réunion mixte sur la justice constitutionnelle à Ankara en Turquie en juin dernier ; Monsieur le Président Dossou a participé à la Conférence de Rio en janvier…).

À l’occasion du dernier séminaire des correspondants nationaux une présentation de la base de données CODICES a été réalisée par Monsieur Schnutz Dürr ainsi qu’un rappel de la coopération avec l’ACCPUF.

Je vous remercie.


Intervention de M. Schnutz Rudolf Dürr

Chef de la division de la justice constitutionnelle Commission de Venise du Conseil de l’Europe

Madame le Président,

Messieurs les Présidents et Juges, Mesdames et Messieurs,

Laissez-moi d’abord vous remercier Madame le Président et tout le Conseil constitutionnel du Niger pour votre accueil chaleureux dans votre pays magnifique et démocratique !

Je suis très content de participer à cet événement et revoir non seulement d’éminents juristes, mais aussi des amis.

Je remercie aussi le Président Dossou et Mme Pétillon de m’avoir invité à cette importante Conférence des chefs d’institution, qui porte sur le statut du juge constitutionnel.

J’ai hâte d’apprendre davantage sur ce thème passionnant du point de vue des Cours et Conseils membres de l’ACCPUF. Pendant deux jours, nous discuterons de beaucoup d’aspects du thème : l’indépendance du juge dépend des garanties constitutionnelles et légales, mais en grande partie aussi de son attitude individuelle. La Cour constitutionnelle et ses juges ou membres doivent être impartiaux et incorruptibles. Le juge constitutionnel doit vivre son devoir d’ingratitude envers le pouvoir qui l’a nommé ou élu.

Le juge constitutionnel doit aussi s’abstenir d’entreprendre des activités qui peuvent donner lieu à des doutes sur son impartialité future.

Madame le Président,

Je vous présente deux aspects de la coopération de la Commission de Venise (www.venice.coe.int) avec l’ACCPUF :

  1. Notre accord de coopération (voir www.venice.coe.int/ACCPUF) et la base de données CODICES
  2. La Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle
1. Notre accord de coopération et la base de données CODICES

L’ACCPUF est liée à la Commission de Venise par nos accords de coopération de Vaduz de 1999 et de Djibouti de 2002, qui ont porté d’excellents fruits. En vertu de ces accords, la base de données CODICES de la Commission de Venise est devenue la base commune jurisprudentielle aussi de l’ACCPUF (sur cédérom et www.CODICES.coe.int, accessible sans mot de passe – Flash doit être installé sur le PC pour voir le menu) et je me réjouis que sur les quelques 7 000 décisions dans la base, plus de 1 500 déjà parviennent des Cours et Conseils membres de l’ACCPUF. Cependant, seulement une partie de ces décisions viennent des membres africains de l’ACCPUF.

Si certains Cours et Conseils contribuent très régulièrement, pour d’autres les dernières contributions datent de quelques années, et pour quelques uns nous attendons des premières contributions.
Votre jurisprudence intéresse beaucoup les autres Cours et Conseils – dans le cadre de l’ACCPUF, mais aussi dans d’autres régions.

Pour répondre à cette attente, il faudrait contribuer davantage. À part les textes intégraux, vos correspondants devraient fournir des points de droit et un résumé de la décision. Si l’indexation parait difficile, nous pouvons vous y assister ou l’ajouter.

Je vous invite vivement à demander à vos correspondants de contribuer régulièrement à la base CODICES pour enrichir la base de votre jurisprudence importante.
Dans la base vous trouvez des décisions abrégées (points de droit et résumés indexés), des textes intégraux des décisions, le thésaurus systématique, qui permet des recherches thématiques, et les Constitutions. Nous avons encore peu de constitutions africaines, et je vous invite aussi à nous donner vos Constitutions en format Word en langue française (et anglaise si disponible) pour les intégrer dans la base.

L’importance d’inclure aussi des constitutions vient du fait que la base établit automatiquement des liens entre la jurisprudence (les décisions abrégées) et les articles de la constitution citée. Une fois ces liens établis, CODICES fournit la jurisprudence relative à un article de la constitution.

Pour le moment, nous ajoutons des lois (organiques) sur les cours et des descriptions des cours seulement pour les pays membres de la Commission de Venise, comme par exemple pour le Royaume du Maroc. Après avoir intégré toutes les Constitutions, nous pouvons aborder aussi cette étape avec l’ACCPUF.

Si vous cherchez dans CODICES la jurisprudence relative au thème de notre conférence (mot-clé 1.1.3* Statut des membres de la juridiction), vous allez trouver des décisions fort intéressantes, par exemple une décision belge (BEL-2001-2-004, n° 59/2001 du 8 mai 2001), qui nous informe dans les « renseignements complémentaires » (des commentaires sur la décision), qu’une loi spécifique a prolongé les mandats des juges sortants pour éviter que l’affaire soit entendue à nouveau par les nouveaux juges.

Une décision marocaine (MAR-2010-2-002, n° 659/07 CC du 23 septembre 2007) traite entre autres des possibles sanctions pour la non déclaration de leur patrimoine par les membres du Conseil constitutionnel.

Le grand avantage d’une base de données commune, voire mondiale, est que vous y trouverez en résumé français la jurisprudence d’autres pays membres de la Commission de Venise, par exemple la décision lituanienne LTU-2005-2-004 (n° 10/05 du 2 juin 2005) sur les incompatibilités du juge constitutionnel.

2. Conférence mondiale

Depuis 1996, la Commission a établi une coopération avec un certain nombre de groupes régionaux ou linguistiques de cours constitutionnelles, notamment l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français – notre partenaire le plus ancien –, la Conférence des Cours constitutionnelles européennes, le Forum des juges en chef de l’Afrique australe, la Conférence des organes de contrôle constitutionnel des pays de nouvelle démocratie, des Cours constitutionnelles d’Asie, l’Union des Cours et Conseils constitutionnels arabes et la Conférence ibéro-américaine de la justice constitutionnelle.

Dans la poursuite de l’objectif de réunir ces groupes et leurs membres, la Commission a organisé, pour la première fois, une Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, qui s’est tenue au Cap, en janvier 2009 en coopération avec la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud. Une déclaration adoptée lors de cette conférence a chargé un Bureau composé des représentants des groupes régionaux et linguistiques d’élaborer un statut pour une association permanente.

À l’invitation de la Cour suprême fédérale du Brésil et la Commission de Venise, 88 Cours et Conseils constitutionnels et Cours suprêmes, ainsi que les 10 groupes régionaux et linguistiques de Cours de l’Afrique, des Amériques, de l’Asie et de l’Europe, se sont réunis pour le 2e Congrès de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle sur le thème « La séparation des pouvoirs et l’indépendance des Cours constitutionnelles et organes équivalents » (Rio de Janeiro, Brésil, janvier 2011). À cette occasion, le projet de statut a été discuté et amendé. Le 23 mai 2011, le Bureau a adopté le statut de la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle à Bucarest.

J’ai le grand plaisir de vous informer que le 24 septembre 2011, le statut de la Conférence mondiale de la justice constitutionnelle est entré en vigueur. Nous avons déjà 38 membres de l’Afrique, des Amériques, de l’Asie et de l’Europe. Je suis très content que beaucoup de Cours et Conseils francophones soient parmi eux :

  1. Albanie, Cour constitutionnelle
  2. Algérie, Conseil constitutionnel
  3. Bénin, Cour constitutionnelle
  4. Burkina Faso, Conseil constitutionnel
  5. Congo-Brazzaville, Cour constitutionnelle
  6. Mali, Conseil constitutionnel
  7. Maroc, Conseil constitutionnel
  8. Maurice, Cour suprême
  9. Mauritanie, Conseil constitutionnel
  10. Moldavie, Cour constitutionnelle
  11. Mozambique, Conseil constitutionnel
  12. Niger, Conseil constitutionnel
  13. Suisse, Tribunal fédéral
  14. Togo, Cour constitutionnelle

La participation des Cours membres de l’ACCPUF dans la Conférence mondiale me tient beaucoup à cœur et je remercie les Cours et Conseils qui ont déjà adhéré.

Je remercie aussi vivement le Bureau de l’ACCPUF et le Président Dossou pour son fort soutien pour la Conférence mondiale et l’adoption de son statut.

Comme l’ACCPUF, la Conférence mondiale a pour but de promouvoir la démocratie, la protection des droits de l’homme et l’État de droit par le biais des échanges entre Cours et Conseils constitutionnels. Elle promeut un dialogue entre les Cours et leurs juges, qui permet une inspiration mutuelle – appelée fertilisation croisée – entre les cours. La conférence mondiale est un forum ouvert pour des échanges entre les Cours.

Je suis content du fait que la participation des cours francophones a été très forte, à la fois lors du 1er Congrès au Cap et au 2e Congrès à Rio de Janeiro. Vous êtes des partenaires fiables !

J’invite cordialement les Cours et Conseils de l’ACCPUF qui ne l’ont pas encore fait à joindre la Conférence mondiale à leur tour.

Nous avons fait un tour d’horizon, partant du statut du juge constitutionnel, passant par notre accord de coopération et la base CODICES pour arriver à la Conférence mondiale.

Tous ces efforts sont censés contribuer au dialogue des juges. L’échange des jurisprudences est essentiel pour permettre une recherche comparative. Contrairement à la jurisprudence internationale, la jurisprudence étrangère ne peut jamais avoir force d’autorité, mais elle peut inspirer. Si chaque pays a sa propre histoire, sa propre culture et sa propre Constitution, les arguments juridiques, basés sur les principes de la démocratie voyagent facilement d’un pays à l’autre.

Participez à cette construction commune !

Je vous remercie de votre attention.

Entrée en fonction, déroulement de carrière et obligations du juge constitutionnel

Synthèse des réponses au questionnaire [1]

M. Jean du Bois de Gaudusson

Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux-IV

Président honoraire de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)

I. Recrutement, mandat, incompatibilités
A. Les autorités de nomination

Remarque : il serait préférable d’employer l’expression « autorités de désignation » ; l’autorité de nomination peut en effet être formellement le président de la République mais celui ayant une compétence liée par les désignations effectuées par d’autres autorités ou institutions. Trois catégories de cas peuvent être distinguées ; ceux où :

  • Tous les conseillers sont désignés par des autorités politiques supérieures (chef de l’État, du gouvernement, présidents d’assemblées parlementaires) comme c’est notamment le cas en France, Roumanie, Bénin, Burkina Faso, Liban, Togo. Le dosage entre la désignation par l’exécutif et le Parlement varie.

La liberté de choix de ces autorités peut être totale (rarement) ; le plus souvent la désignation est soumise à des règles de procédure et/ou à des conditions professionnelles, de formation des personnes ? (cf. infra).

  • Les conseillers sont désignés par des autorités et institutions politiques et par des autorités judiciaires : Guinée, Cameroun, Congo-Brazzaville.
  • Les conseillers sont désignés par les autorités politiques et judiciaires ainsi que par d’autres structures : au Niger, élection par structures professionnelles ; Maroc : proposition du Roi d’un membre par le secrétaire général du Conseil supérieur des Ouléma.
B. Procédure de nomination

Les règles de procédure tendent à se renforcer ; judicieusement choisies, elles peuvent compenser les inconvénients de la désignation des conseillers par les autorités politiques. La désignation peut ainsi être précédée de propositions, de consultations, d’auditions (cf. l’évolution du droit français avec la loi du 23 juillet 2008 instituant une procédure d’audition et de vote du Parlement tant par les nominations faites par les Présidents d’assemblées que par le Président de la République).

Au Liban, la procédure de désignation est contradictoire.

Mais il est des États où aucune règle de procédure n’est posée (Burkina Faso, Algérie).

C. Conditions à remplir

En règle générale, il est prévu que les conseillers doivent jouir de leurs droits civils et politiques. On observe une nette tendance à subordonner le recrutement à un certain nombre de conditions supplémentaires :

  • de compétence juridique universitaire (diplôme) ou professionnelle : Bénin, Liban, Madagascar, Maroc, Roumanie, Togo ;
  • d’activité professionnelle : juridique et judiciaire, d’enseignement, administrative ou même politique (au Niger ; en Belgique : six anciens parlementaires) ;
  • on notera que quelques institutions de l’ACCPUF présentent la particularité de faire partie de l’ordre judiciaire et d’être composées de membres ayant la qualité de magistrats (au Canada et en Suisse) ;
  • de genre, comme le prévoit la République centrafricaine (au moins 3 femmes sur 9) ;
  • d’âge : il peut être fixé un âge minimum (en Suisse 18 ans, au Niger 40 ans, au Mozambique 35 ans, au Liban 50 ans, en Guinée 45 ans) et maximum (Belgique 70 ans, Liban 74 ans) ; dans d’autres cas, une durée maximale d’exercice de la fonction est fixée (Suisse : 18 ans).
D. Le mandat

A – La durée du mandat des juges constitutionnels est très variable : 5 ans (Bénin), 6 ans (Cameroun, Congo-Brazzaville, Niger), 7 ans (Madagascar), 9 ans (France). Il est tantôt non renouvelable (France, Madagascar, Roumanie, Niger), tantôt renouvelable indéfiniment (Cameroun qui emploie dans son dernier texte la formule « éventuellement renouvelable », Congo-Brazzaville, Togo), tantôt renouvelable une fois (Bénin, Gabon), tantôt encore renouvelable jusqu’à un certain âge (Suisse).

B – Le point de départ du mandat est sanctionné dans tous les cas (sauf l’Algérie) par une prestation de serment. Le serment est prêté « devant » ou (et) « en présence » (et non pas « au » comme l’avait fait remarquer François Luchaire lors de sa prestation) soit du chef de l’État (Président de la République, Roi : France, Maroc, Liban…) soit de l’Assemblée (Cameroun, Congo-Brazzaville), soit des deux (Togo, République de Côte d’Ivoire), soit encore du Président de la Cour ou du Conseil (Côte d’Ivoire pour les conseillers).

C – Fin du mandat : dans tous les cas, les juges constitutionnels bénéficient de l’irrévocabilité et leurs mandats ne cessent qu’à leur expiration, par décision volontaire ou décès.

Toutefois, sont prévues des possibilités de révocation (démission d’office) à titre de sanction, pour manquement aux obligations des conseillers, aux règles d’incompatibilité. La Cour peut parfois être saisie par une autorité de désignation ou politique (Cameroun, Madagascar, Roumanie, Maroc…). Mais dans tous les cas intervient la juridiction constitutionnelle à laquelle appartient le juge. Ainsi au Mali comme au Burkina Faso : « avant l’expiration du mandat, il ne peut être mis fin à titre temporaire ou définitif aux fonctions des membres de la Cour que dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme de la Cour statuant à la majorité des deux tiers ». Il n’en est pas toujours ainsi : au Canada, la révocation est exercée par le Gouverneur sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes ; on notera que la procédure n’a jamais été utilisée.

D – Incompatibilités : toutes les institutions de l’ACCPUF prévoient un régime d’incompatibilité dont le but est de préserver l’indépendance des juges mais aussi de permettre à ceux-ci de se consacrer à leurs activités constitutionnelles à plein temps ; (ce qui n’est pas toujours le cas, comme la France en a donné un exemple jusqu’à la loi organique du 20 janvier 1995). Les textes n’utilisent pas les mêmes termes mais ils sont marqués par une grande convergence et par une tendance à renforcer les cas d’incompatibilité.

Tous les statuts établissent une incompatibilité avec les fonctions de membres du Gouvernement, du Parlement, du Conseil économique et social (et pour certains « environnemental »), avec tout mandat électif, avec tout autre emploi public, civil ou militaire, avec aussi toute autre activité professionnelle privée. Sur ce dernier cas, il existe des variantes, certains États autorisent les exercices d’activité d’enseignement ou même – comme c’est le cas en France – le cumul avec les fonctions de professeur d’université, parfois seulement avec des activités d’enseignement juridique supérieur (Roumanie, art. 144). Le Congo-Brazzaville admet l’exercice d’activités non seulement scientifiques, littéraires, artistiques ou d’enseignement mais aussi agricoles.

Pour d’autres, il relève de la responsabilité du président de l’institution de déterminer les activités privées incompatibles (Liban). Au Maroc, cette détermination est renvoyée à une loi organique pour ce qui concerne notamment les relations avec l’exercice de profession libérale.

Le régime des incompatibilités est étendu aux postes de responsabilités dans les partis politiques, associations ou syndicats.

E – Le cas des membres de droit

Deux pays prévoient que les anciens Présidents de la République sont membres de droit (France, Côte d’Ivoire). Au Burkina Faso, il est fait état d’une révision constitutionnelle dans ce sens à la condition que les anciens Présidents de la République « se désengagent de la politique active ».

Quels qu’en soient les motifs, la présence de ces membres de droit n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés notamment juridiques (sur le serment, sur la solution à adopter lors de manquement aux obligations, sur les cas de récusation).

F – Les Présidents des institutions membres de l’ACCPUF

Les statuts prévoient des dispositions particulières pour les Présidents de juridiction constitutionnelle qui occupent une place importante dans l’ordre protocolaire et disposent de prérogatives propres liées à leur responsabilité de chef de l’institution et de chef de juridiction.

Ils sont en règle générale nommés par l’autorité politique (le chef de l’État) ; toutefois, au Bénin, au Liban, en République de Côte d’Ivoire, ils sont élus par le Conseil.

La question s’est posée en France de savoir quelle était la durée du mandat du Président : il est admis que la nomination s’effectue pour la durée du mandat de conseiller ainsi désigné ; mais certains proposent une nomination après chaque renouvellement partiel ; le débat a été tranché en France en contournant la question, lors du renouvellement de 1986 avec M. Daniel Mayer qui a cédé sa place à M. Robert Badinter.

II. Les obligations du juge constitutionnel

Les juges constitutionnels sont soumis à une série d’obligations, dont certaines ne leur sont pas propres et concernent tous les juges, qui ont pour objet de préserver la dignité des fonctions, l’indépendance du juge et l’impartialité de l’office des juges. C’est ce que précisent, par exemple, les textes français (décret du 13 novembre 1959) ou roumain ; ce dernier dispose que les juges doivent « s’abstenir de toute activité ou manifestation contraire à l’indépendance et à la dignité des fonctions » ; au Liban ils doivent « s’abstenir de toute activité de nature à porter atteinte “à la confiance, à la considération ou aux exigences de la fonction” »).

À cette obligation générale, les textes ajoutent une série d’obligations plus précises le plus souvent énoncées et détaillées par les textes, qui dans l’ensemble découlent de l’obligation générale de réserve qui s’impose aux juges constitutionnels.

Ainsi est-il interdit aux juges constitutionnels (liste non exhaustive) :

  • de dévoiler le secret des délibérations et des votes, pendant la durée de leurs fonctions ;
  • de prendre une position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décisions de la part de l’institution ; cette interdiction n’empêche cependant pas la participation
    active à des jurys de thèses et colloques (France, Bénin) ;
  • de donner une consultation sur les affaires relevant de la compétence de l’institution ;
  • de laisser mentionner la qualité de juge constitutionnel dans tous documents susceptibles d’être publiés et relatifs à toute activité publique ou privée ;
  • d’occuper un poste de responsabilité ou de direction au sein d’un parti politique.

(Sur la possibilité pour un juge de participer et d’adhérer à un parti politique ou de participer à une campagne électorale, cf. infra – les synthèses relatives aux droits des juges constitutionnels).

En définitive, il ressort des réponses que tous les textes statutaires consacrent une obligation essentielle, l’obligation de réserve2, qui si elle échappe à toute définition constitutionnelle précise ne s’en impose pas moins aux juges constitutionnels, avec sanctions à la clé en cas de manquement (sur les sanctions, cf. infra).


  • [1]
    Cette synthèse, comme les deux suivantes, est réalisée à partir des 22 réponses, et elles seules, adressées par les destinataires du questionnaire. Elle ne peut rendre compte de la grande diversité des situations dans l’ACCPUF.  [Retour au contenu]

L’entrée en fonction des juges, le déroulement de leur fonction et les obligations des juges

M. Aboudou Assouma

Président de la Cour constitutionnelle du Togo

La Cour constitutionnelle du Togo se félicite de l’occasion qui lui est offerte pour échanger sur le statut des juges constitutionnels. Nous pensons que la réflexion sur l’entrée en fonction, le déroulement de la carrière et les obligations des juges constitutionnels est une bonne opportunité de faire progresser le débat sur l’enjeu que constitue l’amélioration de leur condition.

Au Togo, la Cour constitutionnelle, « la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle » a été instituée par la Constitution du 14 octobre 1992. Elle « est composée de neuf membres désignés pour sept ans renouvelables ».

Dans cette étude, nous nous interrogerons successivement sur leur entrée en fonction, leurs obligations et le déroulement de leur carrière.

I. Entrée en fonction du juge

Les membres de la Cour sont, soit désignés, soit élus.

Il ressort de l’article 100 alinéas 2, 3 et 4 de notre Constitution que les membres de la Cour sont choisis par le Président de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat à raison de trois membres par organe. Alors que le Président de la République désigne ses membres, l’Assemblée nationale et le Sénat élisent les leurs. Pour être élu, il faut réunir au moins 2/3 des voix de l’ensemble des députés ou des sénateurs selon qu’il s’agit de l’élection par l’Assemblée nationale ou par le Sénat. Il faut relever qu’en l’absence du Sénat, le quota affecté aux sénateurs est échu aux députés qui élisent ainsi six membres.

Il faut observer que obligation est faite à chaque organe de désignation de compter parmi ses choix, un juriste. Ainsi, la Cour doit compter au moins trois juristes.

Pour être élu ou nommé juge à la Cour, il faut remplir certaines conditions.

Les critères pour être membre de la Cour

Quatre conditions sont exigées pour être juge à la Cour :

  • être de nationalité togolaise ;
  • avoir la qualité d’électeur ;
  • ne pas être membre d’une instance dirigeante d’un parti politique ;
  • n’avoir subi aucune condamnation pénale ou civile (article 11 de la loi organique sur la Cour).

Cela étant, avant d’entrer en fonction, le juge doit prêter serment, conformément à l’article 3 de la loi organique sur la Cour, devant le Président de la République, en présence des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Le juge, ainsi établi dans ses fonctions, doit se soumettre à certaines obligations.

II. Les obligations du juge

Les obligations des juges sont de trois sortes.

Incompatibilité

L’incompatibilité suppose que le juge ne peut exercer en même temps certaines fonctions au cours de son mandat. Il est donc interdit au juge de la Cour constitutionnelle de cumuler certaines fonctions avec son mandat. Tels sont en effet, les termes de l’article 15, alinéa 1 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle reprenant l’article 103, alinéa 1 de la Constitution qui dispose que « les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute activité professionnelle ainsi que de toute fonction de représentation nationale ».

Il ressort de ces dispositions que le juge de la Cour constitutionnelle ne peut exercer aucune autre activité professionnelle, aucune fonction de représentation, aucun mandat électif, aucun emploi public, civil ou militaire. En d’autres termes, il ne peut par exemple être ministre, ambassadeur, député ou sénateur, directeur de société. Il en est ainsi pour toutes les fonctions de nature à porter atteinte aux exigences d’impartialité liées à sa fonction. En somme, pour permettre au juge de se situer à égale distance des parties et rendre une justice saine, il faut le soustraire à tout environnement politique ou professionnel susceptible de l’influencer.

Toutefois, le régime des incompatibilités est libéral en ce sens qu’il n’interdit pas à un membre de la Cour constitutionnelle de devenir député, sénateur, ministre ou exercer toute autre fonction ou activité déclarée incompatible avec celle de la Cour.

En définitive, l’incompatibilité oblige seulement le juge à choisir l’une ou l’autre fonction.

Les professeurs d’université exerçant à la Cour ne sont pas, eux, astreints à ce régime. Ils sont, en effet, autorisés à cumuler la fonction d’enseignant avec celle de juge à la Cour. Toutefois leur travail scientifique doit obéir aux règles de l’art. En clair, le professeur, membre de la Cour, à l’instar des autres membres, ne peut prendre le contre-pied d’une décision de la Cour (article 16, alinéa 2 de la loi organique sur la Cour), d’où l’obligation de réserve.

Devoir de réserve

De manière générale, le devoir de réserve constitue une limitation à l’expression des opinions des agents publics. Il s’explique par le souci d’éviter que leur comportement, même en dehors du service, porte atteinte à l’intérêt de celui-ci ou crée des difficultés dans l’administration.

Ce devoir de réserve ainsi défini, appliqué au juge, lui impose d’observer une certaine retenue dans l’extériorisation de ses opinions. Il doit, par conséquent, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité, à la crédibilité de celles-ci ou donner lieu à scandale, compromettre les intérêts du service ou laisser penser qu’il est pour ou contre telle ou telle action politique.

Cette obligation de réserve requiert aussi du juge l’appropriation de la décision de la Cour lorsqu’il est mis en minorité ou s’il n’y a pas participé. Ainsi il est tenu de ne divulguer aucun élément de la délibération.

Dans tous les cas, l’obligation de réserve constitue le pendant nécessaire des obligations de neutralité et d’impartialité lesquelles lui confèrent ce qu’on a appelé la « république du centre ».

Obligation de neutralité et d’impartialité

La mission du juge est de rendre une justice saine, échappant autant que possible aux critiques. Pour ce faire, il doit observer la neutralité absolue, c’est-à-dire éviter de prendre parti en adoptant un comportement réservé. La neutralité s’analyse comme la traduction pratique de l’impartialité du juge, c’est-à-dire qu’il doit faire preuve d’objectivité dans sa prise de décision. L’impartialité, une des vertus attachées par essence à la fonction de juger, impose au juge de trancher les litiges par application d’une règle de droit à l’issue d’un procès respectueux de l’équité et des droits de la défense. L’exigence d’impartialité suppose en somme que le juge n’ait pas égard aux personnes mais uniquement aux faits de la cause.

Cela étant, qu’en est-il du déroulement de la carrière du juge ?

III. Le déroulement de la carrière

Comme nous l’avons déjà précisé, les juges de la Cour sont élus ou nommés pour un mandat de sept ans renouvelable. Il ne s’agit pas de faire carrière d’autant qu’il ne s’agit pas nécessairement de magistrat. Ainsi, à la fin du mandat, lorsque vous n’êtes pas reconduit, vous regagnez votre corps d’origine, s’il y a lieu.

Il faut relever que s’agissant de magistrat en activité, il évolue en échelons et en grades comme s’il était dans son corps d’origine.

En résumé, il n’existe aucun système d’avancement au sein de la Cour constitutionnelle du Togo. Pour conclure, disons simplement que les juridictions constitutionnelles occupent aujourd’hui une place de choix dans la régulation de la gestion de nos sociétés. Instituées pour réguler le fonctionnement de l’État, leur autorité ainsi que l’indépendance des juges qui les animent dépendent très souvent des différents éléments que nous venons d’analyser. Mais les gouvernants sont très souvent réticents à leur offrir les conditions idoines. Il nous appartient donc d’amener nos gouvernants à remplir la part de leur cahier des charges.

L’obligation de réserve du juge constitutionnel, Problématique, code de conduite et perspectives comparatives

M. Antoine Messarra [1]

Membre du Conseil constitutionnel du Liban

L’obligation de réserve soulève des problématiques diversifiées, même dans les situations les plus régulières, pour trois raisons principales : la position statutaire en société des Cours et Conseils constitutionnels ; la position des membres qui jouissent d’expériences et de contributions dans les domaines du droit et de la culture juridique et par suite remplissent un rôle dans la diffusion et la consolidation de cette culture ; et l’exploitation de l’obligation de réserve par des médias et des acteurs politiques en vue de critiquer l’institution et affaiblir sa crédibilité.

Il en découle la nécessité d’étudier l’obligation de réserve du juge constitutionnel à la lumière des exigences d’indépendance, d’intégrité et de confiance dans la magistrature constitutionnelle.

I. Finalité

La finalité de l’obligation de réserve est triple : la protection du secret des délibérations ; la garantie d’indépendance de la magistrature constitutionnelle et du juge ; et la propagation de la confiance et crédibilité sociale dans cette magistrature.

Nous nous basons sur les principes et codes de conduite des chartes relatives à la magistrature, avec une concentration sur la spécificité de la justice constitutionnelle.

Nombre de notions sont à contenu variable [2], notamment celles relatives à l’éthique et au comportement professionnel, en raison du lien entre ces notions et la culture dominante en société, les perceptions, la sociologie du savoir, et les potentialités d’instrumentalisation et de détournement dans des contextes culturels et socio-politiques variés. La variété des interprétations n’implique pas confusion et divergence, mais le plus souvent sagesse à appréhender des réalités comportementales par essence différenciées et qui exigent en permanence la référence à l’esprit et finalité du principe. Nous proposons en conséquence un ensemble des normes en matière d’obligation de réserve du juge constitutionnel.

1. Les propos, actes et conduites sont incompatibles avec l’obligation de réserve, s’ils affectent négativement la finalité de la règle. Aussi toute situation relative à l’obligation de réserve doit-elle être appréhendée en fonction de sa conformité ou non-conformité avec la finalité, du fait surtout que la référence au devoir de réserve peut occulter une soumission à des pressions matérielles ou morales, connivence, opportunisme ou compromission sur des principes fondamentaux.

2. Quels que soient les cas, il faudra manifester un attachement absolu à l’esprit de l’institution qui doit jouir du respect, de la considération, de la confiance, du soutien et de la protection en société, et par suite favoriser la distinction entre l’institution en tant que personne morale et les membres dont elle se compose.

3. Il ressort dans des situations conflictuelles ou instables une régression de la culture institutionnelle et de la chose publique. Dans des démocraties consolidées se développe une mentalité contestataire qui ébranle des fondements mûrement élaborés (en commençant par l’institution familiale, l’institution professionnelle…), en raison notamment de la propension à l’individualisme aux dépens du lien social, et aussi en raison d’une éducation libéraliste. Le devoir de réserve n’est pas une obligation de mutisme, mais un mode d’expression de la liberté, liberté dont le principe est absolu pour tout citoyen sans exception. Les modalités de cette expression sont régies par des normes juridiques et éthiques. Le droit du juge constitutionnel dissident d’inscrire pleinement sa dissidence dans les décisions du Conseil constitutionnel et la publication intégrale de cette dissidence, comme c’est le cas d’après l’article 12 de la loi du Conseil constitutionnel au Liban, constitue une confirmation du rejet du mutisme absolu dans la justice constitutionnelle.

4. L’exercice de la magistrature, qui émet ses sentences dans la plupart des pays, de façon explicite ou implicite, au nom du « peuple », implique des modalités de communication entre justice et médias, en vue de contribuer à :

a. Propager la culture de légalité en société.

b. Consolider la confiance dans la magistrature, son indépendance et son équité.

c. Informer les citoyens sur la justice en tant que garantie de leurs droits, ce qui favorise leur confiance et leur recours, au lieu de leur soumission à des rapports de force ou de leur recours à des moyens d’autodéfense.

5. Dans des sociétés où la confiance dans la magistrature a été ou est ébranlée, où les normes régulatrices de la vie publique sont perturbées, il est nécessaire d’exécuter des programmes d’information judiciaire, en vue de consolider l’État de droit et renforcer la magistrature dont l’indépendance n’est pas réductible à des textes législatifs. Il peut en effet y avoir des législations normatives et une justice indépendante, alors que la perception de la justice par les citoyens est défavorable, pour des raisons restreintes ou conjoncturelles souvent étrangères à la magistrature, amplifiées ou tronquées, avec des publications à ce propos non conformes à la déontologie et à l’authenticité de l’information. Le devoir de réserve et la sagesse en général ne peuvent signifier absence de courage, surtout dans des régimes totalitaires, en transition démocratique ou dont la démocratie est en crise ou menacée. La vertu du courage est inhérente à l’exercice de la justice, surtout dans des conjonctures peu favorables, la magistrature étant le rempart pour la défense des droits et des libertés.

II. Contenu

L’obligation de réserve du juge constitutionnel comporte, de façon absolue, le secret des délibérations et modes de comportement.

6. En ce qui concerne le secret des délibérations

Sont incompatibles avec l’obligation de réserve :

a. La déclaration ou la simple allusion, dans des circonstances publiques ou privées, relativement aux délibérations et aux détails des délibérations concernant les décisions publiées, et les litiges en cours de délibération ou dans la phase préparatoire des décisions.

b. La défense de décisions ou leur dénonciation.

c. La réponse à des accusations ou observations relatives aux décisions ou même leur explication dans un esprit apologétique.

d. L’expression de prises de position à propos d’affaires en cours ou d’affaires qui pourraient éventuellement être objet de litige.

Ne constitue pas une infraction au secret des délibérations l’information sur le contenu des décisions après leur publication, et cela à travers des moyens d’information qui émanent de la Cour ou Conseil constitutionnel, surtout si les décisions sont sujettes à des campagnes qui visent la confiance dans l’institution. Il est en effet bénéfique de recourir à l’information en vue de consolider la confiance dans la magistrature constitutionnelle.

Le secret des délibérations inclut l’ensemble des procès-verbaux internes mais en vertu des régimes des archives officielles ouvertes au public ou publiables en tant que fonds public après un délai déterminé, il est possible, en vertu d’une loi, de publier les procès-verbaux et délibérations après 25 ans, en conformité avec la loi du 15/7/2008 en France qui autorise cette publication après 25 ans [3].

7. En ce qui concerne les comportements

Sont incompatibles avec l’obligation de réserve :

a. Les relations dans des occasions sociales ou autres avec des requérants ou leurs mandataires.

b. Les visites à des milieux politiques si elles sortent du cadre social, relationnel, institutionnel et occasionnel, et si elles ont lieu en simultanéité avec des affaires pendantes dans les délibérations ou susceptibles d’être objets de recours.

c. Les manifestations exagérées à des occasions sociales ou médiatiques et qui pourraient prendre l’aspect d’une propagande personnelle ou de vedettariat, avec l’exigence de différencier entre manifestation sociale et présence dans les médias pour l’expression de prises de position politiques ou d’opinions ayant rapport avec des affaires litigieuses.

d. Les conduites : tenues vestimentaires, propos, expressions, comportements, attitudes… qui nuisent à l’image du juge constitutionnel en société et à la confiance du public, ainsi que les comportements dans la vie quotidienne qui doivent être tous empreints de civilité.

Est incompatible avec l’obligation de réserve qui favorise l’image positive du juge constitutionnel tout engagement de débats polémiques.

8. Est compatible avec l’obligation de réserve :

a. L’expression orale ou écrite sur des principes et théories juridiques et des problèmes juridiques spécifiques, avec approfondissement et méthodologie scientifique, surtout à des occasions universitaires et scientifiques, nationales ou internationales.
b. L’expression orale ou écrite sur des problèmes humains, culturels et scientifiques en général : lettres, arts, problèmes sociaux et culturels, avec la méthodologie adaptée à ce genre d’expression.

c. La participation à des conférences, séminaires et rencontres scientifiques et qui n’ont pas un caractère partisan ou un cachet politique déterminé.

9. Ce qu’il faut éviter dans tous les cas :

a. Les procédés de la réplique, de l’apologie, de la polémique, même en ce qui concerne des décisions, lesquelles sont supposées contenir tout l’argumentaire justificatif.

b. Toute forme de réaction et de défaut de maîtrise.

c. L’atteinte à l’institution qui constitue une personne morale indépendamment des membres qui la composent et des modalités d’exercice de leur fonction.

d. L’expression orale ou écrite qui prend l’aspect de la propagande personnelle et du vedettariat, l’exigence étant d’accorder la priorité au problème débattu plutôt qu’à la personne et à l’acteur.

10. Les juges constitutionnels peuvent écrire sur des problèmes constitutionnels et des problèmes abordés par les Cours et Conseils constitutionnels, sans style du commentaire, mais sous forme d’études où des décisions sont citées en tant que référence pour confirmer ou infirmer, sans volonté justificative ou de dénonciation, et dans la perspective d’une analyse juridique ou constitutionnelle où s’intègre une décision.

III. Recherche constitutionnelle et principe de la primauté de la Constitution

Quelle est la limite de l’obligation de réserve en ce qui concerne la publication sur des questions constitutionnelles, dans des pays surtout où le débat constitutionnel, en période de crise ou de transition démocratique, se déroule avec une propension conflictuelle ou polémique ?

11. Le principe de la primauté de la Constitution implique une double composante :

a. La qualité de la Constitution au sommet de la hiérarchie juridique.

b. La qualité de la Constitution en tant que cadre national de supra-allégeance qui transcende les tendances partisanes et sectaires, les contradictions et les conflits et, en conséquence, où les divergences de doctrine, de jurisprudence et d’interprétation entre spécialistes et commentateurs se situent au-dessus des appartenances partisanes dans l’État constitutionnel.

Cependant des recherches constitutionnelles peuvent se confondre avec des polémiques et opinions à travers des moyens médiatiques, ce qui porte préjudice à :

a. La culture constitutionnelle.

b. La référence normative suprême qui régit la vie publique.

c. La boussole indispensable pour la bonne gouvernance et la gestion de la chose publique.

12. La règle est que les recherches constitutionnelles relatives à la Constitution en vigueur, quel qu’en soit le contenu, sont non partisanes et non sectaires. Cependant dans des circonstances particulières ou de crise, circonstances qui devraient être épisodiques et limitées, il est préférable de pratiquer la vertu de prudence afin d’éviter la perception que la production scientifique en matière constitutionnelle vise une partie déterminée ou qu’elle se propose d’être favorable ou de soutenir une tendance partisane. Une telle perspective ne s’intègre pas directement dans l’obligation de réserve, mais dans la vertu de prudence au sens d’Aristote, afin d’éviter que des principes constitutionnels soient ravalés à un niveau polémique.

Les Constitutions déterminent des normes générales développées par la doctrine et la jurisprudence d’une manière qui va au-delà de l’opinion. Aussi l’expression d’une opinion en matière constitutionnelle et le ravalement de la Constitution à des opinions sont par essence contraires à l’essence même et à la finalité des Constitutions, du fait que toute Constitution constitue la loi fondamentale référentielle qui exprime la volonté nationale et la souveraineté étatique.

13. Les recherches scientifiques relatives à la Constitution, dans un État constitutionnel, sont compatibles avec l’obligation de réserve, quand elles revêtent un caractère fondamental et méthodologique et ne portent pas sur des projets et propositions déterminés qui pourraient faire l’objet d’un recours.

IV. L’adhésion du juge constitutionnel à des associations et organisations scientifiques

14. La présidence ou la qualité de membre chef d’une association régie par la loi sur les associations est compatible avec les exigences de travail des Cours et Conseils constitutionnels et avec l’obligation de réserve, sauf dans les cas où le volume et la nature du travail de l’association, en tant que président ou membre actif, empiètent sur le plein temps exigé par le travail de l’institution constitutionnelle.

15. La présidence et la qualité de membre actif dans une association ou organisation scientifique sont incompatibles avec les exigences du travail dans l’institution constitutionnelle au cas où l’association ou l’organisation scientifique entreprend des projets, programmes et activités en rapport avec des problèmes électoraux ou affaires juridiques litigieuses ou qui pourraient être objet de recours constitutionnel, principalement dans le cas des associations qui œuvrent pour la défense des droits (advocacy) et non les associations non lucratives à but culturel, caritatif, social ou scientifique.

Quant à l’affiliation à des organisations syndicales, les membres des Cours et Conseils constitutionnels doivent être au-dessus des mouvements à caractère revendicatif et être les garants des normes générales de justice dans la société globale.

16. L’obligation de réserve pour le juge constitutionnel se réfère à la suprématie de la Constitution, suprématie qui signifie non seulement la primauté de la Constitution dans la hiérarchie juridique, mais sa suprématie par rapport à des allégeances partisanes ou sectaires, ce qui implique des effets quant à la valorisation du débat constitutionnel par les Cours et Conseils constitutionnels.

17. La position du juge constitutionnel en tant que garant de la Constitution lui impose d’immuniser sa position sur les plans de l’exercice de la fonction et dans la vie publique et de promouvoir les valeurs régulatrices de la vie publique.

La distance symbolique dans les rapports sociaux, et nullement dans les relations humaines dont l’humanité doit couvrir tous les domaines sans exception, et cela pour toute personne qui exerce une autorité, implique des conséquences sur le comportement du juge constitutionnel. L’activité intensive et la fréquence des rapports sociaux, même pour des objectifs louables, pourraient exposer le juge constitutionnel à des observations inconsidérées peut-être nuisibles à l’image de l’institution dont il est membre.

V. La justice constitutionnelle et l’information

18. L’information judiciaire, dans le sens de l’information suivant les exigences professionnelles et les codes éthiques du journalisme professionnel, et non la publicité ou la propagande, constitue une exigence contemporaine prioritaire pour trois raisons au moins : l’extension des médias, le renforcement de la confiance dans la justice, et l’aide aux journalistes à décoder des notions juridiques [4].

19. Le contenu, la méthode et les moyens de l’information judiciaire en général peuvent être définis à la lumière d’expériences normatives comparées [5].

20. Il est utile de diffuser à la suite de la publication de décisions constitutionnelles des notes d’information et des synthèses pour la presse, en mettant en relief les attendus les plus pertinents, afin de juguler les risques d’incompréhension, d’interprétation tronquée et de déformation. L’impératif de publication des décisions des Cours et Conseils constitutionnels au Journal officiel confirme l’exigence de transparence, laquelle ne doit pas se limiter aux abonnés au Journal officiel et à une élite de spécialistes.

VI. La doctrine et la jurisprudence relatives à l’obligation de réserve

Il ressort de la doctrine et de la jurisprudence en perspective comparée à propos de l’obligation de réserve cinq orientations dominantes :

1. Finalité de l’obligation de réserve : L’obligation comporte nombre de perspectives à étudier sous les angles de l’indépendance, de l’intégration, du procès équitable et de la confiance dans la magistrature :

« La réserve qui s’impose au magistrat présente différentes facettes qui doivent, selon nous, être examinées essentiellement sous l’angle des principes d’indépendance et d’impartialité qui participent à la notion de procès équitable et qui justifient la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les personnes appelées à participer à l’œuvre de justice [6]. »

« S’il est un mot qui revient dans tous les textes et qui constitue le fondement commun des divers avatars du devoir de réserve, c’est celui de confiance [7]. »

Une décision du Tribunal constitutionnel fédéral au Canada est explicite en ce qui concerne l’obligation de réserve :

« Le devoir de réserve lié à la charge de magistrat est un principe fondamental. En soi, il est une garantie supplémentaire de l’indépendance et de l’impartialité judiciaires et vise à assurer que la perception du justiciable ne soit pas affectée sous ce rapport. La valeur d’un tel objectif s’apprécie pleinement, d’ailleurs, lorsqu’il est rappelé que les juges demeurent les seuls arbitres impartiaux à qui l’on peut recourir dans les cas où les autres modes de résolution des conflits s’avèrent infructueux. Le respect et la confiance qui s’attachent à cette impartialité commandent donc tout naturellement que le juge soit à l’abri de remous et de controverses susceptibles d’entacher la perception d’impartialité que doit dégager son comportement [8]. »

2. La définition de l’obligation de réserve : On ne trouve ni dans la doctrine ni dans la jurisprudence le « devoir de se taire », du fait que la liberté d’expression est absolue, mais ses modalités, conjonctures et temporalités sont régies par des exigences éthiques :

« On ne trouvera donc rien d’explicite, dans la déontologie, sur un devoir de se taire. Et quand bien même les codes imposent au journaliste de ne pas révéler ses sources, il ne s’agit pas d’un devoir absolu, mais seulement d’une obligation circonstancielle : je dois taire l’origine d’une information parce que la source me le demande ou parce que je prends l’initiative de la protéger (…). Être tenus au secret les conduirait (les journalistes) à des aberrations évidentes. C’est donc, en réalité, le droit à la confidentialité des sources que réclame la profession, ce que ne lui reconnaît pas encore le législateur belge [9]. »

Des auteurs emploient l’expression : « réserve active » [10], du fait que la réserve peut déborder le champ de protection de l’indépendance de la magistrature et camoufler connivence et complicité. Un grand militant pour la démocratie affirme : « Plus douloureux que l’injustice des bourreaux est le silence des justes. »

L’extension du champ médiatique vers la magistrature implique une stratégie de communication sociale en vue de bâtir une relation de confiance. On relève en conclusion d’un séminaire :

« Qu’il s’agisse d’une opinion forgée dans la réflexion ou née de l’expérience ou qu’il s’agisse encore d’une information vérifiée ou d’une rumeur insidieuse, le mutisme évite la polémique, l’adhésion d’opportunité, le conflit, la fâcherie, la calomnie, la vanité, autant de sentiments ou de réactions qui empêchent l’homme d’avoir des nuits paisibles et des journées sereines [11]. »

Recommandations quant aux communications avec les médias

« Les contacts du pouvoir judiciaire avec les médias sont aujourd’hui passés dans les usages, ils peuvent relever d’une nécessité sociale. Il faut néanmoins les baliser clairement.

« À cet égard une distinction doit être faite entre l’information relative à des affaires en cours, ce qui relève de l’actualité judiciaire, et l’information relative à des problèmes d’ordre général (de politique criminelle, par exemple).

(…)

« L’impartialité exigée du juge ne lui permet pas de commenter les dossiers dont il a eu, a ou aura à connaître. Il n’est ainsi pas acceptable qu’il commente une décision qu’il a rendue.

(…)

« Le magistrat participant à l’interview ou au débat devra nécessairement présenter au moins les qualités suivantes :

  • sens des responsabilités à raison de la fonction qu’il représente ;
  • compétence particulière sur le problème évoqué ;
  • prudence et modération des propos.

« L’interview et la participation au débat doivent avoir été dûment préparées, pour éviter tout écart. (…)

« 4. Quant au magistrat agissant comme porte-parole d’un groupement professionnel, il n’est pas question de brider sa liberté d’expression. Il reste néanmoins soumis au devoir de pondération.

« 5. Les présentes recommandations constituent une actualisation de la « Note sur les relations entre le pouvoir judiciaire et la presse » du 1er mars 1993. Chaque chef de corps appréciera dans quelle mesure il y a lieu de les préciser ou de les compléter.

« 2. Le devoir de réserve est conçu comme une modalité de la liberté d’expression et non un obstacle à celle-ci. »
(Circulaire de la conférence permanente réunissant les chefs de corps de Cours et Parquets généraux, Belgique).

« 3. La circulaire prévoit une concertation avec le chef de corps, mais ne conditionne pas la communication à l’obtention d’une autorisation [12]. »

« réserve ne signifie pas silence ».

« Le devoir de réserve peut trouver à s’appliquer à n’importe quel professionnel, et n’importe quelle activité, ou à n’importe quel comportement, ceux-ci pouvant être une manière d’exprimer une conception.

« Mme de Sévigné évoquait déjà, en 1664, le devoir d’une “discrétion retenue” et, à la même époque, Littré “cette sorte de prudence qui nous retient de dire ou de faire” [13]. »

« La notion est tout entière construite sur la conception que certaines fonctions sont assurées par des personnes dont il faut préserver l’image d’impartialité et de neutralité en raison de la confiance qu’elles doivent inspirer au public (…)

« Traditionnellement, le devoir de réserve est conçu comme une “façon d’être” [14] ».

3. Rapports médias-société : Le grand défi réside dans l’image sociale de la magistrature, image qui influe de façon positive ou négative sur le comportement des requérants et sur le degré de soutien de la société à l’indépendance des juges qui peuvent être soumis à des pressions, menaces ou mesures administratives discrétionnaires. Le concept traditionnel de réserve, au sens du retrait et de l’isolement social, prend aujourd’hui le sens de réserve active. Il n’est pas concevable que celui qui entre dans le corps judiciaire perde sa liberté d’expression, principe fondamental dans une société démocratique. Des fonctions exigent la réserve du fait qu’elles impliquent un haut niveau de confiance de la part de la société, surtout que le magistrat est un témoin dont l’expérience est fort utile pour les instances parlementaires et exécutives :

« Dans la magistrature, la réserve desséchante – sinon paralysante – d’autrefois, souvent associée au conformisme, s’est transformée, au cours des vingt dernières années, en une réserve dans l’action. Le cataclysme consécutif à l’affaire Dutroux a été tel que des conceptions nouvelles, résolument orientées vers la communication, se sont imposées tout naturellement. Les juges sont passés (…) du “vœu de continence verbale” au “criticus interruptus” (…)

« La liberté d’expression constituant l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, fondement que l’on retrouve tant dans notre Constitution que dans la Convention européenne des droits de l’homme, il serait aujourd’hui – quelques que soient les interprétations d’hier – impossible de soutenir qu’en entrant dans la magistrature quelqu’un renonce totalement à cette liberté. (…) L’exercice d’une telle liberté peut être soumis à certaines conditions, éventuellement restrictives, “pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire” [15]. »

Une maxime britannique est rapportée dans une décision de la Cour européenne des droits de l’homme :

“Justice must not only be done, it must also be seen to be done [16].”

4. Limites et champ d’application de l’obligation de réserve :

« Le premier enseignement est relatif à l’étendue du devoir de réserve. »

« La Cour (européenne des droits de l’homme) (…) selon elle, il est indispensable que les autorités judiciaires fassent preuve de la “plus grande discrétion” dans l’exercice de la fonction de juger, et ce “afin de garantir leur image de juges impartiaux” [17]. »

« Lorsque ces principes et libertés (principes démocratiques, pérennité de l’État de droit, et les libertés fondamentales) sont en péril, la réserve n’est plus de mise [18]. »

« Certains auteurs exigent que le magistrat soit “irréprochable”, tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée [19]. »

« Les motifs et les besoins de mettre en œuvre une restriction à la liberté d’expression doivent être établis de manière convaincante (…) avec le souci de préserver le procès à la justice, et de cesser d’en faire un jeu télévisé [20]. »

5. L’information judiciaire : La société de droit implique la diffusion de la culture de légalité pour aider les personnes, en leur qualité de citoyens, à être informées sur leurs devoirs et sur l’accessibilité à leurs droits, surtout dans les questions vitales quotidiennes :

« Il est souhaitable que les acteurs judiciaires puissent aider le citoyen à décoder correctement les décisions de justice (…), sous la réserve qu’il ne s’exprimera pas concernant les dossiers qu’il traite personnellement, le magistrat est idéalement placé pour en expliquer les règles et le sens [21]. »

Ce qu’écrivent des membres de Cours et Conseils constitutionnels dans des publications spécialisées comme Les Cahiers du Conseil constitutionnel en France en tant qu’expérience personnelle en vue de la continuité de l’institution ou dans des œuvres est compatible avec l’obligation de réserve, dans le cas de transmission d’une expérience personnelle, pour l’utilité publique et sans préjudice quant à la confiance des citoyens dans l’institution et sans que les témoignages ne portent sur des personnes identifiables et sur le secret des délibérations [22].
Dominique Schnapper, membre du Conseil constitutionnel français, écrit sur son expérience au Conseil après la fin de son mandat :

« Les extraits de ce journal (…) ne seront jamais utilisés comme des documents lorsqu’ils touchent aux personnes ou aux délibérations. Le nouveau conseiller prête serment de ne rien révéler du secret des délibérations et des votes (…). Je ne trahis pas le secret des délibérés en mentionnant qu’un mot (notamment ou au demeurant, par exemple) ou une virgule peuvent susciter une grande passion tant, parfois, selon les rédacteurs, ils peuvent avoir de conséquences (…). Dans la vie politique démocratique, les acteurs qui veulent jouer un rôle doivent impérativement être actifs, mais aussi visibles [23]. »

Pierre Joxe, membre du Conseil constitutionnel français, écrit :

« Est-ce enfin la sagesse, ou le conformisme institutionnel, qui m’a longtemps fait taire ? Au Conseil constitutionnel, où j’ai passé ces neuf dernières années, j’ai eu la triste surprise d’assister impuissant à certaines évolutions du droit exactement opposées à mes convictions les plus anciennes : celles que j’avais acquises auprès des miens, ou grâce à mes maîtres. Mais je n’avais jamais transigé sur les libertés [24]. »

Des journaux ont cependant reproduit des extraits avec des titres incitatifs et critiques qui ne correspondent pas à l’esprit de l’ouvrage de Dominique Shnapper [25]. Un entretien télévisé en France, en février 2010, avec Pierre Joxe à propos de son livre a dévié, suite à l’incitation de l’animateur, vers des allusions critiques relatives à l’institution, contrairement à l’esprit général de l’ouvrage.

Des dérives s’expliquent à l’échelle internationale par la propension à l’individualisme aux dépens du sens de l’institution et par la tendance des médias à rechercher sans discernement le sensationnel au lieu de l’authenticité. Il en découle un besoin impérieux de sagesse et de prudence de la part des juges constitutionnels, afin d’éviter les dérives de principes fondamentaux du droit dont la finalité est l’intérêt général et non la diffamation ou l’ostentation.

Au-delà de l’obligation de réserve, du secret des délibérations et du jugement équitable…, la déontologie remplit une fonction de légitimation :

« La déontologie a également une fonction de légitimation de l’activité judiciaire auprès du public [26] »

Dans la plupart des Cours et Conseils constitutionnels, le juge prête serment avant son entrée en fonction. Au Liban, en vertu de l’article 5 de la loi n° 250 amendée par la loi n° 150 du 30/10/1999 et la loi n° 43 du 13/11/2008, le mandat du membre du Conseil ne commence qu’à partir de la prestation du serment devant le Chef de l’État, prestation qui doit avoir lieu dans un délai de 15 jours au plus à partir de la formation intégrale du Conseil. Les termes du serment sont :

« Je jure par Dieu tout puissant d’exercer ma fonction au Conseil constitutionnel avec fidélité, désintéressement et intégrité (amânat, wa tajarrud, wa ikhlâs) en conformité avec les dispositions de la Constitution, et de sauvegarder avec la plus grande rigueur le secret des délibérations. »

Les membres du Conseil, astreints à une obligation de réserve dans leur propos et actions, doivent éviter tout ce qui peut nuire à la confiance, à la considération et aux exigences de la fonction et sauvegarder le secret des délibérations (article 5 de la loi libanaise n° 250 du 14/7/1993 et article 8 des statuts intérieurs).

Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ? Est considéré démissionnaire d’office le membre absent à trois séances successives sans motif légitime et celui qui enfreint les règles d’incompatibilité et l’obligation de réserve.

La preuve de l’infraction doit être établie en vertu d’une enquête entreprise par le Président en personne ou par un membre du Conseil. Le procès-verbal établi, présenté à l’Assemblée générale du Conseil constitutionnel, est conservé auprès du Président. Le Conseil proclame la vacation et la fin du mandat par décision à la majorité de sept membres au moins (articles 19 et 20 des Statuts intérieurs du Conseil constitutionnel au Liban) [27].


  • [1]
    Membre du Conseil constitutionnel au Liban, professeur à l’Université Saint-Joseph. Prix du Président Elias Hraoui : Le Pacte libanais, 2007.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Chaïm Perelman et Raymond Vander Elst (éd.), Les Notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, coll. « Travaux du Centre national de recherche de logique », 1984, surtout pp. 363-374.  [Retour au contenu]
  • [3]
    B. Mathieu et al., Les Grandes délibérations du Conseil constitutionnel, 1958-1983, Paris, Dalloz, 2010.  [Retour au contenu]
  • [4]
    La pionnière de l’information juridique et de la culture populaire de légalité et des rapports entre médias et société, au Liban et dans les autres pays arabes, est Laure Moghaizel :

    Cf. Antoine Messarra et Tony Atallah (dir.), Laure Moghaizel : Un demi-siècle de lutte pour les droits de la femme au Liban (Archives Laure Moghaizel, 1947-1997), Fondation J. et L. Moghaizel, Fondation libanaise pour la paix civile permanente (FLPCP) et Association libanaise des sciences politiques, LFPCP, Librairie Orientale, 3 vol., 2008. Un exemple aussi de communication publique sur la justice : Émission « Complément d’enquête : La justice au quotidien », TV5 Europe, 15/12/2001 à 20 h.  [Retour au contenu]

  • [5]
    Antoine Messarra et Paul Morcos (dir.), Observatoire de la magistrature au Liban, Fondation libanaise pour la paix civile permanente en coopération avec Middle East Partnership Initiative (MEPI), Beyrouth, Librairie Orientale, 2 vol., 2006-2007, 168 + 272 p. (en arabe avec des synthèses en français et anglais).
    A. Messarra, Droit et éthique des médias au Liban, Beyrouth, Fondation libanaise pour la paix civile permanente, série
    « Documents », n° 12, Librairie Orientale, 2007, 756 p. (en arabe et français).
    « Quels médias judiciaires au Liban aujourd’hui ? Problématique juridique et médiatique et professionnalisme », Communication au séminaire : Project to Strengthen the Independence of the Judiciary and Citizen Access to Justice in Lebanon. A USAID Project Implemented by the National Center for State Courts, Beirut, Phoenicia Hotel, December 5, 2008.
    A. Messarra, L’État de la magistrature aujourd’hui au Liban, 2009, 55 p., inédit. L’information administrative au Liban (Problématique, contenu, production et formation), Bureau du ministre d’État pour la réforme administrative M. Fouad el-Saad, coord. A. Messarra et dir. Leila Barakat, en coopération avec l’Union européenne, 2001-2002, 2002, 480 p. + 16 films documentaires.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Patrick Mandoux et Damien Vandermeersch, in Le devoir de réserve : L’expression censurée ?, Actes de la Table ronde du 17 oct. 2003 tenue à la Maison du Barreau de Bruxelles, Bruxelles, Bruyland, 2004, 172 p., p. 36.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Ibid., Paul Martens, Conclusion de la Table ronde, p. 169.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Ruffo c. Conseil de la magistrature, 1995, 4 R.C.S, 267, souligné par nous dans le texte.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Ibid., Jean François Dumont, p. 100. Cf. aussi F. Mallol et K. Bourderbali, Liberté d’expression et obligation de réserve, Paris, Sorman, 1999, p. 62  [Retour au contenu]
  • [10]
    Ibid., Paul F. Smets, p. 81  [Retour au contenu]
  • [11]
    Ibid., Édouard Jakhian, p. 87  [Retour au contenu]
  • [12]
    Ibid., pp. 7-8. Souligné par nous dans le texte.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Ibid., Pierre Lambert, pp. 16-18. Souligné par nous dans le texte. Pierre Lambert, Le Secret professionnel, Paris, Nemesis, 1985, surtout pp. 33 et s. Souligné par nous dans le texte.  [Retour au contenu]
  • [14]
    X. de Riemaecker, G. Londers et consorts, Statut et déontologie du magistrat, La Charte, 2000, p. 333. Souligné par nous dans le texte.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Le Devoir de réserve…, op. cit., Jacques Dopchie, p. 5.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Cour européenne des droits de l’homme, 26/10/1984, De Cubber, par. 26.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Ibid., Marc Verdussen, pp. 24, 28-29. Cf. arrêt De Diego Nafria, Cour eur. dr. h., Espagne, 14/3/2002. Cf. arrêt Ville c.
    Liechtenstein, ibid., 28/10/1999.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Ibid., Patrick Mandoux et Damien Vandermeersch, p. 42. Pierre Joxe, Cas de conscience, Paris, Labor et Fides, 2010, 248 p. Dominique Schnapper, Une sociologue au Conseil constitutionnel, Paris, Gallimard, « NRF essais », 2010, 454 p.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Ibid., Patrick Mandoux et Damien Vandermeersch, p. 41.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Ibid., Pierre Corvilain, p. 97. Dominique Rousseau, « Indépendance de la justice et justice constitutionnelle : une occasion manquée ? », Revue politique et parlementaire, n° 1045, 2007, p. 82. Olivier Jouanjan, « Le Conseil constitutionnel est-il une institution libérale ? », Droits, n° 43, 2006, p. 77. Xavier de Riemaeker et Ghislain Londers, Statut et déontologie du magistrat, Paris, La Charte, 2000, notamment pp. 333 et s. R. Ergec, « La liberté d’expression, l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 1993.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Dominique Schnapper, op. cit., Paris, Gallimard, p. 163 : « Une presse ignorant l’objet et le contenu de l’activité du Conseil. »  [Retour au contenu]
  • [22]
    Pierre Joxe, op. cit.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Dominique Schnapper, op. cit., pp. 11, 17, 163. Souligné par nous.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Pierre Joxe, op. cit., p. 10.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Des journaux au Liban, 23/2/2010.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Henri Pallard, Déontologie juridique, Bruxelles, Bruyland et éd. Yvon Blais, « Common law en poche », 2003, 140 p. Cf. également :
    Andrew Boon et Jennifer Lewin, The Ethics and Conduct of Lawyers in England and Wales, Hart Publishing, Oxford, 1999. Mary C. Daly et Roger J. Goebel, Rights, Liability, and Ethics in International Legal Practice, Transnational Juris Publications, Kluwer Law & Taxation Publishers, Dordrecht, 1995.
    K. Economides (dir.), Ethical Challenges to Legal Education and Conduct, Hart, Oxford, 1998.
    R.L. Nelson, D.M. Trubeck et R.L. Solomon (dir.), Lawyers’ Ideals/Lawyers’ Practices, Cornell University Press, London, 1992. Donald Nicolson et Julian Webb, Professional Legal Ethics : Critical Interrogations, Oxford University Press, Oxford, 1999.
    S. Parker et C. Sampford (dir.), Legal Ethics and Legal Practice, Clarendon Press, Oxford, 1995.
    Beverley G. Smith, Professional Conduct for Lawyers and Judges, Maritime Law Book Ltd., Fredericton, N.-B., 1998. Donald R. Fretz, Rodney A. Peeples et Thomas C. Wicker, Ethics for Judges, National Judicial College, University of Nevada, Reno, Nevada, American Bar Association, Chicago, 1982, 88 p.
    Lisa L. Milord, The Development of the ABA Judicial Code, American Bar Association, Chicago, 1992.
    J.M. Shaman, S. Lubet et J.J. Alfani, Judicial Conduct and Ethics, 3e éd., Lexus Law, Charlottesville, Va., 2000, 681 p.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Nous avons adopté dans l’élaboration de cette étude les normes des Chartes du citoyen et sous forme de code de conduite : République libanaise, Bureau du ministre d’État pour la réforme administrative M. Fouad el-Saad, Chartes du citoyen (Rapports avec l’administration, Éducation, Santé, Patrimoine, Sécurité publique, Argent public, Environnement), coord. A. Messarra et dir. Leila Barakat, en coopération avec l’Union européenne, 2001-2004, Chartes publiées par le Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP) et le programme Pogar, 7 fascicules, 2007 (en arabe, français et anglais). En outre une Charte pour la magistrature en général au Liban a été établie par une commission comprenant MM. Tarek Ziadé, Tanios el-Khoury, Ghaleb Ghanem, Philippe Khairallah, au Ministère de la Justice au Liban, Beyrouth, 25/1/2005, 26 p. et an-Nahar (Liban), 26/1/2005. À propos de cette Charte : Tarek Ziadé, Qawâ’id al-Qadâ’ wa-istiqlâliyatuhu fî Lubnân wa-l-’alam al-’arabî (La magistrature, ses normes et son indépendance au Liban et dans le monde arabe), Beyrouth, al-Mu’assasa al-hadîtha li-l-qitâb, Tripoli, 256 p., pp. 103-172.  [Retour au contenu]

Le juge constitutionnel, un juge spécial

M. Isaac Yankhoba Ndiaye

Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal

Je voudrais donner au qualificatif une connotation neutre qui nous permet d’exclure l’aspect négatif susceptible de ramener des souvenirs récents que nous, pays africains, avons tous connus et subis avec une profonde détresse. Ici, l’adjectif ne saurait donc renvoyer aux tribunaux spéciaux, dits d’exception, qui ont plus rendu service que justice.

Mais je ne pourrais pas non plus proclamer a priori que le juge constitutionnel est un modèle parfait chez nous, par ce qu’il serait, depuis son avènement en 1992, le pilier incontestable de l’avancée démocratique au Sénégal : son action n’a pas écarté les turbulences et les vicissitudes qui ont émaillé l’évolution politique et institutionnelle du Sénégal.

C’est pourquoi, je serais plus enclin à rechercher un autre argumentaire pour essayer d’expliquer le titre de la communication. Celui-là a pour support théorique un triptyque.
Le juge constitutionnel est un juge spécial, d’abord en raison de ses attributions : régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics, contrôle de constitutionnalité, juge du contentieux électoral ; toutes ces attributions sont non seulement exorbitantes, mais constituent aussi des situations à enjeux fondamentaux, car chaque acte posé peut faire avancer ou retarder la marche vers l’État de droit et la démocratie.

On peut donc facilement ici constater l’immensité de la charge et des responsabilités du juge constitutionnel.

Mais il y a un second volet qui vient compléter ce premier aspect. C’est celui de la contextualisation : l’Afrique longtemps martyrisée par des tyrans de tous bords, avec des guerres insensées, la famine, la maladie et des autorités politiques qui ont toujours cru et agi comme si tout leur était permis.

C’est ce paysage quelque peu noirci à dessein qui a prévalu jusqu’à la période dite de transition ou de renouveau démocratique réputée venir apporter une rupture profonde avec les méthodes de gouvernance de la chose publique, de la Cité.

Certes le Sénégal n’était pas directement concerné, car il avait déjà anticipé sur l’évolution en aménageant un multipartisme à quatre courants constitutifs, déjà à l’époque, d’exception.

Mais aujourd’hui, nous sommes tous situés au même niveau : la période de transition a permis à chacun de se doter d’une architecture constitutionnelle avec, sensiblement, la même orientation : promouvoir la démocratie.

Cependant, il nous faut reconnaître que nous y sommes parvenus par raccourci : la France qui nous a presque tous servi de modèle a connu un cheminement plus lent avec trois évolutions que l’on a pu comparer à des révolutions, en 1971,1974 et 2008, année de consécration de la question prioritaire de constitutionnalité.

Nous, nous avons dû sauter plusieurs pas, parce que le raccourci était nécessaire, voire impérieux. Encore aurait-il fallu l’exploiter judicieusement en mettant à profit le temps gagné par avance.

J’aurais voulu pouvoir opiner dans ce sens sans hésitation, mais la mise en perspective du statut du juge, la perception qui en est faite et l’attitude même du juge, suscitent quelques nuances, voire quelques réserves.

C’est le dernier justificatif du titre : quelle est la place du juge constitutionnel dans nos démocraties en construction encore fragiles ?

Il nous faut certainement un juge pas comme les autres ; l’idéal serait de trouver des hommes et des femmes capables de résister aux pressions de tous bords, mais ayant surtout pleine conscience de leur rôle dans le parachèvement de l’État de droit et de la démocratie.

Or chez nous, le juge constitutionnel est bien souvent isolé ; il n’est épargné par personne : ni par l’opposition, ni par la majorité au pouvoir.

À cet égard, on peut relever, à titre illustratif mais significatif, la correspondance adressée par le Président de la République au Conseil constitutionnel lui enjoignant de s’expliquer, à la suite d’une décision qui aurait méconnu, selon lui, le principe du contradictoire, élément essentiel d’une bonne administration de la justice.

Il est vrai que l’échange épistolaire était très policé, mais il reste que l’orthodoxie peut continuer, légitimement, à s’interroger sur l’autorité qui s’attache encore aux décisions du Conseil constitutionnel.

Je sais que l’exemple sénégalais n’est pas un cas isolé dans nos tropiques ; je sais aussi qu’il est arrivé, en France, que le Conseil constitutionnel ait été présenté comme une « cible facile » bien que constituant « une institution essentielle » ; qu’il a pu être comparé à « une machine à trahir », et que le doyen Vedel, dans un article évocateur, a mis en relief « le sale plaisir de salir le Conseil constitutionnel ». Finalement, il n’y aurait donc rien de nouveau sur la terre africaine, car le procédé est éculé et se retrouve partout.

Mais il faut reconnaître qu’il existe néanmoins une particularité chez nous : les agressions contre le Conseil constitutionnel ne sont pas de même nature, et surtout, ici, le citoyen a fait irruption dans la sphère constitutionnelle par le biais des élections et le nouvel engouement pour la protection et la promotion des droits de l’homme, avec le soutien actif de la société civile.

L’opinion du citoyen ou celle présentée comme telle – mais peu importe à cet égard – traduit une prise de conscience nouvelle qui modifie la représentation accommodante, hier encore, acceptée. Cette irruption est une donnée majeure que l’on ne peut occulter et qui nécessite une prise en charge équilibrée, si l’on veut éviter les débordements.

Nos juridictions constitutionnelles ont presque toutes vingt ans ; certaines sont parvenues, pour le moment, à jouer plus ou moins méthodiquement leur partition ; d’autres sont toujours à la recherche de leur voie.

Mais, quel que soit le regard que l’on peut y porter, il s’est avéré que le processus reste à parfaire, car le socle est toujours fragile.

Dans cette perspective, le juge constitutionnel, qui se doit d’apporter une contribution décisive, mérite alors d’être protégé (I). S’il est encore fortement contesté (II), c’est certainement parce que sa couverture n’a pas paru suffisamment épaisse.

I. Première partie : un juge protégé

La protection du juge constitutionnel peut être appréciée à un double niveau : d’une part, à travers les modalités de sa désignation (A) ; d’autre part, à travers le souci de lui assurer un confort certain (B) dès l’instant qu’il a été choisi.

A. Le profil du juge

Accéder aux fonctions de juge constitutionnel est perçu par l’opinion, voire même par les membres de la juridiction, comme une véritable consécration. Le poste est en effet fortement convoité, certainement en raison de son prestige et des honneurs qui l’accompagnent. Pour beaucoup, c’est un couronnement de la carrière professionnelle. Mais rares sont encore ceux qui ont gardé le souvenir de leur passage au Conseil constitutionnel. C’est que le profil recherché est relativement sélectif et les postes à pourvoir restreints.

Le Conseil constitutionnel est composé de cinq membres. La désignation de ces membres est soumise à une procédure allégée (1) qui s’appuie sur des critères orientés (2).

1) Une procédure allégée

C’est le Président de la République qui porte son choix sur tous les membres du Conseil constitutionnel. Ce mode de nomination a toujours été décrié, non pas seulement par ce que l’Exécutif en a le monopole, mais aussi et surtout, en raison de l’obligation de gratitude qui serait à la charge des membres ainsi désignés. L’argument, toujours d’actualité, ne semble pas avoir été entendu par les diverses autorités de nomination qui, à cet égard, font preuve d’une remarquable facilité d’accommodation.

Mais, existe-t-il réellement une bonne procédure, celle qui serait sans défaut, l’essentiel, n’est-il pas dans le choix et la conscience des personnes devant assumer les fonctions ?

En tout état de cause, ce mode de nomination est loin d’être discrétionnaire.

La procédure, peu contraignante, varie en fonction de la catégorie professionnelle d’appartenance du juge constitutionnel. D’ailleurs, en réalité, elle n’est formalisée qu’à l’égard des magistrats choisis par le Président de la République. C’est précisément à ce propos qu’est survenu le premier contentieux. En l’occurrence, il s’agissait de procéder au remplacement du Président du Conseil constitutionnel démissionnaire durant la période électorale.

Par le décret 93-187 en date du 2 mars 1993, le Président de la République nomme le Premier Président de la Cour de Cassation en qualité de Président du Conseil constitutionnel.

Un candidat à l’élection présidentielle intente un recours pour excès de pouvoir contre cette décision au motif que le Président de la République n’avait pas sollicité l’avis conforme et motivé du Conseil supérieur de la Magistrature, conformément aux dispositions de l’article 5 alinéa 2 de la loi organique portant statut des magistrats.

Le recours est rejeté par le Conseil d’État :

« Considérant qu’en sa seule qualité de candidat aux élections présidentielles et législatives, le requérant ne justifie pas d’un intérêt direct et personnel lui donnant qualité pour attaquer le décret. Que dès lors, le recours doit être déclaré irrecevable » (Arrêt 0012 du 25-08-1993, Pr. I. Der Thiam – État du Sénégal).

On aurait pu discuter sur les notions d’intérêt et de qualité et des conceptions qui les sous-tendent ; mais notre propos sur la solution retenue va être volontairement retenu pour le rendre plus expressif à l’instant opportun.

Pour le moment, il faut retenir qu’un candidat aux élections présidentielles et législatives n’a pas d’intérêt direct et personnel, faute de qualité pour contester un acte, même illégal, du Président de la République, et portant nomination du Président de la juridiction chargée de veiller à la régularité des opérations électorales. Le choix des conseillers repose aussi sur certains critères.

2) Des critères orientés

C’est la loi organique de 1992 sur le Conseil constitutionnel qui en fixe les contours. Celle-ci limite fortement la prérogative présidentielle en imposant d’exercer un choix principalement parmi les professionnels du droit. La loi exige, en effet, des membres qu’ils aient des compétences juridiques et une expérience professionnelle avérée.

Sur les cinq membres qui composent le Conseil constitutionnel, trois sont obligatoirement des magistrats, hors hiérarchie, anciens ou en activité, de la Cour suprême ou de la Cour d’appel. Les deux autres membres peuvent être choisis parmi les professeurs de droit, les avocats ou les inspecteurs généraux d’État, à condition d’avoir exercé au moins pendant vingt-cinq ans dans leur profession. La pratique aujourd’hui établie est de réserver le poste de Vice-président du Conseil constitutionnel à un ancien Doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Dakar ou de Saint-Louis.

C’est dans cette même perspective que la Présidence du Conseil constitutionnel a toujours été assurée par un magistrat.

Cependant, le Président et le Vice-président ne sont pas choisis par leurs pairs : ils sont aussi désignés par le Président de la République.

Le législateur considère, sans aucun doute, qu’une juridiction constitutionnelle devrait être composée principalement par des personnes possédant une qualification et une expérience juridiques. On comprendrait difficilement que le seul organe habilité à censurer la Constitution voie son pouvoir s’exercer par des personnes dont les textes n’exigent aucune qualification ou expérience juridique. Les quatre équipes qui se sont succédées au Conseil reflètent de façon incontestable cette orientation. La juridiction a en effet accueilli deux Premiers Présidents de la Cour suprême, deux Présidents du Conseil d’État, six Présidents de section de la Cour suprême, deux Premiers Présidents de la Cour d’appel, deux avocats, deux Doyens des Facultés de droit, deux inspecteurs généraux d’État.

C’est certainement l’histoire qui peut expliquer la présence de magistrats en surnombre : les compétences dévolues aujourd’hui au Conseil constitutionnel ont été exercées jusqu’en 1992 par la Cour suprême.

La responsabilité confiée ainsi principalement à des professionnels pourrait contribuer à une orientation dynamique du contentieux constitutionnel dans lequel le droit occupe de plus en plus une place prépondérante.

Le rôle que les juristes vont devoir jouer à ce titre peut alors s’avérer décisif.

Il faut certes éviter que le Conseil constitutionnel ne se laisse enfermer dans le voile d’un juridisme étouffant et en déphasage avec les exigences d’une justice constitutionnelle équitable.

C’est d’ailleurs ce souci d’ouverture qui explique que, lors d’un séminaire récent, la Haute Juridiction ait retenu, parmi les recommandations, de diversifier les autorités de nomination et les origines professionnelles des membres tout en maintenant la tendance actuelle.

L’objectif est de mettre à la disposition du Conseil constitutionnel des hommes et des femmes d’expertise et d’expérience pouvant exercer leur compétence en toute indépendance.

Il est alors fortement utile de leur assurer un certain confort dans l’exercice de leur mission.

B. Le confort du juge

L’idée est de mettre le juge constitutionnel à l’abri du besoin, des tentations et de toutes influences et sujétions. Cette garantie est assurée matériellement et surtout au niveau organique et fonctionnel.

1) Le confort matériel

Il a pour support essentiel la rémunération. Celle-ci est fixée par rapport « à la catégorie supérieure des emplois de l’État classés hors échelle ».

Mais, en réalité, ce traitement de base ne constitue pas pour la plupart des membres du Conseil une rémunération promotionnelle. En effet, eu égard aux exigences d’expérience et de qualification auxquelles sont soumis les conseillers, ce plafond était souvent, soit déjà atteint, soit dépassé, du fait de l’ancienneté dans les différents corps d’origine.

L’importance du traitement est surtout le résultat de multiples indemnités qui s’y ajoutent et qui peuvent susciter l’envie.

Par ailleurs, les membres du Conseil bénéficient de tous les avantages matériels accordés aux agents de la catégorie supérieure des emplois de l’État (maison, mobilier, voiture de fonction).

Enfin, il est reconnu au Conseil constitutionnel une autonomie budgétaire avec un compte spécial administré par le Président. La gestion des crédits du Conseil est, elle aussi, retracée dans une comptabilité spéciale ; les dépenses effectuées échappent, par dérogation, aux règles relatives à la comptabilité de l’État : elles sont dispensées de visa ou de tout contrôle préalable (loi organique 92-23 du 30 mai 1992 relative au Conseil constitutionnel).

Mais c’est surtout l’aspect organique qui consolide le confort dans lequel sont installés les juges constitutionnels.

2) Le confort organique

C’est cet élément qui rassure davantage sur l’indépendance du juge constitutionnel. Il peut être décliné en trois termes qui concourent tous au même objectif.

Garantir l’indépendance du magistrat, c’est d’abord fixer des incompatibilités. C’est faire en sorte que le juge soit dégagé de liens professionnels ou institutionnels qui pourraient créer une quelconque dépendance.

Le domaine des incompatibilités est largement couvert par l’article 6 de la loi organique du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel :

« Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec la qualité de membre du Gouvernement, ou d’un cabinet ministériel, avec l’exercice d’un mandat électif, avec l’exercice de la profession d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de justice et toute activité professionnelle privée. L’exercice de toute autre activité doit être autorisé par le Conseil ».

Il faut aussi permettre au juge d’assurer sa fonction dans la sérénité, sans avoir à craindre une poursuite, notamment pénale. C’est l’objet de l’immunité (article 97 de la Constitution).

L’indépendance du juge se manifeste enfin par l’affirmation et le respect de la règle de l’inamovibilité. Celle-ci investit le juge, selon la formule du Doyen Hauriou, d’une forme « de propriété du siège qu’il occupe ».

Le juge constitutionnel bénéficie d’un mandat de 6 ans non renouvelable ; et il est assuré d’une stabilité certaine dans l’exercice de sa mission car « il ne peut être mis fin, avant l’expiration de leur mandat, aux fonctions de membres du Conseil constitutionnel que sur leur demande ou pour incapacité physique, et sur l’avis conforme du Conseil… » (article 5 alinéa 1 de la loi organique du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel).

Manifestement, il y a là autant de principes qui sont à même de garantir au juge constitutionnel l’indépendance qui sied à ses fonctions. Mais l’efficacité d’une garantie se mesure lors de sa mise en œuvre. Or, dans cette perspective, il n’est pas improbable de constater parfois des remises en cause réelles ou latentes.

Il est déjà arrivé à deux reprises que le juge constitutionnel lui-même décide de mettre fin à son mandat avant terme. À deux reprises, il s’est affranchi des garanties que lui accorde la loi, mais dans l’irrespect total des formes requises.

En 1993, en pleine période électorale, le Président du Conseil a démissionné par une simple lettre adressée au Président de la République.

Neuf ans plus tard, le Président du Conseil constitutionnel est nommé Ministre dans le Gouvernement. Le Conseil (le Président démissionnaire et deux autres membres) se réunit pour donner un avis conforme relativement au départ de l’intéressé.

Formellement, le quorum exigé pour les délibérations du Conseil (au moins trois membres) est respecté, mais la double qualité de juge et de partie assumée par le Président affecte substantiellement la décision (Décision n° 89, affaire 4-2002, Youssoupha Ndiaye).

Par contre, sur un autre registre, le Conseil constitutionnel a dû, à juste titre, demander à un membre qui voulait rester, malgré la fin de son mandat, de partir.

Le litige a eu pour siège l’alinéa 4 de l’article 5 de la loi organique du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel qui dispose : « le membre du Conseil nommé pour remplacer un membre du Conseil dont le poste est devenu vacant, achève le mandat de celui-ci. À l’expiration de ce mandat, il peut être nommé pour accomplir un mandat de six ans ».

À la suite de la démission du Vice-président, un membre du Conseil a été nommé pour le remplacer et un nouveau membre nommé pour régulariser la composition du Conseil. L’ancien membre devenu Vice-président a cru pouvoir bénéficier des dispositions du texte précité. Ce qui aurait eu pour conséquence de le maintenir au Conseil pendant… dix-sept ans.

Il est symptomatique, à cet égard, de relever qu’un ténor du barreau peut préférer le confort du Conseil aux fastes et aux honneurs de son office. Mais cette préférence reposait sur une méprise que le Conseil a judicieusement relevée, en précisant que le membre devenu Vice-président avait tout juste bénéficié d’une « promotion interne » qui échappe aux dispositions de l’article 5 alinéa 4 de la loi organique.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que l’autorité de nomination ne peut mettre fin au mandat d’un membre du Conseil constitutionnel, et c’est précisément cette exclusion du pouvoir de révocation qui devrait donner à l’indépendance du juge toute sa plénitude.

Et comme il est admis que c’est à l’aune de la pratique que s’apprécie l’efficacité d’un texte, il reste à soulever une hypothèse que le Conseil n’a pas connue mais qui ne peut pas ne pas être envisagée. À titre illustratif mais significatif, il y a lieu de signaler qu’une structure bénéficiant d’une protection similaire (la Commission électorale nationale autonome (CENA) a dû accepter la démission de son Président, suite à la demande insistante de l’autorité de nomination. Le procédé s’est révélé imparable devant l’impuissance de la loi.

C’est là un moyen détourné de mettre en relief la relativité de l’intangibilité du statut du juge constitutionnel.

Sous cette réserve, il est possible de convenir que le choix du juge constitutionnel obéit à des critères sélectifs qui sont à la dimension du confort recherché. Bien souvent, les membres du Conseil finissent leur carrière en cours de mandat. Ils sont réputés n’avoir plus à se soucier des contingences de la vie quotidienne tout en conservant leur liberté dans l’exercice de leur mission.
Cette dynamique optionnelle n’a pas pu cependant écarter les vives contestations dont fait l’objet le juge constitutionnel.

II. Un juge contesté

La contestation du juge constitutionnel n’est pas une situation nouvelle au Sénégal. Elle a toujours existé avant même l’avènement d’une véritable juridiction constitutionnelle (S. M. SY, L’évolution constitutionnelle au Sénégal). Il semble d’ailleurs qu’aucun pays n’est parvenu à y échapper, tant au Nord qu’au Sud.

Mais la particularité chez nous, pays en transition et/ou à démocratie encore fragile, c’est que cette logique de mise en cause permanente n’est plus seulement d’essence politique ; elle est aujourd’hui aussi d’ordre technique. Et c’est en cela qu’elle affecte davantage le fonctionnement de la justice constitutionnelle.

Le glissement qui s’est ainsi opéré trouve son support dans une dépendance que l’on insinue (A) et dans une impartialité que l’on peut suspecter (B).

A. Une dépendance insinuée

Elle est le résultat d’une jurisprudence pas toujours inspirée (1) et qui a le désavantage de laisser un contentieux sans juge, source potentielle d’une injustice constitutionnelle (2).

1) La jurisprudence de l’incompétence et de l’irrecevabilité

Il faut commencer par situer le tableau avant de revenir sur les deux versants de cette réalité jurisprudentielle.

Lorsque le juge constitutionnel est appelé à se prononcer sur des questions politiquement sensibles ou délicates (amnistie des crimes et délits politiques, modification du mandat du Président de la République, éviction du Président de l’Assemblée nationale, prorogation du mandat des députés…), il s’est souvent retrouvé en parfaite concordance avec l’autorité politique.

Or l’argumentaire qui est le support de cette convergence est doublement contestable : soit « le point de départ est vicié et la déduction est imparfaite, soit le raisonnement est apparemment correct et conforme à la logique, mais aboutit à une conclusion inexacte. C’est le paralogisme couplé au sophisme » (Babacar Kanté, « Les méthodes et techniques d’interprétation de la Constitution : l’exemple des pays d’Afrique occidentale francophone », in L’interprétation constitutionnelle, Dalloz, 2005, p. 163). Dans le même temps, le Conseil constitutionnel sénégalais s’est fait surtout remarquer par une lecture excessivement minimaliste de sa compétence d’attribution :

  • « Considérant que la loi attaquée modifie les articles 21 et 28 de la Constitution ; qu’elle est donc une loi constitutionnelle dont le contrôle échappe à la compétence du Conseil constitutionnel ».
  • « La législation sénégalaise ne contient aucune disposition constitutionnelle ou légale conférant au Conseil constitutionnel compétence pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions prises en matière de référendum par le Président de la République ».
  • « Considérant que le Conseil constitutionnel est juge d’attribution et ne peut se prononcer que sur des cas limitativement prévus par les textes qui fixent sa compétence ; qu’aucun des textes ne lui confère une compétence consultative ; que dès lors, le recours dont il est saisi échappe à sa compétence ».

Et l’on retrouve le même écho quand il s’agit d’apprécier le délai des recours en inconstitutionnalité (cf. décision n° 53/98, affaire n° 18/C/98 du 9 octobre 1998, in Les Décisions et avis du Conseil constitutionnel, sous la direction de I.M. Fall, CREDILA, 2008, p. 295 ; décision n° 45/98, affaire n° 10/C/98 du 9 octobre 1998, in Les Décisions et avis, op. cit., p. 266).

Or, « en déclarant tardif un recours introduit le 4 septembre 1998 contre une loi adoptée le 28 août 1998, le Conseil procède à une appréciation par trop sévère des délais avec une tolérance zéro parce que la computation des délais en l’espèce montre que la tardiveté alléguée n’est que de quelques heures. Il s’agit d’une sévérité qui fait parfois rater au Conseil constitutionnel des occasions de dire le droit… » (I. M. Fall, op. cit.).

Il est possible juridiquement de comprendre et d’expliquer le refus du juge de contrôler une loi constitutionnelle ou référendaire, même si un autre choix peut être retenu.

Il est tout aussi pertinent de déclarer irrecevable un recours introduit hors délai, tant il est vrai que « la computation des délais est une formalité procédurale substantielle exigée par la loi en matière de contentieux » (O. Diop, La contestation de la justice constitutionnelle, à paraître).

Il est donc inconvenant a priori de reprocher au Conseil constitutionnel son inclinaison circonstancielle.

Mais dès lors que le refus de juger au fond apparaît presque toujours favorable à l’autorité politique, l’idée d’un assujettissement du juge commence à s’incruster, même dans la conscience des gens avisés qui ne sont pas à court d’arguments.

On peut certes admettre que la conception minimaliste en matière de compétence n’est pas éloignée de l’orthodoxie juridique. Mais comme il a été judicieusement souligné (F. Mbodj Les compétences du Conseil constitutionnel, communication, séminaire septembre 2011, O. Diop, article précité), l’existence de compétences d’attribution ne peut constituer un obstacle à l’existence d’un pouvoir jurisprudentiel lié à la fonction même de juger.

D’ailleurs, le juge constitutionnel n’a pas manqué d’en faire usage dans un passé relativement récent :

« … Ni le silence de la loi, ni l’insuffisance de ses dispositions n’autorisent le Conseil compétent en l’espèce à s’abstenir de régler le différend porté devant lui » (C.c. 5/C/93).

Sur un autre registre, il est tout aussi difficile de comprendre que le juge constitutionnel cherche souvent des « astuces de motivation » ou « profite d’une lacune de la Constitution » (B. Kanté, op. cit.) pour se déclarer incompétent sur le contentieux du référendum, tout en se reconnaissant compétent pour les résultats.

En outre, il a été constaté que « le système de computation du délai adopté, particulièrement sévère, relève soit d’une erreur peu probable, soit de la volonté de ne pas examiner les aspects politiques d’une élection » (B. Kanté, article précité).

C’est la conjonction de toutes ces constatations qui fait craindre un risque, celui du contentieux sans juge, vecteur d’injustice constitutionnelle.

2) Un contentieux sans juge

L’ampleur des décisions d’incompétence et d’irrecevabilité a pour effet majeur de mettre en relief l’existence d’un contentieux sans juge.

Et cette permissivité récurrente donne à l’autorité politique le sentiment qu’il est lui est loisible de tout faire, tant il est vrai que, dans nos pays, les majorités parlementaires restent encore animées d’inclinaisons dominatrices et abusives. C’est certainement cette orientation qui peut expliquer le rythme ahurissant de certaines révisions constitutionnelles (I. M. Fall, op. cit.).

La stabilité de la Constitution, dans ces conditions, constitue l’exception, et dans le même temps s’opère une certaine banalisation.

C’est cette combinaison de situations singulières qui alimente le sentiment d’injustice constitutionnelle (A.-M. Le Pourhiet, in Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, pp. 223-231). Celui-ci peut alors progressivement s’installer et se propager au sein de ceux qui se sentent exclus.

Le déni de justice apparaît alors à grands traits (F. Mélin-Soucramanien, « Du déni de justice constitutionnelle en droit public français », in Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, pp. 277-290).

La crédibilité et la légitimité du juge constitutionnel sont mises en perspective.

Le Conseil constitutionnel tend de plus en plus à ne plus être perçu comme un contre-pouvoir ou un rempart face aux excès de tous bords.

L’inertie constante du juge constitutionnel dans les moments de forts enjeux peut faire croire que l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ne joue pas encore pleinement son rôle.

Il ne faudrait pas alors aussi que l’on soit amené à suspecter son impartialité.

B. Une impartialité suspectée

La notion d’impartialité est aujourd’hui reconnue comme « la pierre angulaire du droit au procès équitable ». Elle est ainsi consacrée par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et par la Constitution, avant d’être rappelée dans la loi organique portant statut de la magistrature. Le dédoublement de la notion a conduit à distinguer entre l’impartialité subjective et l’impartialité objective.

L’impartialité subjective correspond au for intérieur même du juge, à ses convictions personnelles. Ses préjugés, ses partis pris ne lui permettent pas de statuer de façon neutre quant à une affaire.

L’impartialité objective ou fonctionnelle renvoie à des faits vérifiables qui, dans l’organisation des juridictions, peuvent remettre en cause la neutralité du juge.

Le devoir d’impartialité, comme l’indépendance du juge, est souvent une « affaire de conscience et de circonstance ». Mais qu’elle soit subjective ou objective, l’impartialité du juge devrait être mise à l’abri des suspicions.

Ici, elle reste encore en suspens (2) même si, par emprunt, on peut trouver des illustrations (1).

1) Les précédents par emprunt

L’emprunt se traduit par le fait que la mise en cause de l’impartialité ne concerne pas le juge constitutionnel, mais une structure autonome de régulation des élections : l’Observatoire National des Élections (ONEL) devenu aujourd’hui la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA). Chacune de ces structures a connu un contentieux relatif à l’impartialité.

Dans la première affaire, un général de Brigade à la retraite est nommé Président de l’ONEL par décret du 29 mai 1999. Or ce dernier appartenait à un mouvement de soutien dénommé « Horizon 2000 avec Abdou Diouf ».

Le requérant prétend que l’autorité de nomination a méconnu les dispositions de l’article L. 5 du code électoral qui dispose que les membres d’un groupe de soutien à un parti, à une liste de candidats ou à un candidat, ne peuvent être nommés membres de l’ONEL.

Et pourtant, ce n’est que lorsque la pression est devenue insupportable que le Président de l’ONEL finit par démissionner. Le Conseil d’État qui avait été déjà saisi pouvait donc décider qu’il « n’y a pas lieu à statuer ».

Cette décision apparemment conforme ne satisfait pas cependant l’esprit, si on la met en parallèle avec une autre décision du même Conseil d’État déclarant l’irrecevabilité de la requête, faute d’intérêt personnel et direct du requérant (conf. supra A).

Or dans l’affaire relative à l’ONEL, le requérant avait la même qualité : candidat aux élections présidentielles et législatives. Cela a suffi pour que le Conseil d’État, avec le même rapporteur, déclare le recours recevable.

On peut, dès lors, se demander si le Conseil d’État n’a pas « fermé les yeux » sur la recevabilité parce qu’il savait déjà, du fait de la démission intervenue, qu’il n’y aurait pas lieu à statuer.

Dans la deuxième affaire, c’est le Conseil constitutionnel qui est saisi d’un recours aux fins de récusation de trois membres de la CENA dont le Président et le Vice-président.

Les motifs de récusation étaient variés mais l’impartialité du Président était mise en doute du fait de la qualité de son conjoint, responsable politique du parti au pouvoir. Un risque d’influence pouvait-il être pris en compte ?

On ne saura pas la réponse pour le moment parce qu’« aucun texte ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer sur la conformité d’un décret à une loi ou à un autre décret ; que dès lors, le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la demande en récusation des membres de la CENA nommés par décret » (C.c. décision n° 94/2005, affaire n° 1/E/2005 – 2/E/2005).

Mais le Conseil constitutionnel lui-même peut-il échapper à la récusation ?

2) L’impartialité en suspens

La partialité du juge constitutionnel n’est plus seulement susurrée, mais elle est, de plus en plus, déclamée, hors prétoire. La question ne s’est pas encore posée de façon ouverte. Le temps d’une réclamation frontale n’est certainement pas éloigné. Si la question a pu être soulevée au niveau de l’ONEL et de la CENA, il est évident qu’elle ne sera pas occultée indéfiniment. Le Conseil constitutionnel sera inéluctablement conduit à rendre des comptes du point de vue de l’impartialité qui doit être la sienne en tant que juge.

La garantie de l’impartialité du juge constitutionnel reste toujours en suspens. Il est temps de prévoir une réponse juridique à la mesure de l’importance des enjeux. Il est certainement utile, voire impérieux, de prévoir des incapacités de juger et une procédure de récusation.

Le droit commun aménagé peut servir de source d’inspiration.

L’avenir de la justice constitutionnelle est fonction de son aptitude à consolider l’État de droit. Les exigences d’une démocratie moderne sont à ce prix. On s’est demandé récemment encore quand et comment la justice constitutionnelle africaine fera sa mue. Celle-ci a, en réalité, commencé à s’opérer ; il appartient surtout au juge constitutionnel de savoir et de pouvoir l’encadrer judicieusement. La légitimité et l’autorité des décisions dépendent des garanties d’indépendance et d’impartialité qu’il offre.

Droits du juge constitutionnel et garanties de son indépendance

Synthèse des réponses au questionnaire

M. Jean du Bois de Gaudusson

Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux-IV Président honoraire de l’AUF

I. Droits et avantages
A. Statut financier et matériel

À défaut de pouvoir faire une carrière – à l’exception des magistrats de profession qui peuvent continuer à avancer dans leur corps – les membres des Cours constitutionnelles bénéficient d’un certain nombre d’avantages dont la finalité est de leur assurer confort et sécurité.

Ils reçoivent une indemnité fixée par les textes le plus souvent par référence aux rémunérations perçues soit par les ministres (Algérie, Côte d’Ivoire, Bénin, Congo, Tchad) soit par les parlementaires (Maroc) soit par les catégories les plus élevées de la magistrature ou de la haute fonction publique d’État (France, Belgique avec majoration à l’ancienneté, Canada, Roumanie avec majoration, Burkina Faso pour les magistrats nommés au Conseil constitutionnel).

Dans d’autres cas, il est prévu que le traitement est fixé par la loi (parfois par décret : Mali) sans qu’aucun critère ne soit précisé (Mozambique ; Niger où, en application de la Constitution, l’indemnité est fixée « en tenant compte de la situation financière de l’État et du niveau général des revenus des nigériens »).

Au Liban, la rémunération est fixée en vertu d’un crédit global forfaitaire dans le budget du Conseil établi par celui-ci et avalisé par la loi.

Les juges bénéficient de certains avantages particuliers d’importance variable selon les pays. Ainsi, pour la France, le traitement perçu est exclusif de tout autre versement, gratification ou indemnité ; les conseillers bénéficient d’un secrétariat partagé, d’un véhicule avec chauffeur pour deux pour les déplacements professionnels franciliens, mais ne disposent pas de frais de représentation propres. Au Tchad, selon l’article 66 du règlement intérieur, les juges constitutionnels disposent d’indemnités de fonctions, d’eau, d’électricité, de logement de frais d’hôtel, de téléphone, de domesticité d’équi pement, de moyens roulants. Au Maroc, il n’est prévu qu’une voiture de fonction.

B. Droits du citoyen

Les membres des Cours constitutionnelles bénéficient en principe de leurs droits de citoyen ; comme l’indique la Suisse, le juge reste avant tout un citoyen. Toutefois cette liberté s’exerce dans le cadre de limites dictées par les règles relatives aux incompatibilités et l’obligation de réserve. Au Canada, ils doivent s’abstenir de participer à toute activité politique et d’adhérer à un parti politique.

C. Droit de se grouper en association et syndicat

Les réponses au questionnaire font apparaître une diversité des situations.

Dans plusieurs pays, ce droit est refusé aux membres des Cours (Algérie, Congo, Niger, RCA) ; ailleurs, il est reconnu ou accepté car « rien ne l’interdit » : Bénin, Burkina Faso, Tchad, Mali. Dans d’autres cas seul le droit d’association est reconnu (Roumanie). Au Liban, rien n’est prévu par la loi mais les juges doivent être au-dessus des mouvements revendicatifs.

Dans l’ensemble, la réponse est commandée par la portée donnée à l’obligation de réserve qui dans tous les cas s’impose à tous les conseillers.

D. Droit à une protection disciplinaire et judiciaire

Comme tout juge, le juge constitutionnel bénéficie de l’immunité, mais celle-ci n’est pas prévue partout (Algérie). Elle joue pour tous les actes commis dans l’exercice des fonctions comme le précisent notamment les textes du Canada, Togo, Côte d’Ivoire, Mali, Djibouti (où il est indiqué que la Constitution accorde aux membres du Conseil constitutionnel la même immunité que celle accordée aux membres de l’Assemblée nationale).

Cette immunité est à l’origine de procédures spéciales de poursuites en cas de mise en cause de leur responsabilité disciplinaire ou pénale qui assurent aux intéressés une protection renforcée.

1. Les juges constitutionnels peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires en cas de manquement à leurs obligations telles qu’indiquées par les textes ou dans leur serment (cf. supra).

Elles sont infligées selon une procédure spécifique (mais il en va différemment en Guinée) prévue par les textes (ce qui n’est pas toujours le cas : Sénégal). La procédure est généralement très protectrice en ce qu’elle fait intervenir les pairs, c’est-à-dire l’Assemblée de la Cour et/ou parfois son président (Roumanie, Bénin, Belgique, France, Liban, Madagascar, Mozambique, RCA, Madagascar, Côte d’Ivoire). Ces sanctions vont de la démission d’office au rappel à l’ordre et à l’avertissement.

Le déclenchement de la procédure varie : il peut être le fait de la Cour elle-même (ou de son président) mais aussi de l’autorité de nomination.

La sanction est le plus souvent la démission d’office constatée par la Cour ; mais elle peut être infligée par d’autres autorités telles le Conseil supérieur de la Magistrature (Guinée) ou la Haute cour de justice (Congo), ou l’autorité de nomination elle-même (Suisse avec l’Assemblée fédérale ; le Burkina Faso qui fait jouer le parallélisme des formes avec cependant avis conforme du Conseil).

2. En cas d’infractions pénales, les conseillers bénéficient d’une protection spéciale renforcée organisée par les textes ; cela n’est cependant pas toujours le cas (Égypte, Madagascar, Maroc). Cette procédure n’est pas applicable lorsqu’a été commis un flagrant délit.

On observe dans la plupart des pays la consécration de la garantie essentielle selon laquelle les juges constitutionnels ne peuvent être poursuivis sans que la Cour ait donné son autorisation préalable ; celle-ci peut être donnée conjointement avec une autre institution (la Cour suprême pour le Bénin) ; dans certains cas, cette autorisation est donnée par le président de l’institution. En Roumanie, les juges constitutionnels ne peuvent être arrêtés ou traduits en justice qu’avec l’autorisation du bureau permanent de la Chambre des députés, du Sénat ou du Président de la Roumanie, selon le cas, sur demande du parquet auprès de la Haute cour de cassation et de justice.

II. Les garanties de l’indépendance du juge

A. Reconnue par tous comme un principe cardinal, l’indépendance du juge constitutionnel est affirmée et consacrée par les textes. Le plus souvent, elle est expressément mentionnée dans la Constitution : Congo, Bénin, Guinée, Côte d’Ivoire, Mozambique, Niger, Roumanie, RCA, Suisse, Tchad, Canada…

À défaut d’être formellement exprimée, elle est considérée comme découlant des dispositions de la Constitution relatives aux Cours et de son esprit : Burkina Faso, Togo, Mali, où la Constitution dispose que « les magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi », Maroc pour lequel il est rappelé que « la Constitution fait du Conseil constitutionnel un organe qui n’est soumis à aucune autorité » et que « ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et ne sont susceptibles d’aucun recours ».

Dans d’autres cas, ce principe est explicitement reconnu par un décret (France) ou par la jurisprudence (Belgique à propos de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme). En tout cas, la plupart des réponses estiment que la reconnaissance de l’indépendance des juges constitutionnels découle du serment et des protections dont ils disposent, comme le souligne le Liban.

B. L’inamovibilité est consacrée pour l’ensemble des Cours, sous réserve des cas de démission d’office ou d’empêchement pour les motifs sus-évoqués.

C. L’impartialité dont doivent faire preuve les juges constitutionnels est garantie de plusieurs manières : régime des incompatibilités comme le souligne le Mali, serment (Niger), respect de plusieurs obligations, notamment de s’abstenir de siéger dans les délibérations pour statuer sur les questions pour lesquelles ils estiment avoir des motifs de partialité (France), de n’être soumis qu’à la Constitution et à la loi (Mozambique, Roumanie), de juger « selon son intime conviction » (Tchad), de juger conformément « aux principes généraux qui gouvernent tout procès équitable ». Lorsqu’un juge estime ne pouvoir respecter l’obligation d’impartialité, il est admis qu’il doit se déporter et s’abstenir de siéger (cf. dans ce sens le règlement intérieur du Conseil constitutionnel français sur la procédure suivie pour les questions prioritaires de constitutionnalité).

La garantie que constitue la procédure de récusation n’est guère reconnue sauf au Canada, en Belgique, en France, en Suisse où elle est organisée. Comme le suggère la réponse du Maroc on peut penser que par application des principes généraux du procès équitable la récusation pourrait être utilisée.

D. À la question de savoir si le nom du juge rapporteur est public, une minorité de Cours ont répondu positivement : Belgique, Côte d’Ivoire, Roumanie, Suisse, Bénin (sauf en matière électorale). Les débats montreront que pour la plupart la publication du nom du rapporteur ne peut être considérée comme une réelle garantie de l’indépendance du juge.

E. La question relative à la publication des opinions séparées a été l’objet de vives discussions et d’appréciations très opposées. La publication n’est possible que dans quelques Cours : Belgique, Canada, Liban (qui indique dans sa réponse que « la dissidence est considérée comme partie intégrante de la décision), Mozambique, Roumanie, Suisse (expression orale) qui autorise la publication des opinions dissidentes et concurrentes. Pour les autres Cours qui constituent la tendance dominante, la publication des opinions séparées n’existe pas et elle apparaît chez certains comme non pertinentes, « le juge statuant par principe au moyen d’un consensus » (Madagascar).

Les droits du juge constitutionnel et garanties de son indépendance

Maître Karimou Hamani,

Conseiller au Conseil constitutionnel du Niger

Le juge constitutionnel, gardien de la Constitution, texte suprême des États modernes démocratiques, occupe une place importante aussi bien sur le plan juridictionnel que sur le plan institutionnel.

En tant que juge, il doit être impartial et indépendant.

En tant que juge constitutionnel, il doit assurer l’harmonie entre les institutions de l’État.

Afin qu’il assume pleinement son rôle et ses tâches, et dans les limites de ses obligations, il doit lui être reconnu des droits de nature à garantir son indépendance, même si cette indépendance et ces droits ne sont pas sans limites.

I. Les droits reconnus au juge constitutionnel doivent être de nature à garantir son indépendance

Qu’entend-on par « droits du juge constitutionnel » et par « indépendance du juge constitutionnel » ? Sans trop polémiquer sur ces notions, nous estimons que par « droits », il faudrait entendre, à la suite de Guillien et Vincent [1], la catégorie des droits subjectifs, ceux permettant à leur titulaire de jouir d’une chose ou d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation.

Vu sous cet angle, le juge constitutionnel a des droits reconnus qu’il peut faire valoir vis-à-vis de l’État comme vis-à-vis des justiciables.

Quant à l’indépendance, au pied de la lettre, cela signifie a contrario l’absence de dépendance.

Vu sous cet angle, cela veut dire que le juge constitutionnel ne doit dépendre ni de l’État, ni des justiciables quand il rend sa décision.

Les droits du juge constitutionnel, divers et parfois complexes, sont étroitement liés à son statut. C’est pourquoi, dans les pays membres de l’ACCPUF, ils sont souvent affirmés par la Constitution ou la loi organique sur la juridiction constitutionnelle.

Ces droits peuvent être d’ordre « matériel et financier » ; ils peuvent aussi être d’ordre « judiciaire ».

A. Les droits d’ordre matériel et financier

Au Niger, les salaires du juge constitutionnel [2], sans être faramineux, ne sont pas les moindres en comparaison avec ceux accordés aux autres fonctionnaires de l’État.

Au Mali, l’article 6 de la loi n° 97-010 du 11 février 1997 portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle, édicte que « les membres de la Cour constitutionnelle ayant la qualité de fonctionnaires publics ou de magistrats bénéficient d’un avancement d’échelon et de grade automatiquement. »

Il en est de même dans plusieurs autres pays [3].

Au Niger, le juge constitutionnel a rang de ministre ; il a droit au passeport diplomatique et sa rémunération ne saurait être inférieure à celle des ministres.
Ces droits, pourrait-on soutenir, sont de nature à mettre le juge constitutionnel à l’abri des besoins de la vie quotidienne, garantissant ainsi son indépendance. Malgré la reconnaissance formelle de tels droits par les textes, dans la pratique cependant, les juges constitutionnels éprouvent parfois des difficultés.

Au Niger par exemple, l’Exécutif ne s’est jamais empressé de mettre le juge constitutionnel dans ses droits, notamment en matière de roulage : c’est ainsi que les membres de la Cour dissoute en 2009 n’avaient pas de véhicules de fonction alors qu’il y en avait dans le parc automobile de l’État ; de même, le ministre des Affaires étrangères de l’époque s’opposait à la délivrance des passeports diplomatiques aux juges constitutionnels.

En dehors des avantages d’ordre matériel et financier, le juge constitutionnel bénéficie d’autres droits concourant à garantir son indépendance.

B. Les droits d’ordre administratif et judiciaire

Il s’agit de l’inamovibilité, des privilèges et immunités et de la préservation de la dignité et de l’intégrité du juge constitutionnel ainsi que de l’autorité de ses décisions.

Le principe de l’inamovibilité [4] est un élément très important de la garantie de l’indépendance du juge constitutionnel.

Au Niger, l’article 122 de la Constitution consacre l’inamovibilité du juge constitutionnel en ces termes : « Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat… »

Au Sénégal, l’article 80 bis alinéa 6 de la Constitution du 7 mars 1963, modifiée, édicte que « il ne peut être mis fin aux fonctions des membres du Conseil constitutionnel avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique, et dans les conditions prévues par la loi organique ».

Dans le même sens, l’article 135 de la Constitution du Niger dispose que « la Cour constitutionnelle ne peut être dissoute et aucune disposition de la présente Constitution relative à la Cour ne peut être suspendue ».

Par ces dispositions, le constituant a tiré leçon de l’histoire récente : en juin 2009, les membres de la Cour constitutionnelle du Niger ont vu leurs mandats écourtés du fait de la suspension de certains articles de la Constitution concernant la Cour et de l’abrogation de leurs décrets de nomination par le Président de la République de l’époque alors en fin de mandat mais voulant rempiler coûte que coûte. Ces mesures de représailles de l’Exécutif sont consécutives à la manifestation de l’indépendance des juges constitutionnels qui avaient rendu des arrêts empêchant le maintien du Président de la République au pouvoir alors que son deuxième et dernier mandat constitutionnel arrivait à terme[5][6].

En parlant de mandat, d’aucuns pensent que leur durée a une incidence sur l’indépendance du juge [7]. Faudrait-il un mandat à vie ? un mandat jusqu’à l’âge de la retraite ou au-delà ? Un mandat très long et non renouvelable ?

Pour le Professeur Dominique Rousseau [8], « le caractère non renouvelable du mandat est un gage d’indépendance dans la mesure où les autorités nommantes sont ainsi privées d’un moyen d’échanger une “bonne décision” contre ré-nomination, et où les juges eux-mêmes n’ont aucun intérêt à chercher les faveurs de ces autorités ».
Le débat reste ouvert d’autant que tous les cas de figure se retrouvent dans les pays membres de l’ACCPUF.

Les privilèges [9] et immunités [10] sont d’autres droits garantissant l’indépendance du juge constitutionnel.

Dans la plupart des pays membres de l’ACCPUF, ces droits sont consacrés par la Constitution ou la loi organique sur la juridiction constitutionnelle.

Au Niger, l’article 122 de la Constitution dispose que « les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle, sauf cas de flagrant délit. Dans ce cas, le Président de la Cour constitutionnelle est saisi au plus tard dans les quarante-huit (48) heures ».

Au Bénin, l’article 115 alinéa 4 de la Constitution renferme des dispositions semblables tout comme au Sénégal où l’article 83 alinéa 1er de la Constitution édicte : « Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale qu’avec l’autorisation du Conseil et dans les mêmes conditions que les magistrats du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. »

En soustrayant le juge constitutionnel de la procédure pénale ordinaire, le constituant a entendu garantir la dignité et l’indépendance dudit juge.

En plus des privilèges et immunités, le juge constitutionnel voit sa personne protégée par les textes contre les atteintes à sa dignité ou à son intégrité physique.

C’est ainsi qu’au Niger, le code pénal sanctionne lourdement les outrages et violences contre les magistrats dans lesquels se reconnaît volontiers le juge constitutionnel [11].

Ces mesures protectrices constituent un gage pour l’indépendance du juge constitutionnel.

En effet, pour être réellement indépendant, le juge constitutionnel doit être à l’abri des pressions. Il ne doit être soumis qu’à l’autorité de la loi comme l’affirment les textes, notamment l’article 118 de la Constitution du Niger qui dispose : « dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats sont indépendants et ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi ».

On retrouve des dispositions identiques au 3e alinéa de l’article 80 ter de la Constitution du Sénégal : « les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi ».

Au-delà de la personne du juge constitutionnel, une autorité intangible doit être accordée à ses décisions [12] Généralement ses décisions sont sans recours.

L’article 134 de la Constitution du Niger édicte que « les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils lient les pouvoirs publics et toutes les autorités administratives, civiles, militaires et juridictionnelles.

Tout jet de discrédit sur les arrêts de la Cour est sanctionné conformément aux lois en vigueur. » En pratique pourtant, l’intangibilité des décisions du juge constitutionnel n’est pas toujours garantie. C’est ainsi qu’au Niger par exemple, pendant la crise politique de 2009, les autorités exécutives de l’époque avaient méconnu les arrêts de la Cour, protecteurs de la Constitution, et mis fin avant terme aux mandats des juges constitutionnels.

Dans la même foulée et en toute impunité, les hommes de main du Président de la République de l’époque, jetaient constamment le discrédit sur les décisions de la Cour constitutionnelle.

Il faut noter cependant que depuis la « Transition », les décisions de la Cour sont respectées aussi bien par les autorités publiques que par les citoyens.

Les droits reconnus au juge constitutionnel sont de nature à garantir son indépendance ; mais cette indépendance n’est pas sans limites.

II. Les limites de l’indépendance du juge constitutionnel

Le juge constitutionnel est assermenté comme de tradition universellement admise et le serment lui impose des obligations qui limitent plus ou moins son indépendance.

L’obligation de réserve est l’une des plus importantes limitations apportées à l’indépendance du juge constitutionnel.

L’interdiction d’avoir d’autres activités professionnelles est également limitative de l’indépendance du juge constitutionnel.

D’autres incompatibilités et empêchements imposés au juge constitutionnel limitent également son indépendance.

A. Limites tenant au serment du juge constitutionnel

Généralement, le serment est prévu par la Constitution dans les pays membres de l’ACCPUF.

Il arrive qu’il soit confessionnel comme c’est le cas au Niger malgré la laïcité proclamée par la Constitution. Dans ce pays, c’est l’article 124 qui traite du serment en ces termes : « Avant leur entrée en fonction, les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment sur le Livre Saint de leur confession devant le Président de la République en ces termes :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et en toute indépendance, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour. Puisse Dieu nous venir en aide. »

La formule de ce serment reconnaît l’indépendance du juge qui est cependant atténuée par l’obligation de réserve.

Issue de son serment, l’obligation de réserve dont les contours sont imprécis est une importante limite à l’indépendance du juge.

Selon R. Guillien et J. Vincent il s’agirait « d’un devoir particulier de loyalisme à l’égard de l’État et des autorités politiques » [13]R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, déjà cité..

En vertu de cette obligation de réserve, le juge constitutionnel s’interdit de prendre la parole en public pour critiquer l’Exécutif.

Il doit être à l’écart des turbulences politiques.

C’est également en vertu de l’obligation de réserve que le juge constitutionnel ne consulte pas sur une question relevant de sa compétence en dehors bien entendu des avis que la juridiction constitutionnelle donne conformément à ses attributions.

Au Niger, les juges sont toujours consultés par leur entourage mais il leur revient de ne pas céder à de telles sollicitations.

C’est ainsi par exemple que le Conseil constitutionnel de transition a refusé récemment de répondre à un questionnaire soumis par un consultant de l’Union africaine.

En dehors des limitations issues de son serment, le juge constitutionnel se voit empêché ou interdit d’exercer certaines activités.

B. Les incompatibilités et interdictions

Les fonctions de juge constitutionnel sont généralement exclusives d’autres activités professionnelles ou l’exercice de mandat électif.

Dans les pays de l’ACCPUF les incompatibilités sont prévues soit par la Constitution soit par la loi organique sur la juridiction constitutionnelle ou même par des décrets d’application.

Au Niger, l’article 125 de la Constitution traite des incompatibilités en ces termes : « Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute fonction de représentation nationale et de toute activité professionnelle à l’exclusion de l’enseignement… »

Au Mali, l’article 93 alinéa 1er de la Constitution édicte que « Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec toute fonction publique, politique, administrative ou toute activité privée ou professionnelle ».

Au Sénégal, l’article 6 de la loi n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi n° 99-71 du 17 février 1999 dispose : « Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec la qualité de membre du Gouvernement, ou d’un cabinet ministériel, avec l’exercice d’un mandat électif, avec l’exercice des professions d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de justice et toute activité professionnelle privée. L’exercice de toute autre activité publique doit être autorisé par le Conseil. »

De telles incompatibilités sauvegardent certes l’impartialité du juge constitutionnel mais limitent quelque peu son indépendance.

Que dire des interdictions ?

Par les interdictions, le juge constitutionnel se voit empêché de faire certaines choses.

C’est ainsi que dans plusieurs pays membres de l’ACCPUF, il est interdit au juge constitutionnel d’occuper un poste de responsabilité dans un parti politique ou un syndicat.

Au Bénin, une disposition d’un décret qui a cru interdire purement et simplement au juge constitutionnel d’adhérer à un parti ou groupement de partis politiques a été censurée par une décision [14] de la Cour constitutionnelle au motif que la disposition incriminée méconnaît la liberté d’association garantie par l’article 11 de la Constitution.

Suite à cette décision et comme dans la plupart des pays membres de l’ACCPUF, seule l’occupation d’un poste de responsabilité au sein d’un parti politique est interdit au juge constitutionnel.

Au Niger, l’ordonnance n° 2010-038 du 12 juin 2010 portant composition, attributions, fonctionnement et procédure à suivre devant le Conseil constitutionnel de transition, en son article 23, interdit au juge constitutionnel, sous peine de sanction disciplinaire, notamment le fait d’occuper au sein d’un parti politique ou groupement politique tout poste de responsabilité ou de direction et de façon plus générale, d’y exercer une activité inconciliable avec l’indépendance et la dignité de ses fonctions. Paradoxalement, les incompatibilités et interdictions qui semblent limiter l’indépendance du juge constitutionnel, sont édictées afin de sauvegarder l’impartialité, la dignité et l’indépendance dudit juge.

Pour terminer notre propos, nous estimons qu’il est indispensable que les droits reconnus au juge constitutionnel garantissent son indépendance car sans juge indépendant et impartial, il ne saurait y avoir une justice indépendante et impartiale.

Je vous remercie.


  • [1]
    R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, 17e édition, Dalloz, 2010.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Décret n° 2011-102/PCSRD/MJ/DH du 17 février 2011 fixant les traitements, avantages et indemnités alloués aux membres du Conseil constitutionnel de transition.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Cf. article 9 alinéa 2 de la loi n° 91-009 du 31 mai 2001 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle du Bénin.  [Retour au contenu]
  • [4]
    L’inamovibilité est définie comme « une garantie de leur indépendance reconnue à certains magistrats et fonctionnaires et consistant, non dans l’impossibilité de mettre fin à leurs fonctions mais dans l’obligation pour l’Administration qui voudrait les exclure du service public, ou les déplacer, de mettre en œuvre des procédures protectrices exorbitantes du droit commun disciplinaire » ; (R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques).  [Retour au contenu]
  • [5]
    Arrêt n° 04/CC/ME du 12 juin 2009 annulant le décret n° 2009-178/PRN/MI/SP/D du 9 juin 2009 portant convocation du corps électoral pour le référendum sur la Constitution de la VIe République.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Arrêt n° 05/CC du 26 juin 2009 refusant la rétractation de l’arrêt n° 04/CC/ME du 12 juin 2009.  [Retour au contenu]
  • [7]
    D. Rousseau : La justice constitutionnelle en Europe, Paris, Montchrestien, 1992.  [Retour au contenu]
  • [8]
    D. Rousseau : La justice constitutionnelle en Europe, Paris, Montchrestien, 1992.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Un privilège de juridiction est un « droit, en faveur de certains dignitaires, magistrats ou fonctionnaires, d’être jugés, pour les infractions à la loi pénale qui leur sont reprochées, par une juridiction à laquelle la loi attribue exceptionnellement compétence », G. Cornu, Vocabulaire juridique, 6e édition, Paris, PUF, 1996.  [Retour au contenu]
  • [10]
    L’immunité est, au sens strict, une « cause d’impunité qui, tenant à la situation particulière de l’auteur de l’infraction au moment où il commet celle-ci, s’oppose définitivement à toute poursuite, alors que la situation créant ce privilège a pris fin », G. Cornu, Vocabulaire juridique, 6e édition, Paris, PUF, 1996.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Voir articles 169 et 170 du code pénal nigérien sur les outrages et les articles 173 et suivants du même code sur les violences.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Par décisions du juge constitutionnel, nous entendons bien évidemment les décisions de la juridiction constitutionnelle dans laquelle se reconnaît naturellement le juge constitutionnel qui a participé à son élaboration.  [Retour au contenu]
  • [13]
    R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, déjà cité.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Décision DCC 33-94 du 24 novembre 1994 déclarant contraire à la Constitution l’article 2, 4e tiret du décret n° 94-11 du 26 janvier 1994 portant obligations des membres de la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]

Les garanties de l’indépendance du juge constitutionnel

M. Francis Wodié

Président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire

On pourrait, de prime abord, s’interroger sur le bien-fondé de l’indépendance du juge constitutionnel, en ne tenant pas pour évidente une telle exigence.

Analysant les fondements de l’indépendance du juge constitutionnel, et aboutissant, par cette voie, à en reconnaître ou non la nécessité, on en comprendrait mieux la nature ainsi que celle des garanties devant la soutenir, pour pouvoir définir, à l’avenant, les formes et caractères qu’elle doit revêtir.

L’indépendance du juge telle que prévue s’accorde-t-elle avec son objet ? Un examen critique de l’institution offrirait les moyens d’en améliorer et renforcer les garanties.

Cette question et la réponse qu’elle suppose peuvent paraître superflues à certains, incongrues à d’autres, tant l’impératif s’offre avec la force de l’évidence.

Il est de (dans) la nature du juge d’être indépendant ; pas de juge qui ne soit indépendant, car le juge est indépendant ou il n’est pas.

C’est l’indépendance du juge qui confère à l’organe, autorité ou pouvoir judiciaire, son indépendance ; on ne peut avoir un pouvoir judiciaire indépendant sans juges indépendants ; encore que certains nient jusqu’à l’existence d’un pouvoir judiciaire, au surplus indépendant, mettant seulement en présence les deux pouvoirs élus que sont le pouvoir législatif et le pouvoir présidentiel ou exécutif ; et quand l’indépendance du pouvoir judiciaire est proclamée ou reconnue, on hésite ou on se refuse à en tirer toutes les conséquences logiques ; ainsi la Constitution de la Côte d’Ivoire du 1er août 2000, après avoir affirmé, en son article 101, que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, ne se fait pas faute de prescrire, en son article 104 : « le président de la République est le garant de l’indépendance de la magistrature… ».

Voilà un pouvoir donné comme indépendant, dont l’indépendance, contradictoirement, est garantie par un autre pouvoir, un peu comme un État indépendant dont l’indépendance est garantie par un autre État. Alors surgit la question de savoir à l’égard de qui ou par rapport à qui doit s’affirmer l’indépendance du pouvoir judiciaire et partant du juge ? À l’égard, bien sûr, des deux autres pouvoirs, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, mais aussi à l’égard du juge lui-même qui doit savoir garder et contenir son indépendance, en faisant preuve de mesure et de discernement, en s’interdisant tout acte, tout comportement, tout propos de nature à affecter sa liberté et sa dignité autant que sa crédibilité.

Mais le juge constitutionnel est-il un juge comme les autres ; est-il même un juge, pour pouvoir bénéficier de l’attribut de l’indépendance ? La Constitution de la Côte d’Ivoire consacre son titre VII au Conseil constitutionnel et le titre VIII au pouvoir judiciaire, donnant à lire que le Conseil constitutionnel et le pouvoir judiciaire n’appartiennent pas au même univers.

Le juge constitutionnel, juge, est au confluent du droit (juge du droit) et de la politique (juge de la politique ?) surtout à travers le contrôle des élections politiques. Par ses pouvoirs, le contrôle de constitutionnalité des lois, par exemple, le juge constitutionnel ne participe-t-il pas, peu ou prou, à l’exercice de la fonction législative, subrepticement (?), et ne dispose-t-il pas comme d’un pouvoir constituant secondaire ou dérivé. Cette circonstance peut conduire à renforcer l’indépendance du juge constitutionnel, tout comme elle peut, en sens inverse, aboutir à ruiner l’indépendance du juge constitutionnel ; quand le fleuve sort de son lit (juridique) pour déborder en torrents politiques tumultueux, surtout en Afrique, ainsi que l’exemple nous en a été fourni par la Côte d’Ivoire. Le juge doit savoir jouir de son indépendance et l’exercer en conséquence, en respectant les limites, pour ne pas s’exposer à la perdre.

Être indépendant et savoir le rester et le mériter, en toutes circonstances, le pari n’est pas gagné par avance. Le juge constitutionnel a besoin d’indépendance, mais autant et peut-être plus que les autres juges, il est exposé à toutes les formes de suspicions ou d’altérations, des plus insidieuses aux plus ouvertes. La nécessité de l’indépendance du juge constitutionnel nous apparaît, maintenant, avec la force de l’évidence.

Quelles sont alors les garanties permettant de préserver et de sauvegarder l’indépendance du juge constitutionnel ? On peut les analyser sur le double registre du droit positif, au sens des garanties telles que prévues par les textes en vigueur (I), et du droit prospectif, entendu des garanties telles qu’elles doivent ou devraient exister (II).

I. Les garanties telles que prévues

D’abord le mode de reconnaissance (1) et ensuite la consistance ou le contenu des garanties (2).

1. Le mode de reconnaissance des garanties

La nature juridique des actes prévoyant les garanties de l’indépendance du juge constitutionnel n’est pas indifférente à la vigueur et à l’effectivité de celles-ci ; on l’admettra aisément.

Que les garanties soient établies par la Constitution, par la loi, organique ou ordinaire, par un acte réglementaire, ne leur confère pas la même force juridique et même politique, la Constitution assurant une manière d’immutabilité aux garanties.

En Côte d’Ivoire, les garanties de l’indépendance du juge constitutionnel sont prévues successivement et cumulativement par la Constitution, notamment en ses articles 90, 91, 92, 93 ; complétant la Constitution et en précisant les dispositions, existe la loi organique du 5 juin 2001 déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel qui consacre ses articles 5, 6 et 9 au statut des membres du Conseil constitutionnel.

Prenant leur source dans la Constitution et la loi organique qui fait partie du bloc de constitutionnalité, les garanties reconnues au juge constitutionnel échappent, en droit, aux atteintes du législateur, agissant à titre ordinaire, et de l’Exécutif, ce qui procure certitude et sécurité, en donnant de la consistance aux garanties ainsi proclamées.

2. La consistance des garanties

De manière descriptive, on peut citer le principe de l’indépendance, les immunités, les incompatibilités, l’inamovibilité, les avantages matériels et financiers, et les obligations qui pèsent sur le juge.

a) Le principe de l’indépendance

Il n’existe aucune disposition particulière de la Constitution consacrant en tant que telle l’indépendance du juge constitutionnel. Les articles 90 et 91 de la Constitution ivoirienne ont trait au serment que doivent, avant leur entrée en fonction, prêter respectivement le président du Conseil constitutionnel devant le président de la République (article 90) et les conseillers devant le président du Conseil constitutionnel (article 91) ; et sur ce point déjà certains s’interrogent sur le bien-fondé ou la pertinence d’une telle discrimination, diversement ressentie, par les uns comme affectant, par les autres comme renforçant l’indépendance du juge constitutionnel.

Alors que la formule du serment que prête le président du Conseil constitutionnel prescrit l’indépendance à la charge de ce dernier, la formule du serment que prêtent les conseillers garde le silence sur l’indépendance pour ne retenir que l’impartialité. Peut-on être impartial sans être indépendant ?

b) Les immunités

Elles sont prévues par l’article 93 de la Constitution qui dispose : « aucun membre du Conseil constitutionnel ne peut, pendant la durée de son mandat, être poursuivi, arrêté, détenu ou jugé en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation du Conseil ». L’inviolabilité dont jouissent ainsi les membres du Conseil constitutionnel peut être décrite comme plus vigoureuse que celle reconnue aux députés, en ce qu’elle échappe au flagrant délit qui prive le député (et non le membre du Conseil constitutionnel) de cette protection.

c) Les incompatibilités

Prévues par l’article 92 de la Constitution et l’article 6 de la loi organique, les incompatibilités peuvent être retenues comme concourant à garantir l’indépendance du juge constitutionnel en le protégeant un peu contre lui-même et contre les activités de nature à compromettre son indépendance.

d) Les avantages matériels et financiers

La loi organique du 5 juin 2001 en son article 5 complétée par les décrets du 5 septembre 2003 et du 25 août 2005 prévoit les droits et avantages dont bénéficient les membres du Conseil constitutionnel qui sont assimilés tantôt aux magistrats de l’ordre judiciaire, avec à la clé l’inamovibilité, tantôt aux membres du Gouvernement avec les traitements, indemnités et avantages substantiels s’y attachant, qui leur assurent une certaine autonomie ou aisance financière, qui ne peut nuire à leur indépendance, loin s’en faut.

e) Les obligations

Elles peuvent se présenter comme des moyens de garantir l’indépendance du juge constitutionnel tout comme les incompatibilités, en le mettant à l’abri de toute position susceptible d’altérer ou de ruiner l’indépendance nécessaire ; ainsi l’obligation de réserve et même le régime disciplinaire peuvent être reçus comme participant à la garantie de l’indépendance du juge constitutionnel.

D’origines diverses, de natures différentes, ces dispositions permettent de garantir, avec plus ou moins de bonheur, l’indépendance du juge constitutionnel afin de lui permettre, telle est l’intention, d’exercer en toute indépendance, impartialité, sécurité et sérénité, surtout en toute responsabilité, les fonctions qui sont les siennes.

Peut-on aller au-delà, doit-on s’y diriger pour obtenir que soient améliorées et renforcées les garanties qui soutiennent l’indépendance du juge constitutionnel ?

II. Les garanties telles qu’elles pourraient, doivent ou devraient exister : le point de vue prospectif

Il s’agira de quelques brèves observations pour ouvrir et élargir le champ de la réflexion. Quelle appréciation peut-on, sous l’angle critique, porter sur la question de l’indépendance du juge constitutionnel en l’état ?

L’indépendance du juge constitutionnel est par tous reconnue comme la voie et le moyen de garantir l’indépendance de l’organe auquel il appartient, le Conseil constitutionnel ou la Cour constitutionnelle, voulu indépendant et impartial.

Ne pourrait-on pas déjà s’interroger sur la dénomination, Cour ou Conseil, qui pourrait concourir à garantir l’indépendance de l’organe.

Ni la Constitution, ni la loi organique déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel en date du 5 juin 2001 n’affirme, de manière spéciale et expresse, la nature d’organe indépendant et impartial jouissant de la personnalité juridique du Conseil constitutionnel.

L’article 9 de la loi organique se borne à relever l’autonomie financière, dont on pourrait tirer la personnalité juridique du Conseil constitutionnel, ce qui ne doit pas dispenser de le prévoir expressément.

Le statut du juge constitutionnel, entendu du pouvoir et du mode de désignation, est-il satisfaisant et de nature à renforcer l’indépendance du juge constitutionnel ? On peut en douter en certains cas, on ne doit pas s’abstenir de s’interroger. Un examen comparatif, ainsi qu’il va nous être donné d’y procéder ici, donne à constater la diversité des situations et leur degré d’adaptation. La qualité de celui ou de ceux ayant pouvoir pour désigner (nomination ou élection) les membres du Conseil constitutionnel, les conditions et modalités de cette désignation peuvent influer et influent immanquablement sur l’indépendance du juge. La compétence étant liée, la compétence étant discrétionnaire, les conditions étant prévues ou ne l’étant pas, l’indépendance du juge constitutionnel peut s’en trouver affectée d’une manière ou d’une autre ; la durée du mandat, son renouvellement ou non ne seront pas sans influence ; faut-il le nommer à vie, faut-il l’élire et comment ? Qu’en est-il des anciens présidents de la République donnés comme des membres de droit et à vie, et que faut-il en penser ? Toutes ces questions qui se posent relativement à l’ensemble des membres du Conseil constitutionnel prennent un tour particulier relativement au président du Conseil constitutionnel ou de la Cour constitutionnelle « dont certains ont pu dire qu’ils sont assis sur un siège éjectable », pour souligner toute la puissance de celui qui nomme, le président du Conseil ou de la Cour devenant comme révocable ad nutum. Questions certaines, réponses incertaines, demandant à être approfondies pour pouvoir s’orienter éventuellement vers des formes d’harmonisation des législations en vigueur, tout en ne perdant pas le sens du relatif et de ce que tous ces pouvoirs et organes sont ceux de l’État, personne morale, dont tous les organes doivent exprimer la volonté, la même, pour concourir à dégager la volonté générale de l’État, qui est celle du peuple, titulaire du pouvoir suprême. Nous sommes là à la frontière du juridique et du politique.

L’irresponsabilité du juge constitutionnel, on l’a vu, si elle peut être déduite ou donnée comme implicite gagnerait à être affirmée expressément ou formellement dans la Constitution comme c’est le cas pour les députés. Mais non élu, le juge constitutionnel a-t-il droit à une telle protection renforcée ? De telles rencontres, on en conviendra, en permettant de confronter les législations et réglementations tout comme les points de vue en présence, peuvent aider à clarifier le champ et à l’ensemencer d’idées nouvelles de nature à mieux garantir l’indépendance du juge constitutionnel et partant de tout l’organe, Conseil ou Cour, juge à la fois de l’application de la loi et de la formation de la loi. L’indépendance du juge doit être inscrite dans les institutions et garantie par les textes ; elle ne doit pas l’être moins dans les esprits, car l’indépendance, ici comme ailleurs, est une affaire d’institution, certes, mais aussi et peut-être surtout de devoir et de conscience.

Le statut du juge constitutionnel marocain à la lumière de la Constitution de 2011

M. Mohammed Benabdallah

Membre du Conseil constitutionnel du Royaume du Maroc

Avec la nouvelle Constitution promulguée le 29 juillet 2011, adoptée par référendum le 1er du même mois, le statut du juge constitutionnel marocain, comme, du reste, l’ensemble des institutions, a connu de profondes modifications qui méritent d’être mises en relief. Certains de leurs aspects ont été simplement repris de la Constitution précédente, tandis que d’autres, nouvellement institués, seront précisés par une loi organique qui en déterminera l’application.

Mais avant d’aborder directement notre sujet, il ne serait pas déplacé de dire que les nouveautés qui ont concerné le statut du juge constitutionnel ont tout naturellement découlé du statut même de l’institution et de sa structure ainsi que des nouvelles compétences qui lui sont dévolues. Mais elles ont été surtout la conséquence naturelle de la reconnaissance de tout un ensemble de droits et de libertés cités dans la Constitution et qui par la force des choses impliquent une lecture nouvelle de celle-ci. De l’appellation de Conseil constitutionnel, l’instance, dont la création remonte à 1992, passera à celle de Cour constitutionnelle qui verra ses attributions largement élargies par rapport au passé. Sans doute, dira-t-on à titre anecdotique que la féminisation de l’appellation s’inscrit dans l’esprit de parité qui caractérise désormais la Constitution marocaine par la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais on peut remarquer plus sérieusement que le passage du Conseil à la Cour s’explique principalement par l’institution de nouvelles compétences et de la place que le constituant lui a donnée.

En effet, outre les compétences classiques anciennement dévolues par la Constitution, dont on citera le contrôle de constitutionnalité des lois, la répartition des domaines de la loi et du règlement et le contrôle de la régularité de l’élection des membres du Parlement et des opérations du référendum, d’autres compétences lui ont été ajoutées.

Non seulement la Cour constitutionnelle peut être saisie pour déclarer qu’un engagement international comporte ou non une disposition contraire à la Constitution, mais elle peut connaître d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. En fait, c’est, pensons-nous, cette deuxième compétence qui justifie la transformation du Conseil en Cour dans la mesure où son intervention a lieu dans le cadre d’un procès en instance de jugement devant l’une des juridictions du Royaume. Néanmoins, on ne saurait soutenir que les nouveaux aspects du statut du juge constitutionnel n’ont été déterminés que par cela car il s’agit de nouveautés qui tendent à renforcer l’autonomie et l’indépendance inhérentes à la fonction de la juridiction et surtout à faire prévaloir la spécificité de son rôle en tant qu’instance suprême aux décisions insusceptibles de tout recours qui s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. L’autonomie et l’indépendance de l’instance se déduisent à travers l’accès à la fonction et des conditions qui les régissent ainsi que des obligations qui lui sont liées et que précisent les dispositions de la loi organique, appelée d’ailleurs à être modifiée.

I. L’accès à la fonction

Alors que dans les deux Constitutions précédentes de 1992 et 1996, l’accès à la fonction n’était soumis à aucune condition de formation ou d’ancienneté, dans la Constitution de 2011, il est soumis à des conditions sans lesquelles on ne saurait garantir des décisions à la teneur juridique. Car, même s’il arrive de penser que la juridiction constitutionnelle revêt un caractère politique difficilement réfutable du fait des autorités qui nomment ses membres, il n’en reste pas moins qu’elle demeure une juridiction.
C’est la Constitution qui énonce dans le titre consacré à la juridiction constitutionnelle quelles sont les autorités de nomination, les conditions dont il faut tenir compte et la durée de la fonction de juge constitutionnel.

A. Les autorités de nomination

Les autorités de nomination sont désignées dans la Constitution. C’est au Roi qu’il revient de nommer six membres, tandis que les six autres sont élus pour moitié par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.

Les décisions de nominations par le Roi sont dispensées du contreseing du chef du Gouvernement du fait que le dernier alinéa de l’article 42 de la Constitution les en exclut.

Quant aux nominations des autres membres, on peut dire que d’importantes modifications ont été introduites par rapport à la Constitution de 1996. En effet, alors que dans le passé, il s’agissait de pures nominations par les présidents des deux chambres du Parlement après consultation des groupes parlementaires, actuellement avec la nouvelle Constitution ces membres sont élus, moitié par la Chambre des représentants et moitié par la Chambre des conseillers, à l’issue d’un vote à bulletin secret et à la majorité des deux tiers des membres composant chaque chambre.

En d’autres termes, sachant que la Chambre des représentants se compose de 395 membres, les trois candidats à la fonction de juge constitutionnel devront obtenir chacun un minimum de 264 voix ; et, sachant que la Chambre des conseillers se compose de 120 membres, les candidats à la même fonction devront obtenir chacun au moins 80 voix.

Le président est nommé par le Roi, parmi les membres composant la Cour.

Toutefois, il convient de mentionner que tant la nomination que l’élection sont soumises à des conditions qui ne manquent pas d’importance.

B. Les conditions de nomination

Avant l’institution du Conseil constitutionnel par la Constitution de 1992, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême prévue par la Constitution de 1962, qui était composée de cinq membres dont le Premier président de la Cour suprême devait comprendre un magistrat de la Chambre administrative de la Cour suprême et un professeur des facultés de droit nommé par le Roi. Avec la révision constitutionnelle de 1970, cette condition est maintenue ; puis, en 1972, elle disparaît pour réapparaître avec la nouvelle Constitution de 2011.

Ainsi, on peut relever que parmi les six membres nommés par le Roi, l’un d’entre eux est proposé par le Secrétaire général du Conseil supérieur des Ouléma et tous les membres, nommés par le Roi ou élus par les chambres du parlement, doivent être choisis parmi les personnalités disposant d’une haute formation dans le domaine juridique et d’une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité.

Sans doute s’interrogera-t-on sur la présence du membre du Conseil supérieur des Ouléma ? Sur ce plan, il ne serait pas inutile de signaler ce qu’est ce Conseil.

De par la Constitution, il est présidé par le Roi et il est la seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) devant être officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi. Les consultations doivent être faites sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l’Islam. Par conséquent, la présence d’un tel membre au sein de la juridiction constitutionnelle permet d’avoir l’avis constant d’un membre issu d’un conseil qui a son importance au regard du référentiel religieux du système juridique marocain.
Quant à la condition de la haute formation dans le domaine juridique et de la compétence judiciaire, doctrinale ou administrative doublée d’une ancienneté de plus de quinze ans, il est certain qu’elle constitue la garantie de l’édification d’une jurisprudence où le raisonnement juridique l’emporte sur tout autre élément. Sur ce plan, on ne peut que dire à la suite de Kelsen : « il est de la plus grande importance d’accorder dans la composition de la juridiction constitutionnelle une place adéquate aux juristes de profession ».

C. La durée de nomination

Les membres de la juridiction sont nommés pour un mandat de neuf ans non reconductible. Le renouvellement s’effectue par tiers et il a lieu tous les trois ans.

Sur le principe de non reconduction des membres, inutile de dire qu’il constitue une garantie essentielle de leur indépendance vis-à-vis des autorités qui les ont nommés. Sachant que son mandat ne sera pas reconduit, un juge peut exercer sa fonction en toute liberté sans chercher à contenter quiconque. Néanmoins, on ne doit pas surestimer la règle du non renouvellement si on ne perd pas de vue qu’un juge ne peut être véritablement indépendant que par sa volonté et selon son caractère, selon l’idée qu’il se fait de sa fonction ; c’est beaucoup plus une question de conscience que toute autre chose. D’ailleurs, en droit comparé, dans la plupart des textes mentionnant le non renouvellement du mandat d’un juge constitutionnel, il n’est nullement précisé qu’à la fin de son mandat, il ne peut pas être nommé à une autre fonction et être ainsi remercié pour d’éventuels services. C’est la raison pour laquelle on est plus enclin à penser que le non renouvellement ne peut être considéré que comme excluant toute idée de sanction qu’il pourrait prendre à l’égard d’un membre de la juridiction constitutionnelle.

II. Les obligations liées à la fonction

Ce n’est pas la Constitution qui détermine les obligations qui s’imposent au juge constitutionnel, mais c’est la loi organique qui les précise dans le détail.

D’abord, avant d’entrer en fonction et de prendre part aux délibérations, les membres doivent prêter serment devant le Roi par lequel ils jurent « de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérés et des votes, de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel ».

Ensuite, dans un délai de trois mois après sa nomination, le membre est tenu de faire, sous peine de démission constatée par le Conseil, une déclaration de patrimoine qu’il doit renouveler tous les trois ans et, à sa sortie, il doit la refaire dans un délai de trois mois sous peine de sanction pénale. Enfin, dans l’exercice de ses fonctions, il est soumis à tout un ensemble d’obligations que l’on peut présenter en trois points.

A. Les incompatibilités

Les incompatibilités sont définies par la loi organique relative au Conseil actuel, laquelle est appelée à être abrogée pour être remplacée par une autre relative à la Cour constitutionnelle qui sera prochainement mise en place.

La fonction est incompatible avec celle de membre du Gouvernement, de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers et du Conseil économique et social, appelé à devenir le Conseil économique et social et environnemental.

L’incompatibilité touche également l’exercice de toute fonction publique ou mission publique élective et même tout emploi salarié dans une société dont le capital appartient pour plus de 50 % à une ou plusieurs personnes morales de droit public.

Néanmoins, le législateur organique a respecté le principe de la liberté du membre qui se trouve dans une situation d’incompatibilité où son choix ne doit pas être automatiquement écarté.

Ainsi, la loi a-t-elle prévu que si un membre exerçant déjà au moment de sa nomination une des fonctions incompatibles avec celle de juge constitutionnel, il est réputé avoir opté pour cette dernière s’il n’a pas exprimé une volonté contraire dans les quinze jours suivant la publication de sa nomination au Bulletin officiel. En sens inverse, elle a prévu que si un juge constitutionnel est élu ou nommé à l’une des fonctions incompatibles avec la sienne, il est réputé avoir démissionné de cette dernière et il est pourvu à son remplacement. Il est même précisé que s’il désire se présenter à une élection ayant pour but de lui conférer une mission élective, il doit présenter sa démission avant le dépôt de la demande de candidature.

La nouvelle Constitution a ajouté une autre incompatibilité concernant les professions libérales et il reviendra au législateur organique d’en déterminer l’étendue et l’application.

En tout cas, il faut mentionner que dès sa nomination au Conseil constitutionnel, le membre devient dans une situation de détaché pour toute la durée de son mandat, à la fin duquel il réintègre son cadre d’origine.

Dans la logique de ces incompatibilités, les membres du Conseil sont tenus de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre leur indépendance et la dignité de leur fonction notamment, de prendre aucune position politique ou de consulter sur des questions ayant fait ou pouvant faire l’objet de décisions de la part du Conseil, d’occuper un poste de responsabilité au sein d’un parti ou d’un syndicat ou même d’un groupement à caractère politique ou syndical, ou de laisser mentionner leur qualité de membre du Conseil sur un document à publier.

Il y a alors une volonté du législateur de faire du membre du Conseil un acteur dont le rôle se limite à la justice constitutionnelle. Comme partout ailleurs, c’est une fonction sans aucun doute à caractère juridique mais non dépourvue de spécificité politique dans la mesure où le Conseil est appelé à se prononcer sur la constitutionnalité des textes législatifs ou des litiges électoraux où l’enjeu implique le maximum d’impartialité et de neutralité de la part de ses membres. Et, c’est ce qui apparaît également à travers les nominations et les promotions qui sont interdites.

B. Les nominations ou promotions interdites

Pour les mettre à l’abri de toute pression qui pourrait s’exercer contre eux de manière directe ou indirecte, le législateur a interdit aux membres du Conseil toute nomination à un emploi public sous peine d’application de la procédure de la démission constatée par décision du Conseil. Et, dans le même esprit, si le membre est agent public détaché auprès du Conseil, il ne peut recevoir aucune promotion au choix dans son cadre d’origine.

C. Le devoir de réserve

C’est déjà au niveau de la prestation de serment qu’apparaît le devoir de réserve. Principalement, garder le secret des délibérations et des votes, ne prendre aucune position publique, et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel.

Il s’agit d’obligations qui touchent certes la vie personnelle du juge mais elles ne constituent pas moins la contrepartie de la prérogative de rendre des décisions qui s’imposent à toutes les autorités et qui ne sont susceptibles d’aucun recours.

À ce propos, il convient de préciser que dans la pratique l’obligation de réserve est très libéralement interprétée. Comme partout ailleurs, le professeur continue de donner ses cours, mais il est évident qu’il ne s’avisera pas d’étaler devant ses étudiants ou un quelconque auditoire comment telle ou telle décision a été prise ; l’avocat plaide, mais il se gardera de prendre une affaire électorale pendante devant le Conseil. Néanmoins, au regard de la nouvelle Constitution et de la loi organique qui s’ensuivra, il n’est pas exclu que la fonction d’avocat devienne incompatible avec la fonction de juge constitutionnel, du fait de la transformation du Conseil en Cour et surtout de la compétence qu’elle aura en matière d’exception d’inconstitutionnalité.

Toutefois, il faut reconnaître que l’obligation de réserve, malgré les formules juridiques dans lesquelles elle peut être enfermée, demeure tributaire de l’appréciation du juge qui en est concerné ; c’est à lui qu’il revient de peser et soupeser la portée de ce qu’il dit en dehors de l’instance à laquelle il appartient. Sans doute, la discrétion et la retenue doivent être de rigueur mais sans pour autant entamer cette liberté d’expression qui est un droit constitutionnel.

Pour terminer, on retiendra que s’il est certain que le statut du juge constitutionnel découle essentiellement des textes qui le régissent, il n’en reste pas moins que son application dans la réalité reste tributaire de facteurs tout à fait personnels au titulaire de la fonction. Car, à voir de près, la Constitution et la loi organique et tous les textes qui les complètent ne font que tracer et limiter le cadre dans lequel s’exerce cette fonction aux sérieuses et lourdes conséquences dans la mesure où le plus important c’est la personnalité du juge et plus particulièrement la perception qu’il se fait de sa mission. En un mot, le véritable statut, c’est lui-même qui se l’octroie.

Le juge constitutionnel face à l’opinion publique et aux instances internationales

Synthèse des réponses au questionnaire

M. Jean du Bois de Gaudusson

Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux-IV

Président honoraire de l’AUF

Le questionnaire incitait les Cours à sortir du terrain purement juridique et à porter une appréciation sur les relations qu’elles entretiennent avec leur environnement et les autres acteurs de la vie politique.

I. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
A. À la question de savoir si les juges constitutionnels subissaient des pressions particulières

La plupart des réponses ont été négatives ; et il a été souligné qu’il y avait même une obliga- tion de repousser toute tentative injustifiée visant à influencer sa décision, d’où qu’elle vienne (cf. Les principes de déontologie judiciaire du Canada, ou encore l’interdiction formulée en Suisse). Toutefois, nombre de Cours ont apporté des réponses nuancées, tenant compte du contexte et d’une réalité complexe, comme en témoignent les extraits suivants qui résument bien la situation :

« Non mais le juge constitutionnel ne saurait interdire l’expression populaire persistante ou l’opinion des partis politiques, de la société civile… sur telle ou telle question. » (Burkina Faso) ;

« Les juges constitutionnels ne sont soumis à aucune pression. Pourtant, de manière indirecte, on peut parler d’une certaine pression, résultant des conséquences de la décision, d’une médiatisation excessive, comme dans le cas de la baisse de 15 % des retraites, de 25 % des salaires, dans le cas des solutions des conflits juridiques de nature constitutionnelle, dans le cas de l’examen d’un projet de loi concernant la révision de la Constitution, etc. » (Roumanie) ;

« Le juge constitutionnel peut être soumis à des pressions. Placé face au pouvoir politique, son action dépend des garanties statutaires conférées tant à l’organe qu’aux membres. » (Mali) ;

« Le juge constitutionnel est certainement, par la nature politique de la majorité des contentieux, sujet à des pressions qui peuvent être qualifiées de particulières. Cependant, le droit de réserve… interprété de manière extensive, combiné aux personnalités d’expérience qui y sont désignées permettent à cet organe d’asseoir sa crédibilité, de manière générale et de rassurer ceux qui le saisissent dans le cadre de ses compétences, en particulier » (Djibouti).

B. Sur les relations avec la presse

De manière générale, les Cours entretiennent des relations avec la presse et les médias qui, selon la formule employée par le Liban, « sont entrés » dans les juridictions constitutionnelles. Le plus souvent, les Cours organisent leurs relations avec la presse par l’intermédiaire de leur secrétariat ou encore par leur site ; certaines disposent d’un service chargé des relations avec la presse (Canada, RCA, Roumanie) ou ont mis en place un système d’accréditation (Suisse). Mais en toute hypothèse, même s’ils peuvent exprimer librement leurs opinions et s’ils peuvent participer à des conférences, séminaires, réunions avec couverture de la presse, la radio et la télévision (à l’exception de l’Algérie), les juges sont astreints à un devoir de réserve comme cela est rappelé dans la plupart des réponses (Mozambique, Niger, France, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Maroc…).

C. Sur les critiques dont peut faire l’objet le juge constitutionnel

À l’exception de quelques réponses négatives (Togo, Cameroun), les Cours constatent qu’elles font l’objet de critiques. Celles-ci sont inévitables et inhérentes à l’office du juge constitutionnel ; et l’on sait comme le souligne la réponse française que « les décisions déclarant une loi conforme à la Constitution sont souvent interprétées comme traduisant la faveur du Conseil constitutionnel pour la majorité en place ; au contraire, les décisions de censure sont présentées comme des “désaveux” politiques »…

Il a été remarqué que ces critiques s’intensifient lorsque le juge connaît de certains contentieux sensibles (élections notamment présidentielles – Côte d’Ivoire, Niger, Mali, Bénin, Roumanie à propos des retraites, de la TVA par exemple) ou encore au fur et à mesure que s’étend leur contrôle et s’étoffe le bloc de constitutionnalité (Canada, depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982).

D. En cas d’outrage et de diffamation

Il est répondu qu’en règle générale rien n’interdit à un juge d’agir en justice ; cette protection peut être prévue par les textes (le code pénal en Belgique, la loi sur la Cour au Canada). Une procédure particulière peut être prévue lorsque l’atteinte s’effectue par l’utilisation des médias (Bénin, avec saisine possible de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication). Mais toutes les réponses constatent que dans la pratique, de telles hypothèses ne se sont pas présentées, même lorsqu’un juge est attaqué sur sa vie privée.

II. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
A. Le rôle du juge constitutionnel dans les instances internationales

La question a été comprise comme concernant les membres des Cours (et non les Cours elles-mêmes), avec des hésitations sur ce qu’il fallait entendre par « instances internationales », dans la mesure où en principe les juges ne participent pas à de telles instances…

À titre individuel, les juges participent à des rencontres régulières avec les membres d’autres Cours et procèdent à des échanges d’expérience (Belgique, France, Bénin, Cameroun…), ils peuvent être appelés pour fournir une expertise constitutionnelle et électorale (Niger, Suisse) ou juridiction- nelle (Roumanie : cooptation en qualité de juge ad hoc auprès de la Cour européenne des droits de l’homme).

Plusieurs Cours attribuent aux juges deux autres rôles : d’une part, celui de « faire connaître la jurisprudence constitutionnelle de leur pays » (Algérie, Maroc), d’autre part, de contribuer dans leurs activités à l’extérieur de leur pays, au développement d’un certain nombre de valeurs fonda- mentales (Tchad) et notamment celles consacrées par la Déclaration de Bamako (Madagascar), à « l’ancrage de la démocratie » (Burkina Faso) et de l’État de droit, « au progrès du droit et des droits de l’homme » (Guinée, Congo), mission jugée particulièrement nécessaire dans le cadre de la mondialisation (Liban, Togo).

B. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles soumises aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Les réponses au questionnaire montrent que les Cours sont partagées.

Pour la majorité des Cours, la réponse est « assurément » (Bénin) négative. Ainsi que l’indique la Côte d’Ivoire, résumant bien ce point de vue, au plan national et international, « ni l’environnement ni les fonctions ne sont les mêmes. En outre, les interventions des associations internationales des juridictions constitutionnelles ne portent pas sur le même objet que celles du juge individuel au plan national ».

Elles considèrent que de telles associations ont des missions qui leur sont propres justifiant qu’elles émettent des avis et des recommandations : ainsi en est-il lorsqu’il s’agit de consolider ou de restaurer l’indépendance d’une juridiction constitutionnelle nationale. Il est aussi dans leur rôle de contribuer à « élever et uniformiser les standards de protection » (Roumanie) et d’exercer « un rôle de promotion de la démocratie, de participer à un mouvement de justice, de liberté, de sécurité commune » (Guinée). Plus encore, il est demandé, par le Liban pour qui « trop de modération n’est pas modération » que les associations aient « des engagements éthiques et normatifs plus musclés ».

En revanche, pour l’Algérie, le Niger, le Canada, les associations sont soumises à un devoir de réserve et en tout cas sont tenues par leurs statuts et à l’assentiment de leurs membres lorsqu’une prise de position leur est demandée, par exemple en cas de crise politique dans un pays, de rupture de la démocratie ou de menace sur une Cour. Mais comme le précise le Maroc, s’il y a devoir de réserve pour les associations, celui-ci est allégé et doit être appliqué « avec souplesse ».

Divers

La réponse du Burkina Faso fait état des travaux préparatoires à la réforme du Conseil constitutionnel (élection du président, intégration des anciens présidents de la République s’ils se désengagent de la politique active, élargissement de la saisine au profit du président du Sénat et des citoyens).

La Côte d’Ivoire interroge les autres Cours sur l’opportunité de faire siéger les anciens présidents de la République dans une Cour.

Le Congo souhaiterait que soit consacrée une session aux activités de la juridiction constitutionnelle.

Le juge constitutionnel et l’opinion publique

M. Robert Dossou

Président de la Cour constitutionnelle du Bénin Président de l’ACCPUF

Mme Marcelline — C. Gbeha Afouda

Vice-présidente de la Cour constitutionnelle du Bénin

Introduction

Dans la plupart de nos pays, le seul juge constitutionnel est la Cour ou le Conseil constitutionnel, ou encore l’institution juridictionnelle qui a pour compétence de régler en dernier ressort avec l’autorité de chose jugée, les litiges de conformité à la Constitution. En République du Bénin, la Cour constitutionnelle créée après la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990, est aux termes de l’article 114 de la Constitution, « la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». De par ses prérogatives, elle contrôle la conformité à la Constitution des lois, textes réglementaires et actes administratifs présumés inconstitutionnels et, conformément aux dispositions de la Constitution, de sa loi organique et de son règlement intérieur, ont le droit de se pourvoir devant elle contre tous actes présumés inconstitutionnels, le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, le Président du Conseil Économique et Social, toute association non gouvernementale de défense des droits de l’Homme ou toute association qui a la capacité juridique à ester en justice et enfin, tout citoyen.

La nature des décisions de la Cour suite aux différentes saisines varie selon la matière sur laquelle porte la requête et selon l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution, ces décisions « ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ».

Parce que justement elles s’imposent à tous, les décisions de la Cour sont diversement appréciées par les auteurs des actes contrôlés et même par tous les citoyens béninois, chacun et tous, y ayant intérêt ou non, se croyant autorisé et investi du pouvoir de donner son avis sur les décisions de la Haute juridiction. Ainsi, la décision de la Cour a beau être sans recours, elle ne résiste pas aux commentaires des citoyens. La diversité des jugements, des commentaires, favorables ou non, ainsi que leur ampleur font que l’on conclut que la décision a été ou n’a pas été appréciée par l’opinion publique.

À partir de là se pose alors la question de savoir : qui forme cette opinion publique ? Qu’est-ce que l’opinion publique ? Comment se manifeste-t-elle ? Quels sont les moyens qu’elle utilise pour se faire entendre ? Quelle est la relation du juge constitutionnel avec l’opinion publique qui apprécie sa décision ? Autant d’interrogations auxquelles nous essayerons d’apporter des éléments de réponse qui nous permettront d’échanger tous ensemble sur le sujet.

C’est dire donc que je ne livre pas ici un travail hautement scientifique, mais juste quelques idées appuyées d’exemples concrets enregistrés par la Cour constitutionnelle du Bénin pour lancer le débat.

I. L’opinion publique et le juge constitutionnel
A. L’opinion publique

Dans le cadre de notre réflexion, j’ai pris le parti de ne pas trop m’attarder sur la définition du concept, car j’ai relevé qu’il s’agit d’un concept à la fois complexe et difficile à appréhender. Je me suis simplement contentée de ce qu’en dit le dictionnaire Robert que j’ai consulté. L’opinion y est définie comme étant un point de vue, une manière de penser, de juger, l’attitude de l’esprit qui tient pour vraie une assertion. Quant à l’opinion publique, elle est considérée comme « un jugement collectif, un ensemble d’opinions, de jugements de valeur sur quelque chose ou sur quelqu’un », c’est la vox populi. J’ai également noté que l’opinion publique est l’ensemble des attitudes d’esprit dominantes dans une société, à l’égard de problèmes généraux, collectifs et actuels, c’est l’ensemble des opinions d’un groupe social sur les problèmes politiques, moraux, philosophiques, religieux et même juridictionnels. Je vous livre également le contenu d’une note que j’ai prise alors que je surfais sur internet pour préparer cette présentation. Il est indiqué qu’à l’origine, « ce que l’on commence à nommer “opinion publique” dans la France du XVIIIe siècle n’est encore que l’expression publique des opinions personnelles d’une fraction limitée de la population – essentiellement une bourgeoisie intellectuelle et commerçante montante – qui, forte de son capital économique et surtout culturel, prétend à l’exercice du pouvoir ou, du moins, entend peser sur les autorités politiques par divers moyens, comme par exemple, les libelles, les brochures voire les pamphlets, la diffusion de ces écrits ayant pour fin de porter sur la place publique leurs opinions privées sur des questions perçues comme relevantde l’ordre public. Dès cette époque, de véritables campagnes sont menées en vue de soumettre certaines affaires de justice devant le “Tribunal de l’opinion”, c’est-à-dire devant tous ceux qui, selon la philosophie des Lumières, peuvent donner un avis éclairé en faisant usage de la Raison afin de démonter des erreurs judiciaires.

Mais c’est surtout dans la période révolutionnaire, alors que l’espace politique est à la recherche, après la chute de la royauté, d’un nouveau principe de légitimité pouvant reposer sur les “citoyens actifs” et le vote majoritaire, que la notion va être utilisée par les acteurs et les théoriciens politiques. Elle désigne alors l’opinion des élus, celle du moins qui s’exprime à l’assemblée et dans les feuilles de la presse dite justement « d’opinion » qui accompagnent la très forte agitation politique de l’époque. La notion d’opinion publique présente alors deux propriétés majeures : d’une part, elle désigne l’opinion des seuls représentants élus (et non celle de tous les citoyens…) et, d’autre part, elle désigne l’opinion qui émerge des discussions se tenant dans des lieux politiques ad hoc (les clubs, les assemblées, etc.) ».

De ce qui précède, je retiens une constante : l’opinion publique, c’est le jugement, l’appréciation, les idées personnelles d’une fraction limitée de la population qui émet des jugements de valeur sur les événements sociaux, politiques, religieux, philosophiques et même juridictionnels. C’est l’expression publique des idées personnelles de ceux et celles qui disposent de nombreux atouts pour un accès facile aux mass media et à tous autres moyens de communication et qui, par ces canaux, portent sur la place publique leurs opinions sur les problèmes généraux de la société. Dès lors, l’opinion publique devient un concept bien connu et manipulé par les groupes sociaux citadins. C’est en effet dans les milieux citadins que foisonnent les journaux d’opinion, au Bénin en tout cas, en raison de la démonopolisation de la presse d’État (publique) et de l’espace audiovisuel. Ces journaux relaient les opinions des acteurs politiques, des organisations de la société civile, des chroniqueurs, des analystes politiques et de tous ceux là qui, au nom de la démocratie et de la liberté d’opinion et forts de leur position, entendent peser sur les autorités politiques et juridictionnelles et faire croire qu’ils représentent et défendent l’ensemble des citoyens du pays. Les lignes éditoriales ou les colonnes de ces journaux d’opinion ne véhiculent que les idées et convictions qu’ils soutiennent et il y a bien des difficultés à cerner le concept d’opinion publique tel qu’énoncé ci-dessus au sein de l’immense majorité de la population rurale dans nos campagnes. De fait, acteurs politiques et mass media se mettent ensemble pour créer l’opinion publique.

B. Le juge constitutionnel

Le juge constitutionnel est cette institution juridictionnelle qui a pour compétence de régler en dernier ressort avec l’autorité de chose jugée, les litiges de conformité à la Constitution. Dans nos pays, c’est la Cour constitutionnelle ou le Conseil constitutionnel, dans d’autres c’est la Cour suprême ou toute juridiction équivalente aux mêmes attributions. À travers la Constitution, le peuple souverain s’est donné des règles que le juge constitutionnel doit faire respecter. Il est le garant du respect et de la stabilité constitutionnels.

Au Bénin, les attributions de la Cour constitutionnelle sont assez importantes. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Elle veille à la régularité de l’élection du président de la République, statue sur la régularité du référendum et en proclame les résultats, statue en cas de contestation, sur la régularité des élections législatives. Elle fait de droit partie de la Haute cour de justice, à l’exception de son président.

Conformément aux dispositions de la Constitution, sa saisine est largement ouverte, puisque tous les citoyens ont le droit de se pourvoir devant elle : le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication, le président du Conseil économique et social, toute association non gouvernementale de défense des droits de l’homme ou toute association qui a la capacité juridique à ester en justice et tout citoyen. Le juge constitutionnel béninois, de par ses prérogatives, est le gardien de la Constitution, le protecteur du citoyen contre les violations de ses droits fondamentaux, l’organe régulateur en cas de dysfonctionnements des institutions et de l’activité des pouvoirs publics et l’arbitre des conflits entre les institutions de la République et principalement le Parlement, lieu par excellence de la politique. En matière de contrôle de la régularité des élections, il est un acteur principal incontournable dans la gestion des consultations politiques et arbitre de tous les conflits pouvant survenir au cours du processus électoral entre divers acteurs politiques, entre la majorité au pouvoir et l’opposition, etc. Avec ses attributions, le juge constitutionnel béninois se trouve très proche de l’arène politique et intervient régulièrement dans le champ politique. La confrontation avec le monde politique est donc directe. Ce qui fait qu’il ne laisse pas l’opinion publique indifférente, quel que soit son champ d’action. L’intérêt de l’opinion publique se manifeste de façon plus marquée en période électorale, où la réputation du juge et sa crédibilité sont souvent sacrifiées sur l’autel des intérêts personnels et politiques.

C. La relation entre le juge constitutionnel et l’opinion publique

Le ménage entre le juge constitutionnel béninois et l’opinion publique a connu des fortunes diverses et l’harmonie entre les deux dépend bien souvent de la nature des décisions.

Au lendemain de la Conférence des Forces Vives de la Nation, l’une des grandes résolutions était l’édification au Bénin d’un État de droit. Les premières décisions du juge constitutionnel étaient alors saluées par l’opinion publique, puisqu’elles visaient justement à consolider les bases de la démocratie et de la liberté chèrement acquises et à éviter tout retour aux anciennes pratiques rétrogrades.

Les décisions du juge relatives au bon fonctionnement des institutions ou sanctionnant des violations des droits fondamentaux de la personne et les libertés publiques étaient alors acceptées avec bonheur. Les rapports dans les premières heures de cet hyménée étaient donc sans accroc.

Mais progressivement, cette relation va se détériorer parce que justement, l’opinion publique, derrière laquelle se trouvent, comme je l’ai indiqué tantôt, les acteurs politiques, appréciera de moins en moins le juge constitutionnel ainsi que ses décisions sur les sujets et pendant les périodes sensibles de la vie politique du pays.

C’est d’abord au stade de la nomination du juge constitutionnel que surgissent les hostilités. Au Bénin, la Cour est composée de sept membres dont quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et trois par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. L’opinion publique s’intéresse beaucoup à cette séquence dans la mesure où elle y voit la manifestation des rapports de force entre les différentes tendances politiques. Pour elle en effet, le groupe politique qui contrôle la Cour constitutionnelle est assuré de gagner les élections. C’est le même sentiment vis-à-vis de la Commission électorale nationale autonome ! La mandature en cours à la Cour n’échappe pas à ces considérations. Toutes les stratégies ont été mises en place pour la déstabiliser et la décrédibiliser dès son installation le 6 juin 2008, et faire accroire qu’elle étaità la solde du pouvoir en place.

Les manifestations de l’opinion publique contre les décisions de la Cour sont nombreuses et multiformes. Les mass media, quels qu’ils soient, sont mis à contribution pour relayer critiques, protestations, interviews ou entretiens obtenus de leaders politiques, déclarations de tous genres, acerbes et tendancieuses à l’endroit du juge. On observe dans les journaux, à la télévision, et dans tous les supports, des attaques parfois personnelles et des pressions morales très fortes contre le juge. Il n’est pas rare de voir les photos des membres de la Cour constitutionnelle, en particulier celle de son Président, affichées à la première page des tabloïds avec des titres sensationnels.

Un exemple de pression est celle exercée sur la Cour lors de l’élection présidentielle de 1996. Elle était si forte que la Cour dut, avant la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du18 mars 1996, faire une déclaration liminaire le 23 mars pour fustiger les « difficultés, menaces et pressions de tous ordres » qu’elle a subies. Cette déclaration a été suivie d’un communiqué de la Cour du 29 mars 1996 par laquelle l’Institution portait « à la connaissance de l’opinion nationale et internationale » les « faits graves » rapportés dans ledit communiqué. Les faits évoqués étaient « les multiples pressions, les menaces répétées, les attaques directes tels que le mitraillage du domicile du Professeur Maurice GLELE AHANHANZO, la marche des militants du parti la Renaissance du Bénin dans les rues de Cotonou scandant des slogans hostiles aux membres de la Cour… ».

Par ailleurs, il est arrivé qu’un parti politique organise une marche de protestation sur le siège de la Cour constitutionnelle suite à l’invalidation de l’élection d’un de ses candidats aux élections législatives. Les militants dirigés par le secrétaire départemental dudit parti ont estimé que cette invalidation « relève du pur arbitraire ». Ils ont à l’occasion réclamé la révision de la Constitution en vue de « limiter les pouvoirs exorbitants de la Cour Constitutionnelle » voire la supprimer.

Le même parti par la voix de son président avait aussi, en d’autres circonstances, estimé que la Cour avait trop de pouvoirs et que si on la laissait faire, on aboutirait à un « Gouvernement de juges ».

Fidèle à cette conviction, cette haute personnalité politique a réédité son exploit. De concert avec d’autres responsables de partis politiques, il a organisé deux autres marches sur le siège de la Cour constitutionnelle lors de la dernière élection présidentielle de 2011. C’était, les vendredi 18 et lundi 21 février 2011, deux grands rassemblements de manifestants pour reprocher au juge constitutionnel d’avoir, par ses décisions, imposé la tenue des élections sur la base de la liste électorale permanente informatisée malgré l’opposition de certains hommes politiques. Or, faut-il le souligner, depuis 1999, toutes les lois portant règles générales pour les élections en République du Bénin ont affirmé le principe de la Liste électorale permanente informatisée (LEPI) et du Recensement électoral national approfondi et en ont même fixé avec précision le contour général. Mais à la veille de chaque élection, une loi dérogatoire vient prescrire le recours à titre ponctuellement provisoire à la liste manuscrite. En 2009, la loi n° 2009-10 du 13 mai a été votée et a organisé complètement la LEPI. Mais en raison de considérations politiques, le législateur a introduit de nouvelles propositions de lois pour, d’abord abroger, puis ensuite modifier et enfin substituer la loi qui sera adoptée à l’ancienne. La Cour a estimé qu’il s’agit là d’une initiative proprement inédite dans la pratique parlementaire moderne qui n’est manifestement pas fondée sur la quête de l’intérêt général. La Cour n’a donc pas innové ! En juillet 2009, une partie de la presse nationale a organisé ce qu’il convient d’appeler « une campagne d’outrages » contre la Cour, campagne fortement relayée le mercredi 5 août 2009 par une conférence de presse donnée par des associations de la société civile, alors que lesdites associations avaient déposé des recours devant la Haute Juridiction. Le motif de cette cabale était que la Cour avait violé une disposition de la loi portant organisation du recensement national. Elles reprochaient à la Cour de n’avoir pas respecté les délais prescrits par ladite loi pour statuer. Ce moyen n’était nullement fondé puisqu’aucun délai n’était en réalité imparti à la Cour pour rendre sa décision. Il s’agit de démarches qui visent à perturber la sérénité du juge constitutionnel et la cohésion de son groupe. Ces situations fort heureusement ne sont pas légion, et l’on peut se réjouir que face à ces groupes qui considèrent la Cour Constitutionnelle comme « une superpuissance qui confisque la souveraineté, attribut principal du peuple », « qu’il faut à tout prix supprimer » ou dont il faut « réduire considérablement les pouvoirs », il en existe qui s’insurgent contre ces actes antidémocratiques et dénoncent les dérives auxquelles on assiste et les pressions que l’on fait ainsi subir à la Cour.

Il est aussi heureux de constater qu’en dépit de toutes ces manifestations, la décision de la Cour finit toujours par être exécutée. C’est le cas de l’Assemblée nationale qui, en 2005, avait adopté la loi portant règles particulières pour l’élection du Président de la République qui devait avoir lieu en mars 2006. La Cour a déclaré une disposition de ladite loi contraire à la Constitution et inséparable de l’ensemble du texte. Les députés, estimant que la Cour n’avait rien à leur imposer, se sont abstenus de mettre la loi en conformité avec la décision de la Cour. Les élections ont été dès lors organisées sur la base de l’ancien texte de loi. En 2010, les mêmes députés ont été bien obligés de se soumettre à l’exercice avant de procéder au vote de la nouvelle loi devant régir l’élection présidentielle d’avril 2011 !

À l’analyse, il ne serait donc pas exagéré de dire que l’opinion publique véritable au Bénin, manipulée par les organes engagés aux intérêts des différentes classes politiques ou des acteurs politiques et par mass medias interposés, apprécie son juge constitutionnel par le prisme des convictions, des valeurs, des jugements, des préjugés, des croyances et surtout des intérêts que lui suggèrent ou lui imposent ceux-ci. Le juge est accusé de parti pris et ce, avec une facilité déconcertante. Il est souvent accusé de vouloir instituer un gouvernement de juges toutes les fois que sa décision n’arrange pas son accusateur ! Il est déclaré à la solde du pouvoir ou des fois même hostile au pouvoir en place, sans que jamais, l’on puisse, par une analyse juridique soutenue, dire en quoi il a failli. L’opinion publique ignore, dans sa grande majorité, la méthode de travail du juge constitutionnel, mais émet des jugements de valeur sur la qualité de son travail. Il est arrivé que de hautes personnalités, respectables et respectées, tombent dans ce travers.

Le reproche fait à la Cour constitutionnelle d’être à la solde d’une certaine classe politique me parait bien souvent absurde. Certes, la nomination des juges constitutionnels est, comme partout ailleurs je suppose, le fait d’autorités politiques, mais le contrôle de la conformité d’un texte de loi ou d’un acte réglementaire à la Constitution ou la constatation de la violation d’un droit fondamental n’a rien de politique. Le socle de la décision de la Cour est la Constitution et les principes à valeur constitutionnelle. En matière électorale, le juge fonde sa décision non seulement sur la Constitution, mais également sur les lois électorales. Comme le dirait Madame Noëlle LENOIR, ancien membre du Conseil constitutionnel français au cours d’un débat, « À quoi servirait une Cour constitutionnelle qui reproduirait des schémas politiques ? Imposer à des juges constitutionnels d’apprécier la constitutionnalité d’une loi en votant pour ou contre celle-ci en fonction de l’appartenance politique de leur autorité de nomination serait la négation de la fonction. L’indépendance, comme l’honnêteté intellectuelle, est une condition de la légitimité morale de la fonction. C’est une exigence qu’il faut cultiver en permanence ».

Pour préserver sa légitimité, le juge constitutionnel se doit alors de réagir face aux manifestations de l’opinion publique, mais en quoi faisant ?

II. Comment peut réagir le juge constitutionnel face à l’opinion publique ?
A. Par ses décisions

Le Droit est un fait social qui régit des réalités et le juge constitutionnel ne saurait l’ignorer dans ses décisions. Il a le devoir, tout en restant fidèle à sa mission et dans le cadre de ses attributions, de rester à l’écoute du peuple et de considérer la manifestation de l’opinion publique comme un élément essentiel de veille citoyenne qui l’invite à plus de vigilance.

Ce fut par exemple le cas en 2006 lorsque par le vote de la loi constitutionnelle n° 2006-13 portant révision de l’article 80 de la Constitution du 11 décembre 1990, la majorité des députés avait voulu modifier l’article 80 de la Constitution et porter la durée de leur mandat à cinq ans au lieu de quatre prévue par la Loi fondamentale. Ce vote a entraîné un tollé général. Sur saisine du président de la République, de 6 députés et de 17 citoyens, la Cour, dans sa décision DCC 06-074 du 8 juillet 2006, a dit et jugé que la loi votée par l’Assemblée nationale le 23 juin 2006 est, en toutes ses dispositions, contraire à la Constitution.

En 2009, plusieurs femmes béninoises ont salué la décision DCC 09-081 du 30 juillet de la Cour qui a déclaré les articles 336 à 339 du code pénal contraires à la Constitution. Jusqu’à cette date, le législateur a instauré une disparité entre l’homme et la femme en sanctionnant cette dernière quel que soit le lieu où elle aurait commis un adultère, alors que l’homme n’est sanctionné que si l’adultère est commis au domicile conjugal. Cette différence de traitement est contraire aux dispositions des articles 26 de la Constitution, 2 et 3 de la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples. Tout récemment, par sa décision DCC 11-067 du 20 octobre 2011, le juge constitutionnel béninois a déclaré contraire à la Constitution une disposition de la loi organique n° 2011-27 portant conditions de recours au référendum votée par l’Assemblée nationale le 30 septembre 2011. Le législateur, dans la disposition querellée, a indiqué que « ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence nationale de février 1990 à savoir : – la forme républicaine et la laïcité de l’État ; – l’atteinte à l’intégrité du territoire national ».

Or, la Constitution du 11 décembre 1990, dans ses articles 42, 44 et 54, a confirmé le caractère intangible de certaines autres options fondamentales que sont le nombre de mandats présidentiels, la limite d’âge pour les candidats à l’élection présidentielle et la nature présidentielle du régime politique dans notre pays. La Cour a donc déclaré la loi contraire à la Constitution et a invitéle législateur à reformuler ladite disposition. Ce qui a fait dire à l’opinion publique citadine que « La Cour… a sauvé la démocratie béninoise » ou que « Par sa loi référendaire, la Cour affiche son indépendance ». Des opinions dissidentes ont été néanmoins enregistrées au sein de cette opinion publique ! Pour certains, « les Béninois ne doivent pas se laisser rouler dans la farine », pour d’autres, « la Cour constitutionnelle pousserait-elle au printemps béninois ? » et pour d’autres encore, il s’agit d’une « décision trompeuse de la Cour constitutionnelle ». Qu’en pense l’opinion publique rurale ? Nous attendrons que l’opinion publique citadine nous le dise, puisque « l’opinion se fait d’après l’opinion ; il en faut une première » a dit Cocteau.

Toujours dans le souci de mieux se faire comprendre de l’opinion publique et pour asseoir sa crédibilité, le juge constitutionnel béninois a décidé de faire œuvre pédagogique en modifiant la présentation de ses décisions. Elles sont désormais mieux structurées et plus faciles à lire par le citoyen. Appliquée à la décision de proclamation de l’élection présidentielle d’avril 2011, la nouvelle méthode de rédaction a permis à tous les citoyens de mieux s’imprégner des motifs qui ont conduit le juge à rejeter les prétentions et moyens des candidats.

B. Par l’information du public

Le juge constitutionnel contribue aussi à la formation de l’opinion publique, c’est-à-dire à l’information du public et à la formation des citoyens.
La Cour constitutionnelle du Bénin est, comme partout en Afrique, une institution relativement jeune. Sa création est voulue par la conférence nationale de février 1990 qui a posé les fondements essentiels de l’État de droit au Bénin. Son ancrage au sein de la société béninoise et son appropriation par la population nécessitent des actions d’information au profit du public. C’est pour cette raison qu’avec l’appui de certains organismes partenaires, et depuis plusieurs années déjà, elle met à la disposition du public des dépliants et des plaquettes édités et qui comportent des informations concises et utiles sur la composition de la Haute juridiction, le mode de désignation de ses membres, ses prérogatives et les modalités de sa saisine. Ces dépliants et plaquettes sont distribués à plusieurs milliers d’exemplaires, et notamment en période électorale où les frictions sont nombreuses.

La Cour constitutionnelle profite souvent des périodes électorales pour former les femmes rurales sur les lois électorales et pour les sensibiliser sur leur contribution au bon déroulement des scrutins. À la veille des élections législatives de 2007, la Cour constitutionnelle a organisé une formation à l’intention des journalistes, porte-voix de l’opinion publique, sur les textes régissant le scrutin. Plus de deux cents journalistes, en service dans les organes de la presse écrite et audiovisuelle publique et privée, ont participé à cette formation qui pourra être rééditée dans les années à venir. L’objectif visé, à travers cette formation, est d’améliorer le niveau de connaissance des professionnels des médias des prérogatives de la Cour et de les encourager à se spécialiser dans le domaine du droit constitutionnel. En outre, un site web sur la Cour constitutionnelle est disponible depuis quelques années et fournit des informations utiles au public sur la Haute juridiction.

À plusieurs occasions, la Cour constitutionnelle a été amenée à publier des communiqués de presse sur ses activités, mais très rarement sur les décisions qu’elle rend. Toutes les fois que cela s’avère nécessaire, le juge constitutionnel béninois anime aussi des débats télévisés pour éclairer l’opinion publique sur un sujet d’importance, et ce, dans les limites de l’obligation de réserve imposée aux membres de la Haute juridiction. Une sortie médiatique du genre a été organisée en mars 2011, peu avant les élections. Un citoyen a estimé que cela ne rentrait nullement dans le cadre des attributions de la Cour et a saisi celle-ci d’un recours en contrôle de constitutionnalité. Je n’en dirai pas davantage puisque la Cour n’a pas encore statué.

En 2008, dans le cadre des activités organisées à la fin de la troisième mandature de la Cour, des journées portes ouvertes ont permis aux citoyens de découvrir leur institution. Et depuis 2005, la Cour dispose d’un service de presse animé par un attaché de presse.

En dépit de tous ces efforts, des dérives sont toujours notées sous les plumes des journalistes. Le juge constitutionnel n’hésite alors pas à réagir en cas d’abus de droit et saisit les instances répressives.

C. Par la saisine des instances de régulation des medias

Au Bénin, il existe deux instances de régulation de la presse, l’Observatoire de l’éthique et de déontologie dans les médias (ODEM) et la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). L’ODEM est créé par les professionnels des médias eux-mêmes. Il est donc une structure d’autorégulation de la presse. Qualifié de « juridiction des pairs », il est saisi de cas de dérives émanant des journalistes. La procédure devant l’ODEM est contradictoire, mais ses séances ne sont pas publiques. Il rend des décisions publiées par les journaux. Les sentences qu’il prononce prennent le nom de recommandations. Elles n’ont pas un caractère contraignant. Mais, les journalistes sont, semble-t-il, sensibles à ses décisions parce qu’elles émanent de leurs pairs.

Prévue par la Constitution, la HAAC elle a pour mission « de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que tous les moyens de communication de masse… ». Elle peut être également saisie des cas de dérive de la presse. La particularité de la procédure devant cette institution réside dans le fait qu’elle organise des « séances d’audition publique » au cours desquelles les journalistes et les responsables de publication sont entendus sur les plaintes formulées à leur encontre par tout citoyen, institutions ou organismes publics ou privés. Ces audiences publiques, redoutées par les professionnels des médias, sont relayées par les organes de presse, particulièrement par les chaînes de télévision. La publicité organisée autour de ces « audiences publiques » permet d’éclairer l’opinion publique et de rétablir la vérité. La Cour constitutionnelle a déjà, par rapport à des cas de dérives jugées inacceptables de la presse, saisi la HAAC et obtenu la condamnation de journalistes qui lui ont présenté des excuses. Elle a également fait une fois l’option d’attraire un organe de presse devant le tribunal pour diffamation.

Toutes ces actions initiées devant les instances visent à préserver la crédibilité dont jouit l’institution.

Conclusion

L’opinion publique est constituée par les jugements que portent les citoyens sur les questions d’actualité. Ces jugements sont eux-mêmes influencés par les médias qui ne sont pas toujours indépendants, influencés qu’ils sont eux aussi par l’appât du gain facile, par les intérêts partisans des politiciens. Le juge constitutionnel que cette opinion publique adule ou conteste selon les circonstances doit, dans ces conditions, tout mettre en œuvre pour rester indépendant. L’indépendance du juge, chacun sait ce que recouvre la notion. Alors la seule issue pour le juge constitutionnel est de s’y conformer et de se comporter, en tout, comme un digne et loyal magistrat.

La Déclaration de Bamako et le statut du juge

M. Fabrice Hourquebie

Professeur de droit public à l’Université Bordeaux-IV

Directeur de l’IDESUF

Consultant auprès de l’OIF

Deux questions simples doivent être posées en préalable afin de préciser, pour rappel, les termes de notre propos.

D’abord, qu’est-ce que la Déclaration de Bamako pour la Francophonie ? Il s’agit du texte normatif de référence adopté en 2000 dans lequel la communauté francophone a consacré la consolidation de l’État de droit comme domaine d’attention prioritaire. D’où il résulte une volonté ferme d’appuyer, d’une part, la diffusion des principes fondamentaux du constitutionalisme démocratique, et de renforcer, d’autre part, les principes d’indépendance, d’efficacité et de transparence des institutions de l’État de droit, au nombre desquelles, de manière primordiale, la justice.

Quel juge, alors, est visé par le texte de Bamako ? Tous les juges en réalité. Les garanties portées par Bamako sont celles attendues de toutes les juridictions et particulièrement, bien entendu, des cours constitutionnelles en raison de leur positionnement sommital dans le paysage juridictionnel national, ainsi que de la particularité de leur office (contrôler en droit, le rapport de conformité entre deux normes politiques par essence, la constitution et la loi ; ou vérifier en tant que juge ordinaire la régularité des élections les plus politiques et donc les plus disputées qui soient, à savoir les élections législatives et présidentielles).

D’où une question centrale : que consacre et que permet la Déclaration de Bamako pour les juges en général et pour les juges constitutionnels en particulier ?

La Déclaration de Bamako définit les principes directeurs du statut du juge dans l’espace francophone (I) ; tout en ayant vocation à être mise en œuvre par les juges de l’espace francophone (II).

I. Les principes directeurs du statut du juge et la Déclaration de Bamako

Nous voudrions rappeler ici les grands principes qui fondent l’intervention du juge en s’appuyant sur la Déclaration de Bamako qui donne un véritable cadre statutaire et prescriptif à son office.

1. La primauté du droit, la reconnaissance et la protection des droits fondamentaux, l’adhésion aux valeurs démocratiques sont au centre des préoccupations des États notamment depuis les processus de démocratisation amorcés dans les années quatre-vingt-dix en Afrique et en Europe centrale et orientale.

Il n’y a donc pas d’État de droit sans la construction d’institutions indépendantes, efficaces et transparentes, au nombre desquelles, et tout particulièrement, les institutions juridictionnelles.

Cette conviction, au cœur de l’engagement francophone, se traduit très concrètement dans le chapitre 4 de la Déclaration de Bamako [1] au terme duquel, pour la consolidation de l’État de droit, les États s’engagent d’une part à « renforcer les capacités des institutions de l’État de droit, classiques ou nouvelles, et œuvrer en vue de les faire bénéficier de toute l’indépendance nécessaire à l’exercice impartial de leur mission » ; et, d’autre part, à « assurer l’indépendance de la magistrature, la liberté du Barreau et la promotion d’une justice efficace et accessible, garante de l’État de droit, conformément à la Déclaration et au Plan d’action quinquennal du Caire adoptés par la IIIe Conférence des Ministres francophones de la justice ».

En faisant de l’indépendance de la magistrature, de l’impartialité des institutions et de la protection efficace des libertés un engagement prioritaire, la Déclaration de Bamako sert donc un statut fort et renforcé des juges, et notamment des juges constitutionnels, premiers garants des droits fondamentaux et derniers remparts contre l’arbitraire du pouvoir politique.

2. En découlent au moins trois exigences cardinales qui guident systématiquement et de manière continue les actions déployées par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans le champ de la justice.

Ces trois exigences sont placées au centre du dispositif de Bamako qui mobilise toute l’attention de l’OIF. À ce titre, ces principes directeurs ont été constamment affirmés et développés dans les rapports sur l’état des pratiques de la démocratie, produits en suivi de la Déclaration, et largement nourris du travail d’analyse et d’expertise des différents réseaux sur leur perception des situations de la justice, notamment l’ACCPUF. Une véritable synergie OIF-réseaux s’instaure ainsi, débouchant sur la formulation d’un certain nombre de recommandations qui, au premier chef, servent le statut du juge (cf. les exemples infra). Dans le prolongement, la XIIIe Conférence des chefs d’État et de gouvernement réunie à Montreux les 23-24 octobre 2010 a délibéré sur une résolution portant sur la « Déclaration de Bamako dix ans après son adoption » réaffirmant les engagements dans le champ des quatre grands chapitres de Bamako (pour la consolidation de l’État de droit, pour la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, pour une vie politique apaisée, pour la promotion d’une culture démocratique intériorisée) [2].

Premièrement, une garantie statutaire, celle de l’indépendance.

L’indépendance réelle de la justice exige que l’institution judiciaire échappe à toute pression et toute influence du pouvoir politique. Qu’il s’agisse de la juridiction elle-même (ce qui pose la question de la tutelle des ministères de la justice et par voie de conséquence, la subordination mécanique du ministère public au pouvoir politique par un lien hiérarchique incompatible avec l’autonomie fonctionnelle nécessaire, du rôle des conseils supérieurs de la magistrature, de l’insuffisante autonomie financière des institutions judiciaires, ou du manque de moyens humains et d’infrastructures adaptées) ; ou qu’il s’agisse des juges, dont le recrutement, le déroulement de la carrière (l’inamovibilité constitue à cet égard une garantie fondamentale de la carrière des juges judiciaires et est le point d’ancrage de l’indépendance) ou la sanction disciplinaire de leurs manquements doivent être soustraits à toute ingérence politique et régis par des règles transparentes et démocratiques.

Appliqué aux cours constitutionnelles, le principe d’indépendance renvoie, bien sûr, aux mêmes considérations que précédemment tout en exacerbant leur portée en raison de la nature du contentieux que ces cours doivent arbitrer et de leur légitimité sans cesse remise en question. L’indépendance résulte, ainsi, à la fois des garanties prévues par les textes (inamovibilité, incompatibilités, collégialité, durée du mandat, protection accordée aux membres des juridictions) ; mais aussi de la situation matérielle réservée aux juges. Concernant les garanties textuelles, la procédure constitutionnelle de désignation des membres des cours et conseils constitutionnels (par l’exécutif et le législatif) est, par exemple, source de suspicion de partialité, faisant craindre une sorte d’allégeance à l’égard des autorités de nomination, autorités essentiellement politiques. Concernant les garanties matérielles (autonomie budgétaire en particulier), les cours sont encore loin de disposer des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions (personnel insuffisant, autonomie budgétaire limitée ou défaillante)…

On mesure ainsi à quel point le principe d’indépendance est déterminant, mais combien aussi il est fragile. En dépit des élans impulsés par l’adoption de la Déclaration de Bamako, et plus récemment par la Déclaration de Paris adoptée à l’issue de la IVe Conférence des Ministres francophones de la justice, le principe d’indépendance est certainement le principe de fonctionnement qui connaît encore aujourd’hui le plus d’atteintes.

Aussi, les régressions dans la mise en œuvre de l’indépendance conduisent nécessairement à en repenser sa portée dans une perspective plus pragmatique et réaliste. Il faut sans doute considérer que si l’indépendance judiciaire est un idéal de fonctionnement à atteindre, le principe sert aussi à promouvoir un certain nombre d’objectifs essentiels dans une société démocratique, au nombre desquels la confiance des justiciables envers leur système judiciaire et le règne de la primauté du droit.

Aussi les recommandations formulées dans les rapports sur l’état des pratiques de la démocratie depuis 2004 visent-elles à « promouvoir une justice indépendante, accessible et efficace » en « contribuant [notamment] à la modernisation des systèmes judiciaires ; […] en soutenant (…) l’élaboration d’études afin de donner une impulsion aux réformes jugées décisives pour les systèmes judiciaires des États francophones ; et [en] consolidant un modèle de grille d’indicateurs de référence d’évaluation de la qualité de la justice ». En découle la seconde exigence.

Deuxièmement, un impératif de fonctionnement, celui de l’efficacité

Derrière l’enveloppe constitutionnelle du pouvoir juridictionnel réalisant une mission de service public, la justice tend de plus en plus à être appréhendée comme une politique publique de l’État qui conduit ce dernier à en mesurer l’efficience et la performance, conformément à l’objectif de la Déclaration de Bamako de promouvoir une justice efficace et accessible.

Or, cette efficacité des décisions de justice, constitutionnelle ou ordinaire, est bien trop souvent entravée. Les freins à l’efficacité renvoient notamment aux lenteurs excessives de la justice (la plupart du temps liées à des législations obsolètes) ou à l’inexécution (ou la mauvaise exécution) des décisions des cours (dont l’administration ou ses agents sont paradoxalement les principales entraves). Ainsi, la construction d’indicateurs est une première traduction d’un seuil d’exigence commun de la qualité de la justice. Ces indicateurs doivent permettre, d’une part, l’accompagnement des réformes de la justice par l’identification des dysfonctionnements et de la manière d’y remédier ; ils doivent permettre, d’autre part, la concrétisation de l’objectif d’efficacité de la justice, porté par la Déclaration de Bamako.

Troisièmement, une condition démocratique, celle du développement des cours constitutionnelles L’État de droit est un État juridictionalisé ; à chaque acte normatif, son juge. Et plus on s’élève dans la hiérarchie des normes, plus le juge est spécialisé.

Ainsi, la promotion de l’État de droit et la protection constitutionnelle des droits fondamentaux qui l’accompagne a conduit les cours constitutionnelles, au fur et à mesure des révisions constitutionnelles, à voir leur champ d’attributions étendu, qu’il s’agisse de la régulation et l’arbitrage des conflits entre les pouvoirs publics, du contrôle des normes ou du contrôle exercé en matière électorale. À côté des extensions par le constituant, les cours n’ont pas hésité à user de leur pouvoir d’interprétation pour repousser les limites de leurs compétences et redéfinir le périmètre de leur office, au risque d’encourir la critique d’un certain activisme judiciaire [3].
Mais face à l’intensification des crises, à l’instabilité du contexte politique ainsi qu’aux pressions internes et internationales, les cours risquent bien d’être les premières victimes. Elles sont sollicitées plus ou moins volontairement pour avaliser une crise ou pour faciliter une sortie de crise. Elles sont critiquées lorsqu’elles font prévaloir le respect formel de la constitution pour valider des changements non démocratiques, et à l’inverse le sont également si elles n’invoquent pas le strict respect de la constitution. Bref, elles se retrouvent dans une position d’enfermement qui rend vite leur office impossible et leur situation intenable. Car les cours se retrouvent prises en tenaille entre, d’un côté, une augmentation (légitime) des attentes ; et de l’autre, une plus grande exposition à la critique des responsables politiques et/ou des opinions publiques.
C’est au final la question de leur légitimité, c’est-à-dire de leur fonction pédagogique et pacificatrice qui est constamment posée. Légitimité en période de crise et soupçon de défiance. Légitimité en période de stabilisation et soupçon d’inféodation au pouvoir politique. Développer une stratégie de légitimation sociale auprès des citoyens et travailler à la diffusion d’une culture de constitutionnalité, pourraient permettre, à cet égard, de lutter contre les risques de déstabilisation.

3. Sur ces trois terrains privilégiés par la Déclaration de Bamako, et particulièrement sur celui de l’indépendance, il convient de saluer le travail de l’ACCPUF. Deux séries d’exemples en attestent. D’abord, comme l’indépendance du juge passe par une formation adéquate, les réseaux judiciaires francophones, parmi lesquels l’ACCPUF, conformément à leurs objectifs, organisent périodiquement des sessions de formation au profit des juridictions membres sur des sujets proposés par elles-mêmes sur la base des préoccupations qui touchent directement à leur office.

Ensuite, le 5e Congrès de l’ACCPUF, à Cotonou (2009) avait-il pour thème « Les Cours constitutionnelles et les crises » ; ou la Conférence des Chefs d’institutions tenue à Bucarest en 2005 a-t-elle permis l’adoption d’une résolution sur l’indépendance des juges et des juridictions. Mais il conviendrait aussi de citer les études que votre réseau à réalisées en 2006, 2008 et 2010 notamment, à la demande de la Délégation à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme de l’OIF, en vue de la rédaction des rapports sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone. Il convient de noter à cet égard que la contribution de 2006 portait sur l’indépendance du juge. À partir de ce constat, on peut estimer que la Déclaration sert l’activité du juge tant sur la scène nationale que sur la scène internationale ; ce qui pose la question de son appropriation par les juges, constitutionnels en l’espèce, et donc de sa mise en œuvre.

II. Le juge constitutionnel et la mise en œuvre de la Déclaration de Bamako

Les juges constitutionnels doivent non seulement pouvoir développer mais aussi affirmer une conscience politique et démocratique dans le cadre de la coopération ; conscience fondée sur les valeurs portées par l’OIF. L’activité juridictionnelle n’est pas incompatible avec l’affirmation de positions fortes et engagées. La Déclaration de Bamako en est le support ; le réseau de l’ACCPUF le vecteur.

De là, trois observations.
1. Première observation : l’approfondissement du dialogue des juges passe par les activités para-juridictionnelles et notamment le développement de relations internationales. Le renforcement de la coopération transnationale en est le levier.

L’adoption de la Déclaration de Bamako a contribué à l’intensification des concertations périodiques entre les hautes juridictions autour de thématiques majeures, souvent liées aux garanties de l’État de droit, qui sont autant d’occasions d’échanger des expériences et d’instaurer un dialogue constructif. Ces relations transnationales se matérialisent bien entendu dans le travail quotidien du juge, par exemple par le recours aux arguments de droit comparé ou international ; mais se formalisent aussi en dehors de l’office du juge à travers la création d’associations de cours suprêmes qui ont pour point commun d’appartenir à un même ordre (constitutionnel – ACCPUF – ; ordinaire – AHJUCAF, AA-HJF, … –) et donc de partager les mêmes préoccupations.

Les réseaux institutionnels francophones dans le champ de la démocratie et des droits de l’homme sont précurseurs et marquent véritablement la spécificité de la démarche francophone. Le secteur des institutions de la justice, vous le savez, est particulièrement bien représenté. Leur importance est telle pour la coopération francophone que la Déclaration de Bamako a placé ces réseaux au centre du processus d’observation, notamment dans le cadre du chapitre 5 de la Déclaration qui prévoit le suivi de la mise en œuvre des engagements du chapitre 4, faisant d’eux les véritables vigies des entorses à l’État de droit et des régressions démocratiques.

À ce titre, le rapport (3 septembre 2010) du Panel d’experts de haut niveau sur la problématique du passage de l’alerte précoce à la réaction rapide, constatant le savoir-faire des réseaux, à travers leur force d’expertise et leur rôle dans la collecte d’une information de qualité, propose de les associer plus étroitement. Il recommande ainsi « qu’une attention particulière soit portée à l’implication des acteurs de la communauté francophone, notamment les États membres, les réseaux institutionnels et leurs membres ainsi que les OING, en vue de l’alerte précoce et de la réaction rapide. Ils devront être considérés comme de véritables agents de prévention des crises et des conflits, et devront, pour ce faire, être sensibilisés à l’importance de ce rôle (…) » [4]; Cette fonction n’est en réalité pas nouvelle ; l’ACCPUF met déjà en œuvre un travail de veille sur les décisions et les situations des cours constitutionnelles, travail qui contribue à alimenter le site de l’association. Et qui montre, une nouvelle fois, la convergence tant des préoccupations que des actions menées entre l’OIF et l’ACCPUF. Les actions de renforcement des capacités des cours constitutionnelles participent elles de la prévention structurelle des crises et des conflits.

2. Dans ce cadre là, et c’est ma deuxième observation, l’ACCPUF peut être une tribune qui permette aux Cours qui en sont membres de partager leurs préoccupations, évoquer des atteintes à leur indépendance, à leur fonctionnement régulier, notamment face aux situations de crise constitutionnelle ou aux situations attentatoires à l’indépendance des juges, identifiées dans les communiqués et résolutions du Conseil permanent de la Francophonie, et transmises aux présidents et secrétariats généraux des réseaux. En découle la solidarité qui sera manifestée à ces Cours. Il s’agit là d’un acte de solidarité complémentaire. Et plus largement, il en va de la conscience de solidarité, valeur cardinale de l’engagement francophone, qui est à ce titre au fondement même de la coopération internationale et de la constitution des réseaux de la Francophonie.

Bien sûr, la nature même de la fonction juridictionnelle semble s’opposer à toute prise de position politique. Bien sûr, les juges peuvent se sentir mal à l’aise, devoir de réserve oblige, car a priori peu armés pour se prononcer sur des sujets politiques. Bien sûr d’aucuns pourraient considérer, et peut-être à juste titre, qu’il y a, d’un côté, la compétence diplomatique de l’État à qui il revient de faire valoir une position politique quand il y a, de l’autre côté, l’office du juge et sa compétence juridictionnelle à qui il incombe de rendre une décision en droit et rien qu’en droit.

Tout cela est vrai. Mais tout cela est vrai en ce qui concerne le juge constitutionnel national, pris dans son individualité – et on ne saurait lui reprocher qu’il en fût autrement, au risque de procès en illégitimité et abus de pouvoir ; mais cela est moins vrai concernant l’ACCPUF qui en tant que réseau, intègre la Déclaration de Bamako dans ses statuts et doit, à ce titre, servir d’amplificateur strong>des pratiques positives, de tribune et de forum de discussion. Il y a bien une exigence de solidarité au service des valeurs portées par un juge indépendant : ces valeurs doivent être promues et portées dans le cadre général de la coopération.

L’article 3 des statuts du 9 avril 1997 dispose à cet égard que : « L’Association a pour but de favoriser l’approfondissement de l’État de droit par un développement des relations entre les institutions qui, dans les pays ayant en partage l’usage du français, quelles que soient leurs appellations, ont dans leurs attributions, compétence de régler en dernier ressort avec l’autorité de chose jugée, les litiges de conformité à la Constitution ».
Et l’alinéa suivant précise que : « L’Association participe à la mise en œuvre des engagements souscrits dans la Déclaration de Bamako, du 3 novembre 2000, par les Ministres et chefs de délégation des États et gouvernements des pays ayant le français en partage ».

La lecture des statuts confirme bien l’idée selon laquelle les valeurs portées par l’ACCPUF sont bien les valeurs de Bamako ; la convergence est là, il reste à la traduire concrètement.

En conséquence de quoi, et dès lors que l’on considère le tout (l’ACCPUF) pour la partie (le juge national), les obstacles évoqués à l’instant et qui résultent de la rencontre des deux chefs de compétence (diplomatique et juridictionnelle) sont surmontables ; et l’audace du réseau doit prendre le relai du self-restraint du juge national dans la mise en œuvre de Bamako.

3. En découle ma troisième observation.

La Déclaration de Bamako est un texte politique, donc porteur de valeurs fortes ; à ce titre, la Déclaration nécessite une mise en œuvre qui vise à lui donner tout son effet utile.

L’engagement souscrit par les Cours qui participent à l’Association implique de condamner, d’une manière ou d’une autre, les atteintes portées aux juridictions constitutionnelles. Il est difficile de participer à nombre de réseaux régionaux ou sous-régionaux sans avoir de temps à autres à prendre clairement position, tout en tenant compte des différences de cultures et de contextes, sur des situations incompatibles avec la vocation du réseau. Car l’adhésion à un groupe porteur de valeurs implique la mobilisation de ses membres pour les défendre.

C’est ici faire la preuve d’engagement ferme des juges constitutionnels envers la démocratie. C’est aussi la manifestation de la conscience politique que doit avoir un juge quand il participe à une action de coopération francophone. Et c’est enfin une haute conception de la solidarité au service de la culture de constitutionalité.

Je vous remercie.


  • [1]
    « (…) Constatons : que le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, au cours de ces dix dernières années, comporte des acquis indéniables : consécration constitutionnelle des droits de l’homme, mise en place des Institutions de la démocratie et de l’État de droit, existence de contre-pouvoirs (…) ».  [Retour au contenu]
  • [2]
    Plus particulièrement, concernant le renforcement de l’État de droit, les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés à « œuvrer en faveur du renforcement de l’indépendance et des capacités des institutions judiciaires, y compris des barreaux, ainsi que du droit à un recours effectif à la justice nationale et internationale, en procédant à la réforme et à la modernisation du droit et de la justice ».  [Retour au contenu]
  • [3]
    L’essor du constitutionalisme, l’ouverture des cours au droit comparé et international, la judiciarisation des rapports sociaux et l’hyper-politisation de la vie publique ne peuvent que les y pousser.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Francophonie : agir pour prévenir, Rapport du Panel d’experts de haut niveau sur la problématique du passage de l’alerte précoce à la réaction rapide, OIF, 2010.  [Retour au contenu]

Clôture de la Conférence

Clôture de la Conférence

Rapport général de synthèse

M. Jean du Bois de Gaudusson

Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux-IV

Président honoraire de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)

C’est avec une réelle émotion que nous nous retrouvons au Niger, deux ans après y avoir séjourné comme membre d’une délégation dépêchée par le Secrétaire général de la Francophonie, en un moment particulièrement difficile pour la Cour constitutionnelle et sa Présidente, qui ne l’était plus… Le droit et la démocratie ont depuis triomphé, il faut s’en féliciter ; mais cette épreuve a montré combien est d’actualité le thème retenu de la 6e Conférence des chefs d’institutions de l’ACCPUF : « Le statut du juge constitutionnel ».

L’exercice auquel nous avons l’honneur de nous livrer devant et avec vous est plus que jamais délicat tant les réponses au questionnaire qui vous a été adressé ont été nombreuses et argumentées, tant les communications développées par plusieurs d’entre vous durant ces deux jours ont été riches et les débats intenses et animés. Il a fallu choisir et vous risquez de ne pas retrouver trace, ou si peu, de toutes vos interventions C’est la loi du genre, plus dure que jamais – dura lex, sed lex – aujourd’hui parce qu’il a été retenu une interprétation extensive du sujet : les réponses et les débats ont porté non seulement sur le juge, personne physique, mais aussi sur la juridiction constitutionnelle et ses compétences ; on ne pouvait éviter un tel élargissement en raison des liens existants, en quelque sorte naturellement, entre le juge et la juridiction ; l’appréciation du statut du juge constitutionnel est étroitement liée au statut de l’institution à laquelle il appartient, à sa nature et aux compétences qui lui sont dévolues, à son rôle situé à la croisée du droit et du politique, peut-être même de la religion. Le questionnaire a d’ailleurs incité vos Cours et Conseils à répondre dans ce sens ; ce ne sont pas moins de cinq rubriques qui leur ont été soumises : entrée en fonction et déroulement de carrière, obligations du juge, droits du juge, les garanties de l’indépendance du juge, le juge constitutionnel et l’opinion publique, le juge constitutionnel dans les instances internationales (cf. le texte du questionnaire et les réponses apportées par les Cours et Conseils, ainsi que les communications présentées durant la Conférence).

La tâche de votre rapporteur est rendue plus ardue encore par la diversité des solutions et des règles en usage dans l’espace francophone. Cette diversité ne peut étonner en raison des différences de parcours historique des États et de la variété des écoles juridiques entre lesquelles les pays se partagent. Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’unité, si tant est qu’elle soit à elle seule un but légitime, est hors d’atteinte. Comme l’ont démontré les échanges, il n’existe pas un juge constitu tionnel francophone ni même un « juge constitutionnel africain » ; on peut certes considérer dans ce dernier cas qu’en Afrique le juge constitutionnel se trouve placé face à une série de défis communs, d’ordre socio-économique ou politique comme c’est le cas pour les pays entrés en transition démocratique c’est-à-dire confrontés à la toute puissance d’un pouvoir exécutif et de son chef qu’il s’agit de soumettre à l’État de droit démocratique et pluraliste. De tels défis n’appellent pas pour être relevés des solutions juridiques, juridictionnelles, institutionnelles identiques ; la reconnaissance de cette pluralité des voies et des moyens est acceptée en francophonie ; elle est même encouragée, comme en témoigne de manière éclatante la « Déclaration de Bamako » : ce texte fondateur, adopté le 3 novembre 2000, rappelle sans ambiguïté que l’adhésion aux mêmes valeurs et aux mêmes principes universels n’implique pas l’adoption des mêmes règles et institutions : « pour la Francophonie, il n’y a pas de mode d’organisation unique de la démocratie et (…) dans le respect des principes universels, les formes d’expression de la démocratie doivent s’inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple » (article 3-2).

C’est à ce niveau et dans ce cadre, et selon une opinion partagée par la plupart d’entre nous, dans ce cadre seulement, que prend tout son sens la référence à la contextualisation qui a alimenté à plusieurs reprises les échanges de la Conférence, et pas seulement à propos de l’Afrique ou du juge constitutionnel. L’appréhension de l’adaptation au contexte est toujours particulièrement sensible, s’inscrivant sur un arrière-plan fait de relations complexes entre universalisme et relativisme, et l’on a observé que la signification de la contextualisation revêt de nombreuses significations ; en tout état de cause, même si cette opinion est refusée par certains estimant que la contextualisation concerne le législateur et non le juge, le juge constitutionnel est directement concerné, qu’on le veuille ou non, lorsqu’il se livre à l’interprétation des textes. Bien des règles et des procédures s’expliquent par l’histoire, un rapport entre des forces politiques, la recherche de compromis, l’influence des hommes à un moment donné, une idéologie dominante diffusée ou non au plan national, autant d’éléments expliquant qu’il n’existe ni un juge francophone ni un juge africain, mais des juges francophones, des juges africains…

Mais il convient de souligner immédiatement que des principes communs s’imposent et que l’appartenance à la Francophonie, considérée comme une communauté de valeurs, implique que l’on dépasse le simple constat des différences. Pour le propos d’aujourd’hui, cela signifie que soit utilisée une grille d’analyse et d’évaluation commune ; celle-ci a d’ailleurs été rappelée lors de l’ouverture de la Conférence par Mme le Président du Conseil constitutionnel du Niger : il s’agit de tendre vers l’image d’un juge « équidistant de toutes les contingences partisanes », jouant le rôle de « sentinelle en fonction aux portes du temple de la démocratie et en état de veille ».

Ce sont très exactement les termes de référence de notre Conférence : la réflexion sur le statut du juge ne prend son intérêt et ne trouve toute sa pertinence, toute sa force que mise en perspective avec cette fonction essentielle du juge. C’est en cela que le juge constitutionnel n’est pas tout à fait un juge comme les autres, même s’il est un juge, qu’il tend à le devenir un peu partout dans le monde ; mais, comme cela a été plusieurs fois rappelé, il reste un juge spécial, à la fois protégé et régi par un régime exorbitant justifié par son rôle. Spécial, il l’est aussi par les incompréhensions dont on ne peut pas ne pas tenir compte, de la part des gouvernants – ce qui ne saurait étonner – mais aussi des citoyens. Le juge constitutionnel est l’objet de contestations émanant tant des gouvernants que des gouvernés, les uns et les autres suspectant son impartialité et insinuant sa dépendance. La raison n’en est pas nécessairement un défaut du dispositif institutionnel du comportement des juges, mais bien plutôt l’extrême sensibilité politique des litiges dont les cours sont saisies et la nature du contentieux que celles-ci doivent traiter.

Les textes n’en contribuent pas moins à assurer l’indépendance et l’impartialité des juges, mais l’observation de la réalité quotidienne montre combien il faut aussi nuancer l’influence attribuée aux règles et ne pas sous-estimer la part des hommes. À la réserve près, essentielle dans votre réflexion, que la définition d’un statut adéquat – qui rappelons-le s’accommode de la diversité des mécanismes et des règles – est fondamentale pour l’aide qu’il apporte aux hommes, aux juges pour remplir leurs fonctions et pour respecter « leur devoir de conscience ». Les débats ont montré l’utilité de puiser dans les ressources du droit comparé, sans pour autant rechercher et construire des modèles ; sans non plus en venir à assurer que toutes les solutions se valent. Il y a des expériences dont il est possible de tirer des enseignements, des dispositifs juridiques et institutionnels, des jurisprudences qui apparaissent tantôt comme des facteurs favorisant le jeu démocratique et le règne du droit, tantôt comme sinon « conflictogènes » c’est-à-dire provoquant des tensions et des blocages : plusieurs exemples en ont été donnés avec l’utilisation de mots ambigus, devenant polysémiques et donc source de conflits (ce fut le cas, on y reviendra, lorsqu’il s’est agi de déterminer la portée de l’obligation de réserve s’imposant aux juges constitutionnels) ; ou encore avec ces silences de la loi et de la Constitution, à l’origine d’interprétations divergentes et de difficultés politiques ; on s’est ainsi interrogé sur la durée des mandats des présidents des cours constitutionnelles lorsque aucune précision n’est apportée par le texte ou sur la distinction entre incompatibilité – dont le champ d’application est de plus en plus étendu – et inéligibilité.

Dans l’impossibilité de reprendre tous les aspects du statut du juge constitutionnel, on ne fera état ici que des points qui ont donné lieu aux échanges les plus fournis et qui sont apparus comme de réels sujets de vos préoccupations tels qu’ils se sont aussi exprimés dans les réponses au questionnaire.

I. Les modes de désignation des juges

La composition des cours et conseils constitutionnels est souvent présentée en termes manichéens, avec une critique appuyée des modes de désignation faisant intervenir des autorités politiques en lesquelles on voit un facteur de politisation de l’office des juges.

La réalité est évidemment plus complexe et toute appréciation nécessite la prise en compte d’autres paramètres : la diversification des autorités politiques, la procédure de désignation, celle-ci étant de plus en plus réglementée et faisant intervenir plusieurs autorités, et l’intervention d’autres autorités de nomination que politiques. Dans la quasi-totalité des cas, il y a pluralité d’autorités politiques (résident de la République, des assemblées parlementaires…), et la procédure de désignation par une autorité fait intervenir une autre autorité (un bon exemple récent en est donné par la France avec la réforme de 2008). En outre, le pouvoir discrétionnaire des autorités politiques tend à être limité par le respect de conditions de plus en plus nombreuses que doivent remplir les candidats. Outre des conditions relatives à l’âge, minimum ou/et maximum (de 35 à 74 ans), au sexe (République centrafricaine), on observe une nette tendance à exiger que les juges aient une qualification profes sionnelle (juridique et judiciaire, universitaire, administrative, parfois politique, mais aussi une compétence juridique, de niveau variable, parfois le plus élevé, le cas échéant sanctionné par un diplôme universitaire).

Le choix de professionnels et praticiens du droit est généralement justifié par l’idée que l’interprétation de la Constitution est par nature une opération juridique qui nécessite une compétence technique, une expertise de haut niveau. Il semble qu’il y ait une opinion forte dans ce sens, mais elle n’est pas partagée unanimement. Que l’on se souvienne des écrits des professeurs Marcel Prélot et Jean Boulouis selon lesquels : « l’interprétation constitutionnelle est le produit d’une démarche complexe qui ne relève pas toute exclusivement de la technique juridique ». Il convient aussi de rappeler l’opinion d’un Vice-président de la Cour sud-africaine, pour qui il est important que soient choisis des juges parmi d’autres secteurs que la magistrature. Dans la réalité de la plupart des États, il est prévu la présence de professionnels du droit dans leur diversité : magistrats – rarement seuls sauf dans les États où le juge constitutionnel est intégré dans l’appareil judiciaire (Canada, Suisse) –, avocats, professeurs de droit (dans la quasi-totalité des cas, mais il y a quelques rares exceptions notoires…), mais aussi celle de personnalités ayant une expérience politique ou assurées d’une grande réputation professionnelle, ce qui n’interdit pas, dans les faits, une compétence juridique… On voit dans cette association un gage d’équilibre et de compréhension des enjeux politiques qui ne peuvent être occultés : il semble bien que la notion de Constitution ne saurait s’épuiser dans sa seule vertu normative.

En tout état de cause, quelles que soient les qualifications, il est illusoire de penser que toute considération politique puisse être écartée ; les juristes, quels qu’ils soient, ont aussi une âme politique, et tous les intervenants se sont accordés pour considérer que l’essentiel était que les juges respectent leur fameux devoir d’ingratitude rappelé par le Président de la République du Niger dans son discours d’ouverture de la Conférence, devoir dont il revient aux règles statutaires de nomination, d’inamovibilité, de protection pénale et disciplinaire, de rémunération que vous avez examinées et évaluées d’en favoriser l’exercice. Dans le même sens, il a été notamment observé une nette évolution dans le durcissement du régime des incompatibilités jusqu’à les confondre avec les inéligibilités en lequel on voit un facteur supplémentaire à la fois de l’indépendance des juges et de leur professionnalisation.

II. Sur la présence des anciens chefs d’État

La question de la présence des anciens chefs d’État s’est invitée dans les débats de la Conférence ; à l’étonnement des Français qui connaissent depuis 1958 cette participation, aujourd’hui vivement critiquée en raison des inconvénients et difficultés qu’elle engendre et de son inadaptation au contexte politique actuel : introduite en 1958, cette participation s’est expliquée par une situation politique précise et le sort à réserver au Président Coty, un régime constitutionnel dont le président n’était pas élu au suffrage universel et un Conseil constitutionnel fort éloigné du modèle des cours. L’évolution du rôle exercé par le Conseil et plus récemment, la création de la question prioritaire de constitutionnalité rendent plus contestable que jamais une spécificité, … qui n’est plus française. On la retrouve en effet dans la Constitution de la Côte d’Ivoire et il est prévu de l’adopter au Burkina Faso, à la condition que les intéressés « se désengagent de la politique active ».

Quelles que soient les raisons avancées pour inclure les anciens chefs d’État – notamment faciliter leur cessation de fonctions et une certain protection – cette solution n’en soulève pas moins une série de questions délicates dont vous avez longuement débattu, et par exemple : à quel moment devient-on ancien chef d’État ? Tous les chefs d’État sont-ils concernés, y compris ceux issus des coups d’État ? Quel statut leur réserver au sein de la juridiction (quelle immunité ? Sont-ils soumis à l’obligation de prêter serment ?) ? Et, d’une manière générale, comment parvenir à concilier la présence d’hommes politiques au plus haut niveau avec l’exercice indépendant de fonctions juridictionnelles ? Autant de questions sans réponses convaincantes, qui laissent penser qu’il y a d’autres solutions pour régler convenablement le sort à réserver aux anciens chefs d’État…

III. Sur l’opportunité de reconnaître aux juges constitutionnels la possibilité d’exprimer des opinions séparées (dissidentes, convergentes, divergentes)

Ce fut un des sujets de discussion où se sont manifestées des oppositions particulièrement tranchées, le clivage dépassant la distinction entre les pays de common law et les pays de civil law. Parmi les arguments en faveur de la publication des opinions séparées, on a relevé qu’il y avait là un facteur non seulement favorable au débat démocratique et à sa transparence mais aussi à l’indépendance du juge ; pour d’autres, cette reconnaissance entraînerait une politisation des juges, un durcissement du débat juridique et pour les cours et conseils un risque de perte de prestige, celles-ci se transformant d’autant plus facilement en forum politique que leur contentieux en période de transition est éminemment… politique.
Actuellement, seule une minorité des institutions de l’ACCPUF reconnaît l’expérience des opinions séparées : le Canada, la Roumanie, la Suisse, le Mozambique. La question n’en reste pas moins posée et il semble bien se dessiner un courant plutôt favorable à leur publication comme en témoignent les Cours constitutionnelles des pays de l’Europe centrale et orientale.

IV. Il y a enfin l’obligation de réserve

Familière à tous les juristes et aux fonctionnaires, cette notion a une finalité bien établie : on y voit une protection du secret des délibérations, une garantie de l’indépendance du juge constitutionnel, un facteur de crédibilité de la justice constitutionnelle et de la confiance que lui porte le citoyen. Et l’on connait les interdictions particulières de consultation, d’expression des opinions, de publication qu’elle entraîne ; elles sont énoncées dans tous les pays mais avec une rigueur variable, certains textes autorisant des expressions de la pensée, notamment scientifique.

Notion ambiguë, l’obligation de réserve fait partie de ces « notions à contenu variable », aux limites incertaines et aux interprétations divergentes. Deux points de divergence entre les statuts des juges furent particulièrement discutés.

  • Un premier concerne l’expression des opinions politiques et la poursuite d’activités politiques. Cette obligation est effectivement d’application délicate lorsqu’il s’agit de la combiner avec les droits politiques dont les juges bénéficient en tant que citoyens. On devine les difficultés qui peuvent survenir lorsqu’il s’agit d’apprécier si l’exercice d’une activité politique est inconciliable ou non avec l’indépendance, la dignité, de la juridiction et aux exigences de la fonction. Et la tendance observée va dans le sens d’une limitation de liberté d’expression politique, sous ses différentes formes. Cependant, il a été défendu le point de vue, notamment de la part du Liban, que contrairement à une opinion répandue et largement partagée dans l’espace francophone, l’obligation de réserve ne s’analyse pas nécessairement en une obligation de mutisme ; il s’agit bien plutôt d’un mode d’expression de la liberté, soumis à un certain nombre d’exigences éthiques.
  • Une autre occasion de discussion a concerné le niveau d’application de l’obligation de réserve : pour certains elle ne concernerait que le magistrat, individuellement et au plan national, et elle n’aurait pas vocation à être transposée au niveau collectif, celui des associations internationales de juges constitutionnels. De portée générale, la question prend une importance particulière dans la Francophonie, espace régi par l’obligation de respecter les valeurs fondant la démocratie pluraliste et les droits de l’homme. Peut-on admettre que l’association puisse s’exprimer pour défendre la dignité et l’honorabilité ou même l’existence des juridictions membres ou encore pour se prononcer en cas de crise, de rupture de la démocratie dans un pays membre ? Une telle association peut-elle donc se considérer exemptée de l’obligation de réserve qui s’impose aux juges constitutionnels, pris individuellement ? Le débat n’est pas théorique et a revêtu une réelle acuité dans plusieurs États membres, il n’y a pas si longtemps. Pour beaucoup d’entre vous, la majorité, les associations ne seraient pas concernées par l’obligation de réserve ; la lecture des réponses au questionnaire est instructive : elle fait apparaître que les Cours et Conseils constitutionnels de la Francophonie se doivent, au contraire, d’être sinon un « militant » de la Déclaration de Bamako du moins de contribuer à la promotion de la démocratie, de la justice et de la liberté ou encore, plus concrètement, comme l’a rappelé la réponse roumaine, d’aider à la consolidation et à la restauration de l’indépendance d’une juridiction et d’élever et uniformiser les standards de protection. D’autres propositions sont plus prudentes se contentant de renvoyer aux statuts des associations et de n’admettre qu’une obligation de réserve… allégée.

Bien d’autres sujets ont été abordés ; par exemple, le serment des présidents et conseillers : il est généralement exigé et tous les participants l’acceptent, à la condition qu’il ne soit pas l’occasion d’afficher, même symboliquement, une dépendance à une quelconque autorité politique. Ce qui signifie que la prestation de serment ne puisse être faite au chef de l’État (ou parfois au Parlement) mais devant lui ou en la présence des autorités politiques mais en aucun cas à l’autorité politique. Pour certains participants, la passation de serment devrait même se faire en l’absence des autorités politiques.

Il est impossible de conclure et, compte tenu de la doctrine énoncée dans la Déclaration de Bamako, d’imaginer un quelconque modèle de statut des juges constitutionnels. Les débats et les échanges ont ouvert des perspectives tenant lieu de recommandations, chacun tirant les conséquences des opinions émises et des expériences des uns et des autres.

Tout au plus peut-on attirer l’attention sur la nécessité plusieurs fois exprimée d’aller au-delà du droit et des textes. Ce n’était pas tout à fait l’objet de la Conférence, mais si le statut des juges est constitué d’une série de textes les plus importants dans la hiérarchie des normes, et de solutions jurisprudentielles, il est aussi fait de pratiques qui prolongent les textes et leur donnent consistance ou qui en restreignent la portée ou vont à leur encontre. Il y a, en outre, dans un autre sens, un statut… réel du juge ; il a été abordé, à l’occasion de l’étude des avantages matériels des juges ; et il vous a paru utile d’en pousser un jour l’analyse.

Il y a enfin l’ancrage politique du juge constitutionnel, on serait tenté de dire sociétal, sur lequel les participants sont souvent revenus tant il apparaît une condition d’une bonne et durable justice constitutionnelle. Il dépend dans une large mesure de la manière dont il remplit son office, de son indépendance mais aussi, comme cela a été notamment souligné par le Bénin, de sa relation avec une opinion publique dont il ne peut pas ne pas rester à l’écoute mais dont il doit savoir aussi se garder d’être trop sensible à ses manifestations, médiatiques notamment. Cette question fondamentale n’a pu être approfondie ; elle le sera l’an prochain lorsque vous vous retrouverez au Congrès qui se tiendra à Marrakech pour traiter des relations de la justice constitutionnelle et des citoyens.

Remerciements de Mme Salifou Fatimata Bazeye,

Président du Conseil constitutionnel de transition du Niger

Messieurs les Chefs des institutions constitutionnelles ayant en partage l’usage du français, Mesdames et Messieurs,

Il y a quelques heures, en même temps que je souhaitais aux participants à la VIe Conférence la bienvenue au Niger, je formulais le vœu de voir nos travaux se dérouler dans un parfait climat de paix et de sécurité.

À présent ce vœu est exaucé puisque nous voilà sans encombre au terme de nos travaux, lesquels ont répondu à l’attente générale.

En effet, les échanges auxquels ils ont donné lieu ont été enrichissants et édifiants à plus d’un titre et ont abouti à des conclusions très importantes pour le renforcement de l’État de droit dans notre espace francophone.

En cela les propos de Monsieur le Président de la République ont eu un écho favorable quand il disait, lors de la cérémonie d’ouverture, qu’il souhaitait vous voir regagner vos pays respectifs riches d’une importante moisson d’expériences partagées et de souvenirs agréables de votre séjour au Niger.

Messieurs les Chefs d’institutions et chers participants,

La réussite de nos assises, nous la devons à l’action commune de tous :

  • Nous la devons d’abord à l’action du Chef de l’État, qui, dès que le Niger a été pressenti pour abriter la Conférence, a donné son entier accord et soutien de qualité à tous égards, au Conseil constitutionnel de transition ;
  • Nous la devons au dynamisme de Maître Robert Dossou, Président de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français, qui a déployé une activité véritablement militante pour rassurer les ressortissants des pays attendus à la rencontre ;
  • Nous la devons aussi à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui a appuyé

financièrement la tenue de la Conférence ;

  • Nous la devons enfin à l’action des chefs des institutions constitutionnelles ici présents et à tous les participants dont les contributions ont permis d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Que toutes et tous en soient vivement et sincèrement remerciés.

Messieurs les Chefs des institutions constitutionnelles ayant en partage l’usage du français, Mesdames et Messieurs les participants, tout en saluant la coopération technique et les échanges d’expériences entre nos institutions constitutionnelles en vue de promouvoir toujours et encore la démocratie et l’État de droit, je vous souhaite un bon voyage et un bon retour dans vos pays respectifs.

Réponses des Cours constitutionnelles au questionnaire sur le statut du juge constitutionnel

Questionnaire

Le statut du juge constitutionnel

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?
Conditions de nomination :
Autorité(s) de nomination :
Procédure de nomination :
1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?
1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?
1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?
1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?
1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?
1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?
1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?
1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?
II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?
2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?
2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?
III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?
3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?
3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?
3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?
IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?
4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?
4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure est-elle organisée ?
4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?
4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?
V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?
5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)
5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?
5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?
VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?
6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Conseil constitutionnel d’Algérie

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Il n’y a pas de conditions expressément édictées par les textes. La composition du Conseil constitu- tionnel est de 8 membres plus le président du Conseil constitutionnel.

Autorité(s) de nomination :

Président de la République (3 membres dont le président)

Procédure de nomination :

Six membres élus par leurs pairs : Assemblée Populaire Nationale (2), Sénat (2), Cour suprême (1), Conseil d’État (1). Voir l’article 164, alinéa 1er de la Constitution.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Non.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non, aucune.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

6 ans (article 164 alinéa 4 de la Constitution).

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non (mandat unique).

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Aucun cas ne s’est présenté à ce jour du fait que la révocation ne soit pas prévue, à l’exception des cas disciplinaires qui sont tranchés par le Conseil constitutionnel (articles 55 et 56 des règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel).

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Non.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Aucune fonction rétribuée n’est autorisée (fonction publique, enseignement ou autres…)

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Le juge constitutionnel est aligné sur le statut de ministre du Gouvernement.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non, s’agissant d’un mandat limité à 6 ans (article 164 alinéa 3 de la Constitution).

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Devoir de réserve, aucune prise de position publique sur les questions relatives aux délibérations du Conseil constitutionnel, comportement exemplaire.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Oui (articles 55 et 56 des règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel).

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

La procédure est détaillée dans le règlement intérieur du Conseil constitutionnel, articles 55 et 56.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Oui, le Président du Conseil constitutionnel en sa qualité d’ordonnateur du budget de l’institution.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Non.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Non.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Non (car aucune immunité ni privilège de juridiction).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Non.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui (pendant la durée de leur mandat).

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure est- elle organisée ?

/

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Aucune relation avec la presse eu égard au devoir de réserve.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Oui (lorsqu’il censure des dispositions législatives).

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui. Mais le cas ne s’est jamais présenté.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Faire connaître la jurisprudence du Conseil constitutionnel de son pays.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Oui, lorsqu’il s’agit de délibérations relatives à l’institution dont il relève.

Cour constitutionnelle de Belgique [1]

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière

Recrutement / Nomination / Mandat :

Les juges à la Cour constitutionnelle sont nommés par le Roi. Les candidats lui sont présentés sur une liste de deux noms soumise alternativement par la Chambre des représentants et par le Sénat. L’assemblée à qui il revient de présenter les candidats constitue la liste double par deux scrutins secrets, un pour chaque présentation. Pour être présentés, les candidats doivent recueillir deux tiers des suffrages des membres présents (loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, article 32). Jusqu’à présent, le Roi a toujours nommé la personne présentée en premier lieu sur la liste [2]. La Cour constitutionnelle n’intervient pas dans la procédure de présentation des candidats. L’appel aux candidatures se fait par la publication d’un avis au Moniteur belge (journal officiel). Le juge nommé par le Roi prête serment entre les mains de celui-ci et entre immédiatement en fonction après cette prestation de serment.

Les juges sont nommés à vie ; en pratique ils restent en fonction jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 70 ans. Il n’y a donc pas de système de mandat limité ou renouvelable.

Conditions de nomination (article 34 de la loi spéciale du 6 janvier 1989)

Âge : minimum 40 ans, maximum 70 ans (âge de l’éméritat des juges).

Formation / expérience professionnelle : sur les 12 juges que compte la Cour, 6 doivent être d’anciens parlementaires et 6 doivent être des « juristes de haut niveau ». Les conditions de nomination relatives à l’expérience et à la formation sont donc différentes selon qu’il s’agit de pourvoir une place de juge « ancien parlementaire » ou une place de juge « juriste ».

Lorsqu’il s’agit d’une place « ancien parlementaire », le candidat doit avoir été pendant cinq ans au moins membre du Sénat, de la Chambre des représentants ou d’un parlement d’une collectivité fédérée (communautés et régions). Dans ce cas, il n’y a aucune condition de diplôme, les juges « anciens parlementaires » ne sont pas forcément juristes de formation.

Lorsqu’il s’agit d’une place « juriste », le candidat doit être titulaire d’un diplôme universitaire en droit, et doit avoir occupé, pendant 5 ans au moins, l’une des fonctions suivantes :

  • conseiller, procureur général, premier avocat général ou avocat général à la Cour de cassation ;
  • conseiller d’État, auditeur général, auditeur général adjoint, premier auditeur ou premier référendaire au Conseil d’État ;
  • référendaire à la Cour constitutionnelle ;
  • professeur ordinaire, professeur extraordinaire, professeur ou professeur associé de droit dans une université belge.

Irrévocabilité / Incompatibilités

La fonction de juge est incompatible avec les fonctions judiciaires, avec l’exercice d’un mandat public conféré par élection, avec toute fonction ou charge publique d’ordre politique ou administratif, avec les charges de notaire et d’huissier de justice, avec la profession d’avocat, avec l’état de militaire et avec la fonction de ministre d’un culte reconnu (article 44, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989). Les juges ne peuvent être requis pour aucun service public, sauf les cas prévus par la loi (article 45). Ils ne peuvent assumer la défense des intéressés ni leur donner des consultations, faire de l’arbitrage rémunéré, ni exercer aucune activité professionnelle, aucune espèce de commerce, être agents d’affaires, ni participer à la direction, à l’administration ou à la surveillance de sociétés commerciales ou d’établissements industriels ou commerciaux (article 46). Les parents et alliés jusqu’au troisième degré inclus ne peuvent être simultanément président ou juge et référendaire sans une dispense du Roi (article 47).

Sur avis favorable de la Cour, le Roi peut autoriser les juges à exercer des fonctions académiques au sein d’un établissement d’enseignement supérieur (avec un maximum de 5 heures par semaine), à exercer une fonction de membre d’un jury d’examen, à participer à une commission, à un conseil ou comité consultatif, pour autant que le nombre de charges ou fonctions rémunérées soit limité à 2 et que l’ensemble de leurs rémunérations ne soit pas supérieur au dixième du traitement brut annuel de juge (article 44, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989).

L’article 49 de la loi spéciale règle les questions de discipline pour les membres de la Cour. Les présidents et les juges « qui ont manqué à la dignité de leurs fonctions ou aux devoirs de leur état peuvent être destitués ou suspendus de leurs fonctions par arrêt rendu par la Cour ».

Aucune autorité extérieure à la Cour n’est habilitée à révoquer un juge pour quelque raison que ce soit.

Rémunération

Les présidents de la Cour perçoivent un traitement équivalent à celui du Premier président de la Cour de cassation. Les juges perçoivent un traitement équivalent à celui des avocats généraux à la Cour de cassation. Il n’y a pas de système d’avancement au sein de la Cour constitutionnelle, la carrière de juge est linéaire. Les traitements des membres de la Cour sont majorés après une période de trois, six, neuf, douze, quinze et dix-huit ans d’ancienneté utile.

Les présidents sont élus par les juges de leur groupe linguistique, et exercent la charge de président en principe jusqu’à l’âge de leur retraite.

II. Obligations du juge
1.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les juges de la Cour constitutionnelle sont soumis au devoir de réserve. Il leur est interdit de commenter ou de critiquer publiquement les décisions de la Cour, de donner leur avis sur une législation soumise au contrôle de la Cour, ou encore de briser le secret du délibéré.

De manière plus générale, il est attendu d’eux qu’ils se comportent conformément à la dignité de leur fonction.

1.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

L’article 258 du Code pénal, qui dispose : « Tout juge, tout administrateur ou membre d’un corps administratif, qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l’obscurité de la loi, aura dénié de rendre la justice qu’il doit aux parties, sera puni d’une amende de deux cents [euros] à cinq cents [euros], et pourra être condamné à l’interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics » est applicable aux juges de la Cour constitutionnelle (article 57 de la loi spéciale du 6 janvier 1989).

Les présidents et les juges « qui ont manqué à la dignité de leurs fonctions ou aux devoirs de leur état peuvent être destitués ou suspendus de leurs fonctions par arrêt rendu par la Cour » (article 49).

1.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

La loi ne prévoit pas la procédure. Aucun cas ne s’est jusqu’à aujourd’hui présenté.

III. Droits du juge

Sans préjudice de leur devoir de réserve qui limite quelque peu leur liberté d’expression, les juges constitutionnels bénéficient de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens belges. Ils ont notamment le droit d’être affiliés à un syndicat ou à un parti politique. Ils ne peuvent par contre pas exercer un mandat public électif.

Il n’y a pas de protection spéciale pour les actes accomplis dans l’exercice de la fonction de juge. En cas de poursuites pénales pour un délit passible d’une peine correctionnelle, les juges bénéficient du privilège de juridiction : ils sont jugés en premier et dernier degré par la Cour d’appel (code d’instruction criminelle, articles 479 et 483).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel n’est pas expressément affirmé par un texte de droit interne. Il est toutefois certain que les principes de l’indépendance et de l’impartialité du juge s’appliquent à la juridiction constitutionnelle et à ses membres. Ainsi, la Cour a elle-même jugé que, indépendamment de la question de savoir si l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme est applicable aux juridictions constitutionnelles, les exigences contenues par cette disposition en matière d’indépendance et d’impartialité du juge valent comme principes généraux du droit et sont en conséquence applicables à la Cour (arrêt n° 157/2009).

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Les juges constitutionnels sont inamovibles.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

La loi spéciale prévoit que les juges peuvent être récusés pour les causes suivantes (article 101 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, qui renvoie à l’article 828 du code judiciaire) :

  • s’il y a suspicion légitime ;
  • si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;
  • si lui-même ou son conjoint est parent ou allié d’une des parties en ligne directe ou collatérale jusqu’au 4e degré ou s’il est parent ou allié jusqu’au 4e degré du conjoint d’une des parties ;
  • si le juge, son conjoint, leurs ascendants et descendants et alliés ont un différend sur une question pareille à celle dont il s’agit entre les parties ;
  • s’ils ont un procès en leur nom devant un tribunal où l’une des parties est juge ;
  • s’ils sont créanciers ou débiteurs d’une des parties ;
  • s’il y a eu un procès criminel entre eux et l’une des parties ou leurs conjoints, parents ou alliés en ligne directe ;
  • s’il y a procès civil entre le juge, son conjoint, leurs ascendants et descendants ou alliés et l’une des parties, dans certaines circonstances ;
  • si le juge est tuteur, curateur, administrateur provisoire, héritier, donataire, maître ou associé d’une des parties ;
  • s’il y a inimitié capitale entre le juge et une des parties.

La partie qui entend récuser un juge doit le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation. Celle-ci doit être proposée par requête motivée adressée à la Cour. La Cour statue sans délai sur la récusation, le récusant et le juge concerné ayant été entendus (article 102 de la loi spéciale du 6 janvier 1989).

À l’occasion d’une affaire dans laquelle une des parties avait demandé la récusation de l’ensemble des magistrats de la Cour, celle-ci a précisé qu’étant donné qu’il n’était pas possible de composer un autre siège pour connaître de la récusation, la demande ne pouvait être traitée dans ce cadre (arrêt n° 71/2005).

Tout juge qui connaît une cause de récusation en sa personne est tenu de la déclarer à la Cour, celle-ci décide s’il doit s’abstenir. En général, le juge qui est dans cette situation se déporte, la Cour constate qu’il est empêché de siéger dans l’affaire et le remplace par un autre juge du même rôle linguistique. La loi précise que le fait qu’un juge a participé à l’élaboration de la disposition législative qui fait l’objet du recours en annulation ou de la question préjudicielle ne constitue pas en soi une cause de récusation (article 101, alinéa 2). Cette précision est utile du fait de la composition particulière de la Cour, qui comprend 6 juges qui sont des anciens parlementaires. Néanmoins, il est arrivé qu’un juge, qui avait été directement à l’origine de la norme en cause dès lors qu’il avait proposé le texte adopté par la suite, se déporte.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le nom des juges-rapporteurs est indiqué dans l’arrêt.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

En revanche, les résultats des votes et les opinions dissidentes ne sont jamais publiés.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

En Belgique, les juges constitutionnels ne sont pas soumis à des pressions particulières.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Les juges sont soumis à un devoir de réserve qui leur interdit de commenter ou de critiquer les arrêts rendus par la Cour, les législations soumises à son contrôle ou encore de briser le secret du délibéré. En revanche, ils peuvent s’exprimer dans la presse sur d’autres sujets, ou de manière générale sur le rôle et le fonctionnement de la juridiction constitutionnelle. Il est ainsi arrivé que certains présidents accordent des interviews à des journalistes à l’occasion de leur entrée en fonction ou de leur accession à l’éméritat.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Peu de critiques sont exprimées dans la presse. Les journalistes se limitent généralement à rendre compte du contenu des arrêts importants. Par contre, il n’est pas rare que les auteurs de doctrine, avocats ou professeurs d’université, critiquent la jurisprudence de la Cour dans les revues juridiques spécialisées.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

L’article 275 du code pénal punit d’un emprisonnement et d’une amende celui qui aura outragé par faits, paroles, gestes ou menaces un juge de la Cour constitutionnelle. Les peines sont augmentées si l’outrage a lieu au cours d’une audience. Par ailleurs, l’article 443 du code pénal érige la calomnie et la diffamation en infractions. Les juges qui seraient victimes d’outrage, de calomnie ou de diffamation peuvent déposer plainte et se constituer partie civile contre les auteurs de ces faits.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Dans les instances internationales, le juge constitutionnel peut apporter son expérience et partager les bonnes pratiques de sa juridiction, tout en s’enrichissant de l’expérience de ses collègues.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

En tant qu’association internationale, l’ACCPUF n’est pas tenue au même devoir de réserve qu’un juge national. Elle peut notamment émettre des avis ou des recommandations lorsqu’il s’agit, par exemple, de consolider ou de restaurer l’indépendance d’une juridiction constitutionnelle nationale.


  • [1]
    Réponses préparées par Bernadette Renauld, référendaire à la Cour constitutionnelle de Belgique.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Sauf une exception, mais c’était un cas dans lequel le candidat présenté en premier lieu ne remplissait pas toutes les conditions de nomination au moment adéquat.  [Retour au contenu]

Cour constitutionnelle du Bénin

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Les sept membres de la Cour constitutionnelle sont nommés conformément aux dispositions de l’article 115 de la Constitution du 11 décembre 1990.

Autorité(s) de nomination :

Des sept membres de la Cour constitutionnelle, quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et trois par le président de la République, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

Procédure de nomination :

Il est pourvu au renouvellement des membres de la Cour, vingt jours au moins avant l’expiration de leurs fonctions.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Pour être membre de la Cour constitutionnelle outre la condition de compétence professionnelle il faut être de bonne moralité et d’une grande probité (article 115 alinéa 2 de la Constitution).

La Cour constitutionnelle comprend :

  • Trois magistrats, ayant une expérience de quinze années au moins, dont deux sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et un par le Président de la République ;
  • Deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de quinze années au moins, nommés l’un par le Bureau de l’Assemblée nationale et l’autre par le Président de la République ;
  • Deux personnalités de grande réputation professionnelle nommée l’une par le Bureau de l’Assemblée nationale et l’autre par le président de la République.
1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Aucune condition d’âge n’est fixée.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Les membres de la Cour constitutionnelle sont nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois (article 115 alinéa 1).

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

D’après l’article 115 alinéa 4 de la Constitution, « les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle et du Bureau de la Cour suprême siégeant en session conjointe, sauf les cas de flagrant délit. Dans ces cas, le Président de la Cour Constitutionnelle et le président de la Cour suprême doivent être saisis immédiatement et au plus tard dans les quarante-huit heures. »

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Avant d’entrer en fonction, les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment devant le Bureau de l’Assemblée nationale et le président de la République (article 7 de la loi organique du 31 mai 2001).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec la qualité de membre du Gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute activité professionnelle. Ainsi que de toute fonction de représentation nationale… (article 9 de la loi organique du 31 mai 2001).

Cependant, en cas de mise en accusation du président de la République devant la Haute Cour de justice, son intérim est assuré par le président de la Cour constitutionnelle.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Les membres de la Cour constitutionnelle reçoivent un traitement fixé par la Loi ; ce traitement est égal au moins à celui alloué aux membres du Gouvernement (article 10 de la loi organique).

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Les avancements d’échelon et de grade des membres de la Cour constitutionnelle sont automatiques pour ceux qui sont fonctionnaires publics (article 9 alinéa 2 de la loi organique).

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

De façon générale, le juge constitutionnel a une obligation de réserve.

Entre autres obligations, il lui est interdit, pendant la durée de sa fonction, de prendre aucune position publique sur les questions ayant fait, ou susceptibles de faire l’objet de décisions de la part de la Cour. Il leur est également interdit de consulter sur lesdites questions (loi n° 91-009 du 31 mai 2001 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle, article 11).

Le juge constitutionnel peut toutefois produire des articles scientifiques. Mais leurs contenus ne peuvent aller dans un sens contraire aux décisions de la Cour.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

D’après l’article 5 du décret n° 94-11 du 26 janvier 1994 portant obligations des membres de la Cour constitutionnelle modifié par le décret n° 97-275 du 9 juin 1977 : « … La Cour constitutionnelle, au terme d’une procédure contradictoire, se prononce au scrutin secret et à la majorité des 2/3 de ses membres pour mettre fin aux fonctions d’un membre qui aurait méconnu ses obligations, enfreint le régime des incompatibilités ou perdu la jouissance de ses droits civils et politiques. »

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Il n’existe pas de rapport hiérarchique au sein de l’Assemblée des Conseillers.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

En dehors des avantages matériels, de l’immunité et du prestige dont ils jouissent il n’existe pas d’autres avantages particuliers.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Il existe au Bénin, depuis quelques années, un « cadre de concertation des chefs d’institutions constitutionnelles de la République ».
Le cadre de concertation apparaît comme une sorte d’amicale permettant aux Présidents des différentes institutions constitutionnelles de se retrouver périodiquement pour échanger des points de vue sur des questions d’intérêt nationales et/ou relatives à la vie des institutions. Ce cadre comprend : le Président de l’Assemblée nationale, le président de la Cour constitutionnelle, le président de la Cour suprême, le président du Conseil Économique et Social, le président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication et le président de la Haute Cour de Justice.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, les juges conservent leurs droits de citoyens ; sous réserve bien entendu, des incompatibilités et des obligations édictées par les textes.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Les membres de la Cour ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle et du Bureau de la Cour suprême siégeant en session conjointe, sauf les cas de flagrant délit. En outre, en cas d’outrage ou de diffamation et sur délibération de l’Assemblée plénière de la Cour, le président peut solliciter du parquet des poursuites.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Le principe de l’indépendance du juge est clairement affirmé dans la Loi fondamentale du Bénin en son article 125 alinéa 1er.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Les juges constitutionnels sont inamovibles.

Ce principe est affirmé sans ambages par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 (article 115 alinéa 3).

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Il n’existe pas de disposition spéciale au sujet de l’impartialité du juge constitutionnel.

Aucun texte n’organise la procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel. Dans la pratique le déport existe en cas d’empêchement d’un conseiller au regard d’un dossier précis.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Toutes les décisions de la Cour constitutionnelle béninoise mentionnent le nom du juge-rapporteur et comportent les noms de tous les conseillers ayant siégé. Seules les décisions de proclamation des résultats des élections présidentielles et législatives ne comportent pas de rapporteur.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Les décisions de la Cour constitutionnelle ne font pas état des opinions dissidentes.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Les pressions sont constantes par presse interposée, par rumeurs véhiculant menaces et par moment par des manifestations contre et devant la Cour constitutionnelle.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le devoir de réserve est de rigueur. Cependant de temps à autre il s’avère indispensable de publier un communiqué ou d’intervenir à la télévision.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Les critiques sont inévitables, surtout de la part de la classe politique qui tire régulièrement à boulets rouges sur la Haute Juridiction…

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

L’Assemblée des conseillers a souvent fait preuve d’une grande sérénité.

Et quand l’outrage et/ou la diffamation se font par médias interposés, le juge constitutionnel attire parfois l’attention de la « Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication » (HAAC) sur le fait délictueux… Une seule fois la Cour a demandé poursuite après échec de l’intervention de la HAAC.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Les échanges d’expériences entre les Hautes Juridictions des différents pays peuvent contribuer de façon significative à l’édification ou à la consolidation de l’État de droit dans lesdits pays.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Assurément non.

Il est à espérer que les fruits des réflexions collectives servent de leviers aux changements souhaités ici où là. Car les réserves imposées au juge individuel et à l’institution juridictionnelle ne s’imposent nullement aux associations internationales.

Conseil constitutionnel du Burkina Faso

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Aucune condition d’âge, de profession, de compétence ou de fonctions préalablement exercées n’est exigée.

Autorité(s) de nomination :

Le président du Faso et le président de l’Assemblée nationale (article 153 de la Constitution du 11 juin 1991 ; article 2 de la loi organique ; articles 7 et 9 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel)

Procédure de nomination :

Le président du Conseil constitutionnel est nommé par décret du président du Faso ; le Conseil constitutionnel comprend en outre trois magistrats nommés par le président du Faso sur proposition du ministre de la Justice, trois personnalités nommées par le président du Faso et trois personnalités nommées par le président de l’Assemblée nationale.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

La loi ne fixe aucune condition d’âge, de profession, de compétence ou de fonctions préalablement exercées. Toutefois, les autorités de nomination ont toujours veillé à choisir des personnalités justifiant d’une expérience certaine.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Neuf ans (mandat unique) à l’exception du président dont la durée du mandat n’est pas déterminée. Cependant, il ne peut être mis fin à ses fonctions en période électorale, pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels du président du Faso et en cas de dissolution de l’Assemblée nationale.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?
1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Le Président du Conseil constitutionnel et les membres prêtent devant le Président du Faso et le Président de l’Assemblée nationale le serment suivant : « je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. »

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les fonctions de membres du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec la qualité de membre du gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public ou privé, civil ou militaire, de toute autre activité professionnelle ainsi que de toute fonction de représentation nationale ou d’administrateur de société.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Le juge constitutionnel burkinabé n’a pas de statut. Un dossier y relatif introduit auprès des autorités compétentes est en cours d’examen. S’agissant de la rémunération, les textes précisent que les magistrats nommés au Conseil constitutionnel, les magistrats de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et du Conseil d’État sont placés hors hiérarchie et nommés au choix. Les magistrats placés hors hiérarchie bénéficient d’un traitement calculé sur la base de l’indice le plus élevé des hiérarchies spécifiques de la fonction publique (loi organique portant statut du corps de la magistrature).

D’autres textes et notamment les décrets 2003-340/PRES/PM/MFB/MFPRE et 2003-341/PRES/PM/ MFB du 10 juillet 2003 traitent des régimes indemnitaires applicables au personnel administratif et aux membres du Conseil constitutionnel.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non. Il n’existe pas de système d’avancement au sein de la juridiction.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Outre les incompatibilités dont il a été question plus haut, un certain nombre d’obligations de « ne pas faire » pèsent sur les membres du Conseil constitutionnel. Ces obligations, pour garantir l’indépendance et la dignité de leurs fonctions, sont précisées aussi bien dans le serment que dans la loi organique et le règlement intérieur. Il s’agit notamment, de « l’interdiction pendant la durée de leurs fonctions, de dévoiler le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part du Conseil, de ne donner aucune consultation sur les mêmes questions » ; d’occuper au sein des partis politiques ou groupements politiques, tout poste de responsabilité ou de direction. Les membres du Conseil sont bien évidemment tenus à l’obligation de réserve.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Le président du Conseil constitutionnel est le chef de l’administration de l’institution. Et à ce titre, il exerce le pouvoir hiérarchique sur tout le personnel, propose ou prononce, selon le cas, des décorations, des sanctions disciplinaires, conformément au statut des agents concernés…

Pour répondre à la question, par l’affirmative, il faut évoquer certains textes et en tirer les conséquences. On sait en effet, qu’aux termes des dispositions de la loi organique, (articles 4, 5, 8 et 11 notamment), les membres du Conseil constitutionnel :

  • sont inamovibles. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique ou lorsqu’ils font l’objet de poursuite pénale. Dans ces cas, il est pourvu à leur remplacement par l’autorité de nomination ;
  • ne peuvent être détenus ou jugés en matière pénale qu’avec l’autorisation du Conseil, sauf dans les cas de flagrant délit. Dans ces cas, le président du Conseil doit être immédiatement avisé et au plus tard, dans les quarante-huit heures ;
  • un décret (non encore pris), pris en Conseil des ministres sur proposition du Conseil constitutionnel définit les obligations imposées aux membres du Conseil, afin de garantir l’indépendance et la dignité de leurs fonctions ;
  • avant l’expiration du mandat, il peut être mis fin, à titre provisoire ou définitif, aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme du Conseil. Dans tous les cas, l’intéressé est entendu par le Conseil et reçoit communication de son dossier.
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Voir ci-dessus.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Pas spécialement. Il faut cependant rappeler que le président du Conseil constitutionnel est le chef de l’administration de l’institution, ce qui lui confère un certain nombre de prérogatives. Il est chargé de l’administration et de la discipline du Conseil et en cas d’absence ou d’empêchement temporaire, il est suppléé par le membre le plus âgé.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Les avantages sont loin d’être exorbitants. En l’absence de statut et subséquemment de texte particulier relatif à la rémunération du juge constitutionnel burkinabé, le décret n° 2003-341/PRES/PM/ MFB du 10 juillet 2003 traite du régime indemnitaire applicable aux membres du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, les membres du Conseil, durant leur mandat :

  • ont droit au passeport diplomatique ;
  • sont détenteurs d’une carte professionnelle frappée aux couleurs nationales ;
  • bénéficient des avantages et prérogatives réservés aux membres des corps constitués ;
  • ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale qu’avec l’autorisation du Conseil constitutionnel, sauf en cas de flagrant délit ;
  • bénéficient de la protection d’un agent de sécurité particulièrement pendant les périodes électorales et disposent de secrétaire et chauffeur particuliers ;
3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Aucun texte ne l’interdit.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

En principe mais sous réserve du respect des incompatibilités et obligations prévues par les textes.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Voir ci-dessus.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Il faut répondre par l’affirmative.

L’indépendance du juge constitutionnel burkinabé tire ses fondements de la durée de neuf ans du mandat unique (article 153 de la Constitution) et de son corollaire qu’est l’inamovibilité (article 4 de la loi organique) ; du régime des incompatibilités (article 153 de la Constitution ; article 11 de la loi organique) ; des obligations (article 12 de la loi organique ; articles 7 et 9 du règlement intérieur) ; et enfin, de quelques avantages matériels (loi organique portant statut du corps de la magistrature (rémunération) ; décrets 2003-340/PRES/PM/MFB/MFPRE et 2003-341/PRES/ PM/MFB du 10 juillet 2003 relatifs aux régimes indemnitaires ; articles 11 et suivants de la loi organique).

Par ailleurs, on peut tirer argument :

  • d’une part des dispositions de la Constitution du 11 juin 1991 qui a consacré son titre XIV au Conseil constitutionnel. En effet, l’article 159 précise entre autres que les « décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ;
  • d’autre part, de la loi organique qui mentionne expressément en son article 8 « qu’un décret pris en Conseil des ministres sur proposition du Conseil constitutionnel, définit les obligations imposées aux membres du Conseil, afin de garantir l’indépendance et la dignité de leurs fonctions… » ;
  • et enfin du règlement intérieur (article 10) qui précise que : « les membres du Conseil constitutionnel doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leur fonction. En particulier, ils s’interdisent pendant la durée de leur fonction : de prendre aucune position publique ou de donner une consultation sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil constitutionnel ; d’occuper au sein des partis politiques ou groupements politiques, tout poste de responsabilité ou de direction.

Les membres du Conseil constitutionnel sont tenus à l’obligation de réserve. »

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Voir ci-dessus et se référer notamment à l’article 10 du règlement intérieur qui comme nous le disions plus haut, précise que : « les membres du Conseil constitutionnel doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leur fonction. En particulier, ils s’interdisent pendant la durée de leur fonction : de prendre aucune position publique ou de donner une consultation sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil constitutionnel ; d’occuper au sein des partis politiques ou groupements politiques, tout poste de responsabilité ou de direction.

Les membres du Conseil constitutionnel sont tenus à l’obligation de réserve. »

On peut aussi tirer argument de l’article 42 du règlement intérieur ainsi libellé :

« Pour délibérer valablement, le Conseil constitutionnel doit comprendre au moins cinq membres. Lorsque ce quorum n’est pas atteint en raison d’un empêchement ou d’un cas de force majeure, un procès-verbal est dressé par le secrétaire général et signé par le président.

Seuls, les membres du Conseil constitutionnel ayant participé aux séances au cours desquelles l’affaire a été discutée participent à la prise de décision.

Les décisions et avis sont pris à la majorité simple des membres. En cas de partage égal des voix, celle du Président est prépondérante.

L’abstention ainsi que le vote par bulletin secret ne sont pas admis.

Le Secrétaire général assiste aux séances du Conseil constitutionnel sans voix délibérative. » Concernant la 2e partie de la question, je porte à votre connaissance que le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2005-004/CC/EPF sur le recours du candidat Bénéwendé Stanislas SANKARA tendant à récuser quatre membres du Conseil constitutionnel rendue le 14 octobre 2005, avait déclaré la requête du candidat SANKARA recevable en la forme, mal fondée quant au fond. Entre autres motifs, le Conseil avait considéré que les allégations du requérant « contre les membres qu’il récuse ne reposent sur aucun texte régissant le Conseil constitutionnel et que sa suspicion n’est étayée par aucun élément imputable aux intéressés dans l’exercice de leurs fonctions. »

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non mais il faut rappeler que les décisions et avis du Conseil contiennent la mention des noms et prénoms des membres qui ont siégé à la séance au cours de laquelle ses décisions et avis ont été pris et sont signés par le président, les membres et le secrétaire général du Conseil constitutionnel qui assiste sans voix délibérative aux séances de l’institution.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non mais le juge constitutionnel ne saurait interdire l’expression populaire persistante ou l’opinion des partis politiques, de la société civile… sur telle ou telle question. Encore une fois, l’indépendance du juge constitutionnel est garantie par les textes. Les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucun recours.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le juge constitutionnel se doit en tout lieu et en toutes circonstances de se souvenir de son serment et des obligations prescrites par les textes. Cependant, rien n’interdit à l’institution de se faire connaître et à l’occasion, d’éclairer l’opinion publique lorsqu’elle est mise en cause.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Pas particulièrement. Cependant, le Conseil constitutionnel a été pris à partie par certaines opinions suite à des décisions rendues.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Aucun texte ne l’interdit.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Travailler à l’ancrage de la démocratie.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Pourquoi pas ? Ces réserves qui ne sont pas obligatoirement les mêmes partout ne sauraient porter atteinte aux objectifs que les associations internationales de juridictions constitutionnelles se sont assignées.

Divers

Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaitez voir traités à l’occasion de cette Conférence ?

Pas d’observations particulières. Cependant, il convient peut-être de porter à la connaissance de la direction qu’un Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) a été créé par décret n° 2011-262/PRES/PM/MPRP du 10 mai 2011. Le rapport général de la session tenue du 23 juin au juillet 2011 à Ouagadougou a été remis au Président du Faso. Les consultations régionales pour la poursuite des travaux du CCRP débuteront le 17 octobre 2011 pour une durée d’une semaine et des assises nationales sont prévues pour fin novembre 2011.

Concernant la justice, les points de consensus suivants ont été dégagés :

  • maintenir le Président du Faso comme président du Conseil supérieur de la magistrature ;
  • confier l’une des vice-présidences du CSM au premier président de la Cour de cassation ;
  • revoir la composition du CSM de façon à ce que le nombre des membres élus soit supérieur à celui des membres désignés ;
  • mettre fin à l’interférence de l’exécutif dans le judiciaire ;
  • sanctionner les magistrats indélicats ;
  • rendre la justice accessible à tous par la diminution des coûts et en la rapprochant des justiciables ;
  • assurer une formation continue des magistrats pour renforcer leur compétence ;
  • renforcer les enquêtes de moralité des candidats à la magistrature ;
  • organiser les états généraux de la justice ;
  • maintenir les tribunaux départementaux, mais les perfectionner pour plus d’efficacité ;
  • faire élire le président du Conseil constitutionnel par les membres dudit Conseil ;
  • nommer les anciens présidents de la République comme membres de droit du Conseil constitutionnel s’ils se désengagent de la politique active ;
  • ouvrir la saisine du Conseil constitutionnel au président du sénat et aux citoyens à travers la représentation parlementaire à hauteur de 1/10e des élus ;
  • autoriser l’auto-saisine ;
  • créer le Tribunal des conflits.

Au regard des missions assignées au CCRP qu’il n’y a pas lieu de développer ici, force est de reconnaître qu’il est fort probable que les réformes préconisées touchent nos institutions.

Cour suprême du Cameroun

(statuant comme Conseil constitutionnel)

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Réputation professionnelle établie, compétence et intégrité morale reconnues.

Autorité(s) de nomination :

Président de la République.

Procédure de nomination :

Désignation : 3 par le président de la République, 3 par le Président de l’Assemblée nationale, 3 par le président du Sénat, 2 par le Conseil supérieur de la magistrature.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Non.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

6 ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Renouvelable sans limitation.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Oui, par décision du Conseil constitutionnel prise à la majorité des 2/3 de ses membres d’office ou à la demande de l’autorité de désignation en raison de la méconnaissance de ses obligations, de la perte de la jouissance des ses droits civiques et politiques ou de la violation des incompatibilités.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui, devant le Parlement réuni en Congrès.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec :

  • la qualité de membre du Gouvernement ;
  • la qualité de membre du Conseil économique et social ;
  • la qualité de membre de la Cour suprême ;
  • l’exercice de tout mandat électif ou de tout autre emploi public, civil ou militaire ;
  • toute autre activité professionnelle privée pouvant affecter son honorabilité, son impartialité, son intégrité, sa neutralité et son honnêteté intellectuelle ;
  • toute fonction de représentation nationale.
1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Aucun critère n’est édicté.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Tout ce qui peut compromettre son indépendance et sa dignité, devoir de réserve.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Oui révocation possible.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Procédure contradictoire devant le Conseil.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Au président du Conseil.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Oui (insigne distinctif, cocarde sur leur véhicule, tenue d’apparat lors des audiences…).

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

L’interdiction de faire apparaître de quelque manière que ce soit leur appartenance politique ou syndicale est inscrite dans leur statut.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, sous réserve de ce qui vient d’être dit précédemment.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui, aucun membre du Conseil constitutionnel ne peut être inquiété, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

En cas de poursuite engagée pendant leur mandat sauf cas de flagrant délit, la poursuite ne peut intervenir que sur autorisation du Conseil constitutionnel.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

La Constitution et la loi portant statut des membres.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Non.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Oui.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Aucune.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Non.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

C’est possible.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

L’échange d’expériences et de jurisprudence.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Elles ne sont pas tenues aux mêmes réserves dans le cadre de leurs rencontres.

Cour suprême du Canada

Remarque préliminaire : Au Canada, le contrôle de la constitutionnalité est exercé par les tribunaux ordinaires. La Cour suprême du Canada est une cour d’appel statutaire pour l’ensemble du pays en toutes matières, y compris en matière constitutionnelle. Les commentaires qui suivent fournissent des informations particulières uniquement en ce qui a trait à la Cour suprême du Canada, tribunal de dernière instance.

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

L’article 4(2) de la Loi sur la Cour suprême prévoit que la nomination des juges se fait par lettres patentes du gouverneur en conseil revêtues du grand sceau.

Quant à la procédure, le gouvernement fédéral a mis en place le processus de nomination suivant en 2005 pour en accroître la transparence :

Afin de constituer une liste de candidats qualifiés, le ministre de la Justice et procureur général du Canada consulte le procureur général de la ou des provinces visées ainsi que des membres éminents de la communauté juridique. Les membres du public sont invités à formuler leurs suggestions de candidats qualifiés qui méritent d’être retenus sur le site Internet du ministère de la Justice.

La liste de candidats qualifiés est ensuite examinée par un comité de sélection composé de cinq députés, dont au moins un pour chaque parti politique reconnu. Il incombe au comité de sélection d’évaluer la compétence des candidats et de fournir au Premier ministre du Canada et au ministre de la Justice une courte liste de candidats non classés pour considération.

Le Premier ministre et le ministre de la Justice choisissent un candidat faisant partie de cette liste.

Le candidat retenu doit se présenter à l’audience publique et télédiffusée d’un comité parlementaire spécial pour répondre aux questions des députés. Le comité n’a pas le pouvoir de confirmer ni de rejeter la nomination.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Les juges sont choisis parmi les juges, actuels ou anciens, d’une cour supérieure provinciale et parmi les avocats inscrits pendant au moins dix ans au barreau d’une province ou d’un territoire (Loi sur la Cour suprême, art. 5). Cependant, le Québec étant la seule province au Canada où le droit civil s’applique pour les matières de droit privé, trois des neuf juges de la Cour suprême doivent obligatoirement être choisis parmi les juges de la Cour d’appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci (Loi sur la Cour suprême, art. 6).

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Il n’y a aucune condition d’âge minimal.

La limite d’âge pour l’exercice de la charge de juge est de 75 ans (Loi sur la Cour suprême, art. 9(2)). Si un juge siège jusqu’à l’âge maximal prévu, il peut tout de même, avec l’autorisation du Juge en chef, continuer de participer aux jugements auxquels il participait avant sa retraite pendant une période maximale de 6 mois après celle-ci (Loi sur les juges, art. 41.1(1)).

1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Les juges ne sont pas nommés pour un mandat à durée déterminée. Tel que mentionné ci-dessus, ils peuvent siéger à la Cour suprême jusqu’à l’âge de 75 ans.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Il peut y avoir révocation d’un juge par le gouverneur général sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes (Loi sur la Cour suprême, art. 9), pour incapacité ou mauvaise conduite. Cette procédure n’a jamais été utilisée relativement à un juge de la Cour suprême du Canada et très rarement relativement aux juges de toutes les cours du Canada.

[Voir également partie II ci-dessous]

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui, préalablement à leur entrée en fonctions, les juges doivent prêter serment. Le gouverneur général en conseil reçoit le serment du Juge en chef. En ce qui concerne les autres juges, ils doivent prêter serment devant le Juge en chef ou, s’il est absent ou empêché, devant l’un de ses collègues (Loi sur la Cour suprême, art. 10 et 11).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les juges ne peuvent remplir d’autres fonctions rétribuées par l’administration fédérale ou par celle d’une province (Loi sur la Cour suprême, art. 7). Ils doivent se consacrer à leurs fonctions judiciaires à l’exclusion de toute autre activité, qu’elle soit exercée directement ou indirectement, pour leur compte ou celui d’autrui (Loi sur les juges, art. 55).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

C’est une loi du Parlement du Canada, la Loi sur les juges, qui fixe le traitement des juges ainsi que leur rajustement annuel (art. 9 et 25). Au surplus, cette même loi crée la Commission d’examen de la rémunération des juges qui est chargée d’examiner, tous les quatre ans, la question de savoir si les traitements ainsi que les autres prestations et avantages pécuniaires prévus par la loi sont satisfaisants. Cet examen se fait selon une série de facteurs dont : l’état de l’économie du Canada, le rôle de la sécurité financière des juges dans la préservation de l’indépendance judiciaire et le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature. La Commission doit remettre un rapport faisant état de ses recommandations au ministre de la Justice, qui le dépose ensuite devant le Parlement. Le Parlement défère le rapport à un comité chargé d’examiner les questions relatives à la justice. Le comité peut effectuer une enquête ou tenir des audiences publiques au sujet du rapport. Le ministre de la Justice doit donner suite au rapport de la Commission au plus tard six mois après l’avoir reçu (art. 26 à 26.3).

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il n’existe pas de système d’avancement en soi au sein de la Cour suprême du Canada. Il est possible qu’un juge de la Cour puisse accéder au poste de Juge en chef du Canada, mais cette nomination relève uniquement du gouverneur en conseil (Loi sur la Cour suprême, art. 4).

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les Principes de déontologie judiciaire publiés par le Conseil canadien de la magistrature (http:/www.cjc-ccm.gc.ca) fournissent des conseils d’ordre déontologique et des recommandations à tous les juges nommés par le gouvernement fédéral. Ils ne constituent pas des normes définissant l’inconduite judiciaire. On y retrouve les énoncés suivants, qui sont tous suivis de principes et de commentaires détaillés :

  • L’indépendance de la magistrature est indispensable à l’exercice d’une justice impartiale sous un régime de droit. Les juges doivent donc faire respecter l’indépendance judiciaire, et la manifester tant dans ses éléments individuels qu’institutionnels.
  • Les juges doivent s’appliquer à avoir une conduite intègre, qui soit susceptible de promouvoir la confiance du public en la magistrature.
  • Les juges doivent exercer leurs fonctions judiciaires avec diligence.
  • Les juges doivent adopter une conduite propre à assurer à tous un traitement égal et conforme à la loi, et ils doivent conduire les instances dont ils sont saisis dans ce même esprit.
  • Les juges doivent être impartiaux et se montrer impartiaux dans leurs décisions et tout au long du processus décisionnel.
2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Aux termes de la Loi sur les juges (art. 58 à 71), c’est le Conseil canadien de la magistrature qui a le pouvoir d’enquêter et de statuer sur les plaintes concernant la conduite des juges de nomination fédérale. Ces plaintes peuvent provenir du public ou du ministre de la Justice du Canada.

Si une plainte n’est pas résolue immédiatement, l’affaire peut être renvoyée à un comité d’examen pour une étude plus approfondie. Le comité d’examen est composé d’un maximum de cinq membres, qui sont tous des juges. Si le comité d’examen conclut que la plainte est fondée mais qu’elle n’est pas suffisamment grave pour passer à la prochaine étape, le sous-comité peut exprimer ses préoccupations au juge et fermer le dossier, recommander que le juge ait recours à des services de consultation, ou prendre d’autres mesures correctives de ce genre. Si une plainte est suffisamment grave pour justifier la révocation d’un juge, le comité d’examen peut recommander que le Conseil constitue un comité d’enquête composé de membres du Conseil et d’avocats supérieurs. S’il s’agit d’une plainte déposée par le ministre de la Justice, un comité d’enquête est constitué.

Le comité d’enquête peut mener sa propre enquête sur la plainte et il peut obtenir des renseignements du juge, de l’auteur de la plainte et d’autres personnes. En général, le comité d’enquête tient une audience publique à laquelle le juge et l’auteur de la plainte peuvent assister et témoigner au sujet de l’affaire qui a donné lieu à la plainte. Le comité d’enquête produit un rapport sur ses conclusions et le soumet à l’ensemble du Conseil, qui doit déterminer si le juge est inapte à remplir utilement ses fonctions pour l’un des motifs énumérés à l’art. 65 de la Loi sur les juges : âge ou invalidité ; manquement à l’honneur et à la dignité ; manquement aux devoirs de sa charge ; situation d’incompatibilité, qu’elle soit imputable au juge ou à toute autre cause. Dans l’affirmative, le Conseil peut recommander au ministre de la Justice que le juge soit démis de ses fonctions.

En ce qui concerne les juges de la Cour suprême, le gouverneur général sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes conserve seul le pouvoir de démettre un juge de ses fonctions.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Les huit juges puînés de la Cour suprême sont soumis à l’autorité du Juge en chef en ce qui concerne la répartition du travail de la Cour, c’est-à-dire la désignation des juges qui entendront les appels et les requêtes dont la Cour est saisie. Par ailleurs, le Juge en chef a les mêmes pouvoirs que ses collègues tant pour les délibérations que pour les décisions sur les appels.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

La Loi sur les juges prévoit divers avantages tels que des frais de représentation, des allocations de déménagement et des indemnités de conférence. Les juges bénéficient également de divers régimes d’assurance et de pension.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

La Cour suprême compte seulement neuf juges et cette question ne se pose donc pas. Il existe au sein d’autres juridictions des associations de juges, telle que l’Association canadienne des juges des cours supérieures et l’Association canadienne des juges des cours provinciales. Il n’existe pas de syndicats.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Les Principes de déontologie judiciaire recommandent aux juges d’éviter toute activité civique, charitable et religieuse qui risquerait de compromettre leur impartialité ou de préjudicier à l’accomplissement de leurs fonctions judiciaires. Ils devraient s’abstenir de participer à toute activité politique et d’adhérer à un parti politique.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui, en vertu de la common law, ils bénéficient d’une immunité absolue contre toute poursuite civile à l’égard d’actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions (Morier et Boily c. Rivard, [1985] 2 R.C.S. 716).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

L’article 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés consacre le droit constitutionnel à un procès devant un « tribunal indépendant et impartial » mais seulement dans le contexte d’une affaire pénale et criminelle. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel n’est pas défini ni expressément prévu dans un texte. Dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3, la Cour suprême a souligné que « [l]’indépendance de la magistrature est une norme non écrite, reconnue et confirmée par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 en particulier sa référence à “une constitution semblable dans son principe à celle du Royaume-Uni” qui est la source véritable de notre engagement envers ce principe fondamental ». Les trois caractéristiques essentielles reconnues de l’indépendance de la magistrature sont l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative. Les deux premières caractéristiques se retrouvent aux art. 99 et 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne les juges des cours supérieures.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui, l’art. 9(1) de la Loi sur la Cour suprême prévoit que les juges occupent leur poste à titre inamovible.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Tant au stade de la demande de permission d’en appeler que de l’appel, les Règles de la Cour suprême du Canada prévoient que si un demandeur ou un appelant croit qu’il pourrait ne pas être indiqué que le juge prenne part à la décision de la Cour en raison de sa participation antérieure à l’affaire ou de l’existence d’un lien entre lui et celle-ci, il doit déposer une attestation à cet effet, conforme au formulaire prévu dans les règles, énonçant les questions soulevées (règles 25(1)d) et 33f)). De plus, de son propre chef, le juge se récusera s’il croit qu’il ne peut juger impartialement ou qu’il y a une apparence de partialité du point de vue d’une personne raisonnable, impartiale et bien informée.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Il n’existe pas de « juge rapporteur » à la Cour suprême du Canada. Pour chaque appel entendu, un ou plusieurs juges écrivent des motifs de jugement et leurs noms sont publiés.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Oui. Toutes les opinions exprimées par les juges, qu’elles soient unanimes, concordantes ou dissidentes, sont publiées tant sur Internet que dans les recueils officiels de la Cour suprême du Canada.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non. Le juge entend une cause et rend sa décision en toute indépendance et impartialité. L’opinion publique n’influence pas et ne doit pas influencer ses décisions. Les Principes de déontologie judiciaire prévoient que le juge doit également repousser toute tentative injustifiée visant à influencer sa décision, qu’elle provienne des parties, de politiciens, de fonctionnaires ou d’autres personnes.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Personnellement, les juges ont un devoir de réserve et ne commentent pas leurs décisions sur la place publique ou en présence des médias. Toutefois, en tant qu’institution, la Cour suprême du Canada entretient de bonnes relations avec les médias. La Cour a établi un Comité des relations avec les médias dont les membres rencontrent les représentants de la Tribune de la presse parlementaire canadienne afin d’examiner des questions d’intérêt commun. De plus, l’adjoint exécutif juridique attaché au Cabinet du Juge en chef fait le travail de liaison avec la presse. Avant le début de chaque nouvelle session, l’adjoint exécutif tient une séance d’information dans la salle de presse de la Cour pour donner un aperçu des questions en litige dans les affaires qui seront entendues. Un communiqué de presse annonce également les jugements à venir et un breffage est organisé pour le bénéfice des médias le matin où le jugement est déposé pour expliquer les aspects factuels et juridiques du dossier et les motifs de la décision de la Cour. Des copies des motifs de jugement sont distribuées et des copies des mémoires des parties peuvent être consultées dans la salle de presse. Enfin, dans certaines affaires complexes qui suscitent un intérêt plus grand de la part du public et des médias, la Cour a instauré une procédure permettant la tenue d’un huis clos si les avocats des parties y consentent. À l’occasion du huis clos, les membres agréés de la Tribune de la presse parlementaire sont informés de la décision avant qu’elle soit communiquée au grand public. Ils doivent remettre leurs appareils de communication électronique et s’engager à ne pas communiquer avec quiconque jusqu’à ce que le huis clos ait pris fin, soit lorsque la décision est communiquée au public. L’information donnée par l’adjoint exécutif juridique, ou son assistant l’agent juridique, lors des séances destinées aux médias est fournie à titre officieux, pour information seulement, et sa source ne doit pas être révélée.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Étant le tribunal de dernière instance au pays, la Cour suprême se prononce sur des questions importantes et d’intérêt national dont les enjeux sociaux font souvent l’objet de vifs débats et de divisions au sein de la société canadienne. Dans un tel contexte, les décisions de la Cour ne peuvent faire l’unanimité et les juges font parfois l’objet de critiques. Plus particulièrement, depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, la Cour a le pouvoir de constater l’invalidité d’une règle de droit ou le caractère inconstitutionnel d’un acte de l’État si elle conclut qu’un droit garanti par la Charte a été violé et que le gouvernement n’a pas réussi à démontrer qu’il s’agit d’une atteinte raisonnable. Certains ont critiqué et critiquent toujours ce rôle constitutionnel accru conféré aux juges par la Charte.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Deux dispositions de la Loi sur la Cour suprême mentionnent l’outrage au tribunal spécifiquement. L’article 89(1) prévoit que le défaut de comparaître pour témoigner ou répondre à toute question légitime posée ou de produire tout document équivaut à un outrage au tribunal et est punissable à ce titre selon la procédure applicable. Selon l’art. 96(2), le défaut d’obtempérer à une ordonnance de paiement rendue par la Cour ne peut justifier seul la contrainte par corps pour outrage au tribunal. De plus, l’art. 3 de la loi prévoit que la Cour suprême est un tribunal de droit et d’equity et une cour d’archives. À ce titre, la Cour suprême ou l’un de ses juges ont le pouvoir général en common law de citer quelqu’un pour outrage au tribunal commis en leur présence ou hors leur présence.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Tel que mentionné ci-dessus, le juge doit se consacrer entièrement à ses fonctions judiciaires. Aucun juge de la Cour suprême ne siège au sein d’une instance internationale. Cependant, des juges sont désignés à titre de représentants de la Cour auprès de diverses associations internationales, telles que l’ACCPUF et l’AHJUCAF.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Les associations internationales devraient toujours agir dans le cadre de leur mandat et de leur mission, tels que définis par leurs statuts le cas échéant, et avec l’assentiment de leurs membres lorsque requis.

Cour constitutionnelle de la République du Congo

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Selon l’article 144 alinéa 3 de la Constitution du 20 janvier 2002, sur les neuf membres composant la Cour constitutionnelle, six sont proposés à la nomination à raison de :

  • deux membres par le bureau de la Cour suprême parmi les membres de cette juridiction ;
  • deux membres par le président du Sénat parmi les sénateurs ;
  • deux membres par le président de l’Assemblée nationale parmi les députés.

Les trois autres membres proviennent des secteurs d’activités qui ne sont pas, expressément, indiquées par la Constitution.

La Constitution prohibe de nommer, en qualité de membres de la Cour constitutionnelle, les personnes condamnées pour forfaiture, parjure, crime économique, crime de guerre, crime de génocide ou pour tout autre crime contre l’humanité (art. 145 al. 2, Constitution du 20 janvier 2002).

Autorité(s) de nomination :

Le président de la République nomme les six membres de la Cour constitutionnelle proposés, à la nomination, par le bureau de la Cour suprême, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Il nomme, en outre, directement, trois autres membres dont les qualités ne sont précisées ni par la Constitution ni par la loi organique.

Le président de la Cour constitutionnelle est nommé par le président de la République parmi les neuf membres de cette institution (art. 144, al. 4, Constitution du 20 janvier 2002).

Procédure de nomination :

Aucun texte ne prévoit une procédure spéciale de nomination des membres de la Cour constitutionnelle. Aussi, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le bureau de la Cour suprême procèdent-ils aux propositions de nomination suivant les procédures en usage dans les institutions concernées.

Le président de la République nomme, par décret simple, le président, le vice-président et les autres membres de la Cour constitutionnelle.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Non.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat est renouvelable et la Constitution ne précise pas le nombre de fois de renouvellement. L’article 144 alinéa 2 de la Constitution énonce : « … le mandat est de neuf ans renouvelable. Elle (la Cour constitutionnelle) se renouvelle par tiers tous les trois ans ».

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Non.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment, avant d’entrer en fonction, devant les deux chambres du Parlement qui se réunissent, alors, en congrès.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Selon l’article 145, alinéa 1er de la Constitution du 20 janvier 2002, les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement, de membre du Parlement et de membre de la Cour suprême.

La Constitution ayant énoncé la possibilité de prévoir, par voie législative, d’autres incompatibilités, l’article 21 de la loi organique n° 1-2003 du 7 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dispose que les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont, également, incompatibles avec celles de membre du Conseil économique et social, de membre du Conseil supérieur de la liberté de communication, de membre de la Commission nationale des droits de l’homme, de membre du Conseil supérieur de la magistrature et des Conseils locaux.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Le traitement fonctionnel des membres de la Cour constitutionnelle est fixé par décret en Conseil des ministres. Il équivaut au traitement fonctionnel accordé aux membres du gouvernement.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

L’avancement de chacun des membres de la Cour constitutionnelle se déroule selon le système prévu par les textes qui régissent cette question dans l’administration d’origine. Il n’existe, donc, pas un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les obligations des membres de la Cour constitutionnelle proviennent de deux sources : la loi organique et le règlement intérieur de l’institution.

La loi organise n° 1-2003 du 7 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle prévoit que les membres de la Cour constitutionnelle observent les devoirs d’impartialité, de discrétion en ce qui concerne les délibérations et les votes ainsi que le devoir de réserve. Ils ne peuvent, en effet, pendant la durée de leurs fonctions, prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la Cour ou même donner des consultations sur ces questions. Tous ces devoirs découlent de la formule du serment des membres de la Cour constitutionnelle (art. 14, loi organique susvisée).

L’article 20 de la loi organique fait obligation aux membres nommés à la Cour constitutionnelle, qui ont adhéré aux partis et associations politiques ou aux syndicats, de démissionner de ces structures. Les dispositions de l’article 22 de cette loi imposent aux membres de la Cour constitutionnelle de n’occuper aucun autre emploi public ou privé au cours de leur mandat sauf en ce qui concerne l’exercice des travaux agricoles, scientifiques, littéraires, artistiques ou d’enseignement.

Le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle prescrit aux membres de cette institution de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions (art. 18) et de mentionner, pendant la durée de leurs fonctions, leur qualité de membre de la Cour constitutionnelle dans tout document à caractère publicitaire ou commercial (art. 19).

La Cour constitutionnelle apprécie si l’un de ses membres a manqué aux devoirs que lui imposent ses fonctions et le président de la Cour en fait rapport au président de la République (art. 21 du règlement intérieur).

Les membres de la Cour ont l’obligation de participer aux réunions et délibérations de l’institution. Ainsi, tout membre qui fait l’objet d’un empêchement doit en informer le président de la Cour constitutionnelle.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Tout manquement aux devoirs qui découlent de la formule du serment professionnel constitue une forfaiture (art. 14 de la loi organique précitée).

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Étant donné que les membres de la Cour constitutionnelle sont justiciables de la Haute Cour de justice, la procédure à suivre en cas de leur poursuite, pour forfaiture, est celle prévue en matière de répression des crimes ou délits devant cette juridiction.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Le président de la Cour constitutionnelle est l’autorité hiérarchique à laquelle sont soumis les membres de la Cour constitutionnelle. En cas d’absence ou d’empêchement temporaire du président, ils sont soumis à l’autorité du vice-président qui le supplée. Si le président et le vice-président sont temporairement absents ou empêchés, la suppléance est assurée par le plus âgé des membres de la Cour constitutionnelle qui est présent (art. 15, loi organique).

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Oui : traitement fonctionnel, véhicules de fonction, chauffeur, service de sécurité, personnel domestique, 80 % de la facture à la charge de la Cour en cas d’hospitalisation, frais d’obsèques totalement pris en charge par la Cour en cas de décès d’un membre de la Cour constitutionnelle.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Non (art. 20, loi organique précitée).

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Il est prévu que les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent être ni poursuivis ni recherchés, détenus ou jugés à l’occasion des opinions ou des votes émis dans l’exercice de leurs fonctions. Ils sont, cependant, justiciables de la Haute Cour de justice pour les crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions (art. 19 de la loi organique susmentionnée).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

L’indépendance de la Cour constitutionnelle est affirmée dans la loi organique en ces termes :

« La Cour constitutionnelle est indépendante du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire » (art. 1er, alinéa 2). Seule est, donc, prévue l’indépendance de l’institution mais on en déduit celle du juge constitutionnel.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

L’impartialité est un principe connu du juge constitutionnel et appliqué par lui sans garantie spéciale. Aucun texte ne prévoit ni le déport ni la récusation du juge constitutionnel.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le juge constitutionnel est, strictement, réservé à l’égard de la presse pour préserver son devoir de réserve. Il ne donne jamais d’interview sur les questions ayant trait aux compétences de la Cour.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Oui. Pendant la période électorale et postélectorale, à l’occasion des décisions rendues par la Cour constitutionnelle qui se déclare incompétente, prononce l’irrecevabilité des recours ou les rejette.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui car aucun texte ne le lui interdit.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Dans les instances internationales, le rôle du juge constitutionnel est de partager, avec les autres juges constitutionnels qui les composent, son expérience dans la mise en œuvre des compétences qui lui sont reconnues par les textes aux niveaux national et international. C’est dans la confrontation de sa pratique avec celle des autres juridictions constitutionnelles qu’il tirera, éventuellement, profit de l’application et de la compréhension des principes adoptés et reconnus par la communauté internationale dans les domaines divers relatifs au renforcement de l’État de droit, au développement de la démocratie et à la promotion des droits de l’homme.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Le juge individuel au plan national n’est astreint à l’obligation de réserve que dans le cadre prévu par la législation qui le régit. Il devrait en être de même pour les associations internationales de juridictions constitutionnelles dont la soumission aux obligations, telle l’obligation de réserve, ne correspondrait qu’aux limites déterminées par les textes qui en fixent l’organisation, les missions et le fonctionnement.

Divers

Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaiteriez voir traités à l’occasion de cette conférence ?

Oui. Je souhaiterais que les participants à cette conférence fassent le point de leur expérience sur les sujets suivants :

1. Le juge constitutionnel en tant que régulateur de l’activité des pouvoirs publics ;

2. Le juge constitutionnel comme organe qui assure, à travers ses missions de contrôle de la constitutionnalité des lois, des traités et des accords internationaux, la protection des droits et des libertés fondamentaux du citoyen.

Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Pour être nommé membre du Conseil constitutionnel, il faut être une personnalité connue pour ses compétences en matière juridique ou administrative.

Autorité(s) de nomination :

Le président de la République.

Procédure de nomination :

Trois des membres du Conseil constitutionnel sont désignés par le président de l’Assemblée nationale et trois autres par le Président de la République. Tous sont nommés par décrets simples du président de la République. Le président du Conseil constitutionnel est nommé discrétionnairement. À ceux-là il faut ajouter les anciens présidents de la République, membres de droit.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Il est exigé d’avoir une compétence avérée en matière juridique ou administrative.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

La durée du mandat est de six ans tant pour le président que pour les membres nommés du Conseil constitutionnel. Toutefois, pour « le premier Conseil constitutionnel », trois des membres ont un mandat de trois ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non, le mandat n’est pas renouvelable.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Non, le juge constitutionnel n’est pas révocable. Mais, aux termes de la loi organique relative au Conseil constitutionnel (article 6, alinéa 2), « lorsqu’il est établi qu’un de ses membres exerce une fonction ou une activité incompatible avec sa qualité, le Conseil constitutionnel procède à son audition après lui avoir communiqué son dossier et prononce, le cas échéant, sa démission ».

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui. Le président du Conseil constitutionnel prête serment devant le président de la République, les conseillers devant le président du Conseil constitutionnel. Les membres de droit en sont dispensés.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

« L’exercice de toute fonction politique, de tout emploi public ou électif et de toute activité professionnelle » (article 6, alinéa 1er, loi organique relative au Conseil constitutionnel).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Aux termes de la loi, le juge constitutionnel est assimilé aux magistrats de l’ordre judiciaire en ce qui concerne les obligations et le régime de protection (article 5, loi organique). Toutefois, s’agissant des conditions matérielles et financières, le juge constitutionnel est assimilé aux ministres et rémunéré comme tel (articles 3 et 4 du décret du 5 septembre 2003 déterminant les conditions matérielles et financières d’exercice des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ; article 6 in fine du décret du 25 août 2005 déterminant le règlement, la composition et le fonctionnement des services, l’organisation du Secrétariat général du Conseil constitutionnel ainsi que les conditions d’établissement de la liste des rapporteurs adjoints).

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non, pareil système n’est pas prévu.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Prévues par la Constitution, les obligations du juge constitutionnel sont :

a) l’obligation de réserve qui lui interdit de violer le secret des délibérations et des votes, même après la cessation de ses fonctions, ou de donner des « consultations à titre privé sur les questions
relevant de la compétence du Conseil constitutionnel » ;

b) l’indépendance et l’impartialité pour le président et l’impartialité pour les conseillers, le tout dans le respect de la Constitution (articles 90 et 91 de la Constitution) ;

c) l’interdiction d’exercer des activités incompatibles (article 92 de la Constitution).

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Oui. En cas d’incompatibilité, les textes prévoient « la démission d’office » qui est une sanction relevant de la compétence du Conseil constitutionnel (article 15, décret de 2005, précité). En ce qui concerne la violation des autres obligations, les sanctions prévues sont le rappel à l’ordre ou l’avertissement (article 11, in fine, décret de 2005). Ces sanctions sont prises par le président du Conseil constitutionnel (article 14, décret de 2005).

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

La procédure est celle, classique, des droits de la défense ; elle comporte les éléments suivants : la communication à l’intéressé de son dossier afin de lui permettre de présenter des explications écrites, puis son audition ; enfin, « le Conseil, réuni en Assemblée générale, délibère et décide à la majorité absolue de ses membres, par un vote au scrutin secret » (article 6, loi organique de 2001 ; article 15, décret de 2005).

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Oui. L’autorité hiérarchique est le président du Conseil constitutionnel, investi du pouvoir disciplinaire (article 12, décret de 2005).

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Oui. Ces avantages sont constitués des traitements, indemnités et avantages divers.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Non, l’obligation de réserve s’y oppose.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, mais dans le respect de leurs obligations : l’obligation de réserve et l’interdiction d’exercer des activités incompatibles.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

L’indépendance dont bénéficie le juge constitutionnel implique le principe de l’irresponsabilité en ce qui concerne les actes accomplis par lui dans l’exercice de ses fonctions. En outre, la Constitution prévoit, au profit du juge constitutionnel, l’inviolabilité en vertu de laquelle il « ne peut, pendant la durée de son mandat, être poursuivi, arrêté, détenu ou jugé en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation du Conseil » (article 93 de la Constitution).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est affirmé par la Constitution en ses articles 90 et 91, et repris par la loi organique relative au Conseil constitutionnel, en son article 5.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui, ils le sont en vertu de leur indépendance.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Non.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Oui, car le nom du rapporteur apparaît dans l’avis émis ou la décision rendue par le Conseil constitutionnel.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Elles n’existent même pas.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Le juge constitutionnel est exposé à des pressions particulières.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le juge constitutionnel est tenu à l’obligation de réserve dans ses rapports avec la presse.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Oui, le juge constitutionnel fait l’objet de critiques à l’occasion des élections présidentielles en particulier.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui, dans la mesure où l’action en justice, droit fondamental, ne constitue pas une atteinte à l’obligation de réserve.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

/

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Non, car ni l’environnement ni les fonctions ne sont les mêmes. En outre, les interventions des associations internationales des juridictions constitutionnelles ne portent pas sur le même objet que celles du « juge individuel au plan national ».

Divers

Avez-vous des observations particulières ou des points spécifiques que vous souhaitez voir traités à l’occasion de cette Conférence ?

La présence des anciens présidents de la République au sein des juridictions constitutionnelles.

Conseil constitutionnel de Djibouti

L’Assemblée constituante de la République de Djibouti, par l’article 3 de la loi constitutionnelle n° LR/77-002 du 27 juin 1977 a prévu la création d’un Comité constitutionnel. L’ordonnance n° 77-060 du 23 novembre 1977 est donc venue fixer la composition, le mode de désignation et la compétence de cet organe. Ce comité de sept membres, présidé par le ministre de la Justice et dont le secrétariat était assuré par un magistrat désigné par son président, a exercé les missions « de donner un avis sur les lois organiques » et « de veiller à la régularité » des élections présidentielles et législatives jusqu’à la mise en place du Conseil constitutionnel, sous sa forme actuelle.

La Constitution du 15 septembre 1992 dans ses articles 75 à 82, si elle n’introduit pas une véritable innovation, porte une extension importante dans les missions dévolues au Conseil constitutionnel et un statut protecteur pour ses membres (juges constitutionnels). La loi organique n° 4/AN/93/3e L du 7 avril 1993 a défini les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel et a, en particulier, précisé les conditions d’accès, le déroulement de carrière et les droits, obligations et garanties inhérentes à cette fonction de membre du Conseil constitutionnel.

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière

Le Conseil constitutionnel est composé de six membres. Il se renouvelle par moitié tous les quatre ans avec un mandat maximal de huit ans. Les membres sont respectivement désignés par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Conseil supérieur de la magistrature. Ce dernier organe désigne ses représentants au Conseil constitutionnel par décision prise à la majorité de ses membres en exercice. Ainsi, la nomination des membres du Conseil constitutionnel est effectuée de manière paritaire par les trois pouvoirs constitutionnels et leurs décisions de nomination sont publiées au Journal Officiel.

Ces membres nommés du Conseil constitutionnel sont complétés par, le cas échéant, des anciens présidents qui sont membres de droit et à vie.

Le président du Conseil constitutionnel est choisi par le président de la République, parmi les membres nommés ou de droit, par décision publiée au Journal Officiel.

Le premier Conseil constitutionnel était scindé en deux groupes : trois membres désignés pour une durée de quatre ans et trois membres nommés pour la durée maximale de huit ans. Cette disposition transitoire tendait exclusivement à la mise en pratique du renouvellement des membres tous les quatre ans dans le respect de la limite maximale de huit ans et du pouvoir de nomination de chacune des autorités compétentes.

Pour être nommé membre du Conseil constitutionnel, il est imposé un âge minimal de 35 ans. Sans être une condition éliminatoire, la loi fondamentale, dans son article 76 alinéa 5, accorde une préférence aux juristes d’expérience.

II. Obligations du juge

Avant leur entrée en fonction, les membres du Conseil constitutionnel doivent prêter serment devant le président de la République. La formule de prestation de serment énumère sommairement les obligations (le comportement attendu) du juge constitutionnel :

  • bien et fidèlement remplir ses fonctions ;
  • être impartial ;
  • garder le secret des délibérations et des votes ;
  • ne prendre aucune position publique ou ne donner aucune consultation sur les questions relevant du Conseil.

D’autre part, les incompatibilités avec la qualité de membre du Conseil constitutionnel sont au nombre de trois :

  • être membre du Gouvernement ;
  • être membre de l’Assemblée nationale ;
  • être nommé à un emploi public ou recevoir une promotion au choix, si le membre a déjà la qualité de fonctionnaire.

Le « juge constitutionnel » a également pour obligation de ne pas exercer ces fonctions à moins d’être considéré démissionnaire d’office par le Conseil constitutionnel.

III. Droits du juge

Les membres du Conseil constitutionnel ne bénéficient d’aucun avantage particulier. Sous réserve du respect de leurs obligations légales, ils conservent leurs droits de citoyens. Par ailleurs, la Constitution leur accorde, dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat, la même immunité que celle accordée aux membres de l’Assemblée nationale.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge

L’indépendance des membres du Conseil constitutionnel est le soubassement du système de la justice constitutionnelle. Le mode de nomination impliquant, de manière paritaire, les trois pouvoirs constitutionnels, l’importance des compétences qui leur sont dévolues et notamment leur rôle de « garant » des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques et de « régulateur » du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, l’impossibilité de recours contre ses décisions, la protection contre les poursuites et la confidentialité de leurs délibérations et des votes, sont autant de garanties pour leur indépendance juridictionnelle.

De plus, les membres du Conseil constitutionnel ne sont soumis à aucun système d’avancement ni à une quelconque hiérarchie. C’est pourquoi, il est accordé, au président, une indemnité égale au traitement de la catégorie supérieure des emplois de l’État classés hors échelle, la plus haute rémunération de la fonction publique. Les autres membres sont classés dans la catégorie juste inférieure. Elle est réduite de moitié pour les membres qui continuent d’exercer leurs activités compatibles avec leur qualité de membre du Conseil constitutionnel.

Enfin, ils sont inamovibles pour la durée de leur mandat à moins qu’il ne soit relevé contre l’un d’eux, par le Conseil, le non-respect des incompatibilités, la perte de ses droits civils et politiques et l’incapacité permanente. Dans ces cas, il est procédé aux remplacements des démissionnaires ou des empêchés par les autorités compétentes.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique

Le juge constitutionnel est certainement, par la nature politique de la majorité des contentieux, sujet à des pressions qui peuvent être qualifiées de particulières. Cependant, le droit de réserve (interdiction de prendre une position publique et de donner une consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil), interprété de manière extensive, combiné aux personnalités d’expérience qui y sont désignées permet à cet organe d’asseoir sa crédibilité, de manière générale et de rassurer ceux qui le saisissent dans le cadre de ses compétences, en particulier.

Conseil constitutionnel français

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

La nomination des membres du Conseil constitutionnel est prévue par l’article 56 de la Constitution qui dispose : « Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.

« En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.

« Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage ».

Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution auquel renvoie l’article 56 dispose :

« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »

Enfin, l’article 3 de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose quant à lui : « Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente pour émettre un avis sur les nominations des membres du Conseil constitutionnel, effectuées sur le fondement du premier alinéa de l’article 56 de la Constitution, est la commission chargée des lois constitutionnelles. »

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Non.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

La durée du mandat des membres nommés est de 9 ans. Si un membre est nommé en remplacement d’un membre dont les fonctions prennent fin avant le terme normal, il achève le mandat de celui qu’il remplace.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat des membres du Conseil constitutionnel n’est pas renouvelable.

Toutefois, dans l’hypothèse où un membre est nommé pour terminer le mandat d’un membre dont les fonctions ont pris fin avant le terme normal, il peut être à nouveau nommé comme membre s’il a occupé les fonctions de membre à la suite d’un remplacement pendant une durée inférieure à trois ans.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Le Conseil constitutionnel constate la démission d’office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité ou accepté une fonction ou un mandat incompatible avec la qualité de membre du Conseil constitutionnel ou qui n’aurait pas la jouissance de ses droits civils et politiques. Il en va de même pour le membre du Conseil constitutionnel qu’une incapacité physique permanente empêche définitivement d’exercer ses fonctions.

Enfin le Conseil constitutionnel apprécie si l’un de ses membres a manqué à ces obligations et notamment s’il a compromis l’indépendance et la dignité de ses fonctions ou s’il a pris une position politique sur une question susceptible de faire l’objet d’une décision de la part du Conseil.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Avant d’entrer en fonction, les membres du Conseil constitutionnel jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil.

Le serment est prêté devant le Président de la République.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

L’article 57 de la Constitution dispose que : « Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de ministre ou de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par une loi organique ».

L’article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose :

« Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement ou du Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’avec celles de Défenseur des droits. Elles sont également incompatibles avec l’exercice de tout mandat électoral.

« Les membres du Gouvernement ou du Conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits ou les titulaires d’un mandat électoral nommés au Conseil constitutionnel sont réputés avoir opté pour ces dernières fonctions s’ils n’ont pas exprimé une volonté contraire dans les huit jours suivant la publication de leur nomination.

« Les membres du Conseil constitutionnel nommés à des fonctions gouvernementales ou aux fonctions de Défenseur des droits, désignés comme membres du Conseil économique, social et environnemental ou qui acquièrent un mandat électoral sont remplacés dans leurs fonctions.

« Les incompatibilités professionnelles applicables aux membres du Parlement sont également applicables aux membres du Conseil constitutionnel. »

Ces incompatibilités applicables aux membres du Parlement sont détaillées dans le code électoral (chapitre IV du titre II du livre 1er, articles LO 137 à LO 153).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

L’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que : « le président et les membres du Conseil constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l’État classés hors échelle.

« Les indemnités sont réduites de moitié pour les membres du Conseil qui continuent d’exercer une activité compatible avec leur fonction. »

Formellement, le traitement des membres du Conseil constitutionnel est déterminé en référence avec celui des présidents de section au Conseil d’État et des présidents de chambre à la Cour des comptes, celui du président en référence avec celui de ses homologues de ces deux juridictions.

Sur ce montant, les membres font l’objet des retenues classiques applicables aux agents non titulaires de l’État pour les personnes issues du secteur privé ou les retraités, aux fonctionnaires pour ceux qui relèvent de ce régime.

Cette rémunération est exclusive de tout autre versement, gratification ou indemnité.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il n’existe aucun système d’avancement au sein du Conseil constitutionnel. En outre, l’article 5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dispose : « Pendant la durée de leurs fonctions, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi public ni, s’ils sont fonctionnaires publics, recevoir une promotion au choix. »

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les devoirs des membres du Conseil constitutionnel, qui sont résumés dans les termes de leur serment rappelé ci-dessus, sont développés dans le décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel.

Les deux premiers articles de ce décret prévoient :

  • « Article 1 : Les membres du Conseil constitutionnel ont pour obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions.
  • « Article 2 : Les membres du Conseil constitutionnel s’interdisent en particulier pendant la durée de leurs fonctions :
  • « De prendre aucune position publique ou de consulter sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil ;
  • « D’occuper au sein d’un parti ou groupement politique tout poste de responsabilité ou de direction et, de façon plus générale, d’y exercer une activité inconciliable avec les dispositions de l’article 1er ci-dessus ;
  • « De laisser mentionner leur qualité de membre du Conseil constitutionnel dans tout document susceptible d’être publié et relatif à toute activité publique ou privée. »
2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

L’article 5 du décret du 13 novembre 1959 prévoit que c’est au Conseil constitutionnel qu’il appartient d’apprécier si l’un de ses membres a manqué aux obligations générales et particulières mentionnées aux articles 1er et 2 précités.

L’article 7 prévoit que le Conseil peut s’il y a lieu, prononcer la démission d’office du membre.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

L’article 6 du décret du 13 novembre 1959 prévoit que le Conseil se prononce au scrutin secret à la majorité simple des membres qui le composent.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Les membres ne sont soumis à aucune autorité hiérarchique, sans préjudice des compétences reconnues au président du Conseil constitutionnel pour organiser les travaux du Conseil constitutionnel.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Le traitement perçu est exclusif de tout autre versement, gratification ou indemnité.

Parallèlement, les membres du Conseil constitutionnel ne font l’objet d’aucun avantage particulier. Ils bénéficient d’un secrétariat partagé, d’un véhicule avec chauffeur pour deux pour les déplacements professionnels franciliens, mais ne disposent pas de frais de représentation propres.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Aucune disposition n’interdit que les membres du Conseil s’associent ou forment un syndicat mais, compte tenu de leur nombre (neuf membres), la question ne s’est jamais posée.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Les membres conservent leur droit de vote. Ils sont également éligibles, mais, s’ils sont élus (cf. supra), les règles d’incompatibilité leur imposent de démissionner de leurs fonctions de membre du Conseil constitutionnel s’ils souhaitent conserver leur mandat. Par ailleurs, l’article 4 du décret du 13 novembre 1959 prévoit que pendant la durée de la campagne électorale, le membre qui sollicite un mandat électif doit se mettre en congé du Conseil constitutionnel.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Les membres du Conseil constitutionnel ne bénéficient d’aucune immunité, impunité ou privilège de juridiction pendant leur mandat ou après celui-ci.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

L’indépendance des membres du Conseil constitutionnel est affirmée expressément par l’article 1er du décret du 13 novembre 1959 précité. Cette indépendance est avant tout garantie par les règles qui assurent que les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être révoqués en cours de mandat et ne peuvent être renouvelés dans leurs fonctions.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui, sauf décision de démission d’office ou de constat d’empêchement du Conseil constitutionnel pour les motifs sus évoqués.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Les membres du Conseil constitutionnel, comme tout juge, ont l’obligation de s’abstenir de siéger dans les délibérations du Conseil constitutionnel pour statuer sur les questions pour lesquelles ils estiment avoir des motifs de partialité.

Le règlement intérieur du Conseil constitutionnel sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité dispose, en son article 4 :

  • « Tout membre du Conseil constitutionnel qui estime devoir s’abstenir de siéger en informe le président.
  • « Une partie ou son représentant muni à cette fin d’un pouvoir spécial peut demander la récusation d’un membre du Conseil constitutionnel par un écrit spécialement motivé accompagné des pièces propres à la justifier. La demande n’est recevable que si elle est enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel avant la date fixée pour la réception des premières observations.
  • « La demande est communiquée au membre du Conseil constitutionnel qui en fait l’objet. Ce dernier fait connaître s’il acquiesce à la récusation. Dans le cas contraire, la demande est examinée sans la participation de celui des membres dont la récusation est demandée.
  • « Le seul fait qu’un membre du Conseil constitutionnel a participé à l’élaboration de la disposition législative faisant l’objet de la question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation. »

L’abstention spontanée d’un membre du Conseil constitutionnel est fréquente. Les demandes de récusation sont rares (deux demandes formées depuis mars 2010, date d’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité).

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le devoir de réserve des membres du Conseil constitutionnel est énoncé précisément à l’article 2 du décret du 13 novembre 1959.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Dans le cadre du contrôle a priori des lois, le Conseil est appelé à statuer sur la conformité des lois à la Constitution entre l’adoption définitive de la loi et sa promulgation par le Président de la République. Le délai très court (toujours inférieur à un mois) entre la fin du débat politique qui a conduit à l’adoption de la loi au Parlement et la décision du Conseil constitutionnel, le plus souvent saisi par 60 députés ou 60 sénateurs de l’opposition, peut conduire à des interprétations politiques de la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Les décisions déclarant une loi conforme à la Constitution sont souvent interprétées comme traduisant la faveur du Conseil constitutionnel pour la majorité en place ; au contraire, les décisions de censure sont présentées comme des « désaveux » politiques.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Aucune disposition n’interdit qu’un membre du Conseil constitutionnel qui s’estime diffamé ou outragé puisse agir selon les voies de droit commun qui visent à réprimer les abus de la liberté d’expression. Toutefois, une telle hypothèse ne s’est jamais présentée, notamment parce que, les décisions du Conseil constitutionnel étant toujours collégiales et ne révélant pas les opinions exprimées par chaque membre au cours du délibéré, ceux-ci ne sont généralement pas pris à partie individuellement.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Les membres du Conseil constitutionnel participent à des rencontres régulières avec leurs collègues d’autres cours constitutionnelles. Ils ne participent pas à des « instances » internationales.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Il en va sûrement ainsi en tant que des membres du Conseil constitutionnel français participent à de telles associations.

Cour suprême de Guinée

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Autorité(s) de nomination :

Procédure de nomination :

La réponse à ces questions est contenue dans l’article 100 de la Constitution qui dispose, citation :

« La Cour constitutionnelle comprend neuf membres âgés de quarante-cinq ans au moins choisis pour leur bonne moralité.

Elle est composée de :

  • deux personnalités reconnues pour leur probité et leur sagesse, dont une proposée par le Bureau de l’Assemblée nationale et une proposée par le Président de la République ;
  • trois magistrats ayant au moins vingt années de pratique, désignés par leurs pairs ;
  • un avocat ayant au moins vingt années de pratique élu par ses pairs ;
  • un enseignant de la Faculté de droit titulaire au moins d’un doctorat en droit public et ayant une expérience d’au moins vingt années, élu par ses pairs ;
  • deux représentants de l’Institution nationale des droits humains, reconnus pour leur longue expérience. »
1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?
1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Cette disposition traite également des conditions de formation, d’expérience professionnelle (vingt années au moins) et de compétence. Elle ne fixe que l’âge minimal.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

La durée du mandat est fixée par l’article 101 de la Constitution qui dispose : « La durée du mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelable, sous réserve de l’alinéa 3 du présent article.

« Le Président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une durée de neuf ans non renouvelable.

« Les membres de la Cour constitutionnelle sont renouvelés par tiers tous les trois ans sur tirage au sort. »

Il découle de l’article 101 susvisé que le mandat de juge constitutionnel n’est pas renouvelable.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Ces questions seront réglées par la loi organique portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. En attendant l’installation de la Cour constitutionnelle, l’article 155 de la Constitution dispose : « En attendant la mise en place de la Cour constitutionnelle et de la Cour des comptes, la Cour suprême demeure compétente pour les affaires relevant de la compétence dévolue respectivement à ces juridictions.

« Cette mise en place sera réalisée dans un délai de six mois au plus tard à compter de l’installation de l’Assemblée nationale. »

Pour en revenir à la question ci-dessus, on peut en déduire la réponse des dispositions de la loi organique L/010/CTRN/1991 du 23 décembre 1991 portant Conseil supérieur de la magistrature, à savoir :

«Article 15 : Le Conseil supérieur de la magistrature, conformément aux dispositions des articles 81 et 82 de la Loi fondamentale, émet son avis en matière de nomination ou d’avancement des magistrats.

Il exerce le pouvoir disciplinaire.

Article 19 : Le Conseil supérieur de la magistrature est le Conseil de discipline des magistrats du siège.

Article 20 : Lorsqu’il siège comme conseil de discipline, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Premier président de la Cour suprême. »

Quand à la procédure, il y a tout lieu de penser qu’elle ne sera pas fondamentalement différente de celle fixée par la loi organique susvisée :

« Article 20 : Lorsqu’il siège comme Conseil de discipline, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Premier président de la Cour suprême. Il statue hors la présence du Président de la République et du ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Pour délibérer valablement dans ce cas, le conseil de discipline doit comprendre, outre son Président, au moins quatre de ses membres. Les sanctions sont adoptées à la majorité.

Article 21 : Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, dénonce au Conseil supérieur de la magistrature les faits motivant la poursuite disciplinaire. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, après avis du Conseil supérieur de la magistrature peut interdire au magistrat incriminé l’exercice de ses foncions jusqu’à décision définitive. Cette décision ne comporte pas privation du droit au traitement. Elle ne peut être rendue publique.

Article 22 : Le Premier président de la Cour suprême, en sa qualité du Président de Conseil de discipline, désigne un rapporteur parmi les membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Article 23 : Au cours de l’enquête, le rapporteur entend ou fait entendre l’intéressé par un magistrat ayant au moins son rang, s’il y a lieu, le plaignant et les témoins. Il accomplit tous les actes d’investigations.

Article 24 : Lorsqu’une enquête n’a pas été jugée nécessaire ou lorsque l’enquête est complète, le magistrat est cité à comparaître devant le Conseil de discipline.

Article 25 : Le magistrat cité est tenu de comparaître en personne. Il peut se faire assister par l’un des pairs ou un avocat.

En cas de maladie ou d’empêchement reconnu justifié, il peut se faire représenter par l’un de ses pairs ou par un avocat.

Article 26 : Le magistrat mis en cause a droit à la communication de son dossier, de toutes les pièces de l’enquête et du rapport établi par le rapporteur. Son conseil a droit à la communication des mêmes documents.

Article 27 : Au jour fixé pour la citation, et après lecture du rapport, le magistrat déféré est invité à fournir ses explications et moyens de défenses sur les faits qui lui sont reprochés.

Article 28 : Le conseil de discipline délibère à huis clos.

Si le magistrat, hors le cas de force majeur, ne comparaît pas, il peut être passé outre.

La décision du Conseil de Discipline, qui doit être motivée, n’est susceptible d’aucune opposition, même devant la Cour suprême. »

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

La Constitution guinéenne dispose : « Article 103 : Avant leur entrée en fonction, les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment en audience solennelle publique devant le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale en ces termes :

“Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et en toute indépendance, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour”. »

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Sur les incompatibilités avec la fonction de juge constitutionnel, la Constitution guinéenne dispose :

«Article 104 : Les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute activité professionnelle ainsi que de toute fonction de représentation nationale. »

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération du juge constitutionnel est établie sur une base forfaitaire qui prend en compte le niveau de vie et les exigences de l’indépendance.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il n’existe pas de disposition légale organisant l’avancement au sein de la juridiction puisqu’il s’agit d’un mandat non renouvelable et non d’une carrière.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

On peut déduire du principe de l’article 109 de la Constitution qui déclare que « les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi », que les obligations du juge constitutionnel sont celles contenues dans son serment énoncé par l’article 104 cité plus haut.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Le juge constitutionnel jouit de privilèges et immunités qui le protègent, mais ne l’exonèrent pas de sanctions en cas de manquements aux devoirs de sa charge dont le premier est le respect de la loi. La Constitution précise : « Article 102 : Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle, sauf cas de flagrant délit. Dans ce cas, le Président de la Cour constitutionnelle est informé, au plus tard dans les 48 heures. En cas de crimes ou délits, les membres de la Cour constitutionnelle sont justiciables de la Cour suprême. »

En matière disciplinaire, les dispositions de la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature sont claires. Il peut être déduit de l’article 106 de la Constitution qui dit : « Une loi organique détermine l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, la procédure suivie devant elle, notamment les délais pour sa saisine de même que les conditions d’éligibilité, les avantages, les immunités, et le régime disciplinaire de ses membres », que le juge constitutionnel est soumis à un régime disciplinaire qui suivra les principes édictés par la loi organique 010 sur le Conseil supérieur de la magistrature visée plus haut.

Les juges de la Cour constitutionnelle seront sous l’autorité disciplinaire du Président de la Cour.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

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III. Droits du juge

Les droits du juge, la protection et les avantages particuliers dont ils bénéficient sont énoncés dans l’article 102 susmentionné.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?
4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

La garantie d’indépendance prévue à l’article 109 de la Constitution qui affirme que « les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi » est renforcée par le principe d’inamovibilité posé par l’article 102 de la Constitution.

L’indépendance de la Cour constitutionnelle se manifeste de façon plus éloquente et évidente dans les dispositions ci-après de la Constitution :

1. Article 92, dernier alinéa : « … La décision de la Cour constitutionnelle s’impose au Président de République et à l’Assemblée nationale. »

2. Article 93, dernier alinéa : « … Elle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’État. »

3. Article 99 : Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont sans recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’à toute personne physique ou morale. »

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Le juge constitutionnel, dans le système constitutionnel guinéen, n’est pas récusable et il n’est pas soumis à la procédure de déport.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le nom du juge rapporteur n’est pas public.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Le secret des délibérations s’oppose à la publication des opinions dissidentes.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

En principe, le juge constitutionnel, comme toute personne investie de fonction publique, n’échappe pas aux pressions de toutes natures, mais le droit pénal le protège contre les pressions qui s’avèreraient être ingérence, empiètement ou immixtion.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Les relations du juge constitutionnel avec la presse sont basées sur le devoir de réserve. Toutefois, la Cour peut avoir des relations institutionnelles avec la presse à travers le Secrétariat général qui comprend un service de communication chargé de l’information du public sur les activités de la Cour.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Le juge constitutionnel ne peut échapper aux critiques de toutes origines, car les matières qui relèvent de sa compétence, en particulier les élections, sont politiques, donc génératrices de passions et d’attitudes plus ou moins irrationnelles, en raison des intérêts et enjeux qu’elles comportent.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Dans le cas d’outrage, la situation est différente, selon qu’il survient à l’audience ou hors audience. En ce qui concerne la diffamation, comme tout citoyen la loi lui laisse la libre action en justice contre le diffamateur. Aucun texte ne s’oppose expressément à ce qu’il intente un procès.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

De larges développements du droit jurisprudentiel, liés à l’affirmation de l’État de droit, à la prolifération des normes et à l’augmentation de la demande de justice, ont imprimé au cours du XXe siècle une nouvelle dynamique au rôle du juge constitutionnel, celui de mener une politique jurisprudentielle cohérente. Le rôle traditionnel d’interprète de la loi, de gardien de la norme du juge s’est transformé en une mission d’intérêt général plus large, celle de faire évoluer le droit, d’en uniformiser les règles, de les adapter, d’unifier la jurisprudence et de garantir l’exercice des politiques selon les principes de la séparation et de la collaboration des pouvoirs, dans les respect de la loi et des droits de l’homme. Tel pourrait être l’apport du juge dans les instances internationales.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Les associations internationales de juridictions constitutionnelles ne peuvent être tenues aux mêmes rigueurs et limites de l’obligation de réserve que le juge individuel au plan national. Appelées à assurer la primauté du droit communautaire et à appliquer les standards issus des conventions internationales, régionales et sous-régionales, les cours constitutionnelles sont investies d’une mission fondamentale, celle de veiller à la stabilité et au fonctionnement régulier des institutions étatiques dans le respect de la loi et des droits du citoyen.

Dans la perspective de la construction d’un espace africain et international de justice, de liberté et de sécurité commun et d’une communauté de droit à l’échelle sous-régionale, continentale, voire planétaire, les cours apparaissent comme des acteurs, des relais importants. Afin de n’être isolés ni du justiciable, ni de l’évolution économique et sociale, ni de la communauté des juristes africains, francophones et de tradition germano-romaine, les membres des cours doivent ouvrir leur réflexion à la méthode comparatiste dont de telles conférences offrent l’opportunité.

Les relations entre cours, devant être fondées sur le dialogue et inciter à poursuivre les échanges entre elles afin qu’éclore une véritable culture juridique commune, une véritable communauté de droit, ne sauraient être enserrées dans les corsets indéfectibles de l’obligation de réserve incombant aux individus.

Conseil constitutionnel du Liban

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel est composé de dix membres : cinq élus par le Parlement à la majorité absolue des membres de l’Assemblée (128 députés) au premier tour et à la majorité relative des votants au second tour. En cas de partage des voix, le candidat le plus âgé est considéré élu ; et cinq membres sont désignés par le Gouvernement à la majorité des deux tiers des membres du Gouvernement (art. 2 de la loi 250 du 14/7/1993, amendée par la loi 150/1999 du 30/10/1999).

Les candidats qui remplissent les conditions requises doivent présenter leur candidature, jointe à un CV détaillé, auprès du Bureau d’enregistrement du Conseil constitutionnel et en contrepartie d’un récépissé.

Le délai de présentation des candidatures, qui commence 90 jours avant l’expiration du mandat de l’un des membres, prend fin après 30 jours du commencement du délai.

Le délai de présentation des candidatures, en cas de vacance pour l’un des membres est de 10 jours à partir de l’annonce de cette vacance au Journal officiel.

Le Bureau d’enregistrement du Conseil constitutionnel peut requérir le dossier personnel des candidats des administrations publiques et des institutions où ils ont travaillé. Ces instances ont l’obligation d’y répondre sur-le-champ. Le Bureau d’enregistrement du Conseil constitutionnel transmet au Secrétariat général du Parlement et au Conseil des ministres la liste des candidatures, jointe aux documents requis, et cela dans les 48 heures à partir de l’expiration du délai de présentation de ces candidatures (art. 3 al. 2).

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Les dix membres du Conseil constitutionnel sont choisis parmi les juges qui ont exercé durant 25 ans au moins la magistrature judiciaire, administrative ou financière, ou parmi les professeurs de l’enseignement supérieur qui ont enseigné durant 25 ans au moins une matière dans les disciplines juridiques, politiques ou administratives, ou parmi les avocats qui ont exercé la profession durant 25 ans au moins (art. 3 al. 1).

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

L’âge requis est de 50 ans au moins et de 74 ans au plus (art. 3 al. 2 b).

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Les membres sont élus pour une durée de six ans, non renouvelables et aucun mandat d’un membre ne peut être réduit (art. 4).

En vertu d’un amendement introduit par la loi 43/2008 du 3/11/2008, le mandat de la moitié des membres prend fin après trois ans de la date de prestation du serment, par tirage au sort.

Une proposition de loi (donc d’origine parlementaire) a été présentée au Parlement en août 2011 en vue de la suppression de cet amendement, avec un exposé des motifs centré sur les résultats de l’expérience antérieure et les exigences de continuité de l’institution.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat n’est pas renouvelable (art. 4). Cependant les membres dont le mandat a expiré continuent à exercer pleinement leurs fonctions jusqu’à la désignation des remplaçants et la prestation par ceux-ci du serment (art. 4 de la loi 243 du 7/8/2000 relative aux statuts intérieurs).

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Le juge constitutionnel libanais jouit de l’immunité sauf en cas de flagrant délit, mais aucune action pénale ne peut être engagée contre lui pour toute la durée de son mandat qu’avec l’accord de ses pairs et suivant des procédures rigoureuses (art. 9 à 12 des statuts intérieurs).

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Le mandat du conseiller ne commence qu’à partir de la prestation du serment devant le Chef de l’État, prestation qui doit avoir lieu dans un délai de 15 jours au plus à partir de la formation intégrale du Conseil. Les termes du serment sont : « Je jure par Dieu tout puissant d’exercer ma fonction au Conseil constitutionnel avec fidélité, désintéressement et intégrité (amânat, wa tajarrud wa ikhlâs) en conformité avec les dispositions de la Constitution, et de sauvegarder avec la plus grande rigueur le secret des délibérations » (art. 5).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

L’incompatibilité est absolue entre le mandat de membre du Conseil constitutionnel et le mandat ministériel ou parlementaire ou celui de toute autre institution officielle ou n’importe quelle fonction publique.

Il est aussi interdit aux membres d’exercer tout autre emploi public ou privé, à l’exception de la participation à des conférences internationales et de l’enseignement supérieur.

Le membre réfractaire est considéré démissionnaire d’office. Le Conseil constitutionnel annonce cette démission d’office par décision à la majorité de sept membres.

Si le membre est affilié au Barreau, il suspend son exercice durant toute la durée de son mandat constitutionnel (art. 7-8).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération est fixée en vertu d’un crédit global annuel forfaitaire, prévu dans le budget spécial du Conseil, budget établi par le Conseil lui-même et approuvé par le Parlement et sur la base des rémunérations établies en 1996. La répartition de ce crédit est ordonnancée mensuellement aux membres (art. 14 et 45 des Statuts intérieurs).

Le Conseil jouit de l’autonomie financière.

Le montant effectif de la rémunération n’a pas subi de changement depuis 1996 pour des raisons liées à la conjoncture budgétaire générale.

Le critère général est celui en vigueur pour le mandat de ministre et légèrement supérieur à celui du magistrat de 1re catégorie.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Les membres du Conseil ont en principe, et souvent en fait, atteint le plus haut grade dans la magistrature, le Barreau ou l’enseignement supérieur. La désignation constitue, sauf exception de fait, un couronnement de carrière.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les membres assument leur fonction de façon régulière et assidue. L’absence pour cause de voyage doit être approuvée par le Président du Conseil, à condition que le nombre des membres présents à n’importe quel moment ne soit pas inférieur à huit. Il appartient cependant au Président du Conseil de gérer la situation et aussi de déterminer les activités privées incompatibles avec la qualité de membre (art. 15 des statuts intérieurs).

Les membres du Conseil, astreints à une obligation de réserve dans leurs propos et actions, doivent éviter tout ce qui peut nuire à la confiance, à la considération et aux exigences de la fonction et sauvegarder le secret des délibérations (art. 5 de la loi 250 du 14/7/1993 et art. 8 des statuts intérieurs).

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Est considéré démissionnaire d’office le membre absent à trois séances successives sans motif légitime et celui qui enfreint les règles d’incompatibilité et l’obligation de réserve.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

La preuve de l’infraction doit être établie en vertu d’une enquête entreprise par le Président en personne ou par un membre du Conseil. Le procès-verbal établi est présenté à l’Assemblée générale du Conseil constitutionnel et conservé auprès du Président. Le Conseil proclame la vacation et la fin du mandat par décision à la majorité de sept membres au moins (art. 19 et 20 des statuts intérieurs).

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

L’autorité hiérarchique au sein du Conseil est constituée par les pairs. En effet, après leur prestation du serment, les dix membres du Conseil sont convoqués par le doyen d’âge ou, éventuellement, par trois membres, pour qu’ils élisent, par un vote secret, un Président et un Vice-président pour une durée de trois ans renouvelables, et cela à la majorité absolue des membres au premier tour et à la majorité relative au second tour et, en cas de partage des voix, le plus âgé est considéré élu (art. 6). Le Bureau du Conseil est formé du Président, et de deux membres élus par l’Assemblée générale à la majorité relative pour une durée de trois ans renouvelables, dont un assure le secrétariat et, en cas de partage des voix, le vote du Président est considéré prépondérant (art. 23 des statuts intérieurs).

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Les juges portent une toge spéciale dans les circonstances officielles et bénéficient notamment d’un service personnel de sécurité, d’une plaque spéciale d’immatriculation de leur voiture, et d’une priorité protocolaire durant le mandat et après l’expiration du mandat (notamment art. 16 des statuts intérieurs).

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Rien n’est prévu dans la loi. Mais en principe les membres du Conseil constitutionnel doivent être au-dessus des mouvements à caractère revendicatif et être les garants des normes générales de justice dans la société globale.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

La qualité de citoyen est une norme fondamentale. L’obligation de réserve n’est pas une obligation de se taire, mais une exigence de justice égalitaire et effectivement rendue.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Les décisions, qui jouissent de l’autorité de la chose jugée, sont impératives pour toutes les autorités publiques et les instances judiciaires et administratives. Elles sont en dernier recours (art. 13).

Les membres du Conseil constitutionnel jouissent de l’immunité comme indiqué précédemment.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Le principe est implicitement prévu dans la prestation du serment (art. 5).

L’élection des membres conjointement par le Parlement (cinq membres) et le Gouvernement (5 membres) n’implique pas de subordination, ni au Législatif, ni à l’Exécutif.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Ils sont inamovibles (art. 4).

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Les garanties légales existent, mais la garantie effective réside dans la personne même du juge, et donc dans la qualité du choix par le Parlement et par l’Exécutif des dix membres. L’histoire du Conseil constitutionnel libanais est fort instructive sur ce point.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le nom du rapporteur, nommé par le Président du Conseil constitutionnel, est généralement décidé par l’Assemblée générale et mentionné dans le procès-verbal interne. La décision publiée au Journal officiel mentionne la nomination d’un rapporteur, mais sans indication publique du nom, et cela avec la signature des membres.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Le membre ou les membres dissidents inscrivent intégralement leurs avis dissidents à la fin de la décision, avec leur signature. La dissidence est considérée partie intégrante de la décision et publiée et notifiée avec la décision (art. 36 des statuts intérieurs).

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

La loi garantit l’indépendance du juge, mais la garantie effective réside dans la personne même du juge constitutionnel et la qualité du recrutement parmi des magistrats, avocats et professeurs universitaires qui jouissent de la plus haute réputation d’autonomie, de rigueur et de culture juridique. L’expérience libanaise, dans des contextes d’après-guerre et d’une mentalité souvent clientéliste, est fort éclairante sur ce point.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le problème des rapports entre justice et médias doit être mûrement étudié, la justice étant rendue au nom du « peuple libanais ».

Le Conseil constitutionnel libanais, cible de quelques informations et commentaires sans fondement lors de l’examen de 19 recours en invalidation des élections législatives en 2009, a délibérément décidé d’instituer une relation de transparence avec les médias au moyen de ses diverses publications et informations, et dans les limites certes de l’obligation de réserve et l’exigence de ne pas s’ingérer dans des débats polémiques.

Pour la première fois dans l’histoire du Conseil constitutionnel, les médias sont entrés en 2010 au Conseil constitutionnel libanais, à l’occasion de la publication de l’Annuaire 2009-2010 du Conseil constitutionnel…, sans qu’il ait à justifier ni à défendre ses décisions, puisque les attendus des décisions doivent être par eux-mêmes éclairants. La gestion de la relation exige du savoir-faire et du discernement, sans intention de propagande, de publicité ou de justification.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Dans une période d’après-guerre et une conjoncture nationale et régionale conflictuelle et plusieurs attentats terroristes, le problème de la prééminence de la justice au Liban est prioritaire.

Les candidats aux élections législatives, déboutés dans leurs recours devant la justice constitutionnelle, se livrent, presque partout dans le monde, à des critiques.

Mais la période récente au Liban a fortement limité les critiques inconsidérées, en raison notamment de la rigueur des investigations et enquêtes du juge constitutionnel, du souci d’information entrepris par le Conseil auprès des médias et de l’opinion en général et des études de justice constitutionnelle publiées par le Conseil dans ses Annuaires.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Le code pénal libanais contient des dispositions suffisantes à ce propos en ce qui concerne la magistrature, les personnes chargées d’un service public et les citoyens en général.

Dans le cas du Conseil constitutionnel, il faut être fort prudent et ne pas faire le jeu de médias qui cherchent la polémique et donc se maintenir au-dessus des rivalités, des compétitions inter-élites et des surenchères, ce qui n’exclut pas l’engagement éthique et normatif.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

La mondialisation favorise le commerce (dans le sens de l’échange) entre les juges et les jurisprudences, ce qui favorise la promotion des principes fondamentaux du droit et les droits de l’homme, dont l’universalité est aujourd’hui pratiquement menacée (Gerard Fellous, Les droits de l’homme : Une universalité menacée, Paris, La Documentation française, Fédération européenne des écoles, 2010). Ce qui menace cette universalité, c’est notamment le relativisme culturel ambiant, les replis identitaires, la propagation du terrorisme dans les relations internationales, les médiations diplomatiques dans des stratégies de chantage sécuritaire.

Droit et politique ne sont pas, et ne doivent pas être, antinomiques, mais complémentaires, l’essence du droit étant de domestiquer le politique qui risque de se réduire à la force pure.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Il n’y a pas pratiquement de problème en ce qui concerne l’obligation de réserve.

Mais il faut des engagements éthiques et normatifs plus musclés, en partant des grandes décisions des jurisprudences constitutionnelles.

La finalité de l’indépendance et de l’immunité du juge constitutionnel n’est pas le privilège statutaire, mais le courage. Alexandre Soljenitsyne déplorait dans son célèbre discours à Harvard le 8 juin 1978, la régression du courage en Occident. « Trop de modération n’est pas modérations », écrivait Saint Ignace de Loyola dans une lettre du 9 octobre 1554.

Haute Cour constitutionnelle de Madagascar

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?
1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Aux termes des dispositions de l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour constitutionnelle, les 9 membres de la juridiction constitutionnelle sont choisis en raison de leur compétence juridique et doivent avoir une pratique suffisante de la magistrature de l’ordre administratif ou judiciaire, du barreau, de l’enseignement supérieur du droit ou de l’administration.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Il n’existe pas de condition d’âge minimal ou maximal.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Le mandat est de 7 ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

L’ordonnance susmentionnée fixe à sept ans la durée du mandat des juges constitutionnels. Il importe de relever que la durée de ce mandat est modifiée pour sept ans non renouvelables par la Constitution de la quatrième République, adoptée le 17 novembre 2010 et promulguée le 11 décembre 2010.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Les membres de la Haute Cour constitutionnelle ne sont pas révocables à la lecture des dispositions constitutionnelles et légales.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Aux termes des dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001, les membres de la Haute Cour constitutionnelle, avant d’entrer en fonction, doivent prêter serment en audience solennelle en présence du Président de la République ou son représentant, du président du Sénat ou de son représentant, du président de l’Assemblée nationale ou de son représentant, du Premier ministre, chef du Gouvernement.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Aux termes des dispositions de l’article 115 de la Constitution, les fonctions de membres de la Haute Cour constitutionnelle sont incompatibles avec celles de membres du Gouvernement, du Parlement, avec tout mandat public électif, toute activité professionnelle rémunérée, à l’exception des activités d’enseignement.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?
1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Aux termes des dispositions de l’article 13 de l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001, la loi détermine les conditions et les modalités d’attribution des indemnités allouées aux membres de la Haute Cour constitutionnelle. L’article 3 de la même ordonnance énonce que les fonctionnaires et magistrats nommés ou désignés membres de la Haute Cour constitutionnelle sont placés, nonobstant toutes dispositions contraires, en position de détachement et continuent de bénéficier dans leurs corps d’origine des avancements en échelon, classe et grade, selon les modalités propres à leurs corps d’origine.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Selon l’ordonnance sus-évoquée, pendant la durée de leur mandat, les membres de la Haute Cour constitutionnelle ne peuvent prendre aucune position publique sur les matières relevant de la compétence de la Haute Cour ni être consultés sur les mêmes matières.

Aussi, ils ne peuvent accepter aucune activité au sein d’un parti politique ou d’un syndicat ni exercer une fonction ou un mandat incompatible avec la qualité de membres de la Haute Cour constitutionnelle.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

En cas de violation de ses obligations par un de ses membres, la Haute Cour constitutionnelle constate la démission d’office du fautif.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?
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2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Au sein de l’institution, les juges ne sont soumis à aucune autorité hiérarchique.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Les juges constitutionnels bénéficient d’avantages particuliers tels que l’indemnité de loyer, de transport, le remboursement des frais de soins médicaux, le droit aux gardes de corps pour leur sécurité.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?
3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Ils ne peuvent pas se regrouper en association ou en syndicat, toutefois ils conservent leurs droits de citoyens.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

S’agissant de mesures relatives à une protection spéciale, selon la Constitution, le Président de la Haute Cour constitutionnelle est pénalement responsable devant la Haute Cour de justice, des actes accomplis liés à l’exercice de ses fonctions, des actes qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Il peut être mis en accusation par l’Assemblée nationale statuant au scrutin public à la majorité absolue de ses membres. L’initiative de la poursuite émane du Procureur général de la Cour suprême.

En dehors de l’exercice de ses fonctions, le Président de la Haute Cour constitutionnelle est justiciable des juridictions de droit commun pour les infractions commises. L’initiative des poursuites émane du procureur général près la Cour de cassation.

Dans ce cas, lorsqu’il y a délit, la juridiction correctionnelle compétente est présidée par le président du tribunal ou par un vice-président s’il en est empêché.

Ces mesures sont applicables aux autres membres de la Haute Cour constitutionnelle.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Le principe d’indépendance du juge constitutionnel est consacré par la Constitution qui dispose en son article 119 que « Les arrêts et décisions de la Haute Cour constitutionnelle sont motivés ; ils ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles.
En outre, la Haute Cour constitutionnelle, selon l’article 40 de la Constitution, figure parmi les Institutions de l’État.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Pendant la durée de leur mandat, les juges constitutionnels sont inamovibles.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

L’impartialité du juge constitutionnel est garantie par son statut défini par la Constitution et par l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001.

D’abord, la Haute Cour constitutionnelle est une institution de l’État, ensuite ses membres sont soumis à un régime d’incompatibilité antérieurement défini, en outre ses décisions s’imposent à tous les pouvoirs publics.

Les textes constitutionnels et légaux en vigueur n’ont pas prévu de procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?
4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Dans la pratique, le nom du juge rapporteur n’est pas rendu public et les opinions dissidentes ne sont pas publiées, la juridiction statuant par principe au moyen d’un consensus.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Le juge constitutionnel, jusqu’à présent, n’est pas soumis à des pressions particulières.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le juge constitutionnel dispose d’un site propre qui peut être librement consulté par tout citoyen et par la presse. Y figurent régulièrement les avis, arrêts et décisions pris par la Cour. Toutefois, la Haute Cour constitutionnelle évite de s’exprimer dans les débats politiques publics.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

/

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

En cas d’arbitrage ou de diffamation, le juge constitutionnel peut agir en justice, en application des dispositions pénales en vigueur.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Dès l’abord, la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar est membre fondateur de l’ACCPUF en 1997. Elle travaille de concert avec l’Organisation internationale de la Francophonie pour l’application et le suivi des principes et valeurs énoncés dans la Déclaration de Bamako.

Le juge constitutionnel est appelé, sur le plan international, à œuvrer pour le processus de règlement de conflits et à contribuer notamment à la mise en œuvre des mesures prises pour le retour à la normalité constitutionnelle. L’échange des pratiques positives, au sein des échanges internationaux, vise l’apaisement social et la sauvegarde des valeurs et principes fondamentaux destinés à la garantie des libertés et droits fondamentaux des citoyens.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Nous estimons que les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont tenues de s’exprimer dès que les libertés et droits fondamentaux sont bafoués dans un pays membre ou que les règles démocratiques n’y sont plus respectées.

Cour constitutionnelle du Mali

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Aux termes de l’article 91 de la Constitution, « la Cour constitutionnelle comprend neuf membres qui portent le titre de conseillers… ».

Les neuf membres de la Cour constitutionnelle sont désignés comme suit :

  • trois nommés par le président de la République dont au moins deux juristes ;
  • trois nommés par le président de l’Assemblée nationale dont au moins deux juristes ;
  • trois magistrats désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.
1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Les conseillers sont choisis à titre principal parmi les professeurs de droit, les avocats et les magistrats ayant au moins quinze ans d’activité, ainsi que les personnalités qualifiées ayant honoré le service de l’État.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

/

1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de sept ans renouvelable une fois.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Le juge constitutionnel est susceptible de révocation suite à une mesure disciplinaire qui consiste à l’exclure de la Cour constitutionnelle avec ou sans suspension des droits à pension.

Selon l’article 10 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle : « La Cour constitutionnelle constate, le cas échéant, la démission d’office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité, une fonction ou un mandat électif incompatible avec sa qualité de membre de la Cour, qui n’aurait plus la jouissance de ses droits civils et politiques ou qui aurait méconnu les obligations générales et particulières visées aux articles 3 et 8 ci-dessus ».

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Au Mali, l’article 93 de la Constitution précise que « les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment au cours d’une cérémonie solennelle présidée par le Président de la République devant l’Assemblée nationale et la Cour suprême réunies… ».

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel sont déterminées par la Constitution et la loi organique sur la Cour constitutionnelle.

L’article 93 alinéa 1 de la Constitution dispose : « Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec toute fonction publique, politique, administrative ou toute activité privée ou professionnelle ».

L’article 8 de la loi organique complète ces dispositions en ces termes : « Ils ont l’obligation en particulier pendant la durée de leurs fonctions de n’occuper au sein des partis politiques aucun poste de responsabilité et de direction même à titre honorifique… ».

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Les critères de rémunération du juge constitutionnel sont déterminés par l’article 5 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui dispose : « Un décret pris en Conseil des ministres fixe le traitement, les indemnités et autres avantages accordés aux membres de la Cour constitutionnelle. Pendant l’exercice de leur fonction, les conseillers de la Cour constitutionnelle continuent à percevoir les émoluments afférents à cette fonction ».

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il existe un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle. Le système est déterminé par l’article 6 de la loi organique qui dispose : « Les membres de la Cour constitutionnelle ayant la qualité de fonctionnaires publics ou de magistrats bénéficient d’un avancement d’échelon et de grade automatiquement ».

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Aux termes de l’article 8 de la loi organique : « les membres de la Cour constitutionnelle ont pour obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions. Ils ont l’obligation en particulier pendant la durée de leurs fonctions de n’occuper au sein des partis politiques aucun poste de responsabilité et de direction même à titre honorifique, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part de la Cour, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour constitutionnelle.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Des sanctions sont prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction. Ces sanctions sont déterminées à la fois par les articles 10 et 13 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui disposent respectivement :

Article 10 : « La Cour constitutionnelle constate, le cas échéant, la démission d’office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité, une fonction ou un mandat électif incompatible avec sa qualité de membre de la Cour, qui n’aurait plus la jouissance de ses droits civils et politiques ou qui aurait méconnu les obligations générales et particulières visées aux articles 3 et 8 ci-dessus.

« Le Président en informe la Cour et l’autorité de nomination qui procède à son remplacement dans les trente jours ».

Article 13 : « Avant l’expiration du mandat, il ne peut être mis fin à titre temporaire ou définitif aux fonctions de membres de la Cour constitutionnelle que dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme de la Cour statuant à la majorité des 2/3 de ses membres.

« L’intéressé qui ne participe pas au vote est dans tous les cas entendu par la Cour et reçoit communication de son dossier ».

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Le Président en informe la Cour et l’autorité de nomination qui procède au remplacement du membre dans les trente jours.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Le Président de la Cour constitutionnelle est chargé, aux termes de l’article 23 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour, de l’administration et de la discipline de la Cour.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

L’article 5 de la loi organique dispose qu’« Un décret pris en Conseil des ministres fixe le traitement, les indemnités et autres avantages accordés aux membres de la Cour constitutionnelle.

« Pendant l’exercice de leur fonction, les conseillers de la Cour constitutionnelle continuent à percevoir les émoluments afférents à cette fonction ».

L’article 6 : « Les membres de la Cour constitutionnelle ayant la qualité de fonctionnaires publics ou de magistrats bénéficient d’un avancement d’échelon et de grade automatiquement ».

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Le droit de regroupement en association ou en syndicat n’est expressément visé ni par la Constitution ni par la loi organique sur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne les juges constitutionnels. Dans le silence des textes, il y a lieu de se référer au régime exorbitant de droit commun des magistrats. En définitive, la compatibilité sera appréciée en regard de l’obligation générale des conseillers de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Les juges constitutionnels ont le droit de vote mais leurs fonctions sont incompatibles avec toute fonction publique, politique, administrative ou toute activité privée ou professionnelle.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

L’article 7 de la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle pose le principe selon lequel sauf en cas de flagrant délit, les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent être poursuivis, détenus ou jugés en matière pénale qu’après avis de la Cour constitutionnelle. Il s’agit là d’un vrai filet protecteur qui permet au juge d’échapper à toutes poursuites judiciaires.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

La Constitution du Mali et la loi organique sur la Cour constitutionnelle ne prévoient pas de façon formelle l’indépendance du juge constitutionnel.

Néanmoins l’alinéa 1 de l’article 82 de la Constitution dispose : « Les magistrats ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi ». Le serment prêté fait des membres de la Cour des magistrats.

Ensuite, le mode de nomination des membres, le mode d’élection du Président de la Cour, les incompatibilités, l’obligation de réserve et le statut particulier en matière de rémunération renforcent l’indépendance du juge constitutionnel. Enfin, le conseiller à la Cour constitutionnelle ne peut être destitué sans l’accord de ses pairs.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

L’article 13 de la loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour dispose : « Avant l’expiration du mandat, il ne peut être mis fin à titre temporaire ou définitif aux fonctions de membres de la Cour constitutionnelle que dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme de la Cour statuant à la majorité des 2/3 de ses membres. L’intéressé qui ne participe pas au vote est dans tous les cas entendu par la Cour et reçoit communication de son dossier ».

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

L’impartialité du juge est garantie par le régime des incompatibilités. Il n’existe aucune procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le nom du juge rapporteur n’est pas mentionné dans les arrêts et n’est donc pas public.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

L’opinion dissidente n’existe pas en droit constitutionnel malien donc elles ne peuvent être publiées.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Le juge constitutionnel peut être soumis à des pressions. Placé face au pouvoir politique, son action dépend des garanties statutaires conférées tant à l’organe qu’aux membres. L’effectivité de l’État de droit se mesure au sort quotidien réservé aux décisions du juge constitutionnel.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Les relations du juge constitutionnel ne sont pas codifiées. À notre avis, le devoir de réserve devrait commander ces relations.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Le juge constitutionnel peut faire l’objet de critiques à l’occasion de certaines décisions ou arrêts en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois et lors des élections nationales et ceci en raison de la grande autorité qui s’attache à ses décisions sans appel et qui s’imposent à toutes les personnes physiques et morales ainsi qu’à toutes les autorités.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

En cas d’outrage ou de diffamation, le juge constitutionnel doit pouvoir agir conformément au régime de droit commun des magistrats car s’agissant de la détermination des garanties judiciaires que le statut de juge constitutionnel accorde les textes ne sont pas explicites.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Le juge constitutionnel africain est appelé à répondre non seulement au besoin de démocratie mais aussi à l’exigence de la bonne gouvernance.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Les associations internationales de juridictions constitutionnelles doivent pouvoir se départir de l’obligation de réserve lorsque la démocratie et les bonnes règles de gouvernance sont menacées.

Conseil constitutionnel du Maroc

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

L’article 130 de la Constitution précise que les membres sont choisis parmi les personnalités disposant d’une haute formation dans le domaine juridique et d’une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de quinze ans et reconnues pour leur impartialité et leur probité.

Autorité de nomination :

Le Roi, la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.

Procédure de nomination :

Le Roi désigne six membres dont un est proposé par le Secrétaire général du Conseil supérieur des Ouléma. La Chambre des représentants et la Chambre des conseillers élisent chacune trois membres parmi les candidats présentés par le bureau de chaque Chambre, à l’issue d’un vote à bulletin secret et à la majorité des deux tiers des membres composant chaque Chambre.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Oui. Le membre doit avoir une haute formation dans le domaine juridique et une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative ; il doit aussi avoir exercé sa profession depuis plus de quinze ans et être reconnu pour son impartialité et sa probité

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Neuf ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non. Le mandat n’est pas renouvelable.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Oui. La loi parle de démission qui doit être constatée par le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par son président, le président de la Chambre des représentants, le président de la Chambre des conseillers, le ministre de la Justice ou le président de l’instance chargée de recevoir et de contrôler les déclarations de patrimoine des membres du Conseil constitutionnel.

Le motif peut être l’un des cas suivants :

  • Exercice d’une activité ou acceptation d’une fonction élective incompatible avec la qualité de membre du Conseil constitutionnel : membre du gouvernement, de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers ou du Conseil économique social et environnemental.
  • La fonction de membre du Conseil constitutionnel est aussi incompatible avec l’exercice de toute autre fonction publique ou mission publique élective ou profession libérale, ainsi que de tout emploi salarié dans les sociétés dont le capital appartient à l’État pour plus de 50 % à une ou plusieurs personnes morales de droit public.
  • Perte de jouissance des droits civils et politiques.
  • Survenance d’une incapacité physique permanente empêchant définitivement l’exercice des fonctions.
  • Manquement à l’obligation de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de la fonction comme :
  • Prendre position publique ou consulter sur des questions ayant fait ou pouvant faire l’objet de décisions de la part du Conseil ;
  • Occuper au sein d’un parti politique ou d’un syndicat ou de tout groupement à caractère politique, tout poste de responsabilité ;
  • Laisser mentionner la qualité de membre du Conseil dans tout document susceptible d’être publié et relatif à toute activité publique ou privée.
  • Refus de présenter sa déclaration obligatoire de patrimoine.
1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui, avant son entrée en fonction, le membre prête serment devant le Roi.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Membre du gouvernement, de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers ou du Conseil économique social et environnemental.

La fonction de membre du Conseil constitutionnel est aussi incompatible avec l’exercice de toute autre fonction publique ou mission publique élective ainsi que de tout emploi salarié dans les sociétés dont le capital appartient à l’État pour plus de 50 % à une ou plusieurs personnes morales de droit public.

La Constitution nouvellement promulguée prévoit que la loi organique déterminera les fonctions incompatibles dont notamment celles relatives aux professions libérales.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Les juges constitutionnels perçoivent une indemnité égale à l’indemnité parlementaire.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?
  • Remplir sa fonction, l’exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et garder le secret des délibérations et des votes ;
  • Ne pas prendre position publique ou consulter sur des questions ayant fait ou pouvant faire l’objet de décisions de la part du Conseil ;
  • Ne pas occuper au sein d’un parti politique ou d’un syndicat ou de tout groupement à caractère politique, un poste de responsabilité ;
  • Ne pas laisser mentionner sa qualité de membre du Conseil dans tout document susceptible d’être publié et relatif à toute activité publique ou privée ;
  • Faire sa déclaration de patrimoine auprès de l’instance chargée de recevoir et de contrôler les déclarations de patrimoine des membres du Conseil constitutionnel.
2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

La démission constatée par le Conseil constitutionnel.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par son président, le président de la Chambre des représentants, le président de la Chambre des conseillers, le ministre de la Justice ou le président de l’instance chargée de recevoir et de contrôler les déclarations de patrimoine des membres du Conseil constitutionnel.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Non. Dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles les juges ne sont soumis à aucun pouvoir hiérarchique.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Non, à l’exclusion d’une voiture de fonction.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Rien ne l’interdit formellement mais cela se déduit des cas d’incompatibilité prévus dans la loi organique relative au Conseil constitutionnel.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, les membres conservent leurs droits de citoyens sous réserve de respecter les obligations liées à leur statut.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui. En application de l’article 265 du code de procédure pénale, les membres du Conseil constitutionnel sont justiciables devant la Cour suprême pour tout crime ou délit commis dans l’exercice ou en dehors de leurs fonctions.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

La Constitution fait du Conseil constitutionnel un organe qui n’est soumis à aucune autorité et ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et ne sont susceptibles d’aucun recours.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

L’impartialité du juge est garantie par l’application des principes généraux qui gouvernent tout procès équitable. Il n’existe aucune procédure particulière, mais en vertu de ces principes si un membre du Conseil est partie prenante à une affaire soumise au Conseil, il se récuse lui-même et demande au président de ne pas prendre part aux délibérations.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non. En dehors de la séance de délibération le juge ne doit pas s’exprimer sur une affaire soumise au Conseil.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non. Le fait que son mandat ne puisse pas être renouvelé le libère de toute pression.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (Devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Il n’existe aucune interdiction à ce sujet si ce n’est le devoir de réserve ; mais à ce jour jamais aucun membre du Conseil constitutionnel n’a fait une déclaration à la presse sur un quelconque sujet d’ordre constitutionnel.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges ») ? À quelles occasions en particulier ?

Non, jusque-là, jamais.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui, selon les règles du droit commun.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Faire connaître son institution ainsi que sa jurisprudence et tirer les enseignements qui lui sont utiles de l’expérience des institutions des autres pays.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Oui, mais avec une certaine souplesse pour ce qui est des réunions réservées exclusivement aux membres de l’association.

Conseil constitutionnel du Mozambique

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Au moment de leur nomination, les juges du Conseil constitutionnel doivent être âgés de 35 ans au moins et avoir au moins 10 ans d’expérience professionnelle dans les cours (en tant que juges, procureurs ou avocats) ou comme professeurs de droit. Le titre officiel des membres du Conseil constitutionnel est « juge conseiller ».

Autorité(s) de nomination :

Le Conseil constitutionnel est composé de 7 juges. Ils sont désignés comme suit :

  • le président du Conseil constitutionnel est nommé par le président de la République ;
  • 5 juges sont nommés par l’Assemblée de la République (le parlement) ;
  • 1 juge est nommé par le Conseil supérieur de la magistrature, organe de gestion et de discipline des magistrats de carrière.

Procédure de nomination :

Quant à la nomination du président du Conseil constitutionnel :

Le Président de la République choisit librement et fait la nomination par ordonnance présidentielle qui est publiée dans la série I de la Gazette de la République. Ensuite, il soumet la nomination à l’Assemblée de la République pour la ratifier. La ratification comprend l’analyse du curriculum vitae du candidat et l’audition du nominé par la commission des affaires juridiques et constitutionnelles et culmine avec le vote en séance plénière de l’Assemblée. La nomination est considérée comme ratifiée si elle reçoit plus de la moitié des voix des membres présents à la session du parlement.

Quant à la nomination des 5 juges nommés par l’Assemblée de la République :
Les partis politiques et coalitions au parlement proposent des candidats, en nombre proportionnel au nombre de sièges que chaque parti ou coalition a au parlement. Après avoir analysé les CV et fait l’audition des candidats à la commission des affaires juridiques et constitutionnelles, il s’ensuit le vote en séance plénière de l’Assemblée relatif à chacun des candidats proposés. La désignation est considérée comme approuvée si elle obtient plus de la moitié des voix des députés présents à la session et prend la forme de résolution de l’AR, publiée dans la série I de la Gazette de la République.

Quant à la nomination du juge nommé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSMJ) :
La proposition est faite par le président du CSMJ ou les membres de cet organe de gestion et de discipline de la magistrature. Le choix est fait parmi les juges de carrière (magistrats du siège), de la catégorie la plus haute, c’est-à-dire parmi les juges de la Cour suprême. La proposition (ou les propositions, si on a plus d’un candidat) est votée en séance plénière du CSMJ. Elle est considérée comme approuvée si elle obtient plus de la moitié des voix des membres du CSMJ. La nomination est faite sous la forme de délibération du CSMJ et publiée dans la série I de la Gazette de la République.

NOTE : La nomination du juge choisi par le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas soumise à ratification de l’Assemblée de la République. Une fois que les nominations sont publiées, tous ceux qui ont été nommés président et juges du Conseil constitutionnel sont investis dans leurs positions en cérémonie solennelle. Ils prêtent serment solennel et signent les termes des mandats et commissions respectifs devant le Président de la République, en présence des titulaires des organes souverains et d’autres hauts dignitaires de l’État au palais ou au bureau du Président de la République.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Comme mentionné ci-dessus, la date de leur nomination, les juges du Conseil constitutionnel doivent être diplômés en droit et avoir au moins 10 ans d’expérience professionnelle en tant que juges, procureurs ou avocats ou professeurs de droit.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

/

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Le mandat du président et des juges du Conseil constitutionnel a une durée de cinq ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat est renouvelable.

Le renouvellement doit respecter les procédures qui ont été précédemment citées et concernant chacune des candidatures.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

/

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

/

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les juges ne peuvent exercer aucune autre fonction publique ou privée, sauf l’enseignement ou recherche juridique ou d’autres activités scientifiques, littéraires, artistiques et techniques, avec l’autorisation du Conseil constitutionnel.

Ils ne peuvent pas exercer de positions politiques ou faire de militantisme actif au sein des partis et associations politiques.

Ils sont également interdits de rendre publiques des déclarations politiques.

Ils sont interdits d’exercer un mandat ou un patronage judiciaire, ni être avocats, sauf en cas de défense ou représentation d’eux mêmes, de leurs conjoints, parents et enfants.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Il n’existe aucun critère établi officiellement. En pratique, les juges du CC reçoivent un salaire égal à celui du vice-président de la Cour suprême (légèrement plus élevé que celui des autres juges de la Cour suprême et Cour administrative).

Outre le salaire, les juges du Conseil constitutionnel jouissent des mêmes droits, avantages, privilèges et du même traitement que les juges de la Cour suprême, les juges du plus haut rang de la carrière judiciaire.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il n’y a pas une « carrière des juges constitutionnels ». Donc on ne peut parler de progrès ou de promotion de carrière ou d’un système de promotion de carrière pour le juge du Conseil constitutionnel.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Il n’y a pas de statut spécifique des juges du Conseil constitutionnel, qui comporte des obligations, règles et interdictions. Mais, comme les juges des autres juridictions, ils sont tenus d’observer des devoirs et obligations découlant du droit procédural commun, à savoir l’obligation de secret et le devoir de réserve de l’opinion.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Dans l’exercice de leurs fonctions, les juges du Conseil constitutionnel jouissent d’une indépendance et ont un devoir d’impartialité, fondé notamment sur le principe de l’irresponsabilité.

Par conséquent, les juges du Conseil constitutionnel ne peuvent être blâmés ou tenus responsables des opinions, positions, votes et décisions prises dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, au cours des différentes espèces de procès.

Cependant, comme tous les fonctionnaires et agents de l’État, ils sont sujets aux prévisions et sanctions prévues par la loi pour les infractions commises par des magistrats de leur catégorie.

En matière de discipline, le pouvoir disciplinaire sur les membres du Conseil constitutionnel appartient au Conseil constitutionnel lui-même, sous sa loi organique.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Les juges du Conseil constitutionnel sont des pairs entre eux, il n’y a aucune subordination hiérarchique entre eux, sauf pour la qualité de primus inter pares détenue par le président.

Les juges du Conseil constitutionnel, cependant, suivent une règle de précédence entre eux, basée sur le critère de l’ancienneté ou de l’âge, quand on a besoin de remplacer le président en son absence.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

La question n’est pas claire.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Les juges du Conseil constitutionnel ne font pas partie d’une carrière spécifique, donc un syndicat des juges constitutionnels ne paraît pas ajusté. Mais ils ne sont pas interdits, en tant que professionnels du droit, de devenir membres d’associations professionnelles – inclusive des syndicats – nationales et internationales.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, en tant que citoyens, ils sont autorisés à s’affilier à des associations civiques, culturelles, scientifiques, universitaires et autres. Ils ne sont pas autorisés, cependant, à assumer des postes de direction ou rémunérés.

Les juges du Conseil constitutionnel jouissent également de droits, privilèges et traitement habituellement réservés aux juges au sommet de leur carrière. La loi organique du Conseil constitutionnel établit, entre autres, les droits suivants :

  • avoir une carte d’identité spéciale ;
  • avoir un passeport diplomatique ;
  • être traité avec la déférence requise par la fonction ;
  • avoir une juridiction spéciale dans les affaires pénales dans lesquelles ils sont accusés ;
  • être en possession d’armes à feu et s’en servir pour se défendre, indépendamment de la licence ;
  • avoir une protection spéciale pour son épouse, descendants et biens.
3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

La loi stipule que dans l’exercice de leurs fonctions, les juges du Conseil constitutionnel ne peuvent être tenus responsables des décisions qu’ils prennent.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

C’est inscrit dans la Constitution, en son article 217, que dans « l’exercice de leurs fonctions, les juges sont indépendants et ne doivent obéissance qu’à la Constitution et à la loi ».

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Les juges sont nommés pour un mandat de cinq ans et jouissent de la sécurité de la tenure.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

/

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Dans la loi organique et la procédure qui régit la répartition des procès par les juges il n’y a rien qui empêche le nom du rapporteur de chaque procès d’être connu par les parties ou le public.

Toutefois, c’est une pratique du Conseil constitutionnel de ne pas mentionner, dans les arrêts, qui parmi ses juges a agi en qualité de rapporteur de l’affaire.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

La loi autorise les juges à écrire des déclarations de vote où les positions détenues par ceux qui ont divergé de la majorité.

Les déclarations de vote vaincu ont toujours été publiées et connues du public.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

En général, dans les procès de contrôle de la constitutionalité et de la légalité, il n’y a eu aucune influence, implicite ou explicite, ni pression sur les juges, individuellement considérés, ou sur l’ensemble du Conseil constitutionnel.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Les juges du Conseil constitutionnel ont le droit d’exprimer librement leurs opinions juridiques et celles d’autre nature dans les médias, à condition qu’elles ne soient pas politiques et ne concernent pas des questions relatives aux procès.

Il n’y a aucune interdiction légale, expresse ou implicite, ni aucune limitation à la liberté des juges de participer à des conférences, des séminaires, des réunions avec couverture de la presse, la radio et la télévision.

Toutefois, en pratique, depuis l’installation du Conseil constitutionnel, ses juges ont observé une attitude individuelle de réserve et de discrétion, ont fait une gestion judicieuse de leurs interventions dans les médias.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Il n’y a aucune trace des critiques adressées aux juges du Conseil constitutionnel par rapport aux positions qu’ils ont prises dans les procès.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Les juges du Conseil constitutionnel, telles les personnalités publiques, ont droit à la vie privée, et d’autres droits, un peu plus exposés et plus susceptibles de menace et de lésion effective que ceux des citoyens ordinaires.

Mais la loi leur permet de mettre en mouvement les moyens juridiques pour empêcher les blessures et/ou pour compenser les dommages moraux et matériels causés illégalement.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Il peut rejoindre des associations et assumer la gestion et représentation et participer activement à des conférences, séminaires, réunions et autres événements d’intérêt pour eux, pour le Conseil constitutionnel et pour le pays.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

/

Conseil constitutionnel de transition du Niger

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination (article 121 de la Constitution) :

  • conditions d’âge : 40 ans au moins ;
  • conditions de diplôme et ancienneté :
  • 2 magistrats (1er et 2e grades) ;
  • 1 avocat inscrit au barreau ayant au moins dix ans d’ancienneté ;
  • 1 enseignant-chercheur titulaire au moins d’un doctorat en droit public ;
  • 1 représentant des associations de défense des droits de l’homme ayant au moins un diplôme de 3e cycle en droit public ;
  • 2 personnalités ayant une grande expérience professionnelle en matière juridique ou administrative.

Autorités de nomination : Président de la République

Procédure de nomination :

  • nomination directe (2 membres) ;
  • élections préalables par les structures (5 membres).
1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Oui. Voir ci-dessus.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Oui. Voir ci-dessus.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

6 ans non renouvelables.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Oui par démission d’office en cas de manquement à ses obligations selon la procédure disciplinaire en Assemblée générale de la Cour.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui. Serment confessionnel devant le Président de la République (article 124 de la Constitution).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Toute autre fonction, sauf enseignement (article 125 de la Constitution).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Par la loi en tenant compte de la situation financière de l’État et du niveau général des revenus des Nigériens (article 102 de la Constitution).

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Non exercice de toute fonction politique, élective, syndicale ou autre.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Oui.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Procédure disciplinaire.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Oui. Existence d’un Président et d’un Vice-président élus par leurs pairs. En cas d’absence ou d’empêchement des deux, vient le conseiller le plus ancien.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Oui. Immunité et autres avantages prévus par la loi.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Non.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, notamment le droit de vote.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui. Immunité et privilège de juridiction accordés aux magistrats par la loi.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Oui. Articles 116 et 118 de la Constitution.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui. Article 122 de la Constitution.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

Impartialité garantie par le serment confessionnel (article 124 de la Constitution) et l’indépendance qui ne le soumet qu’à l’autorité de la loi (articles 116 et 118 de la Constitution).

Non.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

En principe non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Devoir de réserve (article 124 de la Constitution).

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Oui, en particulier en période électorale ou de crise politique.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Celui d’expert en matière électorale.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Oui.

Cour constitutionnelle de la République centrafricaine

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

La Cour constitutionnelle comprend neuf (9) membres dont au moins trois (3) femmes, qui portent le titre de conseiller.

Les membres de la Cour constitutionnelle sont désignés comme suit :

  • deux (2) magistrats dont une femme élus par leurs pairs ;
  • un (1) avocat élu par ses pairs ;
  • deux (2) membres dont une (1) femme nommés par le Président de la République ;
  • deux (2) membres dont une (1) femme nommés par le Président de l’Assemblée nationale.

Ils élisent, en leur sein, un Président et un Vice-président. L’élection est entérinée par décret du Président de la République.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

L’article 74 de la Constitution édicte que : « Les conseillers choisis doivent avoir au moins dix (10) ans d’expérience professionnelle. »

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Aucun critère d’âge n’est fixé aussi bien par la Constitution que par la loi organique.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?
1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

La durée du mandat des conseillers est de sept (7) ans, non renouvelable (article 74 de la Constitution).

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ni arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle (article 74 de la Constitution et article 8 de la Loi organique).

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Avant d’entrer en fonction, les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment, au cours d’une cérémonie solennelle présidée par le président de la République en présence du Bureau de l’Assemblée nationale (article 7 de la Loi organique).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec toute fonction politique, administrative, tout emploi salarié ou toute activité lucrative, sauf pour l’enseignement (article 75 de la Constitution).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération du juge constitutionnel est fixée par décret selon une grille arrêtant les salaires des hauts dirigeants.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Les membres de la Cour, magistrats, ainsi que le personnel administratif, sont notés par le président de la Cour qui est un magistrat hors hiérarchie.

Les autres membres non magistrats obéissent aux règles de notation et d’avancement suivant leur administration d’origine.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les membres de la Cour constitutionnelle doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions.

Pendant l’exercice de leurs fonctions, ils sont tenus à l’obligation de réserve, d’impartialité et de neutralité politique. À ce titre, ils ne doivent adhérer à aucun parti politique.

Au cas où ils seraient adhérents d’un parti politique, ils sont tenus de suspendre leur adhésion dans une déclaration écrite qu’ils font parvenir au président du parti politique auquel ils ont adhéré, au Président de la République et à l’autorité qui les a désignés (article 5 de la loi organique).

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut être inquiété, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Sauf cas de crime flagrant ou de condamnation définitive, toute mesure d’arrestation ou de détention d’un membre de la Cour constitutionnelle ne peut intervenir qu’après avis conforme de la Cour (article 8 de la Loi organique).

La Cour constitutionnelle apprécie, le cas échéant, si l’un de ses membres a manqué aux obligations générales et particulières mentionnées aux articles 22 et 24 du Règlement intérieur.

Dans ce cas, la Cour, au terme d’une procédure contradictoire, et nonobstant les dispositions de l’article 32, se prononce au scrutin secret à la majorité des 2/3 des membres la composant, pour mettre fin à ses fonctions. Il est pourvu à son remplacement dans la quinzaine, pour le reste du mandat (article 28 du Règlement intérieur).

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Au sein de l’institution, les juges sont soumis à l’autorité hiérarchique du Président de la Cour.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

En République Centrafricaine NON !

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

En République Centrafricaine, la Constitution garantit à tous les citoyens le droit de se regrouper en association ou en syndicat. Mais dans les faits, les juges constitutionnels s’occupent uniquement de leurs charges.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut être inquiété, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Sauf cas de crime flagrant ou de condamnation définitive, toute mesure d’arrestation ou de détention d’un membre de la Cour constitutionnelle ne peut intervenir qu’après avis conforme de la Cour.

Les dispositions du code pénal et des lois spéciales relatives aux outrages et violences envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique sont applicables aux membres de la Cour constitutionnelle (article 8 de la loi organique).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Oui, par la Constitution.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ni arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle (article 74 de la Constitution).

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

L’impartialité du juge est garantie par la prestation de serment. En droit centrafricain, il n’existe pas de procédure de récusation du juge constitutionnel.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Le juge constitutionnel n’a pas de relations particulières avec la presse. Toutefois, le service de presse de la Cour s’emploie à rendre publics les décisions rendues et les avis émis.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Oui, surtout de la part de ceux qui n’ont pas obtenu gain de cause.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui. Les dispositions du code pénal et des lois spéciales relatives aux outrages et violences envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique sont applicables aux membres de la Cour constitutionnelle (article 8 de la Loi organique).

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Dans les instances internationales, le juge constitutionnel est appelé à jouer un rôle important notamment par :

  1. les échanges avec les autres juges,
  2. l’intégration juridique et judiciaire.
6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

En principe non ! Toutefois le juge même s’exprimant dans une instance internationale ne doit pas se départir de son serment.

Cour constitutionnelle de Roumanie

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Le candidat à la fonction de juge constitutionnel doit remplir les conditions suivantes : formation juridique supérieure, haute compétence professionnelle et une ancienneté de 18 ans dans l’activité juridique ou dans l’enseignement juridique supérieur (article 143 de la Constitution).

Autorité(s) de nomination :

La Cour constitutionnelle se compose de neuf juges. Trois juges sont nommés par la Chambre des députés, trois par le Sénat [1] et trois par le Président de la Roumanie [article 143, alinéa (3) de la Constitution]. La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers, tous les 3 ans, dans les conditions établies par la loi organique de la Cour.

Procédure de nomination :

En ce qui concerne la procédure de nomination des juges par la Chambre des députés et par le Sénat, la loi n° 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle prévoit que les propositions de candidature se déposent à la Commission juridique de chaque Chambre, par les groupes parlementaires, par les députés et par les sénateurs. Chaque candidat déposera un curriculum vitae et les documents attestant qu’il remplit les conditions prévues par la Constitution. La Commission juridique et la Chambre réunie en séance plénière entendront les candidats. La Commission juridique rédigera un avis motivé se référant à chaque candidat. Chaque Chambre du Parlement nomme, à la majorité de ses membres, sur proposition du Bureau permanent et sur la base de la recommandation de la Commission juridique, en qualité de juge, la personne ayant réuni le plus grand nombre de voix. Le Président de la Roumanie désigne le troisième juge constitutionnel, par décret présidentiel, en conformité avec les conditions de nomination.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

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1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Il n’y a pas de conditions expresses concernant l’âge minimal du candidat à la fonction de juge constitutionnel. Cependant, si les études universitaires sont finalisées à 22 ans, auxquels on ajoute la condition des 18 ans d’expérience juridique, il résulte que l’âge minimal est de 40 ans.

Il n’y a pas de conditions concernant l’âge maximal.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

La durée du mandat du juge constitutionnel est de neuf ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat du juge constitutionnel ne peut pas être prolongé ou renouvelé.

Dans les conditions de la loi, le mandat peut cesser avant l’expiration du délai pour lequel le juge a été nommé. Si la période qui reste dépasse six mois, l’autorité compétente nommera un nouveau juge. Le mandat du juge ainsi nommé prend fin à l’expiration de la durée du mandat réservé au juge remplacé. Conformément à l’article 68, alinéa (3) de la loi no 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle [2], au cas où la période pour laquelle le nouveau juge a été nommé est inférieure à trois ans, celui-ci pourra être nommé, lors du renouvellement de la Cour constitutionnelle, pour un mandat complet de neuf ans. Dans un cas pareil, en cumulant la période restante du mandat avec un mandat complet, la fonction de juge constitutionnel peut être exercée pour plus de 9 ans, mais moins de 12 ans. Dans la structure actuelle de la Cour constitutionnelle de Roumanie il y a deux cas identiques.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Il existe la possibilité que le mandat de juge constitutionnel prenne fin avant l’expiration de sa durée. Ainsi, conformément à l’article 67 de la loi no 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le mandat de juge prend fin :

  • dans les situations d’incompatibilité ou d’impossibilité d’exercer la fonction de juge pour une période qui dépasse six mois ;
  • en cas de violation des dispositions de l’article 16, alinéa (3) de la Constitution, selon lequel la dignité de juge constitutionnel peut être remplie seulement par les personnes ayant la citoyenneté roumaine et le domicile dans le pays ;
  • en cas de violation des dispositions de l’article 40, alinéa (3) de la Constitution, selon lequel les juges de la Cour constitutionnelle ne peuvent pas appartenir à des partis politiques ;
  • en cas de manquement grave aux obligations prévues à l’article 64 de la loi sur l’organisation et le fonctionnement, dispositions selon lesquelles les juges de la Cour constitutionnelle sont obligés :

a) de remplir la fonction confiée impartialement et dans le respect de la Constitution ;

b) de garder le secret des délibérations et des votes et de ne pas prendre position publique ou donner de consultations sur les questions qui relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle ;

c) d’exprimer affirmativement ou négativement leur vote lors de l’adoption des actes de la Cour constitutionnelle, l’abstention du vote n’étant pas permise ;

d) de communiquer au président de la Cour constitutionnelle toute activité qui pourrait entraîner une incompatibilité avec le mandat qu’ils exercent ;

e) de ne pas permettre l’utilisation de la fonction qu’ils remplissent en guise de réclame commerciale ou de propagande quelconque ;

f) de s’abstenir de toute activité ou manifestation contraires à l’indépendance et à la dignité de leur fonction.

Le constat de la cessation du mandat est décidé par l’Assemblée plénière, à la voix de la majorité des juges de la Cour.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Selon l’article 63 de la loi no 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, les juges prêteront, devant le Président de la Roumanie et devant les présidents des deux Chambres du Parlement, le serment suivant :

« Je jure de respecter et de défendre la Constitution, en remplissant de bonne foi et impartialement les obligations de juge de la Cour constitutionnelle. Que Dieu m’y aide ! »

La prestation du serment est individuelle. Les juges de la Cour exerceront leur fonction à partir de la date de la prestation du serment.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Conformément à l’article 144 de la Constitution, la fonction de juge de la Cour constitutionnelle est incompatible avec toute autre fonction publique ou privée, à l’exception des fonctions pédagogiques de l’enseignement juridique supérieur.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération du juge constitutionnel est établie par rapport à la rémunération des juges de la Haute Cour de cassation et de justice. Ainsi, le président de la Cour constitutionnelle a une rémunération égale à celle du président de la Haute Cour de cassation et de justice, majorée de 15 %. Les autres juges de la Cour constitutionnelle ont une rémunération égale à celle des vice-présidents de la Haute Cour de cassation et de justice, majorée de 15 %.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

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II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les obligations du juge constitutionnel sont prévues par l’article 64 de la loi no 47/1992 sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, selon lequel les juges de la Cour constitutionnelle sont obligés :

a) de remplir la fonction confiée impartialement et dans le respect de la Constitution ;

b) de garder le secret des délibérations et des votes et de ne pas prendre position publique ou donner de consultations sur les questions qui relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle ;

c) d’exprimer affirmativement ou négativement leur vote lors de l’adoption des actes de la Cour constitutionnelle, l’abstention du vote n’étant pas permise ;

d) de communiquer au président de la Cour constitutionnelle toute activité qui pourrait entraîner l’incompatibilité avec le mandat qu’ils exercent ;

e) de ne pas permettre l’utilisation de la fonction qu’ils remplissent en guise de réclame commerciale ou de propagande quelconque ;

f) de s’abstenir de toute activité ou manifestation contraires à l’indépendance et à la dignité de leur fonction.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Il revient exclusivement à la Cour constitutionnelle réunie en Assemblée plénière d’établir les manquements à la discipline des juges, les sanctions et la manière dont elles sont appliquées.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

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2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Les juges de la Cour constitutionnelle sont indépendants dans l’exercice de leurs attributions. Il n’y a pas d’autorité hiérarchique à laquelle ils doivent se soumettre. Du point de vue administratif, l’activité est coordonnée par le président de la Cour constitutionnelle.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?
3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?
3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Les juges peuvent se grouper en associations professionnelles. Les juges constitutionnels ne peuvent pas se grouper en syndicats.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Les juges de la Cour constitutionnelle ne peuvent être arrêtés ou traduits en justice qu’avec l’autorisation du bureau permanent de la Chambre des députés, du Sénat ou du président de la Roumanie, selon le cas, sur demande du Parquet auprès la Haute Cour de cassation et de justice. La compétence de jugement pour les infractions commises par les juges de la Cour constitutionnelle incombe à la Haute Cour de cassation et de justice.

Après la cessation du mandat due à l’expiration de la période pour laquelle il avait été attribué, le juge a le droit de revenir au poste qu’il avait occupé antérieurement, si sa nomination à la Cour constitutionnelle a été faite dans des conditions stipulant le maintien de celui-ci.

Au cas où le juge occupait un poste de magistrat, le maintien du poste est obligatoire.
Les juges n’ayant pas de domicile à Bucarest jouissent d’un hébergement gratuit, d’un transport hebdomadaire dans et de la localité de domicile, ainsi que d’une indemnité pour les jours auxquels ils participent aux travaux de la Cour constitutionnelle, dans les conditions prévues par la loi pour les députés et les sénateurs.

À la cessation du mandat, suite à l’expiration de celui-ci ou à l’impossibilité de son exercice pour des raisons de santé, les juges de la Cour constitutionnelle jouissent d’un montant égal à l’indemnité nette pour six mois d’activité.

À la date de la retraite ou du recalcul des retraites antérieurement établies, les juges de la Cour constitutionnelle bénéficient d’une retraite complémentaire égale à 80 % de leur indemnité brute mensuelle. La retraite ainsi établie est actualisée en rapport avec l’indemnité des juges de la Cour constitutionnelle et elle est imposée selon la loi.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

L’indépendance du juge constitutionnel est expressément prévue par la Constitution, ainsi que par la loi d’organisation et de fonctionnement de la Cour.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Selon l’article 145 de la Constitution, les juges de la Cour constitutionnelle sont indépendants dans l’exercice de leur mandat et inamovibles pour sa durée.

Selon l’article 61 de la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle :

(1) Les juges de la Cour constitutionnelle sont indépendants dans l’exercice de leurs attributions et sont inamovibles pour la durée du mandat.

(2) Les juges de la Cour constitutionnelle ne peuvent pas être rendus responsables juridiquement pour les opinions et les votes exprimés lors de l’adoption des solutions.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

La Cour constitutionnelle est « indépendante à l’égard de toute autre autorité publique » et n’obéit qu’à la Constitution et aux dispositions de la loi d’organisation et de fonctionnement [3]. Dans ce sens, on peut mentionner les dispositions de la loi organique de la Cour, selon lesquelles : la compétence de la Cour constitutionnelle ne peut être contestée par aucune autorité publique [l’article 3, alinéa (3)] ; la Cour constitutionnelle est la seule en droit de décider de sa compétence [l’article 3, alinéa (2)] ; les juges de la Cour constitutionnelle ne peuvent pas être rendus responsables juridiquement pour les opinions et les votes exprimés lors de l’adoption des solutions [l’article 61, alinéa (2)]. Il n’y a pas de procédure de récusation des juges constitutionnels.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le nom du juge rapporteur est public, puisqu’il signe le rapport qu’il rédige. À part ce rapport, le juge rapporteur rédige aussi un rapport supplémentaire incluant la solution proposée. Les parties n’ont pas accès au rapport supplémentaire.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Les opinions dissidentes et celles concurrentes sont publiées au Journal Officiel, ensemble avec la décision.

Conformément à l’article 59 de la loi d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle, le juge qui a voté contre, peut formuler une opinion dissidente. En ce qui concerne la motivation de la décision, on peut formuler une opinion concurrente. L’opinion dissidente et, le cas échéant, l’opinion concurrente sont publiées au Journal Officiel de la Roumanie, Partie Ire, ensemble avec la décision.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Les juges constitutionnels ne sont soumis à aucune pression.

Pourtant, de manière indirecte, on peut parler d’une certaine pression, résultant des conséquences de la décision, d’une médiatisation excessive, comme dans le cas de la baisse de 15 % des retraites, de 25 % des salaires, dans le cas des solutions des conflits juridiques de nature constitutionnelle, dans le cas de l’examen d’un projet de loi concernant la révision de la Constitution, etc.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Les relations avec la presse se déroulent à travers un bureau de relations publiques, ainsi que par des communiqués officiels postés sur la page Internet de la Cour. Les juges sont obligés de ne pas prendre position publique ou donner de consultations sur les questions qui relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

D’habitude, les critiques visent les décisions de la Cour. Parfois, on adresse des critiques aux juges.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

On a eu plusieurs moments où la presse a soutenu que : « La Cour constitutionnelle dirige la Roumanie ». Un pareil exemple peut être donné en parlant de la Décision4 de la Cour constitutionnelle n° 872 du 25 juin 2010 par laquelle, dans le cadre du contrôle a priori, la Cour a constaté l’inconstitutionnalité des dispositions légales par lesquelles on allait réduire le montant des retraites de 15 %. Puisque cette mesure de réduction des dépenses budgétaires n’a pas pu être prise, le Gouvernement a décidé de majorer la TVA de 19 % à 24 %, dont la conséquence a été la hausse des prix des biens et des services.

Dans des cas de diffamation, les juges peuvent s’adresser à l’instance de jugement. Bien que, parfois, il y ait eu des fondements, jusqu’à présent, aucun juge ne s’est trouvé dans une telle situation.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Les juges constitutionnels peuvent être cooptés en qualité de juges ad hoc auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. La cooptation se fait par le ministère des Affaires étrangères, à titre personnel et non pas en qualité de juge constitutionnel. On a eu des situations où un juge constitutionnel a été coopté comme juge ad hoc auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Je pense que les associations internationales de juridictions constitutionnelles ne sont pas tenues par des obligations de réserve, obligations qui incombent aux juges constitutionnels nationaux. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles promeuvent les valeurs constitutionnelles, contribuent à élever et à uniformiser les standards de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales, ne prennent pas des décisions ayant des effets sur la législation.


  • [1]
    Conformément à l’article 61, alinéa (2) de la Constitution de la Roumanie, le Parlement est formé de la Chambre des députés et du Séna  [Retour au contenu]
  • [2]
    Republiée au Journal Officiel de la Roumanie, Partie Ire, no 807 du 3 décembre 2010.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Dans ce sens, on considère que l’indépendance du juge dérive de la qualité inhérente à la justice constitutionnelle – celle de n’obéir qu’à la Constitution et à sa loi organique, le seul et l’essentiel repère dans l’exercice de ses attributions étant la Loi fondamentale. Toute forme de dépendance envers toute autorité publique ou acte normatif qu’il émet, autre que la Loi fondamentale, serait non seulement incompatible avec le but de la Cour constitutionnelle – garantir la suprématie de la Constitution – mais rendrait impossible l’accomplissement, par le juge constitutionnel, de ses attributions.  [Retour au contenu]

Tribunal fédéral suisse

Préambule

Le Tribunal fédéral (TF, notre Cour suprême) est l’autorité judiciaire suprême de la Confédération. Il assume un double rôle. En tant qu’autorité supérieure de dernière instance, il lui incombe de faire respecter la législation fédérale dans tous les domaines juridiques. En tant que juridiction constitutionnelle, il garantit la protection des droits constitutionnels et des droits fondamentaux des citoyens. Mais, contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des autres États, les dispositions législatives fédérales ne peuvent pas être contrôlées par la juridiction constitutionnelle suisse. Cette limitation résulte de l’article 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [1], aux termes duquel « le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international ». En tant que cour constitutionnelle et cour suprême, le TF ne peut donc pas examiner la constitutionnalité d’une loi fédérale.

La juridiction constitutionnelle du TF s’exerce à l’égard des actes normatifs (lois et ordonnances) et des décisions émanant des cantons. Le recours en matière de droit public permet au particulier de s’en prendre directement à une règle cantonale, dont le Tribunal fédéral contrôlera abstraitement la conformité au droit fédéral, ou de l’attaquer par voie d’exception à l’occasion d’une décision d’application. Le contrôle exercé par le TF n’est pas automatique. Le Tribunal doit être saisi d’un recours formé par un particulier, dans les trente jours dès la communication de l’acte attaqué. Le recourant doit invoquer et motiver le grief de violation d’un droit fondamental.

Les juges fédéraux ne revoient en principe pas l’état de fait des affaires qui leur sont soumises. L’état de fait ne peut être corrigé devant le TF que s’il contient une erreur grossière de la part de l’autorité inférieure, respectivement s’il repose sur une violation du droit.

Les juges limitent leur examen exclusivement aux questions de droit. Le Tribunal fédéral veille à l’application uniforme du droit fédéral. Par sa jurisprudence, il contribue au développement du droit et à son adaptation à des situations nouvelles.

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

Conformément aux articles 143 de la Constitution (Cst.) et 5 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF) [2], la condition d’éligibilité en qualité de juge au Tribunal fédéral est d’avoir le droit de vote en matière fédérale. En bref, selon l’article 136 Cst., il faut être de nationalité suisse, avoir 18 ans révolus et ne pas être interdit pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit.

Il n’y a légalement pas d’autre condition d’éligibilité, mais divers autres critères, qui jouent un rôle important dans la pratique, seront examinés ci-dessous.

Autorité(s) de nomination :

Les juges, le président et le vice-président du Tribunal fédéral sont élus par l’Assemblée fédérale (notre Parlement), chambres réunies.

Procédure de nomination :

La commission judiciaire du Parlement met des postes vacants au concours public, examine les candidatures, demande l’avis des partis politiques et soumet une proposition au Parlement. Lors de l’élection, l’Assemblée fédérale tient compte des quatre langues nationales, d’une représentation proportionnelle des partis politiques, des différentes régions de la Suisse et des deux sexes. Le Tribunal fédéral compte 10 femmes parmi les 38 juges à plein temps. Trois juges sont italophones. Douze sont francophones et 23 germanophones. Le romanche n’est actuellement plus représenté au Tribunal fédéral.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Il n’existe pas en Suisse de haute école de la magistrature, ni de formation spécifique de juge constitutionnel. Par contre, les facultés de droit de plusieurs universités ont fondé l’Académie suisse de la magistrature qui offre une formation certifiée « CAS en magistrature ».

Des études de droit couronnées par un bachelor ou un master ne sont pas exigées par la Constitution ou la LTF, mais indispensables en pratique. En effet, le TF est essentiellement composé d’anciens juges cantonaux, de professeurs d’université ou d’avocats.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Comme indiqué plus haut, il faut être âgé de 18 ans au minimum et de 68 ans au maximum pour pouvoir exercer la fonction de juge fédéral (art. 9 LTF).

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Les juges fédéraux sont élus pour 6 ans (art. 9 LTF). Le président et le vice-président du Tribunal fédéral sont élus pour 2 ans (art. 14 LTF).

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Le mandat des juges fédéraux est renouvelable sans limitation jusqu’à l’âge de 68 ans. Le président et le vice-président peuvent également être réélus, mais pour un deuxième mandat seulement.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

La loi ne prévoit pas de procédure de révocation. Le législateur est parti de l’idée que si l’on devait se trouver dans la situation où un juge suprême se voyait reprocher un comportement fautif, incompatible avec sa position de magistrat, il en assumerait les conséquences et démissionnerait.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Le juge prête serment devant sa cour, sous la présidence du président du Tribunal fédéral. Le serment peut être remplacé par une promesse solennelle (art. 10 LTF).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

En vertu de l’article 6 LTF, un juge ne peut être membre de l’Assemblée fédérale ou du Conseil fédéral (notre gouvernement), ni exercer une autre fonction au service de la Confédération. Il ne peut exercer aucune activité susceptible de nuire à l’exercice de sa fonction de juge, à l’indépendance du tribunal ou à sa réputation, ni représenter des tiers à titre professionnel devant le Tribunal fédéral. Il ne peut exercer une fonction officielle pour un État étranger, ni accepter des titres ou des décorations octroyés par des autorités étrangères. Le juge ne peut exercer une fonction au service d’un canton, ni exercer aucune autre activité lucrative, ni être membre de la direction, de l’administration, de l’organe de surveillance ou de l’organe de révision d’une entreprise commerciale.

En revanche, il peut exercer une activité accessoire à but non lucratif, pour autant que le plein exercice de sa fonction et l’indépendance du tribunal n’en soient pas affectés (art. 7 LTF). Certaines activités sont soumises à autorisation, notamment les mandats d’arbitre, la collaboration à des organes juridictionnels et à des commissions d’experts (p. ex. pour la révision des lois), ainsi que des mandats de médiation et d’expertise, pour autant qu’il y ait un intérêt public, des enseignements ponctuels, la publication de commentaires, la participation à des organes d’association, de fondations ou d’autres organisations sans but économique. Aucune autorisation n’est exigée pour la rédaction d’ouvrages et d’articles, la présentation d’exposés ou la participation à des congrès juridiques.

Enfin, des incompatibilités à raison de la personne en raison de liens de parenté sont prévues (art. 8 LTF).

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération des juges fédéraux est réglée par la loi fédérale concernant le traitement et la prévoyance professionnelle des magistrats [3] et l’ordonnance y relative [4]. Elle se monte à 80 % de celui d’un conseiller fédéral, ministre du gouvernement, soit un montant de l’ordre de 350 000 CHF (environ 300 000 €) brut par année en 2010. Une allocation de renchérissement s’y ajoute si elle est accordée à tous les employés de la Confédération. Viennent en déduction uniquement les cotisations pour l’assurance-vieillesse, l’assurance-chômage et l’assurance accidents. Il n’y a pas de cotisations de prévoyance, une rente complète représentant la moitié du salaire d’un juge en fonction est allouée au juge retraité après quinze ans d’activité.

Tous les juges fédéraux, quel que soit leur âge et leurs qualifications, reçoivent le même salaire du premier au dernier jour de leur activité. Ils ne bénéficient d’aucune prime ou avantage en nature supplémentaire, tel que logement de fonction ou véhicule de service avec chauffeur. Seul le président du TF reçoit une indemnité présidentielle annuelle non assurée fixée dans le budget de la Confédération de 15 000 CHF (environ 12 000 €) ainsi qu’une prime mensuelle de 1 250 CHF pour ses frais de représentation.

Les indemnités de déplacement sont fixées à 100 CHF par jour et 150 CHF par nuitée [5]. Comme tous les employés publics, ils bénéficient d’un abonnement demi-tarif ou d’une réduction sur l’abonnement général aux transports publics suisses (trains, bus, bateaux).

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Il n’existe pas de système d’avancement.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Les juges sont tenus par le secret professionnel, le secret d’affaires et le secret de fonction, même après la cessation de leur activité. Il en découle une obligation de réserve, à l’égard de leur parti politique, du public, des médias et des parties au procès.

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?
2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

En raison de leur statut de magistrat, les juges ne sont pas soumis à une autorité disciplinaire. Pourtant, dans des circonstances extrêmes, lorsque sont en jeu sa crédibilité et sa capacité de fonctionner, le TF peut se voir contraint de priver un juge du droit d’exercer ses fonctions jurisprudentielles. Il faut cependant que la situation soit grave à un point tel qu’une mesure moins incisive – comme l’attribution à une autre section ou cour – ne soit pas suffisante.

De plus, la fonction de juge est soumise à une réélection à intervalles réguliers, les juges peuvent ne pas être réélus ; ce qui n’arrive que très rarement en pratique.

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Les juges ne sont pas soumis à une autorité hiérarchique au sein du Tribunal fédéral.

Toutefois, le TF est soumis à la haute surveillance de l’Assemblée fédérale. Cette surveillance se limite à vérifier que le Tribunal fédéral fonctionne correctement et qu’il gère bien les moyens dont il dispose. L’Assemblée fédérale ne peut en revanche exercer aucun contrôle sur les décisions rendues par notre haute cour. Elle n’a pas non plus de pouvoir disciplinaire sur les juges.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Non, cf. question 1.9.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Les juges peuvent se grouper en association. Un juge fédéral est d’ailleurs membre de la direction de l’Académie suisse de la magistrature.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui, car un juge reste avant tout un citoyen, qui a le droit d’avoir un avis politique et de l’exprimer. Il doit toutefois le faire dans une mesure compatible avec sa fonction.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Un juge fédéral peut faire l’objet d’une procédure pénale pour un crime ou un délit qui n’a pas trait à l’exercice de sa fonction, s’il y a consenti par écrit ou si la Cour plénière du Tribunal fédéral l’a autorisé. L’arrestation préventive pour cause de risque de fuite ou, en cas de crime, de flagrant délit, est réservée (art. 11 LTF). Pour une infraction en rapport avec son activité professionnelle, une autorisation de l’Assemblée fédérale est nécessaire pour ouvrir une poursuite pénale (art. 14 de la loi sur la responsabilité). Il s’agit donc d’une immunité partielle.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

La Constitution fédérale contient plusieurs dispositions concernant l’indépendance de la justice et des juges.

En tant que droit fondamental, l’indépendance judiciaire est garantie par l’article 30 al. 1 Cst. Selon cette disposition constitutionnelle, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

L’indépendance du juge en tant que garantie de l’indépendance institutionnelle est réglée à l’article 191c Cst. qui prévoit que « dans l’exercice de leurs compétences juridictionnelles, les autorités judiciaires sont indépendantes et ne sont soumises qu’à la loi ».

L’article 2 de la LTF précise cette disposition constitutionnelle en ajoutant que le Tribunal fédéral est indépendant dans l’exercice de ses attributions judiciaires, qu’il n’est soumis qu’à la loi et que ses jugements ne peuvent être modifiés ou annulés que par lui-même.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Comme indiqué ci-dessus (1.6.), les juges ne peuvent pas être révoqués. En revanche, ils pourraient ne pas être réélus à la fin de leur mandat.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

La procédure de récusation est réglée comme suit par les articles 34 à 38 de la LTF.

Les juges doivent se récuser s’ils ont un intérêt personnel dans la cause ; s’ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d’une autorité, comme conseil d’une partie, comme expert ou comme témoin ; s’ils sont liés par les liens du mariage ou du partenariat enregistré ou font durablement ménage commun avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l’autorité précédente ; s’ils sont parents ou alliés en ligne directe ou, jusqu’au troisième degré inclus, en ligne collatérale avec une partie, son mandataire ou une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l’autorité précédente ; s’ils pouvaient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d’une amitié étroite ou d’une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire. La participation à une procédure antérieure devant le Tribunal fédéral ne constitue pas à elle seule un motif de récusation.

Le juge qui se trouve dans un cas de récusation est tenu d’en informer en temps utile le président de la cour.

La partie qui sollicite la récusation d’un juge doit présenter une demande écrite au Tribunal fédéral dès qu’elle a connaissance du motif de récusation. Elle doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. Le juge visé prend position sur le motif de récusation invoqué.

Si le motif de récusation est contesté par le juge visé, ou par un autre membre de la cour, celle-ci statue en l’absence du juge visé. La décision peut être prise sans que la partie adverse ait été entendue.

Si, en raison de récusations, les juges ne se trouvent plus en nombre suffisant pour statuer, le président du Tribunal fédéral tire au sort, parmi les présidents des tribunaux supérieurs des cantons non intéressés, le nombre nécessaire de juges suppléants extraordinaires pour que la cour puisse statuer sur la demande de récusation et, au besoin, sur l’affaire elle-même.
Les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation. Les mesures probatoires non renouvelables peuvent être prises en considération par l’autorité de décision. Si un motif de récusation n’est découvert qu’après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision sont applicables.

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Le juge rapporteur est connu s’il y a des délibérations.

Si la procédure est purement écrite, l’affaire est instruite par le président et attribuée à un juge rapporteur, qui peut signer une demande complémentaire d’instruction, faire une inspection locale, et son nom sera ainsi connu des parties.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Il n’y a pas d’opinions dissidentes dans les arrêts du Tribunal fédéral. La décision est prise à la majorité des juges, sans autre ajout.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

L’article 2 de la LTF prévoit que le TF est indépendant dans l’exercice de ses attributions judiciaires, qu’il n’est soumis qu’à la loi et que ses jugements ne peuvent être modifiés que par lui-même. Il découle de cette disposition que toute influence directe sur l’exercice des compétences juridictionnelles du TF est interdite. Il est notamment interdit de donner des instructions au Tribunal fédéral ou de corriger ses décisions après coup.

Cette interdiction vaut également pour le Parlement, car la séparation des pouvoirs et l’indépendance du TF interdisent à l’Assemblée fédérale de se livrer à un contrôle de la jurisprudence et par conséquent à une critique des solutions d’espèce. Mais la haute surveillance que le Parlement exerce sur le TF peut comporter le devoir d’attirer l’attention de ce dernier sur une jurisprudence qui, au-delà du cas d’espèce, lui paraît de nature à compromettre le bon fonctionnement de la justice [6].

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Tout d’abord, il sied de préciser que le Tribunal fédéral ne commente pas publiquement sa jurisprudence. En revanche, le Tribunal en informe le public. Les principes de cette information sont contenus dans le règlement du Tribunal fédéral [7]. En cas d’audience, les délibérations des juges du Tribunal fédéral sont en principe publiques.

Les jugements du Tribunal fédéral sont accessibles sur son site Internet sous forme anonymisée. Depuis le 1er janvier 2003, en vertu de l’article 30 al. 3 Cst. et de l’article 6 par. 1 CEDH, le dispositif de l’ensemble des jugements du Tribunal fédéral est déposée publiquement dans l’entrée du tribunal.

Ce dépôt n’est en principe pas effectué sous forme anonyme. En d’autres termes, les noms des parties sont mentionnés et par conséquent accessibles au public. Comme ils le sont d’ailleurs aussi lors des audiences publiques.

Le Tribunal fédéral informe les médias sur les affaires en cours et sur les événements spéciaux. Les médias reçoivent ainsi par e-mail des communiqués concernant des arrêts intéressant le grand public. Le Tribunal fédéral ne prend pas part aux discussions concernant la jurisprudence et la politique. Des exceptions sont possibles pour corriger des comptes rendus erronés dans les médias. Il ne s’exprime en principe pas non plus sur l’exécution ni sur le comportement des autorités inférieures ou des parties. Il peut parfois accorder des interviews lors d’occasions spéciales comme une entrée en fonction, une démission ou un rapport de gestion.

Tout journaliste inscrit au registre professionnel peut demander à être accrédité pour une période ou une affaire déterminée. Une directive règle les détails de l’accréditation des journalistes [8]. Les photos et les films sont en principe interdits à l’intérieur du Tribunal afin d’éviter que la justice ne devienne un spectacle.

Les critiques émanant des médias peuvent avoir une influence sur l’autorité judiciaire comme l’illustre le cas qui suit. L’ancienne loi fédérale d’organisation judiciaire, aujourd’hui abrogée, prévoyait que « lorsque la cause soulève une question de principe ou lorsque le président de la section l’ordonne, les cours de droit public, les cours civiles et la Cour de cassation pénale siègent à cinq juges ». La majorité des cours a donc décidé de rendre toutes les décisions qui allaient être publiées aux ATF à cinq juges. Deux journalistes ont fait pression sur les cours qui ont continué à rendre leur décision à trois juges dans cette même situation en indiquant systématiquement dans leur chronique judiciaire que la décision avait été rendue à trois juges au lieu de cinq. Après trois ans, les deux cours « dissidentes » ont finalement cédé à la pression médiatique [9]. Concernant le devoir de réserve du juge, voir la question 2.1. ci-dessus.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

D’une façon générale, on peut constater que durant ces dix dernières années, le fonctionnement de la justice en général n’a guère été mis en cause. En revanche, il est arrivé qu’un tribunal inférieur ou des organes particuliers de la justice aient été mis en cause. Le pouvoir politique a dans ces cas mis en œuvre un expert ou une commission pour enquêter sur les dysfonctionnements éventuels de ce tribunal ou de cet organe et ensuite pris les mesures d’organisation de manière à en garantir un bon fonctionnement pour le futur (exemples : Tribunal administratif du canton de Vaud ou ministère public de la Confédération).

Dans les sondages, la justice est en règle générale très bien perçue. Ainsi, selon le sondage réalisé par le SIDOS [10] en 2005, 74.3 % des personnes interrogées ont répondu avoir une très grande ou une assez grande confiance dans le système judiciaire suisse, ce qui constitue un score tout à fait honorable.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Il n’existe aucune disposition spécifique pour les diffamations à l’encontre de juges ou contre la justice. Ce sont les dispositions générales du code pénal [11] qui s’appliquent à ces délits, notamment l’article 173 CP qui réprime la diffamation, l’article 174 CP qui punit une éventuelle calomnie, l’article 177 CP qui réprime l’injure ainsi que l’article 181 CP qui punit la contrainte.

Lorsque l’outrage a lieu au cours de la procédure devant le TF, le juge peut également infliger une peine disciplinaire à la partie enfreignant les convenances conformément à l’article 33 LTF.

En ce qui concerne les atteintes de la presse, il n’existe là encore aucune protection particulière du juge. Le droit suisse connaît l’institution du droit de réponse qui permet à celui qui est directement touché dans sa personnalité par la présentation que font des médias à caractère périodique, notamment la presse, la radio, la télévision, des faits qui le concerne, de répondre12.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

En raison de l’obligation qu’ont les juges ordinaires du Tribunal fédéral suisse de se consacrer pleinement à l’exercice de leur fonction, il ne leur est pas possible de siéger parallèlement au sein de juridictions internationales. Il est également inconcevable de déléguer un juge à une autorité internationale pour un temps déterminé et de le réintégrer au Tribunal fédéral. Certaines exceptions sont possibles : ainsi, une juge fédérale siège aussi dans la Grande Chambre de recours de l’office européen des brevets.

Toutefois, rien ne s’oppose à ce qu’un juge fédéral démissionne pour siéger au sein d’une telle juridiction.

Vu les limitations auxquelles sont soumis les juges fédéraux, leur rôle au sein des instances internationales ne peut forcément qu’être restreint.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Il n’y a aucune disposition particulière au niveau national à ce sujet.


  • [1]
    Cst., RS 101, www.admin.ch/ch/f/rs/c101.html.  [Retour au contenu]
  • [2]
    LTF, RS 173.110, www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html.  [Retour au contenu]
  • [3]
    RS 172.121, www.admin.ch/ch/f/rs/c172_121.html.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les indemnités journalières et les indemnités de déplacement des juges du Tribunal fédéral, RS 172.121.1, www.admin.ch/ch/f/rs/c172_121_1.html.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Art. 2 de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les indemnités journalières et les indemnités de déplacement des juges du Tribunal fédéral, RS 172.121.2.  [Retour au contenu]
  • [6]
    J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943, ad art. 21.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Art. 57 à 64 RTF, RS 173.110.131, www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110_131.html.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Directive concernant la chronique judiciaire du Tribunal fédéral, RS 173.110.133, www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110_133.html.  [Retour au contenu]
  • [9]
    M. Felber, Die richterliche Unabhängigkeit aus Sicht des Beobachters, Justice – Justiz – Giustizia, 2006/  [Retour au contenu]
  • [10]
    Service suisse d’information et d’archivage de données pour les sciences sociales à Neuchâtel.  [Retour au contenu]
  • [11]
    CP, RS 311, www.admin.ch/ch/f/rs/c311_0.html.  [Retour au contenu]

Conseil constitutionnel du Tchad

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Article 160, alinéa 2 et 3 de la Constitution ;

Article 2 nouveau de la loi organique.

Conditions de nomination :

Être d’une compétence professionnelle reconnue, de bonne moralité et d’une grande probité, être magistrat ou juriste.

Autorités de nomination :

Président de la République : 5 (2 magistrats et 3 juristes) Président de l’Assemblée nationale : 4 (1 magistrat et 3 juristes)

Procédure de nomination :

À chaque renouvellement par tiers le Président du Conseil constitutionnel saisit par correspondance les deux autorités pour qu’elles désignent les nouveaux membres.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Être magistrat ou juriste de haut niveau ayant totalisé au moins 10 ans d’activités professionnelles.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Oui, de manière indirecte. La condition d’âge est prévue de manière indirecte à l’article 2 nouveau de la loi organique du 05/02/2009 qui exige 10 ans d’activités professionnelles. Ce qui donnerait un minimum de 35 ans à supposer qu’on ait achevé les études juridiques à 25 ans.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

9 ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Non.

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

La révocabilité est possible en cas de condamnation pour délits et crimes, démission ou empêchement définitif (article 160 alinéa 4 de la Constitution) ; c’est l’exception. Il faut l’avis favorable des membres du Conseil constitutionnel (articles 8 et 4 alinéa 2 de la loi organique).

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui, devant le Président de la République en présence du président de l’Assemblée nationale.

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?

Qualité de membre du gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public et de toute autre activité lucrative.

1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

La rémunération est fixée par décret en comparaison avec celle perçue par les membres du gouvernement.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

L’avancement est automatique dans leur corps d’origine. Les membres du Conseil sont hors hiérarchie.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?

Obligation de réserve (cf. articles 71 et 72 du règlement Intérieur).

2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Non.

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Le président du Conseil constitutionnel.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?

Oui, article 66 du Règlement Intérieur : immunité, indemnités de fonction, d’eau, d’électricité, de logement de frais d’hôtel, de téléphone, de domesticité, d’équipement, les moyens roulants.

3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Rien ne l’interdit.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Ce n’est pas expressément interdit.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui, ils bénéficient de l’immunité.

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

La Constitution, la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil et le règlement Intérieur.

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ?

Selon l’intime conviction.

4.4. Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ?

Non.

4.5. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.6. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Non.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Devoir de réserve mais des émissions sur le rôle du Conseil peuvent être réalisées par la presse. Sur un sujet précis, le juge constitutionnel peut donner son opinion à la presse par exemple lors de la publication des résultats d’une élection.

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Des critiques sont souvent formulées par les acteurs publics lors des élections.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Aucun texte ne l’interdit.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Ce rôle peut consister à développer et renforcer les valeurs fondamentales consacrées par les constitutions des différents pays.

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Cour constitutionnelle du Togo

I. Entrée en fonction et déroulement de carrière
1.1. Comment se fait le recrutement du juge constitutionnel ?

Conditions de nomination :

  • être de nationalité togolaise ;
  • avoir la qualité d’électeur ;
  • ne pas être membre d’un bureau exécutif ou des instances dirigeantes d’une formation politique ;
  • n’avoir jamais subi une condamnation civile ou pénale (article 11 de la loi organique).

Autorité(s) de nomination :

  • le Président de la République ;
  • l’Assemblée nationale ;
  • le Sénat (article 100 de la Constitution du 14 octobre 1992).

NB : En l’absence du Sénat, ses compétences en la matière sont dévolues à l’Assemblée nationale à titre transitoire (Article 155 de la Constitution).

Procédure de nomination :

Élection :

  • trois membres par l’Assemblée nationale ;
  • trois membres par le Sénat.

Nomination :

trois membres par le Président de la République.

1.2. Existe-t-il des conditions de formation, d’expérience professionnelle et/ou de compétence juridique ?

Condition de formation : au moins un juriste par autorité de désignation.

1.3. Existe-t-il des conditions d’âge minimal et/ou maximal ?

Non.

1.4. Quelle est la durée du mandat ?

Sept ans.

1.5. Le mandat est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?

Oui.

Illimité (article 100, alinéa 1 de la Constitution).

1.6. Le juge constitutionnel est-il révocable ? Si oui, pour quels motifs, par qui et selon quelle procédure ?

Non.

1.7. Le juge constitutionnel doit-il prêter serment à son entrée en fonction ? Si oui, devant quelle autorité ?

Oui.

Devant le Président de la République en présence des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat (article 3 de la loi organique).

1.8. Quelles sont les incompatibilités prévues avec la fonction de juge constitutionnel ?
  • Tout emploi public, civil ou militaire (à l’exception des enseignants du supérieur : article 15 de la loi organique) ;
  • Activité professionnelle ;
  • Mandat électif ou fonction de représentation nationale (article 103, alinéa 1er de la Constitution).
1.9. Selon quels critères est établie la rémunération du juge constitutionnel ?

Aucun.

1.10. Existe-t-il un système d’avancement au sein de la juridiction constitutionnelle ? Si oui, comment est-il organisé ?

Non.

II. Obligations du juge
2.1. Quelles sont les obligations du juge constitutionnel (devoir de réserve…) ?
  • devoir de réserve ;
  • impartialité ;
  • neutralité.
2.2. Des sanctions sont-elles prévues en cas de manquement aux devoirs qu’implique leur fonction ?

Oui.

Démission d’office en cas de forfaiture (article 7, alinéa 2 de la loi organique).

2.3. Si oui, quelle est la procédure applicable ?

/

2.4. Au sein de l’institution, les juges sont-ils soumis à une autorité hiérarchique, si oui, laquelle ?

Non.

III. Droits du juge
3.1. Les juges constitutionnels bénéficient-ils d’avantages particuliers ?
  • véhicule de fonction ;
  • charges domestiques ;
  • escorte.
3.2. Ont-ils le droit de se grouper en associations ? En syndicats ?

Les textes sont muets.

3.3. Conservent-ils leurs droits de citoyens ?

Oui.

3.4. Bénéficient-ils d’une protection pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ou dans le cas de poursuites engagées pendant leur mandat ?

Oui (article 102 de la Constitution).

IV. Les garanties de l’indépendance du juge
4.1. Le principe de l’indépendance du juge constitutionnel est-t-il affirmé par un texte ? Si oui, lequel ?

Oui (article 1er de la loi organique).

4.2. Les juges constitutionnels sont-ils inamovibles ?

Oui.

4.3. Comment l’impartialité du juge est-elle garantie ? Existe-t-il une procédure de déport ou de récusation du juge constitutionnel ? Si oui, selon quelle procédure estelle organisée ?

/

4.4. Le nom du juge rapporteur est-il public ?

Non.

4.5. Les opinions dissidentes sont-elles publiées ?

Non.

V. Le juge constitutionnel et l’opinion publique
5.1. Le juge constitutionnel est-il soumis à des pressions particulières ?

Oui.

5.2. Quelles sont les relations du juge constitutionnel avec la presse ? (devoir de réserve ? droit de s’exprimer librement ?)

Devoir de réserve (article 16 de la loi organique).

5.3. Le juge constitutionnel fait-il l’objet de critiques (« gouvernement des juges »…) ? À quelles occasions en particulier ?

Non.

5.4. En cas d’outrage ou de diffamation, le juge peut-il agir en justice ?

Oui.

VI. Le juge constitutionnel dans les instances internationales
6.1. Quel rôle, selon vous, le juge constitutionnel peut-il jouer dans les instances internationales ?

Partage de certaines valeurs liées à l’office du juge constitutionnel (promotion de la démocratie, de l’État de droit, de la paix…)

6.2. Les associations internationales de juridictions constitutionnelles sont-elles tenues aux mêmes obligations de réserve que le juge individuel au plan national ?

Non.

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