Bulletin n°5 – Association des Cours Constitutionnelles Francophones

Association des Cours
Constitutionnelles Francophones

Le droit constitutionnel dans l’espace francophone

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Bulletin n°5

Le rôle et le fonctionnement des Cours constitutionnelles en période électorale

  •  Paris, France
  •  2003
  • N°ISBN 2-914106-07-6
  • © ACCF

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Tome 1 : Étude comparative

 

Avant-Propos

par la très honorable Beverley McLACHLIN,

Juge en chef de la Cour suprême du Canada,

Présidente de l’A.C.C.P.U.F.

Plus que jamais les élections sont aujourd’hui au cœur de l’actualité ; elles constituent un élément d’appréciation déterminant du caractère démocratique des États. Est-il besoin de rappeler que, dans la Déclaration de Bamako adoptée en novembre 2000, prenant entre autre, l’engagement de lutter pour « la tenue d’élections libres, fiables et transparentes », la Francophonie réaffirmait, son adhésion aux principes qui fondent la démocratie et l’État de droit.

On peut se féliciter que, conformément à ses statuts qui prévoient des missions d’échange d’informations et d’expériences aussi bien qu’une formation et une assistance technique, l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français n’ait pas craint d’aborder la question du rôle et des missions des Cours constitutionnelles en période électorale.

C’est lors du séminaire de travail qui réunit chaque année les correspondants nationaux de l’A.C.C.P.U.F. qu’a été traitée cette question très sensible mais aussi très concrète pour les Cours et Conseils.

En effet, à des degrés et selon des modalités divers, la Constitution donne à la majorité de nos institutions une mission de contrôle, voire d’organisation d’élections, et les place, au même titre que dans leur fonction de contrôle de la constitutionnalité des normes, au centre du débat démocratique.

Si une telle mission les conduit immanquablement à une confrontation avec les valeurs qui justifient leur raison d’être et dont le respect fonde leur autorité dans la vie nationale, c’est également au quotidien que son bon exercice peut être appréhendé (méthodes de travail, moyens matériels, personnel qualifié, utilisation des nouvelles technologies, …).

Le pari quelque peu risqué a été pris de ne négliger aucune de ces approches, et l’on peut se réjouir de voir qu’il aboutit aujourd’hui, à une présentation synthétique du rôle et des missions des Cours et Conseils constitutionnels en période d’élections.

Travail concret, puisqu’à travers les contributions et les réponses apportées à un questionnaire approfondi, chaque institution a pu faire part aux autres de ses expériences, de ses projets et de ses attentes.

Travail de synthèse, puisque le Secrétariat de l’A.C.C.P.U.F. a développé l’ambition de dépasser la simple mais nécessaire photographie de la situation, pour tenter de dégager les grandes lignes de l’action des Cours et Conseils, dans un domaine où plus que dans tout autre, la conciliation du respect des libertés individuelles et du pluralisme démocratique avec l’intérêt général peut se révéler délicat.

Je ne voudrais pas manquer enfin, de rappeler, combien ce pari réussi, était à la hauteur de l’enjeu : l’information et la formation au service de l’approfondissement de l’État de droit sont à l’origine de la création de l’Association, et justifient aujourd’hui son maintien. Les informations contenues dans cet ouvrage constituent un enrichissement mutuel, car elles concrétisent le partage entre les Cours et Conseils constitutionnels.

Qu’il me soit permis d’y voir une expression de cette notion de « La fraternité », dont lors du Congrès d’Ottawa en juin 2003, nous nous interrogions sur les moyens concrets de la mettre en œuvre entre les membres de l’A.C.C.P.U.F.

Introduction

par Madame Monique PAUTI,

Secrétaire générale de l’A.C.C.P.U.F.

Actes du 3e séminaire des correspondants nationaux de l’A.C.C.P.U.F. ou étude comparative sur le fonctionnement et le rôle des Cours constitutionnelles en période électorale ? Tel est apparu l’enjeu, à la lumière des réponses documentées au questionnaire envoyé par le Secrétariat général de l’A.C.C.P.U.F. à tous ses membres, au lendemain de la réunion de trois jours consacrée à ce thème dans les locaux que l’Agence intergouvernementale de la Francophonie avait, une fois encore, mis à la disposition de notre réseau. Le dilemme a très vite été dépassé grâce à la conjonction de plusieurs éléments : la richesse des informations à partager, la capacité d’un jeune doctorant [1] à les exploiter. C’est de cette veine commune qu’est issu cet ouvrage dont il faut souhaiter qu’il soit utile à chaque Cour membre de l’A.C.C.P.U.F., mais aussi, à tous ceux chercheurs et praticiens qui scrutent les problèmes électoraux.

On y découvrira comment chacun, selon ses compétences, les Cours et Conseils constitutionnels en particulier, construit et « invente » les moyens de rendre les élections « libres, fiables et transparentes » pour reprendre les termes de la Déclaration de Bamako, persuadé qu’il en va d’une des expressions majeures de la démocratie.

Notre ambition était double : reproduire avec fidélité la parole de chaque Cour, telle qu’elle est inscrite dans son rapport national ; faire œuvre de synthèse en dégageant les grands traits que nous révèle l’étude des réponses au questionnaire. Cette approche a conduit à présenter l’étude en deux volumes distincts :

  • le premier consiste en une étude générale et synthétique des réponses au questionnaire ;
  • le second reproduit les rapports nationaux.

Le lecteur pourra ainsi trouver, au fil des développements du premier volume, la possibilité de se référer, dans le deuxième volume, aux exemples, souvent cités de manière rapide, concernant les textes ou les pratiques de telle ou telle Cour.

Cette méthode permettra d’illustrer la définition que donnait Jean Rivero du droit comparé : « (méthode) qui consiste à étudier parallèlement des institutions ou des règles juridiques pour les éclairer par rapprochement ».

Or la méthode comparative est une ambition applicable à la matière électorale. Nous admettons qu’aujourd’hui l’expression de la volonté des citoyens par la voie du droit de vote accordé à tous, sans distinction, constitue un élément du pluralisme démocratique. Si tel est bien le cas, l’analyse des organes et institutions qui assurent l’organisation du suffrage et le contrôle de sa sincérité mérite une étude comparative. Or il s’avère que les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. jouent toutes un rôle dans ce processus : rôle variable, souvent partagé avec d’autres institutions.

Les réponses au questionnaire détaillé (plus de 280 questions) reprenant les diverses étapes du processus électoral, envoyé à chaque Cour, ont permis, grâce à un dépouillement minutieux (qui a souvent nécessité le retour vers les textes qui régissent les Cours constitutionnelles ou les processus électoraux) de fournir une première photographie de l’implication des Cours constitutionnelles dans le processus électoral. Ce premier aperçu a pu être affiné sur des points précis par les rapports nationaux des institutions, qui ont choisi librement d’insister sur tel ou tel thème de leur choix.

La confrontation systématique de ces données, qu’il convient de ne pas détacher du contexte national et historique dont elles sont issues, a alors permis de s’interroger sur leurs similitudes comme sur leurs différences.

Des systèmes de droit, des influences étrangères, des phénomènes concomitants, sont certes à l’origine de traits communs. Mais, comment expliquer d’importantes différences entre des pays dont les traditions juridiques étaient proches ? D’ores et déjà, chacun peut pressentir que des événements marquants de la seconde moitié du XXe siècle (décolonisation, chute du mur de Berlin…) ne sauraient être indifférents à certaines évolutions et imitations.

Pour autant, nous avons tenté de garder le maximum d’objectivité dans l’analyse de ces phénomènes d’imitation et une déception pourra s’ensuivre pour le lecteur, tant la systématisation est une tentation attrayante pour l’esprit.

Aussi, la conclusion risque-t-elle de ne pas apparaître aussi claire et rationnelle qu’on eût pu la souhaiter. Que les Cours soient en tous cas certaines, que le maximum a été mis en œuvre pour traduire en vérité leur rôle. Notre souhait est qu’elles voient dans cet ouvrage, un maillon supplémentaire pour approfondir, à travers une meilleure connaissance réciproque, le dialogue auquel l’A.C.C.P.U.F. est profondément attaché, au service du développement de l’État de droit.


  • [1]
    La synthèse des réponses au questionnaire et la rédaction de cet ouvrage ont été confiées à Matthieu Tardis, assistant à l’A.C.C.P.U.F., que nous remercions.  [Retour au contenu]

I. Photographie des compétences électorales des Cours constitutionnelles francophones

Le cadre normatif du processus électoral détermine le rôle et le fonctionnement des Cours et Conseils constitutionnels membres de l’A.C.C.P.U.F. Afin de comprendre les raisons de l’attribution de responsabilités plus ou moins importantes aux Cours, il convient, dès à présent, d’exposer les grandes lignes de l’activité des juges constitutionnels en période électorale. Définies par les textes fondamentaux et les législations électorales, les compétences des Cours constitutionnelles sont également liées à la reconnaissance du droit de vote dans les États concernés.

1. L’exercice du droit de vote

La tenue d’élections libres, démocratiques et pluralistes ne peut être envisagée sans la reconnaissance du suffrage universel. Celui-ci signifie que tout homme et toute femme a le droit de vote et est éligible ; ce droit est néanmoins encadré par des conditions d’âge ou de nationalité.

La totalité des États dont les Cours constitutionnelles sont membres de l’A.C.C.P.U.F., ont aujourd’hui accordé le droit de vote à l’ensemble des citoyens. La majorité politique est, pour tous ces pays, atteinte à 18 ans, à l’exception du Cameroun (20 ans) et du Liban (21 ans).

Tableau 1 – Le droit de vote dans les états francophones

Pays

Date
de reconnaissance du droit de vote
Dispositions constitutionnelles en vigueur

Hommes Femmes

Albanie 1920 1945 Article 45 de la Constitution du 28 novembre 1998
Algérie 1962 1962 Article 50 de la Constitution du 8 décembre 1996
Belgique 1893 (vote universel
plural [1]),
1919 (suffrage universel)
1919 (suffrage restreint), 1948 (suffrage universel) Articles 61, 62, 67, 162 de la Constitution
du 17 février 1994
Bénin 1960 1960 Article 6 de la Constitution du 11 décembre 1990
Bulgarie 1879 1945 [2] Article 42 de la Constitution du 6 décembre 1991
Burkina Faso 1960 1960 Article 12 de la Constitution du 11 juin 1991
Cambodge 1947 1956 Article 34 de la Constitution du 24 septembre 1993
Cameroun Depuis la colonisation 1946 Article 2 de la Constitution du 18 janvier 1996
Canada [3] 1867 (propriétaires terriens) [4] 1918 Article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982
Congo 1961 1961 Article 4 de la Constitution du 20 janvier 2002
Égypte 1866 1956 Article 1er de la loi sur l’organisation de l’exercice des droits politiques de 1956
France 1848 1944 Article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958
Gabon 1960 1960 Article 4 alinéa 2 de la Constitution du 26 mars 1991
Guinée-Bissau 1974 1974 Articles 2, 24 et 29 de la Constitution du 27 novembre 1996
Haïti 1843 1843 Article 17 de la Constitution de 1987
Liban 1926 1952 Article 21 de la Constitution du 23 mai 1926
Madagascar 1959 1959 Article 6 de la Constitution du 18 septembre 1992
Mali 1946 1946 Article 27 de la Constitution du 12 janvier 1992
Maroc 1959 1959 Article 8 de la Constitution du 7 octobre 1996
Maurice 1948 1948 Articles 42 et 44 de la Constitution du 12 mars 1968
Mauritanie 1986 1986 Article 3 alinéa 2 de la Constitution du 20 juillet 1991
Moldavie 1925 1925 Article 38 de la Constitution du 29 juillet 1994
Monaco 1911 1962 Article 53 de la Constitution du 17 décembre 1962
Niger 1959 1959 Article 7 de la Constitution du 18 juillet 1999
Roumanie 1858 (suffrage censitaire), 1917 (suffrage universel) 1929 (suffrage restreint), 1946 (suffrage universel) Article 36 de la Constitution du 21 novembre 1991
Rwanda 1961 1961 Article 8 de la Constitution du 4 juin 2003
Sénégal 1960 1960 Article 3 de la Constitution du 22 janvier 2001
Slovénie 1907 1945 Article 43 de la Constitution du 23 décembre 1991
Suisse [5] 1848 1971 Articles 34 et 136 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999
Tchad 1959 1959 Article 6 de la Constitution du 31 mars 1996
République tchèque 1896 1919 Article 18 de la Constitution du 16 décembre 1992
Togo 1960 1960 Article 5 de la Constitution du 14 octobre 1992

La reconnaissance est apparue à des moments très divers.

Haïti a été le premier État à reconnaître le droit de vote aux femmes et aux hommes en 1843. En revanche, en Europe et au Canada, le suffrage universel s’est imposé par étape progressive selon l’éveil de ces pays à la démocratie. Ceci explique, en premier lieu, que le droit de vote ait été limité à certaines catégories de la population, d’après, notamment, des critères de revenus ou de propriété. Le droit de vote a ensuite été accordé à tous les hommes puis à partir du début du XXe siècle aux femmes, parfois de façon restrictive au départ. L’écart qui sépare la reconnaissance du suffrage masculin de celle du suffrage féminin diffère considérablement d’un État à l’autre.

Ainsi, il est à noter que la France et la Suisse, qui ont été les premiers États européens à reconnaître le suffrage universel masculin, n’ont consenti le même droit aux femmes que tardivement.

En Afrique, la reconnaissance du droit de vote est le fruit de la décolonisation et de l’accession à la souveraineté. Ainsi, observons-nous que pour la grande majorité des États africains, le droit de vote a été accordé aux femmes et aux hommes entre 1959 et 1961. Cependant, cette reconnaissance est intervenue plus récemment en Mauritanie et en Guinée-Bissau. Toutefois, ce dernier pays n’a accédé à l’indépendance qu’en 1974.

La reconnaissance du droit de vote fait l’objet d’une disposition constitutionnelle [6] dans tous les États dont les Cours ont répondu au questionnaire, mise à part l’Égypte. Il est intéressant de s’interroger sur la position du droit de vote dans le texte constitutionnel. Ainsi, le droit de vote est garanti au Liban et dans tous les États d’Afrique dans la partie relative à l’État et à la souveraineté. Seuls l’Algérie et le Burkina Faso considèrent le droit de vote comme un droit fondamental [7], le Maroc et la Mauritanie se trouvant dans une situation intermédiaire puisque le droit de vote est reconnu dans un titre 1er intitulé « dispositions générales et principes fondamentaux » qui contient les principes généraux de l’État touchant à la fois à la structure institutionnelle, à la souveraineté et aux droits de l’homme.

Dans les autres pays, la situation est plus hétérogène. Des lignes directrices peuvent néanmoins être dégagées. Dans la majorité de ces États, le droit de vote est reconnu dans la partie relative aux droits de l’homme. Ce groupe est composé de l’ensemble des pays de l’Europe centrale et orientale dont les Cours sont membres de l’A.C.C.P.U.F. auxquels s’ajoutent le Canada, le Cambodge, Haïti et la Suisse. En revanche, la reconnaissance du droit de vote en France offre le même visage que dans la majorité des pays africains et est considérée comme un élément de la souveraineté. En Belgique, le droit de vote est garanti dans la partie relative aux chambres et institutions provinciales. Notons que la Constitution belge de 1994 n’est qu’une révision globale de la Constitution de 1831, alors que les autres pays cités ci-dessus disposent de textes constitutionnels plus récents. La Constitution monégasque, adoptée en 1962, reconnaît également le droit de vote dans la partie relative au Conseil national (chambre législative de Monaco).

Enfin, le vote n’est obligatoire qu’en Algérie, Belgique et Égypte, où les électeurs qui ne l’exercent pas sont passibles d’une amende. À Haïti, si l’article 52-1 de la Constitution impose au citoyen de voter, aucune sanction n’est prévue en cas de non participation au vote.

2. Les compétences des Cours constitutionnelles en matière électorale

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent principalement du contrôle des normes [8]. Cependant, le prestige du juge constitutionnel et sa position privilégiée dans le système juridictionnel ont souvent incité le constituant et le législateur à lui confier des compétences non négligeables en matière électorale dont l’étendue est toutefois variable selon les États.

A. Les compétences consultatives

Les compétences consultatives des Cours constitutionnelles et institutions équivalentes ne s’appliquent que rarement à la matière électorale. Toutefois, on relève que les Constitutions du Burkina Faso, du Congo, du Gabon, du Mali, du Sénégal et du Tchad prévoient la consultation de la Cour constitutionnelle sur la conformité à la Constitution de la question posée au peuple lors d’un référendum. Certaines Cours sont, par ailleurs, consultées sur l’organisation des opérations de référendum (Burkina Faso, Gabon, Tchad). Les compétences consultatives de ces Cours sont donc réduites aux consultations référendaires, compétences qui entrent davantage dans les activités de contrôle des normes que dans le contentieux électoral.

La Cour malienne dispose d’une compétence consultative qui s’étend également au décret de convocation du corps électoral et aux modèles de candidatures pour les élections présidentielles et parlementaires. La Haute Cour constitutionnelle de Madagascar peut également émettre des avis sur les décrets reportant les dates des élections et les décrets prorogeant le délai de dépôt de candidature sur saisine des chefs d’institutions et des organes des provinces autonomes.

Les autorités de saisine sont exclusivement des autorités de l’Exécutif, soit uniquement le président de la République (Congo, Sénégal), soit le Gouvernement et Premier ministre (Burkina Faso, Tchad) soit l’ensemble de ces autorités (Gabon).

Le texte de la Constitution française n’attribue pas de compétence consultative au Conseil constitutionnel. Néanmoins, la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République et l’ordonnance du 7 novembre 1958 régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel prévoient la consultation du Conseil par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle ainsi que sur les opérations de référendum national, notamment la question posée aux électeurs. Les avis ne sont pas publiés. En outre, s’ils ne lient pas les autorités, le pouvoir exécutif les a toujours suivis en pratique.

Nous pouvons préciser, pour conclure sur ce point, que les compétences consultatives dont disposent certaines Cours constitutionnelles, même si elles ne concernent pas directement la matière électorale, ne sont pas dénuées de tout lien avec elle. Ainsi, lorsque la Cour suprême du Canada est consultée par le Gouvernement sur la constitutionnalité d’une loi ou lorsque la Cour constitutionnelle du Togo émet un avis sur des ordonnances, l’acte contrôlé peut être une loi électorale. De même, certaines Cours, comme la Cour constitutionnelle du Niger, peuvent émettre un avis sur l’interprétation de la Constitution ; cette interprétation peut avoir trait aux compétences en matière de contentieux électoral attribuées par la Constitution.

B. Les compétences juridictionnelles

Tableau 2 – La compétence juridictionnelle des cours constitutionnelles

Les Cours connaissant du contentieux électoral Les Cours ne connaissant pas du contentieux électoral
Albanie : art. 131 de la Constitution Belgique
Algérie : art. 163 alinéa 2 de la Constitution Canada
Bénin : art. 117 de la Constitution Égypte
Bulgarie : art. 149 de la Constitution Haïti
Burkina Faso : art. 152 et 154 de la Constitution Monaco
Cambodge : art. 136 de la Constitution
Cameroun : art. 48 de la Constitution
Congo : art. 146 et 147 de la Constitution
France : art. 58, 59, 60 de la Constitution
Gabon : art. 84 de la Constitution
Guinée-Bissau
Liban : art. 19 de la Constitution
Madagascar : art. 118 de la Constitution
Mali : art. 86 et 87 de la Constitution
Maroc : art. 81 de la Constitution
Maurice : art. 37 de la Constitution/p>
Mauritanie : art. 83 et 84 de la Constitution
Moldavie : art. 135 de la Constitution
Niger : art. 103 de la Constitution
Roumanie : art. 146 de la Constitution
Rwanda [9] : art. 144 de la Constitution
Sénégal : art. 35 et 60 de la Constitution
Slovénie : art. 82 de la Constitution
Suisse : art. 80 de la loi fédérale sur les droits politiques [10]
Tchad : art. 166 de la Constitution
République tchèque : art. 87-1.e) de la Constitution
Togo : art. 104 de la Constitution

Sur les trente-deux Cours qui ont répondu au questionnaire, seules cinq ne connaissent pas du contentieux électoral.

La compétence des autres Cours est reconnue dans les Constitutions et est, en règle générale, prévue dans les lois relatives aux juridictions constitutionnelles et éventuellement dans les législations électorales. On pourrait en conclure que parmi les États dont les Cours constitutionnelles sont membres de l’A.C.C.P.U.F., le contentieux électoral relève, dans son ensemble, du juge constitutionnel. Néanmoins, la complexité du processus électoral appelle une variété de contentieux, à laquelle les États ont apporté des réponses diverses.

Ainsi, lorsque le Professeur Jean-Claude Masclet définit le contentieux électoral, il précise :

« Les opérations électorales donnent lieu à plusieurs sortes de contentieux. Au sens étroit, le contentieux électoral est celui qui a pour objet de vérifier l’authenticité ou l’exactitude du résultat de l’élection. Il peut aboutir à la confirmation, à la réformation ou à l’annulation de l’élection. Au sens large, il englobe aussi le contentieux de la liste électorale, celui des opérations préparatoires, et le contentieux répressif destiné à sanctionner les actes de fraude constitutifs d’infractions pénales. La répartition des compétences en matière de contentieux électoral revêt une certaine complexité dans la mesure où le juge n’est pas le même suivant les différentes élections et que, pour une même élection, le juge des opérations préparatoires n’est pas nécessairement celui des résultats [11]. »

Les contestations soulevées après les opérations de vote relèvent généralement d’une juridiction unique. Le contentieux post-électoral concerne, en premier lieu, la vérification de la régularité de l’élection et le contrôle des résultats. Le domaine du juge électoral s’étend alors des opérations préliminaires à la proclamation des résultats. En amont de l’élection, des contestations peuvent surgir à propos de l’organisation du scrutin, des listes électorales, des candidatures ou de la campagne électorale. Si ces litiges sont résolus avant l’élection, le contentieux sera qualifié de préélectoral.

Nous pouvons, dès à présent, effectuer une première approche de l’étendue des compétences des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. en matière électorale, dont chaque point sera étudié et précisé par la suite [12]. Afin d’avoir une vision synthétique, il est utile de se référer au tableau 74 situé à la fin de cette étude.

Les solutions retenues par chaque État sont très contrastées. Il est probable que la diversité la plus grande se rencontre parmi les systèmes en place dans les pays dans lesquels le juge constitutionnel n’est pas compétent en matière électorale.

La Belgique est restée attachée au modèle de la vérification des pouvoirs. Ce système, qui trouve son origine en Angleterre et en France, confie le contentieux électoral au Parlement. En d’autres termes, l’Assemblée qui vient d’être élue est juge de la régularité de l’élection de ses propres membres. Le contentieux préélectoral relève du juge administratif [13]. Il convient de préciser que la Cour d’arbitrage peut connaître de la matière électorale, mais uniquement dans le cadre de son rôle de contrôle des normes [14]. Si la tradition parlementaire semble minoritaire parmi les institutions étudiées dans ce bulletin [15], on observe que les mécanismes slovène et tchèque s’en rapprochent fortement, puisque dans ces deux derniers États, la Cour constitutionnelle est uniquement compétente pour connaître en appel des décisions du Parlement sur la régularité des élections des députés [16]. Les traditions se sont ici adaptées aux garanties exigées par la notion d’État de droit. Néanmoins, un contrôle juridictionnel ou quasi-juridictionnel est prévu en amont de l’intervention du Parlement corrigeant encore davantage le système de la vérification des pouvoirs [17]. En ce qui concerne l’élection du président de la République slovène, les recours sont portés devant la Commission électorale et la Cour suprême en appel.

La Suisse se rattache également à la tradition de la vérification des pouvoirs, tout en l’adaptant à un système institutionnel qui lui est propre. Ainsi, les contestations relatives à la régularité affectant la préparation et l’exécution de l’élection du Conseil national (la chambre basse) sont tranchées en premier ressort par le Gouvernement cantonal, puis en appel par le Conseil national lui-même, qui statue lorsqu’il valide les élections lors de la séance constitutive de la chambre nouvellement élue. En outre, les recours relatifs aux votations relèvent de la compétence du Gouvernement cantonal, dont la décision peut être attaquée devant le Conseil fédéral (Exécutif fédéral). Finalement, la compétence du Tribunal fédéral intervient essentiellement afin de protéger le droit de vote dans le cadre du recours de droit administratif. Le recours relatif au droit de vote concerne, entre autre, les décisions relatives au domicile politique, au registre des électeurs, aux procédures de vote, au vote par correspondance, au vote des invalides, soit les opérations pré-électorales. Il doit d’abord être adressé au Gouvernement cantonal, le Tribunal fédéral intervenant en dernière instance. Le Tribunal fédéral intervient également, dans le cadre du recours de droit public, pour protéger l’exercice des droits politiques [18] en tant que droits constitutionnellement protégés qui peut être affecté par une décision des autorités cantonales. La compétence du Tribunal repose donc sur sa fonction de garant des droits fondamentaux des Suisses.

Le droit canadien est fortement inspiré du droit anglo-saxon. Le droit constitutionnel et le contentieux électoral n’échappent pas à cette règle. Au Royaume-Uni, le contentieux électoral relève du juge ordinaire. Le Canada a recueilli cet héritage tout en l’adaptant. Ainsi, la Cour suprême peut connaître de recours relatifs aux élections dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction de dernier ressort. Cependant, les Canadiens ont pris en considération la spécificité de la matière électorale en confiant l’administration du processus électoral et référendaire au Directeur général des élections, placé sous la responsabilité de la Chambre des Communes. Celui-ci nomme, à son tour, le Commissaire aux élections fédérales, qui doit s’assurer du respect et de l’exécution de la législation électorale. Il dispose également de pouvoirs de décision en cas de contestation et peut engager des poursuites devant les juridictions de droit commun. En outre, la loi électorale impose que les contestations pour inéligibilité du candidat élu, irrégularité, fraude ou acte illégal ayant influencé le résultat de l’élection soient portées directement devant les tribunaux supérieurs provinciaux ou la Cour fédérale. Un appel direct à la Cour suprême selon une procédure sommaire est possible.

À Monaco, le contentieux électoral est également confié à la juridiction ordinaire. L’article 52 de la loi du 23 février 1968 dispose que « tout électeur a le droit d’arguer de nullité les élections auprès du Tribunal de première instance ». Un recours en appel est instauré devant la Cour d’appel puis devant la Cour de révision.

La Moldavie a instauré un système semblable à celui du Canada, dans le sens où la commission électorale a de nombreuses attributions. Elle peut notamment connaître des diverses contestations et ses décisions sont susceptibles de recours devant les juridictions de droit commun. Le rôle de la Cour constitutionnelle se limite à la confirmation des résultats des élections [19]. Ce dispositif tend, par certains côtés, à ressembler « au modèle espagnol [20] », caractérisé par une administration électorale permanente dont les décisions sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Néanmoins, il convient d’ajouter que selon l’article 62 de la Constitution, la Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale, de la validation ou non du mandat de député en cas de violation de la législation électorale. Par conséquent, si la Cour ne peut pas être saisie d’un recours électoral, elle statue, tout de même, sur la conformité du déroulement du scrutin au code électoral sur le fondement des documents fournis par la Commission électorale.

Les Cours constitutionnelles albanaise, bulgare et roumaine connaissent du contentieux électoral mais les commissions électorales disposent d’une hégémonie relative sur le processus électoral. La Cour constitutionnelle bulgare est compétente en premier et dernier ressort uniquement pour le contentieux post-électoral pour les deux scrutins nationaux. En revanche, le contentieux préélectoral est pris en charge par la Commission électorale dont les décisions sont susceptibles de recours devant la Cour administrative suprême.

Les Cours constitutionnelles roumaine et albanaise ne connaissent pas du contentieux des élections législatives [21]. En Albanie, depuis l’entrée en vigueur en juin 2003 d’un nouveau code électoral, le contentieux des élections parlementaires a été confié à la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana [22]. En ce qui concerne l’élection présidentielle, si le juge constitutionnel albanais est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de l’éligibilité du président de la République sur saisine d’un cinquième des députés ou d’un parti politique, son collègue roumain n’intervient qu’après la Commission électorale pour confirmer les résultats, valider l’élection du président de la République et éventuellement trancher les contestations qui lui sont transmises par la Commission électorale. En outre, le juge constitutionnel roumain statue sur les requêtes relatives à l’enregistrement ou non des candidats [23].

La Commission électorale haïtienne domine également le processus électoral et dispose d’attributions contentieuses. La loi électorale de 1987 prévoyait la compétence en appel de la Cour de cassation, mais depuis la loi de 1995, le contentieux électoral échappe entièrement à cette dernière et relève en premier et dernier ressort de la Commission électorale, conformément à l’article 197 de la Constitution [24].

L’Égypte a concentré une grande partie du contentieux électoral entre les mains de la Cour du contentieux administratif du Conseil d’État. Même si la Cour suprême constitutionnelle ne connaît pas des requêtes électorales, le système choisi rejoint néanmoins incontestablement les mécanismes de la majorité des États étudiés dans ce bulletin, dans le sens où le contentieux électoral est confié à une juridiction jouissant d’une grande autorité.

En effet, dans les autres États dont les Cours ont répondu au questionnaire, le juge constitutionnel semble avoir une compétence étendue en matière électorale. Cette affirmation se vérifie essentiellement dans les pays africains, mais également au Cambodge où le Conseil constitutionnel peut connaître selon les cas du contentieux électoral en appel de la Commission électorale ou en premier et dernier ressort. On peut certainement y voir l’influence du modèle français, qui confie une grande partie du processus électoral à la juridiction du Conseil constitutionnel.

En France, la Constitution de 1958 rompt avec le système traditionnel de la vérification des pouvoirs effectuée par le Parlement et confie le contrôle de la régularité des élections du président de la République, des députés, des sénateurs et des opérations de référendum au Conseil constitutionnel. La compétence en premier et dernier ressort du Conseil s’étend au contentieux préélectoral et post-électoral. Cette compétence n’est cependant pas exhaustive et peut être partagée avec d’autres juridictions, par exemple les tribunaux d’instance pour le contentieux des listes électorales, les juridictions administratives pour les candidatures aux élections législatives. Une répartition complexe des tâches a également été établie avec le Conseil d’État sur les opérations préparatoires [25]. La Constitution a institué un véritable modèle de justice électorale, qui souligne le caractère singulier et politique de ce contentieux en le confiant au juge constitutionnel.

Dans le cadre de cette approche introductive des compétences des Cours constitutionnelles en matière électorale, on constate l’attractivité du système français en Afrique francophone. Ainsi, en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée-Bissau, au Liban [26], à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo, le juge constitutionnel est le juge des élections présidentielles [27] et parlementaires. L’ensemble de ces Cours et Conseils sont donc saisis en premier et dernier ressort du contentieux post-électoral dans des conditions qui, sans être similaires, ressemblent à celles qui gouvernent la saisine du Conseil français. En ce qui concerne le contentieux préélectoral, l’implication des Cours constitutionnelles n’est plus exclusive mais elle demeure déterminante. Par exemple, si la compétence du juge constitutionnel en matière de contentieux des listes électorales n’est établie qu’au Bénin, au Cambodge, en Guinée-Bissau et au Niger, le contentieux des candidatures relève majoritairement des Cours constitutionnelles, à l’exception du Conseil algérien pour les candidatures aux élections parlementaires. Nous observons également que certaines Cours semblent être moins engagées dans les élections parlementaires, essentiellement en ce qui concerne la réception des candidatures ou le contrôle des opérations préélectorales, notamment les institutions du Congo, du Liban ou du Maroc.

Il peut paraître difficile d’établir une influence du modèle français sur l’Île Maurice. Pourtant, la Cour suprême est compétente en premier et dernier ressort [28] pour examiner si une personne a été régulièrement élue. Elle intervient, par conséquent, après la tenue du scrutin. L’inspiration ne vient certainement pas de la Constitution française de 1958 mais l’Île Maurice a voulu marquer l’importance des opérations électorales en confiant le contentieux à la plus haute juridiction de l’État. En revanche, la Cour suprême ne porte aucun regard sur l’ensemble des opérations préélectorales, pour lesquelles plusieurs commissions électorales se répartissent les tâches.

C. Les données statistiques

Tableau 3 – Les consultations électorales controlées par les cours constitutionnelles [29]

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
Date de création de la Cour Nombre de consultations contrôlées par la Cour Dates des consultations contrôlées par la Cour Nombre de consultations contrôlées par la Cour Dates des consultations contrôlées par la Cour
Albanie 20 avril 1992 N.C. [30] N.C. N.C. N.C.
Algérie février 1989 2 novembre 1995,
avril 1999
4 juin 1997,
janvier 1998,
mai 2002,
avril 2004
Belgique 1980
Bénin juin 1993 2 mars 1996,
mars 2001
3 mars 1995,
mars 1999,
mars 2003
Bulgarie 3 octobre 1991 N.C. N.C. 2 1994, 2002
Burkina Faso 9 décembre 2002 0 0 0 0
Cambodge 15 juin 1998 2 juillet 1998,
juillet 2003
Cameroun 1996 [31] 1 octobre 1997 2 juin 1997,
juin 2002
Canada 1875
Congo 12 janvier 2003 0 0 1 N.C.
Égypte 1979
France 1959 8 1958, 1965,
1969, 1974,
1981, 1988,
1995, 2002
12 1958, 1962,
1967, 1968,
1973, 1978,
1981, 1986,
1988, 1993,
1997, 2002
Gabon 1991 2 décembre 1993,
décembre 1998
4 décembre 1996,
février 1997,
décembre 2001,
février 2003
Guinée-Bissau 1985 N.C. N.C. N.C. N.C.
Haïti 1835 N.C. N.C. N.C. N.C.
Liban 14 juillet 1993 0 0 2 N.C.
Madagascar 29 juin 1977 6 novembre 1982,
mars 1989,
novembre 1992,
février 1993, novembre décembre 1996,
décembre 2001
7 août 1983,
mai 1989,
juin 1993,
septembre 1993,
mai 1998,
mars 2001,
décembre 2002
Mali 8 mars 1994 2 mai 1997,
mai 2002
3 avril 1997,
juillet 1997,
juillet 2002
Maroc 1992 3 juin 1993,
novembre 1997,
septembre 2002
Maurice N.C. N.C. N.C. N.C. N.C.
Mauritanie février 1991 3 N.C. 7 N.C.
Moldavie 23 février 1995 N.C. N.C. N.C. N.C.
Monaco 1911
Niger 16 octobre 2000 0 0 0 0
Roumanie juin 1992 3 septembre 1992,
octobre 1996,
novembre 2000
Rwanda 2003 [32] 0 0 0 0
Sénégal 30 mai 1992 2 février 1993,
février 2000
3 février 1993,
mai 1998,
avril 2001
Slovénie 25 juin 1991 8 janvier 1993,
décembre 1996,
février 2001,
novembre 2002
Suisse 1874
Tchad 2 novembre 1998 1 mai 2001 1 avril 2002
République tchèque 15 juillet 1993 N.C. N.C.
Togo 14 octobre 1992 2 juin 1998,
juin 2003
2 mars 1999,
octobre 2002

Tableau 4 – Le nombre de décisions rendues en matière d’élections présidentielles

Avis

Décisions de nomination de délégués (observateurs)

Décisions de proclamation des résultats

Décisions contentieuses autres que l’annulation

Annulation de résultats partiels

de l’élection

Annulation globale

de l’élection

Décisions concernant le financement de la campagne

Albanie

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Algérie

0

0

2

2

0

0

0

Belgique

Bénin

0

8

6

85

0

0

0

Bulgarie

N.C

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Burkina Faso

0

0

0

0

0

0

0

Cambodge

Cameroun

0

0

1

0

0

0

0

Canada

Congo

0

0

0

0

0

0

0

Égypte

France

env. 50

environ 400

16

16

environ 80

0

25

Gabon

0

0

2

2

0

0

0

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Haïti

0

0

0

11

0

0

0

Liban

0

0

0

0

0

0

0

Madagascar

4

0

9

3 593

1 405

0

0

Mali

2

0

3

5

3

0

0

Maroc

Maurice

Mauritanie

0

0

3

2

0

0

0

Moldavie

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Monaco

Niger

0

0

0

0

0

0

0

Roumanie

0

0

9

164

0

0

0

Rwanda

0

0

0

0

0

0

0

Sénégal

0

0

3

15

1

0

0

Slovénie

Suisse

Tchad

0

1

1

0

0

0

0

République tchèque

Togo

0

5

2

11

0

0

0

Tableau 5 – Le nombre de décisions rendues en matière d’élections parlementaires

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES

Avis

Décisions de nomination de délégués (observateurs)

Décisions de proclamation des résultats

Décisions contentieuses autres que l’annulation

Annulation de résultats partiels

de l’élection

Annulation globale

de l’élection

Décisions concernant le financement de la campagne

Albanie

Algérie

0

0

4

0

4

0

0

Belgique

Bénin

0

6

4

369

1

0

0

Bulgarie

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Cambodge

0

0

0

43

0

0

0

Cameroun

0

0

2

0

0

0

0

Canada

Congo

0

0

0

1

1

0

0

Égypte

France

0

0

0

env. 1 200

0

56

env. 1 100

Gabon

0

0

20

37

25

0

0

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Haïti

0

0

0

0

0

0

0

Liban

0

0

0

0

0

plusieurs

0

Madagascar

2

0

6

2 608

212

0

0

Mali

2

0

4

103

3

1

0

Maroc

0

0

0

425

0

36

0

Maurice

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Mauritanie

0

0

7

5

0

0

0

Moldavie

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Monaco

Niger

0

0

0

0

0

0

0

Roumanie

Rwanda

0

0

0

0

0

0

0

Sénégal

0

0

3

23

1

0

0

Slovénie

0

0

0

8

0

0

0

Suisse

Tchad

0

0

1

0

2

0

0

République tchèque

0

0

0

10

0

0

0

Togo

0

5

2

11

0

0

0

3. La législation électorale

Une législation électorale est essentielle à l’organisation des scrutins afin de compléter les dispositions sommaires relatives aux élections contenues dans les Constitutions. La législation électorale doit prévoir toutes les mesures nécessaires à l’expression du vote des électeurs. Elle s’intéresse, par conséquent, à l’établissement des listes électorales, au dépôt des candidatures, aux règles régissant la campagne électorale, aux modes de scrutin, au déroulement du scrutin, à la proclamation des résultats et au contentieux électoral, c’est-à-dire à l’ensemble du processus électoral. La loi électorale est, dès lors, fondamentale pour la vie démocratique d’un État.

Le tableau suivant présente l’ensemble des lois électorales adoptées par les États étudiés dans ce bulletin.

Tableau 6 – La législation électorale dans les états francophones

Albanie

Loi n° 9087 du 19 juin 2003 portant code électoral de la République d’Albanie

Algérie

Ordonnance du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral (modifiée en février 2004)

Belgique

Code électoral du 12 août 1928 (modifié en 2002 et 2003), loi du 11 avril 1994 sur le vote automatisé

Bénin

Loi n° 2000-18 du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, loi n° 2000-19 du 3 janvier 2001 définissant les règles particulières pour l’élection du président de la République, loi n° 94-015 du 27 janvier 1995 définissant les règles particulières pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale (modifiée en janvier 2003)

Bulgarie

Loi sur l’élection du président et du vice-président de la République de 1991 (modifiée en 2001), loi sur l’élection des députés de 2001 (modifiée en 2002), loi sur les élections locales de 1995 (modifiée en 2003)

Burkina Faso

Loi n° 014-2001 du 3 juillet 2001 portant code électoral (modifiée le 23 janvier 2002)

Cambodge

Loi sur les élections des députés du 26 décembre 1997 (modifiée le 17 septembre 2002)

Cameroun

Loi n° 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale (modifiée le 19 mars 1997), loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République (modifiée le 9 septembre 1997)

Canada

Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, tel que modifié, loi référendaire, L.C. 1992, ch. 30, loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, L.R.C. 1985, ch. E-3

Congo

Loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale

Égypte

Loi (73) de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiques (modifiée le 7 janvier 2002)

France

Code électoral (modifié en avril 2004)

Gabon

Code électoral (modifié le 14 août 2002)

Guinée-Bissau

Lois n° 2/98, 3/98, 4/98

Haïti

Loi électorale du 14 février 1995 (modifiée en 1999)

Liban

Loi du 6 avril 1960 (modifiée le 6 janvier 2000)

Madagascar

Loi organique n° 2000-014 du 24 août 2000 portant code électoral, loi spécifique à chaque élection

Mali

Loi électorale du 12 février 2002 (modifiée en janvier 2004)

Maroc

Dahir n° 1-97-83 du 2 avril 1997 portant promulgation de la loi n° 9-97 formant code électoral (modifiée le 24 mars 2003)

Maurice

Constitution, Representation of the People Act (1958), National Assembly Elections Regulations (1968) (modifiées en 2003)

Mauritanie

Lois organiques du 7 octobre 1991 et du 7 octobre 1992 (modifiées en décembre 2001)

Moldavie

Code électoral, adopté par la loi n° 1381-XIII du 21 novembre 1997 (modifié le 8 mai 2003)

Monaco

Loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales (modifiée en 2002)

Niger

Code électoral du 4 septembre 1999 (modifié le 17 juillet 2003)

Roumanie

Loi organique n° 69/1992 sur l’élection du président de la Roumanie, loi organique n° 68/1992 sur l’élection de la Chambre des des députés et du Sénat (modifiée en 2004 [33]).

Rwanda

Loi organique n° 17/2003 du 7 juillet 2003 relative aux élections présidentielles et législatives

Sénégal

Code électoral du 15 février 1992 (modifié le 8 mars 2002)

Slovénie

Loi sur les élections à l’Assemblée nationale du 27 septembre 1992, loi sur le Conseil national du 27 septembre 1992, loi sur la campagne électorale du 8 octobre 1994, loi sur l’élection du président de la République du 22 août 1992 (Les lois sur l’Assemblée nationale, le Conseil national et le président de la République ont été modifiées le 30 juillet 2003 ; la loi sur la campagne électorale a été modifiée le 29 mars 1997)

Suisse

Loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (modifiée en 2002)

Tchad

Loi n° 21/PR/2000 du 18 septembre 2000 portant code électoral

République tchèque

Loi n° 247/1995 Rec. relative aux élections au Parlement de la République tchèque et à la modification de certaines autres lois (modifiée le 18 février 2003)

Togo

Code électoral du 5 avril 2002 (modifié le 7 février 2003) [34]

L’ensemble des États disposent d’une loi électorale. Dans la plupart des cas, elle a été adoptée récemment, à la suite de la démocratisation de certains de ces pays. Tous les États, à l’exception de la Belgique, de l’Égypte, du Liban, de l’Île Maurice, de Monaco et de la Suisse ont des législations électorales datant de moins de 15 ans. De même, des modifications, parfois substantielles, sont intervenues depuis l’année 2000 dans une majorité de pays, hormis le Cameroun (dernière modification intervenue en 1997), la Guinée-Bissau (1998) et Haïti (1999). On observe donc une activité législative importante relative au processus électoral. L’Albanie a procédé à une refonte en profondeur de sa loi électorale en juin 2003, qui a profondément modifié la compétence de la Cour constitutionnelle. Une réforme a été adoptée en 2004 par le Parlement roumain.

Il est, en outre, intéressant d’examiner si un texte unique s’applique à toutes les élections, ou si une loi spécifique régit les différents scrutins et les différentes phases du processus électoral. La Bulgarie, le Cameroun, la Roumanie et la Slovénie disposent de lois distinctes pour l’élection présidentielle et pour les élections parlementaires [35]. Le Canada et la Slovénie ont également différentes lois relatives aux phases successives du processus électoral : loi sur la campagne électorale, loi sur la révision des circonscriptions électorales… Néanmoins, dans la majorité des cas, l’ensemble de la législation électorale a été rassemblé dans un texte unique, intitulé code électoral.

Nous pouvons également nous interroger sur la place des législations électorales dans la hiérarchie des normes. Si certains principes électoraux, notamment les conditions d’éligibilité et le droit de vote sont garantis par les textes constitutionnels, les réglementations électorales ont habituellement le rang de loi ordinaire. Certains États attribuent, néanmoins, une valeur intermédiaire aux législations électorales. Par exemple, la loi électorale a été adoptée sous la forme d’une loi organique notamment à Madagascar, en Mauritanie, au Rwanda et en Moldavie [36]. En France, le code électoral comprend à la fois des lois ordinaires et des lois organiques. Plus précisément, l’élection du président de la République est régie par une loi organique et l’élection des députés par une loi ordinaire. Toutefois, si la norme n’a pas de valeur particulière, la procédure qui a conduit à son adoption peut illustrer sa spécificité. Ainsi, l’article 40 de la Constitution de la République tchèque prévoit une procédure d’adoption particulière pour la loi électorale [37].

La loi électorale occupe une position centrale dans la vie démocratique d’un État. Par conséquent, il est important de savoir si les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. ont connu de telles lois dans le cadre de leur activité de contrôle des normes.

Les institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. ont été appelées à se prononcer sur la législation électorale, à l’exception du Conseil constitutionnel du Burkina Faso, de la Cour suprême du Cameroun, de la Cour constitutionnelle du Congo, du Tribunal suprême de justice de GuinéeBissau, de la Cour de cassation de Haïti, de la Cour constitutionnelle du Mali, du Conseil constitutionnel de Mauritanie, de la Cour constitutionnelle du Rwanda et du Tribunal fédéral suisse [38].

L’importance des lois électorales justifie l’intervention du juge constitutionnel. On observe que les Cours non compétentes en matière électorale (Belgique, Canada, Égypte, Moldavie et Monaco) ne sont pas les moins actives dans le contrôle de constitutionnalité des normes électorales. Ainsi, la Cour suprême, mais également l’ensemble des juridictions du Canada ont rendu de nombreuses décisions sur les multiples aspects du processus électoral [39].

Tableau 7 – Le contrôle de constitutionnalité de la législation électorale par les cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Pays

Contrôle de la Cour constitutionnelle

Albanie

Décision du 30 janvier 2004

Algérie

Avis n° 2 du 6 mars 1997, avis n° 1 du 4 février 2004

Belgique

Arrêts n° 26/ 90, 90/ 94, 20/ 2000, 43/ 2000, 81/ 2000, 100/ 2000, 10/ 2001, 25/ 2002, 30/ 2003 (suspension), 35/ 2003, 36/ 2003, 73/ 2003

Bénin

Décision DCC 95-005 du 24 janvier 1995, décision DCC 99-003 du 8 janvier 1999, décision DCC 01-001 du 2 janvier 2001, décision DCC 02-110 du 28 août 2002, décision DCC 03-001 du 8 janvier 2003, décision DCC 03-002 du 24 janvier 2003

Bulgarie

OUI (jurisprudence non précisée)

Burkina Faso

NON

Cambodge

Décision n° 047/002/2002 CC.D du 6 septembre 2002

Cameroun

NON

Canada

Harper c. Canada [2002] A.J. n° 1542 (dispositions relatives à la publicité électorale des tiers)… Figueroa c. Canada (Procureur général) [2003] 1 R.C.S. 912 (dispositions relatives à l’enregistrement des partis politiques)

Congo

NON

Égypte

Décisions du 16 mai 1987, du 15 avril 1989, du 19 mai 1990, du 3 février 1996, du 8 juillet 2000

France

Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, décisions n° 2003-475 DC et n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003

Gabon

Décision n° 142/CC/ du 26 septembre 2002

Guinée-Bissau

NON

Haïti

NON

Liban

OUI (jurisprudence non précisée)

Madagascar

Décision n° 07-HCC/D3 du 23 août 2000

Mali

NON

Maroc

Décisions 475, 476 relatives aux quotas de candidatures féminines

Maurice

UDM c.Governor General and others, Mauritius Report Page 118 year 1990

Mauritanie

NON

Moldavie

Arrêt n° 15 du 27 mai 1998 concernant le code électoral, arrêt n° 35 du 10 octobre 2000 concernant la loi du 23 mars 2000 modifiant le code électoral

Monaco

Décision du 4 décembre 2002 : Sieurs René Giordano, Jean-Luc NIGIONI et Jean-Michel RAPAIRE c. ministre d’État

Niger

Arrêt n° 2003-09/CC du 10 juillet 2003, arrêt n° 10/CC du 22 août 2003, arrêt n° 01/04/CC du 14 janvier 2004

Roumanie

Décision n° 2 du 30 juin 1992, décision n° 212 du 7 novembre 2000, décision n° 350 du 19 décembre 2001

Rwanda

NON

Sénégal

OUI (jurisprudence non précisée)

Slovénie

Décision U-I-106/95 du 25 novembre 1996, décision U-I-353/96 du 9 octobre 1997, décision U-I-301/96 du 15 janvier 1998, décision U-I-367/96 du 11 mars 1999, décision U-I-223/00-22 du 24 octobre 2002 ordonnance U-I-417/02 du 16 janvier 2003, décision U-I-261/02-12 du 22 janvier 2003, décision U-I-346/02-13 du 10 juillet 2003

Suisse

NON

Tchad

Décision n° 7/PCC/2000, requête de 22 députés relative à la loi portant code électoral

République tchèque

Pl. US 30/95, Pl. US 25/96, Pl. US 3/96, Pl. US 30/98, Pl. US 42/2000, Pl. US 53/2000

Togo

Décision n° 002/00 du 3 avril 2000


  • [1]
    Le vote plural consistait à attribuer plusieurs votes à un même électeur sur la base de ses diplômes ou de sa fortune. Le vote censitaire était reconnu depuis 1830.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Néanmoins, les femmes mariées, divorcées ou veuves ont le droit de vote depuis 1937.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Les dates concernent les élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Les dernières restrictions liées à la propriété sont abolies en 1948.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Les dates concernent les élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [6]
    La Charte canadienne des droits et libertés de 1982 a une valeur constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Le terme droit fondamental désigne un ensemble de droits reconnus et garantis par des normes en général constitutionnelles à l’encontre de l’État et parfois même des personnes privées. Voir Grewe (Constance) et Ruiz Fabri (Hélène), Droits constitutionnels européens, Paris, P.U.F., 1995, p. 140.  [Retour au contenu]
  • [8]
    À l’exception des Cours membres qui ont également les fonctions de tribunal suprême.  [Retour au contenu]
  • [9]
    La compétence de la Cour suprême en matière électorale résulte de la Constitution du 4 juin 2003 ; elle n’a donc pu connaître jusqu’à présent d’aucune consultation. Avant 2003, le contentieux électoral relevait du Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La loi sur les droits politiques ne concerne que les scrutins fédéraux ; la compétence du Tribunal fédéral pour les scrutins nationaux repose sur l’article 85 a) de la loi fédérale d’organisation judiciaire.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Masclet (Jean-Claude), « Contentieux électoral », dans Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique), Dictionnaire du vote, Paris, P.U.F., 2001, p. 251.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Seules seront étudiées les consultations électorales nationales (élections présidentielles et parlementaires).  [Retour au contenu]
  • [13]
    Le Collège des bourgmestres et échevins (l’exécutif communal) agissant comme juridiction administrative et appel près la Cour d’appel.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Dans son arrêt n° 30/2003 du 26 février 2003, la Cour d’arbitrage a ainsi suspendu l’application de la modification de la législation électorale.  [Retour au contenu]
  • [15]
    La vérification des pouvoirs subsiste dans l’Europe du Nord-Ouest et en Italie.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Ceci démontre la forte influence du constitutionnalisme allemand en Europe centrale. En effet, la Cour constitutionnelle fédérale n’est également compétente que pour connaître en appel des décisions du Bundestag.  [Retour au contenu]
  • [17]
    La Commission électorale nationale en Slovénie et la Cour suprême en République tchèque connaissent en premier ressort du contentieux électoral.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Qui comprennent les droits de voter, de signer des initiatives et des demandes de référendum, le droit d’élire et d’être élu.  [Retour au contenu]
  • [19]
    En outre, le président de la République est élu par le Parlement.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Voir Delpérée (Francis), « Le contentieux électoral en Europe », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002, p. 74-81.  [Retour au contenu]
  • [21]
    En outre, en Albanie, le président de la République est élu par l’Assemblée.  [Retour au contenu]
  • [22]
    La compétence de la Cour albanaise était auparavant prévue à l’article 131-g de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [23]
    La Cour constitutionnelle roumaine veille également au respect des règles relatives à l’organisation et au déroulement du référendum et en confirme les résultats.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Un nouveau décret électoral a été adopté début 2005 dont l’article 16 prévoit que « toutes les décisions rendues par le Bureau du contentieux électoral central, autres que celles relatives à l’inscription sur les listes électorales, peuvent faire l’objet de recours en cassation. La Cour de cassation juge au fond et sans renvoi ».  [Retour au contenu]
  • [25]
    Voir « Les Cours constitutionnelles et le contrôle des actes préparatoires. L’expérience du Conseil constitutionnel français », tome II, p. 53.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Sans oublier que le président de la République est élu au suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Sauf le Maroc.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Un appel est cependant possible devant le Judicial Committee.  [Retour au contenu]
  • [29]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [31]
    La Constitution du 18 janvier 1996 institue un Conseil constitutionnel. La Cour suprême exerce à titre intérimaire ses attributions jusqu’à la mise en place de celui-ci.  [Retour au contenu]
  • [32]
    La Cour suprême du Rwanda ne connaît du contentieux électoral que depuis la Constitution du 4 juin 2003. Le contentieux était auparavant confié au Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [33]
    Loi n° 370/2004 pour l’élection du président de la République et loi n° 373/2004 pour l’élection de la Chambre des députés et du Sénat.  [Retour au contenu]
  • [34]
    Une modification du code électoral a été adoptée en janvier 2005.  [Retour au contenu]
  • [35]
    Sans oublier que certains pays sont des monarchies et d’autres ne connaissent pas d’élections présidentielles au suffrage direct  [Retour au contenu]
  • [36]
    Article 72 de la Constitution du 29 juillet 1994.  [Retour au contenu]
  • [37]
    L’article 40 précise : « La loi électorale, la loi sur le principe des négociations et communications des deux chambres entre elles et à l’extérieur et la loi sur le règlement intérieur du Sénat doivent être adoptées et par la Chambre des députés et par le Sénat. »  [Retour au contenu]
  • [38]
    Le Tribunal fédéral ne peut pas contrôler la constitutionnalité d’une loi fédérale.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Figueroa c. Canada [2003] 1 R.C.S. 912 (enregistrement des partis politiques) ; Harper c. Canada [2002] A.J. n° 1542 (publicité électorale des tiers) ; Sauvé c. Canada [2002] 3 R.C.S. 519 (droit de vote des personnes incarcérées) ; Carter c. Saskatchewan [1991] S.C.C.A. n° 93 (délimitation des circonscriptions électorales).  [Retour au contenu]

II. L’organisation et le fonctionnement des services des Cours constitutionnelles en période électorale

D’une manière générale, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent un surcroît d’activité en période électorale, qui est néanmoins variable en fonction des compétences qui leur ont été accordées. Le contentieux électoral suppose un afflux important d’affaires pendant une période limitée, qu’il convient de régler le plus brièvement possible. Par conséquent, il exige un engagement de l’ensemble des services des Cours et Conseils constitutionnels.

Dans le cadre de ce développement, l’organisation des services des Cours de Belgique, du Canada, d’Égypte, de Haïti et de Monaco ne sera pas traitée. Ces institutions ne disposent pas de compétences spécifiques en matière électorale.

En outre, les règlements relatifs à l’organisation des services du Conseil constitutionnel du Burkina Faso sont en cours d’élaboration, et la mise en place effective du Conseil étant récente, il n’a pas encore eu à connaître de scrutins nationaux. Il en est de même pour la Cour suprême du Rwanda, dont les compétences en matière électorale résultent de la Constitution du 4 juin 2003.

I. Avant l’élection

A. Le budget des Cours constitutionnelles

La première question qui se pose concerne le financement du surcroît d’activité évoqué plus haut. En effet, nombre des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont des attributions importantes en matière électorale, auxquelles elles n’ont pas toujours les moyens de faire face.

L’ensemble des institutions étudiées disposent d’une autonomie financière, qui leur permet de gérer librement les fonds qui leur sont alloués [1]. La surcharge de travail résultant du contentieux électoral demande des moyens financiers supplémentaires afin de gérer les dossiers avec célérité.

Toutefois, certaines Cours n’ont pas recours à un financement spécifique lié à leur activité électorale. Il s’agit, en premier lieu, des Cours constitutionnelles albanaise, bulgare, moldave, roumaine, slovène et tchèque. Il convient de rappeler, néanmoins, que l’ensemble des Cours d’Europe centrale membres de l’A.C.C.P.U.F. ne sont impliquées que de façon très modeste tant dans l’organisation des scrutins que dans le contentieux électoral. Les mêmes observations peuvent être faites pour le Tribunal fédéral suisse et la Cour suprême mauricienne. Ces Cours n’ont donc pas besoin d’un financement particulier pour un contentieux qui ne représente qu’une part limitée de leur activité. En revanche, il est plus étonnant de constater que les Conseils constitutionnels libanais et marocain ne disposent pas de financement spécifique alors que leurs attributions semblent s’inspirer du modèle français.

Les autres institutions étudiées, principalement africaines à l’exception des Conseils constitutionnels cambodgien et français, bénéficient d’un financement spécifique leur permettant de répondre à la surcharge de travail. Par exemple, la Cour constitutionnelle du Bénin [2] précise que le processus électoral débute pour la Cour par l’élaboration du budget. Ce dernier est préparé par quelques conseillers et par des collaborateurs du Service administratif et financier, qui sont chargés d’évaluer les besoins financiers de la Cour en période électorale et d’en obtenir le financement.

Le tableau suivant présente les démarches effectuées par les Cours pour obtenir des moyens logistiques.

Tableau 8 – Les démarches effectuées par les cours constitutionnelles pour obtenir des moyens logistiques

Pays

Démarches pour moyens logistiques

Pouvoirs publics nationaux (moyens obtenus)

Organismes multilatéraux (moyens obtenus)

Algérie

OUI

Différents ministères (ordinateurs, moyens de transports, photocopieurs)

NON

Bénin

OUI

Ministère chargé des Finances (moyens financiers, matériels roulants)

P.N.U.D. [3], Fondation Friedrich Ebert, A.I.F. [4], USAID

Cambodge

NON

Cameroun

OUI

Ministre de l’Administration territoriale

NON

Congo

N.C. [5]

N.C.

N.C.

France

OUI

Ministre de l’Intérieur

NON

Gabon

OUI

Ministre des Finances

NON

Guinée-Bissau

N.C.

N.C

N.C.

Madagascar

OUI

Gouvernement

NON

Mali

NON

Mauritanie

OUI

Ministre des Finances (moyens financiers)

A.I.F., A.C.C.P.U.F. (ordinateurs et plaquettes)

Niger

OUI

Assemblée nationale, cabinet du Premier ministre

A.C.C.P.U.F., A.I.F.

Sénégal

NON

Tchad

OUI

Le Gouvernement (100 millions CFA pour les présidentielles, 120 millions pour les législatives)

P.N.U.D., l’Union européenne, l’Ambassade de France, l’Ambassade des États-Unis d’Amérique, l’A.I.F. (matériel)

Togo

NON

Les Cours du Cambodge, du Mali, du Sénégal et du Togo n’effectuent aucune démarche spécifique pour obtenir des financements. En revanche, en Algérie, au Bénin, au Cameroun, en France, au Gabon, à Madagascar, en Mauritanie, au Niger et au Tchad, les pouvoirs publics sont mis à contribution. L’intervention des pouvoirs publics est parfois directe. Ainsi, la Cour constitutionnelle gabonaise élabore son budget électoral en coopération étroite avec les ministres chargés des Finances et du Budget et de la Planification.

Finalement, peu de Cours s’adressent à des organismes multilatéraux (Bénin, Mauritanie, Niger et Tchad). Contrairement aux pouvoirs publics nationaux qui allouent de préférence des moyens financiers, les organismes internationaux, et particulièrement l’Agence intergouverne mentale de la Francophonie, apportent davantage une aide en matériel notamment en équipement informatique. Cette participation, si elle s’avère utile pour l’ensemble des activités des Cours constitutionnelles, est particulièrement précieuse en période électorale, principalement pour le traitement des résultats du scrutin. En outre, l’A.C.C.P.U.F., mais également l’A.I.F. et le P.N.U.D., soutiennent la publication de plaquettes et brochures, qui s’adressent à un large public, et qui visent soit à faire connaître le rôle de la Cour en période électorale, soit à expliquer les règles du scrutin [6], soit à présenter les observations de la Cour concernant le déroulement d’une élection [7].

Les dépenses auxquelles doivent faire face les Cours sont très variées. Elles dépendent de l’étendue de leur compétence en matière électorale.

Tableau 9 – Les dépenses des cours constitutionnelles en période électorale

Indemnités des membres de la Cour

Transport et déplacement des membres et des délégués

de la Cour

Traitement informatique des résultats

Équipement en microordinateurs

Achats de matériel

Frais de poste

Frais de conception et d’impression de document

Albanie

Algérie

oui

oui

oui

oui

Bénin

oui

oui

oui

oui

oui

Bulgarie

Cambodge

oui

oui

oui

Cameroun

oui

oui

oui

oui

Congo

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

France

oui

oui

oui

oui

Gabon

oui

oui

oui

oui

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Liban

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Madagascar

oui

oui

oui

oui

Mali

oui

oui

oui

oui

oui

Maroc

oui

Maurice

Mauritanie

oui

oui

oui

oui

Moldavie

Niger

oui

oui

oui

oui

Roumanie

Sénégal

oui

oui

oui

oui

Slovénie

Suisse

Tchad

oui

oui

oui

République tchèque

Togo

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Sans surprise, on constate que ce sont les Cours bénéficiant d’un financement spécifique, qui font face aux dépenses les plus importantes. A contrario, les périodes électorales n’impliquent aucune dépense particulière pour les Cours membres d’Europe centrale (Albanie, Bulgarie, Moldavie, Roumanie, Slovénie, République tchèque) et Suisse. En revanche, les Cours africaines doivent répondre à la surcharge de travail due au volume des affaires électorales, au dépouillement des votes qui leur est souvent attribué, au traitement des résultats, et éventuellement aux observations qu’elles effectuent lors du déroulement du scrutin. La même conclusion peut être faite pour le Conseil constitutionnel français.

La Cour constitutionnelle du Gabon intervient à tous les niveaux du processus électoral afin de s’assurer de la conformité des opérations de vote aux standards d’une élection libre, pluraliste et démocratique. Ainsi, il lui arrive d’effectuer des contrôles dans les centres chargés de dresser les listes électorales. De même, elle envoie des observateurs le jour du scrutin qu’elle doit auparavant former. Compétente en matière de contentieux pré et post-électoral, elle encadre finalement l’ensemble du processus électoral. Ceci implique des frais importants pour indemniser le travail supplémentaire fourni par les membres de la Cour, pour payer les déplacements des observateurs, des témoins pour les affaires contentieuses, le personnel extérieur auquel elle recourt pour le traitement informatique des résultats…

La période électorale exige des moyens logistiques conséquents pour les Cours qui encadrent le processus électoral du début à la fin et qui sont garantes du bon déroulement du scrutin. Aussi, la Cour constitutionnelle du Gabon, mais également huit (8) autres Cours (Bénin, Cameroun, Madagascar, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo) considèrent que les moyens financiers dont elles disposent sont insuffisants pour faire face au surcroît d’activité en période électorale.

B. L’organisation des Cours constitutionnelles

L’augmentation de l’activité liée à la période électorale nécessite généralement une réorganisation des services des Cours constitutionnelles.

1. L’organisation générale

Tableau 10 – L’organisation des cours constitutionnelles en période électorale

Pays

Calendrier prévisionnel

Services supplémentaires

Recrutement complémentaire

Recours à des collaborateurs extérieurs (fonctionnaires/ recrutement privé)

Albanie

NON

NON

NON

NON

Algérie

OUI

NON

NON

Fonctionnaires (15 jours)

Bénin

OUI

NON

NON

Fonctionnaires

Bulgarie

NON

NON

NON

NON

Cambodge

OUI

Sécurité, service de permanence, information plus large, formation du personnel

NON

NON

Cameroun

OUI

NON

NON

NON

Congo

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

France

OUI

NON

OUI

Fonctionnaires (quelques jours)

Gabon

OUI

NON

NON

Fonctionnaires

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Liban

N.C.

NON

NON

NON

Madagascar

OUI

Service de vérification des documents électoraux

OUI

Fonctionnaires (2 mois)

Mali

OUI

NON

OUI

Recrutement privé (20 jours)

Maroc

OUI

NON

NON

NON

Mauritanie

OUI

OUI

OUI

NON

Maurice

N.C.

N.C.

N.C.

N.C.

Moldavie

NON

NON

NON

NON

Niger

OUI

OUI

OUI

16 fonctionnaires (60 jours),

2 recrutements privés (60 jours)

Roumanie

OUI

NON

NON

NON

Sénégal

OUI

NON

NON

NON

Slovénie

NON

NON

NON

NON

Suisse

NON

NON

NON

NON

Tchad

OUI

NON

OUI

Recrutement privé (1 mois)

République tchèque

NON

NON

NON

NON

Togo

OUI

NON

NON

NON

Outre l’évaluation des besoins budgétaires, un calendrier prévisionnel des activités de la Cour en période électorale, intitulé chronogramme, est élaboré. Il comprend, entre autre, les activités à exécuter et la répartition des charges entre les différents services de l’institution.

Les clivages demeurent les mêmes que lors des questions précédentes. Les périodes électorales n’impliquent pas une participation particulière des forces des Cours constitutionnelles des pays d’Europe centrale et de la Confédération helvétique. Toutes les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. préparent un calendrier organisant les activités en période électorale.

Seules les institutions cambodgienne, malgache, mauritanienne et nigérienne prévoient des services supplémentaires propres pour leurs activités électorales. Cela ne concerne, en réalité, que peu de Cours. Mais certaines autres Cours ont recours à du personnel supplémentaire afin d’assister les employés habituels. Il s’agit du Bénin, de la France, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Cette main-d’œuvre supplémentaire peut prendre la forme d’une mise à disposition de fonctionnaires venant d’autres services de l’État. Les Cours peuvent également faire appel à des cabinets privés de recrutement dans le but de trouver un personnel qualifié dans un domaine donné. Nous verrons ci-après que cela concerne principalement le traitement informatique des résultats et des recours, les membres et le personnel des institutions n’ayant pas nécessairement une formation informatique. En outre, certaines Cours, notamment le Conseil français et la Cour béninoise, ont recours à des magistrats, les rapporteurs adjoints, qui interviennent directement dans le contentieux électoral.

En conclusion, nous observons que l’organisation générale des Cours n’est que rarement modifiée par l’apport de personnel extérieur. Il convient alors de s’intéresser à la modification de l’organisation interne des services des institutions étudiées.

Il faut s’interroger, en premier lieu, sur la personne chargée de coordonner l’activité de la Cour en période électorale. Dans la grande majorité des institutions membres, il s’agit du président de la Cour, à l’exception de l’Algérie, de la France et du Maroc où cette fonction est confiée au secré taire général. Il revient également à ce dernier la responsabilité de la coordination en collaboration avec le président au Bénin, à Madagascar et en Roumanie.

L’ensemble des activités des services administratifs des Cours doit être coordonné puisque chacun a un rôle déterminé pendant la période électorale.

2. Le Secrétariat général

Le Secrétariat général est l’organe administratif des juridictions constitutionnelles. Il est, en règle générale, chargé d’apporter assistance aux juges dans la coordination des activités de la Cour. Son rôle est donc fondamental pour la prise en charge du contentieux électoral.

Le tableau suivant présente l’importance du Secrétariat général et son rôle en période électorale dans les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F..

Tableau 11 – Le secrétariat général

Nombre de collaborateurs

Rôle

Albanie

12

Diriger l’ensemble des services administratifs de la Cour

Algérie

Un responsable pour chaque cellule mise en place

Coordonner les actions des membres rapporteurs ; apporter tout soutien au Conseil

Bénin

38

Coordonner les activités de la Cour

Bulgarie

Un collaborateur

N.C.

Cambodge

44

Assurer l’administration du Conseil, il peut recevoir une délégation du président pour la signature de lettres ou de décisions administratives

Cameroun

N.C.

Aucun rôle spécifique en la matière

Congo

17

N.C.

France

10

Coordonner les activités du Conseil

Gabon

14

Il est associé à certaines opérations préélectorales et post-electorales (missions de contrôle)

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

Liban

N.C.

N.C.

Madagascar

12

Coordination administrative et financière

Mali

26

Coordonner les activités de la Cour

Maroc

2

Coordination administrative

Maurice

N.C.

N.C.

Mauritanie

10

Organiser des réunions, ordonner les dépenses pendant les élections, fonctions de greffe

Moldavie

Pas de Secrétariat général

Niger

Pas de Secrétariat general

Roumanie

42

Logistique, assurer le bon fonctionnement des services et des relations avec le public et les médias

Sénégal

Pas de Secrétariat général

Slovénie

70

Aucun rôle particulier en matière électorale

Suisse

9

Aucun rôle particulier en matière électorale

Tchad

4

Enregistrer les candidatures pour l’élection présidentielle, notifier les décisions de la Cour, centraliser les procès-verbaux, répartir les tâches pour le dépouillement

République tchèque

Pas de Secrétariat général

Togo

10

Assister les juges

Parmi les Cours qui ont répondu au questionnaire, la Moldavie, le Niger, la République tchèque et le Sénégal ne disposent pas de Secrétariat général. Dans les autres juridictions, la dimension du Secrétariat est très variable. Les disparités sont grandes, notamment entre le Secrétariat bulgare qui n’a qu’un seul collaborateur et celui de la Cour slovène qui dispose de 70 employés. Néanmoins, les écarts sont moins grands qu’il n’y paraît.

En effet, les Cours n’entendent pas de la même façon la notion de Secrétariat général et chacune organise ce service à sa manière. Ainsi, pour la Cour constitutionnelle slovène, le Secrétariat comprend 5 services, le Service juridique, le Service d’analyse et de coopération internationale, le Service de documentation et d’informatique, le Bureau central (Service du greffe) et le Service des affaires générales et financières. Par conséquent, force est de conclure que les disparités constatées sont atténuées par les diverses conceptions possibles. En outre, certains Secrétariats assurent également les fonctions de Greffe (Bénin, Mauritanie, Slovénie, Tchad).<

Les Cours ne font, en général, pas état d’un rôle spécifique attribué au Secrétariat en période électorale. Néanmoins, la surcharge d’activité que connaissent certaines d’entre elles implique une prise en charge plus importante du Secrétariat. Ainsi, nous verrons plus loin que les institutions constitutionnelles, outre un contentieux plus conséquent, ont des activités spécifiques liées aux élections (encadrement du processus électoral, fonction pédagogique, formation d’observateurs électoraux, dépouillement des bulletins de vote…). Le Secrétariat général, en tant que chef administratif, se doit d’assurer le bon déroulement de ces activités. Ainsi, la Cour constitutionnelle malienne précise que le Secrétariat veille à la réception, à l’enregistrement et à la distribution du courrier relatif à l’événement électoral, à la saisie et à la transmission des correspondances relatives aux élections, à l’organisation des programmes de sélection, de formation et au déploiement des observateurs de la Cour. Il assure l’organisation des réunions de la Cour et le suivi des relations avec les acteurs du processus électoral. Durant la phase post-électorale, le Secrétariat assure la réception et la transmission aux conseillers des rapports des délégués, la réception et la transmission au Greffe des requêtes, un appui au Greffe dans la gestion des procès-verbaux des bureaux de vote, un appui à la société chargée du traitement informatique des résultats, l’organisation des audiences de proclamation des résultats, la transmission des copies des décisions à leurs destinataires, les relations avec les médias.

En conclusion, si le Secrétariat général ne dispose pas nécessairement d’attributions particulières en matière électorale, il voit son activité ordinaire s’intensifier de façon exponentielle.

3. Le Service du greffe

Le Greffe est plus directement associé aux activités contentieuses des juridictions constitutionnelles puisqu’il est chargé du traitement matériel des requêtes. Le Greffe reçoit les recours, prépare les dossiers et assiste les juges dans l’élaboration des décisions. S’il ne participe pas directement au contenu des décisions, l’ensemble des Cours souligne le rôle essentiel du Service du greffe dans l’exécution des activités de la juridiction.

Toutes les Cours ayant répondu au questionnaire disposent d’un Service de greffe, à l’exception de la Mauritanie, de la Slovénie et du Tchad, où, comme nous l’avons déjà mentionné, les fonctions habituellement attribuées au Greffe, sont exercées par le Secrétariat général. En outre, il convient de préciser qu’en Bulgarie et en Suisse, le Service du greffe est intitulé Chancellerie et Bureau des requêtes et des réclamations au Congo.

Les effectifs du Greffe sont souvent limités ; on ne compte qu’une seule personne en Algérie, en France et au Sénégal en période normale, contre 36 en Suisse [8], 10 en Mauritanie, 7 au Gabon et en Roumanie, 6 au Cambodge, 5 au Niger et en République tchèque, 4 au Liban et au Tchad, 3 en Albanie, au Congo, à Madagascar, au Mali et en Slovénie, et 2 en Bulgarie et au Togo.

Ici encore, étant donné que les élections génèrent un contentieux souvent volumineux, le Service du greffe doit s’adapter, même si ses activités restent semblables à celles qu’il exerce en période non électorale. Le Service du greffe ayant un rôle d’intermédiaire entre la Cour et les tiers, il est davantage sollicité durant les périodes électorales, pendant lesquelles les Cours constitutionnelles connaissent une plus grande ouverture, notamment pour ce qui est des conditions et des auteurs de saisine. Ainsi, il est intéressant de souligner le fait que le développement du contentieux électoral en 1993 à la suite de l’attribution du contentieux financier au Conseil constitutionnel français, a suscité la création d’un Service du greffe qui exerce les tâches généralement attribuées au secrétaire général et qui reste sous son autorité.

En premier lieu, on observe que seuls les Services du greffe des Cours et Conseils algérien, cambodgien, français, malgache et marocain ont un personnel plus important en période électorale. Cela ne veut pas dire, pour autant, que les autres institutions ne connaissent pas une réorganisation de leur service de greffe. Par exemple, un bureau spécial est ouvert au sein de la Cour constitutionnelle gabonaise pour recevoir les recours électoraux.

Les tableaux suivants énumèrent les diverses fonctions du Service du greffe dans les pays étudiés.

Tableau 12 – Les fonctions du service du greffe en période électorale

Enregistrement des recours

Compte rendu des différentes séances de travail

Convocation des parties

Organisation des auditions

Albanie

Algérie

Bénin

Cambodge

Cameroun

Congo

France

Gabon

Liban

Madagascar

Mali

Maroc

Mauritanie

Niger

Roumanie

Sénégal

Slovénie

Suisse

Tchad

Togo

Albanie

Bénin

Cambodge

Gabon

Liban

Madagascar

Mali

Mauritanie

Tchad

Albanie

Bénin

Cambodge

Cameroun

Congo

France

Gabon

Liban

Madagascar

Mali

Maroc

Mauritanie

Niger

Roumanie

Togo

Albanie

Cambodge

Congo

France

Gabon

Liban

Madagascar

Mali

Mauritanie

Niger

Roumanie

Togo

Notification des différentes pièces aux

parties concernées

Information des parties (activité d’information

et de conseil)

Proclamation des résultats

Présence aux séances de la Cour

Albanie

Algérie

Bénin

Cambodge

Cameroun

Congo

France

Gabon

Liban

Madagascar

Mali

Maroc

Mauritanie

Niger

Sénégal

Slovénie

Suisse

Togo

Albanie

Bénin

Cambodge

Cameroun

Congo

Gabon

Madagascar

Mali

Maroc

Mauritanie

Niger

Roumanie

Sénégal

Tchad

Togo

Bénin

Gabon

Mauritanie

Sénégal

Albanie

Bénin

Cambodge

Cameroun

Congo

Madagascar

Mali

Mauritanie

Niger

Roumanie

Sénégal

Tchad

Togo

Outre les fonctions qui leur sont normalement dévolues, les greffiers et leurs collaborateurs participent également aux activités spécifiques des Cours en période électorale. Ainsi, lorsque les candidatures doivent être adressées aux Cours, notamment au Conseil constitutionnel du Tchad pour l’élection présidentielle, le Service du greffe enregistre les dossiers des candidats et sert d’intermédiaire entre ces derniers et les juges. Pareillement, en France, le greffier participe pleinement au contrôle des cinq cents signatures nécessaires à la validité des candidatures à la présidence de la République.

De même, avant la tenue du scrutin, le Service du greffe doit préparer la juridiction à l’accroissement de la charge de travail, notamment à la mise en état des registres et répertoires pour la réception des requêtes et procès-verbaux des bureaux de vote. Par exemple, le Service du greffe du Conseil constitutionnel marocain prépare les registres, mais également les reçus à remettre aux personnes qui délivrent les procès-verbaux, les dossiers pour les éventuelles saisines, le tableau des permanences : tout doit être prêt pour permettre à l’institution de prendre en charge le contentieux électoral dans les plus brefs délais.

4. Le Service juridique

Tableau 13 – Le service juridique

Organisation : service juridique central/assistants juridiques

Nombre

de collaborateurs

Collaborateurs extérieurs

Albanie

Service juridique central

3

non

Algérie

Service juridique central

5 directeurs d’études

oui

Bénin

Service juridique central

6

non

Bulgarie

N.C.

N.C.

N.C.

Cambodge

Service juridique central

20

non

Cameroun

N.C.

N.C.

N.C.

Congo

Service juridique central et chaque juge dispose d’un

assistant juridique

8

N.C.

France

Service juridique central

3 juristes et 3 secrétaires

non

Gabon

Chaque juge dispose d’un assistant juridique

N.C.

oui

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

Liban

N.C.

N.C.

non

Madagascar

N.C.

N.C.

N.C.

Mali

N.C.

N.C.

N.C.

Maroc [9]

Service juridique central

2

non

Maurice

N.C.

N.C.

N.C.

Mauritanie

Service juridique central

2

non

Moldavie

Chaque juge dispose d’un assistant juridique

N.C.

non

Niger

N.C.

N.C.

N.C.

Roumanie

Service juridique central

21 magistrats-assistants

non

Sénégal

Service juridique central

4 magistrats-assistants

oui

Slovénie

Service juridique central

34

non

Suisse

Chaque juge dispose d’un assistant juridique

N.C.

non

Tchad

Service juridique central

1

non

République tchèque

Chaque juge dispose d’un assistant juridique

N.C.

non

Togo

Service juridique central

6

non

5. Le Service de documentation

La quasi-totalité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. possède un Service de documentation. Les Services de documentation des Cours albanaise, algérienne, béninoise, cambodgienne, française, gabonaise, malienne, marocaine, mauritanienne, roumaine, sénégalaise et suisse produisent une documentation spécifique en matière électorale. Il s’agit, dans la majorité des cas, de compilation de la législation et de la jurisprudence relatives au processus électoral. Ce travail, effectué en aval des élections, poursuit le même objectif que le travail du Greffe, c’est-à-dire faciliter la tâche du juge qui connaît d’un nombre important de requêtes dans un temps limité.

Au Mali et au Maroc, les Services de documentation élaborent également une revue de presse afin de constituer des dossiers précis sur chaque circonscription.

En Albanie, en Algérie, au Bénin, au Mali, au Maroc, au Sénégal et en Suisse, cette documentation est à usage exclusivement interne et est donc destinée essentiellement aux magistrats qui doivent statuer sur le contentieux électoral. Ainsi, au Bénin, le Service de documentation, sous la supervision du secrétaire général, élabore un mémento pour les conseillers reprenant les irrégularités susceptibles d’être relevées et les sanctions à appliquer lors du dépouillement.

Dans les autres pays, cette documentation peut être consultée par des personnes extérieures aux juridictions, soit par les acteurs du processus électoral (candidats, partis politiques, électeurs), soit par toute personne par le biais d’une publication. Par exemple, la documentation électorale produite par la Cour constitutionnelle du Gabon est mise à la disposition des partis politiques, des candidats, des électeurs et de toute personne intéressée par la question électorale. En France, la documentation peut être communiquée à toute personne qui en fait la demande. Dans cette situation, la Cour exerce pleinement la fonction d’encadrement du processus électoral qui lui est parfois confiée en adoptant une attitude pédagogique.

6. Le Service informatique

Le volume des données à traiter en période électorale, en particulier le traitement des résultats dont sont chargées de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., nécessite une bonne organisation du Service informatique. Malheureusement, les Cours ne disposent pas toujours des moyens financiers leur permettant d’avoir un équipement informatique suffisant et un personnel qualifié. C’est, par conséquent, sur ces deux points que l’organisation des Services informatiques est susceptible d’être modifiée en période électorale.

En premier lieu, on observe que la majorité des Cours disposent d’un Service informatique, excepté en Albanie, en Algérie, au Bénin, au Cameroun, à Haïti, au Niger, au Sénégal, au Tchad et au Togo. En ce qui concerne ces dernières Cours, cela ne signifie pas forcément qu’elles ne disposent pas d’ordinateurs, ni qu’elles n’effectuent aucun aménagement spécifique en période électorale.

Les Cours albanaise, bulgare, moldave, roumaine, slovène, suisse et tchèque n’ont pas besoin d’un aménagement spécifique étant donné la faible étendue de leurs compétences en matière électorale. En outre, les services informatiques des Conseils libanais et marocain ne connaissent également aucun aménagement.

Dans les autres pays, les Cours s’efforcent de développer leur capacité informatique pendant la période électorale.

Les Cours gabonaise et malgache reçoivent du matériel informatique supplémentaire afin de faire face à l’augmentation d’activité. Ces mêmes Cours, mais également les Cours et Conseils d’Algérie, de France et du Mali développent des outils informatiques spécifiques, en particulier des logiciels pour le traitement des résultats électoraux et, par exemple en Algérie, pour le contrôle des signatures pour les candidatures à la présidence.

Le manque de formation en informatique des membres et du personnel des Cours nécessite le recours à de la main-d’œuvre extérieure essentiellement lorsque les institutions constitutionnelles doivent traiter les résultats. Par exemple, la Cour du Gabon fait appel à des agents administratifs pour les opérations de saisie et de mise à jour des données électorales ainsi que pour la saisie des procès-verbaux de dépouillement des votes. Au Bénin, à Madagascar, au Mali, au Sénégal et au Tchad, les Cours ont recours à des sociétés privées pour le traitement informatique des résultats. La question du respect de la confidentialité des résultats a pu se poser, mais il convient de préciser que ces sociétés ne font qu’insérer dans une base de données les résultats traités manuellement par la juridiction.

Enfin, en plus de l’éventuelle documentation élaborée en matière électorale, les services informatiques des institutions du Cambodge, de France, du Gabon, du Mali, de Roumanie et du Sénégal ont créé une banque de données des décisions de la Cour en matière électorale sur support informatique.

Finalement, il ressort de ce qui précède que les services informatiques des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent une réorganisation plus importante que les autres services. Néanmoins, il ne faut pas en conclure que la majorité des Cours perçoivent les scrutins nationaux comme une période ordinaire. Leurs activités sont multipliées et tous les services se mobilisent afin de garantir l’effectivité et la célérité de la justice électorale.

C. Les informations en matière électorale délivrées par les Cours constitutionnelles

« Conscience juridique de la Nation, la Cour se doit, nous semble-t-il, de rappeler à chacun des acteurs politiques ses droits et obligations au moment où nous allons tourner une page de notre histoire. » Voici ce que déclare la Cour constitutionnelle du Gabon à la veille de l’élection présidentielle du 6 décembre 1998. Cette phrase est caractéristique du rôle attribué aux Cours constitutionnelles en période électorale, du moins à celles d’entre elles qui exercent des compétences importantes en matière électorale

Les Cours, qui ont une mission générale de surveillance des scrutins nationaux, s’efforcent d’aller au-delà leurs traditionnelles attributions juridictionnelles, revêtent un habit de pédagogue et s’appliquent à encourager les électeurs à mieux comprendre les règles du jeu électoral ainsi que les compétences de la juridiction. L’objectif est d’éviter les litiges, de garantir le bon déroulement du scrutin mais également d’assurer pour l’ensemble des acteurs politiques et des électeurs la transparence des travaux de la Cour au cours d’une période qui ne favorise pas les analyses rationnelles.

Le tableau suivant présente les différentes formes que peut prendre la fonction pédagogique des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F..

Tableau 14 – La fonction pédagogique des cours constitutionnelles

Pays

Fonction pédagogique

Albanie

NON

Algérie

Publication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique), page Internet spéciale

Bénin

Publication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, organisation de journées de réflexion, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Bulgarie

NON

Cambodge

Publication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, organisation de journées de réflexion, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Cameroun

NON

Congo

N.C.

France

Publication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Gabon

Séances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Guinée-Bissau

N.C.

Liban

Activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Madagascar

Publication d’une documentation papier, organisation de séances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Mali

Publication d’une documentation papier, séances de formation, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Maroc

NON

Maurice

NON

Mauritanie

Publication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Moldavie

NON

Niger

Publication d’une documentation papier, organisation de séances de formation

Roumanie

Activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique)

Sénégal

NON

Slovénie

NON

Suisse

NON

Tchad

Publication d’une documentation papier, activité d’information (permanence à la Cour et permanence téléphonique), rencontre avec les partis politiques

République tchèque

NON

Togo

NON

En premier lieu, il convient de préciser que l’éducation au vote est essentielle dans tout pays et ne relève pas exclusivement des Cours constitutionnelles. Ainsi, au Canada, la fonction pédagogique est remplie par le Directeur général des élections : il assure la formation des fonctionnaires électoraux, publie du matériel d’information, développe des programmes d’éducation populaire. Ce mandat est défini par l’article 18 de la loi électorale du Canada ; il est en partie assuré par l’entremise du site Internet d’Elections Canada (www.elections.ca). De même, dans les pays d’Europe centrale, les commissions électorales nationales exercent cette fonction pédagogique [10].

En dehors de ces Cours, les juges constitutionnels du Cameroun, du Maroc, de Maurice, du Sénégal et du Togo ne semblent pas entreprendre une quelconque activité pour expliquer à leurs concitoyens l’enjeu et les règles du scrutin.

1. La publication d’une documentation papier

Les Cours et Conseils algérien, béninois, cambodgien, français, malgache, malien, mauritanien, nigérien et tchadien publient une documentation papier. Cette dernière répond à plusieurs objectifs et prend différentes formes selon le public visé.

Le tableau suivant présente les destinataires de la documentation publiée.

Tableau 15 – Les destinataires de la documentation papier [11]

Pays

Albanie

Destinataires externes

Destinataires internes

Algérie

Candidats

Bénin

Citoyens, candidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

Bulgarie

Cambodge

Citoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour

Cameroun

Congo

N.C.

N.C.

France

Médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

Gabon

Guinée-Bissau

Liban

Madagascar

Candidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médias, administration

Juges de la Cour

Mali

Citoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

Maroc

Maurice

Mauritanie

Citoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

Moldavie

Niger

Citoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, médias

Roumanie

Sénégal

Slovénie

Suisse

Tchad

Citoyens, candidats, partis politiques, parlementaires, membres des commissions électorales, ONG, médias

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

République tchèque

Togo

Mis à part en Algérie et au Niger, les publications visent aussi bien un public externe à la Cour qu’interne. Les Cours du Bénin, du Cambodge, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger et du Tchad recherchent la diffusion la plus large possible de leur documentation.

En ce qui concerne les destinataires internes à la juridiction, il s’agit uniquement des juges de la Cour à Madagascar, auxquels s’ajoutent le personnel du Conseil au Cambodge mais également les observateurs nommés par l’institution au Bénin, en France, au Mali, en Mauritanie et au Tchad. Il s’agit de revenir, sous la forme de mémentos, sur la législation et la jurisprudence en matière électorale afin de remédier le plus promptement possible aux problèmes susceptibles de survenir le jour du scrutin ou lors du contentieux post-électoral. Par exemple, le Mali a publié une brochure intitulée « le guide de l’observateur ».

L’ensemble des Cours concernées s’adressent directement aux candidats et aux partis politiques (excepté le Conseil constitutionnel algérien). Ces derniers sont les principaux acteurs des élections et jouent un rôle essentiel dans le bon déroulement du scrutin. Il est important qu’ils soient conscients des règles qui régissent les élections, particulièrement des conditions de validité des candidatures et de la procédure contentieuse. Les Cours préfèrent ainsi que les règles du jeu soient posées clairement avant le scrutin afin que leur impartialité ne soit pas remise en doute par les forces politiques.

Les Cours du Cambodge, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad s’adressent également aux membres des commissions électorales qui, nous le verrons plus loin, occupent une place importante dans le processus électoral.

Dans ces derniers pays, l’ensemble de la société est concerné par les efforts pédagogiques des juges constitutionnels. Les médias et les organisations non gouvernementales sont des destinataires importants parce qu’ils peuvent constituer des relais, d’un côté, des informations publiées par les Cours, et d’un autre côté, des problèmes rencontrés sur le terrain. Les citoyens constituent néan moins une cible privilégiée de la documentation des Cours en matière électorale. L’« éducation électorale » passe par la publication de petites brochures et dépliants permettant un accès simplifié à la réglementation électorale.

La Cour constitutionnelle du Bénin a publié des modèles de documents courts et exhaustifs en matière électorale. À l’occasion des élections législatives de mars 2003, elle a élaboré un dépliant à usage interne, qui énumère les conditions de validité du scrutin. En outre, un guide est destiné aux observateurs de la Cour constitutionnelle, ainsi qu’aux éventuels requérants. Enfin, une brochure a été constituée pour l’ensemble des citoyens précisant l’ensemble des comportements à adopter tout au long du processus électoral.

2. L’organisation de séances de formation

En complément des publications, les Cours peuvent organiser des séances de formation. Néanmoins, cela ne concerne qu’une minorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. : Bénin, Cambodge, Gabon, Madagascar, Mali et Niger.

Ces séances de formation portent essentiellement sur la législation et la procédure en matière de contentieux électoral, en particulier au Cambodge et à Madagascar. Elles visent cependant un public moins varié que pour les publications comme le montre le tableau suivant, le Bénin constituant une exception notable.

Tableau 16 – Les destinataires des séances de formation électorale

Pays

Albanie

Destinataires externes

Destinataires internes

Algérie

Bénin

Citoyens, candidats, partis politiques, membres des commissions électorales, ONG, médias, groupements de femmes

Juges de la Cour, personnel de la Cour, délégués/observateurs nommés par la Cour

Bulgarie

Cambodge

Personnel de la Cour

Cameroun

Congo

France

Gabon

Membres de commissions électorales

Délégués/observateurs nommés par la Cour

Guinée-Bissau

Liban

Madagascar

Membres des commissions électorales, administration et présidents de bureau de vote

Juges de la Cour, personnel de la Cour

Mali

Délégués/observateurs nommés par la Cour

Maroc

Maurice

Mauritanie

Moldavie

Niger

Juges de la Cour, personnel de la Cour

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Suisse

Tchad

République tchèque

Togo

Ce sont les acteurs directs du processus électoral qui bénéficient de telles formations, particulièrement les juges et le personnel de la Cour au Cambodge, à Madagascar et au Niger. Les Cours du Gabon et du Mali dispensent une formation aux observateurs qu’elles envoient dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Les membres des commissions électorales sont également concernés au Gabon et à Madagascar, mais aussi les membres de l’administration et les présidents des bureaux de vote dans ce dernier pays.

Les formations dispensées par la Cour du Bénin concernent l’ensemble des personnes impliquées dans les élections. Elles s’adressent aux candidats et partis politiques en tant que potentiels requérants. L’objectif est de présenter les règles de procédure et la jurisprudence en matière électorale afin d’écarter tout soupçon dans le traitement des réclamations. Une formation à l’observation électorale est également conduite et une réunion avec les membres de la Commission électorale nationale est organisée afin d’harmoniser les points de vue. En outre, la Cour vise spécifiquement les femmes dans le but de leur faire prendre conscience de leur rôle dans le processus électoral. Enfin, elle est au cœur de sa fonction pédagogique lorsqu’elle utilise les médias publics pour commenter la réglementation électorale aux citoyens.

Quant à la Cour constitutionnelle du Niger, elle organise une formation informatique pour ses juges et son personnel.

3. Internet

Internet constitue un moyen utile de communication et de diffusion de la jurisprudence. Son intérêt est d’autant plus avéré qu’en période électorale, les Cours et Conseils constitutionnels ont besoin de transmettre de nombreuses informations.

Tableau 17 – Les sites internet des cours constitutionnelles [12]

Pays

Site Internet de la Cour

Documentation sur les élections en ligne

Jurisprudence en matière électorale en ligne

Réponses aux questions du grand public en ligne

Albanie

www.gjk.gov.al

non

non

non

Algérie

www.conseilconstitutionneldz.org

oui

oui

non

Bénin

non

Bulgarie

www.constcourt.bg

non

non

non

Cambodge

www.ccc.gov.kh

oui

oui

non

Cameroun

non

Congo

non

France

www.conseil-constitutionnel.fr

oui

oui

oui

Gabon

non

Guinée-Bissau

non

Liban

www.conseilconstitutionnel.gov.lb

non

oui

non

Madagascar

www.simicro.mg/hcc

non

oui

non

Mali

non

Maroc

non

Maurice

http ://supremecourt.intnet.mu

non

non

non

Mauritanie

non

Moldavie

www.ccrm.rol.md

non

non

non

Niger

www.delgi.ne/courconst

non

non

non

Roumanie

www.ccr.ro

non

oui

oui

Sénégal

non

Slovénie

www.us-rs.si

non

non

non

Suisse

www.bger.ch

non

oui

non

Tchad

non

République tchèque

www.concourt.cz

non

non

non

Togo

non

Un nombre encore trop important de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. n’a pas à ce jour de site Internet. Il s’agit principalement des Cours africaines, qui ont, pourtant, des compétences importantes en matière électorale.

À la lecture de ce tableau, il convient de constater que les Cours n’utilisent encore que très peu le réseau Internet pour diffuser des informations et leur jurisprudence en matière électorale.

4. Les autres formes de diffusion de l’information

D’autres moyens sont à la disposition des Cours en vue d’exercer leur fonction pédagogique. Ainsi, par exemple, la Cour constitutionnelle béninoise et le Conseil constitutionnel cambodgien organisent des journées de réflexion tandis que leur homologue tchadien se réunit avec les partis politiques quelques jours avant le scrutin.

En outre, les Cours algérienne, béninoise, cambodgienne, française, gabonaise, malgache, malienne, mauritanienne, roumaine et tchadienne fournissent des informations par le biais d’une permanence à la Cour ou une permanence téléphonique.

II. Pendant l’élection

Le jour du scrutin, les Cours constitutionnelles sont susceptibles de prendre en charge l’organisation des missions d’observation, une permanence juridique et la sécurité de l’institution. Les missions d’observation organisées par les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. seront étudiées dans la 5e partie. Seules les Cours du Bénin, du Cambodge, de France, du Gabon, du Liban, de Madagascar,du Maroc, de Mauritanie, du Niger et du Tchad mettent en place une permanence juridique à leur siège, afin de remédier à toutes difficultés le jour du scrutin. Ces permanences peuvent être utiles, en particulier pour les éventuels observateurs de la Cour mais également pour les membres des bureaux de vote dans le but de guider la conduite à adopter lorsqu’ils font face à des irrégularités.

La sécurité des Cours constitutionnelles est une question importante étant donné les tensions que peuvent susciter les périodes électorales.

Le tableau suivant présente les dispositions prises par les Cours pour le renforcement de leur sécurité.

Tableau 18 – La sécurité des cours constitutionnelles en période électorale

Pays

OUI

NON

Albanie

X

Algérie

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre

Bénin

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps, contrôle plus rigoureux à l’entrée de la Cour

Bulgarie

X

Cambodge

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps

Cameroun

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre

Congo

N.C.

France

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre

Gabon

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, gardes du corps pour les membres, fouilles, détecteurs de métaux

Guinée-Bissau

N.C.

Liban

X

Madagascar

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps

Mali

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps

Maroc

X

Maurice

N.C.

Mauritanie

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre

Moldavie

X

Niger

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps

Roumanie

X

Sénégal

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation de gardes du corps

Slovénie

X

Suisse

X

Tchad

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordres

République tchèque

X

Togo

Augmentation de l’effectif des forces de l’ordre, utilisation des gardes du corps

Nous observons que, une fois de plus, une distinction s’articule entre, d’un côté, les Cours membres originaires d’Europe centrale, le Tribunal fédéral suisse, les Conseils libanais et maro cain, et d’un autre côté, les Cours africaines, cambodgienne et française.

III. Après l’élection : la communication externe des Cours constitutionnelles en période électorale [13]

Tableau 19 – La communication des cours constitutionnelles

Par quels médias les Cours communiquent-elles

en matière électorale ?

Les Cours organisent-elles des

conférences de presse ?

Les Cours publient-elles des communiqués

de presse ?

Albanie

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Oui (jusqu’en 2001, pour les élections parlementaires)

Oui (jusqu’en 2001)

Algérie

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Oui (élection présidentielle de 2004)

Oui (communiqué après examen des recours, pour rappeler les conditions

de candidature)

Bénin

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Oui

Oui

Bulgarie

Pas de communication spécifique en matière électorale

Non

Non

Cambodge

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite privée

Oui (élections législatives)

Non

Cameroun

Pas de communication avec les médias

Non

Non

Congo

N.C.

N.C.

N.C.

France

Chaînes publiques et privées de télévision, presse écrite d’État, Internet

Oui

Oui

Gabon

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Oui

Oui

Guinée-Bissau

N.C.

N.C.

N.C.

Liban

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Non

Oui (rarement)

Madagascar

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Non

Oui

Mali

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Non

Oui

Maroc

Pas de communication avec les médias

Non

Non

Maurice

N.C.

N.C.

N.C.

Mauritanie

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Non

Oui (toutes les décisions du conseil font l’objet d’un communiqué de presse)

Moldavie

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État

Non

Non

Niger

Chaînes publiques et privés de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Non

Non

Roumanie

Chaînes publiques et privées de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Oui (invalidation d’une candidature pour l’élection

présidentielle de 2000)

Oui (11 communiqués pour l’élection présidentielle

de 2000)

Sénégal

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée, Internet

Non

Oui (le 13 mars 1993 sur l’absence de proclamation des résultats provisoires par la commission électorale)

Slovénie

Pas de communication spécifique en matière électorale

Non

Non

Suisse

Pas de communication spécifique en matière électorale

Oui

Oui

Tchad

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État et privée

Oui

Oui

République tchèque

Pas de communication spécifique en matière électorale

Non

Non

Togo

Chaînes publiques de télévision, radios, presse écrite d’État

Non

Non

Bien que la plupart des institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. communiquent de façon intense, seuls les Cours et Conseils du Bénin, de France, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Roumanie, du Sénégal et du Tchad avouent utiliser davantage les médias en période électorale. À l’inverse, les Cours constitutionnelles slovène et tchèque n’ont pas recours aux médias pour les affaires électorales.

Tableau 20 – Les interlocuteurs des médias au sein des cours constitutionnelles

Albanie Le Service des médias composé d’un employé
Algérie Le secrétaire général ou un directeur chargé par le président du Conseil
Bénin Le président de la Cour ou le secrétaire général
Bulgarie N.C.
Cambodge Deux membres du Conseil nommés comme porte-parole
Cameroun Pas de communication avec les médias
France Le chef du Service des relations extérieures
Gabon Le président de la Cour
Guinée-Bissau N.C.
Liban Le président du Conseil constitutionnel
Madagascar Le président de la Haute Cour constitutionnelle, les hauts conseillers, le greffier en chef
Mali Le secrétaire général
Maroc N.C.
Maurice N.C.
Mauritanie Le secrétaire général
Moldavie Le Service de presse
Niger Le président et un conseiller
Roumanie Le secrétaire général et l’expert chargé des relations avec la presse
Sénégal Le président du Conseil et le greffier en chef
Slovénie Pas d’interlocuteur en matière électorale
Suisse Le Secrétariat général
Tchad Le président du Conseil, le chef du Service et de communication
République tchèque Pas d’interlocuteur en matière électorale
Togo Le président de la Cour

  • [1]
    La Cour de cassation de Haïti vient d’obtenir son autonomie financière pour l’exercice 2004-2005.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Voir « L’organisation et le fonctionnement des services. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin », tome II, p. 15.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Programme des Nations unies pour le développement  [Retour au contenu]
  • [4]
    Agence intergouvernementale de la Francophonie.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [6]
    Un mémento pratique de la Cour constitutionnelle du Bénin sur les élections législatives de mars 2003 a été publié avec le soutien de l’A.I.F.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Une brochure de la Cour constitutionnelle du Mali comprenant les observations et recommandations de la Cour relatives aux élections générales de 2002 a été publiée avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Le Tribunal fédéral n’est pas uniquement une cour constitutionnelle, elle est également la Cour suprême de la Confédération.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Intitulé le Service des études et des relations extérieures.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La Cour constitutionnelle roumaine exerce néanmoins une activité de renseignement (permanence à la Cour ou permanence téléphonique).  [Retour au contenu]
  • [11]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Parmi les institutions non présentes dans ce tableau, nous pouvons citer les sites Internet de la Cour d’arbitrage belge (www.arbitrage.be), du Conseil constitutionnel burkinabe (www.conseil-constitutionnel.gov.bf) et de la Cour suprême cana dienne (www.scc-csc.gc.ca).  [Retour au contenu]
  • [13]
    Pour une étude approfondie de la communication des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F., il convient de se référer au bulletin n° 4 de mai 2003, « Les Cours constitutionnelles face aux enjeux de la communication ».  [Retour au contenu]

III. Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances

La gestion des opérations électorales doit répondre à des exigences d’impartialité et de transparence. Le poids des tâches à effectuer nécessite la capacité technique et la logistique de l’administration de l’État. Néanmoins, des doutes peuvent apparaître quant à la neutralité des autorités publiques, en particulier du fait de la relation souvent étroite des structures électorales avec le pouvoir.

Pour faire face aux risques que présente une intervention trop directe des autorités publiques dans le processus électoral, des commissions électorales ont été mises en place.

1. L’organisation et le fonctionnement des commissions électorales

À la suite de la vague de démocratisation qui a touché l’Europe centrale et l’Afrique dans les années 1990, des élections libres et pluralistes ont été organisées. Afin de prendre en charge l’organisation de ces scrutins, des autorités administratives ont été instaurées dans la majorité de ces États ; leurs compétences varient néanmoins d’un pays à l’autre.

Le tableau suivant présente les différentes structures de gestion des élections dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 21 – Les commissions électorales dans les pays francophones

Pays

Dénomination

Base légale

Albanie [1]

La Commission électorale centrale, les commissions des circonscriptions électorales, les commissions des bureaux de vote

Articles 153 et 154 de la Constitution, code électoral (loi du 19 juin 2003)

Algérie

La Commission politique nationale de surveillance de l’élection présidentielle, la Commission politique nationale de surveillance des élections législatives, la Commission politique nationale de surveillance des élections locales

Décret présidentiel

Belgique

Le Bureau principal de canton, le Bureau principal de la circonscription électorale

Code électoral

Bénin

La Commission électorale nationale autonome (C.E.N.A.)

Articles 40 et suivants de la loi du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections

Bulgarie

La Commission électorale centrale pour l’élection du président et du vice-président de la République, la Commission électorale centrale pour l’élection des députés

Article 5 de la loi sur l’élection du président et du vice-président de la République, article 8 de la loi sur l’élection des députés

Burkina Faso

La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)

Loi du 3 juillet 2001 portant code électoral

Cambodge

Le Comité national des élections (C.N.E.)

Loi électorale

Cameroun [2]

Les commissions de révision des listes électorales, les commissions de contrôle de l’établissement des cartes électorales, les commissions locales de vote, les commissions départementales de supervision, la Commission nationale de recensement général des votes

Loi électorale

Canada

Le Directeur général des élections, le Commissaire aux élections fédérales

Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch.9, tel que modifié

Congo

La Commission nationale d’organisation des élections

Article 17 loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale

Égypte

La Commission électorale

Article 24 loi (73) de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiques

France

Les commissions de propagande (pour les élections législatives), la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (pour l’élection présidentielle), les commissions de recensement des votes, les commissions de contrôle des opérations de vote (uniquement pour les élections législatives)

Code électoral

Gabon

La Commission nationale électorale

Ordonnance n° 0005/PR/2002 du 14 août 2002

Guinée-Bissau [3]

La Commission nationale des élections, les commissions régionales des élections, les commissions de recensement

Loi n° 4/98

Haïti

Le Conseil électoral

Article 191 de la Constitution

Liban

Les commissions d’enregistrement, les hautes commissions d’enregistrement (au niveau des circonscriptions électorales)

Loi électorale de 1960 modifiée en 2000

Madagascar [4]

Le Conseil national électoral, la Commission de vérification des candidatures, la Commission de recensement matériel des votes

Code électoral

Mali [5]

La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.), la Délégation générale aux élections, les Commissions de centralisation des résultats

Loi électorale

Maroc

La Commission nationale de suivi des élections

Dahir n° 1-97-97 du 23 hija 1417 (1er mai 1997)

Maurice

La Commission de contrôle électoral, le Bureau du Commissaire électoral

Articles 38, 40 et 41 de la Constitution

Mauritanie

Les commissions administratives, les commissions de recensement

Loi électorale

Moldavie

La Commission électorale centrale

Article 16 du code électoral

Monaco

Pas de commission électorale

Niger

La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)

Article 6 de la Constitution

Roumanie [6]

Le Bureau électoral central, les bureaux électoraux de circonscription

Lois n° 68/1992 et n° 69/1992

Rwanda

La Commission nationale électorale

Article 180 de la Constitution, loi du 28 novembre 2000 portant création de la CNE

Sénégal [7]

L’Observatoire national des élections (O.N.E.L.), la Commission nationale de recensement des votes

Article 1er du code électoral

Slovénie

La Commission électorale de la République

Loi sur l’élection de l’Assemblée nationale, loi sur l’élection du président de la République

Suisse

Pas de commission électorale

Tchad

La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)

Loi du 18 août 2000 portant création de la C.E.N.I.

République tchèque

La Commission électorale d’État

Loi n° 247 / 1995 relative aux élections au Parlement

Togo

La Commission électorale nationale indépendante (C.E.N.I.)

Code électoral (sous-titre I)

En premier lieu, il convient de revenir sur la Suisse et Monaco, qui, dans le tableau ci-dessus, sont les seuls pays ne disposant pas de commission électorale. Malgré les apparences, cette situation n’a rien de curieux. En effet, traditionnellement, l’organisation des élections relève de l’administration, plus particulièrement des ministères chargés de l’Intérieur. Ceci est toujours vrai en grande partie et nous constaterons qu’un des critères de différenciation entre les commissions électorales est la répartition des compétences entre ces dernières et les pouvoirs publics. En Suisse, les cantons sont en charge de l’établissement des listes électorales, des bulletins de vote, procèdent au recensement des votes et à la proclamation des résultats, rappelant la structure confédérale de la Suisse. À Monaco, l’organisation, le fonctionnement et le contrôle des élections nationales et communales sont confiés au Maire de Monaco [8].

D’ores et déjà, il est possible d’affirmer qu’il n’existe pas de modèle de commission. La variété des situations nationales, les pratiques héritées de l’histoire ne peuvent appeler de réponse unique. On peut néanmoins dégager des tendances, des lignes de partage, qui s’articulent autour des critères de compétence, de composition et de structures.

Ainsi, certains États ne disposent pas de commissions centrales. C’est le cas de la Belgique, de la France, du Liban et de la Mauritanie, qui sont restés à l’écart du mouvement de création des commissions électorales nationales, qui a touché l’Afrique francophone et l’Europe centrale dans les années 1990.

La Belgique a instauré, pour les élections législatives, des bureaux dits principaux dans chacune des 11 circonscriptions électorales. Ces autorités sont chargées d’arrêter la liste des candidats et de traiter les contestations s’y rapportant, d’établir les bulletins de vote et de les faire imprimer. Les bureaux principaux de canton désignent les présidents des bureaux de vote et des bureaux de dépouillement et exercent la surveillance générale des opérations électorales dans leur canton électoral. La distinction entre ces bureaux et les autorités publiques n’est pas clairement déterminée : ils apparaissent certes comme des instruments de l’État, mais leur indépendance est garantie par l’attribution de la présidence à un magistrat.

En France, la multiplicité des commissions électorales correspond à la spécialisation de leurs compétences. Ainsi, nous trouvons les commissions de propagande pour les élections législatives, instituées dans les circonscriptions électorales et chargées de l’établissement des bulletins de vote. Pour l’élection présidentielle, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale a les mêmes attributions. Pour les élections législatives et dans les communes de plus de 20 000 habi tants, des commissions de contrôle des opérations de vote sont chargées de l’observation des opérations de vote le jour du scrutin et contrôlent les opérations de dépouillement [9]. Des commissions de recensement des votes sont instituées au niveau des départements. Néanmoins, elles n’ont pas les mêmes compétences dans le cadre des élections législatives et dans celui de l’élection présidentielle : pour cette dernière, la commission ne fait que compter les votes et centraliser les réclamations ; pour les législatives les commissions peuvent rendre des décisions sur les réclamations (recours possible devant le Conseil constitutionnel). On constate que lorsque le Conseil constitutionnel a des attributions renforcées, c’est-à-dire pour l’élection du président de la République, les commissions électorales voient leur rôle plus limité.

Au Liban, les commissions d’enregistrement électorales et les hautes commissions d’enregistrement sont instituées au niveau des circonscriptions électorales. Elles doivent vérifier les demandes de rectification des listes électorales, recevoir les résultats des élections et effectuer le contrôle de ceux-ci et proclamer les résultats.

En Mauritanie, il existe des commissions administratives et des commissions de recensement. Les commissions administratives apprécient la validité des déclarations de candidature pour les élections parlementaires et veillent à la régularité et au bon déroulement des opérations électorales. Les commissions de recensement totalisent les résultats des communes.

Si les autres pays étudiés ont une institution électorale centrale, certains d’entre eux, dont le Cameroun, la Guinée-Bissau, Madagascar, le Mali et le Sénégal, ont établi des commissions, qui doivent gérer des tâches spécifiques, notamment l’établissement des listes électorales et des cartes d’électeur ou le recensement des bulletins de vote.

En outre, l’Algérie et la Bulgarie ont créé des structures distinctes pour chaque type de consultation électorale et nous verrons que les compétences des commissions peuvent également varier selon l’élection.

Enfin, les commissions centrales disposent de représentations déconcentrées au niveau régional, local et des circonscriptions électorales. L’existence d’antennes locales leur permet de couvrir des territoires parfois très étendus. Ainsi au Canada, un directeur de scrutin est nommé par le gouverneur en conseil dans chaque circonscription. Celui-ci est en charge des opérations préélectorales (inscription des électeurs, révision des listes électorales, vote par anticipation) et des activités liées au bon déroulement du scrutin. Il assure également la formation des fonctionnaires électoraux dans sa circonscription.

A. La structure des commissions électorales

Structures administratives, les commissions électorales sont, néanmoins, officiellement indépendantes des autorités publiques. Elles résultent de cette exigence d’indépendance et de cette volonté de soustraire l’organisation matérielle des élections de la compétence de l’État, qui se sont manifestées durant les périodes de transition démocratique. L’indépendance est garantie, en général, par une autonomie financière et de fonctionnement.

La pérennité des commissions est également un élément qui peut garantir leur indépendance ou, du moins, l’efficacité de leur activité. L’absence de permanence est à l’origine d’un certain nombre d’inconvénients : elle ne permet pas à la structure de gestion électorale d’acquérir le professionnalisme résultant de l’expérience, ni d’être opérationnelle immédiatement lors de sa création.

Les commissions de l’Albanie, du Burkina Faso, du Canada, de la Guinée-Bissau, de l’Île Maurice, de la Moldavie, du Sénégal, de la Slovénie, de la République tchèque et du Togo sont des structures permanentes alors que, dans les autres États, les commissions sont créées uniquement pour la période électorale et dissoutes à l’issue du scrutin. En Bulgarie, seule la Commission pour l’élection des députés est permanente et en Roumanie, une autorité électorale permanente a été mise en place en juillet 2004. Les inconvénients liés à l’absence de structure pérenne sont, néanmoins, compensés par la présence d’un Secrétariat permanent, comme au Bénin[10] et au Rwanda, qui permet de conserver la « mémoire » du scrutin et de gérer le patrimoine de l’insti tution jusqu’aux élections suivantes [11].

De même, mises à part les structures camerounaise et marocaine, les commissions disposent d’une administration propre, qui peut compter plus de 300 employés notamment au Canada. Ce dernier exemple est exceptionnel, mais l’ensemble des commissions exigent, cependant, pour leur bon fonctionnement, des moyens importants que l’État doit supporter. La charge est parfois excessive pour les pays dont le niveau économique est faible.

B. Les compétences des commissions électorales

Les compétences des commissions électorales sont variables d’un État à l’autre. Elles déterminent la répartition des tâches entre elles et, tant avec les pouvoirs publics, qui sont traditionnellement chargés de l’organisation matérielle des scrutins, qu’avec les Cours constitutionnelles.

Tableau 22 – Les compétences des commissions électorales dans l’organisation de l’élection présidentielle

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE [12]

Enregistrement des candidats

Recrutement et formation des membres des bureaux de vote

Accréditation des observateurs

Préparation, organisation des opérations de vote

Établissement des listes électorales

Contrôle des listes électorales

Bénin

Bénin

Bénin

Algérie

Bénin

Bénin

Bulgarie

Bulgarie

Bulgarie

Bénin

Burkina Faso

Burkina Faso

Haïti

Burkina Faso

Burkina Faso

Bulgarie

Égypte

Congo

Niger

Congo

Congo

Burkina Faso

Haïti

Égypte

Roumanie

Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

Congo

Niger

Gabon

Rwanda

Haïti

Haïti

Égypte

Rwanda

Haïti

Slovénie

Niger

Madagascar

Gabon

Tchad

Madagascar

Togo

Rwanda

Mali

Guinée-Bissau

Niger

Sénégal [13]

Niger

Haïti

Rwanda

Slovénie

Roumanie

Niger

Sénégal

Tchad

Rwanda

Roumanie

Tchad

Slovénie

Rwanda

Togo

Slovénie

Tchad

Établissement des cartes d’électeur

Acquisition et distribution du matériel nécessaire

aux opérations de vote

Impression des bulletins de vote

Maintien de la sécurité

du déroulement des opérations de vote

Observation des opérations le jour

du scrutin

Contrôle des opérations de dépouillement / recomptage

Bénin

Bénin

Bénin

Bénin

Algérie

Bénin

Burkina Faso

Bulgarie

Bulgarie

Bulgarie

Bénin

Bulgarie

Égypte

Burkina Faso

Burkina Faso

Burkina Faso

Bulgarie

Burkina Faso

Guinée-Bissau

Congo

Égypte

Congo

Burkina Faso

Cameroun

Haïti

Égypte

France

Égypte

Congo

Congo

Niger

Gabon

Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

Égypte

Égypte

Rwanda

Guinée-Bissau

Haïti

Haïti

Gabon

Guinée-Bissau

Slovénie

Haïti

Niger

Niger

Guinée-Bissau

Haïti

Niger

Roumanie

Rwanda

Haïti

Mali

Roumanie

Rwanda

Slovénie

Madagascar

Niger

Rwanda

Slovénie

Tchad

Mali

Roumanie

Slovénie

Tchad

Niger

Rwanda

Tchad

Togo

Roumanie

Sénégal

Rwanda

Slovénie

Sénégal

Togo

Slovénie

Togo

Contrôle de la bonne application du code électoral du scrutin

Centralisation des résultats

Proclamation des résultats

Publication des résultats

Autres

Bénin

Bénin

Bulgarie

Bulgarie

Haïti

Bulgarie

Bulgarie

Burkina Faso

Burkina Faso

(contentieux)

Burkina Faso

Burkina Faso

Égypte

Égypte

Congo

Cameroun

Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

Égypte

Congo

Haïti

Haïti

Guinée-Bissau

France

Niger

Haïti

Gabon

Rwanda

Madagascar

Guinée-Bissau

Slovénie

Mali

Haïti

Tchad

Niger

Niger

Togo

Roumanie

Roumanie

Rwanda

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Slovénie

Tchad

Togo

Togo

Tableau 23 – Les compétences des commissions électorales dans l’organisation des élections parlementaires

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES

Enregistrement des candidats

Recrutement et formation des membres des bureaux de vote

Accréditation des observateurs

Préparation, organisation des opérations de vote

Établissement des listes électorales

Contrôle des listes électorales

Albanie

Albanie

Albanie

Albanie

Bénin

Albanie

Belgique

Belgique

Belgique

Algérie

Burkina Faso

Bénin

Bénin

Bénin

Bénin

Bénin

Cambodge

Burkina Faso

Bulgarie

Bulgarie

Bulgarie

Belgique

Canada

Cambodge

Burkina Faso

Burkina Faso

Burkina Faso

Bulgarie

Égypte

Canada

Cambodge

Cambodge

Cambodge

Burkina Faso

Guinée-Bissau

Congo

Canada

Canada

Congo

Cambodge

Haïti

Égypte

Égypte

Congo

Guinée-Bissau

Canada

Maroc

Gabon

Haïti

Guinée-Bissau

Haïti

Congo

Maurice

Guinée-Bissau

Madagascar

Haïti

Madagascar

Égypte

Moldavie

Haïti

Maroc

Madagascar

Mali

Gabon

Niger

Liban

Maurice

Maurice

Moldavie

Guinée-Bissau

Rwanda

Maurice

Mauritanie

Moldavie

Niger

Haïti

Tchad

Moldavie

Moldavie

Niger

Roumanie

Maroc

République

Niger

Roumanie

Rwanda

Rwanda

Maurice

tchèque

Rwanda

Rwanda

Sénégal [14]

Slovénie

Mauritanie

Sénégal

Slovénie

Slovénie

Tchad

Moldavie

Tchad

République

Tchad

République

Niger

République

tchèque

République

tchèque

Roumanie

tchèque

Togo

tchèque

Rwanda

Togo

Slovénie

Tchad

République

tchèque

Établissement des cartes d’électeur

Acquisition et distribution du matériel nécessaire aux opérations de votes

Impression des bulletins de vote Maintien de la sécurité du déroulement des opération de vote Observation des opérations le jour du scrutin Contrôle des opérations de dépouillement / recomptage

Bénin

Albanie

Albanie

Albanie

Albanie

Albanie

Burkina Faso

Bénin

Bénin

Bénin

Algérie

Belgique

Cambodge

Bulgarie

Bulgarie

Bulgarie

Bénin

Bénin

Canada

Burkina Faso

Burkina Faso

Burkina Faso

Bulgarie

Bulgarie

Égypte

Cambodge

Cambodge

Cambodge

Burkina Faso

Burkina Faso

Guinée-Bissau

Canada

Canada

Canada

Cambodge

Cambodge

Haïti

Congo

Égypte

Congo

Canada

Cameroun

Maurice

Égypte

France

Égypte

Congo

Canada

Moldavie

Gabon

Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

Égypte

Congo

Niger

Guinée-Bissau

Haïti

Haïti

France

Égypte

Rwanda

Haïti

Maurice

Maurice

Gabon

France

Slovénie

Maurice

Mauritanie

Moldavie

Guinée-Bissau

Guinée-Bissau

République

Moldavie

Moldavie

Niger

Haïti

Haïti

tchèque

Niger

Niger

Rwanda

Madagascar

Liban

Roumanie

Roumanie

Slovénie

Mali

Mali

Rwanda

Rwanda

Tchad

Maurice

Maurice

Slovénie

Slovénie

République

Moldavie

Mauritanie

Tchad

Tchad

tchèque

Niger

Moldavie

République

République

Roumanie

Niger

tchèque

tchèque

Rwanda

Roumanie

Togo

Sénégal

Rwanda

Slovénie

Sénégal

Tchad

Slovénie

République

Tchad

tchèque

République

Togo

tchèque

Togo

Contrôle de la bonne application du code électoral dans le cadre du scrutin Centralisation des résultats Proclamation des résultats Publication des résultats Autres

Albanie

Albanie

Albanie

Albanie

Albanie

Bénin

Bénin

Bulgarie

Bulgarie

(décisions à

Bulgarie

Bulgarie

Burkina Faso

Burkina Faso

portée générale)

Burkina Faso

Burkina Faso

Cambodge

Cambodge

Cambodge

Cambodge

Cambodge

Canada

Canada

(contentieux en

Canada

Cameroun

Égypte

Égypte

premier ressort)

Congo

Canada

France

Guinée-Bissau

Canada

Égypte

Congo

Guinée-Bissau

Haïti

(enregistrement

France

France

Haïti

Maurice

des divers

Guinée-Bissau

Gabon

Liban

Moldavie

partis politiques,

Haïti

Guinée-Bissau

Maroc

Roumanie

réglementation

Liban

Haïti

Maurice

République

du financement

Madagascar

Liban

Moldavie

tchèque

politique, support

Mali

Maurice

Niger

Togo

technique et

Maurice

Mauritanie

Roumanie

financier aux

Mauritanie

Moldavie

Slovénie

commissions de

Moldavie

Niger

Tchad

délimitation des

Niger

Roumanie

République

circonscriptions

Roumanie

Rwanda

tchèque

électorales)

Rwanda

Slovénie

Haïti

Sénégal

Tchad

(contentieux)

Slovénie

République

Tchad

tchèque

République

Togo

tchèque

Togo

Nous pouvons distinguer trois grands modèles de structure de gestion des opérations électorales [15]. La gestion des élections peut être exclusivement assurée par l’administration, en particulier le ministère de l’Intérieur. Ce fut le cas en Afrique francophone jusqu’aux années 1990. Ce mode de gestion est, néanmoins, rarement appliqué à l’état pur ; l’administration tend à voir son rôle partagé avec d’autres organismes collégiaux chargés d’une étape spécifique du processus électoral.

Le deuxième modèle attribue l’organisation des élections à des commissions électorales nationales afin de répondre, comme nous l’avons déjà évoqué, à un souci de transparence et d’impartialité des processus électoraux. En outre, les commissions électorales sont souvent apparues comme une solution de sortie de crise et comme un passage obligé vers la consolidation démocratique et le consensus national [16]. Dans une décision du 23 décembre 1994, la Cour constitutionnelle du Bénin emploie les termes suivants : « La création d’une commission électorale indépendante est une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne ; elle permet, d’une part d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la transparence des élections, et d’autre part de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques.»

Le troisième modèle est un système mixte, qui répartit la gestion des opérations électorales entre l’administration et les commissions électorales. Les champs de compétences sont souvent difficiles à délimiter, mais on s’accorde à reconnaître les capacités techniques de l’État et à confier un rôle de supervision et de contrôle à la commission électorale. Ce troisième modèle connaît un regain d’intérêt dans l’espace francophone, qui dispose aujourd’hui de suffisamment de recul pour effectuer un bilan des activités des commissions électorales. Confrontées à un manque de moyens, elles ont besoin de l’aide des pouvoirs publics.

À la lecture du tableau précédent, il est possible d’esquisser une classification des commissions étudiées.

La Belgique entre dans la première catégorie. Dans une certaine mesure, la France, le Liban et la Mauritanie également. Mais les diverses commissions exercent également un contrôle sur les opérations électorales et se situeraient à mi-chemin de la troisième catégorie précitée. En effet, dans ces trois pays, en Algérie [17], au Cameroun, au Congo, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Maroc, au Sénégal et au Togo, les commissions ont davantage un rôle de supervision du processus électoral qui relève de la responsabilité de l’administration.

En Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Cambodge, au Canada [18], en Égypte, à Haïti, à Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda, en Slovénie, au Tchad et en République tchèque, les commissions électorales disposent d’attributions étendues, qui en font l’organe principal de l’organisation matérielle des élections.

Il est difficile de savoir dans le cadre de cette étude si les tendances vers une moindre responsabilité des commissions électorales se vérifient dans l’espace francophone étudié, malgré l’inflation législative que connaît la matière électorale. Néanmoins, on observe que la commission malienne a vu ses attributions réduites en 2002 au profit du ministère de l’Intérieur, qui s’occupe de la préparation technique et matérielle des opérations de vote. De même, au Togo, les réformes de 2002 et de 2003 ont restitué certaines des attributions de la commission électorale à la Cour constitutionnelle [19]. La même évolution a été observée au Gabon où un partage des prérogatives avec l’administration a été effectuée, sans remettre en cause l’existence de la Commission.

Se pose, par conséquent, la question des relations entre la commission électorale et la Cour constitutionnelle. Une répartition clairement délimitée des attributions des autorités publiques, des commissions électorales et des Cours constitutionnelles concourt à la cohérence du système de ges tion des opérations électorales. De nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont des compétences en matière électorale, qui s’étendent au delà du contentieux. Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel français émet des avis sur les textes organisant l’élection présidentielle ou envoie des observateurs le jour de ce même scrutin, n’exerce-t-il pas des tâches souvent attribuées aux commissions électorales dans d’autres États ? À l’inverse, un nombre non négligeable de commissions électorales ont des attributions contentieuses.

Une coopération doit être établie afin d’éviter toute compétition, qui nuirait à l’efficacité du système. Par exemple, la juridiction constitutionnelle béninoise organise avant chaque échéance électorale une séance de travail avec les membres de la Commission électorale nationale autonome en vue d’une harmonisation des points de vue. Au Tchad, la loi du 18 mai 2000 créant la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a tenté d’instituer une véritable complémentarité entre cette Commission et le Conseil constitutionnel. La CENI proclame les résultats provisoires, assiste le Conseil constitutionnel d’un point de vue matériel. La CENI s’occupe du scrutin ; le Conseil, de la réception des candidatures et du contentieux.

Cependant, seule une minorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. fait état d’une coopération pratique entre les deux organes. Dans les faits, les commissions, qui centralisent les résultats du scrutin, transmettent ces derniers aux institutions constitutionnelles en vue de la proclamation des résultats définitifs et du règlement du contentieux. C’est le cas notamment au Burkina Faso, au Congo, en France, au Niger, en Roumanie, au Sénégal. Seules la Cour suprême du Cameroun, la Cour constitutionnelle du Gabon et la Cour de cassation de Haïti interviennent dans la nomination des membres des commissions électorales, ce qui contribue à instituer un rapport hiérarchique entre les deux institutions. Dans le même ordre d’idées, la Constitution du Niger prévoit que les membres de la Commission électorale prêtent serment devant la Cour.

Un des indices d’une relation hiérarchique réside dans le contrôle juridictionnel que peuvent exercer les Cours constitutionnelles sur les activités des commissions électorales.

Tableau 24 – Les recours contre les actes des commissions électorales

Pays

Recours

Organe de recours

Albanie

OUI

La Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana

Algérie

NON

Belgique

NON

Bénin

OUI

La Cour constitutionnelle

Bulgarie

OUI

La Cour administrative suprême [20]

Burkina Faso

OUI

Les tribunaux administratifs et le Conseil d’État

Cambodge

OUI

Le Conseil constitutionnel

Cameroun

NON

Canada [21]

OUI

Les juridictions ordinaires et, par conséquent, la Cour suprême dans le cadre de ses attributions d’appel

Congo

NON

Égypte

OUI

La Cour du contentieux administratif au Conseil d’État

France

OUI

Le Conseil constitutionnel [22]

Gabon

OUI

La Cour constitutionnelle

Guinée-Bissau

OUI

Le Tribunal suprême de justice

Haïti

NON [23]

Liban

NON

Madagascar

OUI

Le Conseil d’État

Mali

NON

Maroc

NON

Maurice

OUI

La Cour suprême

Mauritanie

NON [24]

Moldavie

OUI

Les juridictions de droit commun

Niger

NON

Roumanie

OUI

La Cour suprême de justice

Rwanda

OUI

La Cour suprême

Sénégal

NON

Slovénie

OUI

L’Assemblée nationale, la Cour en 2nd ressort pour les élections parlementaires, la Cour suprême pour l’élection présidentielle

Tchad

OUI

Le Conseil constitutionnel

République tchèque

NON [25]

Togo

NON

On observe que les actes non susceptibles de recours émanent des commissions ne disposant pas de larges attributions, à l’exception d’Haïti, du Niger et de la République tchèque. Le juge constitutionnel en tant que juge électoral, est compétent pour connaître des décisions des institutions électorales au Bénin, au Cambodge, en France, au Gabon, en Guinée-Bissau, à Maurice, au Rwanda et au Tchad.

En Albanie, au Canada, en Égypte et en Slovénie, où la Cour n’a pas de compétence directe en matière électorale, c’est le juge électoral qui statue également sur les recours contre les actes des commissions. En ce qui concerne la Bulgarie, la Moldavie et la Roumanie, les juridictions ordinaires et Cours suprêmes sont compétentes. Au Burkina Faso et à Madagascar, les réclamations sont adressées aux juridictions administratives.

C. La composition des commissions électorales

La composition des commissions est un élément essentiel du système de gestion des élections puisqu’elle définit en partie l’indépendance de l’institution et par conséquent, la sincérité du scrutin. La diversité de la composition rend difficile l’établissement d’un modèle. Elle se partage entre représentants des institutions publiques, représentants des partis politiques et de la société civile. Une place particulière est réservée aux magistrats, qui détiennent dans beaucoup de cas la présidence de l’organe. Les proportions entre les différentes catégories sont très variables comme leurs modalités de désignation.

La représentation des partis politiques est l’un des points les plus sensibles. Leur participation a pu favoriser l’acceptation des résultats électoraux et l’établissement d’un consensus national quant à l’issue du scrutin, même si les commissions prétendent se situer au-dessus des considérations partisanes. Considérée à l’origine comme une condition du contrôle du processus électoral par les forces politiques en compétition, la participation des partis est aujourd’hui critiquée, une fois les règles du jeu des élections pluralistes acceptées [26]. Ils occupent néanmoins une place encore importante dans les commissions, surtout en Afrique et en Europe centrale, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 25 – La composition des commusions électorales

Pays

Représentants des institutions publiques

Représentants des partis politiques représentés au Parlement

Représentants des partis politiques non représentés au Parlement

Magistrats

Avocats

Syndicats

Membres des associations de protection des droits

de l’homme

Membres de communautés religieuses

Autres

Total

Albanie

7

7

Algérie

1

1 représentant par parti politique agréé

1 représentant par candidat

Non déterminé

Belgique

1

4 assesseurs

+ 4 suppléants

5+4

Bulgarie

La composition des commissions doit refléter la représentation des partis à l’Assemblée

La majorité des membres doivent être des juristes

Non [27]

Bénin

3

19

2

1

25

Burkina Faso

5

5

1

3

1 (autorités coutumières)

15

Cambodge

5  personnalités indépendantes

5

Cameroun

10

Chaque parti politique dispose d’un représentant

3

Non déterminé

Canada[28]

1

Congo

Oui

Oui

Oui

Oui

Personnalités jouissant d’une notoriété publique

116

Égypte

Oui

Oui

Au moins 4

France[29]

Oui

Oui

Gabon

2

4

Un haut cadre de la Nation

7

GuinéeBissau

3 (1 pour le président, 2 pour le Gouvernement)

Un représentant pour chaque parti politique

Un représentant de la presse et un représentant pour chaque candidat

Non déterminé

Haïti

3

3

3

9

Liban

3 (fonctionnaires)

1 (président)

Au moins 4

Madagascar[30]

3

1

1

Médiateur, ordre des journalistes

7

Mali31

9

1

1

1

1

1

Un membre de la coordination des associations féminines

15

Maroc

Ministères de l’Intérieur et de la Justice

Oui

Premier président de la Cour suprême et d’autres magistrats

Oui

Non déterminé

Maurice[31]

8

8

Mauritanie[32]

2 fonctionnaires

1

3

Moldavie

3

3

3

9

Niger

20

Un représentant pour chaque parti politique légalement reconnu

En fonction des besoins de la CENI

1

1

1

Non déterminé

Roumanie

15 représentants des partis politiques participant aux élections

7 juges de la Cour suprême de justice

22

Rwanda

Oui

Oui

6 + 6 [33]

Sénégal

Oui

Oui

Oui

Oui

9

Slovénie

3 + 3 membres proposés par les députés de l’Assemblée

1 + 1 juge de la Cour suprême

2 + 2 experts en droit

6 + 6

Tchad

16

12

3

[34]

République tchèque [35]

10

10

Togo

6

2

1

9

En Belgique, au Cambodge, au Canada, en France, à Haïti, au Liban, à Madagascar, à Maurice, en Mauritanie, au Sénégal et en République tchèque, les commissions électorales ne comptent pas de représentants des partis politiques. Les diverses tendances politiques peuvent, toutefois, être prises en compte par le biais de la nomination. Les partis politiques assistent aux travaux des commissions des autres pays, sans avoir de voix délibérative.

La présence des magistrats est également un point essentiel de la composition des commissions électorales auxquelles ils garantissent l’impartialité et apportent leur expertise juridique. Ils sont présents dans 16 des institutions étudiées. Ils en assurent, en règle générale, la présidence, notamment en Belgique, en France, au Liban, à Madagascar et en Mauritanie. Ces derniers États constituent un groupe à part, dans le sens où la composition des commissions répond moins à un souci de consensus que dans les autres pays. Le recours à un homme de loi assure la neutralité de l’institution. Les représentants des institutions publiques constituent un autre élément de la composition des commissions électorales, même si un nombre important de commissions centrales ont été instituées avec l’objectif de rendre indépendante des pouvoirs publics l’organisation des élections. Ils ne figurent cependant pas dans la composition des institutions de l’Albanie, de la Belgique, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Cambodge, du Canada, de l’Égypte, du Mali, de Maurice, de la Roumanie, du Rwanda, du Sénégal, de la Slovénie et du Togo.

L’autorité de nomination des membres est un indice de l’indépendance des commissions électorales vis-à-vis des pouvoirs publics. En Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, en Égypte, au Gabon [36], en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, en Moldavie, au Niger, en Roumanie [37], les membres sont choisis par les autorités qu’ils représentent. Le lien entre les membres et les autorités qui les ont choisis n’est pas un lien de subordination : les représentants n’exercent pas leurs activités au nom des autorités mais sont avant tout choisis en tant que personnalités indépendantes et experts impartiaux. Ainsi, par exemple, si le président de la République bulgare nomme les membres de la Commission, il est précisé que celle-ci doit compter une majorité de juristes.

L’Albanie instaure une véritable coopération entre les autorités publiques et les formations politiques. Ainsi, deux membres sont nommés par le président de la République sur proposition des deux grands partis politiques de la majorité et de l’opposition ; deux membres sont élus par l’Assemblée sur proposition des partis politiques moins importants ; trois membres sont élus par le Conseil supérieur de la justice sur proposition des deux grands partis politiques de la majorité et de l’opposition. De même, en Bulgarie, le président de la République nomme les membres de la Commission pour l’élection des députés et le Parlement élit les membres de la Commission pour l’élection du président de la République. Ces deux commissions doivent refléter le rapport de force entre les courants politiques.

Au Cambodge, au Canada, en Slovénie et au Togo, l’Assemblée nationale élit les membres ; au Rwanda, il s’agit du Sénat. En Moldavie, si les membres sont nommés par le Parlement, le président de la République et le Conseil supérieur de la magistrature, la composition de la Commission électorale centrale doit être, in fine, confirmée par le Parlement. La domination des assemblées parlementaires est un signe de la volonté d’assurer une représentation fidèle des courants politiques au sein de la Commission électorale. Dans le même ordre d’idées, à Maurice, les membres sont choisis par le président de la République après consultation du Premier ministre et du chef de l’opposition.

Dans d’autres États, l’Exécutif intervient plus directement dans la composition des commissions. C’est le cas du Cameroun, du Congo, du Liban, du Maroc, de la Mauritanie, du Sénégal, du Tchad et de la République tchèque. Le ministre de l’Intérieur affirme sa position dominante dans l’organisation des élections. Le cas de la République tchèque [38] est plus frappant encore, dans le sens où la commission centrale est exclusivement composée de hauts fonctionnaires provenant des cabinets ministériels et qui sont nommés par le Gouvernement sur proposition du ministre de l’Intérieur.

II. Les instances chargées du contrôle de la propagande électorale

Les élections sont l’occasion d’un débat national, les différentes formations politiques tentant de convaincre les électeurs de la justesse de leurs propositions. Le pluralisme politique impose la libre expression de l’ensemble des opinions qui circulent dans le pays. Les forces en compétition ne sont, cependant, pas égales. Les grands partis politiques disposent de moyens financiers, techniques et humains sans comparaison avec ceux des formations plus récentes et plus réduites. En outre, les personnes qui détiennent le pouvoir sont souvent candidates à leur propre succession. Le risque est important de détourner l’appareil d’État à des fins électorales, en particulier les médias publics.

Une régulation de la propagande électorale doit permettre de corriger les inégalités de fait, en assurant un égal accès, ou plus précisément un accès équitable, des partis politiques aux médias. L’intérêt d’une réglementation de la propagande réside, également, dans la possibilité de contrôler les propos des candidats afin qu’ils ne dépassent pas la limite de l’acceptable dans une société démocratique.

Le tableau suivant présente les instances chargées du contrôle de la propagande électorale.

Tableau 26 – Les instances chargées du contrôle de la propagande électorale

Pays

Instance

Missions

Albanie

Le Conseil moniteur des médias

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Algérie

NON

Belgique

NON

Bénin

La Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Bulgarie

Les commissions électorales

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Burkina Faso

Le Conseil supérieur de l’information

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Cambodge

Le Comité national des élections

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Cameroun

L’Observatoire national des élections (ONEL), le Conseil national de la communication

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Canada

L’Arbitre en matière de radiodiffusion

Assurer l’accès équitable des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques, arbitrage des conflits de partage du temps d’antenne

Congo

Le Conseil supérieur de la liberté de communication

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Égypte

Le ministère de l’Information pour la propagande dans les chaînes officielles de la télévision

Veiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

France

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel

Veiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Gabon

Le Conseil national de la communication

Veiller à assurer l’égal accès des partis aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Guinée-Bissau

La Commission nationale des élections

Veiller à assurer l’égal accès des partis aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Haïti

L’Assemblée électorale

Veiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Liban

NON

Madagascar

Le Conseil national électoral

Veiller à assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Mali

Le Comité national de l’égal accès aux médias d’État

Veiller à assurer l’égal accès aux médias publics, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Maroc

La Commission nationale de suivi des élections

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Maurice

NON

Mauritanie

NON

Moldavie

La Commission électorale centrale

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Monaco

Structure sans dénomination particulière [39]

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Niger

Le Conseil supérieur de la communication

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Roumanie

Le Conseil national de l’audiovisuel

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale [40]

Rwanda

Le Haut Conseil de la presse

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Sénégal

Le Haut Conseil de l’audiovisuel

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité dans la diffusion de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

Slovénie

NON

Suisse

NON

Tchad

Le Haut Conseil de la communication

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

République tchèque

NON [41]

Togo

La Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC)

Assurer l’égal accès des partis politiques aux médias publics et privés, veiller à l’objectivité de la propagande électorale, réglementer le temps d’antenne radio télévisée des partis politiques

L’Algérie, la Belgique, le Liban, l’Île Maurice, la Mauritanie, la Slovénie, la Suisse et la République tchèque ne disposent pas d’instances chargées du contrôle de la propagande électorale. En Bulgarie, au Cambodge, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Maroc et en Moldavie, les commissions électorales assurent cette fonction. Au Cameroun, le Conseil national de la communication exerce son contrôle en coopération avec l’Observatoire national des élections. Au Canada, l’Arbitre en matière de radiodiffusion relève de l’administration du Directeur général des élections, qui le nomme. En Égypte, il n’existe pas d’autorité administrative indépendante, puisque c’est le ministère de l’Information qui surveille le respect de la législation en matière de propagande.

Les missions de ces instances sont relativement homogènes. Elles ont pour fonction principale de réglementer et de fixer le temps d’antenne radio télévisée de chaque parti politique. Pour s’assurer de l’égal accès des partis aux médias, elles procèdent, généralement, au relevé et suivi des temps d’antenne et de parole. Néanmoins, au Cameroun, en Égypte, au Mali, au Maroc, à Monaco, en Roumanie, au Rwanda et au Tchad, leurs compétences ne s’étendent pas aux médias privés.

Tableau 27 – Les compétences et le contrôle des instances chargées du contrôle de la propagande électorale [42]

Pays

Compétences

Recours

Organe compétent

Albanie

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, proposer des injonctions et des sanctions

NON

Les décisions sont prises par la Commission électorale et susceptibles de recours devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana

Algérie

Belgique

Bénin

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

La Chambre administrative de la Cour suprême

Bulgarie

Effectuer des contrôles, prononcer des sanctions

OUI

Les juridictions ordinaires

Burkina Faso

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

Le Conseil constitutionnel

Cambodge

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

Le Conseil constitutionnel

Cameroun

Émettre des injonctions

NON

Canada

Effectuer des contrôles, émettre des injonctions

OUI

Les juridictions ordinaires

Congo

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions

NON

Égypte

Émettre des recommandations

NON

France

Émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

Le Conseil d’État

Gabon

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, des sanctions, des avis.

OUI

La Cour constitutionnelle

Guinée-Bissau

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

NON

Haïti

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

NON

Liban

Madagascar

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions

OUI

Le Conseil d’État

Mali

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions

OUI

La Cour constitutionnelle

Maroc

Effectuer des contrôles

NON

Maurice

Mauritanie

Moldavie

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations

OUI

Les juridictions ordinaires

Monaco

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations

NON [43]

Niger

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

Les juridictions ordinaires

Roumanie

Émettre des recommandations, prononcer des sanctions

OUI

Les juridictions administratives

Rwanda

N.C.

N.C.

N.C.

Sénégal

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

Le Conseil d’État

Slovénie

Suisse

Tchad

Effectuer des contrôles, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

La Cour suprême

République tchèque

Togo

Effectuer des contrôles, émettre des recommandations, émettre des injonctions, prononcer des sanctions

OUI

N.C.

Les décisions que les instances sont susceptibles d’adopter, ont des répercussions importantes sur le déroulement de la campagne et les processus électoraux. Dans la majorité des pays, elles ont le pouvoir de faire suivre d’effet les contrôles qu’elles effectuent en prononçant des sanctions et des injonctions. Elles peuvent aller jusqu’à l’interdiction temporaire d’un média.

Certaines instances ont des pouvoirs plus réduits, notamment au Cameroun, en Égypte et au Maroc. En Albanie, le Conseil moniteur des médias n’a pas le pouvoir de prendre des décisions mais transmet ses recommandations à la Commission électorale, qui décidera des sanctions à prendre. De même, à Monaco, il revient au ministre d’État de suivre les recommandations de la commission compétente.

Au Cameroun, au Congo, en Égypte, en Guinée-Bissau, à Haïti, à Monaco et au Maroc [44], les actes des instances chargées du contrôle de la propagande électorale ne sont pas susceptibles de recours. Au Burkina Faso, au Cambodge, au Gabon et au Mali, le juge constitutionnel connaît des réclamations. Au Bénin, en France, à Madagascar, au Sénégal et au Tchad, ce sont les juridictions suprêmes qui sont compétentes, en particulier les Cours suprêmes administratives. Enfin, en Bulgarie, au Canada, en Moldavie, au Niger et en Roumanie, les décisions des instances peuvent faire l’objet d’un recours de droit commun.


  • [1]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission électorale centrale.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission nationale de recensement général des votes.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission nationale des élections.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que le Conseil national électoral.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudiée que la Commission électorale nationale indépendante.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que le Bureau électoral central.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Dans la suite de cette partie, ne sera étudié que l’Observatoire national des élections.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Il existe néanmoins une commission dénommée « commission de la liste électorale » dont la compétence est limitée à l’établissement de la liste électorale.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Cette fonction est assurée par les observateurs nommés par le Conseil constitutionnel pour l’élection présidentielle.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Le Secrétariat administratif permanent est composé de 4 hauts fonctionnaires élus par l’Assemblée nationale.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Voir du Bois de Gaudusson (Jean), « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er-3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 214-225.  [Retour au contenu]
  • [12]
    La Belgique, le Cambodge, le Canada et le Maroc sont des monarchies ; en Albanie, au Liban, à Maurice, en Moldavie et en République tchèque, le chef de l’État n’est pas élu au suffrage direct ; en Égypte, les électeurs confirment le choix de l’Assemblée du peuple par référendum ; enfin, en Mauritanie, les commissions électorales ne disposent pas de compétences pour les élections présidentielles.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Uniquement la formation.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Uniquement la formation.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Voir Jean-Pierre Kingsley, « Rapport général introductif et bibliographie sélective », in Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 147-163.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Voir Jean du Bois de Gaudusson, « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratie, p. 214-225.  [Retour au contenu]
  • [17]
    En Algérie, les Commissions nationales constituées pour les deux scrutins nationaux ne sont pas prévues par la loi électorale. Elles sont créées par un décret du président de la République. En revanche, la loi électorale institue des commissions électorales communales, composées d’un président, d’un vice-président et de deux assesseurs désignés par le wali parmi les électeurs de la commune, et des commissions électorales de wilaya, composées de trois magistrats désignés par le ministre de la Justice. Elles procèdent au recensement des résultats transmis par les bureaux de vote.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Le Directeur général des élections au Canada constitue certainement un modèle à retenir d’administration électorale indépendante.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Voir « Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Togo », tome II, p. 45.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les décisions des commissions électorales de circonscription sont susceptibles de recours devant la Commission électorale centrale. Les décisions de cette dernière sont susceptibles de recours devant la Cour administrative suprême dans les trois jours qui suivent leur notification. La Cour a trois jours pour statuer.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Le Directeur général des élections nomme le Commissaire aux élections fédérales dont le mandat est de faire observer et d’appliquer les dispositions de la loi électorale. Il a le pouvoir d’émettre des injonctions et de conclure des transactions avec les contrevenants. Les poursuites ne sont arrêtées que si le contrevenant respecte toutes les conditions. Dans l’autre cas, le Commissaire peut engager des poursuites pénales.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Pour les actes des commissions départementales de recensement des votes.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Jusqu’à l’adoption de la loi électorale de 1995, les décisions du Conseil électoral provisoire étaient susceptibles de recours devant la Cour de cassation. Une récente réforme a rétabli la compétence de la Cour de cassation. Voir note 24 1re partie.  [Retour au contenu]
  • [24]
    À l’exception des décisions de validation des candidatures aux élections législatives.  [Retour au contenu]
  • [25]
    À l’exception du contentieux des candidatures.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Voir Jean du Bois de Gaudusson, op. cit.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Il ne doit pas y avoir plus de 25 membres composant la Commission pour l’élection des députés, 21 membres pour l’élection du président de la République.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Le Directeur général des élections est nommé par le Parlement.  [Retour au contenu]
  • [29]
    Plus précisément : la commission de propagande comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président) et 3 fonctionnaires désignés respectivement par le préfet, le trésorier-payeur général, le directeur départemental des postes et télécommunications ; la commission de contrôle des opérations de vote comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président), un membre désigné par la même autorité parmi les magistrats, anciens magistrats ou auxiliaires de justice et un fonctionnaire désigné par le préfet (secrétariat) ; la commission de recensement comprend un magistrat désigné par le premier président de la Cour d’appel (président), 2 juges désignés par la même autorité et un fonctionnaire désigné par le préfet. Des représentants des candidats peuvent participer aux travaux de ces deux dernières commissions. La Commission nationale de contrôle de la campagne comprend le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes.  [Retour au contenu]
  • [30]
    De son côté, la Commission de recensement matériel des votes est composée d’un magistrat nommé par arrêté du Garde des Sceaux (président), de 6 fonctionnaires en service désignés par arrêté du préfet par délégation de pouvoir du ministre de l’Intérieur.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Il s’agit de la composition de la Commission de contrôle électoral. Le Commissaire électoral est nommé par la Judicial and Legal Service Commission.  [Retour au contenu]
  • [32]
    Il s’agit de la composition des commissions de recensement. Les commissions administratives prévues pour les élections légistatives sont présidées par le Wali (préfet) et omprennent deux magistrats et deux fonctionnaires régionaux.  [Retour au contenu]
  • [33]
    6 membres pour le secrétariat et 6 membres du collège de commissaires. Le Secrétariat permanent est l’organe technique de la Commission formé de personnes nommées sans considération politique ; les commissaires sont généralement issus des partis politiques et de la société civile.  [Retour au contenu]
  • [34]
    À noter que la composition de la CENI a été fortement modifiée par rapport à celle prévue par la loi de 1997 notamment en ce qui concerne la place des partis d’opposition.  [Retour au contenu]
  • [35]
    La composition est : le directeur du service de l’administration générale du ministère de l’Intérieur, le président de l’Office tchèque des statistiques, un adjoint du ministre des Finances, un adjoint du ministre des Affaires étrangères, un adjoint du ministre de la Justice, un adjoint du ministre de la Défense, un adjoint du ministre de la Santé, ministre du Travail et des Affaires sociales, un adjoint du directeur du cabinet du président de la République.  [Retour au contenu]
  • [36]
    Le haut cadre de la Nation, qui exerce la présidence de la Commission est nommé par la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Les 7 magistrats sont tirés au sort parmi les juges de la Cour suprême.  [Retour au contenu]
  • [38]
    Les démembrements locaux de l’administration électorale sont composés de représentants des partis politiques.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Il s’agit d’une structure qui a fonctionné pour la première fois lors des élections nationales de février 2003. Elle a été créée de manière informelle à l’initiative du ministre d’État, en concertation avec les représentants des deux listes en présence. Cette instance n’a suscité aucune critique de la part des candidats en lice et paraît, au contraire, leur avoir donné toute satisfaction.  [Retour au contenu]
  • [40]
    La réglementation du temps d’antenne radio télévisée des partis politiques relève de la compétence d’une commission parlementaire spéciale.  [Retour au contenu]
  • [41]
    Cependant, il est possible de demander le respect de la loi électorale qui contient des dispositions sur la propagande électorale, à la Commission électorale ou aux juridictions administratives.  [Retour au contenu]
  • [42]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [43]
    En théorie, les décisions de l’organe monégasque ne sont pas susceptibles de recours puisqu’il ne s’agit pas d’une autorité administrative compétente pour prendre des décisions exécutoires. Seule la décision du ministre d’État suivant la recommandation de cette commission pourrait être déférée devant le Tribunal suprême par la voie du recours pour excès de pouvoir.  [Retour au contenu]
  • [44]
    Nous avons déjà vu que les actes de la Commission électorale ne sont pas susceptibles de recours.  [Retour au contenu]

IV. Les cadres de l’élection et les opérations préélectorales

La période électorale se divise en trois périodes distinctes : avant l’élection, le jour de l’élec tion et après l’élection. De la bonne organisation de la première dépend le bon déroulement des deux suivantes.

Les opérations préélectorales comprennent une diversité d’opérations. Il s’agit principalement du découpage des circonscriptions électorales, de l’établissement des listes électorales et des cartes d’électeur. De nombreuses autorités participent à la préparation du scrutin. Enfin, la question des candidatures doit également être réglée dès la phase préélectorale. Il n’est, dès lors, pas étonnant que ces opérations multiples ne relèvent pas du même juge.

1. Les circonscriptions électorales

Le découpage des circonscriptions est l’opération préalable à toute élection.

Dans un régime démocratique, le découpage électoral doit être neutre, impartial et objectif. Il doit ignorer les arrière-pensées partisanes et politiques. Il revêt une particulière importance dans les systèmes électoraux majoritaires. Il est donc nécessaire que les règles du jeu soient clairement définies.

Précisons, dès à présent, qu’à Monaco, compte tenu d’une superficie de 2 km2, la Principauté constitue une circonscription électorale unique. Les questions relatives aux critères et à l’autorité compétente pour le découpage électoral ne se posent donc pas.

Peu de constitutions prévoient la répartition des sièges ou la procédure à suivre en matière de découpage. Cette tâche revient, par conséquent, à des autorités plus sensibles aux pressions électorales. Dans la majorité des cas, la délimitation des circonscriptions électorales relève du pouvoir législatif. Dans le cadre des États étudiés, il s’agit de l’Algérie, la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Congo, l’Égypte, la France, la Guinée-Bissau, le Liban, le Mali, le Niger, la Roumanie, le Sénégal, la Slovénie et la République tchèque pour les élections sénatoriales [1]. En Bulgarie, au Cameroun, à Haïti, à Madagascar, au Maroc et au Togo, l’Exécutif est compétent pour opérer le découpage électoral. Néanmoins, précisons que les lois relatives aux circonscriptions sont, en général, élaborées par le Gouvernement et plus particulièrement par le ministère de l’Intérieur. Les circonscriptions sont de facto déterminées par l’Exécutif.

Au Gabon et en Mauritanie, le découpage est effectué par l’administration. Dans un souci similaire à celui qui a commandé le développement des commissions électorales dans le monde, l’Albanie, le Canada et l’Île Maurice ont confié cette tâche à des commissions indépendantes [2], suivant de ce fait l’exemple britannique. Ces commissions procèdent régulièrement à des propositions de découpage. Ces dernières sont adressées au Parlement, qui reste libre de les accepter. La Moldavie se rapproche de ce modèle en donnant compétence à la Commission électorale centrale. En ce qui concerne la Suisse, les circonscriptions sont déterminées par le constituant, conférant au découpage la quasi immutabilité de la Loi fondamentale.

La détermination des circonscriptions électorales relève, par conséquent, des plus hautes autorités de l’État, ce qui, tout en témoignant de l’importance de cette question, réduit le nombre des organes susceptibles de contrôler le découpage. Si l’administration et, éventuellement, les commis sions électorales peuvent s’assurer de la bonne application de la règle, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. peuvent contrôler la loi de délimitation. Cependant, seuls la Cour constitutionnelle d’Albanie [3], la Cour d’arbitrage de Belgique [4], la Cour suprême du Canada [5], le Conseil constitutionnel de France [6], le Conseil constitutionnel du Liban et la Cour constitutionnelle de Slovénie [7] se sont prononcés sur le découpage électoral, dans le cadre de leur fonction de contrôle des [8]. Les diverses jurisprudences s’articulent autour de l’application d’un principe fondamental, qui encadre la détermination des circonscriptions électorales : le principe d’égalité et son corollaire en matière électorale, le principe d’égalité de suffrage.

Ce principe impose une égalité de représentation entre tous les électeurs, dans le sens où la voix de chaque votant doit avoir le même poids. Il implique l’équilibre démographique entre les circonscriptions. L’ensemble des jurisprudences précitées encadre les dérogations acceptables à ce principe. La décision du Conseil constitutionnel français du 18 novembre 1986 [9] est caractéristique : « L’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ; …si le législateur peut tenir compte d’impératifs d’intérêt général susceptibles d’atténuer la portée de cette règle fondamentale, il saurait le faire que dans une mesure limitée et en fonction d’impératifs précis. »

Dans sa décision « Circonscriptions électorales provinciales (Sask.) » de 1991 [10], la Cour suprême canadienne a jugé que les dérogations à la parité électorale absolue peuvent se justifier pour des raisons d’impossibilité matérielle ou d’amélioration de la représentation réelle. Des facteurs comme la géographie, l’histoire, les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent être pris en compte afin de garantir que les assemblées législatives représentent réellement la diversité de la mosaïque sociale [11].

Le tableau ci-dessous présente les paramètres sur lesquels repose le découpage électoral dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 28 – Les paramètres du découpage électoral

Albanie

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts/liens culturels, facilités de communication ou de transport

Algérie

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales

Belgique

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Bénin

Égalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, importance démographique

Bulgarie

Égalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Burkina Faso

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Cambodge

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Cameroun

Conformité avec les frontières administratives locales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels

Canada

Égalité des populations, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels

Congo

Égalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales

Égypte

Égalité des populations, isolement géographique des circonscriptions électorales

France

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels, facilités de communication ou de transport, découpage antérieur

Gabon

Égalité des populations, superficie des circonscriptions électorales

Guinée-Bissau

Superficie des circonscriptions électorales

Haïti

Égalité des populations, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Liban

Contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, facilités de communication ou de transport

Madagascar

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, superficie des circonscriptions électorales, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts/liens culturels, facilités de communication ou de transport

Mali

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Maroc

N.C.

Maurice

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, isolement géographique des circonscriptions électorales, facilités de communication ou de transport

Mauritanie

N.C.

Moldavie

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Niger

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques, nécessité de représentation des minorités ethniques à l’Assemblée nationale (8 circonscriptions spéciales)

Roumanie

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Rwanda

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Sénégal

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Slovénie

Égalité des populations, isolement géographique des circonscriptions électorales, communauté d’intérêts / liens culturels

Suisse

N.C.

Tchad

N.C.

République tchèque

Égalité des populations, contiguïté des circonscriptions électorales, conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Togo

Conformité avec les frontières administratives locales ou les frontières politiques

Nous observons que le critère démographique est loin d’être le paramètre principal guidant la délimitation des circonscriptions électorales. Des contraintes géographiques et des considérations culturelles ont une influence notable et justifient des écarts de représentation. La conformité des circonscriptions aux frontières administratives locales ou aux frontières politiques reste le critère essentiel dans la majorité des États étudiés. Cela ne facilite pas le contrôle du juge constitutionnel, qui peut néanmoins appliquer le principe d’égalité de suffrage à la détermination de la répartition des sièges.

Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada, des écarts de représentation sont autorisés dans le but d’une meilleure prise en compte de la diversité sociale du pays [12]. Par exemple, au Niger, la volonté de permettre une représentation des minorités ethniques à l’Assemblée nationale a conduit à la création de circonscriptions spéciales. Ce principe n’est pas étranger à la jurisprudence française, qui en 1986, a autorisé un découpage électoral de la Nouvelle-Calédonie entraînant une sur-représen tation limitée de la communauté autochtone par rapport à la population d’origine européenne. Ces différences doivent, néanmoins, se maintenir dans le cadre du principe d’égalité. Ainsi, la Cour d’arbitrage belge, pourtant sensible aux intérêts des différentes communautés linguistiques, a rappelé ses obligations au législateur : le juge constitutionnel a suspendu puis annulé [13] pour rupture de l’égalité, un découpage électoral complexe adopté en vue de garantir la représentation de la minorité néerlandophone à Bruxelles et de la minorité francophone dans la banlieue de la capitale [14].

Le découpage des circonscriptions électorales est relativement stable dans les États étudiés. En effet, peu de législations imposent une révision périodique ou une période pendant laquelle la carte des circonscriptions doit être revue. Dans la majorité des États, la révision des limites des circonscriptions s’effectue à la discrétion de l’organe compétent.

En Albanie, en Bulgarie, au Canada, en France, au Gabon, à Madagascar, à Maurice, en Moldavie et en République tchèque, il est prévu une période précise pour le découpage ou une révision périodique de la carte des circonscriptions électorales. En Bulgarie, au Gabon, à Madagascar et en Moldavie, le découpage doit être effectué quelque temps avant l’élection [15]. D’autres dispositions prévoient une révision périodique. En Albanie, la Commission de découpage électoral doit se réunir tous les 5 ans pour formuler des propositions de révision. Au Canada et à Maurice, les propositions des commissions interviennent tous les 10 ans à la suite du recensement national. En République tchèque, la délimitation des petits districts suit l’évolution démographique. En France, l’article L 125 du code électoral impose la révision des limites des circonscriptions en fonction de l’évolution démographique, après le second recensement général de la population suivant la dernière délimitation. Le Conseil constitutionnel est venu préciser cette obligation dans sa décision des 1er et 2 juillet 1986 [16], en indiquant que la constatation de l’évolution démographique peut résulter de chaque recensement général de la population.

Dans les États dont le découpage électoral correspond au découpage national, notamment le Cambodge ou le Rwanda, des dispositions peuvent prévoir une révision périodique de la répartition des sièges. Ainsi, l’article 63 de la Constitution belge impose une nouvelle répartition des sièges à la suite du recensement décennal [17].

En Bulgarie, en France et en République tchèque, la révision du découpage électoral est interdite pendant la période qui précède l’élection, dans un souci de transparence et d’impartialité. Par exemple, en République tchèque, la révision est interdite entre l’annonce de la date des élections et la proclamation des résultats définitifs.

2. Les listes électorales

La tenue correcte des listes électorales est une condition essentielle de la sincérité du scrutin. Comme le découpage électoral, l’établissement des listes électorales est une opération préélectorale. Cependant, elle n’est pas directement liée à l’organisation d’un scrutin déterminé et exige une attention continue des autorités compétentes.

A. L’établissement et la révision des listes électorales

Tableau 29 – Les autorités chargées de l’établissement des listes électorales

L’administration de l’État

Les collectivités territoriales

La commission électorale centrale ou institution équivalente

Un organisme

ad hoc

Congo

France

Gabon

Liban

Maroc

Mauritanie

Sénégal

Slovénie

République tchèque

Togo

Albanie

Algérie

Belgique [18]

Bulgarie [19]

Égypte

France

Mali

Moldavie [20]

Monaco [21]

Roumanie [22]

Suisse [23]

Albanie [24]

Bénin

Burkina Faso

Cambodge

Canada

Guinée-Bissau

Haïti

Maurice [25]

Niger [26]

Rwanda

Cameroun [27]

Égypte

Madagascar

France [28]

Tchad [29]

Comme toute opération électorale, les listes électorales ne sont pas à l’abri des manipulations à des fins partisanes. Elles doivent être entourées de garanties qui touchent, en premier lieu, l’autorité chargée de leur établissement et de leur révision. L’attribution de cette tâche aux commissions électorales ou à une institution équivalente en Albanie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, en Guinée-Bissau, à Haïti, à l’Île Maurice, au Niger et au Rwanda répond à une volonté de transparence et de neutralité. Néanmoins, les commissions électorales ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. L’exemple des élections législatives au Mali en 1997 est le plus significatif. La Commission électorale nationale, qui était en charge de la révision des listes des électeurs, n’a pu mener à bien cette opération, faute de temps, de matériel adéquat et de personnel qualifié [30]. Depuis, les compétences de la CENI ont été réduites au suivi et au contrôle des élections et l’établissement des listes a été confié aux collectivités territoriales.

En outre, l’exigence de neutralité est garantie également lorsque les autorités publiques sont en charge de l’établissement des listes électorales, ce qui est le cas dans la majorité des États francophones. Par autorités publiques, on entend aussi bien l’administration d’État que les collectivités territoriales. Si la France apparaît dans plusieurs catégories du tableau ci-dessus, c’est parce que l’établissement des listes électorales est confié à l’autorité municipale sous le double contrôle du préfet et du président du tribunal de grande instance qui désignent chacun un membre de la commission administrative qui dresse la liste des électeurs dans chaque bureau de vote. De même, à Madagascar, une commission locale de recensement des électeurs est chargée de recenser tous les citoyens ayant acquis les qualités requises pour exercer le droit de vote dans chaque Fokontany (région). Elle est placée sous la responsabilité du président du Fokontany et est composée de 4 représentants de chaque secteur du Fokontany ; les organisations non gouvernementales, les associations et les organisations politiques sont membres de droit de cette commission. Une commission administrative, présidée par le préfet ou le sous-préfet arrête la liste électorale ; elle comprend les maires, le délégué administratif d’arrondissement, un représentant de chaque parti politique, un représentant de chaque ONG compétente en matière d’éducation civique et d’observation des élections. En Mauritanie, une commission composée de quatre membres, présidée par le préfet et comprenant un magistrat établit les listes électorales. La révision de celles-ci revient à une autre commission administrative au niveau communal, composée d’un magistrat, qui préside, d’un représentant de l’autorité administrative locale, du maire et d’un conseiller municipal.

Les sources à partir desquelles les listes électorales sont constituées sont variées, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 30 – Les sources des listes électorales

Pays

Sources des listes électorales

Albanie

Sur la base des registres des bureaux d’état civil

Algérie

Sur la base d’inscriptions obligatoires [31]

Belgique

À partir du recensement de la population

Bénin

Sur la base d’inscriptions volontaires

Bulgarie

À partir du recensement de la population

Burkina Faso

À partir du recensement de la population, sur la base d’inscriptions volontaires

Cambodge

Recensement de la population, sur la base d’inscriptions volontaires

Cameroun

Sur la base d’inscriptions volontaires

Canada

Sur la base d’inscriptions volontaires, coopération avec des organismes fédéraux et provinciaux [32]

Congo

Recensement de la population, inscriptions volontaires

Égypte

Recensement de la population, inscriptions obligatoires

France

Inscriptions volontaires et obligatoires

Gabon

Inscriptions volontaires

Guinée-Bissau

Recensement de la population

Haïti

Inscriptions volontaires

Liban

Recensement de la population, inscriptions volontaires

Madagascar

Recensement de la population

Mali

Recensement de la population

Maroc

Inscriptions volontaires

Maurice

Inscriptions volontaires, recensement annuel

Mauritanie

Recensement de la population, inscriptions volontaires

Moldavie

Inscriptions obligatoires

Monaco

N.C.

Niger

N.C.

Roumanie

Recensement de la population

Rwanda

Inscriptions obligatoires

Sénégal

Inscriptions volontaires

Slovénie

Sur la base du registre de la population

Suisse

Recensement de la population

Tchad

Recensement de la population, inscriptions volontaires

République tchèque

Recensement de la population, inscriptions obligatoires

Togo

Recensement de la population

Il n’y a pas de prescription précise concernant l’inscription des électeurs sur les listes électorales. L’enregistrement des électeurs relève soit de l’initiative de l’État, soit de la volonté des personnes remplissant les conditions nécessaires à l’exercice du droit de vote. Des contraintes pratiques imposent souvent la dernière solution. Néanmoins, il revient toujours à l’administration de faciliter et d’inciter les électeurs à s’inscrire.

Peu de pays établissent des procédures spécifiques d’inscription pour les populations non sédentaires. Au Sénégal, une commission itinérante d’inscription effectue l’enregistrement des nomades. La Suisse a prévu pour la population Rom le vote dans la commune d’origine à la place du lieu de résidence. Des procédures spécifiques sont également prévues au Cambodge (pour les travailleurs migrants), en France (pour les sans domicile fixe) et en Mauritanie.

La permanence des listes électorales est une caractéristique essentielle. Alors que le code de bonne conduite en matière électorale [33] de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe la préconise, l’Albanie, l’Algérie, la Belgique, la Bulgarie, l’Égypte, la Guinée-Bissau, le Liban, la Slovénie et le Tchad ne disposent pas de liste permanente. Au Bénin, les listes ne sont pas encore permanentes malgré les termes de l’article 11 de la loi du 3 janvier 2001. Des mesures sont en cours d’élaboration pour donner effet à cette disposition. En outre, tous les États, sauf le Burkina Faso, le Cameroun, Madagascar et la Moldavie, ont informatisé leurs listes électorales.

La publication des listes est également un élément important puisqu’elle permet l’accès des listes aux électeurs. Cet accès est garanti dans la majorité des pays des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., les listes étant publiées et consultables auprès des autorités. Par exemple, en Belgique, les listes peuvent être consultées à la municipalité ; en France et à Monaco, elles sont disponibles aux archives de la commune ; au Gabon, elles sont affichées au siège de la circonscription électorale pendant la période de révision. Au Canada et en Suisse, les listes ne sont pas publiées.

La publication doit intervenir suffisamment tôt pour que des corrections soient effectuées à temps pour le jour du scrutin.

Tableau 31 – La publication et la consultation des listes électorales

Albanie

Les listes préliminaires sont publiées 7 mois avant le terme du mandat électoral ; les listes définitives sont publiées 10 jours avant l’élection

Algérie

Non déterminé

Belgique

Les listes électorales peuvent être consultées à la municipalité jusqu’au 12e jour précédant celui de l’élection

Bénin

Non déterminé

Bulgarie

40 jours avant la date du scrutin

Burkina Faso

30 jours avant la date du scrutin

Cambodge

90 jours avant la date du scrutin

Cameroun

Non déterminé

Congo

10 jours avant la date du scrutin

Égypte

Chaque année, au mois de février

France

Les listes sont disponibles aux archives de la commune sans limitation de temps

Gabon

Du 1er au 31 mars, elles sont affichées au siège de la circonscription électorale et aux centres de vote

Guinée-Bissau

Non déterminé

Haïti

60 à 90 jours avant le scrutin

Liban

À partir du 10 février de chaque année

Madagascar

Elles peuvent être consultées au bureau du Fokontany

Mali

Non déterminé

Maroc

Non déterminé

Maurice

Date fixée par la loi

Mauritanie

Au plus tard 20 jours avant le scrutin

Moldavie

Au plus tard 10 jours avant les élections

Monaco

Le 16 janvier de chaque année

Niger

Au moins 2 mois avant chaque élection générale

Roumanie

Au maximun 15 jours après l’annonce de la date du scrutin

Rwanda

15 jours avant l’élection

Sénégal

Fixé par décret avant chaque élection

Slovénie

Au maximun 20 jours après l’annonce de la date du scrutin

République tchèque

Non déterminé

Tchad

45 jours avant le scrutin

Togo

Pas de délai fixe

Ce tableau doit être abordé en liaison avec le tableau suivant relatif à la révision des listes électorales. En effet, les dates de publication diffèrent souvent selon la périodicité de la mise à jour. Cette dernière est très importante pour la bonne tenue des listes électorales, qui doit prendre en compte les mouvements de population.

Tableau 32 – La mise à jour des listes électorales

Obligation légale de mise à jour des listes électorales

Périodicité de la mise à jour

Albanie

Articles 55 à 64 du code électoral

À chaque élection législative ou locale

Algérie

Code électoral

Au cours du dernier trimestre de chaque année, avant chaque consultation

Belgique

Article 10 du code électoral

80 jours avant le jour de l’election

Bénin

Article 11 de la loi du 3 janvier 2001

Avant toute élection sauf si celle-ci intervient 6 mois après la précédente élection

Bulgarie

Article 28 de la loi sur l’élection des députés

Avant chaque consultation nationale

Burkina Faso

Code électoral

Avant chaque élection générale

Cambodge

Code électoral

Chaque année

Cameroun

Les lois électorales

Chaque année

Canada

Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch.9, tel que modifié

Plusieurs fois par an, en période électorale

Congo

Article 7 de la loi électorale

Chaque année

Égypte

Article 15 de loi de 1956 sur l’organisation de l’exercice des droits politiques

Chaque année, du 1er novembre au 31 janvier

France

Article L16 du code électoral

Chaque année du 1er septembre au 31 décembre

Gabon

Ordonnance du 14 août 2002 modifiant la loi électorale

Chaque année du 1er au 31 mars

Guinée-Bissau

Article 25 de la loi n° 3/98 du 23 avril 1998

Avant chaque élection

Haïti

Loi électorale

Avant chaque élection

Liban

Loi électorale

Chaque année avant le 1er février

Madagascar

Code électoral

Chaque année du 1er décembre au 31 janvier

Mali

Loi électorale

Chaque année

Maroc

Oui

N.C.

Maurice

Representation of the People Act

Chaque année

Mauritanie

Ordonnance du 20 octobre 1987 sur les communes

Chaque année du 1er otobre au 31 décembre

Moldavie

Article 38 du Code électoral

Chaque année

Monaco

Article 6 de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, modifiée

Chaque année

Niger

Article 27 du code électoral

Chaque année

Roumanie

Loi n° 372/2002

Avant chaque élection

Rwanda

Loi organique n° 17/2003 du 7 juillet 2003

Avant chaque élection

Sénégal

Article L34 du code électoral

Chaque année

Slovénie

Article 21 de la loi sur le registre du droit de vote

Avant chaque élection

Suisse

Article 4 de la loi sur les droits politiques

Au fur et à mesure des changements de domicile

Tchad

Oui

Chaque année

République tchèque

Non

Togo

Article 62 du code électoral

Chaque année

Il existe deux groupes distincts d’États. D’un côté, nous avons les États qui opèrent une révision avant les échéances électorales. Il s’agit de l’Albanie, la Belgique, le Bénin, la Bulgarie, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, Haïti, la Roumanie, le Rwanda et la Slovénie. D’un autre côté, certains États opèrent une révision annuelle des listes électorales. C’est le cas au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en Égypte, en France, au Gabon, au Liban, à Madagascar, au Mali, à Maurice, en Mauritanie, en Moldavie, à Monaco, au Sénégal, au Tchad et au Togo. L’Algérie entre dans les deux catégories. Au Canada et en Suisse, la révision des listes électorales est permanente, les autorités chargées de leur établissement enregistrent les modifications au fur et à mesure qu’elles se présentent à elles.

La mise à jour des listes électorales est effective dans la majorité des États. Toutefois, la Cour constitutionnelle albanaise précise que si elle est globalement satisfaisante, des irrégularités ont été constatées. Les Cours du Congo, du Niger et du Tchad soulèvent également des problèmes de mise à jour. Au Congo, le manque de moyens est à l’origine de dysfonctionnements. La Cour constitutionnelle du Niger relève une contradiction entre la compétence de la Commission électorale pour l’établissement des listes et l’obligation annuelle de révision. La Commission n’étant pas permanente, la mise à jour des listes s’effectue, en réalité, en fonction des consultations électorales.

B. Le fichier électoral central (ou liste électorale nationale)

En fichier électoral central répertorie l’ensemble des listes électorales du pays. Le Cameroun, la Moldavie, la Slovénie, la Suisse et la République tchèque ne disposent pas de fichier national [34]. En ce qui concerne les autres États, la majorité des fichiers centraux sont informatisés, à l’exception des fichiers béninois, burkinabé et égyptien. Des programmes d’informatisation sont en cours au Bénin et au Burkina Faso.

C. Le contentieux des listes électorales

Les opérations d’établissement et de révision des listes électorales doivent pouvoir faire l’objet de réclamations conformément aux exigences de l’État de droit.

Tableau 33 – Le contentieux des listes électorales

Pays

Juridiction compétente

Recours ouvert aux citoyens

Albanie

La Commission électorale locale, le tribunal de grande instance

OUI

Algérie

Les juridictions de droit commun [35]

OUI

Belgique

Le Collège des bourgmestres et échevins, appel près la Cour d’appel

OUI

Bénin

La Cour constitutionnelle

OUI

Bulgarie

Les autorités municipales, le tribunal de district

OUI

Burkina Faso

La Commission électorale hiérarchiquement supérieure,

le tribunal administratif en appel

OUI

Cambodge

Le Comité national des élections et le Conseil constitutionnel

OUI

Cameroun

La Commission départementale de supervision [36] et la Cour d’appel

OUI

Canada

Le Commissaire aux élections fédérales, les tribunaux de droit commun

OUI

Congo

Le tribunal de grande instance

OUI

Égypte

La Cour du contentieux administratif au Conseil d’État [37]

OUI

France

Le tribunal d’instance [38]

OUI

Gabon

Les juridictions administratives

OUI

Guinée-Bissau

Le Tribunal suprême de justice

NON

Haïti

Le Conseil électoral

OUI

Liban

Le Conseil d’État, et incidemment le Conseil constitutionnel à l’occasion d’un recours en annulation [39]

OUI

Madagascar

Le tribunal de première instance [40]

OUI

Mali

Le tribunal civil

OUI

Maroc

Le tribunal de première instance

OUI

Maurice

Le juge des référés (Cour suprême) [41]

OUI

Mauritanie

Les commissions administratives, la Chambre administrative de la Cour suprême

OUI

Moldavie

Les organes électoraux supérieurs et les juridictions de droit commun

OUI

Monaco

Le tribunal de première instance [42]

OUI

Niger

La commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelle

OUI

Roumanie

Les tribunaux de droit commun

OUI

Rwanda

La Commission nationale électorale et la Cour suprême

OUI

Sénégal

Le tribunal départemental, le Conseil d’État en appel

OUI

Slovénie

La Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)

OUI

Suisse

Le Gouvernement cantonal, le Tribunal fédéral (recours de droit administratif)

OUI

Tchad

Le tribunal de première instance

NON

République tchèque

La mairie, le tribunal régional (section administrative)

OUI

Togo

Le tribunal de première instance

OUI

Les recours sont possibles dans la totalité des États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. Selon les pays, c’est le juge judiciaire, le juge administratif [43] ou le juge électoral qui est compétent. En premier lieu, des procédures administratives ou des recours gracieux auprès de l’organe qui a établi la liste sont prévues, notamment en Albanie, en Belgique, au Burkina Faso, au Cameroun, au Liban, à Madagascar, à Maurice, en Mauritanie, en Moldavie, à Monaco, au Niger, au Rwanda, en Suisse, en République tchèque. Cette procédure doit obligatoirement être sujette à un contrôle judiciaire. Haïti constitue une exception puisque la commission électorale est compétente en premier et dernier ressort ; elle est cependant assistée de deux juristes pour ses attributions contentieuses.

Le contentieux des listes électorales est confié au juge électoral de façon moins générale. Dans le cadre de référence, il s’agit du Bénin, de l’Égypte, de la Guinée-Bissau, du Liban, de Maurice, du Niger, du Rwanda et de la Suisse.

Nous pouvons constater que bien qu’une majorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. dispose d’attributions en matière électorale, un très petit nombre connaît du contentieux des listes électorales. Cela s’explique par le fait que ce contentieux met en jeu des questions qui relèvent de la compétence de droit commun du juge judiciaire, c’est-à-dire des questions de domicile, de nationa lité, d’état et de capacité des personnes. Cela apparaît dans une grande partie des États qui ont attribué ce contentieux aux juridictions civiles.

En même temps, l’établissement des listes électorales relevant de l’administration, il s’agit d’actes administratifs susceptibles de recours devant le juge administratif. Ceci explique que certains pays aient opté pour cette voie de recours, notamment le Burkina Faso, la Mauritanie, le Sénégal, la Slovénie ou la République tchèque. L’Algérie a également choisi cette solution depuis février 2004 [44].

L’ambiguïté de ce contentieux ne s’arrête pas à ce stade. Il est vrai que l’établissement des listes électorales n’a pas forcément lieu en période électorale, ce qui justifie en partie que le juge électoral ne soit pas compétent. Cependant, il se peut que la fraude ou l’erreur n’apparaisse qu’à l’occasion d’une élection. Le juge de la sincérité et de la régularité du scrutin peut alors se saisir de la question. La situation française est caractéristique de la « polymorphie » du contentieux des listes électorales. Ainsi, le tribunal d’instance connaît de la contestation d’un électeur lorsqu’elle vise son sort personnel et n’est pas liée au déroulement du scrutin. Le tribunal administratif connaît des recours du préfet qui visent la régularité formelle des opérations de révision. Le Conseil constitutionnel est compétent pour les irrégularités soulevées lors des résultats du scrutin [45] et qui résultent d’une « manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin [46] ».

Les juges n’ont pas toujours le pouvoir suffisant pour répondre à la complexité de ce contentieux. Par exemple, au Mali, lors des élections de 1997, si la loi électorale prévoyait la compétence du juge judiciaire civil pour les irrégularités et si la Cour constitutionnelle pouvait connaître des « irrégularités commises lors de l’établissement des listes qui ont eu des conséquences sur la sincérité des opérations électorales proprement dites [47] », aucun de ces deux juges n’a reçu le pouvoir de contrôler les contestations relatives à la légalité de l’établissement de la liste électorale [48].

Enfin, parce qu’il touche à l’état et à la capacité des personnes, le contentieux des listes électorales est largement ouvert aux citoyens, sauf en Guinée-Bissau et au Tchad. En revanche, les Cours remettent rarement en cause des résultats du fait d’irrégularités dans les listes électorales, à l’exception notable de la Cour constitutionnelle du Mali. Les Cours invalident généralement les scrutins lorsque les inscriptions frauduleuses dépassent l’écart des suffrages qui séparent les deux candidats. En ce qui concerne le Mali, nous avons déjà évoqué les difficultés de la Commission électorale lors de la révision des listes en 1997. Elles ont donné lieu à des annulations de scrutins dans l’arrêt n° 97-046 du 25 avril 1997.

3. Les cartes d’électeur

La carte d’électeur est le document officiel attestant de la qualité d’électeur et de l’inscription sur une liste électorale [49]. Elle constitue également un moyen de contrôle de l’identité de l’électeur. Si la carte d’électeur caractérise l’appartenance au corps électoral et l’accomplissement des devoirs civiques, elle n’est, cependant, pas impérative. Aussi, de nombreux pays n’établissent pas de cartes d’électeur ; un document officiel attestant de l’identité de l’électeur suffit à prouver l’inscription sur la liste électorale.

Parmi les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., le Canada et l’Île Maurice n’émettent pas de cartes d’électeur. L’identification se fait sur la base des pièces d’identité officielles (passeport, permis de conduire…). En Belgique, tous les électeurs doivent disposer d’une lettre de convocation individuelle. Elle doit être présentée au bureau de vote ; à l’issue du vote un cachet est apposé sur la convocation de sorte que l’électeur puisse établir qu’il a effectivement voté. Cette convocation est envoyée par le Collège des bourgmestres et échevins de la commune où l’électeur est inscrit, 15 jours au moins avant l’élection. L’électeur qui ne l’a pas reçue peut la retirer au secrétariat communal jusqu’au jour de l’élection à 12 heures.

Ce système constitue une sorte de trait d’union entre les pays qui instaurent des cartes d’électeur et les autres. D’une certaine manière, le système belge n’est pas si différent de ce qui prévaut en Slovénie où les cartes s’apparentent à des cartes de convocation pour chaque consultation. Aussi, nous observons que l’Europe centrale semble moins attachée à la carte d’électeur. Les électeurs bulgares n’en ont pas besoin. Seulement 40 % des électeurs albanais sont munis de la carte d’électeur, qui, si elle a été créée en 2000, n’est plus prévue par le code électoral de juin 2003. En Roumanie, les cartes ont également été créées en 2000. En Moldavie et en République tchèque, si elles existent depuis les années 1920, les cartes d’électeur, comme en Slovénie, ne sont valables que pour une élection.

Dans les autres États étudiés, les électeurs sont munis d’une carte. La date de leur création va de 1820 pour la France à l’an 2000 pour le Liban. La majorité des États africains les a instituées lors de l’accession à l’indépendance, Monaco en 1968, le Cambodge en 1993, l’Égypte en 1923, la Guinée-Bissau en 1994, Haïti en 1987, le Mali en 1946, la Mauritanie en 1986, le Tchad en 1995. L’utilisation de la carte d’électeur n’est cependant pas obligatoire dans certains de ces pays. En Albanie, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en Égypte, en France, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Niger, en Roumanie et au Tchad, un électeur peut voter sur simple présentation d’une pièce d’identité. Au Congo, une déclaration de deux témoins attestant l’identité de l’électeur suffit pour les habitants des zones rurales reculées. À Madagascar, l’identification peut se faire par le biais d’une ordonnance délivrée par l’autorité judiciaire compétente. Au Niger, les électeurs peuvent produire une carte professionnelle, une carte d’étudiant, un livret de pension ou de famille.

Le tableau suivant présente les autorités chargées de la confection des cartes d’électeur. Une fois de plus, la compétence est partagée entre l’administration de l’État et les commissions électorales indépendantes. Nous observerons, néanmoins, que les autorités locales, en particulier les municipalités, et les antennes locales des commission électorales ont un rôle dominant dans la confection des cartes d’électeur.

Tableau 34 – Les autorités chargées de la confection des cartes d’électeur

L’administration de l’État

Un service de la commission électorale centrale

Au niveau local, les commissions électorales ou les municipalités

Une société informatique requise par la commission électorale (sous-traitance)

Autres

Cameroun

Albanie

Algérie

Bénin [50]

Tchad (la

Congo

Burkina Faso

Égypte

Cambodge

Commission

France

Égypte

Guinée-Bissau

Haïti

nationale de

Gabon

Guinée-Bissau

Maroc

recensement

Guinée-Bissau

Moldavie

Monaco

électoral)

Liban

Niger

République

Madagascar

Rwanda

tchèque (mairie

Mali [51]

Slovénie

ou ambassade)

Maroc

Mauritanie

Roumanie

Sénégal

Suisse

Togo

Les cartes d’électeur sont numérotées dans la plupart des pays, à l’exception de la France, la Moldavie et la Slovénie. Elles sont, en revanche, peu nombreuses à être dotées d’un système anti-fraude. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin, de la Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, de la Slovénie, du Tchad et du Togo.

La durée de validité des cartes est très variable d’un État à un autre. Nous avons déjà évoqué la Moldavie, la Slovénie et la République tchèque où la carte ne vaut que pour une élection. C’est également le cas au Congo, à Haïti, à Monaco, au Niger et au Togo. Certaines cartes ont un durée de vie illimitée, notamment au Burkina Faso, au Cambodge, en Guinée-Bissau, au Maroc, ou ne valent que pour un nombre déterminé de scrutins comme en Albanie, au Gabon, au Liban ou au Tchad. Enfin, en France, la durée de vie des cartes d’électeur est de 3 ans.

La transmission des cartes d’électeur doit s’effectuer un certain temps avant le jour du scrutin. Le tableau suivant présente les autorités de transmission et précise si les cartes électorales sont retirées par les électeurs ou distribuées par les autorités.

Tableau 35 – La transmission des cartes d’électeur

Pays

Transmission aux électeurs

Albanie

Retirées par les électeurs à la Commission électorale centrale

Algérie

Retirées par les électeurs au service des élections de la commune, envoyées aux électeurs par ces mêmes services

Bénin

Remises aux électeurs lors de l’inscription sur la liste électorale dans chaque bureau d’enregistrement

Burkina Faso

Retirées par les électeurs auprès de la Commission électorale nationale indépendante et de ses démembrements

Cambodge

Retirées par les électeurs auprès de la Commission électorale communale

Cameroun

Retirées par les électeurs auprès des commissions de contrôle, d’établissement et de distribution des cartes électorales

Congo

Retirées par les électeurs auprès des antennes locales de la Commission nationale électorale

Égypte

Retirées par les électeurs auprès des commissions électorales

France

Envoyées aux électeurs par la mairie

Gabon

Retirées par les électeurs dans les centres de vote

Guinée-Bissau

Retirées par les électeurs auprès des commissions de recensement

Haïti

Retirées par les électeurs auprès des bureaux d’inscription sur les listes électorales

Liban

Retirées par les électeurs auprès du ministère de l’Intérieur

Madagascar

Retirées par les électeurs auprès de la collectivité territoriale de base ou envoyées par le président de cette même collectivité

Mali

Retirées par les électeurs à la mairie, envoyées aux électeurs par la Commission de distribution

Maroc

Retirées par les électeurs

Mauritanie

Retirées par les électeurs aux bureaux de vote

Moldavie

Envoyées aux électeurs par la Commission électorale centrale par le biais des conseils électoraux de circonscriptions

Monaco

Envoyées aux électeurs par la Mairie de Monaco

Niger

Retirées par les électeurs auprès des structures administratives et coutumières

Roumanie

Retirées par les électeurs auprès de l’administration

Rwanda

Retirées par les électeurs auprès de l’antenne locale de la Commission électorale

Sénégal

Retirées par les électeurs auprès de la Commission de distribution des cartes d’électeur

Slovénie

Envoyées aux électeurs par la Commission électorale

Suisse

Envoyées aux électeurs par l’administration

Tchad

Retirées par les électeurs lors de l’inscription sur les listes

République tchèque

Retirées par les électeurs à la mairie ou à l’ambassade

Togo

Retirées par les électeurs auprès des comités administratifs des listes et cartes

Dans la majorité des États, les cartes d’électeur sont retirées directement par les électeurs, ce qui peut poser des problèmes lorsque ces derniers sont obligés de les présenter au bureau de vote. Seuls la France, Madagascar, le Mali, la Moldavie, Monaco, la Slovénie et la Suisse envoient les cartes chez les électeurs. La transmission s’effectue, en règle générale, par la voie des structures décentralisées de gestion des élections, que ce soit l’administration par le biais des autorités municipales, ou les antennes locales des commissions électorales.

Peu de Cours font état de dysfonctionnements dans la distribution des cartes d’électeur. Parmi les États qui envoient les cartes directement chez les électeurs, la Cour de Madagascar précise que la réception du document est parfois aléatoire. La Slovénie a connu un problème ponctuel concernant les électeurs votant par procuration, dont certains ont reçu les documents trop tard. Il a alors été pris la décision de proroger les délais de réponse de ces électeurs.

Lorsque les électeurs doivent retirer leur carte, il est possible que les inscrits sur les listes électorales ne viennent pas la chercher. C’est notamment le cas en Albanie où la carte électorale semble avoir des difficultés à s’introduire dans les habitudes électorales du pays. En outre, au Cambodge, les électeurs sont à l’origine des difficultés, en particulier les frontaliers. Néanmoins, il se peut que les autorités n’informent pas correctement les citoyens, comme au Cameroun où beaucoup d’électeurs ne connaissent ni les dates ni les lieux de retrait des cartes. Au Bénin, au Congo, au Gabon, au Maroc et au Niger, des problèmes matériels perturbent la bonne diffusion des cartes et l’exactitude des informations inscrites.

Pour autant, aucune des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. n’a annulé une élection pour cause d’irrégularités liées aux cartes d’électeur, même si la Cour béninoise avoue avoir invalidé les suffrages de certains bureaux de vote. Les cartes d’électeur ne génèrent pas un contentieux aussi important que les listes électorales.

4. Les candidatures

Plus encore que l’établissement des circonscriptions électorales, des listes électorales et des cartes d’électeur, la candidature est l’acte initial de la procédure électorale. Elle est aussi un acte juridique par lequel une personne se propose ou est proposée comme candidat au suffrage. Elle est indissociable de la démocratie représentative moderne, mais la candidature doit être libre afin de garantir le caractère démocratique d’une élection.

A. Les conditions d’éligibilité

L’acte de candidature est encadré par certaines conditions. Ces dernières doivent être déterminées par les textes applicables en matière électorale de manière claire et précise dans l’objectif d’éviter tout arbitraire des pouvoirs publics. Ces exigences concernent aussi bien le fond que la forme de la candidature.

En ce qui concerne le fond, la plupart des Constitutions se contentent de définir de manière sommaire les conditions d’éligibilité, qui s’articulent souvent autour de l’âge et de la nationalité. La pleine jouissance des droits civils et politiques est également impérative pour pouvoir se présenter à un mandat représentatif.

Les tableaux suivants présentent les conditions d’âge, de résidence et de nationalité dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.

Tableau 36 – Les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle

(Pays non concernés : Belgique, Cambodge, Canada, Maroc, Monaco, Suisse)

Pays

Âge minimum

Délai de résidence dans le pays

Condition de nationalité/ citoyenneté [52]

Albanie

40 ans

Au moins 10 ans

Nationalité albanaise

Algérie

40 ans

Aucun

Nationalité algérienne d’origine, de religion islamique

Bénin

40 ans (70 ans au plus)

Au moment des élections

Nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins 10 ans

Bulgarie

40 ans

5 ans

Nationalité bulgare de naissance

Burkina Faso

35 ans

Aucun

Burkinabé de naissance et né de parents burkinabé

Cameroun

35 ans

12 mois

Citoyen camerounais de naissance

Congo

40 ans

(70 au plus)

2 ans

Nationalité congolaise de naissance

Égypte

40 ans

Aucun

Nationalité égyptienne de naissance

France

23 ans

Aucun

Nationalité française

Gabon

40 ans (70 au plus)

Aucun

Gabonais d’origine [53]

Guinée-Bissau

35 ans

Aucun

Nationalité guinéenne de naissance et enfant de guinéens de naissance

Haïti

35 ans

5 ans

Haïtien de naissance

Liban

25 ans

Aucun

Nationalité acquise depuis au moins 10 ans

Madagascar

40 ans

Aucun

Avoir la nationalité malgache depuis au moins 10 ans

Mali

35 ans

Aucun

Nationalité malienne de naissance

Maurice

40 ans

5 ans

Nationalité mauricienne

Mauritanie

40 ans

OUI

Nationalité mauritanienne, de religion islamique

Moldavie

40 ans

10 ans

Citoyen moldave

Niger

40 ans

Aucun

Nigérien de naissance

Roumanie

35 ans

Aucun

Citoyenneté roumaine

Rwanda

35 ans

Aucun

Nationalité rwandaise et ne pas avoir d’autre nationalité

Sénégal

35 ans

Aucun

Nationalité sénégalaise et ne pas avoir d’autre nationalité

Slovénie

18 ans

Aucun

Citoyenneté slovène

Tchad

35 ans

12 mois

Tchadien de naissance, né de parents tchadiens de naissance, ne pas avoir d’autre nationalité

République tchèque

40 ans

Aucun

Nationalité tchèque

Togo

35 ans

12 mois

Nationalité togolaise de naissance

Tableau 37 – Les conditions d’éligibilité aux élections parlementaires

Pays

Âge minimum

Délai de résidence dans la pays

Condition de nationalité/ citoyenneté

Albanie

18 ans

Aucun

Nationalité albanaise

Algérie

28 ans pour l’Assemblée du peuple, 40 ans pour le Conseil de la Nation

Aucun

N.C.

Belgique

21 ans

Aucun

Nationalité belge

Bénin

25 ans

S’il est béninois de naissance, il doit résider sur le territoire depuis un an ; s’il est naturalisé, il doit être domicilié sur le territoire et y vivre sans interruption depuis au moins 10 ans

Nationalité béninoise

Bulgarie

21 ans

Aucun

Citoyenneté bulgare et ne pas avoir d’autre citoyenneté

Burkina Faso

21 ans

Aucun

Nationalité de naissance ou acquise depuis au moins 10 ans

Cambodge

25 ans pour l’Assemblée nationale, 40 ans pour le Sénat

Aucun

Khmer de naissance

Cameroun

23 ans

Aucun

Nationalité camerounaise

Canada

18 ans

Aucun

Nationalité canadienne

Congo

25 ans pour l’Assemblée nationale, 45 ans pour le Sénat

Au moment du dépôt de candidature

Nationalité congolaise

Égypte

30 ans [54]

N.C.

Nationalité égyptienne

France

23 ans pour l’Assemblée nationale, 30 ans pour le Sénat

Aucun

Nationalité française

Gabon

18 ans pour l’Assemblée nationale, 40 ans pour le Sénat

Aucun

Nationalité gabonaise

Guinée-Bissau

21 ans

Aucun

Nationalité guinéenne

Haïti

25 pour les députés, 30 ans pour les sénateurs

4 ans dans le département concerné

Haïtien de naissance

Liban

25 ans

Aucun

Nationalité acquise depuis au moins 10 ans

Madagascar

21 ans pour les députés, 40 ans pour les sénateurs

Aucun

Nationalité malgache depuis au moins 10 ans

Mali

21 ans

Aucun

Nationalité malienne

Maroc

23 ans pour la Chambre des représentants, 30 ans pour la Chambre des conseillers

N.C.

N.C.

Maurice

18 ans

2 ans avant le dépôt de candidature

Citoyen du Commonwealth

Mauritanie

35 ans

OUI

Nationalité mauritanienne

Moldavie

18 ans

OUI

Citoyen moldave

Monaco

25 ans

Aucun

Nationalité monégasque depuis 5 ans

Niger

25 ans

Aucun

Nationalité nigérienne

Roumanie

23 ans pour l’Assemblée, 33 ans pour le Sénat

Aucun

Citoyen roumain

Rwanda

21 ans

Aucun

Nationalité rwandaise et

ne pas avoir pas d’autre nationalité

Sénégal

25 ans

Aucun

Nationalité sénégalaise depuis 10 ans et ne pas avoir d’autre nationalité

Slovène

18 ans

Aucun

Citoyenneté slovène

Suisse

18 ans

Aucun

Nationalité suisse

Tchad

25 ans

12 mois

Citoyen tchadien

République tchèque

21 ans pour la Chambre des députés, 40 ans pour le Sénat

Aucun

Nationalité tchèque

Togo

25 ans

6 mois

Nationalité togolaise de naissance

Les conditions d’accès à la présidence sont plus sévères que les conditions d’accès au Parlement. Hormis en France, au Liban et en Slovénie, l’âge minimum des candidats à l’élection présidentielle est plus élevé que celui requis pour les candidats aux élections des chambres basses. Il s’élève, en règle générale, à 35 ou 40 ans. De même, des différences d’âge similaires existent pour devenir sénateur. En outre, l’âge minimum d’accès aux fonctions électives correspond exceptionnellement à l’âge de la majorité politique. C’est en particulier le cas en Albanie, au Canada, au Gabon, à Maurice, en Moldavie, en Slovénie et en Suisse.

Les conditions de résidence et de nationalité sont également plus strictes à l’égard des candidats à l’élection présidentielle. Le tableau signale qu’une majorité d’États réserve le poste de chef de l’État aux nationaux de naissance. Cette condition est également exigée pour les élections parle mentaires dans certains États. Les critères peuvent être encore plus exigeants. Par exemple, en Guinée-Bissau ou au Tchad, les parents du candidats doivent également avoir possédé la nationalité du pays à leur naissance. Au Gabon, cette condition s’étend jusqu’à la quatrième génération. Lorsque la naturalisation suffit pour se présenter à des élections, elle doit être intervenue depuis un certain temps, qui s’élève à 10 ans au Bénin, au Liban, à Madagascar pour les deux scrutins nationaux et au Burkina Faso et au Sénégal pour l’élection du Parlement. En outre, certains pays rejet tent la double nationalité, notamment, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad, la Bulgarie. À l’inverse, l’Île Maurice ouvre son Parlement à tous les citoyens du Commonwealth.

D’autres conditions d’éligibilité entrent en jeu, comme l’accomplissement du service militaire en Égypte, la connaissance orale et écrite d’une des deux langues officielles au Cameroun, un contrôle médical des candidats au Bénin… Les incompatibilités de fonction sont également nombreuses. Nous pouvons citer comme illustration le Bénin qui interdit l’accès à la présidence à tout membre en fonction dans les Forces armées ou de sécurité publique [55]. Certaines dispositions nationales sont très exigeantes. Ainsi, l’article 73 de la Constitution algérienne énonce les conditions d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle comme telles :

Art. 73 – « Pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit :

  • jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine ;
  • être de confession musulmane ;
  • avoir quarante (40) ans révolus au jour de l’élection ;
  • jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;
  • attester de la nationalité algérienne du conjoint ;
  • justifier de la participation à la Révolution du 1er Novembre 1954 pour les candidats nés avant juillet 1942 ;
  • justifier de la non-implication des parents du candidat né après juillet 1942, dans des actes hostiles à la Révolution du 1er novembre 1954 ;
  • produire la déclaration publique du patrimoine mobilier et immobilier, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Algérie.
  • D’autres conditions sont prescrites par la loi. »

Sur la forme, nous nous intéresserons particulièrement à l’origine des candidatures. La liberté de proposer une candidature est un des éléments fondamentaux de la démocratie pluraliste. À l’inverse dans les régimes autoritaires, les candidats sont imposés par le pouvoir en place. Néanmoins, il est acceptable qu’une réglementation encadre l’acte de candidature même dans les régimes représentatifs. Ainsi, certains pays n’autorisent pas les candidatures individuelles et, par conséquent, placent cet acte sous la responsabilité des partis politiques.

Tableau 38 – L’origine des candidatures

Élection présidentielle

Élections parlementaires

Candidature individuelle

Investiture par un parti ou un

groupement politique

Candidature individuelle

Investiture par un parti ou un

groupement politique

Algérie

Albanie [56]

Albanie

Albanie

Bénin

Algérie

Algérie

Algérie

Bulgarie

Bulgarie

Belgique

Belgique

Burkina Faso

Burkina Faso

Bulgarie

Bénin

Cameroun

Cameroun

Canada

Bulgarie

Congo

Égypte [57]

Congo

Burkina Faso

France

Gabon

Égypte

Cambodge

Gabon

Guinée-Bissau

France

Cameroun

Guinée-Bissau

Haïti

Gabon

Canada

Haïti

Madagascar

Haïti

Congo

Liban [58]

Madagascar

Mali

Maurice [59]

Mauritanie

Moldavie

Niger

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Tchad

République tchèque [60]

Togo

Moldavie

Niger

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Tchad

Togo

Liban

Madagascar

Mali

Maroc

Maurice

Moldavie

Monaco

Niger

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Suisse

Togo

Égypte

Gabon

Guinée-Bissau

Haïti

Madagascar

Mali

Maroc

Maurice

Mauritanie

Moldavie

Niger

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Slovénie

Suisse

Tchad

République tchèque

Togo

Nous observons, une fois de plus, une différence entre l’élection présidentielle et les élections parlementaires. La première autorise en priorité les candidatures individuelles, même si la majorité des pays acceptent parallèlement des candidats investis par les partis politiques. La situation est inverse pour le choix du corps législatif. Ceci illustre le fait que le choix du chef de l’État met en avant une personnalité individuelle. En outre, des différences peuvent s’expliquer par le mode de scrutin, les scrutins de liste à la proportionnelle favorisant davantage les candidats investis par les partis politiques que le scrutin majoritaire uninominal.

Les candidatures individuelles doivent fréquemment être appuyées par des élus locaux. C’est le cas, entre autres, en France [61] et en Mauritanie [62]. Le « parrainage » est utile pour éviter les candidatures fantaisistes, mais le nombre de signatures requises doit rester raisonnable pour garantir la liberté de candidature.

Néanmoins, il convient de souligner la mainmise des partis politiques sur la candidature et sur l’ensemble du processus électoral. La domination des partis de masse, le besoin de moyens de pro pagande, la charge financière et logistique et la complexité de tous les actes juridiques et politiques inhérents au bon déroulement des procédures électorales rendent exceptionnelles les candidatures non soutenues par une formation politique.

Afin de garantir une fidèle représentation des diverses composantes de la société, le constituant et le législateur ont pu élaborer des dispositions permettant un meilleur accès de certaines catégories de personnes aux fonctions électives. Ces normes concernent principalement les minorités nationales et les femmes. Si les pouvoirs publics ne peuvent se soustraire au choix des électeurs pour des raisons de respect de la volonté populaire, ils peuvent néanmoins contraindre les formations politiques à proposer des candidats de sexe féminin ou issus des minorités nationales. En ce qui concerne les femmes, la Belgique, la France, le Maroc, le Niger, le Rwanda et la Slovénie disposent de normes prévoyant une exigence de parité femmes/hommes dans la présentation des candidatures. Cette exigence prend, généralement, la forme de quotas. En France, au Rwanda et en Slovénie, la parité résulte de dispositions constitutionnelles. L’article 3 de la Constitution française et l’article 43 de la Constitution slovène imposent au législateur de prendre des mesures susceptibles de favoriser l’égal accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives. Des lois ont été adoptées pour mettre en œuvre cette obligation. L’article 9 de la Constitution du Rwanda fixe elle même un quota féminin de 30 % dans les instances de prise de décision. En Belgique, la loi du 18 juillet 2002 a introduit l’exigence de parité à l’article 117bis du code électoral. De même, la loi organique 06-02 modifiant la loi organique 31-97 relative à la Chambre des représentants du Royaume du Maroc, institue un système de quotas. La loi n° 2000-008 du 7 juin 2000 du Niger étend l’exigence de parité aux fonctions gouvernementales et à l’administration d’État.

La candidature à des fonctions électives est un acte positif. Parce qu’elle implique parfois des conséquences juridiques, la déclaration de candidature doit respecter un certain formalisme. Une déclaration orale est de moins en moins souvent acceptée. Dans 21 pays, il existe un modèle de déclaration de candidature. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin [63], du Cambodge, du Canada [64], du Congo, de l’Égypte, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, de Madagascar, du Mali[65], du Maroc, de Maurice, de la Moldavie, de la Roumanie, du Rwanda, de la Slovénie, du Tchad, de la République tchèque et du Togo.

La candidature est également un acte très complexe. Les candidats individuels ou soutenus par de petites formations politiques n’ont pas toujours les capacités techniques pour constituer correctement leur dossier. Une aide est souvent nécessaire. Les Cours constitutionnelles semblent les plus aptes à l’apporter. Néanmoins, seules les Cours de Madagascar et du Tchad peuvent être sollicitées par un candidat pour la constitution de son dossier par le biais du Greffe ou du Secrétariat général. De son côté, la Cour constitutionnelle du Togo avoue répondre aux demandes des candidats de manière informelle.

B. L’enregistrement des candidatures

Tableau 39 – L’enregistrement des candidatures [66]

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES

Albanie

L’Assemblée nationale

La Commission électorale centrale

Algérie

Le Conseil

La wilaya (département)

Belgique

Le président du bureau principal de la circonscription électorale

Bénin

La Commission électorale nationale autonome

La Commission électorale nationale autonome

Bulgarie

La Commission électorale centrale

Les commissions électorales de circonscription

Burkina Faso

Le Conseil

La Commission électorale centrale

Cambodge

La Commission électorale centrale

Cameroun

Le ministère de l’Intérieur

La préfecture

Canada

Le directeur du scrutin de la circonscription [67]

Congo

Le ministère de l’Intérieur

Le ministère de l’Intérieur

Égypte

L’Assemblée du peuple

N.C.

France

Le Conseil

Les préfectures

Gabon

Le ministère de l’Intérieur,

la Commission électorale centrale

Le ministère de l’Intérieur,

la Commission électorale centrale

Guinée-Bissau

La Cour

la Cour

Haïti

La Commission électorale centrale

La Commission électorale centrale

Liban

N.C.

Le ministère de l’Intérieur

Madagascar

La Cour

La Commission administrative de vérification des candidatures

Mali

La Cour

Le ministère de l’Intérieur

Maroc

Le ministère de l’Intérieur

Maurice

L’Assemblée

Le Bureau du commissaire électoral

Mauritanie

Le Conseil

L’administration locale [68]

Moldavie

N.C.

La commission électorale centrale

Monaco

La Mairie de Monaco

Niger

Le ministère de l’Intérieur,

la Commission électorale centrale

Le chef-lieu de la circonscription administrative

Roumanie

La Commission électorale centrale

Les bureaux électoraux de circonscription

Rwanda

La Commission électorale centrale

La Commission électorale centrale

Sénégal

Le Conseil

Le ministère de l’Intérieur

Slovénie

La Commission électorale centrale

La Commission électorale de circonscription

Suisse

L’administration (les cantons)

Tchad

Le Conseil

La Commission électorale centrale

République tchèque

La Chambre des députés

Les organes administratifs de la région

Togo

La Commission électorale centrale

La Commission électorale centrale

Les Cours d’Algérie, du Burkina Faso, de France, de Guinée-Bissau, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Sénégal et du Tchad enregistrent les candidatures à la présidence de la République. En revanche, seul le Tribunal suprême de justice de Guinée-Bissau a la même compétence en ce qui concerne l’enregistrement des candidats aux élections parlementaires. Les Cours constitutionnelles interviennent donc davantage dans les élections présidentielles dont elles arrêtent généralement la liste des candidats. Les commissions électorales centrales sont également compétentes dans un nombre élevé de pays (Bénin, Bulgarie, Gabon, Haïti, Niger, Roumanie, Rwanda, Slovénie et Togo), ce qui pose, une fois de plus, la question de la concurrence des attributions entre ces institutions et les Cours constitutionnelles. Le ministère de l’Intérieur, qui tradi tionnellement est l’autorité de gestion du processus électoral, ne se voit reconnaître la fonction d’enregistrement des candidatures que dans une minorité d’États (Congo, Cameroun, Niger et le Gabon en coopération avec la commission électorale). Dans les États où le choix du chef de l’État n’est pas soumis au suffrage universel, l’enregistrement se fait à l’intérieur même du corps électoral c’est-à-dire du Parlement. C’est notamment le cas en République tchèque. L’Égypte est dans une situation intermédiaire puisque la candidature à la présidence est présentée à l’Assemblée du peuple par au moins un tiers de ses membres. Le candidat proposé doit obtenir les deux tiers des suffrages de l’Assemblée pour ensuite être soumis à l’approbation des citoyens par voie de référendum.

En ce qui concerne les élections parlementaires, qui se déroulent généralement au niveau des circonscriptions électorales, les déclarations de candidature se font, le plus souvent, auprès des autorités administratives locales (préfectures, départements, cantons…) ou des antennes locales des commissions électorales.

C. Le contentieux relatif aux candidatures

Tableau 40 – La compétence des cours constitutionnelles en matière de contentieux relatif aux candidatures

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES

Albanie

Oui [69]

Non [70]

Algérie

Compétence en premier et dernier ressort

Non [71]

Belgique

Non [72]

Bénin

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Bulgarie

Non [73]

Non [74]

Burkina Faso

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Cambodge

Compétence d’appel des décisions rendues par la Commission électorale centrale

Cameroun

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Canada

Non [75]

Congo

Non [76]

Non [77]

Égypte

Non

Non

France

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence d’appel des décisions rendues par le tribunal administraif

Gabon

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Guinée-Bissau

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Haïti [78]

Non

Non

Liban

Non [79]

Madagascar

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Mali

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Maroc

Compétence d’appel des décisions rendues par une juridiction administrative

Maurice

Non [80]

Mauritanie

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Moldavie

Non

Non [81]

Monaco

Non [82]

Niger

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Roumanie

Compétence en premier et dernier ressort

Non [83]

Rwanda

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Sénégal

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

Slovénie

Non [84]

Non [85]

Suisse

Non [86]

Tchad

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence d’appel des décisions rendues par la commission électorale centrale

République tchèque

Non

Non [87]

Togo

Compétence en premier et dernier ressort

Compétence en premier et dernier ressort

De nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. sont compétentes pour connaître des contestations à l’égard des candidatures. Rappelons que les Cours belge, canadienne et égyptienne ne connaissent pas du contentieux électoral et que les compétences des Cours bulgare, moldave, slovène, suisse et tchèque sont réduites, ce qui explique en partie qu’elles ne se prononcent pas sur les candidatures. Néanmoins, il convient de nuancer cette affirmation. Par exemple, la Cour constitutionnelle bulgare peut statuer sur des contestations relatives aux candidatures dans le cadre d’un recours en interprétation de la Constitution émanant de la Cour suprême administrative, les conditions d’éligibilité se trouvant dans la Loi fondamentale, et dans le cadre du contentieux postélectoral

Ce tableau illustre le fait que le contentieux des candidatures relève majoritairement des Cours constitutionnelles à la différence des autres opérations préélectorales. Il se déroule obligatoirement pendant la période électorale, période pendant laquelle les Cours voient leurs activités décupler. Les contestations liées aux candidatures peuvent ainsi être soulevées avant et après le jour du vote. Les institutions doivent statuer dans des délais courts. Par exemple, au Cameroun, tout électeur et candidat doit saisir la Cour suprême dans les 2 jours qui suivent la publication des candidatures pour la présidentielle et dans les 5 jours qui suivent la notification de la décision de rejet de candidature aux législatives. La Cour dispose de 5 jours pour statuer [88].

Les Cours compétentes pour l’élection présidentielle le sont uniquement en premier et dernier ressort. Pour les élections parlementaires, la Cour intervient en appel des décisions rendues par la commission électorale centrale au Cambodge et au Tchad et en appel des juridictions administratives en France et au Maroc.


  • [1]
    Les circonscriptions pour l’élection de la Chambre des députés correspondent aux collectivités territoriales autonomes supérieures. Les petits districts électoraux sont uniquement créés en vue du dépouillement des bulletins de vote ; ils sont délimités par le maire et doivent comprendre environ 1 000 électeurs.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Au Canada, une commission indépendante est établie dans chacune des 10 provinces. À Maurice, la commission est nationale et prévue par l’article 38 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Décision n° 40 du 17 mai 2001 sur la loi n° 8746 du 28 février 2001 portant découpage électoral.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Arrêts n° 30/2003 (suspension) et 73/2003 (annulation).  [Retour au contenu]
  • [5]
    Arrêt du 6 juin 1991, Carter c. Saskatchewan (Procureur général) [1991] S.C.C.A. n° 93.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986, décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Ordonnance U-I-128/92 du 27 octobre 1992, ordonnance U-I-226/00 du 10 avril 2003.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Il convient de préciser que le Tribunal fédéral suisse ne peut pas contrôler la constitutionnalité des lois constitutionnelles.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Voir note 5.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Voir « La Cour suprême du Canada et le système électoral fédéral canadien, survol de la jurisprudence récente », tome II, p. 223.  [Retour au contenu]
  • [12]
    En l’espèce, le découpage électoral révélait une certaine sous-représentation des zones urbaines.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Voir note 4.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Voir « Les Cours constitutionnelles et les questions relatives aux circonscriptions électorales : L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique : l’utilisation du découpage des circonscriptions en vue de la protection des minorités linguistiques », tome II, p. 57  [Retour au contenu]
  • [15]
    55 jours avant le scrutin en Bulgarie et en Moldavie.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Décision n° 86208 DC.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Art. 63

    § 1er. La Chambre des représentants compte cent cinquante membres.

    § 2. Chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fédéral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par cent cinquante.

    Les sièges restants sont attribués aux circonscriptions électorales ayant le plus grand excédent de population non encore représenté.

    § 3. La répartition des membres de la Chambre des représentants entre les circonscriptions électorales est mise en rapport avec la population par le Roi.

    Le chiffre de la population de chaque circonscription électorale est déterminé tous les dix ans par un recensement de la population ou par tout autre moyen défini par la loi. Le Roi en publie les résultats dans un délai de six mois.

    Dans les trois mois de cette publication, le Roi détermine le nombre de sièges attribués à chaque circonscription électorale. La nouvelle répartition est appliquée à partir des élections générales suivantes.

    § 4. La loi détermine les circonscriptions électorales ; elle détermine également les conditions requises pour être électeur et le déroulement des opérations électorales.  [Retour au contenu]

  • [18]
    Le Collège des bourgmestres et échevins.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [21]
    La Commune de Monaco est le seule collectivité territoriale monégasque. L’établissement de la liste électorale relève plus précisément de la commission de la liste électorale. Cette dernière est composée du maire, d’un délégué du gouvernement et de deux membres du conseil communal (article 6 de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, modifiée).  [Retour au contenu]
  • [22]
    Les autorités municipales.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Les cantons.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Les autorités municipales établissent les listes et les envoient aux commissions électorales responsables des élections locales. L’ensemble du processus s’effectue sous la supervision de la Commission centrale.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Plus précisément le Commissaire électoral et les Registration Officers.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Plus précisément, une commission administrative sous l’autorité de la CENI.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Les commissions d’établissement des listes électorales dans les sous-préfectures.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Une commission administrative par bureau de vote composée du maire ou de son représentant, du délégué de l’administration désigné par le préfet, ou le sous-préfet, et d’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance.  [Retour au contenu]
  • [29]
    La Commission nationale de recensement électoral.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Voir Tapo (Kassoum), « Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la CENI au Mali », in Franco phonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 novembre 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pedone, 2001, p. 279-288.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Article 8 de la loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [32]
    Créé sur la base du recensement des électeurs de 1997, le registre national des électeurs est mis à jour par le biais de partenariats avec des agences fédérales (Citoyenneté et immigration Canada, Revenu Canada…) et des agences et organismes provinciaux (agences électorales, registres des données vitales, permis de conduire…).  [Retour au contenu]
  • [33]
    Avis n° 190/2002, CDL-AD (2002) 23 rev.  [Retour au contenu]
  • [34]
    Monaco ne dispose pas de fichier central électoral au sens propre du terme. Néanmoins, parce qu’il n’existe qu’une seule circonscription électorale, l’unique liste électorale de la Principauté équivaut à un fichier central.  [Retour au contenu]
  • [35]
    La loi du 7 février 2004 a confié le contentieux des listes électorales au juge administratif.  [Retour au contenu]
  • [36]
    Commission électorale.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Une commission présidée par le président du tribunal de première instance et composée du directeur de la sécurité de l’autorité régionale et d’un procureur peut connaître des contestations relatives à l’établissement et à la révision des listes électorales (article 16 de la loi de 1956 sur l’exercice des droits politiques).  [Retour au contenu]
  • [38]
    Le préfet peut déférer au tribunal administratif les opérations de la commission administrative (article L20 du code électoral).  [Retour au contenu]
  • [39]
    Selon la loi électorale, les commissions d’enregistrement sont compétentes pour les demandes de rectification de toute erreur dans les listes électorales ; un appel est possible devant les hautes commissions d’enregistrement (art. 23 et 24 Loi n° 171 du 6 janvier 2000).  [Retour au contenu]
  • [40]
    Une commission spéciale, composée du préfet ou sous-préfet, d’un maire, de 2 conseillers municipaux et de 2 électeurs peut connaître des réclamations en première instance.  [Retour au contenu]
  • [41]
    La contestation doit être auparavant portée devant le Registration Officer.  [Retour au contenu]
  • [42]
    En outre, le ministre d’État peut, dans les 15 jours qui suivent la réception du tableau de révision de la liste électorale, déférer au Tribunal suprême les opérations de la commission.  [Retour au contenu]
  • [43]
    Quand il existe une séparation des ordres juridiques.  [Retour au contenu]
  • [44]
    Article 5 de la loi organique du 7 février 2004 modifiant l’article 25 de la loi organique relative au régime électoral du 6 mars 1997.  [Retour au contenu]
  • [45]
    En outre, le juge délégué envoyé pour observer les opérations de vote est compétent pour remettre sur la liste ceux qui en ont été indûment radiés. Ceci est possible dans d’autres États, notamment au Niger.  [Retour au contenu]
  • [46]
    Décision n° 97-2113/2119/2146/2154/2234/2235/2242/2243 du 20 février 1998, Paris 2e.  [Retour au contenu]
  • [47]
    Arrêt n° CC-EP 97-047 du 8 mai 1997.  [Retour au contenu]
  • [48]
    Voir Keita (Fassémé), « La liste électorale et l’électorat : rapport du Mali », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, Paris, Agence intergouvernementale de la Francophonie, 2000, p. 100-109  [Retour au contenu]
  • [49]
    Voir Bigaut (Christian), « Droit de la carte d’électeur », in Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique) (dir.), Dictionnaire du vote, P.U.F., Paris, 2001, p. 150-151.  [Retour au contenu]
  • [50]
    Une société d’imprimerie adjudicataire d’un appel d’offre lancé par la Commission électorale nationale autonome.  [Retour au contenu]
  • [51]
    Délégation générale aux élections  [Retour au contenu]
  • [52]
    Dans le cadre de ce bulletin, les termes nationalité et citoyenneté sont synonymes.  [Retour au contenu]
  • [53]
    En cas d’acquisition de la nationalité gabonaise, seuls les descendants ayant séjourné sans discontinuité au Gabon peuvent être candidats à partir de la quatrième génération.  [Retour au contenu]
  • [54]
    En outre, il faut être inscrit sur les listes électorales, savoir lire et écrire, avoir accompli le service militaire ou en être exempté.  [Retour au contenu]
  • [55]
    Article 5 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [56]
    Suffrage indirect. Les candidats doivent être proposés par un groupe d’au moins 20 députés.  [Retour au contenu]
  • [57]
    Le candidat à l’élection doit être présenté à l’Assemblée du peuple par au moins un tiers de ses membres. Une modification de la Constitution est en cours en vue de permettre l’élection du président de la République au suffrage universel direct.  [Retour au contenu]
  • [58]
    Suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [59]
    Suffrage indirect. Le candidat est proposé par le Premier ministre.  [Retour au contenu]
  • [60]
    Suffrage indirect.  [Retour au contenu]
  • [61]
    Le candidat à la présidence doit être présenté par 500 élus représentant au moins 30 départements ou collectivités assimilées parmi les parlementaires, les conseillers régionaux, les conseillers généraux, les membres des assemblées territoriales d’outre-mer, les maires, les membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger.  [Retour au contenu]
  • [62]
    Le candidat à la présidence doit être présenté par 50 conseillers municipaux.  [Retour au contenu]
  • [63]
    Le modèle de candidature est conçu par la Commission électorale nationale autonome.  [Retour au contenu]
  • [64]
    Le modèle de candidature est disponible sur le site d’« Élections Canada » (www.elections.ca.  [Retour au contenu]
  • [65]
    Le modèle de candidature est élaboré par le Conseil des ministres après avis de la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [66]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [67]
    Le directeur du scrutin, qui relève de l’administration du Directeur général des élections, administre le processus électoral dans chaque circonscription.  [Retour au contenu]
  • [68]
    Les candidatures sont cependant validées par les commissions administratives composées par le Wali, deux magistrats et deux fonctionnaires locaux.  [Retour au contenu]
  • [69]
    Selon l’article 64 de la loi sur la Cour constitutionnelle, cette dernière statue sur la décision de l’Assemblée de la République relative à l’éligibilité du président de la République, sur saisine d’au moins un cinquième des députés ou un parti politique.  [Retour au contenu]
  • [70]
    Compétence de la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana.  [Retour au contenu]
  • [71]
    Compétence du juge administratif depuis la loi de février 2004 (article 113 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [72]
    Compétence de Bureau principal de la circonscription électorale, appel près la Cour d’appel.  [Retour au contenu]
  • [73]
    Compétence de la Cour administrative suprême.  [Retour au contenu]
  • [74]
    Compétence de la Cour administrative suprême.  [Retour au contenu]
  • [75]
    Toute plainte doit être portée par écrit à l’attention du Commissaire aux élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [76]
    Compétence du tribunal de grande instance (article 107 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [77]
    Compétence du tribunal de grande instance (article 107 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [78]
    Pas de compétence depuis la loi électorale de 1995.  [Retour au contenu]
  • [79]
    Compétence du Conseil d’État.  [Retour au contenu]
  • [80]
    La Cour suprême ne connaît pas du contentieux électoral avant la tenue du scrutin. En revanche, l’inéligibilité du candidat élu est un motif de saisine de la Cour dans le cadre du contentieux post-électoral.  [Retour au contenu]
  • [81]
    Les décisions de la Commission électorale centrale peuvent être contestées devant la Cour suprême de justice.  [Retour au contenu]
  • [82]
    Le contentieux des candidatures relève du tribunal de première instance.  [Retour au contenu]
  • [83]
    Compétence du tribunal de la région.  [Retour au contenu]
  • [84]
    Compétence de la Cour suprême.  [Retour au contenu]
  • [85]
    Recours possible devant la Commission électorale de la République et une cour compétente en matière de contentieux administratif.  [Retour au contenu]
  • [86]
    Compétence du Gouvernement cantonal.  [Retour au contenu]
  • [87]
    Les recours sont d’abord examinés par la Commission électorale régionale, puis par la Commission électorale d’État. Un recours juridictionnel est possible devant la Cour suprême dans un délai de 24 heures (article 86 de la loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [88]
    La même exigence de délai s’applique aux juridictions non constitutionnelles compétentes en matière de contentieux relatif aux candidatures.  [Retour au contenu]

V. Le déroulement du scrutin

Le vote reste un acte fondamental de la vie des régimes démocratiques. Il est important que le résultat des élections soit l’expression fidèle de la volonté du peuple. Pour cela, le déroulement du scrutin doit être strictement encadré, à un moment où l’intention des électeurs peut être facilement détournée

Des règles précises régissant la composition des bureaux de vote et les opérations de dépouillement sont impératives. En outre, les procédures de vote doivent être à la fois fiables et permettre au plus grand nombre d’électeurs d’exercer leur devoir civique. Enfin, afin de s’assurer du bon déroulement du scrutin, un contrôle objectif des opérations de vote doit être autorisé.

1. Les bureaux de vote

Les membres du bureau de vote ont pour fonction de veiller à la régularité et au maintien de l’ordre dans et autour du lieu de vote [1]. Si les élections mobilisent un nombre important d’acteurs, les membres du bureau de vote constituent le personnel électoral le plus visible des électeurs. La localisation des bureaux de vote doit être proche des citoyens et il importe qu’ils soient précisément identifiés.

Le nombre des bureaux de vote varie en fonction de la population, du nombre d’inscrits sur les listes électorales et de la taille du territoire. Ainsi, parmi les pays francophones, la France est le pays qui compte le plus d’habitants et, par conséquent, le plus de bureaux de vote : leur nombre s’élève à 65 000. À Madagascar, qui a une superficie équivalente mais 4 fois moins d’habitants, on dénombre environ 17 000 bureaux de vote. Le Canada, qui a 30 millions d’habitants mais un territoire presque 20 fois plus vaste que celui de la France, a recensé lors des élections générales de 2000, 56 822 bureaux ordinaires et 883 bureaux itinérants dans 17 340 lieux de scrutin. À l’opposé, à l‘Île Maurice, avec une superficie inférieure à 2 000 km2 et 1,2 million d’habitants, on ne dénombre que 2 000 bureaux de vote. Quant à la Principauté de Monaco, elle ne compte qu’un seul bureau de vote.

Le nombre d’électeurs inscrits par bureau de vote illustre mieux encore la proximité de l’urne électorale du citoyen.

Tableau 41 – Nombre d’électeurs inscrits par bureau de vote

Albanie

577 en moyenne (entre 50 et 1 000 électeurs par bureau selon le code électoral)

Algérie

N.C. [2]

Belgique

Entre 150 et 800

Bénin

400 en moyenne

Bulgarie

1 000

Burkina Faso

800 au maximum

Cambodge

700 au maximum

Cameroun

600 pour l’élection présidentielle, 800 pour l’élection parlementaire

Canada

358 en moyenne

Congo

1 000 au maximum

Égypte

N.C.

France

600 à 700 en moyenne

Gabon

500 en moyenne

Guinée-Bissau

400 en moyenne

Haïti

420 en moyenne

Liban

N.C.

Madagascar

363 en moyenne

Mali

700 en moyenne en 2002

Maroc

N.C.

Maurice

Entre 400 et 450

Mauritanie

500 en moyenne

Moldavie

Entre 30 et 3 000

Monaco

6 000

Niger

Moins de 600 électeurs

Roumanie

N.C.

Rwanda

400 en moyenne

Sénégal

800 au maximum dans les communes, 500 dans les communautés rurales

Slovénie

500 en moyenne

Suisse

N.C.

Tchad

Entre 500 et 600

République tchèque

De 9 à 2 050 électeurs

Togo

600 en moyenne

La composition des bureaux de vote est un élément essentiel de la réussite des opérations électorales le jour du scrutin. Elle requiert les mêmes exigences, parfois paradoxales, d’impartialité et d’efficacité que celles présidant la composition des commissions électorales. Ainsi, le personnel électoral doit, à la fois, maîtriser toutes les étapes du déroulement du scrutin telles que prévues par les textes, faire preuve de la plus grande neutralité vis-à-vis des enjeux partisans et enfin ne pas exercer une influence sur le choix des électeurs.

Tableau 42 – La composition des bureaux de vote

Albanie

Un président, un assesseur, quatre représentants des partis politiques, un secrétaire

Algérie

Un président, deux assesseurs, un vice-président, un secrétaire

Belgique

Un président, quatre assesseurs et quatre suppléants, des représentants des partis politiques, un secrétaire [3]

Bénin

Un président et deux assesseurs (le second fait office de secrétaire)

Bulgarie [4]

Un président, sept à neuf assesseurs

Burkina Faso

Un président, deux assesseurs, un secrétaire

Cambodge

Un président et quatre assesseurs

Cameroun

Un président, des assesseurs et des représentants des partis politiques

Canada

Des représentants des partis politiques, un scrutateur, un greffier. Peuvent être présents : le directeur du scrutin et tout représentant de celui-ci ainsi que des observateurs et les membres du personnel du Directeur général des élections.

Congo

Un président, plusieurs assesseurs, un représentant du ministère de l’Intérieur

Égypte

Un président, au moins deux assesseurs et un secrétaire, des représentants des partis politiques

France

Un président [5], au moins quatre assesseurs, un secrétaire

Gabon

Un président, des assesseurs, des représentants des partis politiques

Guinée-Bissau

Un président, un secrétaire, quatre scrutateurs

Haïti

Un président, un vice-président, un clerc, deux assesseurs, des représentants des partis politiques

Liban

Un président, quatre assesseurs, des représentants des partis politiques [6]

Madagascar

Un président, quatre assesseurs, un vice-président et un secrétaire

Mali

Un président, au moins quatre assesseurs, des représentants des partis politiques

Maroc

Un président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques

Maurice

Un président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques

Mauritanie

Un président, deux assesseurs, des représentants des partis politiques

Moldavie

Un président, des assesseurs

Monaco

Un président, plusieurs assesseurs, au moins deux membres du Conseil communal, un secrétaire [7]

Niger

Un président, trois assesseurs, des représentants des partis politiques

Roumanie

Un président, plusieurs assesseurs, des représentants des partis politiques

Rwanda

Un président, trois assesseurs (dont un fait office de secrétaire), des représentants des partis politiques en tant qu’observateurs

Sénégal

Un président, un assesseur, des représentants des partis politiques, un secrétaire

Slovénie

Un président, un nombre pair d’assesseurs, des suppléants

Suisse

Un président, des représentants des partis politiques

Tchad

Un président, des assesseurs, des représentants des partis politiques, un vice-président, un secrétaire

République tchèque

Un président, des représentants des partis politiques, un vice-président

Togo

Un président, deux assesseurs

La composition du bureau de vote soulève deux questions importantes : la présence des partis politiques et le rôle du président. Une fois de plus, le débat est le même que celui qui régit la composition des commissions électorales. D’un côté, la présence de représentants des candidats ou des partis politiques est une garantie de contrôle des activités du bureau de vote. D’un autre côté, ceux-ci peuvent entraver l’efficacité du travail s’ils n’ont pas la formation requise.

Sur les 32 États présents dans le tableau ci-dessus, 13 ne comptent pas de représentants des partis politiques dans les bureaux de vote. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Cambodge, du Congo, de la France, de la Guinée-Bissau, de Madagascar, de la Moldavie, de Monaco, de la Slovénie et du Togo. Néanmoins, il est possible pour les partis politiques de participer à la nomination des membres du bureau de vote, notamment en France où chaque candidat a le droit de désigner un assesseur. En outre, le rôle des représentants des partis peut être restreint au sein du bureau. Par exemple, la Cour suprême du Rwanda précise que les représentants des formations politiques ne sont présents qu’en tant qu’observateurs, brouillant de ce fait la frontière entre observateurs et membres.

Les bureaux de vote sont composés d’un président et d’assesseurs, dont le nombre varie de 1 à 9. Le Canada, la Suisse et la République tchèque représentent des exceptions. Néanmoins, en ce qui concerne le Canada, sa particularité doit être relativisée puisque les termes scrutateur et greffier semblent correspondre à ceux de président du bureau de vote et d’assesseurs. Toutefois, si les scrutateurs et greffiers tiennent indirectement leur nomination des partis politiques, l’autorité du Directeur général des élections et du Commissaire aux élections fédérales se manifeste par la présence des directeurs du scrutin ou de membres du personnel du Directeur général. La structure de gestion des opérations électorales encadre le processus électoral jusqu’à la composition des bureaux de vote. Le Canada n’est pas le seul pays à avoir confié une partie des opérations le jour du scrutin à la commission électorale.

Ainsi, en Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Gabon, en Guinée-Bissau, à Haïti, à l’Île Maurice, au Niger, au Rwanda, en Slovénie et au Tchad, les commissions électorales et le plus souvent leurs démembrements locaux nomment le président du bureau de vote. En Moldavie et en République tchèque, le bureau élit lui-même son président. Les 7 membres des bureaux de vote albanais sont désignés par les partis politiques. En Moldavie, les bureaux de vote sont créés par les conseils électoraux de circonscription au moins 20 jours avant le jour des élections sur proposition de l’autorité municipale ; 2 jours après sa création, les membres du bureau doivent élire leur président. En République tchèque, le président et le vice président sont tirés au sort lors de la première session de la commission électorale de petit district.

Dans d’autres États, l’administration nomme le président des bureaux de vote ; il s’agit rarement du pouvoir central comme au Congo, en Mauritanie et au Togo (le ministre de l’Intérieur) mais plus souvent des autorités déconcentrées ou décentralisées de l’État notamment en Algérie (le wali : le préfet), au Cameroun (les sous-préfets), en France (le maire), au Liban (le mohafez : représentant de l’État dans les communes), à Madagascar (le Fokontany : assemblée générale de la collectivité territoriale), au Mali (le préfet), au Maroc (le gouverneur), au Sénégal (le gouverneur ou le préfet) et en Suisse (les autorités cantonales ou communales en début de législature). Les autorités judiciaires peuvent intervenir dans le choix du président. C’est le cas en Belgique, où il est nommé par le tribunal de première instance ou le juge de paix et en Égypte où le Conseil supérieur de la magistrature choisit le président au sein du corps des magistrats.

Dans une majorité d’États, tout électeur inscrit sur les listes de la circonscription électorale, peut être désigné président du bureau de vote ou assesseur. Il s’agit de l’Algérie, du Bénin, de la Bulgarie, du Cambodge, du Cameroun, du Congo, de la France, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, de la Moldavie, du Niger, du Rwanda, de la Slovénie, de la Suisse, du Tchad, de la République tchèque et du Togo. Certains pays posent néanmoins quelques conditions. Elles concernent les aptitudes des membres du bureau de vote à lire et à écrire la langue officielle et parfois la langue locale. Cette exigence est précisée notamment au Bénin, en Guinée-Bissau, à Haïti et à Madagascar. La réglementation cambodgienne énonce de nombreuses incompatibilités : ne peuvent devenir membres de bureaux de vote les militaires, les policiers, les fonctionnaires des autorités judiciaires, les ministres du culte, les chefs et les sous-chefs de district, les membres du conseil de la commune, les fonctionnaires de la commune, le chef, le sous-chef et les membres du village.

À l’inverse, la présidence de l’unique bureau de vote monégasque est détenue par le Maire de Monaco ou un adjoint. Les assesseurs sont choisis par le président parmi les électeurs fonction naires de l’État ou de la Commune le lendemain du jour limite fixé pour le dépôt des candidatures [8].

De même, au Burkina Faso, au Liban, au Maroc, à l’Île Maurice et au Sénégal, les bureaux de vote sont composés de fonctionnaires. Cela ne concerne que le président au Maroc, les assesseurs étant des électeurs. Le Burkina Faso et le Sénégal se réservent, en outre, le droit de désigner les membres du bureau de vote parmi les électeurs sachant lire et écrire si le nombre de fonctionnaires est insuffisant.

En Belgique, le président du bureau de vote est, par ordre de priorité, un magistrat, un avocat, un notaire, un fonctionnaire de niveau 1 ou un enseignant. En revanche, l’assesseur peut être tout électeur âgé de plus de 30 ans. De même, en Roumanie, les membres sont des magistrats ou des personnes ayant une formation juridique. Au Canada, les scrutateurs sont choisis sur une liste de personnes aptes à remplir cette fonction fournie par le candidat du parti dont le candidat s’est classé premier dans la circonscription lors de la dernière élection générale. Les greffiers sont choisis sur une liste de personnes fournie par le candidat du parti dont le candidat est arrivé deuxième dans la circonscription lors de la dernière élection générale.

Dans 19 États, un bureau de vote incomplet entraîne, en principe, l’irrégularité de l’élection. Dans les autres pays, un quorum de membres suffit. Il s’agit de l’Albanie, du Bénin, du Cameroun, du Canada, de la France, de Madagascar, de l’Île Maurice, de Monaco, du Niger et de la Suisse. En Albanie, le procès-verbal doit être signé par au moins cinq des sept membres de la commission. Au Bénin, l’élection est annulée si le procès-verbal constate la présence d’un seul membre du bureau de vote. En France et à Madagascar, au moins trois membres du bureau doivent être constamment présents tout le long de l’opération électorale. En République tchèque, si le nombre minimal n’est pas réuni, il appartient au maire de désigner des membres supplémentaires.

Lorsque le scrutin est clos, le bureau de vote doit dresser un procès-verbal des résultats. Cette tâche relève fréquemment de la compétence du président du bureau. C’est le cas au Bénin, au Burkina Faso, en Égypte, au Liban, au Maroc, à l’Île Maurice, à Monaco, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et en Suisse. En Albanie, en Bulgarie, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, en France, au Gabon, à Haïti, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, en Moldavie et en Slovénie, le président partage sa compétence avec les autres membres du bureau de vote. Au Tchad, l’ensemble des membres dresse le procès-verbal contresigné par les représentants des can didats, qui sont en outre autorisés à y introduire des observations. En Belgique et au Sénégal, ce sont les secrétaires du bureau de vote qui élaborent le procès-verbal. En République tchèque, cette tâche incombe au greffier, au Canada, aux directeurs du scrutin et au Togo, à un rapporteur désigné par l’administration électorale.

Un des devoirs du bureau de vote à la clôture du scrutin est la gestion des bulletins non utilisés. Elle se doit d’être transparente afin d’éviter les tentations d’utilisation frauduleuse de ces bulletins. Les solutions choisies sont variées. Néanmoins, elles s’articulent autour de trois réponses : la des truction, le renvoi à l’autorité de gestion des opérations électorales, la mise sous scellés.

Tableau 43 – La gestion des bulletins de vote non utilisés

Albanie

Ils sont mis dans une enveloppe et insérés dans l’urne, qui sera fermée, revêtue d’un sceau et d’un numéro d’identification

Algérie

N.C.

Belgique

Ils sont retournés au ministère de l’Intérieur

Bénin

Ils sont retournés à la CENA

Bulgarie

Ils sont mis sous emballage scellé par la commission électorale de section

Burkina Faso

Ils sont détruits après la proclamation des résultats

Cambodge

Ils sont mis dans une enveloppe séparée fournie par le Comité national des élections et qui lui est envoyée

Cameroun

Ils sont conservés dans les sous-préfectures

Canada

Ils sont contrôlés et retournés au bureau du Directeur général des élections

Congo

Ils sont envoyés au siège de la circonscription électorale

Égypte

Ils sont mis à part jusqu’à la fin de l’élection

France

Ils sont détruits

Gabon

Ils sont brûlés publiquement

Guinée-Bissau

Ils sont signés par le président et les délégués, introduits dans une enveloppe et envoyés à la commission régionale des élections

Haïti

Ils sont mis dans une enveloppe à part

Liban

N.C.

Madagascar

Ils sont remis à la commission administrative compétente

Mali

Ils sont détruits

Maroc

Ils sont retournés à l’administration centrale

Maurice

Ils sont scellés en présence des candidats ou de leur représentant et conservés par la Commission de contrôle électoral pour être détruits après le délai légal

Mauritanie

Ils sont remis à l’administration

Moldavie

Ils sont retournés au conseil électoral de circonscription

Monaco

Ils sont détruits

Niger

Ils sont retournés au siège de la Commission électorale

Roumanie

Ils sont annulés par le président

Rwanda

Ils sont conservés au siège de la branche de la Commission électorale nationale jusqu’à l’expiration du délai de recours puis détruits

Sénégal

Ils sont laissés sur place

Slovénie

Ils sont mis sous scellés

Suisse

Ils sont détruits après la proclamation définitive des résultats

Tchad

Ils sont conservés

République tchèque

Ils sont conservés à la mairie pendant 30 jours après la proclamation des résultats définitifs. Ensuite, trois séries de bulletins qui n’ont pas été utilisés sont archivés, les autres sont détruits

Togo

Ils sont comptabilisés et retournés à l’administration électorale

Une des missions essentielles des membres du bureau de vote est d’assurer l’ordre public à l’intérieur des locaux. Les textes électoraux confient, en règle générale, cette tâche au président du bureau. En pratique, l’ordre public est assuré par les forces de l’ordre, qui, cependant, peuvent entrer dans le bureau de vote uniquement sur requête du président dans la totalité des États étudiés [9]. Le Conseil constitutionnel marocain précise que la police ne peut pas pénétrer dans l’enceinte du bureau de vote et le Conseil cambodgien ajoute que les forces de l’ordre doivent rester au-delà d’un rayon de 200 mètres autour du bureau.

Seule une petite minorité des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. a sanctionné des pressions sur les électeurs. La Cour constitutionnelle du Bénin a fait état de pressions dans ses décisions de proclamation des résultats sans avoir sanctionné un cas particulier. Les pressions émanent des partisans des candidats, des membres des forces de l’ordre ou plus précisément de personnes revêtues d’une tenue militaire comme le constate le Conseil constitutionnel tchadien. Des pressions administratives ou de chefferie ainsi que des faits de corruption sont déplorés par les Cours libanaise et malienne. Les pressions ont pu évoluer en violences physiques au Sénégal. Au Canada, les tribunaux de droit commun ont sanctionné à plusieurs reprises des infractions à la liberté de vote qui ont pris la forme d’intimidations et de pots-de-vin. Enfin, dans une décision de 1997, le Conseil constitutionnel français a sanctionné des pressions exercées sur les électeurs par le président départemental d’habitations à loyer modéré [10].

2. Les procédures de vote

Les procédures de vote jouent un rôle essentiel dans l’ensemble du processus électoral puisque c’est lors du vote qu’une éventuelle fraude est la plus probable. La grande majorité des électeurs dans les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. votent le jour du scrutin dans un bureau de vote au moyen d’un bulletin papier. Cette procédure de vote demeure la procédure la plus répandue et celle qui garantit le mieux la liberté et le secret du vote.

Mais il revient à l’État d’offrir des formes spéciales de vote aux électeurs qui ne peuvent se déplacer au bureau de vote le jour de l’élection. Ces personnes doivent avoir les mêmes chances d’exercer leur droit de vote que les autres électeurs. En outre, afin de faire face au problème de l’abstention, le devoir des États est de favoriser l’accessibilité au vote à l’ensemble de la population dont la mobilité est souvent accrue dans les sociétés industrialisées. Nous observons une tendance vers l’extension des procédures spéciales de vote à l’ensemble de la population.

Le vote par procuration est la procédure spéciale de vote la plus fréquemment rencontrée dans les pays étudiés. Il est pratiqué en Algérie, Belgique, Bénin, Égypte, France, Gabon, Mali, Île Maurice, Niger, Tchad, Togo. Les modalités diffèrent d’un État à l’autre mais l’objectif de cette procédure reste, dans tous ces pays, de favoriser l’accès au vote de personnes qui en sont empêchées pour des raisons valables, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 44 – Les bénéficiaires du vote par procuration

Pays

Les bénéficiaires du vote par procuration

Algérie

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires

Belgique

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger

Bénin

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales, les membres

de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires, les observateurs [11]

Égypte

Toute personne dont l’empêchement est constaté

France

Toute personne dont l’empêchement est constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile

Gabon

Toute personne dont l’empêchement est constaté

Mali

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, membres des bureaux de vote, membres des commissions électorales en déplacement, membres de la force publique absents de leur domicile, agents de l’État absents

de leur domicile, les militaires

Maurice

Les membres des bureaux de vote, les membres de la force publique absents de leur domicile, le personnel des ambassades

Niger

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les agents de l’État absents de leur domicile

Tchad

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile le jour du scrutin

Togo

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales en déplacement, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile le jour du scrutin, les militaires

Les conditions du vote par procuration ont été interprétées de façon extensive en France. Les éléments à apporter permettant de prouver l’empêchement de l’électeur (certificats médicaux, ordres de mission, titres de transport…) ont été abandonnés au profit d’une simple attestation sur l’honneur. Néanmoins, le vote par procuration n’est pas exempt de manœuvres frauduleuses notamment en ce qui concerne le respect de la volonté électorale du citoyen empêché. Le risque de voir des membres d’une famille se défaire de leur droit de vote en faveur du chef de famille est également un risque récurrent du vote par procuration. L’Algérie a ainsi exclu des bénéficiaires du vote par procuration les membres de la famille afin d’inciter les femmes à exercer directement leurs droits politiques [12].

Le vote par procuration a, certes, un grand intérêt, mais son utilisation doit être préalablement expliquée pour éviter les irrégularités, qui, par ailleurs, ne procèdent pas forcément d’intentions frauduleuses. C’est le vœu du Conseil constitutionnel tchadien, qui constate qu’un nombre impor tant de personnes ne connaissent pas les règles du code électoral et confie leur carte d’électeur à un autre électeur au lieu de retirer leur procuration quelques jours avant le scrutin [13].

Une solution pour les électeurs ne pouvant se déplacer le jour de l’élection et qui souhaitent voter personnellement, consiste à envoyer le bulletin de vote directement au bureau de vote par le biais des services de la poste. Le vote par correspondance peut être utilisé en priorité pour les personnes à mobilité réduite et pour les électeurs résidant à l’étranger. Seuls la Belgique, le Canada, la Slovénie et la Suisse ont recours à cette procédure.

Tableau 45 – Les bénéficiaires du vote à distance

Pays

Les bénéficiaires du vote à distance

Belgique

Les nationaux résidant à l’étranger

Canada

Toute personne dont l’empêchement est dûment constaté, les nationaux résidant à l’étranger, les membres des bureaux de vote, les membres des commissions électorales, les membres de la force publique absents de leur domicile, les agents de l’État absents de leur domicile, les militaires, quiconque en fait la demande

Slovénie

Les nationaux résidant à l’étranger, les personnes hospitalisées, les résidents des maisons de retraite, les personnes en détention

Suisse

Tout citoyen peut voter par correspondance

La Belgique n’a reconnu qu’en 1998 le droit de vote aux Belges résidant à l’étranger. Les conditions trop sévères ont incité le législateur en 2002 à élargir les possibilités de vote des Belges de l’étranger [14]. Le vote par correspondance n’est donc, en pratique, que très rarement utilisé. La situation est inverse au Canada et en Suisse où l’ensemble de la population peut recourir à cette procédure spéciale de vote. Par exemple, en Suisse, le vote par correspondance est très fréquemment utilisé, au point que dans certaines communes, le vote traditionnel dans un bureau de vote a pratiquement disparu. Le Tribunal fédéral observe, en outre, qu’il a permis de réduire l’abstention [15]. Cette procédure doit reposer sur des services postaux sûrs et fiables et doit être strictement encadrée afin de préserver le secret du vote.

Parmi les autres formes de procédure spéciale de vote, il existe le vote par anticipation, c’est-àdire effectué avant la date officielle du scrutin. Il est pratiqué au Canada, en Guinée-Bissau, au Mali, en Slovénie, en Suisse et au Togo. La Roumanie a recours à « l’urne mobile » pour les électeurs qui ne peuvent se déplacer. Elle doit être soumise à des conditions très strictes, notamment la présence auprès de l’urne de plusieurs membres de la commission électorale représentant les différentes tendances politiques [16].

Des procédures de vote reposant sur les nouvelles technologies se développent timidement. Le vote électronique peut s’entendre de deux façons. Il concerne, en premier lieu, la machine à voter. L’électeur vote dans un bureau de vote au moyen d’une carte magnétique. Des États ont expérimenté ce système, comme la France, mais c’est en Belgique que le vote électronique semble faire l’objet de la diffusion la plus large [17]. Il concerne environ la moitié des électeurs. Le choix de l’électeur n’est pas inscrit dans l’ordinateur qui se trouve dans l’isoloir mais sur une carte magnétique, qui remplace le bulletin papier. Cette dernière est ensuite introduite dans l’urne électronique.

Le vote électronique peut également être effectué à distance par Internet. C’est en Suisse, où, comme nous venons de le voir, le vote par correspondance est très répandu, que cette procédure est la plus développée. Il a fait l’objet de plusieurs essais concluants dans quelques communes. L’électeur télécharge le bulletin de vote depuis son ordinateur personnel, le remplit puis le renvoie par courrier électronique à un bureau de vote central.

Ces nouvelles procédures de vote font cependant l’objet de nombreuses réticences. Celles-ci portent principalement sur la fiabilité des programmes informatiques et le risque de stigmatisation des personnes qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies.

Il convient de se demander si, parallèlement aux procédures spéciales de vote, la législation des États concernés prévoit des procédures de vote particulières pour certaines catégories de la population pour lesquelles les procédures normales de vote ne leur permettent par d’exercer leurs droits politiques convenablement.

Cela concerne, en premier lieu, les populations non sédentarisées. Ce terme vise essentiellement, mais pas exclusivement, les populations nomades de l’Afrique sub-saharienne et les populations rom en Europe.

L’Algérie, la Belgique, la Guinée-Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la Suisse et le Tchad prévoient de telles procédures. L’objectif est de favoriser l’accès au vote. La solution la plus usuelle est la mise en place de bureaux itinérants. C’est la solution retenue en Algérie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie et au Tchad. En outre, le Tchad prévoit la possibilité d’un allongement de la durée du scrutin pour les populations non sédentaires. La mise en place de bureaux itinérants ne semble pas satisfaisante selon les Cours de Guinée-Bissau et de Mauritanie. Au Mali, parce qu’ils ne permettaient pas de joindre tous les électeurs, les bureaux de vote itinérants ont été supprimés en 2003. Il ne reste aux nomades que la possibilité du vote par procuration. C’est par ailleurs la solution qui prévaut en Belgique. Le Niger donne la possibilité aux nomades de voter dans le lieu où ils résident le jour du scrutin à condition qu’ils soient déclarés nomades sur leur carte d’électeur. En Suisse, il est prévu que les Rom votent dans leur commune d’origine et non dans leur commune de résidence. Dans ce cas, l’objectif est moins de faciliter l’accès des populations non sédentaires aux bureaux de vote que de permettre leur inscription sur les listes électorales.

Les militaires peuvent également avoir besoin d’une procédure spéciale de vote. Outre les législations algérienne, béninoise et malienne qui prévoient le vote par procuration pour les membres de l’armée, le Canada et la Suisse le vote par correspondance, des bureaux de vote sont installés à proximité des casernes en Albanie et au Niger et sur le lieu de travail en Algérie.

Le vote des illettrés pose également un problème difficile à régler. Il est du devoir de l’État de permettre aux personnes qui ne savent ni lire ni écrire de voter étant donné qu’elles représentent une part non négligeable de la population dans certains pays. Néanmoins, il est difficile de respecter le secret du vote lorsque l’électeur ne peut exprimer son choix sans une aide extérieure. Certains États permettent de demander l’assistance d’une personne qui n’appartient pas au bureau. Il s’agit de la Bulgarie, du Cambodge, de la Slovénie et de la République tchèque. La loi électorale canadienne ne prévoit aucune mesure dans ce sens, mais la réglementation administrative autorise la présence de services d’assistance dans les bureaux de vote pour les personnes qui en feraient la demande. Certains pays africains (le Congo, la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Tchad) ont recours aux empreintes digitales de l’électeur illettré. Ce dernier trempe son doigt dans l’encre indélébile et l’appose en marge de son nom sur la liste électorale. En Égypte, l’électeur exprime son choix oralement aux membres du bureau ; le secrétaire enregistre son choix et le président le ratifie. De même, à l‘Île Maurice, le bulletin qui correspond au choix de l’électeur illettré est enre gistré par un assesseur sous la surveillance de deux autres assesseurs. À Haïti, les illettrés sont aidés par les membres du bureau en présence des mandataires des candidats et des observateurs.

Le droit des minorités et, en particulier, les droits linguistiques font l’objet d’une reconnaissance accrue dans de nombreux pays. Cependant, seule la Slovénie rédige les bulletins de vote dans les langues des minorités nationales. Il convient de noter néanmoins que de nombreux États ont plusieurs langues officielles, comme le Canada où l’ensemble du matériel électoral est rédigé en anglais et en français.

Le vote des nationaux résidant à l’étranger dans les consulats n’est pas autorisé par tous les États francophones, notamment l’Albanie et le Canada. Le pourcentage d’électeurs concernés par ce vote est en général très faible : il est inférieur à 1 % en France, 0,32 % en Moldavie, 0,3 % au Rwanda, environ 1 % au Sénégal, 2 % en Suisse et 0,078 % en République tchèque. Le Mali constitue une exception notable puisque environ 10 % de l’électorat se trouve à l’étranger et exerce son droit dans les représentations consulaires.

3. L’observation des élections

Les observateurs électoraux observent le déroulement de l’élection dans le but de déceler et de prévenir les erreurs et les tentatives de manipulation mais également de constater la conformité du processus aux règles électorales. L’observation favorise l’ouverture et la transparence des opérations de vote et permet d’accroître la confiance de la population. L’observation a également un effet dissuasif sur les pratiques irrégulières et les tentatives de fraude. Elle permet, en outre, d’avancer des propositions en vue de l’amélioration des systèmes électoraux.

Nous pouvons distinguer trois types d’observateurs : les observateurs nationaux partisans, les observateurs nationaux non partisans et les observateurs internationaux. Dans le cadre de cette étude, nous nous intéresserons particulièrement aux observateurs nommés par les Cours constitutionnelles. En outre, les observateurs ici étudiés sont uniquement les observateurs dont la mission se limite au jour du scrutin.

A. Les observateurs nationaux

La mission des observateurs nationaux est de suivre le déroulement du scrutin et de s’assurer de la régularité et de la transparence des opérations de vote. Concrètement, leur rôle est de relever toutes les irrégularités et infractions à la réglementation électorale et d’en faire rapport aux structures qui les ont mandatés. Comme nous l’avons déjà précisé, la présence des observateurs a également un effet dissuasif.

L’article 19 du code électoral albanais énonce les droits et devoirs des observateurs dans les termes suivants : les observateurs ont le droit d’observer librement tous les préparatifs du déroulement de la procédure de vote, de présenter leurs observations par écrit sur toute irrégularité observée, d’inspecter toute la documentation ou le matériel de la procédure de vote ; ils doivent se conformer aux exigences du code électoral et aux recommandations de la Commission électorale, se comporter en toute équité, s’abstenir de faire de la propagande dans les lieux du bureau de vote ou à l’extérieur, être munis de l’autorisation d’observateur délivrée par la Commission électorale, ne pas porter de signes distinctifs qui puissent influencer le choix de l’électeur, ne pas se comporter de manière à porter atteinte au secret du vote de l’électeur. La Moldavie précise que, outre leur présence dans les bureaux de vote le jour du scrutin, les observateurs ont le droit d’assister aux réunions de la Commission électorale centrale, des conseils électoraux et des bureaux de vote.

Les observateurs nationaux relèvent généralement de quatre catégories d’organes : les partis politiques, les commissions électorales, la société civile et les Cours constitutionnelles. Les modalités d’observation en seront d’autant plus variées. Le tableau suivant présente les organes chargés d’observer, dans les bureaux de vote, le déroulement des opérations de vote.

Tableau 46 – Les observateurs nationaux [18]

Pays

Les juges de la Cour

Des délégués/ observateurs de la Cour

Des représentants des partis politiques ou des candidats

Des représentants des commissions électorales

Des observateurs des organisations non gouvernementales

Des représentants des associations de défense des droits de l’homme

Autres

Albanie

Oui

Oui

Oui

Oui

Algérie

Oui

Oui

Oui

Oui

Belgique

Oui

Bénin

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Bulgarie

Oui

Oui

Oui

Oui

Burkina Faso

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Cambodge

Oui

Oui

Oui

Oui

Cameroun

Oui

Oui

Oui

L’ONEL

Canada

Oui

Scrutateurs et greffiers

Congo

Oui

Oui

Oui

Égypte

Oui

Oui

Oui

France

Oui

Oui

Gabon

Oui

Oui

Oui

Oui

Guinée-Bissau

Oui

Oui

Oui

Oui

Haïti

Oui

Oui

Oui

Oui

Liban

Oui

Madagascar

Oui

Oui

Oui

Oui

Mali

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Maroc

Oui

Maurice

Oui

Oui

Moldavie

Oui

Oui

Monaco [19]

Oui

Niger

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Observateurs regroupés au sein d’un collectif et agréés par la CENI

Roumanie

Oui

Oui

Oui

Oui

Rwanda

Oui

Oui

Oui

Oui

Commission nationale des droits de l’homme, Commission pour l’unité et la réconciliation

Sénégal

Oui

Oui

Oui

Les délégués de la Cour d’appel

Slovénie

Oui

Tchad

Oui

Oui

Oui

Oui

République tchèque

Oui

Oui

Oui

Togo

Oui

Oui

Oui

Les partis politiques observent les élections dans l’ensemble des États, à l’exception du Sénégal et du Tchad. Rappelons que dans ces deux derniers pays, des représentants des formations politiques ou des candidats sont néanmoins présents dans les bureaux de vote. Naturellement, ces observateurs vont essentiellement s’assurer que le candidat qu’ils représentent est traité de façon équitable. Leur neutralité peut être mise en doute mais l’intérêt principal du recours à des observateurs issus des partis est de faire accepter les résultats du scrutin par les sympathisants du candidat battu. Néanmoins, il est nécessaire de prévoir l’observation d’organes dont l’impartialité vis-à-vis des candidats en compétition ne peut être mise en cause.

Les organisations non gouvernementales et les associations de défense des droits de l’homme constituent des organes structurellement indépendants et distincts des autorités publiques et des partis politiques et, par conséquent, sont à même d’effectuer des observations impartiales. Elles exercent ce rôle dans une majorité d’États, à l’exception de la Belgique, du Canada, de la France, du Liban, du Maroc, de l’Île Maurice, de la Moldavie, de Monaco et de la Slovénie. En Bulgarie, il est précisé dans la loi que les organisations « l’Initiative civile pour des élections libres et démocratiques » et « l’Association bulgare de défense des élections équitables et des droits civils » sont autorisées à envoyer des observateurs. Au Niger, des observateurs indépendants se sont regroupés au sein d’un collectif agréé par la Commission électorale nationale indépendante. La société civile rencontre, toutefois, des difficultés à faire face aux moyens importants à engager pour couvrir une partie substantielle du territoire.

L’envoi d’observateurs par les commissions électorales serait une solution combinant l’effectivité de l’appareil administratif et l’impartialité des organisations non gouvernementales. Une des fonctions premières des commissions réside justement dans le contrôle et la supervision des opéra tions électorales. Autorités administratives, elles jouissent également d’une plus grande autorité sur les membres des bureaux de vote que les représentants des partis politiques et des organisations non gouvernementales. La Belgique, le Cameroun, la France, le Liban, le Maroc, le Rwanda et la Slovénie n’ont pas d’observateurs mandatés par les commissions électorales. La Belgique, la France et le Liban ne disposent pas de commission centrale. En France, néanmoins, pour les élections législatives et dans les communes de plus de 20 000 habitants, des commissions de contrôle des opérations de vote sont chargées de l’observation des opérations de vote le jour du scrutin et contrôlent les opérations de dépouillement. Au Cameroun et au Liban, les commissions ne sont pas compétentes pour observer la régularité des opérations de vote. Au Cameroun, la Commission de recensement des votes contrôle le dépouillement des bulletins mais des observateurs sont mandatés par l’Observatoire national des élections (ONEL). Au Maroc, la Commission nationale de suivi des élections a uniquement pour tâche la préparation matérielle de l’élection. Au Rwanda, la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission pour l’unité et la réconciliation peuvent envoyer des observateurs dans les bureaux de vote.

Les commissions électorales peuvent également intervenir dans la formation et l’accréditation des observateurs électoraux nationaux.

L’Albanie, la Belgique, la Bulgarie, l’Égypte, la France, le Liban, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie, la Roumanie, la Slovénie et la République tchèque n’assurent pas de formation aux observateurs nationaux. Les commissions électorales organisent des formations au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, au Niger et au Rwanda ; mais mis à part en Guinée-Bissau et au Rwanda, elles partagent cette fonction avec d’autres orga nismes. Au Burkina Faso, la CENI ne forme que les délégués des partis politiques. À l’inverse, au Canada, « Elections Canada » n’offre une formation qu’aux directeurs du scrutin, qui à leur tour, assurent la formation des fonctionnaires électoraux dans leur circonscription. En revanche, aucune initiation n’est prévue pour les représentants des partis politiques. D’une manière générale, les structures qui envoient des observateurs assurent elles-mêmes leur formation. Il peut s’agir des organisations non gouvernementales, notamment au Cambodge, au Cameroun, au Mali, au Niger ; des partis politiques à Madagascar, au Mali, au Niger. Au Congo, à Madagascar, au Sénégal et au Togo, le ministère de l’Intérieur assume ce rôle pédagogique. Au Sénégal, le Centre de formation judiciaire et les organisations non gouvernementales organisent également des formations. Au Tchad, seule la société civile initie les observateurs à la réglementation électorale. Au Gabon, cette tâche revient à la Cour constitutionnelle.

L’accréditation des observateurs nationaux se fait davantage par le biais des commissions électorales. En premier lieu, aucune accréditation n’est nécessaire en Belgique, en France et en République tchèque. Les commissions électorales centrales ou leurs démembrements locaux sont seuls compétents pour accréditer les observateurs en Albanie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, au Congo, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar [20], à l’Île Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et en Slovénie. Elles partagent cette compétence avec les Cours constitutionnelles du Bénin et du Gabon, qui accréditent les délégués qu’elles nomment. Au Sénégal, cette tâche revient à l’Observatoire national des élections, au Gouvernement et à la Cour d’appel de Dakar [21]. En Bulgarie, les observateurs sont accrédités par l’organe qui les envoie. De même, les représentants des candidats sont accrédités par les candidats eux-mêmes en Égypte et au Gabon. Enfin, l’accréditation passe par l’administration et en particulier le ministère de l’Intérieur au Cameroun, en Égypte et au Togo.

Les observateurs doivent arborer des signes distinctifs au cours de leurs missions d’observation dans tous les pays étudiés, à l’exception de la Bulgarie, de l’Égypte, de la France, du Gabon, du Liban, du Maroc, de la Slovénie et de la République tchèque. Dans les autres pays, les signes dis tinctifs se présentent généralement sous la forme d’un badge, qui peut comporter le nom de l’obser vateur (Canada, Rwanda), sa photo (Niger), le nom de l’organisme qui l’envoie (Rwanda, Tchad) et le sceau de la commission électorale (Rwanda). Au Congo et en Roumanie, l’observateur doit, en outre, présenter son acte d’accréditation. Au Bénin, les délégués de la Cour constitutionnelle doivent porter des t-shirts avec le logo de la Cour. De même, les observateurs de la Cour constitutionnelle malienne arborent t-shirts, casquettes et sacs avec le symbole de la juridiction.

B. Les délégués/observateurs nommés par les Cours constitutionnelles

Les Cours et Conseils constitutionnels du Bénin, du Burkina Faso, de France, du Gabon, du Mali, du Niger et du Tchad nomment des délégués chargés d’observer le déroulement des opéra tions de vote. Cette compétence découle de leur rôle de contrôle de la régularité des scrutins. Compte tenu du nombre limité de conseillers dans chaque juridiction, ils désignent des délégués pour être présents dans le plus grand nombre possible de bureaux de vote.

Au Bénin et au Mali, les délégués sont sélectionnés parmi les citoyens sur la base de critères définis par la Cour. Ainsi, la Cour constitutionnelle béninoise invite les associations à communiquer des noms et accueille les candidatures individuelles. Les critères de sélection portent sur la formation de l’observateur, sa capacité de déplacement, son impartialité politique, la durée de résidence dans la circonscription électorale [22]. Le Conseil constitutionnel du Burkina Faso nomme les délégués parmi les membres du Conseil et surtout parmi les magistrats de l’ordre judiciaire. En France et au Niger, ils sont également choisis principalement parmi les magistrats de l’ordre judiciaire, sauf dans les départements et territoires français d’outre-mer où les délégués sont des juges administratifs. Au Gabon et au Tchad, les observateurs sont mis à la disposition de la Cour par les autres institutions de l’État.

Tableau 47 – Le nombre de délégués/observateurs désignés par les cours

En matière d’élection présidentielle

En matière d’élections parlementaires

Bénin

34 en 1996, 351 en 2001

403 en 2003

Burkina Faso

N.C.

N.C.

France

Environ 1 200 dont un cinquantaine directement

0

Gabon

30 et plus

30 et plus

Mali

En moyenne 1 000 par tour

En moyenne 1 000 par tour

Niger

N.C.

N.C.

Tchad

14

0

Le nombre de délégués désignés est donc très variable d’un pays à un autre et témoigne des obstacles que peuvent rencontrer les Cours pour trouver un financement et un nombre suffisant de personnes compétentes. Ainsi, le Conseil constitutionnel tchadien évoque les nombreuses difficultés qu’il a eues pour déployer des délégués pour l’élection présidentielle de 2001. En outre, la Cour constitutionnelle du Togo désignait des magistrats observateurs mais ils n’étaient pas assez nombreux. Pour des raisons politiques, l’observation des élections a été confiée à la Commission électorale, qui doit cependant faire face aux mêmes difficultés [23].

Le contrôle des bureaux de vote s’effectue dans l’ensemble des États concernés de façon inopinée. L’itinéraire des délégués doit rester secret, chaque bureau de vote devant s’attendre à avoir la visite d’un observateur.

Les mesures d’observation consistent à s’assurer des conditions de régularité des votes (contrôle des pièces d’identité, obligation d’utiliser l’isoloir…). Elles concernent également la présence du matériel électoral, le contrôle des membres du bureau et toute perturbation mettant en cause le bon déroulement du scrutin.

L’autorité des délégués sur les membres du bureau de vote varie. Au Burkina Faso et en France, les mesures d’observation peuvent se traduire par des injonctions. Au Bénin, Gabon, Mali, Niger et Tchad, ce sont de simples mesures de constatation. En France, les délégués peuvent faire part de leurs observations aux membres du bureau. Si elles ne sont pas prises en compte, elles sont inscrites sur le procès-verbal du bureau de vote. En cas de doute sur une éventuelle irrégularité, les délégués prennent contact avec la permanence téléphonique du Conseil constitutionnel.

Des questionnaires d’observation standards sont établis au Bénin, au Burkina Faso, au Gabon, au Mali et au Tchad. Ils ont l’avantage de permettre une harmonisation du contrôle de chaque observateur et de rationaliser leur travail. La Cour constitutionnelle du Bénin précise que chaque observateur doit passer environ 10 minutes dans chaque bureau. Cette même Cour a établi un questionnaire pour chacune des trois étapes du processus électoral : l’inscription sur les listes électorales, la campagne électorale et les opérations de vote le jour du scrutin. La Cour constitutionnelle du Mali a rédigé un guide de l’observateur permettant d’orchestrer l’évaluation des élections.

Les observations sont portées sur le procès-verbal du bureau de vote au Burkina Faso et en France. Dans les autres pays, il n’y a pas de trace des irrégularités constatées dans les documents élaborés par le personnel électoral. Elles sont directement transmises à la Cour constitutionnelle. Au Bénin, les observateurs formulent, en premier lieu, leurs observations sur les fiches. À l’issue du scrutin, le coordonnateur communal établit un rapport transmis au coordonnateur départemental. L’ensemble des coordonnateurs départementaux se réunissent pour élaborer un rapport de synthèse pour la Cour constitutionnelle. De même, au Gabon, Mali, Niger et Tchad, les observations sont formulées sur les fiches d’observations et des rapports sont élaborés à l’attention des Cours consti tutionnelles. En outre, au Burkina Faso et en France, si les observations sont inscrites sur les pro cès-verbaux des bureaux de vote, les délégués dressent également des rapports envoyés aux Conseils constitutionnels. Un lien direct est, dans tous les cas, conservé entre la juridiction consti tutionnelle et les observateurs qu’elle a envoyés sur le terrain.

Les missions d’observation des délégués/observateurs de la Cour ont permis de constater les anomalies suivantes :

Tableau 48 – Les anomalies observées par les observateurs des cours et conseils constitutionnels

Bénin

Problème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux, capacité insuffisante des urnes pour contenir tous les bulletins de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote, retard d’ouverture des bureaux de vote, retard dans l’acheminement du matériel de vote, mauvaise qualité de l’encre, absence de tableau pour le décompte des voix, manque de procès-verbaux.

Burkina Faso

N.C.

France

Problème de composition des bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote

Gabon

Problème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, électeurs régulièrement inscrits mais dont les noms n’apparaissent pas sur les listes électorales

Mali

Problème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pression sur les électeurs dans les bureaux de vote

Niger

N.C.

Tchad

Problème de composition des bureaux de vote, fermeture prématurée des bureaux de vote, carence de bulletins de vote dans les bureaux de vote, manque d’isoloirs permettant d’assurer le secret du scrutin, pressions sur les électeurs dans les bureaux de vote

Les Cours constitutionnelles examinent ces observations lors de l’élaboration des décisions de proclamation des résultats définitifs, notamment au Bénin et au Mali. Les remarques constituent également un support pour l’examen des procès-verbaux des bureaux de vote. Elles peuvent aussi être prises en compte lorsque les Cours émettent des recommandations aux pouvoirs publics. Le Conseil constitutionnel du Burkina Faso précise que les délégués constituent des agents d’information essentiels : ils permettent aux conseillers de se faire une idée de l’ampleur des irrégularités et éventuellement de confirmer les constatations des membres des bureaux de vote ou des représentants des partis politiques. Les observations sont également des outils utiles lorsque la juridiction doit statuer sur une réclamation [24].

Toutefois, dans leur jurisprudence électorale, seules les institutions française et malienne ont sanctionné des pressions sur les observateurs.

C. Les observateurs internationaux

L’envoi d’observateurs internationaux poursuit les mêmes objectifs que celui des observateurs nationaux : vérifier la régularité et la transparence des opérations de vote mais également leur conformité aux standards internationalement reconnus en matière électorale. Cependant, à la différence des délégués des Cours constitutionnelles dont les conclusions servent d’outils de travail au juge de l’élection, l’observation internationale expose l’État à la critique de la communauté internationale. Les observateurs internationaux offrent des garanties d’indépendance et d’impartialité vis-à-vis du pouvoir en place [25].

Si elle offre des garanties d’objectivité, l’observation internationale présente certains inconvénients. Pour des raisons pratiques évidentes, la présence sur le terrain est restreinte dans le temps ce qui n’offre pas la possibilité de s’imprégner du contexte de l’élection, même si des missions d’exploration sont organisées. Les observateurs internationaux doivent, tout de même, s’informer du cadre légal et politique. Le risque que les acteurs locaux perçoivent la démocratie comme un modèle imposé par l’étranger est aussi réel. Pour éviter cela, il est nécessaire d’instituer une coopé ration étroite avec les autorités et les acteurs nationaux.

Parmi les pays étudiés, la Belgique, le Canada, l’Égypte, la France, le Liban, Madagascar, le Maroc, l’Île Maurice et la Suisse ne sollicitent pas d’observateurs électoraux internationaux. Exceptionnellement, des observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se sont rendus à Monaco à l’occasion des élections parlementaires de 2003, dans le cadre de l’instruction de la demande d’adhésion de la Principauté à cette organisation régionale.

Il convient de remarquer que, de façon générale, les observateurs internationaux doivent être invités par les autorités nationales, dans le strict respect de la souveraineté nationale.

Les missions d’observation électorale se sont multipliées depuis le début des années 1990. Elles ont accompagné le mouvement de démocratisation qui a touché l’Europe centrale et orientale et l’Afrique francophone. Les organisations, particulièrement les organisations régionales, ont fortement développé leur capacité à effectuer de telles missions. L’Organisation internationale de la Francophonie s’est également engagée dans l’élaboration de programmes d’observation électorale à la suite des sommets de Chaillot en 1991 et de l’Île Maurice en 1993. Des organisations « sœurs » fondées sur le partage d’une langue commune, notamment le Commonwealth et la Communauté des pays de langue portugaise, mettent aussi en œuvre des missions d’observation. Des organisa tions non gouvernementales se sont spécialisées dans l’étude et le contrôle des processus électo raux, la plus connue étant L’International Foundation for Electoral Systems.

Tableau 49 – Les organisations internationales sollicitées par les états francophones

Les organisations internationales sollicitées

Pour quelles élections ?

Albanie

Le Conseil de l’Europe, l’UE [26], l’OSCE [27]

Les élections législatives de mars 1991, mars 1992, mai 1996, juin 1997, juin 2001. les référendums de novembre 1994 et novembre 1998. les élections locales d’octobre 1992, octobre 1996, octobre 2000 et octobre 2003

Algérie

L’ONU [28], l’UA [29], l’UE, la Ligue arabe

Plusieurs élections

Bénin

L’OIF [30], l’UE, IFES [31], GERDDES-Afrique [32], plusieurs OING

Toutes les élections depuis 1991

Bulgarie

L’OSCE, administration électorale de Bosnie-Herzégovine

Les élections parlementaires de juin 2001, l’élection présidentielle de novembre 2001

Burkina Faso

L’UA, l’OIF, l’UE

Toutes les élections nationales

Cambodge

L’ONU, l’OIF, l’UE

Les élections parlementaires

Cameroun

N.C.

L’élection présidentielle

Congo

L’ONU, l’UA, l’OIF, l’UE, pays amis

Toutes les élections

Gabon

L’UE

Les élections présidentielles et législatives

Guinée-Bissau

L’ONU, l’UA, l’OIF, L’UE, la CPLP [33]

Les élections présidentielles et parlementaires

Haïti

L’ONU, l’OEA [34], CARICOM [35]

Les élections présidentielles et parlementaires

Mali

L’OUA, l’OIF, l’UE

Les élections législatives d’avril 1997 et de juillet 2002, l’élection présidentielle de mai 1997 et d’avril 2002

Moldavie

Le Conseil de l’Europe, l’OSCE, le Comité Helsinki pour les droits

de l’homme, IFES

Les élections parlementaires de 2001

Niger

L’UA, l’OIF, l’UE,

Canada, Danemark

Les élections législatives et présidentielles

Roumanie

Le Conseil de l’Europe, l’OSCE

Septembre 1992, octobre 1996

Rwanda

L’ONU, l’UA, l’OIF,

l’UE, plusieurs missions diplomatiques, IFES, le NDI [36]

Référendums de mai, août, septembre, octobre 2003 ; les élections présidentielle et législative de mars 2002 ; les élections locales de mars 2001

Sénégal

L’UA, l’OIF, l’UE,

plusieurs OING

L’élection présidentielle de 2000, les élections législatives de 2001

Slovénie

L’OSCE

Les élections présidentielles et parlementaires [37]

Tchad

L’ONU, l’UA, l’OIF,

l’UE, GERDDES-Afrique

Le référendum de 1996, les élections présidentielles de 1996 et de 2001, les élections législatives de 2002

République tchèque

L’OSCE

Les élections à la chambre des députés du parlement, notamment en 1998 et 2002

Togo

L’ONU, l’UA, l’OIF, l’UE

Les élections présidentielles et législatives

IV. Le dépouillement des bulletins de vote

La dernière étape du scrutin est le dépouillement des opérations de vote. Il débute après la clôture du scrutin. Le dépouillement des bulletins de vote est effectué directement dans les bureaux de vote, sans déplacement des urnes, dans la plupart des pays de l’espace francophone. Il existe néanmoins des exceptions.

En Belgique, au Cambodge, au Cameroun, en Égypte, à l’Île Maurice et au Tchad, les suffrages sont recensés dans des centres spécifiques. En Belgique, le dépouillement des bulletins papiers est effectué par un bureau de dépouillement constitué au plus tard à 14 heures le jour du scrutin. Il y a un bureau de dépouillement pour 2 400 électeurs inscrits, ce qui représente environ un bureau de dépouillement pour 3 bureaux de vote. En cas de vote automatisé, il n’y a pas de dépouillement mais une totalisation électronique. Le président du bureau principal de canton procède à l’enregistrement des supports de mémoire provenant des bureaux de vote sur le support de mémoire destiné à la totalisation des votes. Les autres pays cités ont institué des systèmes semblables puisque que ce sont des commissions spéciales qui opèrent le dépouillement. Au Cambodge, il s’agit de groupes relevant de la Commission électorale communale. En Égypte, le comité de dépouillement centralise les bulletins de plusieurs bureaux de vote ; il est composé du président du bureau de vote central et de deux présidents de « sous-bureau de vote [38] ». La réglemen tation électorale mauricienne institue également des bureaux de dépouillement [39] composés de fonctionnaires désignés par le commissaire électoral et placés sous la présidence du Returning Officer [40]. Enfin, au Tchad, une commission de dépouillement a été créée. Elle est composée des membres du bureau de vote, de quatre scrutateurs choisis parmi les électeurs ainsi que des observateurs nationaux et internationaux.

Dans les autres pays, le dépouillement des bulletins de vote est effectué dans les bureaux de vote par les membres du bureau de vote. Ils sont assistés de scrutateurs choisis parmi les électeurs inscrits dans le bureau, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, en France, à Madagascar, au Niger et au Tchad. Dans un souci de transparence, les représentants des partis politiques peuvent y participer, notamment au Maroc, Rwanda et au Tchad. Ils sont souvent contraints à un simple rôle de surveillance, comme au Canada, à Haïti et au Liban. La présence des observateurs nationaux et internationaux peut être autorisée. C’est le cas en Albanie et en Roumanie. Au Burkina Faso, au Gabon et au Tchad, les délégués de la Cour constitutionnelle sont associés au dépouillement.

Le procès-verbal du bureau de vote retrace l’ensemble des opérations électorales, les incidents ainsi que les observations et les contestations des membres du bureau, délégués ou scrutateurs. Il est établi par le président du bureau de vote en Algérie, au Bénin, au Liban, à Monaco, au Rwanda et en Suisse et par l’ensemble du bureau de vote en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Congo, en France, au Gabon, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, en Moldavie [41], en Slovénie, en République tchèque et au Togo. Le président de la commission de dépouillement est responsable de l’établissement du procès-verbal en Égypte et à l’Île Maurice. En Albanie, le président dresse le tableau des résultats et établit le procès-verbal, qui est ensuite signé par l’ensemble des membres du bureau. En Belgique, au Sénégal et au Tchad, cette tâche revient au secrétaire du bureau de vote [42]. Au Cambodge et à Haïti, les représentants des candidats ou des partis politiques ont la possibilité de signer le procès-verbal. Il en est de même en France et au Maroc ; au Tchad, les délégués des partis sont uniquement présents lors de l’établissement du document. Au Cameroun, la commission en charge du dépouillement, la commission locale de vote, rédige le procès-verbal, qui doit être signé par l’ensemble des membres du bureau de vote. Au Niger, le procès-verbal est établi soit par le président soit par le secrétaire du bureau puis requiert la signature des membres du bureau et les délégués des partis politiques.

Au Canada, après le dépouillement opéré par les scrutateurs et les greffiers, les bulletins de vote sont insérés dans des enveloppes par section de vote. Les enveloppes sont scellées et y sont inscrits les résultats du dépouillement. Une fois le dépouillement achevé pour l’ensemble de la circonscription, le directeur du scrutin annonce le candidat vainqueur et transmet le décompte des voix aux médias et au Directeur général des élections, qui en fait la diffusion immédiate sur le site Internet d’ « Elections Canada ».

Les procès-verbaux sont acheminés vers les autorités compétentes pour la proclamation des résultats et/ou le contentieux électoral. Au Canada, les directeurs du scrutin font parvenir les procès-verbaux de déroulement du scrutin et de dépouillement des bulletins au Directeur général des élections, qui en accuse réception et en fait la publication dans la Gazette du Canada. Les commissions électorales locales et/ou centrales reçoivent également les procès-verbaux en Albanie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, au Gabon, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar, à Maurice, en Moldavie, au Niger, en Roumanie, au Rwanda, au Sénégal, en Slovénie, au Tchad et au Togo.

Les procès-verbaux sont, par ailleurs, acheminés vers les autorités administratives en charge d’une partie de la gestion du processus électoral. Il s’agit du ministère de l’Intérieur en Algérie, en Belgique, au Bénin, en Égypte, au Liban, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Tchad et au Togo, du gouvernement cantonal en Suisse, des préfectures en France et du ministre d’État [43] à Monaco.

Les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. peuvent, également, directement recevoir les procès-verbaux du fait de leurs compétences électorales. C’est notamment le cas en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie et au Tchad.

Les trois autorités que nous venons de citer, sont les principaux acteurs du processus électoral et, par conséquent, constituent les premiers destinataires, même s’ils ne sont pas les seuls, des pro cès-verbaux des résultats des bureaux de vote, dont l’utilité pour l’ensemble des opérations postélectorales est essentielle, en particulier en ce qui concerne le contentieux de la régularité des opérations de vote.

Le tableau suivant récapitule les autorités vers lesquelles sont acheminés les procès-verbaux.

Tableau 50 – Les destinataires des procès-verbaux de résultats des bureaux de vote

Albanie

La Commission électorale centrale

Algérie

Le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice, le Conseil constitutionnel

Belgique

Le ministère de l’Intérieur [44]

Bénin

Le ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale, la Cour constitutionnelle, les mairies, les préfectures, les représentants des candidats

Bulgarie

Les Commissions électorales de district, qui font une synthèse et transmettent une copie à la Commission centrale

Burkina Faso

La Commission électorale centrale, le Conseil constitutionnel

Cambodge

La Commission électorale centrale

Cameroun

La Commission départementale de supervision, la Commission nationale de recensement général des votes

Canada

La Commission électorale centrale, la Gazette du Canada

Congo

La Commission électorale nationale [45]

Égypte

Le ministère de l’Intérieur

France

Les préfectures [46]

Gabon

Les commissions électorales centrale et locales

Guinée-Bissau

La Commission électorale centrale, le ministre de l’Intérieur

Haïti

Les bureaux électoraux communaux

Liban

Le ministère de l’Intérieur

Madagascar

Le ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale [47], la Haute Cour constitutionnelle

Mali

Le ministère de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle, les mairies, les consulats, les ambassades et les commissions de centralisation

Maroc

Le ministère de l’Intérieur, la commission électorale centrale, le tribunal de première instance

Maurice

La Commission électorale centrale

Mauritanie

Le ministère de l’Intérieur, le Conseil constitutionnel

Moldavie

La Commission électorale centrale [48]

Monaco

Le ministre d’État

Niger

La Commission électorale centrale

Roumanie

La Commission électorale centrale

Rwanda

La Commission électorale centrale

Sénégal

Les commissions départementales de recensement des votes, qui les transmettent à la Commission nationale de recensement des votes

Slovénie

La Commission électorale centrale

Suisse

Le gouvernemental cantonal

Tchad

Le ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale, le Conseil constitutionnel, les archives de la circonscription électorale

République tchèque

L’Office tchèque de la statistique

Togo

Le ministère de l’Intérieur, la Commission électorale centrale


  • [1]
    Voir Bigaut (Christian), « Le bureau de vote », dans Perrineau (Pascal) et Reynié (Dominique) (dir.), Dictionnaire du vote, P.U.F., Paris, 2001, p. 126.  [Retour au contenu]
  • [2]
    En cas de vote automatisé, dans les bureaux de vote de plus de 800 électeurs, il y a désignation d’un assesseur, d’un assesseur suppléant d’un secrétaire adjoint.  [Retour au contenu]
  • [3]
    En cas de vote automatisé, dans les bureaux de vote de plus de 800 électeurs, il y a désignation d’un assesseur, d’un assesseur suppléant d’un secrétaire adjoint.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Les bureaux de vote sont appelés commissions électorales de section.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Les bureaux sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux. À leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Selon l’article 42 de la loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Selon l’article 35 de la loi de 1968.  [Retour au contenu]
  • [8]
    C’est-à-dire 7 jours avant le jour du scrutin.  [Retour au contenu]
  • [9]
    À Haïti, les forces de l’ordre peuvent entrer librement dans les bureaux de vote.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Décision n° 97-2169 du 23 octobre 1997, A.N., Haut-Rhin, 6e circ.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Mis à part les personnes empêchées, les autres bénéficiaires du vote par procuration peuvent également voter dans n’importe quel bureau de vote, munies de leur carte d’électeur et de leur accréditation ou ordre de mission.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel algérien », tome II, p. 87.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad », tome II, p. 97.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique », tome II, p. 91.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Voir « Le rôle du Tribunal fédéral suisse comme autorité de recours dans le processus électoral », tome II, p. 263.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Voir le rapport explicatif du code de bonne conduite en matière électorale, adopté par la Commission européenne pour la démocratie par le droit le 18-19 octobre 2002, CDL-AD (2002) 23.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Voir « Les procédures spéciales de vote. L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique », tome II, p. 91.  [Retour au contenu]
  • [18]
    La Mauritanie et la Suisse n’ont pas répondu à cette partie du questionnaire.  [Retour au contenu]
  • [19]
    L’article 38 de la loi électorale précise que deux délégués de chaque candidat ou liste de candidats sont admis dans la salle de vote.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Les observateurs sont agréés par la Comité national électoral et sont tenus de respecter les dispositions de la Charte de l’éducation civique et de l’observation des élections annexée au code électoral.  [Retour au contenu]
  • [21]
    L’article 35 de la Constitution sénégalaise énonce que les cours et tribunaux veillent à la régularité du scrutin. Ce rôle a été dévolu essentiellement à la Cour d’appel de Dakar. L’envoi d’observateurs en est l’illustration. De même, le Premier président de la Cour d’appel préside la Commission nationale de recensement des votes.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Voir « Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote. L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin », tome II, p. 99.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Voir « Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances. L’expé rience de la Cour constitutionnelle du Togo », tome II, p. 43.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Voir « Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote. L’expérience du Conseil constitutionnel du Burkina Faso », tome II, p. 103.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Les organisations intergouvernementales doivent néanmoins éviter d’inclure parmi les membres de la mission des personnes issues d’un pays avec lequel le pays visité a un contentieux.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Union européenne.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe  [Retour au contenu]
  • [28]
    Organisation des Nations Unies  [Retour au contenu]
  • [29]
    Union Africaine.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Organisation Internationnale de la Francophonie  [Retour au contenu]
  • [31]
    Internationnal Foundation for Election Systems  [Retour au contenu]
  • [32]
    Groupe de recherche sur la démocratie et le développement économique et social en Agrique  [Retour au contenu]
  • [33]
    Communauté des pays de langue portugaise (Comunidade dos paises de lingua portuguesa)  [Retour au contenu]
  • [34]
    Organisation des États américains.  [Retour au contenu]
  • [35]
    Caribbean Community  [Retour au contenu]
  • [36]
    National Democratic Institute for International Affairs.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Malgré les invitations, la dernière présence d’observateurs internationaux remonte aux élections parlementaires et présidentielles de 1992.  [Retour au contenu]
  • [38]
    Sub polling station.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Counting station.  [Retour au contenu]
  • [40]
    Le Returning Officer est nommé par la Commission de contrôle électoral (Electoral Supervisory Commission) ; il assume la responsabilité générale et la supervision des opérations électorales dans leur district.  [Retour au contenu]
  • [41]
    Selon un modèle présenté par la Commission électorale centrale.  [Retour au contenu]
  • [42]
    En pratique, en France, le secrétaire rédige le procès-verbal. Ce dernier est ensuite signé par l’ensemble des membres du bureau de vote.  [Retour au contenu]
  • [43]
    Chef du gouvernement monégasque.  [Retour au contenu]
  • [44]
    Ils sont d’abord acheminés vers le président du bureau principal de circonscription.  [Retour au contenu]
  • [45]
    Qui transmet au juge constitutionnel et au ministre de l’Intérieur (article 17 loi électorale).  [Retour au contenu]
  • [46]
    Une copie est également déposée au secrétariat de la mairie selon l’article R70 du code électoral.  [Retour au contenu]
  • [47]
    Dans ce cas, il s’agit de la Commission de recensement matériel des votes, composée d’un magistrat et de 6 fonctionnaires.  [Retour au contenu]
  • [48]
    Un exemplaire reste au bureau de vote, un autre est adressé au conseil électoral de circonscription, les autres aux représentants des candidats.  [Retour au contenu]

VI. La proclamation des résultats et le contentieux électoral

L’intervention des Cours constitutionnelles après le scrutin clôt généralement la période électorale. Il incombe au juge constitutionnel de régler des litiges électoraux, dans les limites de ses attri butions, afin que les résultats définitifs soient proclamés. Le déroulement de la période post-électorale débute par la transmission des documents électoraux aux Cours et Conseils jusqu’à l’archivage de ces mêmes documents, qui annonce la fin de la période électorale.

1. La transmission des documents électoraux aux Cours constitutionnelles

Dans leur majorité, les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. connaissent du contentieux électoral. Néanmoins, l’étendue de leurs compétences est très variable d’un État à l’autre. Par conséquent, la transmission des documents électoraux (bulletins, procès-verbaux…) au juge constitutionnel n’est pas nécessaire dans tous les pays. Aussi, ils ne sont pas transmis aux Cours de l’Albanie, de Belgique, de Bulgarie, du Cambodge, du Canada [1], d’Égypte, de Guinée-Bissau, de Haïti, du Liban, de l’Île Maurice, de Moldavie, de Monaco, de Slovénie, de Suisse et de République tchèque.

A contrario, les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. reçoivent donc les documents électoraux. Il s’agit essentiellement des Cours africaines mais également du Conseil constitutionnel français et de la Cour constitutionnelle roumaine. Ces deux dernières institutions ne recueillent que les documents relatifs à l’élection du président de la République.

Dans la plupart des pays, les commissions électorales sont chargées d’acheminer les documents électoraux. Ces autorités administratives ont souvent comme tâche de centraliser les résultats des bureaux de vote, comme nous venons de le voir dans la précédente partie de ce bulletin, et parfois de proclamer les résultats provisoires. Lorsqu’elles ne disposent pas de ces attri butions, certaines commissions ont pour principale fonction de recenser et centraliser les votes et les procès-verbaux.

Ainsi, l’acheminement des documents électoraux est confié aux commissions centrales au Bénin, au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, au Niger, en Roumanie, au Rwanda et au Togo et à leurs démembrements locaux au Maroc et au Tchad [2]. Au Cameroun, à Madagascar et au Sénégal, des commissions nationales de recensement des votes sont spécialement chargées de cette tâche. Il s’agit des commissions régionales de recensement en Mauritanie et en France [3]. Au Mali, c’est le ministère de l’Intérieur et les collectivités locales qui s’occupent de la transmission des résultats au juge constitutionnel.

Des mesures de sécurité sont prises pour le bon acheminement des documents électoraux dans tous les États concernés, à l’exception de la France qui ne prévoit de telles mesures que le cas échéant, et essentiellement pour les documents provenant de l’outre-mer. Les mesures de sécurité reposent dans la plupart des pays sur le transport des documents électoraux sous plis scellés, et éventuellement sous surveillance, notamment d’un huissier de justice au Congo, de la gendarmerie au Maroc ou de gardes armés en Roumanie. Au Mali, les ambassades et consulats, qui recueillent environ 10 % des votes des Maliens, transmettent les documents électoraux à la Cour constitutionnelle par envois spéciaux par avion.

Finalement, seules les Cours béninoise, malgache et malienne ont relevé des dysfonctionnements lors de cet acheminement. Les juges béninois font état de plis transmis avec retard et surtout d’enveloppes non scellées [4]. La Cour malienne observe les mêmes irrégularités ainsi que la transmission de documents incomplets. Le même dysfonctionnement a été constaté à Madagascar.

Les tableaux suivants énumèrent les opérations effectuées par les Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. une fois en possession des documents électoraux.

Tableau 51 – Le traitement des documents électoraux de l’élection présidentielle

Nouveau décompte intégral des votes

Décompte partiel des votes

(bulletins litigieux)

Rectification du décompte des voix

Examen des réclamations avant la proclamation des résultats

Proclamation des résultats

Algérie

Bénin

Burkina Faso

Congo

Gabon

France

Madagascar

Mali

Mauritanie

Niger

Tchad

Algérie

France

Sénégal

Tchad

Algérie

Bénin

Burkina Faso

Congo

Gabon

France

Madagascar

Mali

Mauritanie

Sénégal

Tchad

Togo

Algérie

Bénin

Burkina Faso

Cameroun

Congo

France

Madagascar

Mali

Mauritanie

Roumanie

Sénégal

Tchad

Togo

Algérie

Bénin

Burkina Faso

Cameroun

Congo

Gabon

France

Madagascar

Mali

Mauritanie

Niger

Roumanie

Rwanda

Sénégal

Tchad

Togo

Tableau 52 – Le traitement des documents électoraux des élections parlementaires

Nouveau décompte intégral des votes

Décompte partiel des votes (bulletins litigieux)

Rectification du décompte des voix

Examen des réclamations avant la proclamation des résultats

Proclamation des résultats

Algérie

Algérie

Algérie

Algérie

Algérie

Bénin

Bénin

Bénin

Bénin

Burkina Faso

Burkina Faso

Burkina Faso

Burkina Faso

Cameroun

Cameroun

Congo

Gabon

Gabon

Gabon

Madagascar

Madagascar

Madagascar

Madagascar

Mali

Maroc [5]

Maroc [6]

Mali

Maroc

Mali

Mali

Mauritanie

Niger

Niger

Rwanda

Sénégal

Sénégal

Sénégal

Sénégal

Tchad

Tchad

Tchad

Tchad

Tchad

Togo

Togo

Togo

En premier lieu, il convient de préciser que si les opérations énumérées dans les tableaux ne sont pas effectuées par la Cour constitutionnelle, elles le sont par une autre autorité. Il s’agira principalement des commissions électorales et plus rarement du ministère de l’Intérieur. Par exemple, la Commission électorale centrale bulgare proclame les résultats et les publie dans la Gazette d’État.

Ensuite, il existe une différence de « traitement » entre les documents des élections présidentielles et ceux des élections parlementaires. Nous avons déjà précisé que les institutions française et roumaine ne reçoivent pas les documents électoraux concernant l’élection des députés. Si la Cour roumaine n’est pas compétente pour le contentieux électoral de ces élections, ce n’est pas le cas du Conseil constitutionnel français. Il est cependant moins impliqué dans cette élection, pour laquelle, à la différence de l’élection du président de la République, il ne dresse pas la liste des candidats, n’envoie pas d’observateurs, ne recompte pas les bulletins et ne proclame pas les résultats. C’est également le cas au Congo et en Mauritanie où les Cours constitutionnelles se limitent à la proclamation des résultats même si, au demeurant, le contentieux électoral relève de leurs attributions.

Un nouveau décompte des voix permet aux Cours d’opérer des rectifications matérielles dans le cadre de leur qualité de juge de la validité des élections et d’annuler des suffrages au niveau de certains bureaux de vote avant de procéder à la proclamation définitive des résultats. Dans l’ensemble, la majorité des Cours procèdent à un nouveau décompte des votes, rectifient le cas échéant ce décompte, examinent les réclamations et proclament les résultats. Seules les institutions du Cameroun, de Roumanie, du Rwanda, du Sénégal et du Togo n’effectuent pas un nouveau décompte intégral des bulletins de vote. Au Maroc, il n’est effectué qu’en cas de recours. Par ailleurs, seules les Cours du Gabon, du Niger et du Rwanda n’examinent pas les réclamations avant la proclamation des résultats.

Nous observons, néanmoins, une relative homogénéité des pratiques des Cours qui reçoivent les documents électoraux. Celles-ci ne sont que la conséquence de compétences voisines en matière de contentieux électoral. Les institutions, qui sont citées ici, correspondent globalement à celles qui possèdent des attributions relativement importantes pour juger de la régularité et de la sincérité du scrutin.

Il convient, à présent, de s’interroger sur les conditions d’exercice de ce contentieux.

II. La procédure devant les Cours constitutionnelles

A. La saisine des Cours constitutionnelles

Le juge constitutionnel opère un véritable « dédoublement de personnalité » lorsqu’il s’érige en juge électoral. S’ils relèvent du même juge dans la majorité des États étudiés, le contentieux électoral ne se confond pas avec le contentieux constitutionnel. Il en résulte des procédures distinctes, qui apparentent davantage le juge électoral à un juge ordinaire. Le caractère juridictionnel des attributions du juge constitutionnel en matière électorale est d’autant plus remarquable dans les cas où le particulier n’a pas accès au juge siégeant en matière de contentieux des normes, comme notamment en France.

Les personnes autorisées à saisir le juge électoral ne sont donc pas les mêmes que celles autorisées à saisir le juge constitutionnel. Les autorités étatiques (président, Premier ministre, parlementaires…) ont une rôle secondaire et doivent faire preuve de neutralité. En revanche, les premiers concernés sont les candidats eux-mêmes et les partis politiques qui participent au scrutin. Dans certains cas, les électeurs ont également la possibilité de saisir le juge.

Les tableaux suivants présentent les personnes autorisées à saisir les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. d’une requête électorale. Il convient de préciser, en premier lieu, que ce tableau ne concerne que le contentieux post-électoral. Les contentieux relatifs notamment aux listes électorales et aux candidatures ont été évoqués plus haut. Néanmoins, il reste toujours possible dans certains pays d’évoquer devant le juge des arguments relatifs à l’éligibilité d’un candidat après le déroulement du scrutin.

Précisons également que la Cour d’arbitrage belge, la Cour suprême constitutionnelle égyptienne, la Cour de cassation haïtienne et le Tribunal suprême monégasque ne sont pas concernés puisqu’ils ne disposent d’aucune attribution en matière électorale. Le cas du Canada est particulier ; la Cour suprême peut connaître de requêtes électorales dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction de dernière instance. À ce stade, la requête électorale ne connaît pas de spécificité propre comparée à une requête normale. Néanmoins, la loi électorale a institué un système placé sous l’autorité du Directeur général des élections et du Commissaire aux élections fédérales qu’il conviendra d’évoquer dans ses grandes lignes.

Enfin, nous distinguerons deux groupes de Cours constitutionnelles. La distinction, déjà esquissée dans la première partie de ce bulletin, s’opère entre les Cours qui disposent de compétences étendues et similaires en matière électorale et les Cours dont les attributions sont soit moins globales, soit répondent à des caractéristiques distinctes. Concrètement, le premier groupe correspond à la France et à l’Afrique francophone où l’influence de la première est évidente, et la seconde catégorie rassemble en majorité les États européens. Plus précisément, le Cambodge et le Liban se rattachent à la première catégorie et nous étudierons l’Île Maurice dans la seconde.

Tableau 53 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour l’élection présidentielle (1er groupe) [7]

Pays

Électeur

Candidat ou leurs

représentants

Parti ou groupement politique

Commission électorale

Juridiction

Auto saisine

de la Cour

Autres

Algérie

Oui

Bénin

Oui

Oui

Burkina Faso

Oui

Cambodge

Cameroun

Oui

Oui

Oui [8]

Un agent du Gouvernement

Congo

Oui

Oui [9]

France

Oui [10]

Oui

Le préfet

Gabon

Oui

Oui

Oui

Le délégué du Gouvernement [11]

Guinée-Bissau

Oui

Liban

Oui

Au moins un tiers des membres de la Chambre des députés [12]

Madagascar

Oui

Oui

Oui

Un observateur, une ONG

Mali

Oui

Les membres du bureau de vote (y compris les mandataires des candidats) [13], représentants de l’État dans la circonscription

Maroc

Mauritanie

Oui

Niger

Oui

Oui

Oui

Oui [14]

Rwanda

Oui

Oui

Oui

Oui

Tout intéressé

Sénégal

Oui

Tchad

Oui

Oui

Togo

Oui

Oui

Oui [15]

Tableau 54 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour les élections parlementaires (1er groupe)

Pays

Électeur

Candidat ou leurs représentants

Parti ou groupement politique

Commission électorale

Juridiction

Auto saisine de la Cour

Autres

Algérie

Oui

Oui

Bénin

Oui [16]

Oui

Oui

Oui

Burkina Faso

Oui

Oui

Cambodge

Oui

Oui

Oui

Oui

Cameroun

Oui

Oui

Un agent du Gouvernement

Congo

Oui

Oui [17]

France

Oui

Oui

La Commission des comptes de campagne

Gabon

Oui

Oui

Oui

Le délégué du Gouvernement [18]

Guinée-Bissau

Oui

Liban

Oui

Madagascar

Oui

Oui

Oui

Un observateur, une ONG

Mali

Oui

Oui

Les membres du bureau de vote (y compris les mandataires des candidats) [19], représentants de l’État dans la circonscription

Maroc

Oui

Oui

Mauritanie

Oui

Oui

Niger

Oui

Oui

Oui

Oui [20]

Rwanda

Oui

Oui

Oui

Oui

Tout intéressé

Sénégal

Oui

Tchad

Oui

Oui

Togo

Oui

Oui

Oui [21]

Les Cours constitutionnelles, que nous avons comparées dans les deux tableaux précédents, ont en commun d’être compétentes en premier et dernier ressort pour le contentieux post-électoral. Leur compétence est établie dans des termes relativement équivalents dans les textes constitutionnels. Nous observons cependant que les auteurs de la saisine varient d’un État à l’autre.

Dans tous les États, pour les deux scrutins nationaux, les candidats ou leurs représentants peuvent saisir le juge constitutionnel d’une requête électorale. Ils sont, en effet, les premières victimes des éventuelles irrégularités électorales. La saisine des partis et formations politiques est moins répandue mais il ne faut pas négliger le fait que les partis politiques accompagnent les candi dats qu’ils désignent durant tout le processus électoral et la saisine du candidat équivaut à une saisine du parti, qui investit tous ses moyens financiers et juridiques dans la bataille. Ainsi, l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, la France, la GuinéeBissau, Madagascar, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal n’autorisent pas les groupes politiques à saisir le juge constitutionnel d’une réclamation portant sur l’élection du président de la République. Le Burkina Faso, le Cameroun, la France, la GuinéeBissau, le Liban, Madagascar, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal ont adopté la même solution pour l’élection des parlementaires. L’Algérie, le Bénin et le Mali permettent, en revanche, aux partis de saisir la Cour pour ce deuxième scrutin.

La saisine est ouverte aux électeurs en France, au Gabon, à Madagascar, au Niger et au Rwanda pour l’élection présidentielle ; au Burkina Faso, au Cambodge, en France, au Gabon, à Madagascar, en Mauritanie, au Niger et au Rwanda pour les élections parlementaires. Madagascar et le Rwanda semblent avoir retenu un système plus ouvert. Le premier permet aux observateurs et aux organisations non gouvernementales de saisir la Haute Cour constitutionnelle et le second autorise toute personne intéressée à exercer un recours. Cela reflète une vision objective du contentieux électoral.

Les autorités étatiques ne sont pas exclues du contentieux, par le biais des représentants locaux de l’État en France [22] et au Mali ou d’agents du Gouvernement au Cameroun et au Gabon.

Il faut encore préciser que l’accès au juge constitutionnel n’est pas toujours direct. Par exemple, en ce qui concerne l’élection du président de la République, les candidats en Algérie et les électeurs en France doivent porter leurs réclamations sur les procès-verbaux des bureaux de vote. Au Togo, les plaintes sont déposées à la Commission électorale nationale indépendante qui les transmet à la Cour constitutionnelle. Le Cambodge a instauré un système particulier puisque le Conseil constitutionnel peut être saisi soit directement soit en appel d’une décision de la Commission électorale nationale.
En ce qui concerne la seconde catégorie de Cours constitutionnelles, les réponses apportées sont encore plus diverses, ce qui s’explique par la diversité de leurs attributions en matière électorale.

Tableau 55 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour l’élection présidentielle (2e groupe)

Pays

Électeur

Candidat

Parti ou groupement politique

Commission électorale

Juridiction

Auto saisine

de la Cour

Autres

Albanie

Un cinquième des députés ou un parti politique [23]

Bulgarie

Oui

Oui

Maurice

Moldavie

Roumanie

Oui

Oui

Slovénie

Suisse

République tchèque

Tableau 56 – Les personnes autorisées à saisir les cours constitutionnelles pour les élections parlementaires (2e groupe)

Pays

Électeur

Candidat

Parti ou groupement politique

Commission électorale

Juridiction

Auto saisine de la Cour

Autres

Albanie

Bulgarie [24]

Oui

Oui

Maurice [25]

Oui

Oui

Attorney General

Moldavie

Roumanie

Slovénie

Oui

Les représentants d’une liste de candidats

Suisse

Oui

Oui

République tchèque [26]

Oui

Oui

La compétence de la Cour constitutionnelle albanaise est prévue uniquement pour l’élection du président de la République depuis l’adoption du code électoral de 2003 confiant le contentieux des élections parlementaires à la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana. La compétence de la Cour constitutionnelle est d’autant plus subsidiaire que le président de la République est élu par l’Assemblée de la République et qu’elle ne peut être saisie que sur des affaires portant sur l’éligibilité du président, sur saisine d’un cinquième des députés ou d’un parti politique. Le code électoral de 2003 a ainsi concentré le contentieux électoral des élections parlementaires entre les mains de la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana. Cette dernière intervient en appel des décisions de la Commission électorale centrale sur saisine d’un candidat ou d’un parti politique. La Chambre électorale est composée de 8 juges, tirés au sort par le Conseil supérieur de la justice. Ses décisions sont définitives. Qualifier la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana de juridiction ordinaire serait erronée du fait de sa spécialisation en matière électorale et de la nomination des juges qui la composent. En outre, la Cour constitutionnelle n’est pas totalement écartée des réclamations électorales. Elle peut connaître des décisions de la Chambre électorale lorsque le requérant allègue le non respect du droit à un procès équitable. Dans cette situation, nous ne nous situons plus dans le cadre du contentieux électoral mais dans celui du contentieux en défense des droits constitutionnels [27].

La Cour constitutionnelle moldave se prononce sur la validité de l’élection du président de la République et des députés mais elle ne peut pas être saisie par un requérant. Elle confirme les résultats en séance publique et adopte une résolution sur la validité des résultats. Elle doit se prononcer dans les trois jours de la réception de la résolution du Parlement sur l’élection du président de la République. En ce qui concerne les élections parlementaires, les électeurs et les candidats n’ont pas accès à la Cour constitutionnelle pour le contentieux électoral. Il doivent s’adresser en premier lieu à la commission électorale hiérarchiquement supérieure à la commission qui a pris la décision contestée. Un recours juridictionnel est possible devant les cours locales pour les décisions et activités des commissions locales et devant la Cour suprême de justice pour les décisions et activités de la Commission électorale centrale. De son côté, la Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale centrale, de la régularité de l’élection des députés. La Commission électorale doit transmettre à la Cour constitutionnelle les résultats provisoires proclamés et les listes des parlementaires élus. La Cour confirme ou non la régularité des élections en prenant une décision. Simultanément, elle valide les mandats des députés élus.

Le contentieux électoral échappe à la Cour constitutionnelle, qui n’a qu’un rôle de validation des résultats. En revanche, l’accès à la justice électorale s’effectue par les commissions électorales, qui disposent d’attributions contentieuses importantes.

En Roumanie, la Cour constitutionnelle n’a aucune compétence pour vérifier la régularité de l’élection des parlementaires. Cette tâche revient au Bureau électoral central. En ce qui concerne l’élection du président de la République, la compétence de la Cour constitutionnelle s’établit au niveau de l’éligibilité des candidats sur saisine des électeurs, des candidats et des partis politiques. Après la clôture du scrutin, la Cour constitutionnelle confirme les résultats et valide le mandat du président élu sur la base des documents du Bureau électoral central. Elle tranche les requêtes des candidats et partis politiques ayant participé à l’élection et relatives à la légalité du scrutin. Les contestations sont transmises à la Cour par le Bureau électoral central.

La Slovénie confirme la prééminence des commissions électorales dans les pays d’Europe centrale. La Cour constitutionnelle intervient cependant dans le contentieux électoral mais de façon marginale. Les réclamations électorales sont d’abord portées devant une commission électorale. Un candidat ou les représentants d’une liste de candidats peuvent ensuite faire appel devant l’Assemblée nationale selon une procédure proche du système de la vérification des pouvoirs. La Cour constitutionnelle est ensuite compétente pour connaître des appels contre les décisions de l’Assemblée nationale relatives à la vérification des mandats des députés sur saisine des mêmes requérants. Rappelons que pour l’élection présidentielle, les recours sont portés devant la Commission électorale de la République et la Cour suprême.

En République tchèque, les candidats et les partis politiques peuvent introduire une requête électorale mais la Cour constitutionnelle n’est pas accessible en première instance. Elle intervient en appel des décisions de la Chambre du Parlement concernée [28] qui vérifie la validité de l’élection, et de la Cour suprême saisie d’une requête électorale.

L’intervention de la Cour constitutionnelle après le Parlement est directement inspirée de l’Allemagne où la Cour constitutionnelle fédérale peut être saisie d’un recours contre la décision du Bundestag ayant pour objet la validation d’un mandat de député.

Si les règles d’organisation du scrutin sont communes à l’ensemble du continent européen, en matière de contentieux électoral, les traits distinctifs l’emportent. Les systèmes bulgare et suisse apportent leurs particularités.

Le Tribunal fédéral suisse ne connaît que d’une partie restreinte du contentieux électoral, dans un pays où les cantons ont une primauté dans le processus électoral. Ainsi, selon la loi fédérale sur les droits politiques, les recours sont d’abord portés devant le gouvernement cantonal. Il est possible de faire appel de cette décision dans des conditions différentes selon l’objet du recours. Les recours touchant les votations sont susceptibles d’appel devant le Conseil fédéral, c’est-à-dire l’Exécutif fédéral. Les irrégularités affectant la préparation et l’exécution des élections fédérales [29] font l’objet d’appel devant le Conseil national ; le Conseil statue lorsqu’il valide les élections, c’està-dire au cours de la séance constitutive de la nouvelle assemblée. Enfin, les appels des recours relatifs au droit de vote (domicile politique, listes électorales, procédures de vote) sont portés devant le Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit administratif. Par conséquent, la Suisse se rattache à la tradition de la vérification des pouvoirs, le Tribunal fédéral n’intervenant que pour assurer le respect des conditions d’exercice du droit de vote des citoyens helvètes.

Le système bulgare semble se rapprocher du système français puisque un candidat ou un parti politique peut contester les résultats de l’élection du président et du vice-président de la République et de l’élection des députés devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, l’accès au juge n’est pas direct. En effet, la Cour constitutionnelle ne peut être saisie que par les organes et personnes prévues à l’article 150 alinéa 1 de la Constitution, c’est-à-dire un cinquième des députés, le président de la République, le Conseil des ministres, la Cour suprême de cassation, la Cour suprême administrative et le Procureur général. Cette condition est, par ailleurs, précisée à l’article 112 de la loi sur l’élection des députés qui dispose que les candidats et les partis politiques peuvent contester la légalité de l’élection uniquement par le biais des organes cités. Force est de constater que l’accès au juge n’est pas plus ouvert pour le contentieux électoral que pour le contentieux du contrôle des normes.

À Haïti, les commissions électorales ont des compétences contentieuses importantes établies dans le texte de la Constitution. La loi électorale de 1987 prévoyait un recours en appel des décisions du Conseil électoral provisoire devant la Cour de cassation. Cette possibilité a été abrogée en 1995.

Le contentieux électoral à l’Île Maurice n’a que très peu de points communs avec les systèmes instaurés dans les précédents pays. En effet, la Cour suprême est compétente en premier et dernier ressort [30] pour connaître du contentieux électoral. L’article 37 de la Constitution autorise la saisine des électeurs, des candidats et du Procureur général [31]. L’Île Maurice a instauré un système semblable aux pays de l’Afrique francophone. Pourtant, l’inspiration diffère et s’il y a une influence française, elle doit s’intégrer dans un système anglo-saxon. La particularité de la saisine de la Cour suprême mauricienne par rapport à la saisine des Cours et Conseils africains s’exprime notamment dans les délais de recours.

Les délais de recours sont, par ailleurs, un des éléments caractéristiques du contentieux électoral comparé au contentieux constitutionnel. Ils s’en distinguent par leur relative brièveté. Néanmoins, ils peuvent varier considérablement d’un État à l’autre, comme le montrent les tableaux suivants.

Tableau 57 – Les délais de recours pour l’élection présidentielle

Pays

Albanie

Point de départ du délai

Durée du délai de recours

Algérie

Immédiatement [32]

Belgique

Bénin

Proclamation des résultats provisoires

5 jours

Bulgarie

Proclamation des résultats par la Commission électorale centrale

15 jours

Burkina Faso

Proclamation provisoire par la CENI

48 heures [33]

Cambodge

Cameroun

Clôture du scrutin

72 heures

Congo

La publication des résultats provisoires

5 jours

Égypte

France

Fermeture des bureaux de vote

48 heures

Gabon

Proclamation officielle des résultats

15 jours

Guinée-Bissau

Proclamation des résultats

48 heures

Haïti [34]

Liban

Proclamation des résultats

24 heures

Madagascar

Jour du scrutin

20 jours

Mali

Jour du scrutin

5 jours [35]

Maroc

Maurice

Mauritanie

Fin des opérations de vote

48 heures

Moldavie

Monaco

Niger

Proclamation des résultats définitifs

15 jours

Roumanie

Fin des opérations de vote

3 jours

Rwanda

Proclamation provisoire des résultats

48 heures

Sénégal

Proclamation provisoire des résultats

72 heures

Slovénie

Suisse

Tchad

Proclamation provisoire des résultats

5 jours

République tchèque

Togo

Proclamation provisoire des résultats

48 heures

Tableau 58 – Les délais de recours pour les élections parlementaires

Pays

Point de départ du délai

Durée du délai de recours

Albanie [36]

Algérie

Proclamation des résultats

48 heures en ce qui concerne la régularité des opérations de vote, 24 heures en ce qui concerne les résultats [37]

Belgique

Bénin

Proclamation des résultats

10 jours

Bulgarie

Proclamation des résultats par la Commission électorale centrale

15 jours

Burkina Faso

Clôture du scrutin, proclamation des résultats provisoires

72 heures pour les citoyens [38], 5 jours pour les candidats [39]

Cambodge

  1. proclamation provisoire des résultats (saisine directe)

  2. date de notification de la décision du Comité électoral national (saisine en appel)

  1. 72 heures

  2. 48 heures [40]

Cameroun

Clôture du scrutin

4 jours

Congo

La publication des résultats

15 jours

Égypte

France

Proclamation des résultats

10 jours

Gabon

Proclamation officielle des résultats

15 jours

Guinée-Bissau

Proclamation des résultats

48 heures

Haïti [41]

Liban

Proclamation des résultats

30 jours

Madagascar

Jour du scrutin

20 jours

Mali

Jour du scrutin

5 jours [42]

Maroc

Proclamation des résultats

15 jours

Maurice

Procès-verbal du Returning officer [43]

21 jours

Mauritanie

Fin des opérations de vote

5 jours

Moldavie [44]

Monaco [45]

Niger

Proclamation des résultats

15 jours

Roumanie

Rwanda

Proclamation provisoire des résultats

48 heures

Sénégal

Proclamation provisoire des résultats

5 jours

Slovénie

Date de la décision de l’Assemblée nationale

8 jours

Suisse

Notification de la décision du gouvernement cantonal

30 jours [46]

Tchad

Proclamation provisoire des résultats

10 jours

République tchèque

Notification de la décision

10 jours

Togo

Proclamation provisoire des résultats

72 heures

Les délais de recours ne dépassent pas 30 jours mais ils sont inférieurs à 5 jours dans la majorité des États, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, en France, en GuinéeBissau, au Liban, au Mali, en Mauritanie, en Roumanie, au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo pour les élections présidentielles, en Algérie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, en GuinéeBissau, au Mali, en Mauritanie, au Rwanda, au Sénégal et au Togo pour les élections parlementaires. Nous observons, toutefois, une tendance à accorder un délai plus long pour ces dernières élections. Ainsi, par exemple, au Togo, le délai est de 48 heures pour l’élection du président de la République et de 72 heures pour l’élection des députés. En France, les recours sont reçus dans les 48 heures de la fermeture des bureaux de vote pour les présidentielles et dans les 10 jours de la proclamation des résultats pour les législatives.

L’exemple de la France démontre également que le point de départ du délai importe dans la prise en considération du délai de recours. Le point de départ qui semble le moins favorable aux requérants est celui de la clôture du scrutin. Il est retenu en Algérie, au Cameroun, en France, à Madagascar, au Mali et en Mauritanie pour les élections présidentielles, au Burkina Faso [47], au Cameroun, à Madagascar, au Mali et en Mauritanie pour les élections législatives. La majorité des autres pays préfère prendre comme point de départ du recours, la proclamation – en général, provisoire lorsqu’elle est prévue – des résultats puisque les contestations peuvent autant porter sur les opérations de vote que sur les résultats du scrutin. Enfin, lorsque les Cours n’interviennent pas en première instance, le délai court à partir de la notification de la première décision contentieuse. C’est le cas en Slovénie et en République tchèque ainsi que partiellement au Cambodge.

L’existence de délais relativement brefs laisse présager un nombre important de saisines tardives. Étonnamment, ce ne sont pas les Cours devant lesquelles les délais de recours sont les plus brefs qui font état de nombreux cas d’irrecevabilité pour non respect de celui-ci. Ainsi, les Cours et Conseils du Gabon, du Liban, de Madagascar et du Maroc entrent dans cette catégorie avec des délais de 15 jours, 30 jours [48], 20 jours et 15 jours. Cette affirmation n’est pas vérifiée pour l’Algérie, le Bénin, le Cambodge, le Cameroun et la Mauritanie où les Cours relèvent de nombreux cas de requêtes tardives. Pourtant, une quantité non négligeable de ces décisions d’irrecevabilité pourrait être évitée grâce à une meilleure connaissance de la procédure électorale. C’est ce que constate la Cour constitutionnelle du Bénin, qui a vu le nombre de décisions d’irrecevabilité sensiblement baisser, à la suite des séances de formation qu’elle a organisées et de la diffusion de la plaquette du « guide du requérant ».

Pour conclure sur les conditions de saisine des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., il convient d’apporter des précisions sur le contentieux électoral au Canada. Nous avons déjà relevé, à plusieurs reprises, que la Cour suprême ne pouvait être saisie de requêtes électorales que dans le cadre de ses attributions ordinaires de juridiction du dernier degré. Cela signifie que la requête électorale n’a aucune particularité par rapport à une requête ordinaire et il semble difficile d’identifier un contentieux électoral. Néanmoins, la singularité du règlement des réclamations portant sur les élections est marquée par la position stratégique du Commissaire aux élections fédérales. Ce dernier, dont la mission est de veiller au respect de la loi électorale, dispose de pouvoirs de décision en cas de contestation de la part de tout particulier, des candidats ou des formations politiques. Il peut engager des poursuites devant les juridictions de droit commun s’il a des motifs de croire qu’une infraction a été commise. Cette compétence s’exerce d’office ou à la suite d’une plainte écrite reçue dans les 6 mois qui suivent l’acte contesté. Des poursuites peuvent également être engagées à la suite d’une enquête que le Directeur général des élections lui a ordonné de faire. Les poursuites judiciaires, qui sont portées devant un tribunal pénal doivent être effectuées dans les 18 mois suivant la date de connaissance des faits par le Commissaire. La personne reconnue coupable est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement et s’il s’agit d’un candidat, son élection peut être annulée [49].

En outre, les articles 522 à 532 de la loi électorale prévoient que tout électeur ou candidat peut contester la validité de l’élection d’un candidat dans la même circonscription pour inéligibilité ou pour irrégularité, fraude, manœuvre frauduleuse ou acte illégal ayant influé sur le résultat de l’élection. La requête doit être présentée devant les tribunaux de première instance de chaque province et territoire dans les 30 jours suivant la date de la publication dans la Gazette du Canada, du résultat contesté. Un appel peut être interjeté auprès la Cour suprême du Canada dans les 8 jours suivant la date de la décision. La Cour statue sur l’appel sans délai et selon une procédure sommaire. L’ensemble des ces éléments démontre que le Canada s’est doté d’un arsenal étendu de moyens juridictionnels permettant de faire face à la particularité du contentieux électoral.

B. Le filtrage des requêtes

La majorité des institutions membres de l’A.C.C.P.U.F. subissent un afflux exceptionnel de recours, auquel elles ne sont pas forcément préparées. Les requêtes doivent faire l’objet d’une analyse préliminaire afin éviter une surcharge difficilement supportable de travail.

Néanmoins, peu de Cours ont institué une procédure de filtrage des recours électoraux. Il s’agit du Burkina Faso, du Cambodge, du Canada et de la France. Au Burkina Faso, conformément au code électoral de 2001, l’organe compétent en la matière est le président du Conseil constitutionnel, à qui sont adressées les requêtes. Au Cambodge, depuis la création de l’institution en 1998, l’ensemble du Conseil constitutionnel accomplit cette tâche et au Canada, il s’agit du Commissaire aux élections fédérales. En France, un filtrage s’opère par le biais des commissions départementales de recensement pour l’élection du président de la République, qui centralisent un nombre important de réclamations électorales. Les procédures de filtrage donnent lieu à des résultats satisfaisants dans l’ensemble de ces pays.

Des procédures sommaires de traitement des recours manifestement irrecevables en matière électorale sont plus fréquemment mises en place. Elles concernent le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Cameroun, le Congo, la France, le Gabon, le Maroc, la Mauritanie, la Slovénie et le Tchad. Précisons, toutefois, que dans certains pays, la procédure ordinaire de recevabilité s’applique de plein droit aux requêtes électorales. C’est notamment le cas en Albanie et en Bulgarie. En Albanie, une chambre de trois juges examine la recevabilité des recours. Si elle ne parvient pas à adopter une décision à l’unanimité, l’affaire est renvoyée devant l’assemblée plénière réunissant les 9 juges de la Cour. La Cour constitutionnelle bulgare se prononce sur la recevabilité des requêtes par une résolution prise à huis clos.

L’article 38 alinéa 2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que le Conseil constitutionnel français, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection. Nous retrouvons cette disposition, rédigée dans des termes similaires, dans de nombreux pays de l’Afrique francophone, notamment au Bénin, au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, au Maroc, en Mauritanie et au Tchad.

C. L’instruction

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., qui, pour la plupart, ne statuent qu’en matière constitutionnelle, doivent adapter leurs méthodes d’instruction à des situations concrètes : elles doivent, notamment, opérer un contrôle des faits qui est souvent étranger au contentieux constitutionnel.

La solution retenue par la majorité des Cours est de confier l’instruction des affaires électorales à un juge de l’institution désigné comme rapporteur. C’est le cas en Albanie, en Algérie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, en GuinéeBissau, au Liban, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, en Slovénie, en République tchèque et au Togo. La désignation est, de manière générale, effectuée par le président. La France et le Gabon désignent également un juge rapporteur mais celui-ci peut être un magistrat ad hoc nommé pour les élections [50]. Au Tchad, le conseiller rapporteur peut être assisté d’une commission ad hoc composée de 2 ou 3 conseillers et en Roumanie, des magistrats-assistants de la Cour constitutionnelle. Au Cambodge, ce sont les sections dans leur ensemble, qui ont la charge de l’instruction.

Les procédures sont, par conséquent, relativement homogènes. Le Canada, l’Île Maurice et la Suisse ont ici encore des procédures différentes. Au Canada, un pouvoir d’enquête important a été reconnu au Commissaire aux élections fédérales. S’il décide ensuite d’intenter des poursuites judiciaires, le Procureur général sera exclu de la procédure pour préserver le caractère non partisan du processus électoral. En ce qui concerne les recours en contestation des élections, l’article 532 alinéa 2 de la loi électorale précise que la Cour suprême saisie d’un appel statue sans délai et selon une procédure sommaire. À l’Île Maurice, la loi électorale [51] prévoit l’application de la procédure habituellement en vigueur devant la Cour suprême. Enfin, c’est le Greffe du Tribunal fédéral qui est en charge de l’instruction en Suisse.

Le tableau suivant présente les moyens d’instruction utilisés par les Cours et Conseil constitutionnels :

Tableau 59 – Les moyens d’instruction des cours constitutionnelles en matière électorale

Pays Moyens d’instruction
Albanie
Algérie Consultation des procès-verbaux, audition des parties
Belgique
Bénin Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition de témoins, déplacement sur place.
Bulgarie Audition des parties, audition d’experts
Burkina Faso Consultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, auditions de témoins
Cambodge Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentants, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Cameroun Audition des parties ou de leurs représentants, consultation du procès-verbal de la Commission nationale de recensement général des votes
Canada Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentants, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Congo Consultation des procès-verbaux, audition des témoins, instruction sur place
Égypte
France Consultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants
Gabon Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Guinée-Bissau Consultation des procès-verbaux, audition d’experts
Haïti
Liban Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Madagascar Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs, audition des parties, audition d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Mali Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des observateurs, audition de témoins,  déplacement sur place
Maroc Consultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, audition de témoins, déplacement sur place
Maurice Consultation des procès verbaux et des bulletins de vote [52]
Mauritanie Consultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, auditions d’experts, audition de témoins, déplacement sur place
Moldavie
Monaco
Niger Consultation des procès-verbaux, consultation (et audition) des observations des délégués de la Cour et autres observateurs, audition des parties ou de leurs représentant, audition de témoins, déplacement sur place
Roumanie Consultation des procès-verbaux et autres documents, le président de la Cour peut inviter des personnes dont la présence paraît nécessaire
et demander toute information aux autorités publiques
Rwanda Consultation des procès-verbaux, audition des parties ou de leurs représentants, déplacement sur place
Sénégal Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
Slovénie Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
Suisse Audition des parties ou de leurs représentants
Tchad Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs
République tchèque Audition des parties ou de leurs représentants, audition de témoins
Togo Consultation des procès-verbaux, consultation des observations des délégués et autres observateurs

Les procès-verbaux des opérations de vote représentent la matière première des affaires électorales. Ils constituent une photographie du déroulement du scrutin. Ils sont utilisés par toutes les Cours à l’exception du Tribunal fédéral suisse [53] et de la Cour constitutionnelle tchèque. La consultation des observations des délégués de la Cour lorsqu’ils sont prévus, et des autres observateurs est également un outil approprié au règlement des litiges électoraux.

Plus étonnante pour une juridiction constitutionnelle, est la possibilité d’entendre les parties ou leurs représentants. Des auditions sont effectuées en Algérie, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Canada, en France, au Gabon, au Liban, à Madagascar, au Maroc, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda, en Suisse et en République tchèque. De même, de nombreuses Cours entreprennent des déplacements sur place. Il s’agit des institutions du Bénin, du Cambodge, du Canada [54], du Congo, du Gabon, du Liban, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Rwanda.

Les Cours disposent, par conséquent, de moyens d’instruction variés et importants. En outre, en Albanie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cambodge, au Canada, au Gabon, en GuinéeBissau, au Liban, à Madagascar, en Mauritanie, au Rwanda, en Slovénie, en Suisse et au Tchad, le rapporteur peut ordonner des mesures d’instruction complémentaires ayant pour effet d’allonger les délais d’instruction.

D. Le jugement des affaires électorales

Une fois l’instruction close, le juge doit statuer sur l’affaire. Il est intéressant de mettre en évidence trois éléments dans le but de dégager les traits caractéristiques du contentieux électoral. Il s’agit de la formation de jugement, de la publicité de l’audience et du délai accordé à la Cour pour rendre sa décision.

En ce qui concerne la formation de jugement compétente pour traiter le contentieux électoral, il s’agit de la formation plénière dans toutes les Cours [55], sauf dans les trois pays mentionnés plus haut : le Canada, l’Île Maurice et la Suisse. La particularité du système canadien où le contentieux électoral est traité par les juridictions ordinaires et le Commissaire aux élections fédérales rend difficile la comparaison avec les autres États. Les requérants mauriciens présentent leur réclamation à un juge de la Cour suprême qui fixe la date du jugement. C’est ensuite une formation de deux juges qui statue sur la demande. Enfin, en Suisse, c’est une section du Tribunal fédéral qui juge les recours de droit administratif relatifs à la matière électorale. Le traitement du contentieux électoral ne se distingue pas par des formations de jugement particulières. Cette affirmation n’est pas non plus erronée en ce qui concerne les autres Cours où les affaires constitutionnelles sont généralement réglées en formation plénière.

Les Cours constitutionnelles statuent en audience publique pour les affaires électorales en Albanie, au Burkina Faso, au Cambodge, au Cameroun, au Congo, au Gabon, au Mali, à l’Île Maurice, au Rwanda, en Suisse et en République tchèque [56].

Le délai pour statuer sur une affaire électorale est un élément distinctif du contentieux électoral. L’enjeu implique qu’il soit le plus bref possible mais le tableau suivant indique que ce n’est pas toujours le cas.

Tableau 60 – Le délai pour statuer sur une affaire électorale

Pays Délai
Albanie N.C. [57]
Algérie 3 jours [58]
Belgique
Bénin 8 jours
Bulgarie N.C.
Burkina Faso 8 jours
Cambodge Délai de 10 à 20 jours [59]
Cameroun 15 jours
Canada Pas de délai
Congo Pas de délai précis : délai moyen d’un mois
Égypte
France Pas de délai précis : délai moyen entre 2 et 7 mois pour les élections législatives ; lors de la proclamation des résultats dans les 10 jours qui suivent le scrutin pour l’élection présidentielle
Gabon 2 mois, prorogation possible d’un mois
Guinée-Bissau 48 heures
Haïti
Liban Présidentielle : 3 jours
Législatives : 30 jours après la communication du rapport du rapporteur qui doit intervenir dans les 30 jours de la saisine du Conseil (le délai peut aller jusqu’à 3 mois à compter de la proclamation des résultats)
Madagascar Pas de délai précis : délai moyen de 6 mois
Mali Avant l’expiration des mandats en cours
Maroc Pas de délai [60]
Maurice N.C.
Mauritanie 5 jours pour l’élection présidentielle, délai non déterminé pour les élections législatives (de 5 jours à un mois)
Moldavie
Monaco
Niger 15 jours
Roumanie 48 heures
Rwanda 5 jours
Sénégal 5 jours à compter de la proclamation provisoire des résultats
Slovénie Pas de délai précis : délai moyen d’un mois.
Suisse Pas de délai
Tchad 15 jours pour l’élection présidentielle, 10 jours pour les élections législatives
République tchèque Pas de délai
Togo 8 jours

Lorsqu’ils sont prévus par un texte, les délais varient de 48 heures à 2 mois. En Algérie, en GuinéeBissau, au Liban pour l’élection du président de la République [61], en Mauritanie pour cette même élection, au Rwanda, et au Sénégal, les institutions ne peuvent rendre leurs décisions au-delà des 5 jours qui suivent leur saisine. En ce qui concerne les autres États, les délais ne dépassent généralement pas 15 jours, à l’exception du Cambodge, du Gabon, du Liban pour les élections législatives et du Mali. En France, les réclamations doivent être jugées pour la proclamation des résultats de l’élection présidentielle qui doit intervenir dans les 10 jours qui suivent le scrutin, à l’exception du contentieux sur les comptes de campagne. Le temps accordé aux Cours est donc relativement réduit mais les contrastes sont réels et ne correspondent pas forcément à des différences dans l’étendue des compétences en matière de contentieux électoral.

En outre, les Cours canadienne, mauricienne, slovène, suisse et tchèque ne statuent pas dans un délai déterminé, de même que les Cours congolaise, française pour les élections parlementaires et malgache.

3. La proclamation des résultats de l’élection

Nous avons vu que de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F ne disposent pas uniquement d’attributions contentieuses en matière électorale. Entre autre, elles peuvent avoir pour charge de proclamer les résultats. Nous avons déjà souligné que de nombreuses Cours opèrent un recomptage des voix. La proclamation des résultats est, également, profondément liée à l’activité contentieuse puisque des décisions sur la régularité des élections vont dépendre les résultats définitifs du scrutin et certaines institutions, comme en France ou au Sénégal, intègrent leurs décisions sur la régularité des opérations de vote dans la décision de proclamation des résultats. En outre, la proclamation des résultats provisoires constitue le point de départ du délai de saisine dans de nombreux États.

Tableau 61 – La proclamation des résultats provisoires

Pays Élection présidentielle Élections parlementaires
Albanie NON
Algérie NON Le Conseil constitutionnel
Belgique Le ministère de l’Intérieur
Bénin La Cour constitutionnelle [62] La Commission électorale nationale autonome
Bulgarie NON NON
Burkina Faso La Commission électorale nationale indépendante La Commission électorale nationale indépendante
Cambodge Le Comité national des élections
Cameroun NON NON
Canada Les directeurs du scrutin
Congo Le ministre de l’Intérieur Le ministre de l’Intérieur
Égypte NON NON
France NON NON
Gabon Le ministre de l’Intérieur Le ministre de l’Intérieur
Guinée-Bissau La Commission électorale nationale La Commission électorale nationale
Haïti Le Conseil électoral provisoire Le Conseil électoral provisoire
Liban NON
Madagascar Le Gouvernement Le Gouvernement
Mali Le ministère de l’Administration territoriale Le ministère de l’Administration territoriale
Maroc NON
Maurice NON
Mauritanie Le ministère de l’Intérieur Le ministère de l’Intérieur
Moldavie La Commission électorale centrale
Monaco NON
Niger La Commission électorale nationale indépendante La Commission électorale nationale indépendante
Roumanie NON N.C.
Rwanda [63] La Commission nationale électorale La Commission nationale électorale
Sénégal La Commission nationale de recensement des votes La Commission nationale de recensement des votes
Slovénie La Commission électorale de la République La Commission électorale de la République
Suisse Le gouvernement cantonal
Tchad La Commission électorale nationale indépendante La Commission électorale nationale indépendante
République tchèque NON
Togo La Commission électorale nationale indépendante La Commission électorale nationale indépendante

Seuls le Conseil constitutionnel algérien pour l’élection des parlementaires et la Cour constitutionnelle béninoise pour l’élection du président de la République procèdent à une proclamation provisoire des résultats. Cette tâche revient traditionnellement à l’administration électorale, en particulier à la commission électorale et plus subsidiairement au ministre de l’Intérieur.

Tableau 62 – La proclamation des résultats définitifs

Pays Élection présidentielle Élections parlementaires
Albanie N.C. La Commission électorale de circonscription à l’échelle de la circonscription, la Commission électorale centrale à l’échelle nationale
Algérie Le Conseil constitutionnel [64] Le Conseil constitutionnel [65]
Belgique Le ministère de l’Intérieur
Bénin La Cour constitutionnelle [66] La Cour constitutionnelle [67]
Bulgarie La Commission électorale centrale La Commission électorale centrale
Burkina Faso [68] Le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel
Cambodge Le Comité national des élections
Cameroun La Chambre constitutionnelle de la Cour suprême La Chambre constitutionnelle de la Cour suprême
Canada Le Directeur général des élections
Congo La Cour constitutionnelle Le ministre de l’Intérieur
Égypte Le président de l’Assemblée du Peuple Le ministre de l’Intérieur
France Le Conseil constitutionnel [69] Les commissions de recensement siégeant en préfecture
Gabon La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle
Guinée-Bissau La Commission électorale nationale La Commission électorale nationale
Haïti Le Conseil électoral provisoire Le Conseil électoral provisoire
Liban Le président de la Chambre des députés Le ministère de l’Intérieur
Madagascar La Haute Cour constitutionnelle [70] La Haute Cour constitutionnelle [71]
Mali La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle
Maroc Les commissions provinciales ou régionales
Maurice Le Returning Officer
Mauritanie Le Conseil constitutionnel Le ministère de l’Intérieur
Moldavie La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle
Monaco Le Maire de Monaco
Niger La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle
Roumanie La Cour constitutionnelle sur la base des données communiquées
par le Bureau électoral central
Le Bureau électoral central
Rwanda La Cour suprême La Cour suprême
Sénégal Le Conseil constitutionnel La Conseil constitutionnel
Slovénie La Commission électorale de la République La Commission électorale de la République
Suisse Le gouvernement cantonal
Tchad Le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel
République tchèque Le président de la Chambre des députés La Commission électorale d’État
Togo La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle

Ce dernier tableau montre qu’une majorité de Cours membres de l’A.C.C.P.U.F proclament les résultats définitifs de l’élection présidentielle. C’est moins vrai pour les résultats des élections parlementaires. Seules 13 Cours sur 30 effectuent cette opération.

Dans les Cours et Conseils d’Algérie, du Bénin, de France, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad et du Togo, les documents électoraux sont traités avec des outils informatiques. Le traitement informatique des résultats est effectué par le personnel des institutions lui-même, en France, au Gabon, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda et au Togo. Néanmoins, le Conseil constitutionnel français et la Cour constitutionnelle du Niger sollicitent également les services d’une autre institution publique [72]. En outre, le Conseil mauritanien procède à des recrutements temporaires en période électorale. Les Cours et Conseils algérien, béninois, malgache, malien, sénégalais et tchadien confient le traitement informatique des documents électoraux à des sociétés privées. Celles-ci installent leur matériel dans les locaux des Cours constitutionnelles et travaillent sous le contrôle des membres.

Les résultats définitifs sont proclamés par les Cours concernées en audience publique [73]. La présence de la presse et d’un large public favorise la diffusion massive des résultats. Ainsi, les résultats proclamés par les Cours d’Algérie, du Bénin, du Congo, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo font l’objet d’une retransmission télévisée. Une conférence de presse est organisée en France et au Tchad. De plus, les institutions algérienne, française, malienne, mauritanienne, roumaine et tchadienne publient un communiqué de presse.

En Algérie, en France, au Gabon, en Mauritanie, en Roumanie, au Rwanda et au Tchad, le président de la Cour est chargé de proclamer les résultats. La proclamation doit, cependant, se faire en présence des autres membres de l’institution, notamment au Gabon, en Mauritanie [74] et au Tchad. Au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo, à Madagascar, au Mali, au Niger et au Togo, il revient à l’ensemble des membres de la Cour de proclamer les résultats définitifs du scrutin. Le greffier en chef du Conseil constitutionnel sénégalais a pour fonction d’annoncer les résultats.

La proclamation des résultats définitifs ne conclut pas forcément le processus électoral et le juge électoral peut toujours être saisi d’une requête électorale. C’est le cas au Canada, au Gabon, en GuinéeBissau, au Maroc, à l’Île Maurice, en Mauritanie, au Niger, en Slovénie, en Suisse et en République tchèque. Au Bénin, au Congo et en France, cela n’est possible que pour contester l’élection d’un parlementaire.

4. La publication des décisions des Cours en matière électorale

Si les décisions des Cours constitutionnelles membres de l’A.C.C.P.U.F. en matière électorale connaissent une publicité plus importante que les autres décisions émanant de ces juridictions, il semble qu’elles ne fassent pas l’objet d’une publication particulière.

Tableau 63 – La publication des décisions des cours constitutionnelles en matière électorale

PaysAlbanie Journal officielOui Autre journal d’annonces légales InternetOui AutresLe recueil annuel des décisions de la Cour
Algérie Oui Oui
Belgique
Bénin Oui Oui Recueil des décisions de la Cour
Bulgarie
Burkina Faso Oui Oui La presse
Cambodge Oui Oui
Cameroun Oui Oui
Canada Oui
Congo Oui
Égypte
France Oui Oui
Gabon Oui Oui Oui
Guinée-Bissau Oui
Liban Oui
Madagascar Oui Oui
Mali Oui
Maroc Oui Oui La revue du Conseil constitutionnel
Maurice N.C.
Mauritanie
Moldavie
Monaco
Niger Oui Oui Oui Presse publique et privée
Roumanie Oui Oui
Rwanda Oui
Sénégal Oui
Slovénie Oui Oui Oui IUS-INFO (base de données du droit slovène), le Bulletin officiel de la Cour
Suisse Oui Oui
Tchad Oui Oui
République tchèque Oui Oui Le Recueil des arrêts et décisions de la Cour
Togo Oui

5. Les observations/recommandations émises par les Cours après le scrutin

L’élaboration d’un rapport présentant des observations ou recommandations sur le déroulement des élections à l’intention des pouvoirs publics résultent des compétences des Cours auxquelles la réglementation électorale attribue un rôle plus large que le simple règlement du contentieux électoral. Il n’est donc pas surprenant que les Cours et Conseils, qui nomment des délégués chargés d’observer le déroulement du scrutin, fassent connaître leurs remarques sur celui-ci et proposent des solutions aux problèmes rencontrés.

Ainsi, les Cours du Bénin, de la France, du Gabon, du Mali et du Tchad, qui envoient des observateurs sur place, présentent leurs recommandations à l’administration. Néanmoins, les institutions burkinabé et nigérienne ne font pas suivre leurs missions d’observation d’un rapport adressé aux pouvoirs publics. En revanche, le Conseil constitutionnel algérien et la Haute Cour constitutionnelle malgache présentent des recommandations concernant le déroulement du scrutin.

Dans les autres pays, des rapports sont établis par les différents acteurs du scrutin, en particulier par les commissions électorales du fait de leur forte implication dans la gestion du processus électoral, comme le précise la Cour suprême du Rwanda. Le principal protagoniste des élections canadiennes, le Directeur général des élections, rédige deux rapports à l’intention des pouvoirs publics. Il établit dans les 90 jours qui suivent les élections générales, un rapport intitulé rapport statutaire, adressé au président de la Chambre des communes. Le rapport doit signaler tout événement ou toute difficulté qui s’est produit relativement à l’exercice de sa charge depuis la date de son dernier rapport. Le rapport doit également faire état des mesures qui ont été prises. Ensuite et dans les meilleurs délais après la tenue des élections générales, le Directeur général des élections fait au président de la Chambre des communes un rapport signalant les modifications qu’il est souhaitable d’apporter à la loi électorale. Ce second rapport est intitulé « rapport des recommandations ».

Ces rapports sont, en outre, publiés dans la Gazette du Canada, transmis aux médias et diffusés sur le site du Directeur, « Elections Canada ».

Les rapports des Cours ne sont pas toujours publiés, comme au Bénin où ils sont transmis au chef de l’État et à l’Assemblée nationale. En France, ils font l’objet d’une publication au Journal officiel et sont diffusés par le Conseil constitutionnel par le biais du site Internet et du recueil officiel des décisions du Conseil. Cependant, ils ne sont publiés que depuis une dizaine d’années alors que le Conseil fait des observations depuis sa création en 1959. La Cour constitutionnelle du Gabon transmet son rapport aux médias et en fait connaître le contenu lors de la cérémonie de rentrée solennelle. Au Mali et au Tchad, les rapports sont également publiés au Journal officiel et transmis aux médias. La Cour constitutionnelle du Mali s’efforce d’assurer la diffusion la plus large possible de ses observations. À cet effet, le rapport sur les élections générales de 2002 a été publié avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F. en 2004. Au Tchad, le Conseil constitutionnel transmet ses observations aux partis politiques. Cette pratique des Cours est, à l’exception de la France, récente et a été mise en place dans le tournant des années 2000, notamment au Bénin, au Mali et au Tchad.

Une meilleure acceptation des résultats électoraux nécessite certainement une large diffusion des rapports. Elle réduit également les risques d’accusation de partialité des Cours constitutionnelles et finalement permet une meilleure appréhension de leur travail et de la réglementation électorale.

L’objectif premier de ces rapports demeure, néanmoins, le perfectionnement du système électoral. Aussi, les Cours et Conseils concernés remarquent que leurs observations et recommandations ont débouché sur des amendements à la législation électorale.

6. L’archivage

Les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. compétentes en matière électorale doivent procéder à la gestion des documents électoraux qui leur sont acheminés. Selon l’étendue de leurs attributions, la quantité des documents qui échoient aux juridictions constitutionnelles varie considérablement. Cela appelle, par conséquent, des réponses qui s’adaptent à la situation nationale. Néanmoins, force est de constater que la réglementation n’offre pas toujours de solutions spécifiques pour la gestion des documents électoraux.

La majorité des États dispose d’un texte général sur les archives. Certains pays n’ont cependant toujours pas une telle législation, notamment le Mali, la GuinéeBissau ou Monaco. En outre, ces textes ne régissent pas forcément les archives des Cours et Conseils constitutionnels. Ainsi, le Conseil constitutionnel français a organisé lui-même la gestion de ses archives [75] par une décision spéciale du 27 juin 2001.

En ce qui concerne les documents électoraux, le tableau suivant présente les documents archivés par les Cours.

Tableau 64 – Les documents électoraux archivés par les cours constitutionnelles

Albanie
Algérie Les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les dossiers de candidature, les documents comptables
utiles à l’examen des comptes de campagne
Belgique
Bénin Les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les procès-verbaux de clôture de l’inscription sur les listes électorales
Bulgarie
Burkina Faso N.C.
Cambodge Les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
Cameroun N.C.
Canada
Congo N.C.
Égypte
France Les dossiers de candidature, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les documents comptables utiles à l’examen des comptes de campagne
Gabon Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les rapports de l’instruction
Guinée-Bissau Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
Haïti
Liban
Madagascar Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
Mali Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
Maroc Les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections, les bulletins de vote contestés ou nuls, les dossiers de recours
Maurice
Mauritanie Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
Moldavie
Monaco
Niger Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
République tchèque
Roumanie Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales
Rwanda N.C.
Sénégal N.C.
Slovénie
Suisse
Tchad Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections
Togo Les dossiers de candidature, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, l’ensemble des procès-verbaux de décompte des résultats des élections

Le volume de documents archivés dépend des compétences des Cours en matière électorale, selon qu’elles se limitent au contentieux, qu’elles proclament les résultats et procèdent à un nouveau décompte des voix ou qu’elles contrôlent les comptes de campagne.

Nous avons déjà vu que les documents électoraux ne sont pas transmis aux Cours albanaise, belge, bulgare, cambodgienne, canadienne, égyptienne, de GuinéeBissau, haïtienne, libanaise, mauricienne, moldave, monégasque, slovène, suisse et tchèque. Lorsqu’elles sont saisies d’un recours électoral, elles peuvent demander la production des documents électoraux nécessaires à l’instruction de l’affaire. Une fois le litige réglé, il ne leur appartient pas forcément de procéder elles-mêmes à l’archivage, notamment à Maurice. À l’inverse, le Conseil constitutionnel cambodgien, le Tribunal suprême de justice de GuinéeBissau sont en charge de l’archivage des procèsverbaux utiles à l’instruction des affaires électorales et des dossiers de candidature pour la seconde institution étant donné sa compétence en la matière.

Dans certains pays, les commissions électorales s’occupent de l’archivage des documents électoraux. Par exemple, les procès-verbaux utiles à l’instruction des affaires électorales, les procèsverbaux de décompte des résultats des élections et les dossiers de candidature sont déposés aux Archives de l’État par la Commission électorale centrale albanaise. Au Canada, le bureau du Directeur général des élections et celui du Commissaire aux élections fédérales disposent d’un service interne d’archivage. L’ensemble des documents électoraux (dossiers de candidature, procèsverbaux utiles à l’instruction des affaires et de décompte des résultats et les documents comptables utiles à l’examen des comptes de campagne) sont d’abord archivés en interne, puis, après une certaine période, les documents de nature historique sont transmis aux Archives nationales.

La France constitue un exemple significatif du lien entre les compétences des Cours et la quantité de documents à archiver. Ainsi, la différence dans l’implication du Conseil pour chacun des deux scrutins nationaux se traduit par un volume différent d’archives. Pour l’élection du président de la République, il doit gérer les documents produits pour la préparation de l’élection, les documents de parrainage des candidatures, les procès-verbaux des commissions départementales de recensement des votes et les comptes de campagne et les éventuelles coupures de presse utiles au contrôle de la campagne électorale. En ce qui concerne l’élection des députés, le Conseil constitutionnel reçoit directement les mémoires des requérants potentiels et il peut demander au ministère de l’Intérieur la production des procès-verbaux de bureaux de vote utiles à l’instruction. En outre, il n’est saisi des comptes de campagne des candidats que sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ces deux dernières séries de documents seront remises aux autorités dont elles proviennent dès la fin du traitement, le Conseil n’ayant à archiver que les documents émanant des parties [76].

Les procès-verbaux des séances des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., lorsqu’elles siègent en tant que juge électoral, constituent également des documents électoraux à part entière. Les Cours algérienne, béninoise, cambodgienne, française, malgache, mauritanienne, nigérienne, roumaine, slovène, suisse, tchadienne et togolaise dressent un procès-verbal des séances. Ces documents sont archivés, suivant généralement le régime des procès-verbaux des séances des Cours siégeant en tant que juge constitutionnel.

Le tableau suivant présente le service chargé de l’archivage des documents électoraux dont disposent les Cours. Nous observerons qu’un partage de compétences s’effectue entre les Services de documentation et les Services du greffe.

Tableau 65 – Les services chargés de l’archivage des documents électoraux

Albanie
Algérie Le Service de documentation, le Service du greffe
Belgique
Bénin Le Service de documentation, le Service du greffe, le secrétaire général
Bulgarie
Burkina Faso N.C.
Cambodge Le Service du greffe
Cameroun N.C.
Canada
Congo N.C.
Égypte
France Le Service du greffe
Gabon Le Service du greffe
Guinée-Bissau Le Service de documentation
Haïti
Liban
Madagascar Le Service de documentation, le Service du greffe
Mali Le Service du greffe
Maroc Le Service de documentation, le Service du greffe
Maurice
Mauritanie Le Service de documentation
Moldavie
Monaco
Niger Le Service de documentation, le Service du greffe
Roumanie Le Service du greffe
Rwanda N.C.
Sénégal Le Service du greffe
Slovénie [77] Le Bureau central (greffe)
Suisse [78] Le Service des archives
Tchad Le Service de documentation et archives, le Greffe sous l’autorité du secrétaire général
République tchèque N.C.
Togo Le Service du greffe

D’un point de vue pratique, les documents électoraux sont soit archivés dans les locaux des Cours constitutionnelles, soit à l’extérieur, notamment dans les bâtiments des Archives nationales. La première situation prévaut au sein des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. Ainsi, en Albanie, au Bénin, au Cambodge, en Égypte, en France, au Gabon, en GuinéeBissau, à Haïti, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, à Monaco, au Niger, en Roumanie, au Sénégal, en Slovénie, en Suisse, au Tchad et au Togo, les institutions constitutionnelles disposent de lieux de conservation des documents archivés. Cela ne va pas sans causer de sérieux problèmes, soit parce que l’espace disponible est insuffisant pour entreposer le volume important de documents, soit parce que les locaux ne sont pas appropriés. Ainsi, les Cours du Bénin, de Madagascar, du Maroc, du Sénégal, du Tchad et du Togo font état de ces difficultés pour gérer l’archivage des documents électoraux. Le défaut de personnel qualifié pour la gestion des archives, notamment les archives électroniques, est également mis en avant par les institutions du Bénin, de GuinéeBissau, de Madagascar et du Mali.

Une fois archivés par les Cours, il convient de se demander si les documents électoraux peuvent être consultés par des personnes extérieures aux institutions. C’est le cas au Cambodge, en France, au Gabon, en GuinéeBissau, en Mauritanie, au Sénégal, en Slovénie, en Suisse, au Tchad et au Togo. Il n’existe pas obligatoirement de délai pour la consultation. Celle-ci peut s’effectuer sur simple demande, notamment au Cambodge ou en Mauritanie, ou sur place, comme au Gabon. En France, le délai au-delà duquel les procès-verbaux de séance peuvent être librement consultés a été fixé à 60 ans ; le président du Conseil constitutionnel peut cependant autoriser la consultation de ces documents avant l’expiration du délai.

Au terme d’un certain délai, il existe une obligation de transmission des documents archivés par les Cours aux archives nationales, notamment en Algérie, au Cambodge, à Haïti, au Maroc, en Roumanie et au Sénégal. Le délai est de 2 ans à Haïti, 30 ans en Roumanie et de 50 ans au Sénégal. Au Maroc, rien n’a été mis en place pour rendre effective la transmission. Au Cambodge, aux termes d’une circulaire du 13 septembre 2001, le Conseil transmet les documents électoraux lorsqu’elle n’en a plus l’utilité. Il semble que la même solution ait été choisie par le Conseil constitutionnel algérien. Si l’obligation de transmission aux archives nationales n’existe pas, rien n’empêche pour autant les Cours constitutionnelles d’effectuer cette opération. Par exemple, le Conseil constitutionnel français remet tous les ans aux Archives nationales les originaux des procès-verbaux de séances et les originaux des décisions. Régulièrement, il leur transmet les documents relatifs aux élections présidentielles et aux référendums : dès que l’archivage d’une élection est achevée, les documents relatifs à la précédente sont remis aux Archives nationales.


  • [1]
    Les scrutateurs transmettent les documents électoraux aux directeurs du scrutin, qui, après avoir annoncé le candidat élu, les transmettent aux médias et au Directeur général des élections aux fins de validation. Les enveloppes de chaque section de vote sont acheminées aux entrepôts d’Elections Canada. L’accès à ces documents et la réouverture des enveloppes sont strictement contrôlés.  [Retour au contenu]
  • [2]
    De plus, les délégués nommés par le Conseil constitutionnel tchadien peuvent acheminer les documents électoraux.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Les commissions départementales de recensement des votes existent pour les élections présidentielles et législatives mais elles ont des attributions différentes. Pour l’élection des députés, elles recensent les votes, procèdent aux rectifications matérielles, arrêtent les résultats et proclament le candidat élu. Lors de l’élection du président de la République, les commissions de recensement ne procèdent qu’au décompte des voix, à la centralisation des réclamations et envoient l’ensemble au Conseil constitutionnel.  [Retour au contenu]
  • [4]
    En 1995, la Cour constitutionnelle a annulé les élections dans une circonscription électorale au motif que « le retard anormal et les conditions de transmission des documents vicient la procédure de sa saisine ; qu’au surplus, un nombre particulièrement important d’irrégularités a été constaté lors de leur examen ; que ces circonstances enlèvent toute crédibilité aux documents et toute sincérité aux résultats des élections », Décision de proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 28 mars 1995.  [Retour au contenu]
  • [5]
    En cas de recours  [Retour au contenu]
  • [6]
    En cas de recours  [Retour au contenu]
  • [7]
    La partir sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [8]
    La Cour suprême peut se saisir d’office au vu dues procès-verbaux  [Retour au contenu]
  • [9]
    Selon l’article 54 de la loi organique du 17 janvier 2003 portant organisation de la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Uniquement en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa contestation  [Retour au contenu]
  • [11]
    Le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice, le gouverneur de province  [Retour au contenu]
  • [12]
    Selon l’article 23 de la loi du 14 juillet 1993 portant institution du Conseil constitutionnel, modifiée par la loi du 4 novembre 1999.  [Retour au contenu]
  • [13]
    En faisant portant leur réclamation sur le procès-verbal des opération de vote  [Retour au contenu]
  • [14]
    Selon l’article 90 du code électoral, dans le cas où la Cour constitutionnelle constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement du scrutin sur rapport des délégués de la Cour, il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu de maintenir les opérations ou de prononcer leur annulation partielle ou totale.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Selon la loi électorale, les plaintes sont déposées à la CENI qui les transmet à la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Dans les conditions prévues à l’article 55 de la loi organique portant organisation de la Cour : tout électeur inscrit sur les listes électorales de la circonscription du candidat dont l’élection est contestée.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Selon l’article 54 de la loi organique du 17 janvier 2003 portant organisation de la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice, le gouverneur de province.  [Retour au contenu]
  • [19]
    En faisant porter leur réclamation sur le procès-verbal des opérations de vote.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Selon l’article 90 du code électoral, dans le cas où la Cour constitutionnelle constate l’existence d’irrégularités dans le déroulement du scrutin sur rapport des délégués de la Cour, il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu de maintenir les opérations ou de prononcer leur annulation partielle ou totale.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Selon la loi électorale, les plaintes sont déposées à la CENI qui les transmet à la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Le préfet.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Article 64-2 de la loi organisant la Cour constitutionnelle.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Article 112 de la loi sur l’élection des membres de l’Assemblée nationale.  [Retour au contenu]
  • [25]
    Article 37 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Les électeurs peuvent toutefois saisir la Cour suprême d’une requête électorale dans un délai de 10 jours suivant la proclamation des résultats.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Avec la réforme de 2003, l’Albanie a véritablement opéré un rapprochement vers le système espagnol, caractérisé par des recours introduits devant la Chambre du contentieux administratif du Tribunal suprême et un recours direct possible devant le Tribunal constitutionnel aux fins de défendre les droits constitutionnels.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Chambre des députés ou Sénat.  [Retour au contenu]
  • [29]
    Par conséquent, les recours contre les opérations de vote qui nous intéressent ici.  [Retour au contenu]
  • [30]
    À l’exception d’un recours possible devant le Comité judiciaire.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Attorney General.  [Retour au contenu]
  • [32]
    Les réclamations sont portées sur les procès-verbaux de bureau de vote ; le Conseil constitutionnel en est informé immédiatement.  [Retour au contenu]
  • [33]
    Article 149 de la loi du 3 juillet 2001.  [Retour au contenu]
  • [34]
    Le délai de recours devant le Conseil électoral permanent est de 3 jours à compter de la publication des résultats.  [Retour au contenu]
  • [35]
    En outre, dans les 48 heures qui suivent la proclamation des résultats provisoires, tout candidat peut contester les résultats obtenus par les candidats (article 15 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle).  [Retour au contenu]
  • [36]
    Les délais de saisine de la Chambre électorale de Tirana sont de deux jours à partir de la date de la décision de la Commission électorale centrale. Elle statue dans les 7 jours de sa saisine.  [Retour au contenu]
  • [37]
    Les requêtes sont déposées auprès du Greffe du Conseil constitutionnel.  [Retour au contenu]
  • [38]
    Articles 194 (régularité du scrutin) et 195 (régularité du dépouillement) de la loi du 3 janvier 2001.  [Retour au contenu]
  • [39]
    Article 199 de la loi du 3 janvier 2001.  [Retour au contenu]
  • [40]
    Les parties peuvent saisir directement le Comité électoral national pour contestation des résultats préliminaires dans un délai de 72 heures ; il doit statuer dans les 48 heures.  [Retour au contenu]
  • [41]
    Les délais de recours devant le Conseil électoral permanent est de 3 jours à compter de la publication des résultats.  [Retour au contenu]
  • [42]
    En outre, dans les 48 heures qui suivent la proclamation des résultats provisoires, tout candidat peut contester les résultats obtenus par les candidats (article 15 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle).  [Retour au contenu]
  • [43]
    Selon l’article 45 du Representation of People Act (date of the return made by the Returning Officer to the Commission).  [Retour au contenu]
  • [44]
    La Commission électorale doit soumettre les résultats électoraux dans les 48 heures suivant la fin du dépouillement des bulletins de vote. En matière de contentieux, les recours devant les tribunaux locaux doivent être effectués dans un délai de trois jours à compter de la décision de la commission électorale locale ; les recours devant la Cour suprême de justice doivent être effectués dans les 3 jours qui suivent la décision de la Commission électorale centrale. Les cours ont 5 jours pour statuer.  [Retour au contenu]
  • [45]
    Tout électeur a le droit d’arguer de la nullité les élections auprès du tribunal de première instance. La réclamation doit être soit consignée au procès-verbal des opérations de vote, soit déposée dans les cinq jours qui suivent le jour de l’élection au secrétariat de la mairie (articles 52 et 53 de la loi sur les élections nationales et communales).  [Retour au contenu]
  • [46]
    Selon la loi fédérale sur les droits politiques, les recours au gouvernement cantonal sont recevables au plus tard dans les trois jours qui suivent la publication des résultats dans la feuille officielle du canton. Le gouvernement cantonal tranche le litige dans les 10 jours qui suivent son dépôt. L’appel devant le Conseil national s’effectue dans les 5 jours qui suivent la décision en première instance.  [Retour au contenu]
  • [47]
    Mais uniquement pour les recours des citoyens.  [Retour au contenu]
  • [48]
    Pour les élections parlementaires.  [Retour au contenu]
  • [49]
    Voir Kingsley (Jean-Pierre), « Administration et application du processus électoral : le modèle canadien », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002, p. 91-99.  [Retour au contenu]
  • [50]
    Le président du Conseil constitutionnel français désigne 10 rapporteurs adjoints parmi les magistrats du Conseil d’État et de la Cour des comptes.  [Retour au contenu]
  • [51]
    Article 47 of the Representation of The People Act 1958.  [Retour au contenu]
  • [52]
    Article 46 of the Representation of the People Act 1958.  [Retour au contenu]
  • [53]
    Qui ne statue pas véritablement sur la régularité des opérations de vote  [Retour au contenu]
  • [54]
    Plus précisément le Commissaire aux élections fédérales.  [Retour au contenu]
  • [55]
    La Cour constitutionnelle tchèque traite le contentieux électoral en formation plénière ou en chambre.  [Retour au contenu]
  • [56]
    En général, la Cour constitutionnelle tchèque statue à huis clos. Néanmoins, l’article 35 de la loi sur la Cour constitution nelle prévoit qu’elle peut connaître d’une affaire en audience publique, si le président de la Cour le déclare d’office ou à l’initiative des parties, ou si 3 juges en font la demande. C’est une disposition générale applicable également pour les affaires électorales.  [Retour au contenu]
  • [57]
    Non communiqué.  [Retour au contenu]
  • [58]
    Un délai de 4 jours est donné au requérant lors des recours contre les opérations de vote pour les élections parlementaires afin qu’il puisse produire des informations écrites.  [Retour au contenu]
  • [59]
    Un délai de 5 jours peut être accordé au requérant pour qu’il produise des preuves.  [Retour au contenu]
  • [60]
    Cependant, la loi organique précise que dès que l’affaire est en état d’être jugée, le Conseil constitutionnel y statue après avoir entendu le rapporteur dans un délai de 60 jours.  [Retour au contenu]
  • [61]
    Qui, rappelons-le, est élu par le Parlement.  [Retour au contenu]
  • [62]
    Dans les 72 heures qui suivent la réception du dernier pli.  [Retour au contenu]
  • [63]
    Dans un délai de 5 jours après la fin du scrutin.  [Retour au contenu]
  • [64]
    Dans les 10 jours qui suivent la date de réception des procès-verbaux des commissions électorales de wilaya.  [Retour au contenu]
  • [65]
    Dans les 72 heures qui suivent la date de réception des résultats des commissions électorales.  [Retour au contenu]
  • [66]
    Dans les 15 jours qui suivent le scrutin.  [Retour au contenu]
  • [67]
    Dans les 72 heures qui suivent la date de réception des résultats des commissions électorales.  [Retour au contenu]
  • [68]
    Les recours relatifs aux contestations éventuelles des résultats provisoires sont reçus par le Conseil constitutionnel dans les 7 jours suivant la publication des résultats provisoires. Le Conseil statue et proclame les résultats définitifs dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai imparti pour les recours. Si aucune contestation n’a été enregistrée, le Conseil proclame les résultats définitifs.  [Retour au contenu]
  • [69]
    Dans les 10 jours qui suivent le scrutin où la majorité des suffrages exprimés a été atteinte par un des candidats.  [Retour au contenu]
  • [70]
    Dans les 20 jours qui suivent la réception du dernier pli soit après la clôture du délai de saisine.  [Retour au contenu]
  • [71]
    Dans les 20 jours qui suivent la réception du dernier pli soit après la clôture du délai de saisine.  [Retour au contenu]
  • [72]
    En France, il s’agit du ministère de l’Intérieur.  [Retour au contenu]
  • [73]
    Sauf au Sénégal.  [Retour au contenu]
  • [74]
    Le secrétaire général doit également être présent lors de la proclamation des résultats.  [Retour au contenu]
  • [75]
    Il s’agit essentiellement des originaux des décisions du Conseil et les procès-verbaux de séance. L’ensemble de ces documents ne sont librement consultables avant 60 ans ou, auparavant, sur autorisation du président.  [Retour au contenu]
  • [76]
    Voir « L’archivage des procès-verbaux et autres documents électoraux. L’expérience du Conseil constitutionnel français », tome II, p. 187.  [Retour au contenu]
  • [77]
    Pour les arrêts de la Cour statuant sur des affaires électorales.  [Retour au contenu]
  • [78]
    Pour les arrêts du Tribunal statuant sur les recours de droit administratif.  [Retour au contenu]

VII. Le financement des campagnes électorales et le patrimoine des élus

Les questions financières ont envahi le débat public avec une grande acuité depuis la seconde moitié des années 1980. La période électorale s’est ainsi trouvée enrichie du contrôle des dépenses des candidats et des partis politiques. En outre, poursuivant le même objectif de transparence de la vie politique, un contrôle du patrimoine des élus a été institué dans certains États.

1. Le financement des campagnes électorales

L’étude du processus électoral ne saurait être exhaustive sans aborder le financement des campagnes électorales. Les ressources financières des partis politiques entrent dans la prise en considé ration de la sincérité du scrutin sous deux aspects. D’abord, l’absence d’encadrement du financement des partis a pu provoquer dans certains pays des pratiques obscures de financement. Mais surtout, les disparités extrêmes des ressources des partis politiques faisaient craindre une inégalité incompatible avec la démocratie électorale. Les partis possédant des ressources supé rieures à la moyenne auraient plus de chances de remporter les élections. De même, force est de constater que le recours sans limite aux divers moyens de communication a encouragé une inflation des dépenses électorales. La loi intervient alors pour rétablir une certaine égalité des chances entre les différentes forces politiques.

Il n’est donc pas étonnant que de nombreux États aient adopté des systèmes de financement public des campagnes électorales et de contrôle des dépenses électorales. Concrètement, une alter native est ouverte aux États entre le financement des partis eux-mêmes et le financement des campagnes électorales. Certains États ont fait le choix de combiner les deux systèmes. D’autres pays ne prévoient que le financement du fonctionnement des partis politiques. Les moyens alloués seront naturellement utilisés pour les dépenses électorales puisque l’activité électorale demeure l’activité première des partis politiques. Ainsi, parce que cette étude porte sur le processus électoral, nous nous intéresserons au financement des partis politiques uniquement lorsqu’un financement de la campagne électorale n’est pas parallèlement institué [1].

Précisons, toutefois, que dans un nombre important d’États, un financement public de la vie politique a été institué ; l’Algérie, le Cambodge, le Congo, le Liban, Madagascar, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie, le Sénégal et la Suisse ne connaissent cependant pas un tel système. Le financement public n’est pas, par conséquent, encore un principe unanimement admis. Ajoutons également que l’existence d’un financement public n’empêche nullement un financement privé [2]. La contrepartie du financement étatique est l’organisation d’un encadrement strict du financement privé et surtout d’un contrôle des comptes des formations politiques.

En ce qui concerne la période électorale qui nous concerne plus particulièrement, des législations réglementant le financement des campagnes électorales ont été spécifiquement adoptées. Toutefois, au travers des réponses aux questionnaires, il apparaît difficile, pour un certain nombre de Cours, de savoir si les textes concernant le financement de la vie politique inclut celui des campagnes électorales ; en résultent parfois des confusions qu’il a été difficile de dissiper.

Le tableau suivant présente les législations relatives au financement des campagnes électorales :

Tableau 66 – La législation sur le financement des campagnes électorales

Albanie Article 145 du code électoral
Algérie Loi portant régime électoral (article 145)
Belgique Loi du 4 juillet 1989
Bénin Loi n° 2000-18 du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections
Bulgarie Lois électorales
Burkina Faso Loi du 2 mai 2000 portant financement des partis politiques et des campagnes électorales
Cambodge Article 28 de la loi du 18 novembre 1997 sur les partis politiques
Cameroun Loi du 19 décembre 2000 portant financement des partis politiques
Canada Loi électorale
Congo Pas de législation
Égypte N.C. [3]
France Code électoral depuis 1990
Gabon Loi du 6 juin 1996 relative aux partis politiques
Guinée-Bissau Pas de législation
Haïti Pas de législation
Liban Pas de législation
Madagascar Pas de législation
Mali Pas de législation
Maroc Dahir n° 1-97-83 du 2 avril 1997 portant promulgation du code électoral
Maurice Representation of the People Act 1958
Mauritanie Pas de législation
Moldavie Articles 37 et 38 du code électoral (loi du 21 novembre 1997)
Monaco Pas de législation
Niger Pas de législation
Roumanie Loi n° 43/2003 sur le financement de l’activité des partis politiques et des campagnes électorales
Rwanda Pas de législation
Sénégal Le code électoral
Slovénie Loi du 8 octobre 1994 sur les campagnes électorales
Suisse Pas de législation
Tchad Loi du 14 décembre 1994 portant charte des partis politiques, article 142 du code électoral
République tchèque Loi n° 424/1991 sur l’association en partis et groupements politiques et loi n° 151/1991 sur la comptabilité
Togo Le code électoral

Nous constatons qu’un nombre important d’États ne disposent pas de législation sur le financement des campagnes électorales. Ce nombre est plus important que celui des pays ne prévoyant pas de financement de la vie politique. Ainsi, il n’y a pas de législation au Congo, en GuinéeBissau, à Haïti, au Liban, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, à Monaco, au Niger, au Rwanda et en Suisse. Cependant, il semble, à la lecture des questionnaires remis par la GuinéeBissau et Monaco, qu’il puisse exister une participation publique aux frais de campagne sans réglementation spécifique.

Au Congo, à Haïti, au Liban [4], à Madagascar et en Suisse, aucune réglementation n’a été élaborée, ce qui signifie que les partis politiques doivent mobiliser eux-mêmes les moyens nécessaires à la campagne électorale.

En GuinéeBissau, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Rwanda, la législation sur le finan cement de la vie des partis politiques a notamment pour but de financer les dépenses électorales.

Nous avons déjà évoqué l’existence d’une participation publique aux frais de campagne en GuinéeBissau. Le financement public de la vie politique des partis poursuit également l’objectif de supporter le coût des élections. Cette aide publique est accordée aux partis inscrits à la Cour suprême, ayant des élus au Parlement. Le financement privé est, en outre, autorisé. En revanche, aucun contrôle de la comptabilité des partis politiques n’est mis en place.

Une aide de l’État est accordée aux partis politiques mauritaniens en fonction du nombre de conseillers municipaux élus. L’utilisation de ces ressources n’est toutefois pas contrôlée et les contributions privées, qui ne peuvent émaner que de personnes physiques, ne sont pas plafonnées.

Ces deux pays ont institué des systèmes de financement peu élaborés. Ce n’est pas le cas du Mali et du Niger où le financement participe pleinement à la prise en charge des dépenses liées aux élections, lesquelles constituent un critère objectif de détermination du montant de l’aide publique. La frontière entre financement de la vie politique et financement de la campagne électorale est particulièrement délicate à délimiter dans ces deux pays.

Au Mali, le financement de la vie politique des partis varie selon les résultats électoraux et s’applique à tout parti qui a un siège distinct du domicile de son président et qui réunit régulièrement ses instances statutaires. Le financement privé est encadré et ne doit pas dépasser 20 % des ressources propres du parti. En contrepartie, un rapport financier doit être déposé régulièrement à la section des comptes de la Cour suprême sous peine de perdre le bénéfice du financement public.

Le Niger accorde une subvention annuelle aux formations politiques qui présentent des candidats aux élections et ont des élus à l’Assemblée nationale. Son montant est déterminé proportionnellement à la représentation à cette Assemblée. Le financement privé ne peut provenir que de personnes physiques et morales nationales et ne doit pas représenter plus de 50 % des ressources propres des partis. Les comptes sont contrôlés par la Chambre des comptes de la Cour suprême.

Dans les autres États étudiés, il existe une législation sur le financement des campagnes électorales, même s’il est parfois difficile de la distinguer de celle relative au financement de la vie politique.

La réglementation du financement des campagnes électorales s’articule autour de trois points essentiels : le plafonnement des dépenses électorales et des contributions privées, l’existence ou non d’une participation publique et le contrôle des comptes de campagne.

A. Le plafonnement des dépenses électorales

Afin de rétablir l’égalité des chances des candidats à un mandat électif et de mettre un terme à l’inflation des dépenses constatée dans certains pays, il est apparu utile de limiter les frais engagés par les partis politiques dans la campagne électorale.

Tableau 67 – Le plafonnement des dépenses électorales [5]

Plafonnement des dépenses électorales Le montant du plafonnement
Élection présidentielle Élections parlementaires
Albanie NON
Algérie OUI 1 500 000 euros 1 500 euros
Belgique OUI 1 000 000 euros
+ montant plafonné par candidat
Bénin OUI 150 000 000 francs
CFA (228 673 euros)
3 000 000 francs
CFA (4 573 euros)
Bulgarie OUI 1 000 000 euros 500 000 euros pour un parti politique et 1 000 000 pour une coalition politique
Burkina Faso NON
Cambodge NON
Cameroun NON
Canada OUI Calculé selon le nombre d’électeur dans chaque circonscription [6]
Congo NON
Égypte OUI N.C. N.C.
France OUI 13 700 000 euros pour le premier tour,
18 300 000 pour le second
38 000 + 0,15 euros par habitant de la circonscription
Gabon NON
Guinée-Bissau NON
Haïti NON
Liban NON
Madagascar NON
Mali NON
Maroc N.C.
Maurice OUI 8 000 euros
Mauritanie NON
Moldavie OUI Partis politiques : 83 000 euros ; candidats indépendants : 4 200 euros ; Quantum du crédit sans  intérêt pour chaque parti : 2 500 euros par candidat
Monaco NON
Niger NON
Roumanie OUI N.C. N.C.
Rwanda NON
Sénégal NON
Slovénie OUI 0,16 euro par électeur 0,25 euro par électeur
Suisse NON
Tchad NON
République tchèque NON
Togo OUI 50 000 000 francs CFA 3 000 000 francs CFA

Si l’on prend seulement en considération les élections parlementaires, 21 États sur 32 ne prévoient pas de plafonnement des dépenses électorales, ce qui signifie que l’on ne trouve pas une tendance commune à l’ensemble des pays francophones. En outre, le montant des plafonnements est extrêmement varié étant donné l’hétérogénéité du niveau de vie des États considérés. Le nombre d’électeurs dans la circonscription est certainement le critère le plus neutre et adéquat pour fixer le montant du plafonnement des dépenses électorales. Il apparaît clairement au Canada, en France et en Slovénie.

Toute règle nécessite des sanctions pour en assurer son respect. L’établissement du plafond de dépenses n’échappe pas à ce principe. L’amende demeure l’instrument le plus communément utilisé par les États. Les fraudeurs risquent cette peine en Belgique, au Bénin [7], en Bulgarie, au Canada [8], en Slovénie [9] et au Togo [10]. Mais certains États ne se satisfont pas de cette sanction et vont jusqu’à prévoir des peines d’emprisonnement, notamment la Belgique et le Canada. Les can didats s’exposent également à des sanctions qui concernent directement leur financement. Ainsi, les dépenses électorales ne seront pas remboursées en Algérie, en France et au Togo. Les candidats doivent verser l’équivalent de la somme dépassant le plafond au Trésor public en France et en Roumanie et ils perdent leur droit à un financement public en Belgique.

Seuls le Bénin [11], la France et l’Île Maurice imposent une peine d’inéligibilité en cas de dépassement du plafond autorisé. Il reste difficile de revenir sur l’expression du suffrage universel pour des questions financières et le lien entre la victoire d’un candidat et les moyens mis en œuvre ne peuvent être scientifiquement établis.

Le souci de moralisation de la vie politique impose également un encadrement des contributions des personnes privées à la campagne électorale. Si les États ont pu restreindre le nombre de personnes autorisées à participer au financement des partis politiques, ils peuvent aussi limiter le montant des contributions privées. Parmi les États des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., seuls la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la France, la République tchèque, la Roumanie et la Slovénie prévoient un tel plafonnement. Il convient de préciser cependant que les règles relatives aux limites du montant des dons privés aux partis politiques s’appliquent dans les mêmes conditions pour le financement de la vie des partis politiques que pour le financement de la campagne électorale.

Tableau 68 – Le plafonnement des contributions privées à la campagne électorale

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
Belgique [12] 500 euros par an et par donateur
Bulgarie 5 000 euros pour les personnes physiques, 15 000 euros pour les personnes morales 5 000 euros pour les personnes physiques, 15 000 euros pour les personnes morales
Canada 5 000 CAN$ (3 054 euros) [13]
France [14] 4 600 euros 4 600 euros
Roumanie Non précisé Non précisé
Slovénie 10 fois le salaire mensuel moyen [15] 10 fois le salaire mensuel moyen [16]
République tchèque 50 000 KC (environ 1 700 euros)
B. La participation publique aux frais de campagne

Outre un financement public de la vie politique [17], l’Albanie, l’Algérie, la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Cameroun, le Canada, la France, le Gabon, la GuinéeBissau, le Maroc, Monaco, la République tchèque, la Roumanie, le Sénégal, la Slovénie, la Suisse et le Tchad participent aussi aux frais de campagne des partis et formations politiques.

En Algérie, au Bénin, au Canada, en France, à Monaco, au Sénégal, en Slovénie et au Tchad, la participation publique s’effectue par le biais d’un remboursement a posteriori des dépenses des partis ou des candidats. À l’inverse, la contribution de l’État peut également prendre la forme d’une avance sur les frais de campagne. C’est notamment le cas en Albanie, au Cameroun, en France [18] et au Maroc. Par exemple, en Albanie, le montant total des fonds alloués est partagé de la façon suivante : 10 % de cette somme est distribué de manière égale entre les partis politiques enregistrés auprès de la Commission électorale pour l’élection, 30 % de la somme est partagé de manière égale entre les partis qui ont des députés à l’Assemblée, 60 % de la somme est distribué en proportion des suffrages obtenus lors de la dernière élection. Au Cameroun, pour les élections législatives, une première tranche est allouée aux partis politiques ayant participé aux dernières élections législatives proportionnellement au nombre de siège obtenus ; la deuxième tranche est répartie entre tous les partis au prorata des listes présentées dans les différentes circonscriptions. En ce qui concerne l’élection présidentielle, une partie du financement est distribuée en fonction de la représentation à l’Assemblée nationale et la seconde est attribuée aux partis politiques qui présentent un candidat à l’élection. Il en résulte qu’un parti qui n’a pas de candidat reçoit une subvention ; en revanche, rien n’est prévu pour les candidats non soutenus par une formation politique. Au Burkina Faso, les partis politiques se voient attribuer un montant prédéterminé. En Belgique, la participation publique aux frais de campagne emprunte les mêmes modalités que le financement public de la vie politique. Cette participation prend la forme d’une subvention indissociable du montant attribué tous les ans aux partis politiques pour financer leur fonctionnement. Finalement la solution retenue ne diffère pas considérablement de celle en vigueur au Mali et au Niger où la législation ne prévoit pas de système distinct relatif au financement de la campagne électorale.

Le nombre de suffrages obtenus lors de l’élection peut être pris en compte pour ouvrir le droit à la participation publique et pour déterminer le montant de la contribution aux frais de campagne.

Tableau 69 – Les conditions de détermination du montant de l’aide publique à la campagne électorale

Prise en compte du nombre de suffrages obtenus lors de l’élection Hauteur du remboursement
Pourcentage minimum de suffrages obtenus donnant droit à un financement public Élection présidentielle Élections parlementaires
Élection présidentielle Élections parlementaires
Albanie OUI 2,5 % Montant fixé avant le scrutin
Algérie OUI 0 % 25 % 10 %, 20 % ou
30 % des dépenses engagées [19]
25 % des dépenses engagées
Belgique OUI Représentation dans chaque assemblée 1,25 euros par vote valable
par an
Bénin OUI 10 % Un forfait par candidat élu (art. 39) Déterminé par décret pris en Conseil des ministres Déterminé par décret pris
en Conseil des ministres
Burkina Faso NON N.C. N.C.
Cambodge OUI 3 % ou un siège au minimum 100 %
Cameroun NON N.C. N.C.
Canada OUI 2 % des votes valides à l’échelle nationale ou 5 % des votes à l’échelle des circonscriptions, pour les candidats, il est de 15 % des votes exprimés Candidats : 60 %, partis politiques enregistrés : 50 % (60 % à partir du 1 janvier 2004)
France OUI 0 % 5 % Au maximum 50 % du plafond Au maximum 50 % du plafond
Gabon NON N.C. N.C.
Guinée-Bissau NON
Maroc OUI N.C. N.C.
Monaco OUI 5 % Allocation forfaitaire
Roumanie OUI 10 % 10 % N.C. N.C.
Sénégal OUI 5 % 1 candidat élu 100 % du cautionnement 100 % du cautionnement
Slovénie OUI 10 % 4 % et 2 % 50 % des dépenses 100 % pour ceux qui ont 4 % des suffrages, 50 % pour ceux qui ont 2 % des voix
Tchad OUI 30 % 5 % 30 millions de francs CFA N.C.
République tchèque OUI 1,5 % 100 KC (3 euros) pour chaque suffrage

Les seuils ouvrant droit à une participation de l’État aux dépenses électorales sont extrêmement variables. En premier lieu, le montant de la contribution ne sera pas identique selon que celle-ci est attribuée au candidat ou au parti politique. Ainsi, lorsque l’aide est accordée proportionnellement au nombre d’élus, c’est la formation politique dont ils se réclament qui en bénéficie, comme c’est le cas, par exemple, en Belgique, au Bénin et au Sénégal. Cette solution, comme celle qui prévoit des seuils élevés, n’est pas favorable à l’émergence de nouveaux mouvements politiques.

En ce qui concerne l’élection du président de la République, le pourcentage minimum de suffrages pour obtenir le financement public varie de 0 en Algérie et en France à 30 au Tchad. Les données sont plus homogènes et moins élevées pour les élections parlementaires, mis à part au Canada et en Roumanie [20].

Quant au montant de la participation, plusieurs modalités sont adoptées. Il peut s’agir d’une somme fixe sans relation avec les frais réellement engagés par les formations (Albanie, Bénin, Monaco, Tchad), d’une somme proportionnelle au nombre de voix obtenues (Belgique, République tchèque) ou plus habituellement d’une part du plafond autorisé ou des dépenses effectuées (Algérie, Cambodge, Canada, France, Sénégal et Slovénie).

C. Le contrôle des comptes de campagne

À titre de contrepartie à la participation publique aux frais de campagne, l’État peut effectuer un contrôle des comptes de campagne des candidats ou des partis politiques. Une majorité d’États prévoient que les candidats rendent public à des fins de contrôle leurs dépenses. Il s’agit de l’Algérie, de la Belgique, du Bénin, de la Bulgarie, du Burkina Faso, du Canada, de l’Égypte, de la France, du Maroc, de l’Île Maurice, de la Moldavie, de la République tchèque, de la Roumanie, de la Slovénie et du Togo.

Néanmoins, certaines pays n’instaurent pas de sanction en cas de non respect de l’obligation de publicité, notamment au Bénin et en Moldavie. Des amendes sont prévues en Belgique, en Bulgarie, au Canada et en Slovénie, des peines d’emprisonnement en Belgique et au Canada, l’inéligibilité au Canada, en Égypte et en France, la perte du financement public en France et en République tchèque et la non validation de l’élection du candidat vainqueur en Roumanie. Les Cours constatent, toutefois, que cette obligation est respectée par la majorité des partis politiques. En outre, les comptes de campagne doivent être certifiés par un comptable agréé en Algérie, en Bulgarie, au Canada, en France, en Moldavie, en République tchèque et en Slovénie.

Le tableau suivant présente les autorités chargées de vérifier les comptes de campagne.

Tableau 70 – Les autorités chargées de vérifier les comptes de campagne

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES
Algérie Le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel
Belgique La Commission de contrôle des dépenses électorales et de la comptabilité des partis politiques
Bénin La Chambre des comptes de la Cour suprême La Chambre des comptes de la Cour suprême
Bulgarie La Cour des comptes La Cour des comptes
Burkina Faso La Cour des comptes La Cour des comptes
Cambodge La Commission électorale centrale
Canada Le Directeur général des élections
Égypte Le ministre de l’Intérieur
France Le Conseil constitutionnel La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
Guinée-Bissau La Commission électorale centrale La Commission électorale centrale
Maroc La Commission de vérification des dépenses électorales
Maurice Le Bureau du commissaire électoral
Moldavie La Commission électorale centrale
Roumanie La Cour des comptes La Cour des comptes
Slovénie La Cour des comptes La Cour des comptes
République tchèque La Chambre des députés [21]
Togo La Cour des comptes La Cour des comptes

Il convient de préciser, en premier lieu, que, mis à part l’Égypte, la GuinéeBissau, le Maroc, l’Île Maurice, la Moldavie et le Togo, les partis politiques soumettent les comptes de campagne aux autorités qui sont déjà chargées de vérifier leur comptabilité.

En second lieu, les dépenses électorales et la liste des donateurs sont indiquées dans le rapport financier remis tous les ans par les partis politiques en Belgique et en République tchèque. Ces deux pays ont également en commun le fait d’avoir confié le contrôle à des parlementaires. Il s’agit de la Chambre des députés en République tchèque et d’une commission spéciale composée de membres de la Chambre des représentants et du Sénat en Belgique. Cette situation s’accorde avec les pouvoirs déjà importants confiés aux parlementaires en matière de contentieux électoral.

Le Bénin, la Bulgarie, le Burkina Faso, la Roumanie et le Togo ont recours à des instances spécialisées dans la comptabilité. Il s’agit de la Chambre des comptes de la Cour suprême au Bénin et de la Cour des comptes dans les autres États. Le contrôle des comptes de campagne revient à des organes plus engagés dans le processus électoral au Cambodge, au Canada, en GuinéeBissau, à l’Île Maurice et en Moldavie puisque que ce sont les commissions électorales qui sont compétentes. Le Maroc et la France pour les élections législatives ont créé des autorités administratives à cet effet [22]. Ainsi, par exemple, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques française est composée de 9 magistrats de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et du Conseil d’État. Enfin, seuls le Conseil constitutionnel algérien et le Conseil constitutionnel français disposent d’attributions en matière de vérification des comptes de campagne. Le second n’est compétent que pour l’élection présidentielle. Ils ont le pouvoir de rejeter le compte ; le Conseil français peut, en outre, rectifier le compte.

En ce qui concerne les élections législatives, le Conseil constitutionnel français peut être saisi des comptes des candidats par la Commission des comptes de campagne lorsqu’elle constate que le compte de campagne n’a pas été déposé à temps, si elle rejette le compte ou si elle constate un dépassement du plafond. Dans ce cas, le Conseil a la faculté de déclarer le candidat inéligible. Parmi les autres Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., seuls le Conseil constitutionnel cambodgien et la Cour suprême de Maurice peuvent connaître du contentieux des comptes de campagne en appel des décisions des commissions électorales. Ils peuvent rejeter le compte et le rectifier dans le cas du Cambodge.

En Belgique, les juridictions ordinaires sont chargées du contentieux des comptes de campagne sur poursuite du ministère public ou à la suite d’une plainte de la commission de contrôle. En Roumanie, les décisions de la Cour des comptes peuvent être contestées en justice, et au Bénin le contentieux est porté devant le Tribunal de première instance de Cotonou. Dans les autres États évoqués, l’instance compétente pour vérifier les comptes est également chargée du contentieux.

En conclusion, on remarque que les autorités compétentes n’ont pas le pouvoir d’annuler l’élection à la suite du rejet d’un compte, à l’exception du Cambodge, de la France pour les élections législatives et de l’Île Maurice où le juge constitutionnel, statuant en tant que juge électoral peut être saisi de cette question.

2. Le patrimoine des élus

Le contrôle du patrimoine des élus ne concerne pas directement le financement de la campagne électorale. Il est cependant apparu comme un élément de l’impératif de transparence et de moralisation de la vie politique.

Tableau 71 – Les législations instituant un contrôle du patrimoine des élus

CONTRÔLE DU PATRIMOINE DES ÉLUS DISPOSITIONS
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PARLEMENTAIRES
Albanie NON OUI Loi n° 9049 du 10 avril 2003 portant sur la déclaration de patrimoine des élus et d’autres hauts fonctionnaires publics
Algérie OUI NON Article 73 de la Constitution
Belgique NON
Bénin OUI NON Article 52 alinéa 2 de la Constitution
Bulgarie OUI OUI Loi sur la publicité du patrimoine des personnes exerçant des hautes fonctions au sein de l’État
Burkina Faso OUI NON Article 44 de la Constitution
Cambodge NON
Cameroun OUI OUI Article 66 de la Constitution (pas encore de
texte d’application)
Canada NON
Congo OUI OUI Article 48 de la Constitution (pas encore de
texte d’application)
Égypte OUI OUI Pas de législation
France OUI OUI Loi du 11 mars 1988 sur le financement de la vie politique
Gabon OUI OUI Loi n° 001/2003 instituant un régime de prévention
et de répression de l’enrichissement illicite en République gabonaise
Guinée-Bissau OUI OUI N.C.
Haïti OUI OUI Article 279 de la Constitution [23], article 69 de la
loi électorale de 1995
Liban OUI OUI Loi n° 154 du 27 décembre 1999 sur l’enrichissement injuste
Madagascar OUI NON N.C.
Mali OUI OUI Article 37 de la Constitution pour le président de la République
Maroc OUI Dahir du 7 décembre 1992 portant promulgation de la loi concernant la déclaration des biens immobiliers et valeurs mobilières
Maurice OUI OUI Declaration of Assets Act
Mauritanie NON NON
Moldavie NON NON
Monaco NON
Niger OUI NON Article 40 de la Constitution
Roumanie OUI OUI Loi n° 161/2003 relative aux mesures pour assurer la transparence dans l’exercice des dignités publiques, des fonctions publiques, dans le milieu des affaires, la prévention et la sanction
de la corruption
Rwanda OUI OUI Article 182-4 de la Constitution
Sénégal OUI NON Article 37 de la Constitution
Slovénie OUI OUI Loi sur la prévention de la corruption
Suisse NON
Tchad OUI NON Article 78 de la Constitution
République tchèque NON OUI Loi n° 238/1992 sur certaines mesures concernant l’intérêt général et sur l’incompatibilité de certaines fonctions
Togo OUI OUI Article 145 de la Constitution

Un nombre important de pays francophones impose un contrôle du patrimoine des élus. Les exceptions sont la Belgique, le Canada, la Mauritanie, la Moldavie, Monaco et la Suisse. En outre, dans les États dans lesquels le président de la République est élu au suffrage universel, nous observons que ce dernier est davantage soumis à cette obligation que les parlementaires, notamment en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Niger, au Sénégal et au Tchad.

Il convient de remarquer que dans les pays que nous venons de citer mais également au Cameroun, au Congo, au Mali, au Rwanda et au Togo, l’obligation de déclaration du patrimoine est formulée dans les Constitutions. En conséquence, il est possible de mettre en évidence une tendance à reconnaître une valeur constitutionnelle au contrôle du patrimoine des élus en Afrique francophone. À Haïti, l’obligation constitutionnelle n’est valable que pour le président de la République.

De même, il est intéressant d’observer qu’en Europe centrale et orientale, l’obligation de déclaration relève d’un mouvement plus large de contrôle du patrimoine des personnes détenant de hautes fonctions publiques.

L’objectif, qui sous-tend cette législation dans l’ensemble des États francophones et qui apparaît nettement au Gabon, en Roumanie et en Slovénie, demeure la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite des élus.

Les élus font donc état de leur patrimoine en déposant généralement une déclaration écrite. Ce document doit mentionner dans tous les États concernés l’ensemble du patrimoine.

Ces documents doivent être déposés à des périodes différentes selon les pays.

Tableau 72 – La période de transmission des documents relatifs au patrimoine

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PARLEMENTAIRES
Albanie Après son élection Après leur élection
Algérie Avant le dépôt de candidature
Belgique
Bénin Dès son entrée en fonction
Bulgarie À l’entrée en fonction, au début de chaque année et à l’expiration du mandat À l’entrée en fonction, au début de chaque année et à l’expiration du mandat
Burkina Faso N.C.
Cambodge
Cameroun
Canada
Congo
Égypte À sa nomination, puis tous les 6 ans et au terme du mandat À sa nomination, puis tous les 6 ans et au terme du mandat
France Après l’établissement de la liste des candidats Après l’élection
Gabon Avant l’entrée en fonction et tous les 3 ans Avant l’entrée en fonction et tous les 3 ans
Guinée-Bissau N.C. N.C.
Haïti 30 jours après son élection Au dépot de la candidature
Liban Dans les 3 mois qui suivent les résultats Dans les 3 mois qui suivent les résultats
Madagascar Dépot de dossier de candidature
Mali À l’entrée en fonction et tous les ans À l’entrée en fonction et tous les ans
Maroc N.C.
Maurice 30 jours après la première séance du parlement
Mauritanie
Moldavie
Monaco
Niger 48 heures après l’investiture et tous les ans
Roumanie 15 jours à partir de la validation de l’élection 15 jours à partir de la validation de l’élection
Rwanda Au plus tard le 30 juin de chaque année Au plus tard le 30 juin de chaque année
Sénégal Après l’élection
Slovénie Un mois après l’entrée en fonction Un mois après l’entrée en fonction
Suisse
Tchad Lors de l’entrée en fonction
République tchèque Jusqu’à la fin du mois de juin de l’année suivante
Togo Au début et à la fin du mandat Au début et à la fin du mandat

Le tableau suivant présente les organes auprès desquels les documents sont déposés.

Tableau 73 – Les organes de réception des documents relatifs au patrimoine

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PARLEMENTAIRES
Albanie « Inspectorat » national de déclaration et de contrôle des biens « Inspectorat » national de déclaration et de contrôle des biens
Algérie Le Conseil constitutionnel
Belgique
Bénin La Chambre des comptes de la Cour suprême
Bulgarie La Cour des comptes La Cour des comptes
Burkina Faso N.C.
Cambodge
Cameroun
Canada
Congo
Égypte Le ministère de la Justice Le ministère de la Justice
France Le Conseil constitutionnel La Commission de transparence financière
Gabon Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite
Guinée-Bissau N.C. N.C.
Haïti Le Greffe du tribunal de première instance Le Conseil électoral
Liban Le président du Conseil constitutionnel Le président du Conseil constitutionnel
Madagascar La Haute Cour constitutionnelle
Mali Le président de la Cour suprême Le président de la Cour suprême
Maroc N.C.
Maurice La commission indépendante anti-corruption [24]
Mauritanie
Moldavie
Monaco
Niger La Cour constitutionnelle qui transmet aux services fiscaux
Roumanie Le chef de la Chancellerie de la présidence Le secrétaire général de la Chambre dont le parlementaire fait partie
Rwanda L’Ombudsman L’Ombudsman
Sénégal Le Conseil constitutionnel
Slovénie Une commission ad hoc [25] Une commission ad hoc [26]
Suisse
Tchad La Cour suprême
République tchèque Les sénateurs déposent auprès du président de la Chambre des députés, les députés auprès du président du Sénat
Togo La Cour suprême La Cour suprême

Aucune tendance ne se dégage de ce tableau. Il est toutefois possible d’observer que les Cours constitutionnelles sont davantage concernées par le patrimoine des élus que par les comptes de campagne. Ainsi, les Cours et Conseils d’Algérie, de France pour le président de la République, du Liban, de Madagascar et du Sénégal reçoivent les déclarations de patrimoine. En revanche, les Cours suprêmes ont cette charge au Bénin, au Mali, au Tchad et au Togo. La République tchèque reste fidèle à un contrôle parlementaire, tout en prenant soin de garantir un souci d’impartialité en confiant le contrôle du patrimoine de l’élu à la Chambre dont il ne relève pas. En Roumanie, les déclarations sont déposées auprès du chef administratif de l’institution concernée.

Des commissions administratives ad hoc ont été instituées en Albanie, en France pour les députés, au Gabon, à l’Île Maurice et en Slovénie complétant la liste des commissions en charge des questions électorales.

Ensuite, les déclarations de patrimoine sont publiées en Algérie, en Bulgarie, en France, au Mali, au Niger, en Roumanie [27], au Sénégal et au Tchad pour le président de la République et uniquement en Bulgarie et en Roumanie [28] pour les parlementaires.
Les sanctions encourues par un élu qui ne produit pas les documents faisant état de son patrimoine sont limitées. En effet, il est difficile de revenir sur le choix des électeurs et des sanctions pénales peuvent se révéler disproportionnées. En revanche, s’il apparaît que l’élu a acquis des biens illégalement ou qu’il a fourni de faux documents, sa responsabilité pénale peut être mise en jeu. C’est notamment le cas en Albanie et à l’Île Maurice.

En cas de défaut de production des documents requis, aucun recours n’est prévu au Bénin, en Bulgarie, en France et au Gabon pour le président de la République, à Haïti, au Mali, au Rwanda et au Tchad. En Algérie et à Madagascar, le dossier de candidature des prétendants à la présidence est rejeté, étant donné que la déclaration de patrimoine s’effectue lors du dépôt de celui-ci. L’élu peut également être considéré comme n’occupant plus la fonction pour laquelle il a été choisi. C’est notamment le cas en France et au Gabon pour les parlementaires, au Liban, au Niger et en Slovénie. Dans ce dernier pays, si le président ou le parlementaire ne fournit pas les documents demandés, il est convoqué par la Commission instaurée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives. S’il ne répond pas à la convocation, il peut être opéré une retenue sur son salaire pendant trois mois, et au-delà, une procédure visant à le démettre de ses fonctions est engagée. En Albanie, la Commission nationale de déclaration et de contrôle des biens informe l’Assemblée de la République du non dépôt de la déclaration de patrimoine. En Roumanie, la procédure de contrôle devant une commission d’enquête est déclenchée d’office. Elle est suivie par la traduction de l’élu devant la Haute Cour de cassation et de justice. Néanmoins, aucune des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. des pays cités dans ce paragraphe n’a relevé de cas de sanctions effectives en la matière.


  • [1]
    En outre, le financement des partis politiques sera un des thèmes du prochain bulletin de l’A.C.C.P.U.F.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Néanmoins, le Conseil constitutionnel algérien et la Cour constitutionnelle moldave affirment que le financement privé des partis politiques est interdit dans leur pays.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [4]
    Un contrôle du financement privé des partis politiques par le ministère de l’Intérieur est néanmoins prévu.  [Retour au contenu]
  • [5]
    La partie sombre signifie que le thème abordé par le tableau est sans objet pour le pays concerné.  [Retour au contenu]
  • [6]
    La limite moyenne pour chaque candidat était de 65 000 CAN$ (39 699 euros) en 2000. La limite agrégée pour les partis politiques était de 69 229 273 CAN$ (42 281 524 euros).  [Retour au contenu]
  • [7]
    Amende de 5 millions à 10 millions de francs CFA.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Amende maximale de 1000 CAN$ (611 euros).  [Retour au contenu]
  • [9]
    Amende d’au moins 4 200 euros.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Amende 5 à 10 fois supérieure au montant du dépassement.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Plus précisément, il est prévu la déchéance des droits civils et politiques pendant 6 mois.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Uniquement des personnes physiques.  [Retour au contenu]
  • [13]
    À chaque parti enregistré ou ses entités affiliées par année, à la direction d’un parti enregistré ou à l’ensemble des candidats à la direction par campagne, à un candidat non affilié à un parti enregistré par élection.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Uniquement des personnes physiques.  [Retour au contenu]
  • [15]
    La loi sur les campagnes électorales se réfère à la loi sur les partis politiques.  [Retour au contenu]
  • [16]
    La loi sur les campagnes électorales se réfère à la loi sur les partis politiques.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Il existe un financement public de la vie des partis et groupements politiques en Albanie, en Belgique, au Bénin, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Cameroun, au Canada, en Égypte, en France, au Gabon, en Guinée-Bissau, au Mali, en Mauritanie, au Niger, en République tchèque, en Roumanie, au Rwanda, en Slovénie, au Tchad et au Togo.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Pour les élections législatives.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Plus précisément : 10 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu moins de 10 % des suffrages exprimés ; 20 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu entre 10 et 20 % des suffrages ; 30 % des dépenses pour les candidats ayant obtenu plus de 20 % des suffrages.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Afin de compléter ce qui a été dit plus haut à propos de l’Albanie, les partis qui n’atteignent pas 2,5 % des suffrages doivent rétribuer l’avance qui leur a été allouée, à l’exception des 10 % de la somme globale accordés à tous les partis enregistrés à l’élection.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Les partis soumettent un rapport financier annuel à la Chambre des députés. Il comprend, entre autre, les dépenses électorales, la liste des donateurs.  [Retour au contenu]
  • [22]
    La mise en place d’une commission de contrôle est également prévue par la loi au Cameroun, mais le décret d’application n’a toujours pas été adopté.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Uniquement pour le président de la République.  [Retour au contenu]
  • [24]
    Independant Commission Against Corruption  [Retour au contenu]
  • [25]
    Instituée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives.  [Retour au contenu]
  • [26]
    Instituée par la loi sur l’incompatibilité des fonctions publiques avec des activités lucratives.  [Retour au contenu]
  • [27]
    Sur Internet.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Sur Internet.  [Retour au contenu]

VIII. Conclusion

Des débats lors du séminaire, comme des réponses au questionnaire fournies par plus de trente Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., se dégage une grande richesse de solutions au regard de l’enga gement plus ou moins important – voire presque inexistant dans quelques cas – des institutions. Certes, au fil des étapes qui jalonnent le processus électoral, des traits communs ont pu être dégagés mais l’image d’ensemble demeure celle d’une grande diversité. La photographie riche de couleurs variées ne livrerait-elle que des impressions, ou bien la confrontation des expériences permet-elle, utilisant les méthodes de droit comparé, de dégager quelques constantes ? On ne pourrait conclure cette étude sans tenter d’apporter des réponses à une telle question.

Les Cours constitutionnelles francophones issues de systèmes juridiques différents, jeunes pour la plupart, nées pour beaucoup au lendemain de secousses politiques importantes, présentent-elles aujourd’hui des traits communs en matière électorale, qui pourraient conduire, par delà leur diver sité originelle, à une construction d’ensemble sur le rôle des Cours constitutionnelles en période électorale ?

À la différence d’autres domaines, les principes régissant le droit électoral semblent communs à l’ensemble des États concernés. Ces derniers s’accordent à admettre que le suffrage doit être universel, égal, libre, secret et direct. Si en pratique, des efforts doivent encore être entrepris pour garantir la pleine effectivité de ces principes, tous les pays dont nous avons étudié le système, reconnaissent les droits politiques des citoyens et ont adopté des législations électorales auxquelles ils apportent régulièrement de nombreuses modifications. Les pays ayant en partage l’usage du français ont affirmé leur attachement à ces principes dans la Déclaration de Bamako en s’engageant pour la tenue d’« élections libres, fiables et transparentes ».

Toutefois, cet engagement n’est pas propre à la Francophonie. Force est de constater que l’organisation d’élections libres, pluralistes et démocratiques fait partie des standards reconnus par la communauté internationale. Le code de bonne conduite en matière électorale de la Commission européenne pour la démocratie par le droit [1] peut être considéré comme un catalogue de ces valeurs. Si celui-ci s’attache à dégager le patrimoine électoral européen, nous pouvons affirmer que les lignes directrices contenues dans le document guident l’activité électorale de l’ensemble des pays démocratiques [2].

Par conséquent, aucune spécificité francophone en matière électorale n’est à mentionner sur le plan des règles élémentaires relatives à l’organisation des scrutins.
Comme il en est avec la protection des droits de l’homme en général, dont le droit électoral est une manifestation, on trouve un fonds commun à l’ensemble des démocraties. Les principes sont reconnus universellement mais les États conservent leurs compétences et leurs responsabilités pour la mise en œuvre effective des droits proclamés.

Le même raisonnement s’impose pour la matière électorale : les principes sont communs mais l’organisation du processus électoral relève de la compétence souveraine des États.

De longs développements ont ainsi été consacrés à la préparation et au déroulement du scrutin dans cette étude. Le premier constat que nous pouvons faire, concerne la gestion des opérations électorales. Cette dernière exige des capacités techniques et logistiques considérables que seule l’administration peut fournir. Néanmoins, le champ d’action des autorités publiques se voit délimité par un cadre plus ou moins strict selon les États : l’histoire et les traditions nationales expliquent, en grande partie, les solutions choisies. Les alternatives sont, cependant, relativement limitées, même si les États font preuve d’une grande créativité.

La tenue d’élections périodiques n’est plus un gage de démocratie. Les autorités en charge de la préparation du scrutin, traditionnellement le ministère de l’Intérieur, doivent faire preuve d’impartialité et de transparence. En Europe centrale et en Afrique francophone, des doutes légitimes quant à la neutralité des pouvoirs publics ont surgi lors de l’organisation des premières élections pluralistes dans les années 1990 au moment où ces pays se libéraient des régimes autoritaires. L’activité des autorités étatiques a, par conséquent, été encadrée et contrôlée par des commissions administratives dites indépendantes [3]. La crainte de fraude étant moins importante dans les démocraties occidentales, les commissions électorales n’ont pas un rôle aussi déterminant dans l’organisation des élections. En Belgique, en France, à Monaco et en Suisse, l’État ou les collectivités locales restent les principaux acteurs du processus électoral.

Parmi les démocraties occidentales, le Canada a institué un système qui fait figure de référence. Une puissante administration électorale d’environ 300 personnes a été créée autour du Directeur général des élections, nommé par le Parlement. Ce modèle a certainement exercé une forte influence. À titre d’illustration, on peut citer le Professeur Jean du Bois de Gaudusson affir mant qu’« il est de notoriété publique que la détermination des modes de gestion des élections dans les pays francophones a fait l’objet de compétition entre les États pourvoyeurs d’aide électorale et l’on peut distinguer les influences canadiennes et québécoises et françaises [4]… ». Incontestable ment, l’institution de structures indépendantes de gestion des opérations électorales confirme le rayonnement du modèle canadien, au moins en ce qui concerne l’Afrique francophone [5].

Néanmoins, l’attractivité réelle de ce système peut faire l’objet de questions. L’activité du Directeur général des élections s’intègre dans un système anglo-saxon, qui ne correspond pas à celui des autres pays francophones, à l’exception de l’Île Maurice. L’administration électorale dans ce pays ressemble d’ailleurs en de nombreux points à l’institution canadienne. Mais, si l’existence d’une administration électorale indépendante de l’État est une caractéristique de la gestion des opérations électorales dans les pays étudiés, la composition et les compétences de celle-ci sont très diverses et il est difficile de dégager un modèle unique.

Les commissions électorales se composent, dans des proportions variables, de représentants de l’État, de représentants des partis politiques, de juristes et éventuellement de représentants de la société civile. La recherche de consensus et la volonté de faire participer l’ensemble des acteurs d’une élection constituent une des raisons d’être de ces instances.

Ainsi, en Afrique, la création des Commissions électorales nationales autonomes ou indépendantes (CENA ou CENI) est d’abord apparue comme une solution de sortie de crise. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, les commissions électorales centrales semblent être la clef de voûte du système électoral et disposent même de compétences contentieuses. De même, les commissions centrales albanaise, bulgare, moldave, roumaine [6] et tchèque sont des structures permanentes. À l’inverse, en Afrique francophone, seules les institutions du Burkina Faso, de GuinéeBissau, du Sénégal et du Togo sont pérennes. En outre, les débats qui se tiennent à propos de leurs attributions sont plus vifs en Afrique. Doivent-elles prendre en charge l’intégralité de l’organisation matérielle des élections [7] ou sont-elles uniquement des organes de supervision et de contrôle du processus électoral, comme c’est notamment le cas au Sénégal ?

Ces interrogations sur le rôle des administrations électorales ne doivent pas conduire à sousestimer leur importance dans l’espace francophone. Encore faut-il préciser que ce mouvement de création n’a pas été général. Par exemple, le Cameroun, le Liban et la Mauritanie ne disposent pas de commission centrale comparable. Dans ces trois pays, comme en France et en Belgique, les différentes phases de la préparation des élections sont confiées à diverses commissions administratives. L’État est alors encadré, voire relayé, par plusieurs organes.

En effet, les tâches qui incombent à l’administration électorale sont nombreuses. Lors de la phase préélectorale, il s’agit notamment du découpage des circonscriptions électorales, de l’établissement des listes électorales, éventuellement de la confection des cartes d’électeur ainsi que de l’enregistrement des candidatures.

Si les trois premières opérations sont des préalables indispensables à toute élection, elles ne sont pas obligatoirement effectuées lors de la période précédant les élections [8]. Il en résulte que les autorités chargées de ces opérations ne sont pas forcément les autorités électorales. Ainsi, le découpage électoral relève en général du législateur ou de l’exécutif et les listes électorales sont habituellement établies par l’administration de l’État ou les collectivités territoriales. L’intervention des commissions électorales est possible si elles disposent de structures permanentes. Ces opérations doivent être strictement réglementées puisque deux aspects fondamentaux des droits politiques sont en jeu : l’égalité de suffrage pour le découpage ; l’accès au vote et par conséquent l’universalité du suffrage dans le cas des listes électorales.

En revanche, la question des candidatures est intimement liée au scrutin. Les conditions d’éligibilité ainsi que les procédures d’enregistrement doivent être clairement énoncées afin de ne pas porter atteinte de façon disproportionnée au droit de chaque citoyen de participer à la vie publique. Par ailleurs, les États doivent s’efforcer d’éviter la multiplication des candidatures « fantaisistes » qui peuvent entraîner de graves inconvénients. En revanche, les organes électoraux sont davantage impliqués notamment les commissions électorales mais également les Cours constitu tionnelles dans l’enregistrement des candidatures à l’élection présidentielle en Algérie, au Burkina Faso, en France, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, au Sénégal et au Tchad. Les mêmes considérations d’impartialité et de transparence s’appliquent à la phase du déroulement du scrutin. Des principes spécifiques régissent la composition des bureaux de vote, la détermination des procédures de vote et le dépouillement des bulletins de vote. Pour s’assurer de leur respect, des missions d’observation sont organisées par les protagonistes nationaux engagés dans le processus électoral et par des organisations internationales.

La sincérité du scrutin est aussi contrôlée par le juge. Le Professeur Francis Delpérée note qu’« en matière de contentieux électoral, les traits distinctifs l’emportent [9] ». Cette diversité ne surprend pas ; on la constate déjà pour le contentieux constitutionnel où les techniques de contrôle diffus, concentré, abstrait, concret, a priori, a posteriori se côtoient sans qu’un système domine réellement un autre.

Cependant, tout au long de cette étude, deux ensembles de Cours constitutionnelles ont pu être distingués. Un premier comprenant les institutions d’Albanie, de Belgique, de Bulgarie, du Canada, d’Égypte, de Haïti, de Maurice, de Moldavie, de Monaco, de Roumanie, de Slovénie, de Suisse et de République tchèque confirme l’affirmation de Francis Delpérée [10]. Aucun des ces États n’amé nage le contentieux électoral de façon similaire. Le dénominateur commun réside dans la distance des Cours à l’égard des affaires électorales, à l’exception notable de la Cour suprême de Maurice. À côté de cet ensemble, les Cours et Conseils constitutionnels d’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso, du Cambodge, du Cameroun, du Congo, de France, du Gabon, de Guinée-Bissau, du Liban, de Madagascar, du Mali, du Maroc, de Mauritanie, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad et du Togo sont compétents en premier et dernier ressort pour connaître des contestations soulevées après le scrutin. Les modalités d’exercice de leurs attributions sont similaires. Ce groupe comprend la quasi totalité des Cours africaines auxquelles s’ajoutent les Conseils cambodgien, français et libanais. Si cette situation caractérise le contentieux électoral dans l’espace francophone, pouvons-nous pour autant conclure à l’existence d’un modèle francophone de justice électorale ?

Pour ce faire, il convient de se tourner vers les modèles de contentieux électoral. Quatre modèles se distinguent. Le plus ancien est la technique de la vérification des pouvoirs, qui confie le contrôle de la régularité du processus électoral à la Chambre parlementaire qui vient d’être élue. Un second modèle consiste à transférer le contentieux électoral au juge ordinaire. Les deux derniers modèles sont apparus plus récemment. Le premier établit la compétence du juge constitutionnel. Le second postule l’établissement d’une administration électorale permanente, indépendante et structu rée, qui pourra prendre en charge l’organisation du scrutin et recevoir les recours contentieux [11].

Parmi les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F., les institutions des pays occidentaux constituent des exemples intéressants dans la mesure où ces pays disposent d’une longue expérience dans l’organisation d’élections libres et pluralistes. La Belgique, le Canada, la France, Monaco et la Suisse ont érigé des systèmes dont les architectures diffèrent considérablement. Si la Belgique adhère totalement à la technique de la vérification des pouvoirs [12] et si Monaco confie le contentieux électoral aux juridictions de droit commun, le Canada associe une administration électorale puissante et les juridictions ordinaires. La Suisse a réparti les compétences entre les cantons, le Parlement et le Tribunal fédéral. En France, le contentieux électoral est attribué au juge constitutionnel [13].

Aussi, il apparaît que le système proposé par la Constitution française de 1958 a fait l’objet d’une grande attractivité lors du mouvement de démocratisation de l’Afrique francophone dans les années 1990, qui s’est traduit par des réformes politiques et constitutionnelles importantes. Ces États s’en sont inspirés et ont adapté ce régime aux réalités nationales, la création des commissions électorales nationales en étant une illustration. D’une façon générale, nous avons observé que les Constitutions et législations électorales ont attribué des compétences importantes aux Cours et Conseils constitutionnels, qui sont les principaux juges des élections politiques et les garants de la régularité du scrutin.

Les États africains, dont la plupart étaient sous domination française, ont souvent reproduit le système de l’ancienne puissance coloniale. L’influence de la France, notamment par le maintien des structures administratives qu’elle avait mises en place et la formation des élites, est restée importante dans cette région et a, par conséquent, conditionné leur choix. De même, les régimes constitutionnels étant proches, il était cohérent qu’ils se tournent vers un contentieux électoral comparable à celui en vigueur en France.

De plus, la longue expérience du Conseil constitutionnel français, juge des élections depuis 1959, le désigne naturellement comme une institution de référence. Par ailleurs, la pratique des Cours constitutionnelles africaines, de création récente et dont les ressources sont limitées, en est encore à ses premiers pas. Des bilans peuvent, toutefois, être établis pour celles d’entre elles qui ont déjà connu plusieurs consultations, comme au Bénin. Mais d’autres institutions, notamment le Conseil constitutionnel de Burkina Faso dont les membres ont prêté serment en décembre 2002 ou la Cour suprême du Rwanda dont les compétences en matière électorale résultent de la Constitution de 2003, n’ont pas encore contrôlé d’élections nationales.

En ce qui concerne les pays d’Europe centrale, la coopération qui leur a été proposée par les démocraties occidentales après la chute du communisme, leur a permis de comparer les expériences de différents pays et de choisir le système auquel ils reconnaissaient le plus de mérites techniques. Les Cours d’Europe centrale membres de l’A.C.C.P.U.F. s’effacent devant les commissions électorales centrales, dont nous avons déjà dit qu’elles disposaient de compétences contentieuses. Les Cours constitutionnelles interviennent de manière résiduelle : la Cour albanaise connaît des litiges relatifs à l’éligibilité ou à l’incompatibilité des fonctions du président de la République, qui est élu par l’Assemblée de la République ; la Cour bulgare est compétente pour le contentieux postélectoral mais l’ouverture du prétoire est étroite ; la Cour moldave confirme les résultats des élections et valide le mandat des députés mais elle ne statue pas sur les réclamations ; la Cour roumaine ne connaît que les contestations relatives à l’élection du président de la République et les Cours slo vène et tchèque ne disposent que d’une compétence d’appel des décisions des chambres sur la validation de l’élection d’un député.

L’importance des administrations électorales laisse penser que ces pays se sont orientés vers un modèle confiant l’essentiel à des organes administratifs indépendants [14]. D’où une différence fondamentale entre l’Europe centrale et l’Afrique francophone que nous avons déjà soulevée plus haut à propos des commissions électorales et qui éclaire les choix effectués dans les années 1990. La création des commissions électorales en Afrique relève davantage d’une volonté de faire participer l’ensemble des acteurs politiques dans une optique d’adhésion au processus électoral, mais ces États ont manifestement suivi le modèle français de justice électorale.

En outre, si un contrôle juridictionnel des activités des commissions électorales constitue un élément du respect de l’État de droit, il n’est pas du tout évident que ce contrôle revienne à la Cour constitutionnelle comme le montre la réforme du code électoral albanais en 2003 confiant le contentieux électoral à une chambre spécialisée de la Cour d’appel de Tirana.

Nous avons observé qu’une majorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ne se contentent pas de compétences juridictionnelles. Elles agissent également en tant qu’organe administratif en participant pleinement à l’organisation du scrutin. Une fois de plus, il s’agit des Cours africaines et française.

Certaines dispositions constitutionnelles relatives à la compétence des Cours suggèrent un tel rôle. La Constitution française de 1958 est claire à cet égard. L’article 58 dispose que « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Quant à l’article 59, il précise que « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs ». Cette dernière disposition limite la compétence du Conseil au contentieux proprement dit pour les élections parlementaires alors que celle-ci couvre l’ensemble des opérations relatives à l’élection présidentielle et aux consultations référendaires.

Nous trouvons des dispositions rédigées dans des termes similaires dans un certain nombre de Constitutions francophones sans, pour autant, qu’une différence apparaisse, dans tous les textes, entre les deux scrutins nationaux. Il s’agit des Constitutions algérienne [15], béninoise [16], burkinabé [17], camerounaise [18], congolaise [19], malienne [20], mauritanienne [21] et nigérienne [22].

Un nombre important de Cours constitutionnelles sont ainsi investies d’une mission générale de surveillance au cours de laquelle elles exercent des attributions essentiellement juridictionnelles, et, dans une moindre mesure, des fonctions administratives.

Cette mission générale de surveillance se traduit par plusieurs attributs. L’acte le plus caractéristique de cette fonction est l’envoi de délégués de la Cour dans les bureaux de vote afin d’observer le déroulement du scrutin. Néanmoins, seules les institutions béninoise, burkinabé, française, gabonaise, malienne, nigérienne et tchadienne observent les opérations de vote. Le déploiement de délégués nécessite des moyens importants et surtout le recours à des personnes extérieures à l’insti tution pour couvrir l’ensemble du territoire.

De même, de nombreuses Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. ont pour tâche de proclamer les résultats du scrutin. C’est le cas en Algérie, au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, au Congo [23], en France [24], au Gabon, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie [25], en Moldavie, au Niger, en Roumanie [26], au Rwanda, au Sénégal, au Tchad et au Togo. En proclamant les résultats définitifs d’une élection, généralement lors d’une audience solennelle et en présence des médias [27], les Cours attestent la régularité des opérations de vote.

La mission générale de surveillance du scrutin suppose que les Cours élaborent un rapport présentant leurs observations ou recommandations sur le processus électoral. Ce rapport doit être adressé aux autorités afin qu’elles apportent les améliorations nécessaires à la réglementation électorale. Pourtant, seules les Cours algérienne, béninoise, française, gabonaise, malgache, malienne et tchadienne font, jusqu’à maintenant, part de leurs observations.

La Cour constitutionnelle du Mali a exposé les raisons qui l’ont poussée à s’exprimer dans ses observations et recommandations sur les élections générales de 2002 [28] : « La Cour constitutionnelle après avoir accompli sa mission constitutionnelle relative à l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale, bien qu’aucun texte ni constitutionnel, ni législatif ne le lui prescrive, a cru devoir produire un rapport général sur les élections politiques de 2002. Ce rapport… évoque certaines des difficultés que posent ou peuvent poser les dispositions de la Constitution et des lois de la République en matière d’élections du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale. Évoquer les contraintes liées à l’application de nos textes fondamentaux en matière électorale permettra, certainement, aux décideurs d’analyser lesdites contraintes afin de les juguler. »

Certes, cette pratique ne s’est pas encore développée dans l’ensemble de l’espace francophone [29]. Nous observons néanmoins une réelle volonté de certaines Cours constitutionnelles de participer au processus électoral de manière plus active. Elles font preuve de pédagogie en diffusant des informations en matière électorale, sous la forme de déclarations, de publications papier ou de séances de formation. L’utilité d’un tel engagement est incontestable, essentiellement dans les jeunes démocraties, et participe d’une meilleure connaissance des règles du jeu électoral et des compétences de la juridiction. L’objectif est d’éviter les réclamations mal fondées ou non fondées, de garantir le bon déroulement du scrutin mais également d’attester la transparence des travaux du juge électoral. La Cour constitutionnelle du Gabon a justifié son intervention à la veille de l’élection prési dentielle de 1998 dans les termes suivants : « Il revient à la Cour constitutionnelle le devoir de rappeler à tous les citoyens, à tous les acteurs politiques et aux pouvoirs publics, non seulement son rôle en matière électorale, mais aussi les devoirs et obligations de tout un chacun en cette cir- constance grave pour notre pays. » Nous avons également signalé l’intense activité de la Cour constitutionnelle du Bénin qui élabore des plaquettes et brochures et organise des formations à l’attention des différents acteurs du processus électoral.

Ces deux exemples ne sont pas exhaustifs mais il faut insister sur l’importance de ces actions. Elles traduisent, de manière exemplaire, la variété des compétences des Cours constitutionnelles en période électorale et les caractéristiques de leur mission générale de surveillance.

Quelles conclusions pouvons-nous en déduire sur le fonctionnement des Cours constitutionnelles ?

À première vue, on serait tenter de penser que les Cours membres de l’A.C.C.P.U.F. s’écartent des fonctions que l’on pourrait naturellement attendre d’elles, c’est-à-dire le contrôle de la constitutionnalité des normes. Cependant, la tenue d’élections libres, pluralistes et démocratiques est un élément fondamental de l’État de droit, dont le contrôle du respect relève de la compétence du juge constitutionnel. Par conséquent, les Cours constituent des « organes crédibles dont l’indépendance est reconnue par tous » préconisés par la Déclaration de Bamako pour l’organisation des élections, à côté des commissions électorales. Il est vrai que les Cours possèdent une réelle autorité qui les fait apparaître comme les garants de la démocratie.

Pour autant, si elles s’insèrent dans le cadre de leur mission générale, nous avons observé tout au long de cette étude, que les attributions en matière électorale ont de fortes répercussions sur l’organisation des Cours et nécessitent une adaptation de leur mode de fonctionnement.

Tout d’abord parce que les requêtes électorales représentent un contentieux souvent très volumineux, auquel les Cours doivent répondre dans les plus brefs délais. La mobilisation des services de l’institution est, par conséquent, totale. Par ailleurs, les affaires électorales requièrent de la part des Cours l’accomplissement d’un contrôle concret : elles sont confrontées à un contentieux qui possède des caractéristiques propres au contentieux des droits subjectifs. De même, les juges étendent le champ des normes de référence. Les Cours ne fondent plus leur contrôle uniquement sur les textes à valeur constitutionnelle mais imposent également le respect de l’ensemble de la législation électorale.

Le juge constitutionnel opère un véritable « dédoublement de personnalité » lorsqu’il est juge électoral. S’ils sont soumis au même prétoire dans la majorité des États étudiés, le contentieux électoral et le contentieux constitutionnel ne se confondent pas.

Il en résulte des conditions de saisine, des procédures spécifiques qui modifient le fonctionnement des institutions constitutionnelles. L’ouverture du prétoire est le facteur le plus révélateur de la particularité du contentieux électoral. En effet, celui-ci est plus largement ouvert aux parti culiers. Il est vrai qu’il s’agit essentiellement des personnes directement concernées par l’élection, c’est-à-dire les candidats et les partis politiques. Toutefois, certains États autorisent la saisine [30] par les électeurs. C’est notamment le cas au Bénin, au Burkina Faso, en France, au Gabon, à Madagascar, à l’Île Maurice, en Mauritanie, au Niger, au Rwanda et en Suisse. À l’inverse, l’intervention des autorités étatiques (Président, Premier ministre, parlementaires…) n’est pas encouragée : elles n’ont qu’un rôle secondaire et doivent faire preuve de neutralité vis-à-vis des candidats.

Si l’on considère, en outre, les attributions non contentieuses, nous pouvons affirmer que le fonctionnement des Cours constitutionnelles est profondément modifié en période électorale.

De plus, le droit électoral tend à s’étendre à la question du financement des campagnes électorales. Les réglementations sont, sur ce point, encore récentes. Jusqu’à présent, seules l’Algérie et la France ont confié au juge constitutionnel la charge de vérifier les comptes de campagne. Toutefois, l’avenir nous dira si d’éventuelles réformes conduiront à confier cette responsabilité aux autres institutions constitutionnelles.

Force est de constater que les élections ont profondément façonné la physionomie de la majorité des Cours membres de l’A.C.C.P.U.F.. Il s’agit certainement d’un des traits caractéristiques de ces institutions, qui sont aussi bien perçues comme juges électoraux que comme juges constitutionnels.

Ainsi, les responsabilités sont nombreuses et les Cours constitutionnelles ne pourront exécuter ces tâches que si elles disposent de ressources humaines et financières conséquentes. L’importance des élections dans la vie démocratique d’un pays impose que l’État accorde, en toute impartialité, des moyens importants et permette la consolidation des pouvoirs des Cours constitutionnelles dans ce domaine.

En confiant aux Cours et Conseils constitutionnels membres de l’A.C.C.P.U.F. des attributions importantes en matière électorale, les États les font pleinement participer à l’émergence d’une vie politique apaisée, qui constitue un des engagements de la Déclaration de Bamako. Il n’est pas excessif d’affirmer que le champ d’action des Cours constitutionnelles répond à l’ensemble des engagements de Bamako : la consolidation de l’État de droit, la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, une vie politique apaisée et la promotion des droits de l’homme.

En ce sens, et pour répondre à la question posée au début de cette conclusion, il apparaît objectif de relever que l’analyse du rôle des Cours constitutionnelles dans les élections, relève davantage de la recherche des meilleures solutions techniques pour la défense et le service des valeurs aux quelles toutes les Cours apportent leur adhésion, que d’une construction d’ensemble, même si nous avons tenté de regrouper des pays autour de certains points convergents. Ces solutions ne peuvent trouver leur ancrage que dans le respect des spécificités nationales.


  • [1]
    Avis n° 190/2002, CDL-AD (2002) 23 rev. Les lignes directrices sont publiées dans le second tome de cette étude, p. 131.  [Retour au contenu]
  • [2]
    La tenue d’élections libres et démocratiques est un principe reconnu dans de nombreux textes internationaux de promotion des droits de l’homme. Ainsi, l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 dispose :

    « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables :

    De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ;

    … »  [Retour au contenu]

  • [3]
    La même évolution s’est opérée au Cambodge  [Retour au contenu]
  • [4]
    Du Bois de Gaudusson (Jean), « Les structures de gestion des opérations électorales », in Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Bamako, 1er -3 nov. 2000, Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, p. 215.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Le système espagnol exerce également une très forte influence en matière électorale. Dans ce pays, une administration électorale permanente, indépendante et structurée prend en charge les diverses opérations électorales. Elle dispose également d’attributions contentieuses. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif (plus précisément, la Chambre du contentieux administratif du Tribunal suprême). Le Tribunal constitutionnel n’intervient que pour défendre les droits constitutionnels des citoyens dans le cadre du recours direct (recours d’amparo).  [Retour au contenu]
  • [6]
    Depuis 2004.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Établissement des listes électorales, établissement des cartes d’électeurs, préparation des opérations de vote, distribution du matériel, impression des bulletins de vote, observation des opérations de vote, dépouillement, centralisation et proclamation des résultats…  [Retour au contenu]
  • [8]
    Dans de nombreux pays, l’établissement des listes électorales s’effectue au début de la période électorale et constitue, par conséquent, un acte préparatoire au scrutin. Ce choix n’est pas inévitable, beaucoup d’États préférant procéder à une révision annuelle des listes indépendamment de toute échéance électorale.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Voir Delpéré (Francis), « Le contentieux électoral en Europe », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel», n° 13, 2002, p. 74.  [Retour au contenu]
  • [10]
    La diversité du contentieux électoral est mise en évidence par plusieurs auteurs. Par exemple, Bernard Owen déclare en ouverture de son intervention à un séminaire sur le contentieux électoral devant la Cour constitutionnelle, organisée à Erevan, les 15 et 16 octobre 1998, par la Commission de Venise en coopération avec la Cour constitutionnelle d’Arménie : « La diversité est la règle ». CDL-JU (1998)039f-restr.  [Retour au contenu]
  • [11]
    >Voir Francis Delpérée, op. cit.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Dans l’arrêt n° 20/2000 du 23 février 2000, la Cour d’arbitrage a déclaré : « Relève des principes de base de la structure démocratique de l’État, la règle selon laquelle les chambres législatives élues disposent, dans l’exercice de leur mission, de l’indépendance la plus large possible. Cette indépendance s’exprime, entre autres, dans le contrôle qu’elles exercent ellesmêmes sur eurs membres, aussi bien pour ce qui concerne la validité du mandat que pour ce qui est de la manière dont celui-ci s’acquiert par voie d’élections.»  [Retour au contenu]
  • [13]
    Uniquement pour les élections présidentielle et parlementaires ainsi que les consultations référendaires. Les élections locales et européennes sont soumises à la juridiction du juge administratif.  [Retour au contenu]
  • [14]
    La République tchèque constitue certainement une exception.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Article 163 de la Constitution du 8 décembre 1996.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Article 117 de la Constitution du 11 décembre 1990.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Article 154 de la Constitution du 11 juin 1991.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Article 48 de la Constitution du 18 janvier 1996.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Article 146 de la Constitution du 20 janvier 2002.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Articles 33 et 86 de la Constitution du 12 janvier 1992.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Articles 83 et 84 de la Constitution du 20 juillet 1991.  [Retour au contenu]
  • [22]
    Articles 6 et 109 de la Constitutions du 18 juillet 1999  [Retour au contenu]
  • [23]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  [Retour au contenu]
  • [24]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  [Retour au contenu]
  • [25]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  [Retour au contenu]
  • [26]
    Pour l’élection présidentielle uniquement  [Retour au contenu]
  • [27]
    L’audience de proclamation fait l’objet d’une retransmission télévisée en Algérie, au Bénin, au Congo, au Gabon, à Madagascar, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, au Tchad et au Togo.  [Retour au contenu]
  • [28]
    Publiées avec le soutien de l’A.C.C.P.U.F  [Retour au contenu]
  • [29]
    Précisons, toutefois, que de nombreuses commissions électorales font connaître leurs observations et recommandations.  [Retour au contenu]
  • [30]
    Directe ou indirecte.  [Retour au contenu]

Annexes

Tableau 74 – Tableau récapitulatif : les autorités compétentes en matière de contentieux électoral

Élection présidentielle

Autorités compétentes en matière de contentieux électoral

Pays

Recours contre les décisions

des commissions électorales

Liste électorale

Candidature

Contentieux post-électoral

Albanie [1]

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle pour les litiges relatifs à l’éligibilité ou à l’incompatibilité des fonctions du président

Algérie

Pas de recours

Les juridictions ordinaires [2]

Le Conseil constitutionnel [3]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Belgique [4]

Bénin

La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Bulgarie

La Cour administrative suprême

Les autorités municipales, les tribunaux de districts

La Cour administrative suprême

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Burkina Faso

Les tribunaux administratifs et le Conseil d’État

La commission électorale hiérarchiquement supérieure et le tribunal administratif en appel

Le Conseil constitutionnel [5]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Cambodge [6]

Cameroun

Pas de recours

La Commission départementale de supervision et la Cour d’appel

La Cour suprême

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême

Canada [7]

Congo

Pas de recours

Le tribunal de grande instance

Le tribunal de grande instance

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Égypte [8]

France

Pas de recours

Le tribunal d’instance

Le Conseil [9]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Gabon

La Cour constitutionnelle

Les juridictions administratives

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Guinée-Bissau

Le Tribunal suprême de justice

Le Tribunal suprême de justice

Le Tribunal suprême de justice

Compétence en premier et dernier ressort du Tribunal suprême de justice

Haïti [10]

Pas de recours

Le Conseil électoral

Le Conseil électoral

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil électoral

Liban [11]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Madagascar

Le Conseil d’État

Une commission administrative spéciale, le tribunal de première instance

La Haute Cour constitutionnelle [12]

Compétence en premier et dernier ressort de la Haute Cour constitutionnelle

Mali

Pas de recours

Le tribunal civil

La Cour constitutionnelle [13]

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Maroc [14]

Maurice [15]

Mauritanie

Pas de recours

La Chambre administrative de la Cour suprême

Le Conseil constitutionnel [16]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Moldavie [17]

Les résultats de l’élection sont confirmés par la Cour constitutionnelle

Monaco [18]

Niger

Pas de recours

La commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Roumanie

La Cour suprême de justice

Les tribunaux ordinaires

La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle confirme les résultats du scrutin et statue sur les contestations sur les opérations de vote et de dépouillement

Rwanda

La Cour suprême

La Commission nationale électorale et la Cour suprême

La Cour suprême

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême

Sénégal

Pas de recours

Le tribunal départemental, le Conseil d’État en appel

Le Conseil constitutionnel [19]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Slovénie

La Cour suprême

La Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)

La Commission électorale

La Commission électorale, appel devant la Cour suprême

Suisse [20]

Tchad

Le Conseil constitutionnel

Le tribunal de première instance

Le Conseil constitutionnel [21]

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

République tchèque [22]

Togo

Pas de recours

Le tribunal de première instance

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Élections parlementaires

Autorités compétentes en matière de contentieux électoral

Pays

Recours contre les décisions des commissions électorales

Liste électorale

Candidature

Contentieux post-électoral

Albanie

La Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana

La Commission électorale de circonscription, appel devant le tribunal de grande instance

La Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana

La Commission électorale centrale, appel devant la Chambre électorale de la Cour d’appel de Tirana

Algérie

Pas de recours

Les juridictions ordinaires [23]

Les juridictions administratives

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Belgique

Pas de recours

Le Collège des bourgmestres et échevins agissant comme juridiction administrative, appel près la Cour d’appel

Le bureau principal de la circonscription électorale, appel près la Cour d’appel

La Chambre des représentants

Bénin

La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Bulgarie

La Cour administrative suprême

Les autorités municipales, les tribunaux de districts

La Commission électorale centrale, la Cour administrative suprême en appel

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Burkina Faso

Les tribunaux administratifs et le Conseil d’État

La commission électorale hiérarchiquement supérieure et le tribunal administratif en appel

Le Conseil constitutionnel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Cambodge

Le Conseil constitutionnel

Le Comité national des élections et le Conseil constitutionnel en appel

Le Comité national des élections, le Conseil constitutionnel en appel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel ou compétence en appel des décisions du Comité national des élections

Cameroun

Pas de recours

La Commission départementale de supervision et la Cour d’appel

La Cour suprême

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême

Canada

Les juridictions ordinaires

Le Commissaire aux élections fédérales, les juridictions ordinaires

Le Commissaire aux élections fédérales, les juridictions ordinaires

Le Commissaire aux élections fédérales et les juridictions ordinaires

Congo

Pas de recours

Le tribunal de grande instance

Le tribunal de grande instance

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Égypte

La Cour du contentieux administratif du Conseil d’État

La Cour du contentieux administratif du Conseil d’État

La Cour du contentieux du Conseil d’État

France

Le Conseil constitutionnel [24]

Le tribunal d’instance

Les tribunaux administratifs, le Conseil constitutionnel en appel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Gabon

La Cour constitutionnelle

Les juridictions administratives

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Guinée-Bissau

Le Tribunal suprême de justice

Le Tribunal suprême de justice

Le Tribunal suprême de justice [25]

Compétence en premier et dernier ressort du Tribunal suprême de justice

Haïti [26]

Pas de recours

Le Conseil électoral

Le Conseil électoral

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil électoral

Liban

Pas de recours

Les commissions d’enregistrement et les hautes commissions d’enregistrement, le Conseil d’État

Le Conseil d’État

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Madagascar

Le Conseil d’État

Une Commission administrative spéciale, le tribunal de première instance

La Haute Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Haute Cour constitutionnelle

Mali

Pas de recours

Le tribunal civil

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Maroc

Pas de recours

Le tribunal de première instance

Les juridictions administratives, le Conseil constitutionnel en appel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Maurice

La Cour suprême

La Commission électorale [27], Le juge des référés (Cour suprême)

La Cour suprême (après le scrutin)

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême [28]

Mauritanie

Pas de recours [29]

La Chambre administrative de la Cour suprême

Le Conseil constitutionnel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Moldavie

Les organes électoraux supérieurs, les juridictions ordinaires [30]

Les organes électoraux supérieurs, les juridictions ordinaires [31]

La Cour suprême de justice

La Cour constitutionnelle décide, sur proposition de la Commission électorale, de la validation ou non du mandat de député. Les contestations sont portées devant les commissions électorales, appel possible devant les juridictions ordinaires. La Cour suprême de justice est compétente pour les décisions de la Commission électorale centrale

Monaco

Le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révision

Le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révision

Le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour de révision

Niger

Pas de recours

La commission administrative, le juge délégué, la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Roumanie

La Cour suprême de justice

Les tribunaux ordinaires

Les tribunaux ordinaires

Le Bureau électoral central

Rwanda

La Cour suprême

La Commission nationale électorale et la Cour suprême

La Cour suprême

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour suprême

Sénégal

Pas de recours

Le tribunal départemental, le Conseil d’État en appel

Le Conseil constitutionnel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

Slovénie

L’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle

La Cour suprême (Chambre du contentieux administratif)

La commission électorale hiérarchiquement supérieure, une cour compétente en matière de contentieux administratif

La Commission électorale, appel devant l’Assemblée nationale, appel devant la Cour constitutionnelle

Suisse

Le Gouvernement cantonal et le Tribunal fédéral

Le Gouvernement cantonal, le Conseil national (chambre basse)

Le Gouvernement cantonal, le Conseil national (chambre basse) Le Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit administratif

Tchad

Le Conseil constitutionnel

Le tribunal de première instance

Le Conseil constitutionnel

Compétence en premier et dernier ressort du Conseil constitutionnel

République tchèque

Pas de recours [32]

Les autorités municipales, le tribunal régional

La Commission électorale régionale, la Commission électorale d’État, la Cour suprême

Compétence de la Cour constitutionnelle en appel des décisions de la Cour suprême et de la Chambre des députés

Togo

Pas de recours

Le tribunal de première instance

La Cour constitutionnelle

Compétence en premier et dernier ressort de la Cour constitutionnelle

Références Bibliographiques

Pascal Perrineau et Dominique Reynié (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, P.U.F., 2001, 997 p. Francis Delpérée, Le contentieux électoral, Paris, P.U.F., collection Que sais-je ?, 1998, 128 p.

Francophonie et démocratie, Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone (Bamako, 1er-3 novembre 2000), Bruxelles, Paris, Bruylant, Pédone, 2001, 948 p.

Première partie : les réunions préparatoires

Chapitre III : 3e réunion préparatoire, les élections, Paris (AIF), 25-27 avril 2000, p. 145-317.

Rapport général introductif et bibliographie sélective, par Jean-Pierre Kingsley et Manon Tremblay ;

Les étapes techniques du scrutin, par M. Saïdou Agbantou ;

Les modes de scrutin en Afrique francophone, par Ata Messan Ajavon ;

Quel mode de gestion des élections pour l’avenir ? par Sadikou Ayo Alao

Les élections au Québec, par Francine Barry ;

Les élections en République centrafricaine, par Charles Armel Doubane ;

Les structures de gestion des opérations électorales, par Jean du Bois de Gaudusson ;

Déclaration sur le 2e tour de l’élection présidentielle du 19 mars 2000 au Sénégal, par Alioune Tine ;

La Commission de supervision de l’organisation du référendum constitutionnel (COSUR) en Côte d’Ivoire, par Honoré K. Guie ;

Note de présentation sur les élections en République islamique de Mauritanie, par Saleck Ould Abdel Jelil ;

Administration électorale : le modèle canadien, par Alain Pelletier et Marc Chénier ;

Le financement des campagnes électorales et des partis politiques dans les États africains francophones, par El Hadj Mbodj ;

La régulation médiatique des élections, l’exemple du Haut Conseil de l’audiovisuel du Sénégal, par El Hadj Mbodj ;

Le système électoral en Albanie, par Luan Omari ;

Le rôle de la Cour constitutionnelle dans les élections au Bénin, par Conceptia Denis Ouinsou ;

Rôle de la société civile à l’occasion des élections, aussi bien en ce qui concerne l’éducation et la sensibilisation des différentes parties, que dans l’observation des élections, le cas de Madagascar, par Madeleine Ramaholimihaso ;

Les élections au Mali en 1997, par Mohamed Traoré ;

Les structures de gestion des opérations électorales. Les étapes techniques du scrutin. Le cas du Niger, par Issaka Souna ;

Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la CENI au Mali, par Kassoum Tapo ;

L’élection présidentielle de 2000 au Sénégal, par Christian Valantin ;

Réflexion sur l’observation internationale des élections, par Karel Vasak ;

Rapport général de synthèse des travaux, par Mohamed El Hacen Ould Lebatt.

Aspects du contentieux électoral en Afrique, Actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, organisé par l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et la Cour suprême du Bénin, Paris, 2000, 409 p.

Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, 2002

Études et doctrines : la sincérité du scrutin, études réunies et présentées par Richard Ghevontian, p. 61-103.

Avant-propos, Richard Ghevontian ;

La notion de sincérité du scrutin, Richard Ghevontian ;

Les systèmes électoraux dans les Constitutions des pays de l’Union européenne, Jean-Claude Colliard ;

Le contentieux électoral en Europe, Francis Delpérée ;

Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie, Michel Rosenfeld ;

dministration et application du processus électoral : le modèle canadien, Jean-Pierre Kingsley ;

Les élections à l’épreuve de l’Afrique, Jean du Bois de Gaudusson.

La Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (Commission de Venise), sélection :

CDL-AD(2004)012 Rapport sur la compatibilité du vote à distance et du vote électronique avec les standards du Conseil de l’Europe adopté par la Commission de Venise lors de sa 58e session plénière (Venise, 12-13 mars 2004) (Ch. Grabenwarter) ;

CDL-AD(2004)003 Rapport sur les systèmes électoraux – Tableau de l’offre et critères de choix adopté par la Commission de Venise lors de sa 57e session plénière (Venise, 12-13 décembre 2003) ;

CDL-AD(2003)010 Guide pour l’évaluation des élections adopté par le Conseil des élec tions démocratiques lors de sa 5e réunion (Venise, 12 juin 2003) et par la Commission de Venise lors de sa 55e session plénière (Venise, 13-14 juin 2003) ;

CDL-EL(2003)001 Questionnaire pour l’observation des élections ;

CDL-EL(2003)001rev Guide pour l’évalutation des élections (C. Casagrande) ;

CDL-AD(2002)023 Code de bonne conduite en matière électorale : Lignes directrices et rapport explicatif – adoptés par la Commission de Venise lors de ses 51e et 52e sessions (Venise, 5-6 juillet et 18-19 octobre 2002) ;

CDL(2001)010 Lignes directrices sur le référendum constitutionnel : Document préparé par le Secrétariat en coopération avec les rapporteurs (G. Batliner & G. Malinverni) ;

CDL-INF(2000)004 Droit électoral et minorités nationales.

Base de données électorales de la Commission de Venise « VOTA » : www.venice.coe.int/vota/fr/

Publication électronique ACE (projet Administration et coût des élections) : www.aceproject.org

Maquette et mise en pages par DV Arts Graphiques à Chartres

Achevé d’imprimer en mai 2005 par Sagim-Canale à Courtry

Imprimé en France

N° d’impression : 8365


Tome 2 : contributions nationales

I. Propos introductifs

Le second tome du bulletin n° 5 rassemble les contributions des Cours constitutionnelles membres de l’ACCPUF produites à l’occasion du 3e séminaire des correspondants nationaux de l’Association, qui s’est tenu à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie du 17 au 19 novembre 2003. Conformément à la méthode proposée dans l’introduction, les interventions ont été classées en fonction des thèmes retenus.

II. L’organisation et le fonctionnement des services des Cours constitutionnelles en période électorale

A. L’organisation et le fonctionnement des services

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin

Mme Marcelline GBEéHA-AFOUDA Secrétaire générale de la Cour constitutionnelle du Bénin

La Cour constitutionnelle, institution de contre-pouvoir née au lendemain de la Conférence nationale, a été désignée comme seul juge de la régularité et de la validité des opérations électorales, et comptable de la proclamation des résultats définitifs des élections législatives et présidentielles au Bénin. Elle tient toutes ses attributions des dispositions constitutionnelles, notamment des articles 49, 81 alinéa 2, 82 alinéas 2 et 117 de la Constitution, 42 alinéas 2, 52 et 54 de la loi n° 91-009 du 4 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001.

La préparation intellectuelle et matérielle de ces consultations électorales induit toujours au sein de la Haute Juridiction une période d’activités très intenses, avant, pendant et après les élections.

Toutes les activités, ci-dessous énumérées, sont exécutées par l’ensemble des conseillers en collaboration avec tous les services du Secrétariat général de la Cour.

I. Avant les élections

La Cour organise plusieurs journées de réflexion en son propre sein en vue d’élaborer les stratégies pour une bonne gestion de l’élection. Elle prépare à cet effet un document de travail, un tableau de bord qui déterminera toutes les activités essentielles à exécuter, le chronogramme ainsi que les responsables chargés de leur mise en œuvre. Divers comités techniques sont mis sur pied et travaillent sous la supervision du secrétaire général et des conseillers.

La démarche suivie est quasiment la même à chaque élection. Dans un premier temps, la Cour élabore son budget ; ensuite, elle fait le point des activités à mener pour une meilleure connaissance de l’institution et une bonne gestion des opérations électorales.

1. L’élaboration du budget

L’élaboration du budget est particulièrement l’œuvre d’un Comité composé de quelques conseillers et essentiellement des collaborateurs du Service administratif et financier de la Cour. L’objectif poursuivi ici est d’évaluer tous les besoins financiers de l’institution au cours de la période et d’en obtenir le financement.

Le budget prévoit :

      • Le transport et le déplacement des conseillers et de leurs collaborateurs
        • Véhicules, carburant, transport aérien éventuellement
      • Les fournitures de bureau
      • Les services divers
        • Traitement informatique des résultats
        • Micro-ordinateurs
        • Groupe électrogène
        • Confection des signes distinctifs
        • Téléphones portables
      • Les indemnités
        • Des membres de la Cour
        • Du personnel administratif
        • Des agents de sécurité
        • Des rapporteurs adjoints (le cas échéant)
      • La restauration et les réceptions diverses
      • Les frais de mission à l’intérieur
2. Les activités pour une meilleure connaissance de l’institution

Il s’agit :

  • d’aider les citoyens à mieux la connaître ;
  • d’améliorer leur participation à l’élection envisagée ;
  • de renforcer les capacités de l’institution à exercer ses compétences ainsi que celles des acteurs intervenant dans le processus électoral.

Diverses activités sont donc initiées à ces fins (journées de réflexion, séances de formation, confection de divers documents, etc.)

a. La confection de plaquettes et de dépliants

L’objectif est de faire connaître l’institution et faire comprendre à la population les comportements à adopter et ceux à éviter en période électorale. Il s’agit de vulgariser à travers des opuscules, les attributions de la Cour d’une façon générale, et en particulier le rôle qui lui est dévolu au cours d’une élection tel qu’énoncé par la Constitution, la loi organique et le règlement intérieur.

Les documents sont conçus sous diverses formes présentant de façon succincte les attributions et le fonctionnement de la Haute Juridiction.

      • Une plaquette intitulée « La Cour constitutionnelle de la République du Bénin au service du citoyen » ;
      • Un dépliant à l’usage du grand public sous le titre « Citoyen, connais-tu la Cour constitutionnelle ? » ;
        • Un condensé des textes de loi conçu sous la forme de directives à respecter pour éviter les pièges en matière électorale. Il est présenté sous forme de questions-réponses : « que faire ? » et « que ne pas faire ? » pour vulgariser le contenu de la loi électorale et faciliter aux électeurs la compréhension des articles du code électoral qui les concernent au cours du processus électoral.

b. La confection d’un mémento
Elaboré pour l’usage exclusif des conseillers, le mémento reprend, cas par cas, les irrégularités susceptibles d’être relevées ainsi que les sanctions à appliquer lors du dépouillement.
Tous les documents ci-dessus cités sont conçus et réalisés par le Service juridique, de la documentation et des publications de la Cour, sous la supervision et le contrôle de Madame le secrétaire général.

c. Le recrutement des observateurs

Aux termes des dispositions des articles 49, 117 alinéa 3 de la Constitution, 42 alinéa 2 de la loi organique, il revient à la Cour constitutionnelle de veiller à la régularité de l’élection du président de la République, d’examiner les réclamations, de statuer sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même relever et de proclamer les résultats du scrutin. De fait, pour relever par elle-même ces irrégularités, la Cour a l’obligation de sillonner l’ensemble du territoire national, jusqu’au niveau des bureaux de vote. Ne comprenant que sept (7) membres, il est matériellement impossible de le faire. Aussi, procède-t-elle au recrutement d’observateurs pour l’aider dans ces tâches. Ils sont au niveau des départements, les coordonnateurs départementaux, et au niveau des communes, les délégués communaux.

Leur mission est de suivre pour le compte de la Cour constitutionnelle le déroulement des opérations de vote sur l’ensemble du territoire national.

Leur recrutement et leur nombre sont fonction de la superficie des départements et communes et du nombre des bureaux de vote.

Les critères de sélection sont préalablement déterminés, de même que le nombre de jours de travail, et les indemnités à leur allouer.

En général, la Cour retient les critères suivants :

  • être un cadre de niveau A ou titulaire au moins de la maîtrise ;
  • savoir lire et écrire correctement le français ;
  • disposer d’un moyen de déplacement ;
  • ne pas avoir une appartenance affichée à un parti politique ;
  • résider depuis au moins deux (2) ans dans le milieu où se déroulent les opérations ;
  • ne pas accepter, une fois sélectionné, de jouer un rôle dans les démembrements de la Commission électorale nationale autonome (CENA).

Toutes les demandes au poste d’observateur sont recensées et étudiées par un Comité qui procède à la présélection sur la base des critères prédéfinis et cités plus haut. Cette liste est ensuite soumise à l’Assemblée plénière des conseillers à la Cour qui, après un examen minutieux, arrête la liste définitive.
Les observateurs permettent à la Cour d’avoir un suivi du déroulement des opérations électorales sur le territoire national. Leur présence a été dissuasive, en ce sens qu’elle a freiné ou empêché les tentatives de fraude.

d. La formation à l’endroit des citoyens

Il s’agit des formations faites à l’intention de diverses cibles spécifiques, grâce à l’appui des partenaires au développement. Les groupes ciblés sont les requérants potentiels, à savoir les citoyens et les représentants des partis politiques, les femmes organisées en associations ou en coopératives, les observateurs délégués par la Cour constitutionnelle, les membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA).

La formation des requérants

Elle porte sur des points essentiels tels que le rôle de la Cour constitutionnelle dans les contentieux liés aux élections, la définition du contentieux électoral et du requérant, le contentieux relatif aux différentes étapes du processus électoral et le contentieux des résultats.

L’objectif de la formation faite à l’intention de cette cible composée de représentants des partis politiques, des candidats aux élections ou de leurs représentants, des hommes des médias et des organisations non gouvernementales (ONG) est de leur expliquer, entre autre, les motifs fondamentaux de rejet ou d’irrecevabilité des requêtes adressées à la Haute Juridiction, quant à la forme de la requête, la qualité du requérant, les délais de saisine et les modes de preuve et de les amener à comprendre les méthodes de travail de la Cour afin de lever toute suspicion sur le traitement des documents électoraux.

Des exposés sont faits ainsi que des dépliants et plaquettes élaborés pour servir de supports didactiques à cette formation. Ce sont les documents intitulés : « Élections législatives de mars 2003 : Guide du requérant » et « Élections législatives de mars 2003 : Mémento pratique ».

Les médias et les ONG sont associés à ces formations afin d’avoir une meilleure compréhension des textes et de pouvoir relayer les actions de la Haute Juridiction sur le terrain par une restitution efficace.

La formation des femmes

La formation initiée à l’endroit des femmes vise d’une part à insister sur leur rôle dans le processus électoral et d’autre part, à les sensibiliser, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle elles appartiennent, en milieu urbain ou rural, à une meilleure appropriation des règles régissant le contentieux électoral.

La Cour veut, par le biais de cette formation, amener les femmes à participer plus activement au processus électoral, à prendre conscience de leur rôle dans le processus électoral. La Cour leur explique donc les contraintes qui freinent la libre expression de leur vote, les incite à une plus grande implication dans le processus électoral et principalement essaie de les convaincre de l’intérêt de leur présence massive aux urnes le jour du scrutin.

La plaquette « Élections législatives de mars 2003 : Que faire ? que ne pas faire ? » et le dépliant « Mémento pratique » ont servi de supports didactiques à cette formation.

La formation des observateurs

Les coordonnateurs départementaux et les délégués communaux sont formés à l’observation des élections. Des plaquettes ainsi que des fiches d’observation sont conçues pour servir de support au travail. La plaquette est intitulée : « Le Guide de l’observateur ».

En marge de toutes les formations sus-énoncées, la Cour organise, en collaboration avec les structures de l’Office de radiodiffusion et de télévision nationale et avec l’appui des partenaires au développement, des séances d’information et de formation à l’intention des citoyens. Les lois électorales sont reprises et commentées de façon à permettre aux citoyens de s’imprégner de toutes les mesures à prendre pour un vote utile le jour du scrutin.

e. La formation des membres de la Commission électorale nationale autonome

Aux termes de la loi électorale du Bénin, les élections sont gérées par un organe administratif dénommé Commission électorale nationale autonome (CENA). La CENA est représentée dans chaque département par une Commission électorale départementale (CED) et dans chaque commune par une Commission électorale locale (CEL).

La CENA est chargée de la préparation, de l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation des résultats. À ce titre, elle assure le recrutement et la formation des agents de recensement et des membres des bureaux de vote. La Cour constitutionnelle et la CENA sont donc les deux institutions fortement impliquées dans le processus électoral.

Pour rendre moins épineux le règlement du contentieux à toutes les étapes du processus, la Cour organise avant chaque échéance électorale une séance de travail avec les membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA) en vue d’une harmonisation des points de vue. Les membres de la CENA tiennent alors compte des remarques et recommandations faites au cours de cette séance pour les formations à donner aux agents électoraux.

D’une façon générale, les formations organisées à l’endroit des différentes cibles à l’occasion de chaque consultation électorale implique la participation de tous les conseillers et de tous leurs collaborateurs.

3. Choix de la société chargée du traitement informatique des résultats

Au nombre des activités électorales figure aussi le choix de la société qui sera chargée du traitement informatique des résultats.

À cet effet, la Cour lance un appel d’offres pour retenir une société. Les termes de référence sont préalablement définis et la société prestataire doit faire ressortir à l’issue du dépouillement, les résultats au niveau :

      • du bureau de vote ;
      • du village ou du quartier de ville ;
      • de la commune ;
      • de la circonscription électorale ;
      • du département ;
      • du territoire national.

Elle doit également préciser :

      • le nombre d’inscrits ;
      • le nombre de votants ;
      • le nombre de bulletins nuls ;
      • le nombre de bulletins valables ;
      • le nombre de voix obtenues par chaque candidat ou parti politique ;
      • le pourcentage obtenu par chaque candidat par bureau de vote, village ou quartier de ville, commune, département et sur le plan national ;
      • le nombre de bulletins annulés par la Cour dans chaque bureau de vote ;
      • le nombre de bulletins validés par la Cour dans chaque bureau de vote.

Tous les dossiers d’appel d’offres qui sont déposés au niveau du Secrétariat général de la Cour sont examinés en Assemblée plénière par les conseillers. C’est donc sur la base des termes de références contenues dans le cahier des charges qu’une société est retenue.

II. Pendant les élections

Trois séries d’activités marquent cette phase. Ce sont :

      • l’observation ;
      • le dépouillement et l’analyse des documents électoraux ;
      • le traitement informatique.
1. Les missions d’observation

Elles se font lors de l’inscription sur les listes électorales, lors de la campagne électorale et le jour du scrutin.

Les membres de la Cour, assistés de leurs collaborateurs et des observateurs vérifient, à toutes ces étapes, si les prescriptions des lois électorales sont respectées, et relèvent les irrégularités qu’ils constatent sur les fiches d’observation mises à leur disposition.

La mission d’observation révèle toute son importance, en ce sens que c’est sur la base des mentions relevées et consignées sur les fiches d’observation que la Haute Juridiction apprécie, lors du règlement contentieux, les sanctions à appliquer.

En effet, grâce aux observations sur le terrain, la Cour peut sanctionner, sans risque de se tromper, toutes les entorses à la loi électorale telles que :

      • l’inscription des mineurs ;
      • les inscriptions multiples ;
      • la fermeture prématurée des postes d’inscription ;
      • la distribution de vivres ou de billets de banque lors de la campagne électorale ;
      • la destruction d’affiches ;
      • la composition incomplète ou irrégulière des bureaux de vote ;
      • le défaut d’isoloirs ;
      • l’utilisation d’isoloirs de fortune n’assurant pas le secret du vote, etc.
2. Le dépouillement et l’analyse des documents électoraux

La loi électorale fait obligation à la CENA de transmettre sous plis scellés à la Cour constitutionnelle tous les documents électoraux (feuilles de dépouillement, procès-verbaux de déroulement du scrutin, bulletins annulés, cahiers de vote par dérogation et/ou par procuration, réclamations rédigées par les électeurs, observations des délégués des candidats ou des partis politiques, etc.) provenant des bureaux de vote.

Aux termes des dispositions du décret n° 96-34 du 5 février 1996, « le Secrétariat général de la Cour constitutionnelle fait office de Greffe de la Cour constitutionnelle ».

À ce titre, les documents électoraux sont reçus sous plis scellés par le Secrétariat général qui les enregistre, procède à la vérification de leur nombre et de leur état physique. Les plis sont ensuite ouverts dans une salle destinée à cet effet, par tout le personnel administratif, sous la supervision du secrétaire général. Ils sont ensuite transmis aux conseillers pour examen et règlement.

La méthode de travail étant l’examen minutieux, un par un, des différents documents électoraux provenant des bureaux de vote, la Cour se réfère au mémento qu’elle a élaboré lors des premières journées de réflexion pour régler les violations à la loi électorale.
La sanction à appliquer à chaque cas d’irrégularité étant déjà déterminée et connue de tous les conseillers, l’examen se trouve facilité.

Ainsi, en sa qualité de juge souverain de la validité et garante de la régularité des élections, la Cour procède à des redressements, opère des rectifications matérielles et des annulations de vote jugées nécessaires au niveau de certains bureaux de vote. Après quoi, lesdits documents sont renvoyés pour le traitement informatique.

3. Le traitement informatique

Après le dépouillement des offres, la société retenue procède à l’installation de son matériel dans une salle apprêtée à cet effet dans l’enceinte de la Cour. Ainsi, au fur et à mesure que les documents électoraux sont examinés par les conseillers à la Cour, ils sont convoyés vers ladite salle pour enregistrement et compilation des données.

Après centralisation des résultats et analyse des données informatiques, la Cour procède à la proclamation des résultats.

4. La sécurité de la Cour en période électorale

En temps normal, la Cour constitutionnelle dispose d’un service de sécurité représenté par un groupe de gendarmes qui assure la sécurité de son personnel, de ses bâtiments et de son matériel. En période électorale, l’institution sollicite la mise à disposition d’un second peloton pour renforcer son système de sécurité. Le contrôle à l’entrée de la Cour est plus rigoureux.

III. Après les élections
1. Le règlement du contentieux électoral

Il ne s’agit pas ici en réalité d’une activité post-électorale, puisque les contestations relatives aux diverses élections parviennent à la Haute Juridiction déjà à partir de la phase d’inscription sur les listes électorales. De même, les listes de candidature, la campagne électorale, le déroulement du scrutin et la proclamation des résultats font également l’objet des recours dont la Cour est saisie.

Ainsi, en application des dispositions du décret n° 96-34 du 5 février 1996, tous les recours sont enregistrés de façon chronologique. Ils sont transmis par le secrétaire général au président qui désigne le conseiller rapporteur auquel chaque dossier est transmis. Ensuite, chaque recours est affecté d’un second numéro, suivi de la syllabe « EL » pour les élections législatives et « ELP » pour l’élection présidentielle. Cette numérotation permet d’évaluer à tout moment le nombre de recours dont la Haute Juridiction est saisie.

À la phase de règlement du contentieux, la Haute Juridiction apprécie la validité de ces recours sur le fondement des dispositions légales relatives au délai de saisine, à la qualité du requérant, à la forme ou à l’objet de la requête, à la nature de l’acte attaqué, etc. C’est donc à l’audience que le secrétaire général attribue des numéros à chacune des décisions prises par l’Assemblée plénière des conseillers. Les décisions sont ensuite notifiées aux requérants et autres personnes désignées par le secrétaire général. Il n’existe donc pas pour le moment un Service du greffe séparé.

2. Le séminaire de restitution

À la fin des opérations électorales, la Cour organise un séminaire de restitution au cours duquel elle fait le point de toutes les actions menées et relève les insuffisances constatées dans le déroulement des opérations et dans la mise en application des lois électorales. C’est une occasion pour la Haute Juridiction de faire des recommandations pertinentes au législateur et au Gouvernement.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel français : présentation du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel

M. Stéphane COTTIN, Chef du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

I. Historique

Le Service est né de la fusion en 2000 du Service de l’informatique et du Service du greffe, chargé des élections. Ce dernier Service a été créé en 1993, sous l’impulsion du secrétaire général Olivier Schrameck, à l’occasion des élections législatives de mars 1993, premières élections parlementaires à avoir lieu sous le régime des lois sur le financement de la vie politique de 1988-1990. Le Conseil constitutionnel traite en effet du contentieux des élections présidentielles, législatives, sénatoriales et des votations référendaires nationales. Avant la création du Service, et comme les textes régissant le Conseil le prévoient, le Secrétariat général se chargeait du traitement matériel du contentieux (enregistrement, diffusion des pièces, préparation des séances de section et des séances plénières, notification). De fait, le Service juridique s’occupait de la plupart des tâches matérielles, relativement limitées, puisque le nombre de contentieux annuel n’avait jamais dépassé la centaine avant 1993.

Mais 1993 s’annonçait plus difficile avec la gestion du contentieux financier : ce sont effectivement plus de 800 décisions que Mme Evelyne Willame a dû traiter. Les tâches matérielles n’ont pas décru ensuite avec l’élection présidentielle de 1995, la dissolution et les élections législatives de 1997, et, moins lourds, mais tout aussi délicats, les traitements des différentes sénatoriales, du référendum de 2000 et des très nombreux contentieux issus d’élections partielles.

II. Statut

Le Service du greffe est directement rattaché au Secrétariat général. Comme les textes ne le prévoient pas expressément, il assume de fait des tâches dévolues au secrétaire général, sous son contrôle.
Le Service est composé d’un cadre permanent, chef de service, et d’un secrétariat non permanent d’une ou deux personnes, qui peut se former en tant que de besoin, notamment lors des périodes de contentieux. Depuis 2001, le service accueille un cadre du bureau des élections du ministère de l’Intérieur, qui assure en outre, par des notes et des études, la veille législative et réglementaire en matière électorale à destination du Service juridique et du secrétaire général.

III. Rôle

Le Service du greffe est chargé d’enregistrer pour le compte du secrétaire général les requêtes (émanant des particuliers, candidats ou électeurs) et les saisines (émanant des institutions, essentiellement de la Commission nationale de contrôle du financement de la vie politique) en matière électorale. Le service est ensuite chargé de constituer les dossiers, d’en assurer la reproduction, la notification aux parties, la diffusion au service juridique et au rapporteur adjoint affecté et de recueillir les observations du ministère de l’Intérieur (ou de l’Outre-mer).

Durant le contentieux, le Service du greffe est l’interlocuteur de toutes les parties, et enregistre tous les échanges de pièces et de mémoires, puis en assure la diffusion. Il assiste aux séances de section d’instruction, peut aider à la rédaction des visas de la décision finale. Au sortir de la séance plénière, il est chargé de faire signer au secrétaire général l’ampliation destinée aux parties et d’en assurer immédiatement la notification et la publication au Journal officiel. Il se charge de recueillir les documents administratifs expressément sollicités par le Conseil auprès des préfectures, notamment les procès-verbaux des bureaux de vote, les listes d’émargement, les documents liés à l’établissement des procurations… Ces documents sont souvent très volumineux. Le Service se charge d’en assurer la consultation par les parties ou, si c’est matériellement possible, leur communication. Il restitue à leurs destinataires les documents non archivés par le Conseil constitutionnel (procèsverbaux des bureaux de vote, compte de campagne des candidats).

Dans toutes ces tâches, le Service du greffe est assisté par un logiciel développé en interne. Les fonctionnalités de ce logiciel permettent l’enregistrement des pièces, la génération automatique des lettres, des enveloppes et documents postaux (LRAR) de notification ; il permet d’établir un tableau de bord de toutes les affaires en cours, des listes de pièces enregistrées, d’alerter les responsables des dépassements des délais. Dans une certaine mesure, il a aussi permis d’assister le Service juridique dans la génération automatique des décisions collectives pour le contrôle des visas et des dispositifs.

Pour le cas particulier de l’élection présidentielle, le Service du greffe est notamment chargé de l’organisation avec tous les autres services, du contrôle des cinq cents signatures, de l’enregistrement des procès-verbaux de décompte des voix, et de la gestion administrative du contentieux financier, en étant l’interlocuteur unique des mandataires financiers et des experts-comptables des candidats.

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Gabon

M. Paul MALEKOU Conseiller et M. Jules EYI-EDZANG Directeur de cabinet du président Cour constitutionnelle du Gabon

L’organisation des élections politiques au Gabon incombe à plusieurs entités de l’État conformément à la loi n° 07/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques modifiée par la loi n°10/98 du 10 juillet 1998 à savoir :

          1. L’administration (le ministère chargé de l’Intérieur) ;
          2. La Commission nationale électorale (CNE) ;
          3. La Cour constitutionnelle.

À l’examen de l’article 84 de la Constitution, 4e tiret, « la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles, parlementaires, des collectivités locales et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats ». L’intervention de la Cour dans le processus électoral se situe donc avant, pendant et après le scrutin.

Aussi, notre propos s’appuiera essentiellement sur les attributions de la Cour constitutionnelle conformément à la loi organique n° 9/91 au 26 septembre 1991 modifiée par la loi organique n° 003/2003 du 2 juin 2003 sur la Cour constitutionnelle.

En amont

      1. Élaboration du budget électoral affecté à l’institution par les membres de la Cour de concert avec les ministres chargés des Finances et du Budget et de la Planification.
      2. Par la nomination du président de la Commission nationale électorale (CNE).
      3. Par l’examen du contentieux préélectoral, notamment le contentieux relatif à la validation des candidatures et autres griefs.
      4. Notification à la Commission nationale électorale et au ministre chargé de l’Intérieur des décisions relatives à la validation des candidatures ayant fait l’objet du contentieux préélectoral.
      5. Selon la pratique constitutionnelle, il arrive au juge électoral gabonais de procéder au contrôle des conditions matérielles liées à l’organisation des élections et à celui du fichier électoral.

Pendant le scrutin

      1. Par la désignation et l’envoi des délégués dans les neuf (9) provinces qui composent la République gabonaise et dont la mission est d’observer le déroulement des opérations électorales.
      2. Dans la pratique, une permanence est ouverte au sein de la Cour constitutionnelle, laquelle à pour mission de recueillir toutes les difficultés rencontrées par les délégués de la Cour sur le terrain et d’en proposer les solutions.

Exemple : cas d’électeurs régulièrement inscrits et dont les noms n’apparaissent pas sur les listes électorales mais détenteurs de carte d’électeur ou vice versa. Quelle position adopte le juge électoral par rapport à une telle situation ? Selon la situation, la Cour peut demander aux délégués de faire voter les électeurs litigieux.

      1. À la fin de leur mission, ces délégués sont chargés de dresser un rapport relatif aux dysfonctionnements observés, rapport qui pourrait être, au moment de l’instruction, un élément déterminant pour éclairer l’opinion du juge constitutionnel.
      2. Contrôle du déroulement des opérations électorales dans l’ensemble des bureaux de vote par les délégués de la Cour.
      3. Réception et examen des rapports de mission de supervision et de contrôle des opérations électorales déposés au Greffe par les délégués de la Cour à l’issue du scrutin.

En aval

Il s’agit principalement du contentieux post-électoral. Ce contentieux peut amener le juge à prononcer une décision d’invalidation, de rejet de la requête, de reformulation ou encore une décision avant dire droit ; cette dernière conduit nécessairement à une enquête subsidiaire par le juge constitutionnel pour éclairer sa religion, lequel peut être assisté par des délégués.

      1. Réception des procès-verbaux (7 exemplaires) de centralisation des résultats et des opérations électorales en provenance de la Commission nationale électorale (CNE).
      2. Dépouillement, calcul des pourcentages, vérification et comparaison des données indiquées dans les procès-verbaux par rapport aux fiches des résultats électoraux.
      3. Audience publique de proclamation des résultats.
      4. Notification de la décision de proclamation à la Commission nationale électorale, au chef de l’État, au Gouvernement (Premier ministre) et au Parlement (président du Sénat et président de l’Assemblée nationale).
      5. Dépôt et enregistrement des recours au Greffe dans un délai de quinze (15) jours.
      6. Gestion du contentieux post-électoral dans un délai de deux (2) mois.

Quelle est la participation des différents services de la Cour constitutionnelle durant cette période ?

Répartition des tâches dans différents services :

      • Le Greffe. Le Service du greffe de la Cour constitutionnelle de la République gabonaise est composé d’un greffier en chef, d’un greffier en chef adjoint et de six (6) greffiers.

En période électorale, un bureau spécial est ouvert pour recevoir tous les recours relatifs à l’élection concernée.

Un greffier est affecté à chaque membre. Il est chargé de tenir la plume pendant les séances d’audition des tiers par le conseiller. Il a pour mission de convoquer les parties en litige, de dresser des procès-verbaux d’audition, d’assister les membres de la Cour aussi bien en cabinet qu’à l’audience, d’authentifier les décisions de la Cour par son contreseing, de notifier lesdites décisions aux parties concernées, au chef de l’État, au Gouvernement (Premier ministre), au Parlement (président du Sénat et président de l’Assemblée nationale) et de les faire publier au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales.

Durant cette période, au conseiller rapporteur (membre de la Cour) est adjoint un magistrat des juridictions ordinaires nommé rapporteur adjoint pour la circonstance.

Le Service du greffe est pourvu d’un secrétariat équipé d’un ordinateur, d’un téléphone, de registres et de classeurs.

Les parties demanderesses déposent leurs recours au Greffe en onze (11) exemplaires dont neuf (9) pour les membres, un (1) pour la partie adverse et l’original (1) pour le greffier.

Ces recours sont reçus et enregistrés, par le greffier en chef ou par un greffier délégué, dans les délais impartis par la loi. La date d’enregistrement est déterminante car elle permet à la Cour de déclarer le recours recevable ou irrecevable.

À l’expiration du délai légal (15 et 20 jours) à compter de la date de proclamation des résultats par la Cour, ces recours sont mis en forme de dossiers par les greffiers (ouverture des chemises, classement des dossiers par province, par commune, par département, par parti politique et par siège) pour un meilleur regroupement et pour des raisons d’exploitation des données aux fins d’analyses statistiques.

Ces dossiers sont ensuite distribués aux membres de la Cour qui, chacun avec son greffier correspondant, se chargent de les instruire avant l’ouverture des audiences du contentieux.

L’instruction consiste pour les greffiers, et ce sous le contrôle du greffier en chef, de communiquer la copie du recours et des pièces y annexées à la partie adverse ou à son conseil, laquelle dispose d’un délai de dix (10) jours pour déposer son mémoire en défense au greffe.

Il revient au greffier en chef ou au greffier mandaté d’établir un calendrier des auditions, de recevoir les parties, de les entendre sur procès-verbal soit simultanément et/ou contradictoirement avec le conseiller rapporteur, de transmettre les écritures déposées par l’une ou l’autre partie à la partie adverse puis de ranger dans les dossiers les copies des mémoires en défense et des mémoires en réplique.

Au terme des auditions, le conseiller rapporteur rédige un rapport pour chaque affaire instruite. Ces rapports seront lus à l’audience. Les affaires sont enrôlées suivant l’ordre d’arrivée des rapports au greffe.

À l’audience, les débats sont publics et contradictoires, des notes en délibéré sont déposées séance tenante ou sous 48 heures.

Les affaires sont rarement renvoyées à une audience ultérieure.

Les délibérations sont faites à huis clos et les décisions sont rendues aux dates fixées lors des débats.

La notification des décisions est assurée par le greffier en chef ou par un greffier délégué.

Il y a lieu de préciser que les décisions d’annulation d’une élection dans une ou plusieurs localités données sont notifiées en priorité afin de permettre à la Commission nationale électorale (CNE) de fixer une nouvelle date du scrutin en vue d’organiser l’élection partielle.

        • Le Service de la documentation est chargé de mettre à la disposition des membres tous les textes législatifs et réglementaires spécifiques à chaque catégorie d’élection. Des copies sont mis à la disposition des utilisateurs, à savoir : les partis politiques, les candidats, les électeurs ou toute autre personne intéressée par la question électorale.

Il est aussi chargé de la gestion des documents d’archives relatifs aux opérations de vote (procèsverbaux, rapports et autres documents).

Il est chargé notamment de mettre à la disposition des avocats, les rapports et les procès-verbaux des bureaux de vote lors du contentieux, sur autorisation du président de la Cour constitutionnelle.

Les documents électoraux sont rangés dans des boîtes d’archives et classés par province, département ou commune, centre et bureau de vote.

      • La cellule informatique. En plus de son personnel, des agents administratifs sont affectés au site informatique pour des opérations de saisie et de mise à jour de la base de données électorales (découpage électoral, candidatures) notamment :
        • des centres de vote ;
        • des partis politiques ;
        • des bureaux de vote ;
        • des candidats.

Cette cellule est aussi chargée, grâce à un progiciel spécifique développé par la Cour constitutionnelle, de la saisie des procès-verbaux de dépouillement du vote et du calcul automatisé des résultats.

Cette opération permet aux membres de la Cour d’instruire et de statuer sur les résultats puis de les comparer à ceux annoncés par le ministère de l’Intérieur et la Commission nationale électorale.

      • Les forces de l’ordre (militaires) assurent de façon permanente la sécurité de l’institution.

Les efforts de communication lors du contrôle des élections

Lorsque les membres de la Cour constitutionnelle le jugent nécessaire, l’institution fait des déclarations ou des communications par le biais des médias (presse écrite, radio et télévision).

Ces interventions sont préparées en audience par les membres de la Cour et sont portées à la connaissance du public, selon leur importance, soit par Madame le président soit par le secrétaire général.

Schéma chronologique d’une affaire relevant du contentieux électoral

a. Première étape

Greffe

Cabinet du président

Cabinet
du conseiller rapporteur

Dépôt des requêtes et pièces y annexées Désignation du conseillerrapporteur par ordonnance du président Audition des parties (demandeur et défendeur)
Enregistrement
et communication d’une copie de la requête et des pièces
à la partie adverse
Rédaction des procès-verbaux d’audition par le greffier
Réception et examen
des mémoires en défense
et des mémoires en réplique
Rédaction du rapport
par le conseiller rapporteur et son adjoint

b. Deuxième étape

Greffe

Salle d’audience Salle de délibération
Enrôlement de l’affaire à l’audience publique Lecture du rapport par le conseiller rapporteur Délibération à huis clos
par les membres de la Cour.
Distribution du rôle
de l’audience publique aux membres de la Cour, aux avocats constitués
et affichage à la Cour
Plaidoirie de l’avocat du demandeur
Plaidoirie de l’avocat du défendeur
Réquisitions
du commissaire à la loi
Dépôt des notes en délibéré
Mise en délibéré pour décision
à être prononcée à une date fixée

c. Troisième étape

Cabinet
du conseiller rapporteur

Salle de réunion Salle d’audience
Rédaction de la décision de la Cour Pré lecture de la décision de la Cour par le conseiller rapporteur et corrections éventuelles Lecture intégrale de la décision de la Cour par le président
Signature de la décision
par le greffier chargé de tenir la plume à l’audience

d. Quatrième étape

Greffe

Cabinet du Président

Greffe

Signature de la décision par le greffier ayant tenu la plume à l’audience Signature de la décision par le président Reproduction de la décision en plusieurs copies
Notification de la décision au demandeur
Notification de la décision au défendeur
Notification de la décision au Gouvernement (Premier ministre)
Notification de la décision au Parlement (président du Sénat, président
de l’Assemblée nationale)
Dépôt au Journal officiel et à un journal d’annonces légales pour publication.
Distribution de la copie
de la décision aux membres, au secrétaire général et au Service de la documentation et archives.
Classement de l’original
au rang des minutes du greffe
Reproduction de la décision en plusieurs copies

NB : Lire le tableau horizontalement par pavé.

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE Conseiller et M. Mamoudou KONE Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

I. Phase préparatoire des élections
      • Secrétariat général

Il constitue le niveau de coordination de l’ensemble des activités administratives et juridictionnelles de l’institution.
Entre autres, le Secrétariat général veille :

        • à la réception, à l’enregistrement et à la distribution avec l’urgence requise, du courrier relatif à l’événement électoral ;
        • à la saisie et à la transmission, avec la même diligence, des correspondances relatives aux élections ;
        • à l’organisation des programmes de sélection, de formation et de déploiement des délégués de la Cour constitutionnelle chargés de l’observation sur place du scrutin ;
        • à assurer l’organisation matérielle pour le bon déroulement des réunions de la Cour ;
        • au suivi des relations avec les démembrements et organisations impliqués dans la mise en œuvre du processus électoral.
      • Greffe

Maillon indispensable dans le fonctionnement juridictionnel de la Cour, le Greffe s’emploie à ce stade à ouvrir ou à mettre en état les différents registres et répertoires nécessaires à l’enregistrement des éventuelles requêtes, des documents électoraux, au traitement des décisions de la Cour ainsi qu’à la distribution interne et externe des actes.

      • Gestion

Il s’agit du Service financier et comme tel, il assure l’élaboration et l’exécution du budget des élections approuvé au préalable par la Cour.
Entre autres, il assure l’organisation financière des missions de supervision des conseillers et des missions d’observation des délégués (paiement des avances et location des véhicules).

II. Le jour du scrutin

Une permanence est assurée par l’ensemble du Service administratif et du greffe en période électorale.

III. La phase post-électorale

Une permanence générale est mise en place pour les actions ci-après :

      • Secrétariat général
        • Réception et transmission aux conseillers des rapports des délégués.
        • Réception et transmission au Greffe des requêtes.
        • Soutien au Greffe dans la gestion des procès-verbaux et documents annexes issus des bureaux de vote.
        • Soutien à la société chargée du traitement informatique des résultats.
        • Organisation des audiences de proclamation des résultats.
        • Transmission des copies des décisions à leurs destinataires (président de la République, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, secrétaire général du Gouvernement pour publication au Journal officiel).
        • ise en œuvre du plan de couverture de l’événement par l’ensemble des médias.
      • Greffe
        • Réception et transmission aux conseillers des procès-verbaux et documents annexes issus des bureaux de vote.
        • Réception, enregistrement et ventilation des requêtes.
        • Traitement (saisie et ventilation) des projets de décision de la Cour.
        • Assistance de la Cour dans les plénières et dans les audiences.
        • Correction du projet de décision et mise à la disposition des usagers des expéditions.
        • Archivage des procès-verbaux, documents annexes et autres.
      • Gestion
        • Paiement du reliquat des indemnités dues aux délégués sur la base de l’état de dépôt des rapports de mission.
        • Liquidation des factures relatives aux dépenses électorales.
IV. Sécurité de la Cour en période électorale

Elle est assurée par :

        • la protection du siège de l’institution par un renforcement conséquent de l’effectif classique des forces de l’ordre ;
        • la protection des conseillers et du secrétaire général au moyen de gardes du corps.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Maroc : l’organisation et le fonctionnement du Service du greffe en période électorale

Mme Amina HASSOUNI, Chef du Service de la documentation et de l’informatique du Conseil constitutionnel du Maroc

Le Service du greffe joue un rôle primordial dans la nomenclature juridictionnelle. C’est dans ce sens que ce service peut être présenté comme la colonne vertébrale de toute juridiction, car c’est en son sein que les dossiers se créent, se façonnent et se ferment.

Le Service du greffe du Conseil constitutionnel du Maroc est composé d’un greffier chef de service, d’une adjointe et de trois secrétaires. Le rôle du Service du greffe consiste à recevoir les saisines, à préparer les dossiers (saisine, pièces jointes, etc.) et à assister Messieurs les rapporteurs dans l’élaboration des projets de décisions (enquêtes, etc.).
Cette intervention sera articulée autour de trois axes : l’organisation du service du greffe avant, pendant et après le déroulement du scrutin.

1. Avant les élections législatives [1]. La tâche essentielle du Service est la préparation des imprimés suivants :
        1. Le registre de la réception des procès-verbaux des commissions régionales et nationales ;
        2. Le quitus ou reçu qui est délivré par le Service du greffe aux personnes qui déposent les plis ;
        3. Les dossiers pour les prochaines saisines ;
        4. Le tableau de permanence du Service du greffe durant la période électorale.

Dans le grand registre figure les renseignements suivants :

      • les communiqués du ministère de l’Intérieur où sont mentionnées les dates des élections et les permanences pour recevoir les procès-verbaux des commissions ;
      • le procès-verbal des commissions régionales et nationales ;
      • le procès-verbal des élections législatives et du référendum.
      1. Le jour du scrutin, lorsque les bureaux de vote sont fermés, une permanence est assurée de 18 h 30 jusqu’à la réception du dernier pli du dernier résultat de la dernière circonscription. Le Service du greffe s’organise en deux équipes de travail : la première est composée du chef de service et d’une secrétaire, la deuxième est composée de l’adjointe du chef de service et d’une secrétaire ; ces deux équipes reçoivent les plis. Les enveloppes doivent arriver scellées au Conseil constitutionnel.

Le greffier et son adjointe ouvrent les plis (dans chaque enveloppe figurent les résultats de la circonscription concernée) et remettent un quitus à la personne qui a amené le pli. Mais au préalable, ils inscrivent dans le grand registre l’heure de l’arrivée du pli, le nom de la province ou de la préfecture, le nom et la signature de la personne qui a déposé le procès-verbal.

Suite à l’opération de réception des plis, le Service du greffe s’organise pour recevoir les saisines, le délai du dépôt de la requête étant de 15 jours à partir de la date des résultats des élections (loi organique n° 29-93, article 29). La réception des requêtes se fait par le chef de service et son adjointe (2 équipes). Ils vérifient les pièces jointes remises personnellement par le requérant ou par son avocat. Le Service du greffe remet un reçu au requérant [2]. Après réception de toutes les saisines, le Service du greffe entame son travail relatif à la préparation des dossiers. Chaque requête équivaut à un dossier. Les dossiers sont internes ; seuls le président, le greffier en chef et le membre rapporteur peuvent les consulter.

      1. En fonction des demandes de Messieurs les rapporteurs, le Service du greffe s’adresse aux tribunaux de première instance de la région pour qu’ils leur transmettent les procès-verbaux des bureaux de vote, les procès-verbaux des bureaux centralisateurs, les bulletins nuls dont ils sont dépositaires. Il peut également exiger les listes d’émargement auprès des provinces et préfectures, ainsi que d’autres documents des autorités compétentes tels que les copies des jugements, les procès-verbaux de la police judiciaire transmis par le biais du parquet.

Le Service du greffe réceptionne au fur et à mesure les documents demandés, qui sont de l’ordre de 20 cartons par circonscription (200 kg le carton) sachant que le total des circonscriptions sur le territoire national est 91 circonscriptions.

L’étape du tri des cartons est la plus délicate car le Service du greffe ne peut à lui seul réaliser cette tâche. Il fait appel au personnel des autres services pour l’ouverture et le traitement des cartons et la compilation des documents suivants :

        1. Les procès-verbaux de la circonscription ;
        2. Les procès-verbaux de la liste nationale ;
        3. Les bulletins nuls de la circonscription ;
        4. Les bulletins nuls de la liste nationale.

Cette opération ardue dure environ 3 mois, et nécessite l’aménagement d’un grand espace pour le classement.

Le problème majeur que rencontre le Service du greffe du Conseil constitutionnel du Maroc est la gestion des archives, essentiellement celle des bulletins nuls parce que nous conservons toujours les bulletins nuls des précédentes législatives, c’est-à-dire celles de novembre 1997 et des élections législatives partielles de 1995 et 1996.

L’inexistence de texte juridique ou d’arrêté ministériel prévoyant la destruction ou la conservation des bulletins nuls nous a amené à rechercher l’assise juridique du traitement des archives du Conseil constitutionnel, essentiellement celles du Service du greffe.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad : le Service du greffe en période électorale

M. Samir Adam ANMOUR Conseiller et M. Joseph DARKEM Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le contrôle juridictionnel de constitutionnalité de la loi ainsi que celui des élections présidentielles, législatives et des opérations référendaires ont été retenus au Tchad dès le début de l’indépendance nationale. Mais il a fallu attendre la Constitution du 31 mars 1996 pour voir la mise en place effective d’une juridiction constitutionnelle. Ainsi, après l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi n° 019/PR/98 du 2 novembre 1998 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, les membres de cette institution ont été installés lors d’une cérémonie solennelle le 28 avril 1999.

C’est dire que la juridiction constitutionnelle tchadienne ne dispose pas encore d’une expérience établie. Notre intervention se situera donc dans le cadre des deux élections que nous avons eues à gérer. Il s’agit de l’élection présidentielle de 2001 et des élections législatives de 2002.

À l’instar des autres juridictions, le Conseil constitutionnel tchadien connaît un surcroît d’activités en période électorale. Il faut d’abord noter au passage qu’il n’existe pas de Service du greffe à proprement parler. C’est le secrétaire général qui cumule ses fonctions administratives avec celles de greffier en chef. Par contre, au sein du Secrétariat général, il existe un Service juridique, un Service administratif et financier, un Service de presse et de communication et un Service des archives et de la documentation. Il faut rappeler également que notre institution étant encore très jeune, tous ces services fonctionnent avec un minimum de personnel, c’est-à-dire avec un seul agent. C’est pourquoi l’on comprendra aisément que tout le travail de greffe et celui administratif reposent essentiellement sur le secrétaire général.

Le Service du greffe est plus ou moins sollicité en fonction du type des élections. Il est davantage sollicité pendant les élections présidentielles que pendant les élections législatives.

C’est le Service du greffe qui reçoit les dossiers de candidature à l’élection présidentielle ainsi que les requêtes lors du contentieux.

1. La réception des dossiers de candidature

L’article 63 de notre Constitution dispose que « les candidatures à la présidence de la République sont déposées auprès du Conseil constitutionnel quarante (40) jours francs au moins et soixante
(60) jours francs au plus avant le premier tour du scrutin… ». C’est donc le greffier en chef qui reçoit ces dossiers de candidature. Il ouvre un registre dans lequel est mentionnée la date de dépôt du dossier et lui attribue un numéro d’ordre. Ceci est très important puisque c’est le même numéro d’ordre qui est conservé lorsque le Conseil arrête la liste des candidats. Il sera conservé également lors de la proclamation des résultats définitifs ainsi que pour l’affichage pour la propagande électorale des candidats. Le greffier en chef délivre un récépissé après le dépôt de chaque dossier.

Pour garantir le jeu démocratique, il a été décidé de permettre à tous les candidats de pouvoir se présenter. Dans ce but, le greffier en chef publie un communiqué par lequel il informe les candidats que le Conseil met en place une permanence destinée à les conseiller au besoin sur la constitution de leurs dossiers, ceci afin de leur éviter tout rejet. En pratique, les candidats n’ont pas toujours répondu à cette offre, préférant faire confiance à leur direction de campagne.

À la clôture de la date de dépôt des dossiers, le greffier en chef les communique au président du Conseil constitutionnel qui désigne un rapporteur et une commission ad hoc qui seront chargés d’examiner lesdits dossiers avant la plénière.

Conformément à l’article 137 du code électoral, le greffier en chef notifie, par lettre recommandée avec accusé de réception, toute candidature rejetée à l’intéressé.

En ce qui concerne les élections législatives, les candidatures sont reçues par la CENI, qui après examen, procède à leur validation ou leur rejet. Les candidats peuvent saisir le Conseil constitutionnel soit en contestation d’une candidature, soit en validation d’une candidature. Le Service du greffe reçoit les requêtes et les transmet au président comme précédemment décrit.

2. La réception des requêtes

Un autre aspect concerne la réception des requêtes dues au contentieux de l’élection ellemême. Là également, le Greffe enregistre ces requêtes et dresse un inventaire des moyens de preuves joints avant de les transmettre au président du Conseil constitutionnel.

Enfin la même procédure est appliquée pour la désignation d’un rapporteur et la mise en place d’une commission ad hoc.

Conclusion

De tout ce qui précède, on peut dire que pour ce qui est du Tchad, il n’y a ni restructuration, ni réorganisation du Service du greffe en période électorale. Mais il résulte que celui-ci occupe une place très importante tout le long du processus. Non seulement il centralise les candidatures pour les élections présidentielles et les requêtes pour les deux scrutins nationaux, mais il joue aussi le rôle d’interface entre les tiers et le Conseil constitutionnel.

 

B. Les aspects documentaires et techniques

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANMOUR Conseiller et M. Joseph DARKEM Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le processus électoral dans un pays donné est toujours régi par des textes. Outre les lois électorales, il y a les différents décrets de recensement, de convocation du corps électoral, de fixation du nombre des bureaux de vote, etc.

Comme toute institution jeune manquant d’expérience, le Conseil constitutionnel tchadien s’est constitué sur ses fonds propres un embryon de bibliothèque. Par la suite, le P.N.U.D. est intervenu pour financer l’achat d’autres ouvrages et armoires. En outre, l’adhésion à l’A.C.C.P.U.F. nous a permis d’avoir une documentation permettant de connaître l’organisation et le fonctionnement des Cours sœurs mais aussi à travers les bulletins et le CD-rom d’étudier leurs jurisprudences. Le Conseil constitutionnel tchadien s’est attelé à la publication d’une petite brochure pour faire connaître notre institution aux citoyens. Par ailleurs, pour éviter les différences d’interprétation des textes électoraux, le Conseil constitutionnel a adopté et fait publier un mémento des élections, qui recense les irrégularités susceptibles d’être soulevées et des indications sur les sanctions à appliquer. Cela permet non seulement la transparence dans le traitement des résultats mais aussi l’amélioration du travail des agents des bureaux de vote, en leur évitant de commettre les irrégularités susceptibles d’entraîner l’annulation des résultats d’un procès verbal.

À cette fin, le Conseil constitutionnel a pris le soin d’organiser plusieurs jours avant le scrutin, une réunion avec les partis politiques pour leur présenter et mettre à leur disposition le mémento des élections.

Enfin le Conseil a fait éditer pour son usage interne plusieurs fiches permettant de récapituler les résultats.

Pour ce qui est de l’outil informatique, l’expérience a démontré qu’il est indispensable pour assurer la célérité dans le traitement des résultats. Différents partenaires du Tchad sont intervenus pour doter notre institution en micro-ordinateurs.

Il s’agit des pays et organismes suivantes :

  • l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (A.I.F.) ;
  • l’Ambassade de France ;
  • l’Ambassade des États-Unis d’Amérique ;
  • l’A.C.C.P.U.F. ;
  • le P.N.U.D.

 

Nous saisissons d’ailleurs cette opportunité pour une fois de plus les remercier et leur exprimer notre reconnaissance. Une mention particulière est à adresser à l’A.I.F. qui a offert une dizaine de micro-ordinateurs, qui ont permis le traitement rapide des résultats des élections présidentielles et législatives passées.


  • [1]
    Le Maroc a opté pour le scrutin de liste, une liste locale par circonscription et une liste nationale.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Lors des élections législatives de septembre 2002, le Conseil constitutionnel a enregistré à peu près 200 saisines.  [Retour au contenu]

 

III. Les relations entre les juridictions constitutionnelles, les commissions électorales et autres instances

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

Au Mali, outre la Cour constitutionnelle, le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, les autorités compétentes en matière électorale sont :

  • la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et ses démembrements ;
  • la Délégation générale aux élections (D.G.E.) ;
  • le Comité national de l’égal accès aux médias d’État.

Les compétences se répartissent ainsi qu’il suit :

  • Le ministère chargé de l’Administration territoriale assure :
  1. la préparation technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ;
  2. l’organisation des procédures et actes relatifs aux opérations référendaires et électorales ;
  3. la centralisation et la proclamation des résultats provisoires des référendums et des élections présidentielles et législatives ;
  4. l’acheminement des procès-verbaux des consultations référendaires, législatives et présidentielles à la Cour constitutionnelle.
  • La CENI est chargée du suivi et de la supervision des opérations électorales référendaires, présidentielles, législatives et communales.
  • La D.G.E est chargée de l’élaboration et de la gestion du fichier électoral, de la confection et de l’impression des cartes d’électeurs, du financement public des partis politiques.
  • Le Comité national de l’égal accès aux médias d’État veille à l’égal accès aux médias d’État des candidats, des partis politiques et des groupements de partis politiques en compétition.
  • Quant à la Cour constitutionnelle, elle contrôle la régularité de toutes les opérations relatives à l’élection du président de la République (cf article 86 de la Constitution) ; elle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles, législatives et les opérations de référendum dont elle proclame les résultats.

Elle arrête et publie la liste des candidats (articles 136 et 148 du code électoral) et statue sur les contestations portant sur les candidatures (articles 137 et 148 du code électoral).

Elle procède au recensement général des votes, contrôle la régularité des scrutins et proclame les résultats définitifs (articles 142 et 150 du code électoral).

Il s’avère ainsi que les compétences de la Cour constitutionnelle s’étendent sur les missions de toutes les autres autorités ci-dessus citées chargées des élections.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANNOUR, Conseiller et M. Joseph DARKEM, Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Les relations entre le Conseil constitutionnel et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont définies par le code électoral et la loi n° 15/PR/2000 du 18 novembre 2000 portant création de la CENI.

Le Conseil constitutionnel et la CENI sont deux organes complémentaires dans le dispositif électoral tchadien.

La CENI a pour mission générale l’organisation et le contrôle du déroulement des opérations référendaires, législatives et présidentielles. Elle proclame les résultats provisoires de ces scrutins. Il s’agit des résultats bruts, tels qu’ils sont sortis des urnes. La loi n° 15 précitée a prévu, en outre, dans son article 2, que la CENI est chargée entre autre « d’assister matériellement le Conseil constitutionnel dans l’accomplissement de sa mission en matière référendaire ». Mais en pratique, cette dernière disposition n’a jamais eu d’application, le Conseil ayant toujours bénéficié d’un budget spécial.

L’examen des textes nous a permis de noter une contradiction entre l’article 31 alinéa 1 de la loi n° 19/PR/98 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et l’article 77 alinéa 4 du code électoral. En effet, le 1er article dispose que le Conseil constitutionnel « peut désigner plusieurs délégués parmi les magistrats de l’ordre judiciaire pour suivre les opérations et lui transmettre les procès-verbaux sous scellés ». Le 2e article indique que c’est la sous-commission électorale (c’est-à-dire un démembrement de la CENI) qui transmet un rapport, des exemplaires des procès-verbaux et des exemplaires des fiches de résultats sous pli scellé au Conseil constitutionnel. Nous avons opté pour une application de l’article 31 alinéa 1 de la loi n° 19 précitée. Celle-ci s’est faite par étapes. En effet, lors des élections présidentielles de 2001, le Conseil n’a pu déployer ni ses membres ni des magistrats de l’ordre judiciaire sur le terrain. Il a été toutefois convenu avec la CENI de la mise en place d’une permanence au siège de celle-ci pour récupérer les enveloppes contenant les procès-verbaux destinés à la juridiction constitutionnelle. La CENI a pris le soin d’indiquer à ses sous-commissions que les procès-verbaux destinés au Conseil constitutionnel devaient être insérés dans une enveloppe scellée sur laquelle il serait mentionné « Conseil constitutionnel ». Ce fut un exemple de collaboration réussie entre les deux institutions.

L’application totale de l’article 31 précité a eu lieu lors des élections législatives de 2002. Le Conseil constitutionnel a pu déployer ses membres ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire pour suivre sur le terrain les opérations de vote et récupérer les procès-verbaux qui lui sont destinés.

S’agissant du contentieux des candidatures pour les élections législatives, le Conseil constitutionnel joue en quelque sorte le rôle d’une instance d’appel par rapport à la CENI. Celle-ci centralise toutes les candidatures et en publie la liste. Elle notifie les rejets aux intéressés. Ceux-ci disposent d’un droit de recours pour saisir le Conseil qui statuera.

Nous avons déjà vu que pour ce qui est des élections présidentielles, c’est le Conseil qui reçoit les candidatures et arrête la liste définitive des candidats par une décision. C’est cette décision qui permet à la CENI de lancer les commandes concernant l’impression des bulletins des candidats.

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Togo

M. Mama-Sani ABOUDOU-SALAMI Juge

Cour constitutionnelle du Togo

Introduction

En son article 3, le code électoral togolais dispose : « La mise en œuvre des consultations référendaires et électorales est assurée par le ministère de l’Intérieur et une autorité administrative indépendante », en l’occurrence la Commission électorale nationale indépendante (CENI). A priori, la Cour constitutionnelle est donc exclue des « structures de gestion » des élections dont les compétences sont définies à l’article 4 du code électoral. Néanmoins, à l’article 5 apparaît la Cour constitutionnelle, en tant qu’arbitre, puisque sa mission consiste à régler « les conflits de compétence qui peuvent naître dans l’exécution des missions des deux structures chargées de gérer les différents scrutins ».

À la lecture de ces « dispositions communes », on peut penser que les compétences de la Cour constitutionnelle se limitent au règlement des conflits de compétence entre le ministère de l’Intérieur et la CENI. Il faut parcourir tout le code pour se rendre compte que la Cour participe activement à la mise en œuvre des consultations référendaires et électorales, tout comme, d’ailleurs, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).

S’agissant précisément de la Cour constitutionnelle, ses compétences s’étendent aux consultations référendaires, présidentielles, sénatoriales et législatives, à l’exclusion donc des élections locales. Néanmoins, le référendum n’entre pas dans notre réflexion, étant donné que, jusqu’ici, aucun texte ne précise les modalités de son organisation. La Constitution se borne quant elle à indiquer que la régularité de l’initiative populaire « sera appréciée par la Cour constitutionnelle » (art. 4, al. 3).

Pour l’accomplissement de sa mission, la Cour constitutionnelle entretient nécessairement des relations fonctionnelles avec les autres organes ou institutions qui interviennent sur la même matière. Mais, avant d’aller dans le vif du sujet, il convient d’apporter deux précisions.

D’abord, en dix ans, le code électoral, qui date de 8 juillet 1992 et sur lequel est fondé notre exposé, a été modifié six fois (avril 1993, septembre 1997, avril 2000, mars 2002, février et octobre 2003). Cette « instabilité juridique » a évidemment eu pour conséquence la variation des compétences de la Cour constitutionnelle et, partant, la fluctuation de ses relations avec les autres institutions électorales.

Ensuite, aux termes de l’article 154 initial de la Constitution du 14 octobre 1992, les compétences dévolues à la Cour constitutionnelle devaient être « exercées par la Cour suprême jusqu’à la mise en place de la Cour constitutionnelle ». Ainsi, pour les élections organisées avant l’installation de la Cour constitutionnelle en février 1997, toute référence à la Cour suprême (chambre constitutionnelle) dans notre exposé équivaut à une évocation de la Cour constitutionnelle.

Notre exposé aurait pu consister à examiner successivement les relations de la Cour constitutionnelle avec les autres organes et institutions électorales. Mais, une telle procédure nous aurait sans doute contraint à d’ennuyeuses redites. En vue d’un exposé fluide, il nous a donc paru préférable de suivre les étapes successives du processus électoral, de façon à retracer, à chaque niveau, les relations de la Cour avec l’ensemble de ses partenaires. Cette démarche a l’avantage supplémentaire de faire ressortir immédiatement la complémentarité et/ou l’interaction de toutes ces institutions. Nous aborderons ainsi, successivement, les cinq étapes suivantes :

  • l’enregistrement des candidatures ;
  • la campagne électorale ;
  • les opérations de vote ;
  • la proclamation des résultats ;
  • le contentieux électoral.
I. L’enregistrement des candidatures

Selon le code électoral initial, la déclaration de candidature à l’élection présidentielle « est déposée au Greffe de la Cour suprême, trente jours au moins avant le premier tour du scrutin… » (art. 124). Après avoir fait procéder à toutes les vérifications utiles pour s’assurer de la validité de la candidature, le président de la Cour « arrête et publie la liste des candidats vingt jours avant le premier tour du scrutin » (art. 127). Notification de la publication est adressée au président de la Commission électorale nationale (CEN) et au ministre de l’Intérieur à l’intention des préfets et chefs de missions diplomatiques et consulaires du Togo.

En ce qui concerne les législatives, le dépôt de candidatures a lieu, non pas à la Cour suprême, mais au ministère de l’Intérieur qui arrête la liste définitive des candidats (art. 179). Cependant, en cas de refus d’enregistrement d’une déclaration de candidature, le candidat peut se pourvoir devant la Cour suprême « qui statue sans recours dans un délai de huit jours » (art. 176). De même, toute contestation relative à cette liste doit être portée devant la Cour suprême qui statue également dans un délai de huit jours (art. 179).

Aussi bien pour les élections présidentielles que pour les législatives, ces dispositions de 1992 ont été maintenues lors des révisions de 1993 et de 1997. Il a fallu le Dialogue intertogolais de 1999 couronné par de l’Accord Cadre de Lomé et la mise sur pied d’un Comité paritaire de suivi (CPS) dudit Accord pour assister à un bouleversement total. En effet, soucieux de créer un cadre juridique et institutionnel susceptible de faciliter une organisation consensuelle d’élections, le CPS, composé de façon paritaire de représentants du pouvoir et de l’opposition, a soumis un nouveau code électoral « révolutionnaire » à l’Assemblée nationale, qui l’adopta en avril 2000. L’essentiel des prérogatives électorales est alors transféré à la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ainsi, l’une des principales attributions de la CENI, énumérée à l’article 9, est l’enregistrement, la validation et la publication des candidatures, aussi bien des présidentielles que des législatives.

S’agissant particulièrement des présidentielles, la déclaration de candidature est déposée à la CENI, et non plus à la Cour constitutionnelle, quarante-cinq jours au moins avant le premier tour (art. 162). Celle-ci procède à un examen du dossier et détermine les vérifications administratives nécessaires. S’il y a lieu, elle transmet ensuite le dossier au ministère de l’Intérieur qui dispose de cinq jours pour procéder à ces vérifications avant de lui renvoyer le dossier « pour validation » (art. 163). Vingt jours avant le premier tour, la CENI, et non plus la Cour constitutionnelle, publie la liste des candidats et la notifie au ministre de l’Intérieur. Cette liste est également notifiée directement par la CENI, et non plus par le biais du ministre de l’Intérieur, aux préfets et aux chefs de missions diplomatiques et consulaires du Togo (art.165). Il n’est même pas prévu une notification de cette liste à la Cour constitutionnelle. Et pourtant, en cas de contestations, c’est elle qu’il fallait saisir (art. 166).

Pour ce qui est des législatives, la déclaration de candidature est déposée et enregistrée, non plus au ministère de l’Intérieur, mais au siège de la CENI (art. 203). La procédure devant conduire à la validation des candidatures, à la publication et à la notification de la liste des candidats est la même que celle des présidentielles, conformément à l’article 204. C’est dire que la liste des candidats n’est pas notifiée à la Cour constitutionnelle. Et pourtant, ici aussi, c’est devant elle que les cas de refus d’enregistrement de candidature ou de contestation de la liste de candidats devaient être portés, conformément aux dispositions des articles 205, 207 et 210 du code électoral.

Comme on peut le constater, dès l’enregistrement de candidatures, première phase du processus électoral, le CPS, une structure purement politique, a dessaisi la Cour constitutionnelle et le ministère de l’Intérieur au profit de la CENI. En supprimant cette nécessaire collaboration voulue par le législateur de 1992, le CPS a instauré un climat de méfiance qui aurait pu générer des conflits entre institutions, puisque le même sentiment prévalait du début à la fin du processus électoral. Il n’en a pourtant rien été, car les révisions de mars 2002 puis de février 2003 ont restauré les dispositions remises en cause par la réforme de l’an 2000. Ainsi, selon les dispositions actuelles, la déclaration de candidature à la présidence de la République est déposée à la présidence de la CENI trente jours au moins avant le scrutin qui est désormais à un tour (art. 172). Celle-ci procède à l’examen préliminaire du dossier et détermine les vérifications administratives nécessaires avant d’envoyer le dossier au ministère de l’Intérieur, appelée ici « administration électorale », qui procède aux dites vérifications. Le dossier et les résultats des vérifications sont ensuite renvoyés à la CENI qui les transmet alors à la Cour constitutionnelle (art. 173). Après un ultime examen approfondi du dossier et « au plus tard dix-huit jours avant le scrutin », la Cour publie la liste des candidats, qui est notifiée sans délai aux intéressés, à l’Administration électorale et aux chefs des missions diplomatiques et consulaires du Togo (art. 175). Par la suite, tout retrait, possible seulement avant l’ouverture de la campagne, est immédiatement porté à la connaissance de la Cour qui le notifie à l’Administration électorale et à la CENI et le rend public (art.178).

Pour les législatives, les candidatures sont également enregistrées par la CENI (art. 214). Mais une procédure semblable à celle des candidats aux présidentielles aboutit, au plus tard dix-huit jours avant le scrutin, à la publication par la Cour constitutionnelle de la liste des candidats, qui est aussitôt notifiée à la CENI et à l’administration électorale (art. 215). Cependant, contrairement au cas des présidentielles, tout retrait ultérieur, possible avant l’ouverture de la campagne, est communiqué, non pas à la Cour constitutionnelle, mais à la CENI qui en informe l’administration électorale et le rend public sans délai (art. 221).

II. La campagne électorale

Cette phase du processus électoral échappe actuellement à l’emprise de la Cour constitutionnelle qui, avant la réforme de 2000, était chargée de « veiller à la régularité de la campagne électorale » (art. 140). À cet effet, elle était saisie de toute réclamation et pouvait donner des injonctions aux autorités ou aux candidats dont l’attitude viole le principe d’égalité entre candidats dans le traitement par les organes de la presse d’État (art.140). Mais, depuis la réforme de l’an 2000, cette tâche incombe à la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) qui l’accomplit en liaison avec la CENI (art. 170 et 171).

III. La supervision des opérations de vote

Jusqu’à la réforme de l’an 2000, la Cour constitutionnelle était chargée de veiller à la régularité des opérations de vote. À cet effet, elle désignait parmi les magistrats des tribunaux et cours d’appel, des délégués qui, le jour du scrutin, procédaient à des contrôles inopinés sur pièces dans les bureaux de vote. Ils étaient particulièrement chargés de « veiller à la régularité de la composition des bureaux de vote, du dépouillement des bulletins et du respect du libre exercice des droits des électeurs et des candidats » (art. 142 et 143). Les autorités administratives étaient tenues de leur accorder toute assistance souhaitée et de mettre à leur disposition toute information désirée. Cependant, dans la pratique, malgré leur dévouement, ces délégués de la Cour ne pouvaient jouer pleinement leur rôle. Par exemple, ils ne pouvaient assister au dépouillement dans tous les bureaux de vote, étant donné que chacun d’eux devait superviser des dizaines de bureaux dispersés à travers plusieurs préfectures couvrant des dizaines de kilomètres carrés. Mais, c’est pour des raisons politiques, plus que par souci d’efficacité, que la réforme de l’an 2000 a confié cette mission de supervision à la CENI, avec d’ailleurs les mêmes aléas, puisque les dix membres de la CENI ne peuvent être à la fois au siège et dans tous les bureaux de vote de l’ensemble du territoire national.

IV. La proclamation des résultats

Avant la réforme de l’an 2000, la procédure de proclamation des résultats des élections présidentielles et législatives était la suivante : dès réception des procès-verbaux de recensement des votes en provenance des Commissions électorales locales, la CEN (devenue CENI depuis l’an 2000) effectue le recensement général sur le plan national, au terme duquel elle procède à une proclamation provisoire des résultats. Conformément à l’article 171 du code électoral, le président de la CENI transmet ensuite les procès-verbaux et l’ensemble des pièces relatives aux opérations électorales à la Cour suprême (Cour constitutionnelle depuis 1997) qui examine l’ensemble des pièces et procède à une deuxième proclamation provisoire des résultats (article 86, al. 1er du code électoral). Si aucun candidat ne conteste les résultats dans les cinq jours ouvrables suivant cette proclamation, la Cour « déclare les résultats définitivement acquis » (art. 86, al. 2).
Mais, comme nous le soulignions tantôt, la réforme de l’an 2000 a bouleversé les données. Avec le code dit « révolutionnaire » né de cette réforme, c’est la CENI qui était chargée « de la centralisation et de la proclamation des résultats provisoires de toutes les opérations électorales, nationales et locales » (art. 9, 117 et 118). C’est seulement après cette proclamation qu’elle devait, dans un délai de huit jours, « adresser à la Cour constitutionnelle un rapport détaillé sur le déroulement des opérations électorales, l’état des résultats acquis et les cas de contestations non réglés » (art. 116). C’est enfin elle qui devait proclamer « solennellement l’ensemble des résultats (définitifs)… au vu des résultats acquis à son niveau et après l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle relatif aux cas de contentieux pour lesquels elle a été saisie » (art. 117). En définitive, le rôle de la Cour devait consister uniquement à enregistrer le rapport général que la CENI rédige sur ses propres activités et qu’elle doit lui adresser dans les trente jours qui suivent la proclamation des résultats du référendum et des autres élections nationales (art. 120).
La réforme de l’an 2000 n’a pas eu d’application avant le retour à la situation antérieure avec
les réformes de 2002 et de 2003. Désormais donc, c’est la Cour constitutionnelle qui retrouve cette compétence confisquée en l’an 2000. Certes, la CENI conserve le pouvoir de proclamation provisoire des résultats (art. 124) ; mais, elle doit ensuite adresser au président de la Cour constitutionnelle « un rapport détaillé sur le déroulement des opérations électorales, l’état des résultats acquis et les cas de contestations non réglés » (art. 124). Désormais, seule la Cour constitutionnelle est habilitée à proclamer solennellement l’ensemble des résultats définitifs après règlement des cas de contentieux pour lesquels elle a été saisie (art. 125).

V. Le contentieux électoral

Conformément au procédé adopté jusqu’ici, nous suivrons tout simplement l’évolution des textes depuis la Conférence nationale de 1991.

Aux termes de l’article 145 du code électoral du 8 juillet 1992, tout candidat à l’élection présidentielle pouvait « contester la régularité des opérations électorales sous la forme d’une requête adressée au président de la Cour suprême dans les 48 heures après la proclamation des résultats ». Le président de la Cour en informe le président de la CEN (art. 146) et, si la requête est recevable, statue dans les huit jours qui suivent le dépôt de la requête. De même, en vertu de l’article 185 de ce code, tout candidat à l’élection législative pouvait contester devant la Cour suprême la régularité des opérations électorales dans les 5 jours qui suivent la proclamation des résultats. Le président de la Cour en informe celui de la CEN et, si la requête est recevable, la Cour « statue dans les dix jours qui suivent la proclamation des résultats » (art. 188).

Les mêmes dispositions ont été reconduites lors des révisions de 1993 et de 1997, à cette exception près que la Cour suprême a rétrocédé ses compétences électorales à la Cour constitutionnelle installée en février 1997. Une fois encore, c’est la réforme de l’an 2000 qui a innové en la matière en partageant le contentieux électoral entre la CENI et la Cour constitutionnelle. Pour l’accomplissement de cette nouvelle mission, la loi a autorisé la CENI à mettre en place, « en son sein », une « sous-commission du contentieux » (art. 22). Ainsi était-il prévu, aussi bien pour les élections présidentielles que pour les législatives, que tout candidat pouvait, après la proclamation provisoire des résultats par la CENI, « contester la régularité des opérations électorales sous forme d’une plainte adressée à la CENI » (art. 154), dans un délai de 48 heures pour les présidentielles et de 72 heures pour les législatives. Le président de la CENI transmet la plainte au président de la sous-commission, sans délai. Celle-ci instruit la plainte et statue dans un délai de quatre jours à compter de sa saisine. « S’il ressort de l’examen du dossier des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité et à affecter la validité du résultat d’ensemble du scrutin, la CENI fait reprendre l’élection dans les soixante jours suivant la décision du règlement amiable» (art. 157). Cependant, l’annulation n’est possible qu’« en cas d’accord entre les candidats ». S’il n’y a pas d’accord, la CENI transmet alors le dossier à la Cour constitutionnelle « qui rend sa décision dans un délai de quatre jours ». En cas d’annulation, une nouvelle élection est organisée dans les soixante jours qui suivent la date d’annulation (art. 158).

À bien examiner la procédure, l’on peut affirmer que le transfert du contentieux électoral à la CENI était simplement fictif, car il est très rare que tous les candidats (y compris donc celui qui est déclaré provisoirement vainqueur), se mettent d’accord pour annuler les résultats. C’est dire que, dans la pratique, la sous-commission du contentieux n’aurait jamais pu prononcer une annulation et que, finalement, la Cour constitutionnelle devait toujours avoir le dernier mot. La présence de cette sous-commission constituait donc un obstacle supplémentaire dans le règlement rapide des litiges électoraux. C’est sans doute pour lever cet obstacle que le législateur a supprimé cette sous-commission en 2002. Ainsi, désormais, lorsque la CENI reçoit les plaintes, son président doit les transmettre « sans délai » à la Cour constitutionnelle (art. 164) qui seule est habilitée à y statuer dans un délai de 8 jours à compter de la date de sa saisine (art. 166).

Ainsi, à toutes les étapes du processus électoral, le législateur a restauré en 2002 la procédure préconisée au lendemain de la Conférence nationale.

En guise de conclusion

Au terme de cet exposé, la question qui peut se poser est de savoir pourquoi ce tango de la législation électorale. Celui-ci s’explique essentiellement par la méfiance des partis politiques, surtout ceux de l’opposition, vis-à-vis des institutions électorales qu’ils soupçonnent d’être favorables aux gouvernements en place parce qu’ils sont nommés par le pouvoir exécutif ou élus par la majorité parlementaire.

En effet, tant qu’il s’était agi de parti unique et, par conséquent de candidat unique, l’organisation d’élections relevait de l’administration traditionnelle que personne n’avait de raison de contester. Les Cours suprêmes, parfois secondées par de simples Commissions de recensement des votes, n’avaient que des fonctions symboliques de proclamation solennelle des résultats. Mais, avec la restauration du pluralisme politique en 1991, le gouvernement a perdu ce monopole. Depuis lors, le Togo cherche le meilleur moyen d’assurer des élections aux résultats acceptables par tous. Il pensait avoir trouvé la solution en créant des commissions « indépendantes » à composition paritaire. Mais, cette solution soulève un autre problème ; celui de la politisation des institutions censées être neutres. Chaque composante voulant défendre la cause de sa tendance, l’on aboutit souvent à des blocages lorsqu’il s’agit de prendre des décisions déterminantes telles que la proclamation des résultats des scrutins présidentiels. Ainsi a-t-on assisté à la démission des membres de la CENI en 1993 (opposition), en 1998 (majorité) et en 2003 (opposition).

Qu’il s’agisse de l’administration traditionnelle ou des nouvelles structures, la solution des problèmes que soulève l’organisation d’élections devra donc passer nécessairement par l’instauration d’un climat de confiance au sein de la classe politique.

 

 

IV/Les cadres de l’élection et les opérations préélectorales

A. Les Cours constitutionnelles et le contrôle des actes préparatoires

L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Régis FRAISSE, Chef du Service juridique du Conseil constitutionnel français

Le contrôle des actes préparatoires aux élections politiques est indispensable à la sécurité juridique. En effet, si l’annulation d’opérations électorales, dont le résultat est entaché d’insincérité, répond à une exigence de démocratie, il apparaît difficile, une fois que les électeurs se sont prononcés, d’annuler une élection au motif que la convocation de ces électeurs est entachée d’un simple vice de forme.
Ce constat a amené le Conseil constitutionnel français à intervenir à plusieurs stades de la procédure : comme juge constitutionnel, comme conseil du Gouvernement et comme juge administratif.

I. Le Conseil constitutionnel intervient comme juge constitutionnel

En vertu de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est saisi systématiquement de toutes les lois organiques. Or, en vertu de l’article 6 de la Constitution, les modalités de l’élection du président de la République sont fixées par une loi organique.
S’il s’est déclaré incompétent pour la première loi du 6 novembre 1962, en partie organique, adoptée par référendum en 1962[1], il a ensuite examiné la constitutionnalité de ses dix modifications[2].
Compte tenu du rôle primordial qu’il joue pour cette élection, ce contrôle de constitutionnalité est une garantie essentielle pour le bon déroulement de l’élection présidentielle.
En revanche, le régime électoral des assemblées parlementaires est fixé par la loi ordinaire et non organique. En France, le contrôle de telles lois est facultatif. Il est cependant d’usage que ces lois soient déférées au Conseil constitutionnel. Ce fut notamment le cas, en 1986, de la loi relative à l’élection des députés[3] et, en 2000 et 2003, de celles concernant l’élection des sénateurs[4].
Ces saisines presque systématiques sont d’autant plus importantes pour le respect de la Constitution que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est juge électoral, refuse de se comporter comme juge de la constitutionnalité des lois.

II. Le Conseil constitutionnel intervient comme conseil du Gouvernement

Il est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle ainsi que sur les opérations de référendum national[5]. Il est avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet.
À l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, il a été consulté une vingtaine de fois. Il a pu, par exemple, donner son avis sur les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel fixant les grilles d’émission de la campagne officielle pour chaque tour.
De façon générale, le Conseil constitutionnel a émis des avis favorables aux documents qui lui ont été présentés. Il a quelquefois modifié leur rédaction dans un souci de lisibilité. Mais ses avis demeurent secrets.
Tout cela concourt bien sûr à la sécurité juridique.
En complément de ce rôle consultatif prévu par les textes, il intervient d’office depuis quelques années en présentant au Gouvernement ses observations sur les opérations électorales ou référendaires passées ou même des recommandations sur celles à venir. Il a, par exemple, souhaité que l’outre-mer situé à l’ouest de la France, au-delà la ligne de changement de date, ne vote pas une fois connus les résultats de la métropole mais vote le samedi avant elle. La Constitution a été modifiée sur ce point le 28 mars 2003.

III. Le Conseil constitutionnel intervient comme juge administratif

C’est cette compétence qui est la plus originale car elle n’est pas prévue par les textes.
Avant 1981, ni le Conseil constitutionnel[6] ni le Conseil d’État[7] ne se reconnaissaient compétents pour connaître des actes préalables à une élection : il fallait que l’électeur mécontent attaque le résultat de l’élection en invoquant l’illégalité de l’acte préalable. C’était l’application pure et simple de la théorie de l’exception du recours parallèle qui veut que lorsqu’il existe un recours spécifique (fiscal, électoral), la voie du recours pour excès de pouvoir est fermée.
Mais par une décision Delmas de 1981[8], le Conseil d’État ne se contenta pas de se déclarer incompétent pour se prononcer sur la légalité du décret de convocation du corps électoral pour l’élection des députés, il invita ouvertement le Conseil constitutionnel à se reconnaître compétent : «Considérant qu’il n’appartient qu’au Conseil constitutionnel, en vertu de l’article 59 de la Constitution du 4 octobre 1958, juge de l’élection des députés à l’Assemblée nationale d’apprécier la légalité des actes qui sont le préliminaire des opérations électorales ».
Huit jours plus tard, le Conseil Constitutionnel se reconnut compétent pour contrôler la régularité de cet acte[9].
Tout allait bien dans le meilleur des mondes lorsqu’en 1993, le Conseil d’État fit volte-face en posant sa compétence pour connaître de toutes les décisions préparatoires aux opérations électorales[10].
Que fit le Conseil constitutionnel ? Il réaffirma sa compétence dès 1993[11] et de façon plus appuyée en 1995[12].
Il existait alors deux juges pour connaître d’un même acte.
Compte tenu de l’objet de mon intervention, je passerai sous silence le feuilleton qui s’est engagé ensuite et me contenterai de résumer la situation actuelle. Le partage des tâches entre le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel a été redessiné à la suite d’un « dialogue des juges » conclusif et fécond.
La nouvelle division des tâches est désormais claire et elle ne comprend ni lacune, ni chevauchement.
Le fondement de la compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires à une élection est le même pour les élections législatives, le référendum et l’élection présidentielle.
Les trois conditions permettant le déclenchement de cette compétence exceptionnelle sont alternatives: risque que ne soit gravement compromise l’efficacité du contrôle des opérations électorales; risque que ne soit vicié le déroulement général du vote ; atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.
Cette compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires exclut les actes de portée permanente (par exemple : décret du 8 mars 2001 régissant l’élection présidentielle). Elle exclut également les actes accessoires (délibérations du CSA) ou d’importance secondaire (circulaires), ainsi que ceux portant sur des opérations partielles (convocation à une élection législative ou sénatoriale partielle par exemple). Les uns et les autres restent de la compétence du Conseil d’État.
La compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel semble devoir se limiter désormais aux décrets de convocation et, en matière de référendum, au décret d’organisation spécifique à chaque référendum.
En revanche, aucun juge ne se reconnaît compétent pour examiner un décret de dissolution[13].

À l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, le Conseil constitutionnel a été saisi de requêtes dirigées contre 13 actes préparatoires. Il a décliné sa compétence pour dix d’entre eux, a rejeté une requête pour irrecevabilité et deux au fond.
Il n’existe aucune règle de procédure particulière concernant ce contentieux.
Les requêtes sont enregistrées au greffe mais elles ne reçoivent aucun numéro d’enregistrement… Ce sont donc des requêtes-fantômes!
Pour leur instruction, le Conseil constitutionnel adopte les méthodes du Conseil d’État.
La requête est communiquée au Gouvernement pour qu’il puisse se défendre. Le mémoire en défense est communiqué au requérant.
Le Conseil constitutionnel se prononce d’abord sur sa compétence exceptionnelle.
S’il est compétent, il regarde si la requête est recevable et notamment si le requérant a un intérêt à agir.
Puis, il examine le fond de la requête. À ce jour, il a toujours rejeté les requêtes qui émanaient le plus souvent de procéduriers.
Si l’élection est passée, il prononce un non lieu à statuer.
La décision est ensuite notifiée aux pouvoirs publics et publiée au Journal officiel.


  • [1]
    Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, loi relative à l’élection du président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962, Recueil, p. 27.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée par les lois organiques n° 76-528 du 18 juin 1976, n° 83-1096 du 20 décembre 1983, n° 88-35 et 88-36 du 13 janvier 1988, n° 88-226 du 11 mars 1988, n° 90-383 du 10 mai 1990, n° 95-62 du 19 janvier 1995, n° 95-72 du 20 janvier 1995, n°99-209 du 19 mars 1999 et n° 2001-100 du 5 février 2001.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Décision n° 86-208 DC du 2 juillet 1986, loi relative à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, Recueil, p. 78.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000, loi relative à l’élection des sénateurs, Recueil, p. 98 et décision n° 2003- 475 DC du 24 juillet 2003, loi portant réforme de l’élection des sénateurs, Recueil, p. 400.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Sur le fondement du III de l’art. 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 (modifiée en dernier lieu par la loi organique du 5 février 2001) et de l’article 46 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Cons. const., 5 février 1975, Recueil, p. 45.  [Retour au contenu]
  • [7]
    C.E., 14 juin 1963, Bellot, Recueil Lebon, p. 364.  [Retour au contenu]
  • [8]
    CE, 3 juin 1981, Delmas, Recueil Lebon, p. 244.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Cons. const., 11 juin 1981, Delmas, Recueil, p. 97.  [Retour au contenu]
  • [10]
    C.E., Ass. 12 mars 1993, Union nationale écologiste et Parti pour la défense des animaux, Recueil Lebon, p. 67 ; 26 mars 1993, Parti des travailleurs, Recueil Lebon, p. 88.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Cons. const., 17 décembre 1993, requête présentée par Monsieur Alain MEYET, Recueil, p. 570.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Cons. const., 8 juin 1995, Bayeurte, Recueil, p. 213.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Cons. const., 4 juin 1988, Minvieille, Recueil, p. 79.  [Retour au contenu]
B. Les Cours constitutionnelles et les questions relatives aux circonscriptions électorales

L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique : l’utilisation du découpage des circonscriptions en vue de la protection des minorités linguistiques

Mme Bernadette RENAULD, Référendaire de la Cour d’arbitrage de Belgique

La Cour d’arbitrage a été saisie de recours contre la loi du 13 décembre 2002, modifiant, entre autres, les circonscriptions électorales pour les élections législatives. Cette loi devait être applicable dès le prochain scrutin, c’est-à-dire moins de six mois plus tard.
Jusqu’à la réforme de 1993, la Belgique était divisée en neuf provinces, Bruxelles appartenant à la seule province bilingue – le Brabant –, qui comportait, en outre, une partie en Flandre et une partie en Wallonie. Bruxelles est une région au statut linguistique officiellement bilingue, enclavée dans la région de langue néerlandaise. Dans la périphérie bruxelloise, qui est institutionnellement unilingue néerlandophone, vivent de nombreux francophones. Lors de la réforme de 1993, le nombre de provinces a été porté à dix : la province de Brabant a été divisée en «Brabant flamand » d’une part, et en «Brabant wallon » d’autre part. Bruxelles, quant à elle, a été « extraprovincialisée », elle ne relève d’aucune province, mais ne forme pas non plus de province à elle seule. Les compétences exercées par les provinces dans le reste du pays sont exercées à Bruxelles par les institutions régionales.
Antérieurement à la loi du 13 décembre 2002, le territoire belge était divisé en circonscriptions électorales plus petites que les provinces. Chaque circonscription élisait, conformément à la Constitution, un nombre de députés correspondant à l’importance de sa population.
La loi du 13 décembre 2002 établit de plus grandes circonscriptions que par le passé, en les faisant coïncider avec le territoire des provinces. Le principe constitutionnel de la répartition des sièges en fonction de l’importance de la population de chaque circonscription/province n’est pas modifié.
Un problème se pose cependant pour Bruxelles: ne faisant plus partie d’une province, elle n’est plus non plus immédiatement comprise dans une circonscription.
Deuxième problème, plus délicat, toujours pour Bruxelles: sous l’empire de la législation électorale antérieure, la circonscription électorale à laquelle appartenait la capitale était plus large, et englobait deux municipalités de la périphérie, néerlandophones: on parlait de l’arrondissement électoral de «Bruxelles-Hal-Vilvorde ». Cette construction permettait aux électeurs francophones, établis nombreux dans ces communes périphériques, de voter pour des candidats francophones bruxellois, et aussi aux électeurs néerlandophones habitant Bruxelles, peu nombreux, de voir leur position renforcée par l’apport des voix des néerlandophones de la périphérie. Cet arrondissement bilingue, englobant Bruxelles et une partie de sa périphérie, reposait sur un accord politique délicat entre francophones et néerlandophones, et faisait partie de ce que la Cour elle-même a qualifié, dans un arrêt de 1994, des mesures nécessitées par « la recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’État belge » (arrêt n° 90/94).
Cet arrondissement électoral « à cheval » sur Bruxelles et une partie de la province du Brabant flamand se concevait parfaitement lorsque les arrondissements électoraux n’étaient pas définis par référence aux provinces. Mais dès le moment où il fait coïncider les circonscriptions électorales et les provinces, tout en refusant de scinder la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, le législateur crée un problème, car une province, celle du Brabant flamand, qui comprend Hal-Vilvorde mais aussi Louvain, ne correspond pas à un arrondissement électoral, à la différence de toutes les autres.
Le législateur invente alors une solution inédite et assez complexe : il jette un pont électoral entre les circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde et Louvain, tout en les laissant subsister en tant que circonscriptions. Un commentateur avait qualifié ce système de « chef d’œuvre d’ingénierie belge du compromis »[1].
En pratique, le système, s’il n’avait pas été suspendu par la Cour d’arbitrage, aurait conduit à la situation suivante : les électeurs de Louvain auraient pu voter pour un candidat de Louvain ou pour un candidat de Bruxelles, les électeurs bruxellois choisissant de voter pour une liste néerlandophone auraient pu, quant à eux, voter pour un candidat bruxellois ou pour un candidat de Louvain, car les listes néerlandophones étaient communes aux deux circonscriptions. Par contre, les électeurs bruxellois choisissant de voter pour une liste francophone ne pouvaient voter que sur les listes présentées à Bruxelles, et pas sur les listes présentées dans d’autres circonscriptions électorales de Belgique francophone.
La Cour a été saisie de recours en annulation assortis de demandes de suspension portant sur cette loi électorale. Elle a, à trois mois des élections législatives, suspendu ce système (arrêt n° 30/2003), et l’a annulé peu après (arrêt n° 73/2003).
Concernant l’intérêt à agir des personnes qui poursuivaient l’annulation, elle considère, de manière tout à fait classique dans sa jurisprudence, que « le droit de vote est le droit politique fondamental de la démocratie représentative, et que tout électeur ou tout candidat justifie de l’intérêt requis pour demander l’annulation de dispositions susceptibles d’affecter défavorablement son vote ou sa candidature. » Implicitement, elle admet donc que la modification de la division du territoire en circonscriptions électorales pourrait affecter le vote ou la candidature des citoyens. Concernant la question du « pont » entre deux circonscriptions électorales, elle considère qu’il permettait des glissements de sièges entre les deux circonscriptions électorales concernées, ce qui est contraire à l’article 63, § 2, alinéa 1er, de la Constitution, lequel précise : « chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur électoral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par 150 ». La Cour estime donc qu’il y a rupture d’égalité entre les électeurs puisque les électeurs concernés par le « pont électoral » ne jouissent pas, contrairement à tous les autres électeurs belges, de la garantie constitutionnelle d’être également représentés à la Chambre des représentants.
L’existence même de l’arrondissement bilingue, non calqué sur une province, pour BruxellesHal-Vilvoorde, avait quant à elle déjà été contestée devant la Cour en 1994. À ce moment, la Cour s’était référée à l’exigence du maintien de la paix communautaire pour justifier l’existence de cette curiosité, et donc le maintien des garanties offertes ainsi aux minorités linguistiques de la périphérie (minorités francophones) et de Bruxelles (minorité néerlandophone).
En 2002, le contexte est différent puisque le législateur a décidé de modifier les circonscriptions pour les faire correspondre aux provinces. La Cour le constate, tout en répétant que le maintien de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde « procède du souci, déjà constaté dans l’arrêt de 1994, de recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’État belge. » Elle ajoute que « les conditions de cet équilibre ne sont pas immuables », mais qu’elle « substituerait son appréciation à celle du législateur si elle décidait qu’il doit être mis fin, dès à présent, à une situation qui a jusqu’ici emporté l’adhésion du législateur, alors qu’elle n’a pas la maîtrise de l’ensemble des problèmes auxquels il doit faire face pour maintenir la paix communautaire » (arrêt n° 73/2003).
Elle précise enfin qu’une nouvelle composition des circonscriptions électorales peut être accompagnée de modalités spéciales pour les circonscriptions provenant de l’ancienne province bilingue de Brabant, afin de garantir les intérêts légitimes des minorités linguistiques de cette ancienne province. Elle donne alors un délai de quatre ans (une législature) au législateur pour prévoir un nouveau découpage des circonscriptions dans cette partie du pays, tout en lui permettant d’adopter des règles spécifiques en vue de la protection des minorités.

*

Une autre particularité du découpage en circonscriptions électorales en Belgique concerne toujours Bruxelles, mais cette fois pour les élections régionales. Bruxelles forme une Région, bilingue, dotée d’un pouvoir législatif qui comprenait 75 membres. Jusque récemment, les électeurs bruxellois avaient le choix entre des listes francophones ou des listes néerlandophones (la législation interdisant la constitution de listes bilingues), et le nombre d’élus de chaque groupe linguistique était déterminé par le vote des électeurs. Ainsi, lors des dernières élections selon ce système, il y avait 11 élus néerlandophones et 64 élus francophones.
Par la loi du 13 juillet 2001, le législateur a voulu offrir une représentation garantie plus importante à la minorité néerlandophone de Bruxelles. Il a, d’une part, augmenté le nombre total de conseillers régionaux bruxellois, ils sont désormais 89. Il a, d’autre part, fixé à 17 le nombre de sièges attribués aux néerlandophones. Ceux-ci sont donc, par rapport au nombre de leur population, surreprésentés. Mais ce qui fait la particularité du système, c’est qu’il y a une seule circonscription, un seul collège électoral : les électeurs peuvent librement se déterminer pour les listes francophones ou néerlandophones, il n’y a pas d’identité linguistique. On a donc un système avec un seul collège électoral, une seule circonscription, pour deux groupes de sièges, deux groupes d’élus.
La surreprésentation des membres d’un des deux groupes linguistiques, a pour conséquence que le poids du vote est fonction du groupe linguistique pour lequel on choisit de voter: l’électeur exprimant son vote sur une liste néerlandophone exprime un vote qui a « plus de poids », car il est nécessaire d’obtenir moins de voix pour être élu sur une liste néerlandophone que sur une liste francophone.
Saisie d’un recours contre cette disposition, la Cour l’a validée, en considérant que «même s’il devait être démontré, lors des prochaines élections, qu’un déséquilibre existe entre le nombre de voix qui a été nécessaire pour obtenir un siège néerlandophone et pour obtenir un siège francophone, l’atteinte portée au principe de la représentation proportionnelle ne pourrait être jugée disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par le législateur spécial, à savoir assurer aux représentants du groupe linguistique le moins nombreux les conditions nécessaires à l’exercice de leur mandat, et, par là, garantir un fonctionnement démocratique normal des institutions concernées » (arrêt n° 35/2003).


  • [1]
    G. ROSOUX, « Leçons de l’éphémère. La Cour d’arbitrage et le « renouveau » électoral – la Cour d’arbitrage et la suspension », R.B.D.C., 2003, p. 13.  [Retour au contenu]

 

C. Les Cours constitutionnelles et les candidatures

L’expérience de la Cour constitutionnelle de Bulgarie

M. Kiril MANOV, Secrétaire général de la Cour constitutionnelle de Bulgarie

L’élection du président et du vice-président de la République, celle des députés, des organes de l’autogestion locale et des maires des collectivités locales sont régies par des lois spécifiques. L’organisation de l’ensemble de ces élections (enregistrement des candidatures, déroulement des élections, proclamation des résultats) est confiée à la Commission électorale centrale et aux commissions électorales des circonscriptions. Le contrôle juridictionnel en matière de respect des lois sur les élections relève des compétences du système judiciaire, y compris de la Cour suprême administrative.
Parmi les huit compétences conférées par la Constitution à la Cour constitutionnelle, il y en a cinq qui se rapportent soit directement soit indirectement au processus électoral, à savoir: l’interprétation contraignante de la Constitution, le contrôle de la constitutionnalité des lois, le règlement des litiges liés à constitutionnalité des partis et des associations politiques, le règlement des contentieux relatifs à la légalité de l’élection du président et du vice-président de la République, le règlement des contentieux relatifs à la légalité de l’élection des députés.

Contrôle de la constitutionnalité des lois

La Cour constitutionnelle a été saisie par le Procureur général de la constitutionnalité de la loi sur l’élection des députés. Cette dernière disposait que pendant la durée de la campagne électorale, les candidats à la députation et les personnes chargées de l’organisation de leur campagne électorale, ne peuvent être ni arrêtés ni poursuivis pénalement sauf en cas de crime grave. Selon l’auteur de la requête, ce texte est contraire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens et traite des immunités alors que celles-ci ne peuvent pas être accordées par la loi.
La Cour constitutionnelle a considéré que cette disposition représentait une garantie de l’exercice libre du droit de suffrage actif et passif et qu’elle était pour cette raison indispensable à la société. Il s’agissait d’inviolabilité pénale et non d’accorder une immunité au sens propre, c’est-àdire une irresponsabilité pénale.
La Cour a rejeté cette requête.
Dans une autre affaire, le Procureur général a saisi la Cour constitutionnelle en vue d’établir l’inconstitutionnalité d’un article de la loi sur l’élection des députés, des conseillers municipaux et des maires, auquel renvoyait également un paragraphe de la loi sur l’élection du président de la République et du vice-président de la République. Les dispositions en cause formulaient l’interdiction de publier les résultats des sondages d’opinion dans les deux semaines qui précèdent les élections et le jour même de l’élection.
Dans l’exposé des motifs de cette décision, la Cour a signalé le grand intérêt que peuvent susciter auprès des citoyens les sondages d’opinion sur l’élection du président et du vice-président de la République en période préélectorale. L’interdiction de diffuser ce type d’information constitue une limitation aux droits des citoyens d’obtenir et de diffuser des informations garantis à l’article 41 de la Constitution.
En conséquence, la Cour a déclaré contraires à la Constitution les dispositions en question.
Un groupe de députés a saisi de son côté la Cour constitutionnelle d’une requête visant à l’établissement d’inconstitutionnalité de deux articles de la loi sur l’élection des députés. Selon les auteurs de la requête, les dispositions attaquées empêchaient l’exercice du droit de vote aussi bien actif que passif en le faisant dépendre de la situation de fortune des citoyens. La question ainsi posée était de déterminer qui devait se charger des dépenses d’impression des bulletins de vote.
L’article 10 de la Constitution dispose que les élections ont lieu au suffrage universel, égal, direct et scrutin secret. Aux termes de l’article 11 alinéa 11 de la Constitution, la vie politique en Bulgarie est fondée sur le principe du pluralisme politique. Aussi, la Cour a considéré que la loi ne devait pas créer des restrictions ou empêcher la participation des petits partis politiques ou des candidats indépendants au processus électoral.
Ainsi, la Cour constitutionnelle a déclaré contraires à la Constitution les dispositions en question de la loi susmentionnée. En conséquence de cette décision, les dépenses d’impression des bulletins de vote ont été pris en charge par l’État.

Questions liées à la procédure

Un groupe de députés a saisi la Cour constitutionnelle d’une requête en interprétation contraignante des termes de l’article 93 de la Constitution. Plus précisément, les députés ont demandé à la Cour si l’organisation du second tour de l’élection du président de la République pour les candidats ayant recueilli le plus grand nombre de votes était conditionnée à la participation de plus de la moitié des électeurs au premier tour.
Dans les motifs de la décision, la Cour a indiqué que pour élire le chef de l’État au premier tour il était nécessaire de remplir les deux conditions suivantes: le candidat devait avoir recueilli plus de la moitié des suffrages exprimés et plus de la moitié des électeurs devaient avoir participé au scrutin. Ces deux conditions sont cumulatives et ont la même valeur. Par conséquent, lorsque le nombre de votants est inférieur à la moitié du nombre d’électeurs, aucun candidat ne peut être élu. Un second tour est alors organisé auquel peuvent se présenter les deux candidats ayant reçu le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Sera élu le candidat ayant recueilli le plus de suffrages. L’exigence relative au nombre d’électeurs qui ont voté n’est plus valable au second tour.
Par cette décision, rendue en 1996, la Cour constitutionnelle admet que l’article 93 alinéa 3 de la Constitution définit les conditions selon lesquelles le président de la République peut être élu dès le premier tour. Elles sont clairement exprimées:

  1. le candidat doit avoir recueilli plus de la moitié des suffrages exprimés;
  2. plus de la moitié des électeurs doivent avoir participé au scrutin.

L’alinéa 4 de l’article 93 de la Constitution s’applique lorsque le président de la République n’est pas élu au premier tour. Dans ce cas, un second tour a lieu indépendamment du fait que plus de la moitié des électeurs n’ont pas voté. Dans tous les cas, le scrutin a lieu dans un délai de sept jours après le premier tour.

Par une autre requête, la Cour constitutionnelle a été saisie de la question de savoir si les députés, qui n’ont pas prêté serment conformément à l’article 76 alinéa 2 de la Constitution, devaient être considérés comme entrés en fonction et s’ils pouvaient exercer leurs pouvoirs.
Le symbole moral et politique de la prestation de serment n’exclut pas une valeur juridique. La prestation du serment constitutionnel représente une garantie constitutionnelle classique de la primauté de la Constitution sur l’organe législatif. Pour cette raison tous les députés doivent prêter serment. Cet acte conditionne aussi l’entrée en fonction des députés.
Par sa décision de 1992, la Cour constitutionnelle a considéré que les députés, qui n’ont pas prêté serment conformément à l’article 76 alinéa 2 de la Constitution, n’ont pas pris leur fonction.
Un contentieux similaire a été soumis à la Cour en 2001. Dans ce cas, la Cour a dû se prononcer sur la légalité de l’élection d’un député suite à l’annulation de la Cour suprême administrative de la décision de la Commission électorale. La requête fut rejetée.

Conditions requises pour être candidat à l’élection présidentielle et aux élections législatives

Les conditions que doit remplir une personne pour présenter sa candidature à l’élection présidentielle sont définies dans l’article 93 alinéa 2 de la Constitution dans les termes suivants:
« Peut être élu président de la République tout citoyen bulgare de naissance, qui a 40 ans révolus, qui répond aux conditions d’éligibilité des députés et qui a vécu dans le pays au cours des cinq dernières années. »
Cette question a fait l’objet de trois décisions de la Cour constitutionnelle.
La première décision a été rendue en 1996 sur saisine d’un groupe de députés. Ces derniers ont souligné la nécessité d’une interprétation claire de l’article 93 alinéa 2 de la Loi fondamentale. En effet, les diverses lois sur la citoyenneté qui se sont succédées récemment en Bulgarie ont imposé des règles différentes.
Dans sa décision, la Cour constitutionnelle admet que la citoyenneté bulgare par naissance est acquise à la naissance et par effet de la loi (ex lege). Le constituant a clairement manifesté sa volonté que le président de la République doit être bulgare dès sa naissance. Une personne est considérée comme bulgare de naissance lorsque, à sa naissance, elle remplit les conditions de la loi en vigueur sur la nationalité et lorsque la citoyenneté bulgare n’a pas été précédée par une autre nationalité.
À la suite de cette décision, un candidat à l’élection présidentielle, né aux États-Unis d’Amérique et ayant acquis la nationalité américaine à sa naissance, n’a pas pu participer à l’élection.
La deuxième affaire portée devant la Cour concerne un candidat qui n’a pas pu participer à l’élection présidentielle parce qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence de résidence (« avoir vécu » selon les termes de la Constitution) dans le pays pendant les cinq dernières années.
Dans sa décision interprétative, la Cour constitutionnelle admet que les exigences constitutionnelles auxquelles le candidat doit satisfaire sont davantage des critères de fait que des critères formels ou juridiques. Pour comprendre le contenu de cette exigence, il faut interpréter le sens des mots utilisés dans le texte constitutionnel. « Avoir vécu » est un état physique de l’individu, ayant un rapport avec un lieu précis où la personne a séjourné effectivement et durablement. Le lieu où l’on séjourne ne peut être considéré comme le « lieu où l’on vit » que s’il s’agit d’un séjour durable. Dans ce cas, il s’agit d’un critère de fait. Complètement différents sont les critères d’ordre formel et juridique comme le lieu de résidence et d’enregistrement de l’adresse. La deuxième notion utilisée dans le texte est celle de « pays ». Il s’agit sans équivoque du territoire de la République de Bulgarie. Le troisième critère est celui de la durée pendant laquelle le candidat a vécu en Bulgarie. Selon l’interprétation, il s’agit de cinq années astronomiques.
Ainsi, dans sa décision de 2001, la Cour constitutionnelle a considéré qu’un citoyen bulgare, candidat à l’élection du président de la République, avait vécu dans le pays au cours des cinq dernières années au sens de la Constitution, lorsqu’il avait séjourné effectivement et durablement sur le territoire du pays pendant plus de la moitié de chacune des cinq années précédant la date de l’élection. Le temps passé à l’étranger par un citoyen bulgare qui y est envoyé par l’État est comptabilisé dans les cinq années.
En conséquence, une des candidatures à l’élection présidentielle de 2001 a été invalidée.
L’article 65 alinéa 1 de la Constitution dispose que peut être élu député tout citoyen bulgare qui n’a pas d’autre nationalité, a 21 ans révolus, n’est pas sous tutelle et ne purge pas une peine de privation de liberté.
Dans une requête déposée à la Cour constitutionnelle, le Procureur général demande l’invalidation de l’élection d’un député. Il allègue la violation de la disposition constitutionnelle citée ci-dessus et de l’article 3 alinéa 1 de la loi sur l’élection des députés, des conseillers municipaux et des maires. L’affaire concernait une personne qui au moment de l’enregistrement de sa candidature au Parlement et après son élection, avait gardé la nationalité américaine. Ont été joints à la requête des documents échangés entre le demandeur et l’Ambassade des États-Unis d’Amérique à Sofia. Dans trois lettres de l’Ambassadeur, des informations contradictoires sont communiquées, à savoir: le député en question est citoyen américain ; il a répudié sciemment la nationalité américaine à la suite de quoi il a perdu cette nationalité ; le gouvernement des États-Unis a décidé que la personne en question n’était pas citoyen américain. Étant donné ces contradictions, l’Ambassade a confirmé par la suite le contenu des trois lettres et a déclaré qu’elles étaient exactes au regard de la situation à l’époque à laquelle elles avaient été rédigées et qu’elles l’étaient toujours.
Dans une décision de 1995, la Cour constitutionnelle a admis comme établi le fait, que la personne en question était inéligible au moment du dépôt de sa candidature et aussi lorsqu’il a été élu député. La Cour a donc suspendu son mandat.

Incompatibilité du statut de député avec d’autres activités

L’article 68 alinéa 1 de la Constitution établit que les députés ne peuvent pas occuper un emploi public ou exercer une activité qui, aux termes de la loi, est incompatible avec leur statut de député. Dès que l’incompatibilité est constatée, le mandat du député est suspendu avant terme conformément à l’article 72 alinéa 1 point 3.
En 1992, la Cour constitutionnelle est saisie d’une requête posant la question du statut d’un député n’ayant pas quitté ses fonctions de directeur d’une entreprise publique. Le député en question avait déposé devant l’Assemblée nationale deux demandes consécutives en vue de la suspension de son mandat parlementaire, préférant continuer d’exercer ses fonctions de directeur, mais les demandes avaient été rejetées. La Cour constitutionnelle n’a pas examiné la constitutionnalité de la décision de l’Assemblée nationale concernant la démission présentée par le député parce qu’elle n’a pas été saisie de cette question. Elle s’est prononcée sur le fond de l’affaire.
Par la décision qu’elle a rendue en 1992 sur cette affaire, la Cour a suspendu le mandat du député pour incompatibilité entre son statut parlementaire et l’activité qu’il exerçait.
Une requête en interprétation de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution a posé la question de savoir si les activités suivantes sont incompatibles avec le statut de député : participation rémunérée au conseil d’administration, de surveillance ou de contrôle d’une société à participation publique ou municipale ; participation rémunérée à une banque à participation publique ; participation rémunérée à une commission gouvernementale ou autre organisme similaire.
Par une décision de 1993, la Cour constitutionnelle a considéré que les députés ne pouvaient pas exercer les fonctions suivantes: membres de commissions gouvernementales ou de conseils, agences, centres ou autres structures similaires de l’État ; membres des organes d’entreprises publiques et municipales; membres de sociétés, de sociétés commerciales à participation publique et municipale lorsque les fonctions à exercer leur sont confiées par des actes émanant des organes du pouvoir exécutif (ordre, prescriptions, décisions) et aux termes des contrats de gestion ayant trait à ces actes.
Une autre requête introduite devant la Cour constitutionnelle portait sur l’élection d’un député au poste de président de l’Assemblée générale des Nations unies.
Selon les règles de procédure de l’Assemblée générale de l’ONU, ne peut être élu au poste de président de l’Assemblée générale de l’ONU qu’un représentant d’un pays membre des Nations unies (chef ou membre de la délégation de ce pays). En ce qui concerne le député bulgare élu à ce poste, il avait obtenu l’autorisation par un acte émanant du Conseil des ministres bulgare, lequel acte fixait aussi le nouveau montant de sa rémunération. Même après son élection au poste de président de l’Assemblée générale de l’ONU, la personne en question avait conservé sa qualité de membre de la délégation bulgare, c’est-à-dire il continuait d’exercer des fonctions publiques.
Par sa décision interprétative rendue en 1993, la Cour constitutionnelle a statué que l’incompatibilité au sens de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution s’appliquait aussi à la personne exerçant les fonctions de président de l’Assemblée générale de l’ONU. En sa qualité de membre de la délégation bulgare, la personne en question exerçait des fonctions publiques se trouvant ainsi placée en situation d’incompatibilité avec son mandat de député.

Suspension ou interruption de l’exercice des fonctions publiques de la part du candidat à la députation

La Cour a été saisie d’une requête en interprétation contraignante de l’article 65 alinéa 2 de la Constitution, à propos de l’expression ils « suspendent leur activité » aux postes publics après l’enregistrement de leur candidature.
Tout candidat aux législatives, qui exerce des fonctions publiques doit les suspendre, ce qui signifie selon la Cour constitutionnelle qu’il ne doit plus exercer les activités découlant de ce poste ni toute autre fonction liée à celui-ci.
Selon la Cour constitutionnelle, l’expression ils « suspendent leur activité » signifie que chaque candidat conserve l’emploi public qu’il occupe, mais ne peut pas exercer les fonctions qui en découlent. Ainsi, s’il n’est pas élu, il pourra retrouver son poste.
Un groupe de députés a introduit une requête en interprétation de l’article 97 de la Constitution. Les députés considéraient que la disposition en question laissait entendre que le mandat du président de la République est suspendu avant échéance lorsqu’il se porte candidat à la prochaine élection présidentielle.
La Cour constitutionnelle a considéré que la place qui est réservée au président de la République dans la hiérarchie des organes publics et les fonctions qu’il exerce, exigent qu’il jouisse d’un statut stable. La Constitution de son côté ne prévoit pas de restrictions en ce sens. La Constitution prévoit que le président de la République peut être réélu, ce qui laisse penser qu’il ne soit pas contraint d’interrompre ses fonctions. La Cour n’a pas partagé l’opinion des députés selon laquelle le président en exercice disposerait d’avantages injustifiés pour la campagne électorale, l’égalité des candidats étant garantie par d’autres moyens.
Ainsi, dans une décision rendue en 1991, la Cour constitutionnelle a statué que le mandat du président en exercice n’est pas suspendu au cas où il se porterait candidat à la prochaine élection présidentielle.
En 2001, la Cour constitutionnelle fut saisie d’une requête en interprétation contraignante de l’article 65 alinéa 2 et de l’article 68 alinéa 1 de la Constitution pour savoir si le Premier ministre, les vice-premiers ministres et les ministres occupaient un emploi public au sens des dispositions mentionnées et si cette situation ne suscitait pas d’incompatibilité.
La Cour a présenté les arguments suivants: Le Conseil des ministres est un organe suprême du pouvoir exécutif et son statut doit être stable. Les pouvoirs conférés par l’Assemblée nationale aux membres du Conseil des ministres ne peuvent être cédés à d’autres personnes, ni même aux viceministres. Le Conseil des ministres exerce les fonctions qui lui sont conférées par la Constitution et qui ne peuvent être suspendues. Il est impossible de laisser le pays sans un pouvoir exécutif jouissant de toutes ses capacités pendant la durée de la campagne électorale. En outre, il existe une règle selon laquelle le Conseil des ministres continue d’exercer ses fonctions jusqu’à la formation du nouveau Gouvernement.
La Cour constitutionnelle a donc considéré que la condition limitative de l’article 65 alinéa 2 de la Constitution ne s’applique pas aux membres du Conseil des ministres même s’ils se portent candidats aux élections parlementaires.
En 2001, la Cour constitutionnelle a rendu une nouvelle décision sur une question similaire.

Conclusion

La Cour constitutionnelle de la République de Bulgarie a toujours rendu ses décisions sur les affaires portées devant elle à la suite d’une discussion de positions diverses et souvent opposées des organes de l’État, des organisations publiques et des milieux politiques. D’autre part, les juges euxmêmes peuvent avoir des divergences de vue qu’ils expriment sous la forme d’opinions dissidentes.
L’exposé que je viens de présenter permet de conclure que par ses décisions en interprétation de la Constitution et par les affaires qui lui sont soumises, la Cour constitutionnelle de la République de Bulgarie joue un rôle essentiel pour la protection de l’ordre constitutionnel, la primauté de la loi et le déroulement normal du processus électoral dans le pays.

 

L’expérience de la Cour suprême du Cameroun

M. Joseph YOUMSI, M. Dagobert BISSEK et M. Moïse EBONGUE, Conseillers de la Cour suprême du Cameroun

Dans le système politique camerounais, pour être candidat à une élection, il faut remplir les conditions d’éligibilité prévues pour ladite élection et faire une déclaration de candidature dans les conditions fixées par la loi relative à l’élection concernée.
La candidature peut être acceptée ou rejetée par l’autorité administrative (préfet pour les élections parlementaires, ministre chargé de l’Administration territoriale pour l’élection présidentielle).
L’acceptation ou le rejet de la candidature peut faire l’objet de contestation devant le Conseil constitutionnel.
Ce contre-poids au pouvoir de l’administration a été instauré au Cameroun par la Constitution du 18 janvier 1996. Son titre VIII (articles 46 à 52) définit le Conseil constitutionnel comme un « organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics ».
En plus des fonctions de contrôle de la constitutionalité de lois, la Constitution lui attribue des fonctions électorales. À ce titre, il est chargé de veiller à la régularité des élections présidentielles et parlementaires ainsi que des référendums (article 48).
L’article 52 réserve à la loi le soin d’organiser le fonctionnement du Conseil constitutionnel ainsi que les modalités de saisine et la procédure applicable devant lui.
Le Conseil constitutionnel n’a cependant pas encore été mis en place. Ainsi dans le cadre des dispositions transitoires, l’article 67 a prévu que « la Cour suprême exerce les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à la mise en place de celui-ci ».
C’est dans ce cadre que la Cour suprême a eu à connaître des contestations relatives aux candidatures pour les élections parlementaires de 1997 et 2002 et l’élection présidentielle de 1997 suivant des critères précis.

I. Le cadre des compétences du Conseil constitutionnel relatives aux candidatures électorales

Le cadre législatif des compétences du Conseil constitutionnel en matière électorale est défini par la loi n° 91/80 du 16 décembre 1991 modifiée par la loi n° 97/13 du 19 mars 1999 relative à l’élection parlementaire et la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République.
Le Conseil constitutionnel n’est compétent que pour le contrôle des élections parlementaires et présidentielles. En ce qui concerne les élections municipales, ce contrôle est confié à la Chambre administrative de la Cour suprême.
La saisine du Conseil constitutionnel est plus ouverte en ce qui concerne les élections parlementaires. En effet, la décision prise par le préfet pour accepter ou pour rejeter une candidature ou une liste de candidats peut être attaquée devant le Conseil constitutionnel par le candidat, le mandataire de la liste intéressée ou de toute autre liste, et par tout électeur inscrit sur les listes électorales.
Le délai de saisine varie suivant l’élection considérée. Il est de deux jours suivant la publication des candidatures à l’élection présidentielle. Pour les élections des députés à l’Assemblée nationale, ce délai est de cinq jours suivant la notification de la décision de rejet de la candidature.
Le texte prévoit la possibilité d’attaquer la décision d’acceptation d’une candidature à l’élection parlementaire sans précision cependant sur le délai pour agir.
Un délai maximum de quinze jours à compter du dépôt de la requête est imparti au Conseil constitutionnel pour statuer sur la requête.
La décision du Conseil constitutionnel qui intervient à la suite du recours contre le rejet ou l’acceptation d’une candidature électorale est, pour exécution, immédiatement notifiée à l’auteur de la décision attaquée qui peut être soit le ministre de l’Administration territoriale pour l’élection présidentielle, soit le préfet pour l’élection parlementaire. La même décision est notifiée aux parties intéressées uniquement en ce qui concerne l’élection présidentielle.
La validité de la décision d’acceptation ou de rejet de la candidature est appréciée au regard des critères légaux.

II. Les critères de validation des décisions administratives d’admission ou de rejet d’une candidature

Les griefs contre les décisions d’acceptation ou de rejet d’une candidature peuvent porter soit sur la violation d’une condition d’éligibilité soit sur l’irrégularité de la déclaration de candidature.

Le candidat à l’élection présidentielle doit :

  • jouir de ses droits civiques et politiques;
  • avoir trente-cinq ans révolus à la date du scrutin ;
  • être citoyen camerounais d’origine ;
  • justifier d’une résidence continue sur le territoire national d’au moins douze mois consécutifs;
  • justifier d’une inscription sur les listes électorales à la date du scrutin ;
  • être investi par un parti politique ou si l’on est candidat indépendant, être présenté par au moins trois cents personnalités originaires de toutes les dix provinces à raison de trente par province.

Les compétences du Conseil constitutionnel relatives aux candidatures électorales s’exercent dans un cadre précis. Ce cadre est limité par les conditions de saisine.
Le Conseil constitutionnel doit être saisi par requête. Celle-ci, en matière d’élection présidentielle, doit être, introduite exclusivement par un candidat, un parti politique ou toute personne ayant la qualité d’agent du Gouvernement.
S’agissant des élections à l’Assemblée nationale, tout citoyen camerounais sans distinction de sexe peut être inscrit sur une liste de candidats. À cette fin, il doit :

  • jouir du droit de vote ;
  • être régulièrement inscrit sur une liste électorale ;
  • être âgé de vingt-trois ans révolus à la date du scrutin ;
  • savoir lire et écrire dans l’une au moins des deux langues officielles, l’anglais ou le français.

L’intention de se porter candidat aux élections présidentielles ou parlementaires est manifestée par une déclaration de candidature revêtue de la signature ou des signatures légalisées du ou des candidats.
À peine d’irrecevabilité, la déclaration de candidature doit contenir des indications que la loi précise et être accompagnée des documents énumérés dans chaque cas.

En effet, l’article 54 de la loi sur l’élection présidentielle dispose :
«

  1.  Les déclarations de candidatures doivent indiquer:
    1. Les nom, prénom, date et lieu de naissance, profession et domicile des intéressés;
    2. La couleur, le signe et le titre choisis pour l’impression des bulletins de vote ;
  2. La déclaration de candidature est accompagnée :
    1. De la liste de 300 signatures des personnalités requises à l’article 53 ci-dessus, le cas échéant ;
    2. D’un extrait d’acte de naissance du candidat de moins de trois mois;
    3. De la lettre de présentation et d’investiture du parti cautionnant la candidature du postulant, le cas échéant ;
    4. D’une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat s’engage à respecter la Constitution ;
    5. D’un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois;
    6. D’un certificat de nationalité ;
    7. De l’original du certificat de versement de cautionnement ;
  3. 3. Est interdit le choix d’emblème comportant à la fois les trois couleurs: vert, rouge, jaune. »

Le dépôt de la déclaration obéit à un régime légal.

Pour l’élection présidentielle, les articles 55, 56 et 57 de la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 disposent :

« Article 55 (nouveau) – 1er les déclarations de candidature doivent être faites en double exemplaire au plus tard le vingt-cinquième jour précédant le scrutin au ministère de l’Administration territoriale, ou exceptionnellement déposées dans une préfecture autre que celle du siège des institutions nationales.
Copie en est immédiatement tenue au Conseil constitutionnel par le candidat ou son mandataire contre accusé de réception.
2e Les déclarations de candidature peuvent également être faites par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au ministère de l’Administration territoriale, à condition qu’elles parviennent avant l’expiration du délai prévu.
3e Lorsque les déclarations de candidature sont déposées, il en est donnée récépissé provisoire. Lorsqu’elles sont adressées par lettre recommandée, l’accusé de réception en tient lieu.
4e Lorsque les déclarations de candidature sont déposées dans une préfecture, le préfet, deux jours après et par voie télégraphique, porte à la connaissance du ministère de l’Administration territoriale lesdites déclarations et les observations qu’elles ont suscitées de sa part. »

« Article 56 (nouveau) – 1er Le candidat doit verser au Trésor public un cautionnement fixé à 1 500 000 francs.
2e Suite au versement visé à l’alinéa (1), il est établi en triple exemplaire, un certificat dudit versement. Un de ces exemplaires doit être immédiatement transmis par les services du Trésor au Conseil constitutionnel ; l’original et l’autre exemplaire sont remis au candidat. »

« Article 57 (nouveau) – 1er Le ministre chargé de l’Administration territoriale peut accepter ou déclarer irrecevable toute déclaration de candidature. Notification de la décision motivée de rejet ou d’acceptation d’une candidature est faite à l’intéressé. Mention de cette décision est consignée dans un procès-verbal immédiatement communiqué au Conseil constitutionnel.
2e La décision de rejet ou d’acceptation d’une candidature peut faire l’objet d’un recours dans les conditions fixées aux articles 61, 62 et 63 ci-dessous. »

En matière d’élections parlementaires, le régime juridique de la déclaration de candidature est fixé par les articles 70 à 72 de la loi n° 97/13 du 19 mars 1997. Ces textes disposent :
« Article 70 – 1er Les candidatures font l’objet, au plus tard quarante jours avant le jour du scrutin, et avant l’heure normale de fermeture des bureaux d’une déclaration en triple exemplaire, revêtue des signatures légalisées des candidats. Cette déclaration est déposée et enregistrée à la préfecture de la circonscription concernée contre récépissé.
2e La déclaration mentionne :

  1. Les nom, prénom, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile des candidats;
  2. Le titre de la liste et le parti politique auquel elle se rattache ;
  3. Le signe choisi pour l’impression des bulletins de vote, ou pour identifier le parti ;
  4. Le nom du mandataire, candidat ou non, et l’indication de son domicile ;

« Article 71 – 1er La déclaration visée à l’article 70 ci-dessus est accompagnée pour chaque candidat titulaire ou suppléant :

  1. D’un extrait d’acte de naissance datant de moins de trois mois;
  2. D’un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois;
  3. D’une déclaration par laquelle l’intéressé certifie sur l’honneur qu’il n’est candidat que sur cette liste et qu’il ne se trouve dans aucun des cas d’inéligibilité prévus par la présente loi ;
  4. D’un certificat d’imposition.

2e La déclaration est également accompagnée d’une attestation par laquelle le parti politique investit l’intéressé en qualité de candidat. »

«Article 72 – Dans les vingt-quatre heures qui suivent la déclaration de candidature, le mandataire doit verser au Trésor public un cautionnement dont le montant est fixé à 50 000 francs par candidat titulaire. »

La loi électorale camerounaise limite la liberté des candidatures électorales par le système de l’investiture partisane, ne tolérant les candidatures indépendantes que dans le cadre exclusif de l’élection présidentielle, subordonnées à 30 signatures d’autorités administratives, traditionnelles, municipales et parlementaires, à réunir par le candidat et par province.
La neutralité des autorités administratives chargées de la recevabilité des candidatures est souvent mise en cause par les partis d’opposition du fait même de la propension de ces autorités à filtrer leurs candidatures.
La Cour suprême, statuant comme Conseil constitutionnel a eu à redresser plusieurs cas de rejet injustifiés de candidatures aux élections parlementaires.

À titre d’illustration, on peut citer les arrêts suivants:

  • SDF c/ Préfet de la Mefou AFAMBA : n° 18/CE/96-97 du 15 mai 1997 ;
  • UPC c/ Préfet de la Menoua : n° 11/CE/96-97 du 15 mai 1997 ;
  • SDF c/ Préfet du Ndé : n° 4/CE/96-97 du 30 avril 1997 ;
  • MANIDEM c/ Préfet du Wouri : n° 9/CE/96-97 du 30 avril 1997.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel français : la réception et le contrôle des présentations de candidatures à l’élection présidentielle de 2002 par le Conseil constitutionnel[1]

Stéphane Cottin, Chef du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

Publié avec l’aimable autorisation de la Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger

Afin d’illustrer l’actualité constitutionnelle de 2002[2], mais sans entrer dans des détails trop techniques, je procéderai à la description des opérations matérielles de réception et de traitement des parrainages[3]. Ces opérations ont dû suivre les évolutions des contraintes législatives et réglementaires; elles ont toujours été assurées avec le plus grand sérieux et surtout ont été préparées avec professionnalisme et un souci accru de transparence, malgré les polémiques extérieures et le poids des impératifs techniques.

Appareil législatif et réglementaire[4]

C’est la loi du 6 novembre 1962, et notamment son article 3, I, qui fixe le principe de la présentation de candidature par cinq cents (et non plus cent comme avant 1976[5]) élus[6]. Ce texte est modifié à chaque élection, notamment pour élargir le nombre de mandats susceptibles d’ouvrir droit à présentation.

Les derniers ajouts datent de la loi organique n° 2000-100 du 5 février 2001. Ils concernent entre autres les parlementaires européens, rajoutant ainsi une 107e « collectivité » (assimilée à un département) pour vérifier le respect de la condition relative aux 30 collectivités territoriales différentes. Les ajouts ont surtout concerné les maires de communes associées et les présidents des organes délibérants d’EPCI: établissements publics de coopération intercommunale. Ces dernières modifications, si elles sont parfaitement justifiées sur le plan conceptuel, posaient techniquement un double problème : d’une part, la population de ces élus est majoritairement constituée de personnes qui détiennent un autre mandat ouvrant droit à présentation, d’autre part, l’engouement récent pour l’intercommunalité a fait se créer un nombre relativement important de mandats multiples. Il est de ce fait assez difficile de suivre avec certitude non seulement le nombre exact de personnes titulaires du droit de présenter un candidat, mais même le nombre de mandats ouvrant ce droit.
De plus, si les textes sur le cumul des mandats se sont précisés et surtout ont été rendus plus contraignants, la date à laquelle se situait le traitement des parrainages coïncidait à peu près avec la moyenne du délai imparti aux juridictions administratives pour le traitement du contentieux des élections municipales de mars 2001. C’est ainsi que de nombreux cas de cumuls ne se sont dénoués, du fait de l’attente de la décision devenue définitive, que pendant cette période.

Au total, ce sont, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur[7], 46 793 mandats qui ouvraient droit à présenter un candidat à l’élection présidentielle début mars 2002. À ce chiffre, il faut nécessairement retrancher les cumuls de mandat et ainsi « dédoublonner » cette population initiale. Si le décret[8] n° 2001-777 du 30 août 2001 pris pour l’application des dispositions du troisième alinéa de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création au ministère de l’Intérieur d’un fichier des élus et des candidats aux élections au suffrage universel rend, par ses articles 2 g) et 4, le Conseil constitutionnel destinataire des informations contenues dans ce fameux « fichiers des élus », il n’y a pas d’identifiant unique. C’est donc un « dédoublonnage » difficile que les services du Conseil constitutionnel sont amenés à faire, ne disposant que des informations fournies par le ministère de l’Intérieur et en premier lieu par les élus eux-mêmes.
Ce contrôle s’effectue sur le nom, le prénom et la date de naissance des élus: on sera donc confronté à des risques d’erreur d’élu(e)s n’indiquant pas leur âge exact (cas non négligeable pour certaines collectivités outre-mer où l’état civil est d’établissement récent), au cas des noms d’épouse ou d’usage ou de jeune fille, voire des surnoms.
De plus, les fichiers comportaient des règles d’abréviations fluctuantes (notamment des doubles prénoms): un contrôle sur les seuls noms et date de naissance a pu aussi être effectué, relevant alors six paires de jumeaux parmi les élus!
Ce travail minutieux a été accompli dans les semaines qui ont précédé les opérations proprement dites, et c’est sur la base de données harmonisées et vérifiées que les saisies informatiques ont pu être effectuées. Compte tenu des obligations de fiabilité qui s’imposaient, il a fallu mettre au point avec le ministère de l’Intérieur, principal fournisseur de données, un calendrier de remise de ces listes le plus serré possible, et surtout une procédure de mise à jour en temps réel de ces données[9]. Ce ne sont pas moins de dix à vingt modifications quotidiennes que les services du Conseil ont été amenés à faire pendant la période des parrainages: décès, démissions, réélections, remplacements, erreurs ou omissions, créations ou disparitions de mandats.

Depuis les élections de 1981, et à la demande du Conseil constitutionnel[10], « Les présentations sont rédigées sur des formulaires imprimés par les soins de l’administration conformément au modèle arrêté par le Conseil constitutionnel. » (article 3 du décret du 8 mars 2001).
Le modèle 2002 du formulaire a été arrêté lors de la séance plénière du 14 mars 2001, et tentait d’allier la simplicité du remplissage avec la complexité des textes. La contrainte de l’utilisation exclusive de ce formulaire, et non d’une copie, a été par exemple renforcée par l’utilisation de plusieurs techniques d’impression rendant impossible la reproduction. La distribution et la collecte de ces formulaires ont aussi donné lieu à des opérations spéciales de la part d’administrations qui ont démontré leur parfaite coordination et capacité d’adaptation.
En amont, les préfectures et les représentants de l’État ont pu envoyer à chaque titulaire de mandat susceptible d’ouvrir droit à présentation un et un seul formulaire dans les délais voulus par les textes, et ont su en tenir à la disposition des personnes qui justifiaient de la perte ou de la disparition de leur formulaire, tout en le signalant systématiquement au Conseil constitutionnel (qui a pu savoir ainsi, en temps réel, quels étaient les risques de doublons). En aval, la Poste a permis d’acheminer les quelque dix mille plis en limitant au maximum les pertes et les retards d’acheminement[11].

Opérations matérielles de contrôle : le circuit des formulaires

Une proportion non négligeable des formulaires est remise directement au Conseil constitutionnel par les équipes des candidats, soit par lots importants, soit par petits paquets de quelques unités. Cette remise directe est parfois l’occasion pour un candidat d’organiser une action médiatique, auquel cas le secrétaire général reçoit personnellement le candidat. Chaque remise « en nombre » fait l’objet d’un premier compte devant les représentants des candidats, par deux collaborateurs du Conseil : ceux-ci remettent un reçu aux représentants et montent immédiatement les formulaires au circuit de contrôle, où ils vont rejoindre les formulaires arrivés par la voie postale.
La première opération consiste à ouvrir les enveloppes, et à détacher, si besoin est, le formulaire de sa page de garde. Un membre du service juridique assure le contrôle visuel du formulaire (présence de la signature, du nom du candidat, de celui du présentateur et de sa qualité…).
Un « aiguillage » distingue à ce stade les présentations « présumées valides », les présentations manifestement non conformes et celles à faire vérifier par un rapporteur adjoint (par exemple en cas de doute sur une rature, la présence suspecte de surcharge, …).
Les formulaires vont alors être triés et horodatés (apposition d’un numéro d’ordre, de la date et de l’heure). Ils sont enfin photocopiés et les originaux rangés au coffre. Les copies sont, selon les cas, soumises au traitement informatique (présentation présumée valide, la grande majorité) ou remises à un rapporteur adjoint pour instruction.
Chaque formulaire valide ou non, est entré dans la base de données. Le traitement informatique confirme l’identité du présentateur vérifie s’il y a doublon et établit les états statistiques.
L’ordinateur peut ainsi rejeter la présentation s’il ne connaît pas le parrain ou le mandat : un contrôle par un rapporteur adjoint est alors effectué et la base corrigée en fonction du résultat de l’enquête.
Dans le cas particulier des présentateurs dont la signature parvient au Conseil plus d’une fois (les « doublons »), ou encore dans les cas, rares, mais qui se sont produits tant en 1995 qu’en 2002, où le formulaire parvient au Conseil alors que la vacance récente du mandat (par décès ou démission) avait été signalée, une enquête est systématiquement menée par le rapporteur adjoint. Cette enquête a pour objet de vérifier que le formulaire a bien été signé par le présentateur alors qu’il était encore titulaire du mandat.
Dans le cas des doublons, comme le décrit Jean-Pierre Camby[12], c’est la règle du premier formulaire arrivé qui prévaut. Reste le problème des formulaires parvenus le même jour, par exemple parmi les 1915 déposés par les équipes de candidats le premier jour. Le rapporteur adjoint effectue les diligences en vertu de l’article 5 du décret du 8 mars 2001 (« le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile »).
L’outil informatique renseigne en temps réel le secrétaire général du Conseil constitutionnel de l’état des signatures par candidat, du nombre de « départements » et des enquêtes en cours. Lors de la deuxième semaine de réception des parrainages, pour les candidats qui le souhaitaient, le nombre des parrainages parvenus et considérés comme valides était donné par fax chaque soir.
Le logiciel permet enfin de traiter les tirages au sort nécessaires à la publication de 500 signataires par candidat. Afin de permettre une vérification des présentations destinées à être publiées au fur et à mesure des enregistrements plutôt qu’au dernier moment, des tirages au sort partiels ont été réalisés « préconstituant » ainsi l’échantillon final. L’algorithme de tirage au sort était conçu de telle sorte qu’il n’interdisait pas aux parrainages parvenus les derniers au Conseil constitutionnel d’être tirés au sort et leur donnait même une chance équivalente à celle des autres. À cet effet, un système de pondération a été mis au point par M. Braytman, collaborateur technique du Conseil.

Information du public

En plus de la publication au Journal officiel imposée par les textes, il est d’usage depuis 1988 que l’intégralité des présentations valides soit affichée dans les locaux du Conseil constitutionnel pendant quelques jours après cette publication[13].
La question de publier l’ensemble des présentateurs sur le site Internet du Conseil constitutionnel fait débat. Techniquement possible, souhaitée par le Conseil dans ses observations de 1974 et de 2002 (pour des raisons d’égalité de traitement des présentateurs et des candidats, comme pour des motifs de transparence démocratique), elle se heurte cependant à la lettre des textes ainsi qu’à une série d’objections émanant des partis politiques radicaux ou marginaux (qui craignent que la certitude de la publication n’intimide les élus susceptibles de présenter leurs candidats ou ne constitue une sorte de pré-élection en raison de la disparité du nombre de signatures d’un candidat à l’autre).
Pour autant, les services du Conseil ont été amenés à des efforts de communication inédits en direction des présentateurs, des équipes des candidats et du public, par l’intermédiaire de son site Internet. C’est ainsi par exemple que dès le mois d’août 2001 a été ouvert une section « questions les plus fréquemment posées ». Non moins de cent questions ont fait l’objet de réponses, qui, si elles n’ont évidemment pas l’autorité de décisions du Conseil, constituent une source d’informations « autorisées ».
Concernant le problème particulier des parrainages, on trouvera ci-après la liste des onze questions posées de façon récurrente aux services du Conseil, et auxquelles il a été apporté une réponse succincte mais précise et complète sur le site Internet[14]:

  • Quelles sont les conditions pour être candidat à l’élection du président de la République ?
  • Comment obtenir des formulaires de présentation d’un candidat ?
  • Quand et comment collecter les 500 signatures ?
  • Peut-on connaître la liste des personnes ayant présenté un candidat ?
  • Quels contrôles opère le Conseil constitutionnel sur les présentations ?
  • Comment le public peut-il être informé d’une présentation ?
  • Qui peut présenter un candidat à l’élection présidentielle ?
  • Comment est établi exactement le calendrier des parrainages ?
  • Existe-t-il des règles encadrant la forme ou le contenu des démarches que le candidat effectue pour se faire connaître des personnes habilitées à envoyer une présentation ?
  • Un candidat peut-il se présenter à l’élection présidentielle et faire campagne sous un nom d’usage sous lequel il est plus connu que par le nom de son état civil ?
  • À qui incombe le paiement de l’envoi des formulaires de présentation que les élus adressent au Conseil constitutionnel par la poste ?

Telle peut être résumée l’action déployée par le Conseil pour répondre à ses missions en matière de contrôle des présentations des candidats à l’élection présidentielle. Il s’est contraint à la plus grande transparence possible (compte tenu des limitations légales) tant à l’égard du public que des présentateurs, et des équipes des candidats. La réussite de cette politique de transparence doit beaucoup à la bonne volonté souvent manifestée plusieurs mois à l’avance, des agents des ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de l’Outre-mer, des Affaires européennes, du Secrétariat général du Gouvernement, de la Poste, du Journal officiel et de l’Imprimerie nationale.


  • [1]
    Article paru dans la Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger, n° 5-2002, p. 1263- 1269.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Le Conseil et les cinq cents: les « parrainages » des candidats à l’élection présidentielle, Jean-Pierre CAMBY, RDP, 2002, p. 597.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Un article particulièrement bien documenté fait aussi le point sur l’histoire, les modalités d’établissement et le contentieux de la liste des cinq cents signatures: «Le Conseil constitutionnel et la liste des candidats à l’élection du président de la République », Emmanuel TAWIL, Revue d’Actualités juridiques française, RAJF.ORG, avril 2002, http ://www.rajf.org/ article.php3 ?id_article=640.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Le site Internet du Conseil constitutionnel propose l’accès au texte intégral de nombreux documents utiles, et notamment ces textes réunis à cette adresse : http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/ txt.htm.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Loi organique n° 76-528 du 18 juin 1976.  [Retour au contenu]
  • [6]
    J.-P. CAMBY, art. précité, pp. 599-600.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Le site Internet du ministère de l’Intérieur dispose de pages d’information très complètes sur la question : http ://www.interieur.gouv.fr/rubriques/b/b3_elections/tout_savoir_sur_les_elections/Dossier_de_presse.  [Retour au contenu]
  • [8]
    JO du 1er septembre 2001 page 14035.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Circulaire N° INTA0200020C du 23 janvier 2002. Actualisation des fichiers de maires, maires délégués, maires des arrondissements de Lyon et Marseille, conseillers de Paris, conseillers généraux, conseillers régionaux et présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Déclaration du Conseil constitutionnel du 24 mai 1974, Loïc PHILIP, A.J.D.A., 1974, p. 376.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Si les pertes, s’il y en a eu, sont par construction indétectables – un seul élu a signalé que son nom n’apparaissait pas dans les listes finalement affichées au Conseil, alors qu’il affirme avoir envoyé son formulaire dans les temps – les retards de courrier ont amené moins de dix plis dont les cachets étaient antérieurs au 2 avril hors des délais pour les prendre matériellement en considération (décision du 4 avril). En revanche, une bonne cinquantaine de formulaires nous sont arrivés largement hors délai : ils n’ont évidemment pas été traités.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Article précité, cette revue, p. 599.  [Retour au contenu]
  • [13]
    http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/me.htm et surtout http ://www. conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/documents/parrains/affichage.htm.  [Retour au contenu]
  • [14]
    http ://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2002/faq/.  [Retour au contenu]

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef  de la Cour constitutionnelle du Mali

Au Mali, tout parti politique légalement constitué, tout groupement de partis politiques légalement constitués, peuvent présenter un candidat ou une liste de candidats.
Les candidatures indépendantes sont également autorisées (cf. loi N°02-007 du 12 février 2002 portant loi électorale).
La Cour constitutionnelle est compétente sur toutes les questions relatives aux élections législatives et présidentielles.

À cet égard :

  1. Le modèle de déclaration de candidature est déterminé par le Conseil des ministres après avis de la Cour constitutionnelle ;
  2. Les contestations au sujet de l’enregistrement des candidatures aux élections présidentielles et législatives sont déférées à la Cour constitutionnelle par le président de la CENI, les partis politiques ou les candidats dans les 24 heures. La Cour statue sans délai ;
  3. Les contestations relatives à la validité des candidatures reçues sont portées devant la Cour constitutionnelle dans les 24 heures. Elle statue sans délai mais avant l’ouverture de la campagne électorale ;
  4. La Cour constitutionnelle peut présenter des observations concernant la liste des organisations habilitées à user des moyens officiels de propagande.

 

D. Les Cours constitutionnelles et le déroulement de la campagne électorale

L’expérience de la Cour constitutionnelle tchèque

M. Jiří MALENOVSKY, Juge de la Cour constitutionnelle tchèque

La Cour constitutionnelle de la République tchèque a abordé les questions de la vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur, de la violation de la loi électorale (interdiction de campagne électorale et de propagande électorale au cours de la période dite «moratoire ») ainsi que celles de la légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression d’un candidat à la fonction de député ou de sénateur lors de l’examen de l’affaire introduite par le requérant «ODS » (Občanská demokratická strana – le Parti démocratique civique).
La Cour constitutionnelle a été saisie dans le cadre de ses compétences l’autorisant à statuer sur un recours contre une décision en matière de vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur[1]. Le recours du Parti démocratique civique contestait en particulier la résolution de la Cour suprême de la République tchèque du 3 décembre 1998 qui a statué que, dans la circonscription électorale de Brno, la candidate du Parti démocratique civique, Mme Lastovecká, n’avait pas été régulièrement élue sénatrice lors des élections en novembre 1998 et n’a pas donc pu obtenir de certificat de sénateur élu au Sénat de la République tchèque.
Le Sénat est élu au suffrage universel, égal, direct et secret et au scrutin majoritaire[2]. La loi électorale[3] prévoit deux tours de scrutin pour les élections sénatoriales; le candidat obtenant au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés étant régulièrement élu. Si aucun candidat n’est régulièrement élu au premier tour, les deux candidats qui, au premier tour arrivent en tête, s’affrontent au second tour. Le candidat remportant le plus de suffrages exprimés au second tour est régulièrement élu.
Dans la circonscription électorale en question, deux candidats ont obtenu près de 10 000 voix chacun au second tour; Mme Lastovecká a remporté 263 voix de plus que son concurrent M. Božek. Le Parti socio-démocrate tchèque (Česká strana sociálně demokratická), qui avait présenté la candidature de M. Božek a saisi la Cour suprême d’un recours contre la délivrance à Mme Lastovecká d’un certificat de sénateur élu[4] au motif que cette candidate aurait à plusieurs reprises violé la loi électorale. La Cour suprême a statué que les élections dans la circonscription électorale en question étaient irrégulières et que, par conséquent, Mme Lastovecká ne pouvait être proclamée élue. La Commission chargée des questions de mandats et d’immunités du Sénat a conclu par la suite que, eu égard à la force contraignante de la décision précitée de la Cour suprême, elle ne pouvait pas vérifier le mandat dans la circonscription électorale de Brno en question. Le Sénat prit acte de cet avis de ladite Commission du Sénat.
Le Parti démocratique civique saisit ensuite la Cour constitutionnelle d’un recours contre les décisions précitées constatant l’irrégularité de l’élection de Mme Lastovecká. Son recours réclamait que la Cour constitutionnelle statue dans un arrêt que sa candidate avait été régulièrement élue sénatrice lors des élections sénatoriales.
La Cour constitutionnelle a statué sur le fond de l’affaire dans l’arrêt rendu le 18 février 1999 par sa première chambre qui a fait droit aux griefs du Parti démocratique civique. Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle a conclu que Mme Lastovecká avait été régulièrement élue sénatrice. En même temps, toutes les décisions antérieures, contraires à l’arrêt, rendues par d’autres autorités, ont été déclarées sans effet.
Dans sa résolution qui a été ultérieurement annulée par la Cour constitutionnelle, la Cour suprême avait conclu à des violations de la loi électorale en raison du non-respect des obligations imposées par les dispositions de l’article 16, en particulier de celles insérées aux alinéas 2 et 5. L’alinéa 2 dispose entre autre qu’une « campagne électorale doit être honnête et correcte » et qu’il est interdit de publier des « informations fausses » sur les candidats, les partis politiques ou les coalitions. Les dispositions de l’alinéa 5 interdisent avant tout « toute propagande électorale pour des partis politiques, des coalitions et des candidats » au cours des 48 heures précédant le début des élections et pendant les élections. Durant ce «moratoire », il est aussi interdit de publier les résultats de sondages préélectoraux.
La Cour suprême a conclu à une violation de la loi électorale surtout sur le point que le premier jour du second tour de scrutin la candidate Mme Lastovecká, invitée d’une émission d’actualités télévisées régionale, a réagi à des informations selon lesquelles durant le «moratoire » électoral des tracts étaient distribués en faveur de son rival socio-démocrate M. Božek et contenaient des attaques à son encontre. Mme Lastovecká a déclaré que la distribution des tracts s’inscrivait dans toute une série de tentatives de ternir sa réputation aux yeux des citoyens de Brno et de la discréditer. Le même jour, un article se référant à des sondages préélectoraux est paru dans un quotidien publié à l’échelle nationale, qui aurait eu pour but de faire croire aux lecteurs que Mme Lastovecká était incontestablement favorite dans les élections sénatoriales. Un autre article qui est paru dans le même journal le deuxième jour du second tour des élections, qualifiait la distribution des tracts « d’acte immoral » de son rival M. Božek[5].
La Cour suprême a souligné la pertinence exclusive du fait objectif de violation de la loi électorale et elle n’a pas en revanche considéré comme pertinent le fait que la candidate ait ou non participé par négligence ou intentionnellement à cette violation. Selon la Cour suprême, le comportement des médias durant le «moratoire » aurait pris forme de propagande électorale au profit de Mme Lastovecká. L’interdiction de faire de la propagande électorale ne s’applique pas seulement aux candidats, partis et coalitions, mais également à tout sujet qui est en position d’influencer le résultat des élections. En l’espèce, l’acte de propagande électorale tombait selon la Cour suprême dans le champ d’application de cette interdiction puisque commis par un journal de portée nationale et « crédible ». Ceci a conduit la Cour suprême à conclure que l’élection de Mme Lastovecká dans la circonscription donnée était irrégulière et qu’en conséquence celle-ci ne pouvait être proclamée élue.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle s’est d’abord prononcée au sujet des limites de ses compétences. Bien qu’elle ne fasse pas partie du système des autres tribunaux tchèques et ne soit que l’« organe juridictionnel protecteur de la Constitution[6] », en matière de vérification de la régularité de l’élection d’un député ou d’un sénateur, elle statue sur un « recours » et agit donc exceptionnellement en qualité d’instance d’appel sui generis. Il lui faut donc examiner chaque affaire concrète à la lumière non seulement des règles constitutionnelles mais aussi des règles législatives.
La Cour constitutionnelle n’a pas souscrit à la thèse de la Cour suprême prônant le caractère « objectif » des violations de la loi électorale, en estimant qu’il n’importe guère d’établir si la loi électorale avait été violée de façon objective ou subjective. Ce qui compte ce sont les circonstances d’espèce ainsi que la gravité de la violation et la manière dont celle-ci a été commise. Or, n’importe quelle violation de la loi électorale n’entraîne pas nécessairement l’irrégularité des élections; une telle conséquence fatale peut résulter seulement d’éléments pertinents franchissant un certain seuil de gravité.
La Cour constitutionnelle a en conséquence ciblé son attention sur la question de savoir si, en l’espèce, la loi électorale avait été violée ou non et, dans l’affirmative, si la violation était suffisamment grave pour qu’elle puisse engendrer le constat d’irrégularité des élections.
Selon la Cour constitutionnelle, la notion de « propagande électorale » à laquelle le législateur a recouru doit être interprétée de façon restrictive. En interdisant la propagande électorale durant le «moratoire », le législateur voulait sans doute éviter seulement une « propagande intentionnelle et ciblée » faite de façon délibérée, dans le but de favoriser un parti politique, une coalition ou un candidat. Il est clair que même durant le «moratoire », il est impossible d’interdire une campagne électorale en tant que telle car une interdiction pareille impliquerait par exemple l’obligation d’enlever toutes les affiches ou les panneaux électoraux.
À la vue de la Cour constitutionnelle, les actualités télévisées susmentionnées auxquelles la candidate Mme Lastovecká avait pris part n’étaient pas qualifiables de propagande électorale interdite puisque, de toute évidence, les rédacteurs ont fait des efforts de présenter des vues diverses. L’émission n’était pas partiale. Les propos tenus par Mme Lastovecká durant l’émission n’étaient pas «malhonnêtes et incorrects » car la candidate s’est limitée à la critique du style de la campagne électorale. Les articles publiés dans la presse ne contenaient pas non plus de données qualifiables de fausses; ils ne présentaient qu’une conjecture du résultat du second tour des élections sénatoriales offerte par la rédaction. Le fait que les rédacteurs ont envisagé un lien entre la distribution des tracts et la personne du candidat socio-démocrate M. Božek était inopportun et erroné certes, mais il n’était pas de toute manière susceptible de mettre en cause le résultat global des élections. Même s’il est vrai que les résultats respectifs des deux candidats au second tour étaient proches, il n’y avait cependant pas d’indices d’un renversement au détriment du candidat socio-démocrate à ce second tour. Le nombre de voix que Mme Lastovecká a remporté à chaque tour de scrutin est demeuré relativement inchangé[7], alors que l’autre candidat M. Božek a recueilli au second tour 37 % des voix de plus qu’au premier tour. Les violations alléguées de la loi électorale, c’est-à-dire du droit électoral « objectif » « n’ont pas donc de répercussions importantes sur le résultat final du second tour ni perturbé la fonction des élections dans une société démocratique ».
La Cour constitutionnelle a également interprété le principe d’honnêteté d’une campagne électorale et l’interdiction de propagande électorale durant les 48 heures précédant les élections et pendant les élections en rapport avec la liberté d’expression et le droit à l’information. Elle a mis l’accent sur le fait que ce principe et cette interdiction ne peuvent être interprétés de manière aussi large que leur mise en œuvre créerait un vide social empêchant toute liberté d’expression et tout exercice du droit à l’information dans le contexte électoral.
La Cour constitutionnelle s’est ensuite posée la question de savoir si la décision de la Cour suprême de ne pas délivrer à la candidate vainqueur Mme Lastovecká le certificat de sénateur élu n’a pas méconnu les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à l’information de celle-ci[8]. La Cour constitutionnelle s’est par ailleurs inspirée des idées émises le 19 février 1998 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Bowman contre le Royaume-Uni.
En premier lieu, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 17 de la Charte constitutionnelle et l’article 10 de la Convention européenne étaient applicables en l’espèce, la décision sur l’irrégularité de l’élection de D. Lastovecká en raison de son passage à la télévision ayant porté atteinte à ses droits à la liberté d’expression et à l’information.
La Cour constitutionnelle a ensuite examiné si cette atteinte était ou non prévue par la loi. Les dispositions de l’article 16 de la loi électorale prévoient différentes restrictions apportées au droit à la liberté d’expression. La loi électorale est une « loi » au sens formel du terme. Cette loi est accessible. Toutefois, elle n’est pas prévisible. À cet égard, la Cour constitutionnelle a mis le doigt sur le fait qu’une « loi » n’est pas uniquement un texte législatif mais aussi la jurisprudence des tribunaux qui l’interprètent de façon contraignante. C’est la Cour suprême qui a appliqué lesdites dispositions de la loi électorale dans deux affaires distinctes – celle de M. Vlach et celle de Mme Lastovecká. Sa décision dans l’affaire de l’élection de Mme Lastovecká a été rendue en deuxième, cinq mois après la première décision. Les points de départ de ces deux décisions divergent nettement. Dans l’affaire de l’élection de M. Vlach, la Cour suprême a entériné le principe de l’existence d’un lien entre le comportement fautif du candidat et le fait de violation de la loi électorale ; dans l’affaire de l’élection de Mme Lastovecká, elle a abandonné ce principe sans l’avoir expliqué, et a, par contre, entériné celui de nature objective d’une telle violation sans égard à une « faute » du candidat. Une des conditions essentielles nécessaires pour une limitation légitime imposée au droit à la liberté d’expression et au droit à l’information, à savoir la condition de la prévisibilité de la loi, n’a donc pas été respectée en l’espèce.
La Cour constitutionnelle a par ailleurs examiné les conditions de la légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence dans les droits de la candidate Mme Lastovecká. Même si la Cour a constaté l’existence d’un but légitime (protection des droits et libertés d’autrui), elle est cependant parvenue à la conclusion que la décision judiciaire sur l’irrégularité de son élection à la fonction de sénatrice ne constituait pas une mesure nécessaire dans une société démocratique. Le «moratoire » de 48 heures précédant les élections n’impliquerait pas de « créer par une loi un milieu stérile rendant impossible toute liberté d’expression et l’exercice du droit à l’information ». Mme Lastovecká ne s’est pas engagée dans une « propagande électorale » dans une mesure et avec une gravité susceptibles d’une répercussion sur le résultat des élections; elle a en fait correctement critiqué le fait de distribuer des tracts favorisant son concurrent. Si la Cour constitutionnelle privait la candidate Mme Lastovecká de la possibilité de formuler une telle critique, elle accorderait un avantage incorrect à d’autres candidats qui, ayant peut-être eux-mêmes violé le régime de «moratoire », l’ont conduite à protester.
Vu les circonstances d’espèce, la Cour constitutionnelle a été amenée à conclure que la décision de la Cour suprême ainsi que les décisions liées avec celle-ci ont violé les droits fondamentaux de Mme Lastovecká à la liberté d’expression et à l’information.
Le Parlement de la République tchèque n’a pas ignoré l’opinion de la Cour constitutionnelle exprimée dans l’arrêt susmentionné et a amendé, par la loi n° 204/2000 du Journal officiel, entre autres les dispositions de l’article 16 de la loi électorale, en élargissant l’espace pour l’exercice du droit à la liberté d’expression durant le «moratoire » électoral et en précisant l’énoncé de différentes obligations insérées dans ces dispositions législatives.


  • [1]
    Article 87 alinéa 1 lettre e) de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Article 18 alinéa 2 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Article 18 alinéa 2 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Pendant l’été 2003, Mme Lastovecká est devenue juge à la Cour constitutionnelle de la République tchèque.  [Retour au contenu]
  • [5]
    La commission électorale n’est cependant pas arrivée à démontrer l’identité de l’auteur de ce tract ni son arrière-plan politique concret.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Article 83 de la Constitution.  [Retour au contenu]
  • [7]
    D’un tour de scrutin à l’autre, il n’a augmenté que de 2,45 %.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Article 17 de la Charte constitutionnelle des droits de l’homme et libertés fondamentaux et article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.  [Retour au contenu]
E. Les Cours constitutionnelles et les partis et groupements politiques

Les contributions de la Cour d’arbitrage de Belgique, de la Cour constitutionnelle de Bulgarie, de la Cour constitutionnelle de Roumanie et de la Cour constitutionnelle de Slovénie seront insérées dans le prochain bulletin de l’ACCPUF portant sur le statut, le financement et le rôle des partis politiques (synthèse des travaux du 4e séminaire des correspondants nationaux, 1er -3 décembre 2004, Paris, AIF).

 

 

V/Le déroulement du scrutin

A. Les procédures spéciales de vote (vote par procuration / vote par correspondance / vote électronique / vote des militaires / vote des nomades)

L’expérience du Conseil constitutionnel algérien

M. Abdel Kader CHERBAL, Directeur d’études et de recherche du Conseil constitutionnel algérien

L’article 50 de la Constitution algérienne du 28 novembre 1996 dispose que : «Tout citoyen remplissant les conditions légales, est électeur et éligible ».
En application de ce principe constitutionnel, le législateur définit l’électeur comme étant tout algérien ou algérienne âgé(e) de dix-huit (18) ans accomplis au jour du scrutin, jouissant de ses droits civils et civiques et n’étant dans aucun cas atteint(e) d’incapacité prévue par la législation en vigueur[1].
Toutefois, l’électeur ne peut voter que s’il est inscrit sur une liste électorale[2].
Le premier texte portant régime électoral algérien est le décret n° 63-306 du 20 août 1963. Ce code a été abrogé par la loi 80-08 du 25 octobre 1980 relative à loi électorale, qui a été à son tour abrogée par la loi 89-13 du 7 août 1989. Cette dernière a été remplacée également par l’ordonnance 97-07 du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral, actuellement en vigueur.
Ces textes successifs ont prévu des dispositions relatives aux procédures d’exercice du droit de vote. Elles diffèrent d’un texte à un autre. Cette intervention a pour objet d’exposer certaines procédures relatives à l’exercice du droit de vote.

Les procédures d’exercice du droit de vote dans le régime électoral actuellement en vigueur

Il ressort des dispositions de la loi électorale actuellement en vigueur que le législateur algérien a retenu des procédures qui permettent à l’électeur d’exercer son droit de vote directement ou par procuration, dans la commune où se trouve son domicile ou sur son lieu de travail, dans un bureau de vote fixe ou itinérant, selon le cas.

Le vote par procuration

L’article 62 de la loi électorale cite les catégories auxquelles doit appartenir l’électeur qui demande à exercer son droit de vote par procuration. Ces catégories sont :

  1. les malades hospitalisés ou soignés à domicile ;
  2. les grands invalides ou infirmes;
  3. les travailleurs exerçant hors de la wilaya (préfecture) de leur résidence et/ou en déplacement et ceux retenus sur leur lieu de travail, le jour du scrutin ;
  4. les citoyens se trouvant momentanément à l’étranger.

Il y a lieu de mentionner que le législateur n’a pas retenu, dans la loi actuellement en vigueur, la disposition du texte précédent[3] qui permettait à certains membres de la famille d’exercer leur droit de vote par procuration. En agissant ainsi le législateur cherchait probablement à mettre fin à la pratique qui consistait au vote des électeurs à la place des électrices membres de leur famille (mère, sœurs, filles, épouse) par le recours à la procuration. En supprimant cette règle, la femme est encouragée donc à exercer directement son droit de vote.
À ces catégories qui viennent d’être mentionnées il y a lieu d’ajouter les membres de l’armée nationale populaire, les corps de sécurité[4] et les électeurs établis à l’étranger[5] qui peuvent également demander d’exercer leur droit de vote par procuration.

Le vote sur le lieu de travail

Le législateur permet aux membres de l’armée nationale populaire et aux corps de sécurité d’exercer leur droit de vote, pour les élections présidentielles, les législatives et les consultations référendaires, sur leur lieu de travail[6].
Cette règle qui permet aux membres de l’armée nationale populaire et aux corps de sécurité d’exercer leur droit de vote sur leur lieu de travail a été introduite par le législateur pour la première fois en 1980[7], elle a été abrogée par la loi 89-13 du 7 août 1989, réintroduite en 1995[8] et 1996[9] et maintenue par la loi organique n° 97-06 relative au régime électoral actuellement en vigueur.

Le vote dans des bureaux itinérants

Les populations de certaines communes algériennes sont éparpillées; cette situation constitue un obstacle de taille, des électeurs devant faire, à chaque consultation électorale, des déplacements de plusieurs kilomètres pour pouvoir exercer leur droit de vote. Afin de permettre à cette catégorie d’électeurs d’exercer son droit dans des conditions acceptables, le législateur permet à l’administration de créer des bureaux de vote itinérants dans les communes où les opérations de vote ne peuvent se dérouler le jour même du scrutin pour des raisons matérielles liées à l’éloignement du bureau de vote, à l’éparpillement des populations et pour toute raison exceptionnelle dans une commune donnée[10].
Sur la base de cette règle, des bureaux de vote itinérants ont été créés dans certaines communes. Leur nombre qui avoisinait les 37 000 bureaux, lors des élections présidentielles de 1995, a été réduit à quelque centaines seulement lors des élections législatives et locales qui se sont déroulées respectivement le 30 mai et le 10 octobre 2002.
Cette réduction est justifiée d’une part, par l’amélioration de la situation sécuritaire, et d’autre part, par les deux instructions présidentielles relatives aux élections législatives du 30 mai 2002 et locales du 10 octobre 2002 recommandant aux autorités concernées (Gouvernement, walis (préfets), chefs de daïras (sous-préfets) de réduire le nombre des bureaux de vote itinérants au strict minimum, conformément à la loi.
En adoptant des procédures spéciales de vote, le législateur cherche à ce que l’électeur, qu’il soit malade, en déplacement, se trouvant momentanément à l’étranger, membre des corps de sécurité ou que son domicile se trouve dans une commune où les populations sont éparpillées, puisse exercer facilement son droit de vote le jour du scrutin et par conséquent réunir toutes les conditions susceptibles de contribuer à assurer le plus grand taux de participation possible.

Les procédures spéciales de vote et la transparence des opérations de vote

Il serait peut-être utile de rappeler que les procédures spéciales de vote sont conformes à la Constitution. À cet effet, le Conseil constitutionnel, dans son avis du 6 mars 1997 relatif à la conformité à la Constitution de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral, a déclaré les autres dispositions de la dite ordonnance, y compris les dispositions spéciales relatives au vote par procuration, au vote sur le lieu de travail et celles permettant le recours à des bureaux de vote itinérants dans certaines communes où les populations sont éparpillées, conformes à la Constitution.
En dépit de la particularité des bureaux de vote itinérants et assimilés, ces bureaux sont soumis aux mêmes règles régissant les autres bureaux de vote, notamment celle qui dispose que tout candidat ou son représentant dûment habileté a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations. Il peut inscrire au procès-verbal toutes observations ou contestations sur le déroulement des opérations[11].
Les recours introduits devant le Conseil constitutionnel lors des scrutins qui se sont déroulés depuis 1995 étaient très diversifiés et par conséquent, n’ont pas visé d’une façon particulière le vote par procuration, le vote des membres des corps de sécurité ou le vote des électeurs des communes où les populations sont éparpillées.
Afin d’assurer une plus grande transparence, le président de la République a adressé deux instructions au Gouvernement, aux walis (préfets) et aux chefs de daïras (sous-préfets) visant à « garantir la liberté et la transparence » aux élections législatives du 30 mai et aux élections locales du 10 octobre 2002. Le président a insisté sur la « réduction au minimum» des bureaux de vote itinérants. Il a demandé la mise en place de « dispositifs pratiques » permettant aux représentants des partis et des candidats « d’exercer effectivement leur droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement et de décompte des voix dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations, y compris en ce qui concerne les bureaux de vote itinérants et assimilés ». Il a insisté enfin sur l’exigence d’impartialité de l’administration et de ses agents.
Il est donc clair que les procédures spéciales de vote qui viennent d’être exposées n’affectent pas, en elles même, la transparence des opérations de vote. Elles prouvent, au contraire que le législateur a prévu des dispositions qui prennent en considération la situation de certains électeurs afin de leur permettre d’exercer un droit constitutionnel et les mettre ainsi sur le même pied d’égalité que les autres électeurs.
Ces procédures font partie du dispositif légal et réglementaire qui a été renforcé et consolidé, lors des dernières élections législatives et locales, par les prescriptions des deux instructions susmentionnées qui avaient pour finalité le respect de la sincérité du scrutin et la garantie du libre choix des électeurs.
Si le principe du vote par procuration et celui du recours à des bureaux de vote itinérants dans certaines communes où les populations sont éparpillées, sont généralement acceptés par les candidats et les partis politiques, cependant le vote des membres de l’armée nationale populaire et celui des corps de sécurité sur leur lieu de travail est considéré par certains partis politiques comme un processus qui ne fournissait pas suffisamment de garanties de neutralité et de transparence. Ils proposent[12] l’amendement de la loi électorale de telle sorte que les membres des corps de sécurité votent dans les mêmes conditions que les autres électeurs.
Sans émettre de jugement de valeur sur les observations des uns et des autres, il serait peut-être utile de rappeler que, mis à part quelques partis, la majorité des formations politiques qui ont participé aux consultations électorales précédentes n’étaient pas en mesure de présenter suffisamment de militants pour qu’elles puissent être représentées à chaque centre de vote et à chaque bureau de vote[13].
Les procédures spéciales de vote font partie intégrante des opérations de vote, et le législateur reconnaît au candidat ou à son représentant dûment mandaté, au parti politique participant aux élections législatives et à l’électeur, selon le cas[14], le droit de contester la régularité des opérations de vote en introduisant un recours auprès du Conseil constitutionnel.
Les contestations et les réclamations se rapportant à la régularité des opérations de vote peuvent inclure des votes par procuration ainsi que des votes au niveau des bureaux itinérants et assimilés. Le Conseil constitutionnel, dans le cadre de ses attributions en matière électorale, statue sur le mérite du recours. S’il estime le recours fondé, il peut soit annuler l’élection, soit reformuler le procès-verbal des résultats.
En conclusion, les procédures spéciales de vote constituent un aspect des opérations de vote. Elles doivent refléter la préoccupation du législateur de produire des normes qui concrétisent effectivement le principe constitutionnel qui dispose que tout citoyen remplissant les conditions légales est électeur et, par conséquent, doit être en mesure d’exercer son droit quelque soit son état ou le lieu où il se trouve le jour du scrutin. S’il ressort de la pratique des consultations électorales qui se sont tenues depuis la promulgation de la loi 97-07 portant régime électoral que ces procédures ne fournissent pas suffisamment de transparence, il appartiendra alors au législateur d’introduire les modifications nécessaires.


  • [1]
    Article 5 de l’ordonnance n°97-07 du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral actuellement en vigueur.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Article 6 de la même ordonnance.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Articles 51 (alinéa 3) de la loi 80-08 du 25 octobre 1980 et 50 (alinéa 3) de la loi 89-13 du 7 août 1989 portant loi électorale. L’alinéa en question était rédigé comme suit : « Peuvent également et à titre exceptionnel exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration, certains membres de la famille. »  [Retour au contenu]
  • [4]
    Art. 63 (alinéa 3): «Les membres de l’armée nationale populaire et les corps de sécurité exercent leur droit de vote, pour les élections des assemblées populaires communales et des assemblées populaires de wilayas directement ou par procuration. »  [Retour au contenu]
  • [5]
    Pour les élections présidentielles, les consultations référendaires et les élections législatives, les électeurs établis à l’étranger « peuvent, à leur demande, exercer leur droit de vote par procuration, en cas d’empêchement ne leur permettant pas d’accomplir leur devoir le jour du scrutin, auprès des représentations diplomatiques et consulaires algériennes. » (Article 64 [aliéna 2] de la loi 97-07).  [Retour au contenu]
  • [6]
    Art. 63 (alinéa 1er ) de la loi 97-07 : «Les membres de l’armée nationale populaire et les corps de sécurité exercent leur droit de vote, pour les élections présidentielles, législatives et les consultations référendaires, sur leur lieu de travail. »  [Retour au contenu]
  • [7]
    Art. 52 de la loi n° 80-08 du 25 octobre 1980 portant loi électorale : «Les membres de l’Armée nationale populaire, du dark-el-watani, de la sûreté nationale et de la protection civile, non inscrits sur les listes électorales des communes où ils exercent leurs fonctions, peuvent exercer leur vote par correspondance. Néanmoins, les élections collectives à l’intérieur des casernes sont interdites pour les élections des assemblées. »  [Retour au contenu]
  • [8]
    Article 50 <i>bis de l’ordonnance n° 95-21 du 19 juillet 1995 modifiant et complétant la loi n° 89-13 du 7 août 1989, modifiée et complétée portant loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Article 50 <i>bis de l’ordonnance n° 96-26 du 30 octobre 1996 modifiant et complétant la loi n° 89-13 du 7 août 1989, modifiée et complétée, portant loi électorale.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Art. 34 (alinéa 2): «Toutefois, le ministre… peut…, autoriser les walis…, à avancer de 72 heures… la date d’ouverture du scrutin dans les communes où les opérations de vote ne peuvent se dérouler le jour même du scrutin pour des raisons matérielles liées à l’éloignement du bureau de vote, à l’éparpillement des populations et pour toute raison exceptionnelle dans une commune donnée. »  [Retour au contenu]
  • [11]
    Art 49 de la loi 89-13 du 7 août 1989 modifiée et complétée et l’article 60 de l’ordonnance relative au régime électoral actuellement en vigueur.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Une proposition de loi visant à revoir la loi électorale a été déposée par le groupe parlementaire du mouvement El Islah à l’Assemblée populaire nationale (APN) lors de la session d’automne.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Article 45 de l’ordonnance 97-07 relative au régime électoral.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Les articles 118 (1), 148 in fine et 166 (1) de l’ordonnance 97-07 portant régime électoral.  [Retour au contenu]

 

L’expérience de la Cour d’arbitrage de Belgique

Mme Bernadette RENAULD, Référendaire de la Cour d’arbitrage de Belgique

Le système électoral belge présente une particularité : le vote est obligatoire (art. 62 de la Constitution). Il est aussi secret. La Constitution précise encore qu’il a lieu à la commune (la municipalité), « sauf les exceptions prévues par la loi ».
La manière la plus classique de voter est donc de se rendre au bureau de vote qui a été désigné à chaque électeur par les autorités communales, d’y remplir, dans l’isoloir, un bulletin papier, et de le glisser dans l’urne.
Mais d’autres formes de vote existent en Belgique.
Depuis quelques années, certaines communes connaissent le vote électronique. L’électeur se rend au bureau de vote, mais à la place du bulletin, il reçoit une carte magnétique. Il la glisse dans l’ordinateur qui se trouve dans l’isoloir, et y inscrit son vote à l’aide d’un crayon magnétique, sur l’écran. Les informations se trouvent inscrites sur la carte magnétique, et ne demeurent pas dans l’ordinateur. L’électeur glisse ensuite la carte magnétique dans l’urne électronique, qui « digère » ces informations. Le calcul est évidemment beaucoup plus vite fait.
Cette forme de vote pose certaines questions, notamment quant à la fiabilité des programmes, et à l’influence qu’elle peut exercer sur les comportements électoraux, ainsi, par exemple, certaines erreurs de vote, qui étaient tout à fait possibles sur un bulletin papier (vote sur plusieurs listes…) ne sont pas possibles par vote électronique. Le nombre de votes nuls, volontaires ou non, devrait donc être réduit dans les arrondissements utilisant le vote électronique.
Le vote par procuration est aussi possible pour des raisons médicales, professionnelles, religieuses, … dûment attestées.
Le vote par correspondance n’est, en principe, pas possible, sauf pour Belges résidant à l’étranger.
Ces Belges se voient reconnaître le droit de vote depuis 1998 seulement[1]. Lors de la première élection à laquelle ils prirent part, ils furent 18 à voter, sur 550.000 Belges établis de par le monde. Le législateur s’est rendu compte, à ce moment, que les exigences et les conditions de ce vote étaient beaucoup trop sévères. Il a corrigé le système par la loi du 7 mars 2002. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les Belges établis à l’étranger disposent de cinq possibilités pour voter:

  • le vote personnel dans une commune belge ;
  • le vote par procuration dans une commune belge ;
  • le vote personnel dans un poste diplomatique ou consulaire ;
  • le vote par procuration dans un poste diplomatique ou consulaire ;
  • le vote par correspondance.

  • [1]
    La loi autorisant le vote des Belges établis à l’étranger a fait l’objet de l’arrêt n° 100/2000.  [Retour au contenu]

L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Guy PRUNIER, Chargé de mission auprès du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

La règle majeure du suffrage universel est déterminée par l’article 3 de la Constitution qui précise qu’il «est toujours universel, égal et secret». Les procédures spéciales de vote constituent autant de limitations ou d’exceptions de nature juridique à ce principe général, qui, cependant, n’interdit nullement les modalités matérielles d’adaptation des opérations de vote.

I. Les dérogations au caractère universel, égal et secret du suffrage

Le suffrage a été rendu universel par étapes, pour les hommes en 1848, les femmes en 1945, les jeunes de 18 à 21 ans en 1974. Les extensions les plus récentes concernent les résidents ressortissants des pays membres de l’Union européenne, mais seulement pour certaines élections (européennes en 1994, municipales en 1998).
Les cas de restriction du suffrage universel sont rares: une loi de 1849 a exclu les non résidents depuis 3 ans dans leur commune. Elle a été abrogée dès le coup d’État de 1851.
Les militaires ont été longtemps interdits de vote sous la IIIe République, au temps de la « grande muette ». Cette restriction a été largement atténuée sous la IVe République et a disparu avec la Ve, du fait de la nouvelle règle constitutionnelle.
La seule restriction récente est intervenue dans le cadre de l’adoption du statut de la NouvelleCalédonie, qui a fait l’objet d’une révision constitutionnelle en 1998. Deux catégories d’électeurs ont été distinguées: ceux qui votent pour les élections « ordinaires », où les règles d’inscription sur les listes électorales sont les mêmes qu’en métropole, et ceux qui votent pour les assemblées propres à la Nouvelle-Calédonie, qui se voient imposer une condition de résidence sur l’île d’au moins 10 ans.
Le caractère égal et secret du suffrage découle du principe « un électeur, une voix ». La France a été peu tentée par les expériences de vote plural qui ont jadis fleuri dans certains pays, ou de collèges électoraux séparés, encore que certaines colonies les aient connues dans le passé.
La seule dérogation importante à ce principe est actuellement le vote par procuration par lequel un électeur, le mandant, confie à autre, le mandataire, le soin de voter à sa place. Les modalités du vote par procuration sont encadrées par la loi.
Le fait générateur de l’empêchement du mandant doit pouvoir être objectivement contrôlé. C’est pourquoi les cas de vote par procuration, tout en constituant une longue liste dans le code électoral, concernent essentiellement les personnes hospitalisées, malades ou invalides et les salariés et fonctionnaires en déplacement professionnel ou en congé.
La procuration doit être établie par l’autorité judiciaire ou son représentant (officiers de police, gendarmes, etc.) et les éléments de preuves, énumérés par les textes réglementaires, sont fournis par des tiers (certificats médicaux, documents de prise en charge, autorisations de congé, ordres de mission, de déplacement, titres de transport, etc.)
Toutefois, le législateur a prévu en 1993 une extension possible, tout en préservant les mêmes modalités de contrôle, aux personnes qui font état d’un empêchement de voter, dès lors qu’elles fournissent des pièces de nature à « emporter la conviction » de l’autorité compétente.
L’établissement des procurations fait l’objet de critiques constantes: situations définies trop restrictivement par la loi, procédure paperassière, exigence de pièces multiples par les autorités locales, distorsions de traitement sur l’ensemble du territoire…
C’est pourquoi le Parlement est favorable par principe à son extension, qui pourrait aller jusqu’à l’autorisation sur demande assortie d’une simple attestation sur l’honneur.
Mais cette extension doit préserver un équilibre difficile à trouver entre le souci de commodité d’usage pour les citoyens, la volonté de ne pas surcharger les commissariats de police et les brigades de gendarmerie de tâches administratives, le maintien d’un encadrement procédural minimal de nature à prévenir le risque de fraude … et la constitutionnalité du futur dispositif.

II. Les modalités matérielles d’adaptation des opérations de vote

Le code électoral fixe de façon libérale les règles d’affectation géographique des électeurs, en admettant, selon les cas, plusieurs critères, commune du domicile, de résidence, d’origine, de naissance, d’intérêt, etc. Les exemples de règles restrictives sont limités. C’est le cas des mariniers, qui sont obligatoirement inscrits dans certaines communes, dont le code électoral dresse la liste.
Les personnes physiquement handicapées peuvent se faire accompagner dans le bureau de vote, même dans l’isoloir.
La loi française ne prévoit pas de régime particulier de vote pour les illettrés ou les nomades.
La principale adaptation aux modalités de vote concerne les Français résidant hors de France. La loi a prévu que les Français de l’étranger puissent participer à certaines élections sans recourir au vote par procuration. Le critère retenu est l’existence d’une circonscription nationale unique. Il existe alors une liste électorale spécifique par centre de vote. L’inscription sur cette liste interdit de voter en métropole et outre-mer, fût-ce par procuration.
La grande difficulté réside dans la démarche d’inscription, soit que les résidents la négligent, soit que leur mobilité s’avère fort fâcheuse s’ils se déplacent le jour du scrutin, soit que les électeurs n’aient pas compris que cette facilité ne s’étend pas à tous les scrutins.
En effet, trois votations seulement sont concernées, les référendums nationaux, les élections présidentielles et, jusqu’à présent, européennes. Mais en 2003, la loi a défini des circonscriptions pour ces dernières et supprimé, du même coup, la faculté de recourir aux centres de vote à l’étranger.
D’autres modalités spéciales de vote ont existé ou sont envisagées.
Le vote par correspondance s’adressait sensiblement à la même population que l’actuel vote par procuration mais ses modalités étaient différentes, puisque le maire était l’autorité compétente pour sa mise en œuvre.
L’électeur, dont l’empêchement à voter était constaté, se faisait adresser son matériel de vote par voie postale, assorti d’enveloppes spécifiques. Il retournait par la poste son bulletin de vote dans une enveloppe de scrutin, elle-même contenue dans une enveloppe électorale spéciale, le décompte de ces suffrages s’effectuant selon des modalités spécifiques.
Le vote par correspondance, quoique fort souple et sans doute à cause de cette souplesse, a été longtemps soupçonné de constituer un moyen commode de fraude électorale. C’est pourquoi le législateur a préféré le supprimer purement et simplement en 1975, tout en réformant en conséquence les modalités du vote par procuration.
La réhabilitation du vote par correspondance est peu probable. L’extension du vote par procuration paraît généralement préférable, sous les réserves précitées.
À ce jour, les termes de « vote électronique » peuvent s’entendre d’au moins deux façons.
La machine à voter conserve le bureau de vote. La France a déjà connu une expérience malheureuse dans les années 1970. Les raisons de l’échec sont multiples. Il s’agissait d’un moyen permettant officiellement de lutter contre la fraude électorale, ce qui donnait mauvaise presse aux communes (et aux élus!) où l’État les imposait.
Par ailleurs, les données technologiques n’étaient pas fiables, de sorte que les machines se détérioraient facilement. En définitive, le coût prohibitif de la maintenance et l’absence de résultats tangibles tendant à démontrer une fraude massive, par contraste avec les résultats obtenus antérieurement à leur usage, ont amené l’abandon progressif de ces machines dès la fin des années 1970.
À l’heure actuelle, une réflexion nouvelle est menée pour faciliter, d’une part, le vote des électeurs absents le jour du scrutin, ce qui ne signifie pas nécessairement un recours aux technologies nouvelles, d’autre part, une expérimentation de celles-ci, notamment lors des consultations locales.
Toutefois, le vote à distance par Internet, sans bureau de vote, ne paraît pas encore assorti de garanties suffisantes pour assurer le secret du vote.
Dans l’immédiat, la solution retenue par l’administration française consiste à maintenir le bureau de vote, tout en autorisant une pluralité de matériels de vote (par exemple, écran tactile, carte à puce, « kiosques à voter »).
La difficulté essentielle du vote électronique réside dans la contradiction entre la recherche de transparence des opérations de vote et le maintien nécessaire du secret du vote.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Tchad

M. Samir Adam ANNOUR, Conseiller et M. Joseph DARKEM, Secrétaire général du Conseil constitutionnel du Tchad

Le code électoral tchadien a pris en compte la situation de certaines catégories de citoyens qui bénéficient de procédures spéciales de vote.

I. Le vote par procuration

Il concerne six (6) catégories d’électeurs:

  • les membres de la force publique et les autres agents de l’État légalement absents de leur domicile le jour du scrutin ;
  • les personnes rapportant des preuves que des raisons professionnelles les placent dans l’impossibilité d’être présentes dans la circonscription électorale le jour du scrutin ;
  • les malades hospitalisés;
  • les grands invalides et infirmes;
  • les membres des bureaux de vote qui ne souhaitent pas voter dans les bureaux où ils siègent ;
  • Les membres de la CENI et des sous-commissions en déplacement.

Il faut noter cependant que le vote par procuration est soumis à de strictes conditions prévues aux articles 61 à 66 du code électoral.
Aussi, la majorité du corps électoral étant composé d’illettrés, il n’y a pas eu beaucoup de cas de vote par procuration. Car le code impose de retirer la procuration quelques jours avant le scrutin afin de la faire légaliser par les autorités compétentes. Or généralement, les électeurs se présentent le jour du scrutin pour vouloir voter à la place d’un autre au vu seulement de sa carte d’électeur. Ce qui leur est refusé par le bureau de vote. Un travail de sensibilisation doit donc être effectué par la CENI mais aussi par les partis politiques afin de remédier à cette situation.

II. Le vote des nomades

Les nomades constituent une fraction non négligeable de la population tchadienne. Même s’ils ont des attaches territoriales (les sous-préfectures nomades), ils sont en perpétuel déplacement.
Aussi, le législateur a préféré étaler sur quatre (4) jours la durée du scrutin pour cette catégorie de citoyens de manière à permettre à ceux qui sont loin des bureaux de vote où ils ont été inscrits, de venir accomplir leur devoir civique.
Il a été prévu également la création de bureaux de vote itinérants. Mais il est à noter qu’en pratique les résultats n’ont pas été satisfaisants. Le Conseil constitutionnel a eu à annuler les résultats d’un très grand nombre de bureaux de vote nomades pour cause de pléthore d’électeurs. Nous avons estimé qu’il est difficile de croire que plus d’un millier de nomades puissent voter le même jour dans un même bureau de vote, quand au même moment la moyenne concernant les bureaux de vote de sédentaires tourne autour de 250 à 300 électeurs.

III. Le vote des Tchadiens de l’étranger

Tout comme pour les nomades, la durée du scrutin s’étale sur quatre (4) jours pour les Tchadiens de l’étranger. La différence est que ceux-ci ne votent que pour les élections présidentielles et le référendum. Ce vote est également soumis à un certain nombre de conditions. Il concerne uniquement les Tchadiens établis à l’étranger et régulièrement immatriculés dans les représentations diplomatiques ou consulaires.
Par ailleurs, le vote ne peut se dérouler que dans les sièges desdites représentations.
En pratique, le Conseil constitutionnel a été amené à annuler en bloc le vote des Tchadiens de l’étranger lors des élections présidentielles de 2001 du fait des irrégularités constatées. Ces irrégularités tiennent à la pléthore des votants dans les bureaux de vote et l’installation de ces mêmes bureaux de vote en dehors des représentations diplomatiques ou consulaires.

IV. Le vote des militaires

Les textes tchadiens n’ont pas prévu de procédure particulière de vote concernant les militaires. Néanmoins, comme ces derniers sont généralement consignés dans leurs casernes le jour du vote, la CENI prend le soin de leur installer des bureaux de vote où ils pourront accomplir leur devoir civique.

Conclusion

Il résulte de tout ce qui précède que la mise en place de procédures spéciales de vote n’est pas une opération très réussie. Les abus et le manque de sensibilisation ont pour beaucoup contribué à cet échec. Nous espérons que les annulations opérées par le Conseil constitutionnel lors des scrutins passés permettront une stricte application du code électoral lors des élections à venir.

 

B. Le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Bénin

Mme Marcelline GBEHA-AFOUDA, Secrétaire générale de la Cour constitutionnelle du Bénin

Aux termes des dispositions des articles 49, 117 alinéa 3 de la Constitution, 42 alinéa 2 de la loi organique, il revient à la Cour constitutionnelle de veiller à la régularité de l’élection du président de la République, d’examiner les réclamations, de statuer sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même, relever et de proclamer les résultats du scrutin.
En outre, selon l’article 81 alinéa 2 de la Constitution, elle « statue souverainement sur la validité de l’élection des députés ». Ce qui signifie concrètement que les membres de la Cour doivent être présents dans les bureaux de vote le jour des différents scrutins. Compte tenu du nombre limité des conseillers qui ne permet pas de satisfaire à cette obligation de sillonner l’ensemble du territoire national, il a été retenu le recrutement et la formation de certains citoyens, délégués par la Haute Juridiction pour les missions d’observation.
Leur mission est de suivre pour le compte de la Cour constitutionnelle le déroulement des opérations de vote sur l’ensemble du territoire national.

I. Le recrutement des observateurs

Le recrutement et le nombre des observateurs sont fonction de la superficie des départements et communes ainsi que du nombre de bureaux de vote. Ils sont au niveau des départements, les coordonnateurs départementaux, et au niveau des communes, les délégués communaux.

Des critères de sélection sont préalablement déterminés, de même que le nombre de jours de travail. En général, la Cour retient les critères suivants:

  • être un cadre de niveau A ou titulaire au moins de la maîtrise ;
  • savoir lire et écrire correctement le français;
  • ne pas avoir une appartenance affichée à un parti politique ;
  • résider dans le milieu où se déroulent les opérations depuis au moins deux ans;
  • ne pas accepter, une fois sélectionné, de jouer un rôle dans les démembrements de la Commission électorale nationale autonome (CENA);
  • justifier d’un moyen autonome de déplacement.

Les associations de développement et les associations chargées de la défense des droits de l’homme sont invitées à communiquer les noms des représentants de leur association. Des requêtes individuelles sont également enregistrées à la Cour.
Le choix de ces collaborateurs extérieurs est fait, non seulement sur la base des critères retenus pour ceux proposés par les associations de développement, mais aussi sur la base de la confiance et de l’expérience lors des précédentes consultations électorales.
Toutes les demandes au poste d’observateurs sont recensées et étudiées par un Comité qui procède à la présélection sur la base des critères prédéfinis et cités plus haut. Cette liste est ensuite soumise à l’Assemblée plénière des conseillers à la Cour qui, après un examen minutieux, arrête la liste définitive.

II. La formation des observateurs

Les coordonnateurs départementaux et les délégués communaux sont formés à la notion d’observation des élections, à la conduite à tenir au poste d’observation, au contenu de la mission d’observation. Des plaquettes ainsi que des fiches d’observation sont conçues pour servir de support au travail. La plaquette est intitulée : «Le guide de l’observateur ».

  • Le guide de l’observateur

Il s’agit d’un document qui précise :

  • le fondement juridique de l’observation des élections;
  • les objectifs de l’observation ;
  • la phase de l’observation proprement dite ;
  • le rôle du coordonnateur départemental.

 

  • La fiche d’observation dans un bureau de vote

La fiche d’observation permet au délégué de la Cour de relever toutes les irrégularités constatées lors du déroulement du scrutin. Les principales rubriques sont relatives à :

  • l’identification du bureau de vote ;
  • l’heure d’observation ;
  • la situation du bureau de vote ;
  • l’heure d’ouverture du scrutin ;
  • la composition du bureau de vote ;
  • la présence et l’emplacement de l’isoloir;
  • la qualité et la quantité du matériel électoral ;
  • la présence des représentants des candidats ou partis politiques;
  • la présence des scrutateurs.

Cette fiche doit également renseigner les membres de la Cour sur le respect de la procédure légale de dépouillement et sur toutes autres formes d’entraves au bon déroulement du scrutin.

III. Les missions d’observation

La mission d’observation dans un bureau de vote s’effectue le jour du scrutin. Elle révèle toute son importance, en ce sens que c’est sur la base des mentions relevées et consignées sur les fiches d’observation que la Haute Juridiction apprécie, lors du règlement du contentieux, les sanctions à appliquer.
En effet, grâce aux observations sur le terrain, la Cour peut sanctionner, sans risque de se tromper, toutes les entorses à la loi électorale telles que :

  • le vote des mineurs;
  • les votes multiples;
  • la fermeture prématurée des bureaux de vote ;
  • la distribution de vivres ou de billets de banque le jour du scrutin ;
  • la composition incomplète ou irrégulière des bureaux de vote ;
  • le défaut d’isoloir;
  • l’utilisation d’isoloir de fortune n’assurant pas le secret du vote ;
  • le dépouillement hors la présence des scrutateurs;
  • la pression sur les électeurs;
  • la propagande sur les lieux de vote ;
  • l’absence ou le nombre insuffisant de scrutateurs;
  • le remplacement de membre de bureau de vote par une autorité administrative ;
  • l’utilisation d’urnes non transparentes, etc.

Le jour du scrutin, l’observateur de la Cour doit passer une dizaine de minutes dans chaque bureau de vote. Chaque délégué communal devra remplir au moins dix (10) fiches dont cinq (05) complètes jusqu’au dépouillement. À la fin de l’observation, chaque délégué communal doit classer les documents en « fiches sans problème » et « fiches à problème ». Ensuite, il fait une synthèse des irrégularités et rend compte à son coordonnateur départemental.
Par ailleurs, tous les délégués doivent suivre la confection et l’acheminement des plis destinés à la Cour constitutionnelle vers les structures décentralisées de la Commission électorale nationale autonome (CENA). Le lendemain du scrutin, tous les coordonnateurs départementaux se réunissent sous la présidence du conseiller superviseur pour élaborer le rapport de synthèse d’observation.
Les observateurs permettent à la Cour d’avoir un suivi du déroulement des opérations électorales sur le territoire national. Leur présence a été dissuasive, en ce sens qu’elle a freiné ou empêché les tentatives de fraude.
Il faut préciser que les observateurs arborent, au cours de leur mission, des attributs de la Cour constitutionnelle qui sont : casquettes, T-shirts, sacs frappés du logo de la Cour.

IV. Les autres organes de contrôle dans les bureaux de vote

Outre les observateurs de la Cour constitutionnelle, les autres organes de contrôle dans les bureaux de vote n’ont aucun rapport avec la Haute Juridiction. On note généralement la présence :

  • des représentants des organisations non gouvernementales;
  • des représentants des partis politiques ou des candidats;
  • des représentants de la CENA et des démembrements;
  • des représentants des autorités politico-administratives;
  • des représentants des associations de défense des droits de l’homme.
V. Conclusion

On peut affirmer que les missions d’observation ont un impact certain sur les opérations de vote. De fait, la présence des coordonnateurs et délégués de la Cour dans les bureaux de vote a un effet dissuasif et constitue un frein aux fraudes électorales.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Burkina Faso

M. Abdouramane BOLY, Conseiller du Conseil constitutionnel du Burkina Faso

Introduction

Aux termes de l’article 152 de la Constitution, le Conseil constitutionnel contrôle « la régularité, la transparence et la sincérité du référendum, des élections présidentielles, législatives et est juge du contentieux électoral… ». De telles attributions qui impliquent la surveillance, la vérification ou l’inspection conduisent le Conseil constitutionnel à intervenir tout le long du processus électoral : avant, pendant et après les opérations de vote.
Dans le cas présent, il s’agit de rapporter l’activité du Conseil constitutionnel pendant les opérations de vote, en décrivant succinctement les voies et moyens par lesquels il exerce son contrôle sur le fonctionnement des bureaux de vote.
Du point de vue de la loi, le moyen pour le Conseil constitutionnel de surveiller matériellement le déroulement du scrutin est donné par:

  • l’article 31 de la loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000 relative au Conseil constitutionnel : «Le Conseil constitutionnel peut désigner un ou plusieurs délégués choisis parmi les magistrats pour suivre sur place les opérations… »
  • les articles 146 et 147 de la loi n° 014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral selon lesquels: « Pour veiller à la régularité des opérations électorales, le président du Conseil constitutionnel nomme par ordonnance, des délégués choisis parmi les membres de cette institution. » Ces délégués « procèdent, le jour du scrutin, à des contrôles inopinés sur pièces et sur place ».

En la matière, le Conseil constitutionnel du Burkina Faso institué par la loi du 27 avril 2000 et seulement mis en place en décembre 2002 ne s’est pas encore illustré, faute d’élections organisées dans l’intervalle. Par contre, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême qui l’a précédé, a accumulé sur la base de normes similaires une certaine expérience pour avoir exercé à maintes reprises un contrôle sur le fonctionnement des bureaux de vote lors de nombreux scrutins: un référendum, deux élections présidentielles, trois élections législatives et deux élections communales.
Pour illustrer notre propos sur le contrôle exercé dans les bureaux de vote, l’expérience des élections législatives du 5 mai 2002 nous paraît par conséquent intéressante à partager.

I. Modalités du contrôle des bureaux de vote par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême aux élections législatives du 5 mai 2002

Conformément à la loi électorale alors en vigueur, le président de la Cour suprême a nommé par ordonnance des délégués choisis parmi les membres de cette institution ; ces délégués, munis d’un ordre de mission, ont procédé le jour du scrutin, « à des contrôles inopinés sur pièces et sur place ».
Pour des raisons tenant tant à la logistique, qu’au faible effectif des membres de la Cour suprême (une trentaine) et au difficile accès de certaines parties du territoire, douze (12) équipes de contrôle ont été constituées; à chacune de ces équipes a été impartie une zone géographique couvrant une ou plusieurs circonscriptions électorales.
L’objet du contrôle exercé par les délégués est inspiré du code électoral qui lui suggère de s’intéresser particulièrement à la régularité de la composition des bureaux de vote, des opérations de vote, du dépouillement des suffrages et aux conditions de liberté dans lesquelles les électeurs et les candidats exercent leurs droits respectifs. Il en résulte pour le délégué, lors du contrôle exercé, l’obligation d’être attentif à tous ces points. Pour ce faire, le délégué doit, en toute liberté, avoir accès à l’ensemble des informations nécessaires à l’exercice de sa mission de contrôle. C’est pourquoi l’article 147 du code électoral prescrit aux autorités administratives et aux présidents des bureaux de vote de leur fournir tous les renseignements et de leur communiquer tous les documents nécessaires y compris un exemplaire du procès-verbal des opérations électorales, lorsqu’ils en sont requis. De façon générale, les délégués procèdent à tous contrôles et vérifications utiles; ils ont accès à tout moment aux bureaux de vote et peuvent exiger l’inscription de toutes observations au procès-verbal, soit avant la publication des résultats des scrutins, soit après.
En pratique, lors des différents contrôles opérés par les délégués de la Cour suprême, ceux-ci ont eu parfois à attirer l’attention des membres des bureaux de vote sur la nécessité du contrôle des pièces d’identité, l’obligation pour l’électeur de passer par l’isoloir, le traitement égal à réserver aux délégués de tous les partis politiques etc. En outre, leur avis a été souvent demandé par les présidents des bureaux de vote sur la conduite à tenir face à certaines situations comme l’absence de certains matériels, l’absence d’un membre de bureau, etc.
Afin de rendre plus rationnel l’exercice de ce contrôle, il a été conçu une fiche questionnaire que les délégués remplissent dans chacun des bureaux de vote visités; ce questionnaire est largement inspiré de l’objet du contrôle tel que conçu en partie par le code électoral. Les délégués y portent également toutes leurs observations et les éventuels incidents survenus lors du contrôle effectué dans le bureau de vote concerné.

II. Des constatations faites lors des contrôles

À l’issue du scrutin, le délégué est tenu de dresser un rapport qu’il remet au président, au plus tard dans les vingt-quatre heures qui suivent la clôture du scrutin. L’objet immédiat du rapport est de rendre compte au président du déroulement de la mission et surtout de porter à sa connaissance les conditions dans lesquelles les opérations électorales ont eu lieu.
C’est ainsi qu’à l’issue des contrôles effectués pendant les élections législatives du 5 mai 2002, les rapports établis par les délégués ont fait ressortir que d’une manière générale :

  • les bureaux de vote, dans leur très grande majorité ont ouvert à l’heure ;
  • la composition des bureaux de vote était régulière ;
  • la présence des délégués des partis en compétition était relativement satisfaisante ;
  • la qualité et la compétence des officiers de l’élection étaient assez bonnes (ceux-ci n’hésitant pas avec beaucoup de patience et de pédagogie à expliquer à certains électeurs comment voter);
  • etc.

Toutefois, les rapports établis par les délégués ont fait état d’anomalies observées à savoir:

  • la tentative de quelques responsables administratifs villageois d’influencer le vote ;
  • l’installation de quelques bureaux de vote dans des domiciles privés ou dans certains lieux impropres à assurer la sérénité et la transparence des votes;
  • la sous-représentation de beaucoup de partis, notamment ceux de l’opposition dans les bureaux de vote de certaines régions;
  • l’installation des isoloirs soit en des lieux si sombres que l’électeur avait de la peine à distinguer les logos des partis, soit, dans des milieux tellement ouverts que le secret du vote ne se trouvait pas garanti ;
  • la sécurité insuffisamment assurée dans les lieux de vote en raison, soit de l’absence d’un agent de sécurité, soit de la présence de personnes peu qualifiées (personnes militairement formées ou ex-CDR) pour assumer la tâche ;
  • le manque en certains endroits de bulletins de vote, ce qui n’a pas permis à certains électeurs de voter;
  • l’incapacité des urnes à recevoir tous les suffrages, notamment lorsque le nombre de votants atteint un certain seuil ;
  • le non respect dans quelques bureaux de vote de l’article 76 du code électoral qui prescrit de parapher les bulletins au début des opérations de vote et non au fur et à mesure.
III. Portée des contrôles et vérifications

La première exploitation des résultats du contrôle s’est située au moment où la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a commencé à procéder au recensement général des votes relatifs au scrutin législatif du 5 mai 2002. En effet, en même temps qu’elle examinait les procèsverbaux et documents y annexés relatant le déroulement ainsi que les résultats des opérations du scrutin dans les 10 899 bureaux qui ont recueilli les votes des électeurs, la Chambre constitutionnelle se penchait le cas échéant sur les rapports des délégués et les fiches questionnaires correspondant aux bureaux de vote contrôlés. Cet exercice de rapprochement a apporté à la juridiction constitutionnelle des indications utiles sur les erreurs et anomalies constatées directement par les délégués ou révélées par les membres des bureaux de vote, les délégués des partis ou les candidats dans les procès-verbaux. D’une certaine manière, les délégués constituent donc un élément essentiel d’information, en ce sens qu’avant toute réclamation, les irrégularités entachant les opérations électorales sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction constitutionnelle par le canal de ses délégués. Ainsi, peut-elle se faire déjà une idée du degré de régularité ou de l’ampleur des irrégularités du scrutin pour le moment venu, trancher en connaissance de cause sur les réclamations dont elle aurait éventuellement connaissance. C’est ainsi que la Chambre constitutionnelle a, par exemple, procédé à l’annulation du scrutin dans neuf (9) bureaux de vote pour des irrégularités tenant à l’implantation de bureaux de vote dans des domaines privés, irrégularités relevées par ses délégués lors des contrôles effectués sur le terrain.

En conclusion

Nul doute que le contrôle du fonctionnement des bureaux de vote effectué par les délégués de la juridiction constitutionnelle présente un intérêt certain malgré le faible taux de couverture du contrôle ; en effet, sur 10 899 bureaux de vote répartis sur l’ensemble du territoire national, lesdits délégués, au nombre d’une trentaine, répartis en 12 équipes, n’ont pu exercer cette activité de contrôle que dans 236 bureaux de vote (à titre de comparaison, pour les présidentielles de 1988 en France, on comptait plus de 1 400 délégués pour les 55 000 bureaux de vote).
Néanmoins, dans un contexte électoral comme celui de l’Afrique où les opérations électorales sont considérées comme présentant un déficit en matière de régularité et de transparence, l’éventualité d’un contrôle par les délégués de la juridiction constitutionnelle revêt un caractère fortement dissuasif face à des velléités éventuelles de fraude pendant le déroulement du scrutin.

 

C. Le rôle des Cours constitutionnelles lors des opérations de vote, du décompte des voix et de la transmission des résultats

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

Aux termes de l’article 86 alinéa 4 de la Constitution, la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la régularité des élections présidentielles et législatives dont elle proclame les résultats.
Les violations de la loi électorale lors des opérations de vote, comme, entre autre le non respect des droits des votants ou des candidats, constituent des irrégularités pouvant entacher la sincérité, la transparence du scrutin entraînant ainsi, eu égard à leur nature et à leur gravité, le maintien des résultats des votes ou leur annulation totale ou partielle.
Dans le cadre de son rôle de contrôle de la régularité des élections notamment lors des opérations de vote, la Cour constitutionnelle déploie sur l’ensemble du territoire national tous ses membres et des milliers de délégués qui observent le déroulement du scrutin et lui font des rapports en remplissant un formulaire préalablement établi par la Cour.
La Cour constitutionnelle statue sur la régularité du scrutin dans chaque bureau de vote au vu des procès-verbaux des opérations électorales, les feuilles de dépouillement, les récépissés des résultats et les rapports des délégués de la Cour constitutionnelle.

 

D. L’observation des élections par les organisations internationales

L’expérience du Conseil constitutionnel algérien

M. Bouzid AMMI, Directeur d’études et de recherche du Conseil constitutionnel algérien

L’histoire des observateurs internationaux dans le domaine de la surveillance des élections remonte aux années 1940, c’est-à-dire avec l’apparition de l’ONU.
C’est ainsi que l’envoi d’observateurs internationaux fait partie des mécanismes que l’ONU a mis en place pour éviter les fraudes électorales et donner aux élections un caractère crédible dans le but de renforcer la démocratie et les réformes politiques dans les pays en voie de démocratisation.
Les élections sont considérées comme étant l’un des instruments essentiels pour se prévaloir de la légitimité de la représentation des citoyens.
Les Gouvernements sollicitent officiellement les organisations internationales, l’ONU, l’OUA (UA), la Ligue arabe et les centres d’études ou organisations non gouvernementales, soit de leur propre initiative soit à la suite d’une revendication des partis d’opposition pour l’envoi d’observateurs spécialisés dans le domaine des élections. Ces observateurs assurent une surveillance tout le long du processus électoral jusqu’à la fin du scrutin.
Généralement, ce sont les partis d’opposition qui expriment la nécessaire présence d’observateurs internationaux et les pouvoirs publics peuvent répondre favorablement à cette demande, en vue de donner une crédibilité interne et externe aux résultats des élections.
La mission fondamentale des observateurs internationaux consiste notamment, de par leur présence, à apporter appréciation générale sur le respect des règles et du mode d’organisation du scrutin dans le pays concerné. Les observateurs, dès leur arrivée, tiennent des séances de travail avec toutes les parties concernées.
À ce titre, leur présence permet également de renforcer les garanties pour la régularité des opérations électorales dans le sens où ils apparaissent comme un instrument d’observation neutre des élections, et ce, à l’égard de l’ensemble des acteurs engagés dans les élections.
Dans ce cadre, les observateurs sont invités à collaborer avec les pouvoirs publics ainsi qu’avec toutes les parties (partis politiques, société civile, administration) en se rendant à la fois au niveau central (contact avec la Commission nationale chargée des élections) et au niveau local dans les lieux où se déroulent les opérations électorales (bureaux de vote).
À ce titre, ils se répartissent en petits groupes à travers le territoire du pays concerné afin d’assister à toutes les étapes des opérations électorales jusqu’à la fin du scrutin.
L’ensemble des informations et des données qu’ils récoltent lors de leur présence effective sur le terrain où se déroulent les opérations électorales, leur permet de procéder à une évaluation globale des élections et de se prononcer dans un rapport général sur la régularité des élections.
Les observateurs peuvent soit rendre public le rapport, soit exprimer leurs opinions sur la régularité des élections lors d’une conférence de presse à la fin de la proclamation des résultats.
La présence d’observateurs se justifie pour diverses raisons, notamment :

  • ils veillent au respect des règles légales relatives au déroulement du scrutin ;
  • de par leur présence en tant que témoins neutres, ils créent un climat de confiance à l’égard de l’ensemble des acteurs participant aux élections;
  • par la même, ils favorisent la participation des électeurs à voter aux élections en leur apportant une sorte d’encouragement à exprimer leur libre choix.

Enfin, l’observation des élections dans un pays donné permet à la fois d’apporter une certaine légitimité aux résultats du scrutin et d’asseoir une crédibilité aux élections au plan international.
L’observation internationale peut être considérée comme un nouvel instrument de mesure pour la concrétisation du processus démocratique dans les pays en voie de développement et de renforcement des règles de bonne gouvernance dans ces pays.

 

Organisation internationale de la Francophonie : accompagnement des processus électoraux

L’accompagnement des processus électoraux s’est poursuivi essentiellement à travers deux types d’action :

  • l’envoi de missions d’observation des élections;
  • le soutien multiforme aux institutions impliquées dans l’organisation et le contrôle des élections, sous-tendus par la mobilisation accrue du Réseau francophone de compétences électorales (Recef), au titre de la réflexion et de la coopération.
I. Missions d’observation des élections

Répondant au souci du Sommet de Moncton de poursuivre ces missions « chaque fois que cela sera possible et nécessaire, en coopération avec d’autres organisations internationales », la Francophonie a continué de procéder, à la demande des États concernés, et, dans le cadre du droit en vigueur, à l’envoi de missions d’observation des élections.
Ces missions demeurent, en effet, un moyen privilégié de renforcer la cohésion de la Communauté francophone, par les échanges d’expérience et d’expertise qu’elles suscitent. Elles représentent, également, une occasion de procéder, en raison du caractère global et multiforme de la mobilisation des différentes structures et acteurs impliqués dans l’organisation de ces scrutins, à une évaluation in situ de l’état de fonctionnement de l’État de droit et de la démocratie. Cette évaluation permet, à son tour, l’adaptation régulière des programmes de coopération, en vue d’un soutien durable à ces processus.
Les modalités de composition et de déploiement de ces missions, telles que définies par le secrétaire général, à la lumière des principes directeurs, ont, par ailleurs, veillé à renforcer la visibilité de l’action francophone en ce domaine. C’est ainsi qu’ont été privilégiées:

  • l’organisation de missions conjointes avec d’autres organisations internationales (Nations unies, Commonwealth, OUA, OEA, OSCE);
  • une multilatéralité accrue dans la composition des missions, favorisant l’échange des expériences;
  • la publication des rapports des missions et leur large diffusion auprès des instances de la Francophonie, des organisations internationales, des partis politiques, des OING et des institutions partenaires;
  • l’exploitation, tant dans le cadre de la préparation des missions d’information et de contacts ou de facilitation, que dans celui du Symposium international de Bamako, des données collectées lors de ces missions, sur l’évolution politique et institutionnelle des pays.

Depuis le Sommet de Moncton, également, et de façon complémentaire au lien clairement constaté entre les missions de facilitation, mandatées par le secrétaire général et les missions d’observation, dont les membres sont souvent appelés, de fait, à exercer une fonction d’écoute de l’ensemble des parties, ces dernières ont pu être, soit remplacées, soit relayées par des missions d’information et de contact. Qu’il s’agisse d’élections locales non prévues par les principes directeurs (Guinée Équatoriale, 28 mai 2000), d’élections dont les conditions d’organisation n’offraient pas les garanties suffisantes ou d’un scrutin fiable (Haïti, élections législatives, municipales et sénatoriales, 2e tour, le 9 juillet 2000 ; élection présidentielle, le 26 novembre 2000), ou de parfaite sécurité (Congo, élections législatives, 2e tour, le 23 juin 2002), ou encore dans le cas de scrutins reportés (Cameroun, élections législatives, le 23 juin 2002).

Missions d’observation des élections effectuées par l’Organisation internationale de la Francophonie du 19 septembre 1999 au 6 janvier 2003 :

  • Élections présidentielles en Centrafrique (19 septembre 1999), en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Niger (17 octobre 1999, 1er tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Niger (24 novembre 1999, 2e tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles et législatives (1er tour) en Guinée-Bissau, (28 novembre 1999), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles en Guinée-Bissau (16 janvier 2000, 2e tour), conjointement avec l’OUA et en collaboration technique avec les Nations unies.
  • Élections présidentielles au Sénégal (27 février 2000, 1er tour), conjointement avec l’OUA.
  • Élections présidentielles au Sénégal (19 mars 2000, 2e tour), conjointement avec l’OUA.
  • Élections législatives, municipales et sénatoriales en Haïti (21 mai 2000, 1er tour), en collaboration technique avec l’OEA.
  • Élections présidentielles au Bénin (4 mars 2001, 1er tour).
  • Élections législatives au Sénégal (29 avril 2001), en partenariat avec l’OUA.
  • Élections présidentielles au Tchad (20 mai 2001, 1er tour), en partenariat avec l’ONU et l’OUA.
  • Élections législatives en Albanie (24 juin 2001, 1er tour), dans le cadre de la coordination avec l’OSCE.
  • Élections législatives en Albanie (8 juillet 2001, 2e tour), dans le cadre de la coordination avec l’OSCE.
  • Élections présidentielles aux Seychelles (29/30 août et 1erseptembre 2001).
  • Élections législatives au Gabon (9 décembre 2001, 1er tour).
  • Élections législatives au Gabon (23 décembre 2001, 2e tour).
  • Élections référendaires aux Comores (23 décembre 2001), en partenariat avec l’OUA et la COI.
  • Élections présidentielles de l’Union des Comores (10 mars 2002, 1er tour).
  • Élections présidentielles de l’Union des Comores (14 avril 2002, 2e tour).
  • Élections législatives au Burkina Faso (5 mai 2002).
  • Élections législatives au Congo (26 mai 2002, 1er tour).
  • Élections législatives et municipales au Cameroun (23 juin 2002).
  • Élections présidentielles au Mali (Avril/mai 2002) et législatives (juillet 2002).
  • Élections législatives aux Seychelles (décembre 2002).
  • Élections législatives en Guinée équatoriale (décembre 2002).
  • Élections législatives à Madagascar (décembre 2002).
  • Élections municipales et communales au Bénin (décembre 2002 et mars 2003).
  • Élections législatives à Djibouti (janvier 2003).
II. Renforcement des capacités électorales

L’assistance électorale s’est efforcée de répondre aux orientations désormais traditionnelles, en ce domaine, confirmées par les Sommets de Moncton et de Beyrouth. Les chefs d’État et de Gouvernement ont rappelé, à cet égard, que les missions d’observation devaient « s’inscrire dans le cadre d’une coopération à long terme, tant en amont qu’en aval des consultations électorales, avec les pays concernés » et que « l’accompagnement nécessaire à l’organisation des consultations électorales démocratiques serait privilégié, notamment dans le secteur juridique, ainsi que l’appui aux Institutions de contrôle et à la société civile ».
Cette démarche s’est effectuée en complémentarité avec celle des autres partenaires au développement, en vue de renforcer les capacités à long terme de l’ensemble des intervenants dans ce processus, en privilégiant le recours aux compétences nationales et à l’échange multilatéral des expériences, dans une optique, notamment, de coopération Sud-Sud. C’est ainsi que les actions menées se sont fondées sur la mise à jour régulière des bilans engagés par l’Agence intergouvemementale de la Francophonie en 1995, à Bordeaux, en 1997, à Dakar, en 1998, à Cotonou, et réactualisés lors de la réunion, qui s’est tenue à Paris, du 25 au 27 avril 2000, inscrite aussi, au titre du 3e séminaire préparatoire sur le thème « Les élections », du Symposium international de Bamako sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone.
Les actions menées, en 1999-2002, ont concerné les volets suivants:

  • information et sensibilisation des citoyens;
  • formation des différents agents électoraux ;
  • publication et diffusion des textes et instruments de vulgarisation ;
  • appui logistique et en perfectionnement technique en direction des structures chargées de l’organisation des scrutins, de la régulation médiatique et du contentieux électoral.

Depuis le Sommet de Moncton, la Francophonie a, aussi, systématisé son soutien à la presse et aux organisations non gouvernementales ainsi qu’à des rencontres nationales d’évaluation des conditions de déroulement des scrutins afin d’accompagner les initiatives nationales, qui, aujourd’hui, s’inscrivent résolument dans le dispositif national d’observation et de veille.

Ces interventions ont concerné les pays suivants:

  • République centrafricaine : mise à disposition de la Commission électorale mixte indépendante (CEMI) d’un expert, à l’occasion du 1er tour des élections présidentielles du 19 septembre 1999 ;
  • Niger : mise à disposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), d’un expert, à l’occasion du 1er tour des élections présidentielles du 17 octobre 1999 et contribution financière en vue de la formation des membres des bureaux de vote ;
  • Guinée-Bissau : mise à disposition du Tribunal supérieur, d’un expert, à l’occasion des élections présidentielles et législatives du 28 novembre 1999 et 16 janvier 2000 ;
  • Sénégal : soutien aux organisations non gouvernementales, (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme-Raddho et Gerddes), à l’occasion des élections présidentielles et législatives de 2000 et 2001, en vue du déploiement d’observateurs; contribution scientifique et financière à la tenue du Séminaire national d’évaluation du processus électoral, organisé à Dakar, en juillet 2000, par le Codesria avec des chercheurs et les différents acteurs impliqués;
  • Burkina Faso : appui au renforcement des capacités de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à l’occasion des élections municipales du 24 septembre 2000, par une contribution financière inscrite dans le Fonds commun des partenaires au développement ;
  • Bénin : contribution scientifique et financière à la tenue du Séminaire national d’évaluation du fonctionnement de la Commission électorale nationale autonome (CENA), organisé par la Commission béninoise des droits de l’homme (CBDH), avec l’ensemble des membres des différentes CENA (1995, 1996, 1999) et les différents acteurs impliqués; à l’occasion des élections présidentielles de mars 2001 : appui au renforcement des capacités de la CENA par la prise en charge des formateurs des personnels des bureaux de vote à l’étranger et la fourniture de matériel de transmission des résultats, contribution financière en vue de la formation des journalistes, organisée par la HAAC, dotation en équipements de la Cour constitutionnelle et financement d’une session de formation organisée par elle pour les requérants sur les points de contentieux électoral, appui à l’Association des femmes juristes du Bénin en vue de la sensibilisation des femmes aux textes électoraux et à l’inscription sur les listes électorales;
  • Tchad : concours, dans la perspective des élections présidentielles de mai 2001, au perfectionnement des membres de la CENI, du Haut Conseil de la communication et du Conseil constitutionnel, par l’organisation d’échanges d’expériences entre les présidents de ces différentes institutions et leurs homologues du Bénin ; renforcement des capacités de la CENI, par la formation des formateurs des agents électoraux, en partenariat avec Élections Québec et la mise à disposition d’un expert, avant et pendant les élections, aux fins d’une rationalisation accrue du processus; du Haut Conseil de la communication, par des dotations en matériels audiovisuels; du Conseil constitutionnel, par des dotations en matériels informatiques; de l’Association des éditeurs de la presse privée, par une contribution financière à la formation des journalistes et la mise à disposition d’un expert, ainsi que par une dotation en matériels de communication ; mission de suivi des institutions impliquées dans le processus électoral, effectuée en avril 2002, à l’occasion des élections législatives;
  • Albanie : prise en charge, dans le cadre des élections législatives du 24 juin et du 8 juillet 2001, de la traduction de la Constitution et du code électoral en français, de même que d’une consultation juridique sur le code électoral et dotation d’une centaine de télécopieurs, à la Commission électorale centrale, destinés à faciliter la transmission des résultats;
  • Gabon : dotation en matériels d’écoute radio et de visionnage télé du Conseil national de la communication, dans la perspective des élections législatives de 2001 ;
  • Congo : Mise à disposition, en 2001 d’un expert pour l’étude des textes électoraux, dans la perspective des consultations électorales prévues en 2002 ; organisation et financement, par la Francophonie, d’un séminaire international sur les politiques comparées en matière électorale, en octobre 2001, à Brazzaville, en vue d’un échange des expériences francophones, notamment en ce qui concerne les textes législatifs et réglementaires organisant les processus électoraux, dans la perspective de l’adoption du code électoral.

ANNEXE

Accompagnement, par la Francophonie, des processus électoraux : Missions francophones d’observation des élections et assistance électorale (1992-2002) Tableau synoptique

 

 

Les activités de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe et du Conseil des élections démocratiques dans le domaine électoral

Gaël MARTIN-MICALLEF, Agent à la Division des élections, Secrétariat de la Commission de Venise

Composée d’experts indépendants éminents en raison de leur expérience au sein des institutions démocratiques ou de leur contribution au développement du droit et des sciences politiques, la Commission de Venise exerce ses compétences dans l’ensemble du domaine constitutionnel, ne se limitant pas à la Constitution au sens étroit. Outil de « dépannage constitutionnel » pour ses États membres, la Commission de Venise (ci-après la Commission) a étendu progressivement ses activités au domaine électoral, aujourd’hui l’une de ses principales activités.
Plus précisément, l’activité électorale de la Commission s’inscrit dans le cadre de deux de ses trois grandes activités: l’assistance constitutionnelle et l’étude de thèmes de caractère général, ou « transnationaux ». La troisième activité de la Commission est la coopération avec les Cours constitutionnelles.
L’assistance électorale aux États prend diverses formes, dont la plus classique est la présentation d’un avis sur un projet de loi, afin de favoriser une modification du texte. Parfois, la Commission est plus étroitement impliquée dans la rédaction du texte, comme ce fut le cas pour la législation électorale albanaise en 1997, 2000 et 2003.
Le plus souvent, la Commission agit à la demande des autorités d’un État, et notamment du Parlement. Il faut aussi signaler que, de plus en plus souvent, la Commission coopère avec d’autres organisations internationales, et qu’elle élabore désormais des avis communs avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE, concernant la matière électorale.
Nous travaillons surtout avec les États du sud-est européen et de la CEI, comme l’Albanie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Toutefois, notre coopération ne se limite pas à cette partie de l’Europe et nous avons eu l’occasion de travailler, par exemple, sur les questions électorales dans les cantons suisses.
Par ailleurs, l’activité de la Commission de Venise n’est pas limitée aux élections proprement dites, mais s’étend aussi à la démocratie référendaire.
La Commission organise également des séminaires multilatéraux, notamment avec les Cours constitutionnelles.
Un autre aspect des travaux de caractère multilatéral de la Commission est constitué par les études comparatives, fondées sur la situation dans les États membres du Conseil de l’Europe – et souvent au-delà. Dans le domaine électoral, on peut citer l’étude sur le droit électoral et les minorités nationales, ou encore les lignes directrices sur le référendum constitutionnel à l’échelle nationale, qui pourraient précéder d’autres travaux en matière de démocratie semi-directe.
Après ces quelques points sur l’activité de la Commission de Venise en matière électorale, j’en viens au Conseil des élections démocratiques. C’est suite à une demande de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (résolution 1264) qu’un organe mixte, le Conseil des élections démocratiques, a été mis en place. Il regroupe des membres de la Commission de Venise, de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, qui se réunissent avant chaque session plénière de la Commission de Venise. L’Assemblée parlementaire de l’OSCE, notamment, a statut d’observateur. Le Parlement européen a été invité comme observateur.
La première tâche du Conseil des élections démocratiques a été d’adopter un Code de bonne conduite en matière électorale[1] ; ce document contient les normes du patrimoine électoral européen. Ces normes sont d’abord les principes constitutionnels classiques du droit électoral : le suffrage universel, égal, libre, secret et direct, ainsi que la périodicité des élections. Ainsi proclamés, ces principes ne suscitent guère de contestations; il en va cependant autrement lorsqu’il s’agit d’en définir précisément le contenu.
Par exemple, l’examen du suffrage libre comprend deux aspects: la libre formation et la libre expression de la volonté de l’électeur. Le premier aspect, la libre formation de la volonté de l’électeur, est souvent oublié, mais implique par exemple la neutralité des médias publics, qui est encore loin d’être réalisée de manière générale. Quant au deuxième aspect, la libre expression de la volonté de l’électeur, il impose un examen des procédures de vote qui ne peut rester superficiel : quand le vote par correspondance, le vote par procuration, le vote électronique sont-ils admissibles ? La libre expression de la volonté de l’électeur implique aussi un décompte régulier, transparent, avec présence des observateurs, des représentants des candidats et des médias, ainsi que la transparence de la transmission des résultats au niveau supérieur. Je n’entrerai pas dans davantage de détails, mais je voulais simplement montrer combien ce qui peut paraître élémentaire au premier abord est souvent plus compliqué qu’on ne le pense.
Le respect des principes déjà cités (suffrage universel, égal, libre, secret et direct, périodicité des élections) est nécessaire à des élections régulières, mais non suffisant : certaines conditionscadres doivent être remplies. L’une d’entre elles est l’organisation du scrutin par un organe impartial[2], c’est-à-dire par des commissions électorales indépendantes et impartiales, sauf en cas de longue tradition d’indépendance de l’administration face au pouvoir politique. En particulier, il doit exister un certain équilibre partisan au sein des commissions électorales. L’existence d’un système de recours efficace[3] est également indispensable, tant il est vrai que toute règle ne pouvant être sanctionnée par une autorité n’est que lex imperfecta, et le droit électoral ne fait pas exception. Une autre condition fondamentale est le respect des droits de l’homme, et notamment de la liberté d’expression et de la liberté de réunion et d’association à des fins politiques. On pourrait encore citer l’ouverture la plus large possible du scrutin aux observateurs nationaux et internationaux ou la stabilité du droit électoral[4], et notamment de ses éléments fondamentaux, comme la composition des commissions électorales et le système électoral proprement dit. L’instabilité du droit électoral est signe d’immaturité de la démocratie : un consensus sur les règles du jeu est en effet un élément majeur du bon déroulement des élections et, surtout, du bon fonctionnement de la démocratie.

Voici un exemple plus concret des principes posés par le Code de bonne conduite dans ses lignes directrices, sous l’angle de l’observation des élections[5] :

3.2. L’observation des élections

  1. La possibilité de participer à l’observation doit être la plus large possible, en ce qui concerne aussi bien les observateurs nationaux que les observateurs internationaux.
  2. L’observation ne doit pas se limiter au jour de l’élection, mais comprendre la période d’enregistrement des candidats et, le cas échéant, des électeurs, ainsi que la campagne électorale. Elle doit permettre d’établir si des irrégularités se sont produites aussi bien avant l’élection que pendant celle-ci et après celle-ci. Elle doit en particulier être possible pendant le dépouillement.
  3. La loi doit indiquer très clairement les lieux où les observateurs ne peuvent pas se rendre.
  4. L’observation doit porter sur le respect par les autorités de leur obligation de neutralité.

Le Code de bonne conduite est ainsi la première réalisation et aussi le premier succès du Conseil des élections démocratiques. Il a été adopté par la Commission de Venise, approuvé par l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, et le Comité des ministres a décidé d’encourager sa diffusion.
Par ailleurs, outre les principes électoraux établis dans le Code de bonne conduite, un questionnaire a été élaboré, qui reprend de façon pratique, et avec un traitement informatique, les principes généraux du Code de bonne conduite, ce qui permet aux délégations d’observateurs d’avoir une meilleure appréciation d’ensemble des élections qu’ils observent. Le guide pour l’évaluation des élections[6] a ainsi un objectif pratique, et a déjà été utilisé lors d’observations d’élections. En particulier, sa version finale a été adaptée suite à l’observation des élections locales en Moldova au printemps 2003. Autre document d’importance, une étude sur les systèmes électoraux[7] a été récemment réalisée, développant l’offre existante de systèmes électoraux et les critères de choix de ceux-ci.
En outre, le Conseil des élections démocratiques élabore des avis portant sur les améliorations éventuelles à apporter à la législation et aux pratiques appliquées dans tel ou tel État, sur la base des rapports d’observation de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, mais également sur la base de rapports d’observations de l’OSCE-BIDDH. Ces recommandations portent non seulement sur la législation elle-même, mais aussi sur sa mise en œuvre, telle que constatée lors de l’observation des élections.
Parmi les projets en cours, il faut citer la création d’une base de données en matière électorale ; elle comprendra en particulier les législations électorales des États membres, qui seront indexées pour permettre ainsi une recherche aisée, notamment par mot-clef.
Enfin, la Commission de Venise a réalisé un site électoral, accessible depuis le portail Internet du Conseil de l’Europe[8]. Ce site offre notamment un calendrier des élections passées et à venir dans les États membres du Conseil de l’Europe, et des zooms sur certaines élections. Ces dossiers spéciaux regroupent la législation de l’État concerné, les précédentes élections, le lien éventuel vers l’organe chargé de l’organisation des élections; ils contiennent en outre toutes les activités, rapports d’observation et expertises élaborés au sein du Conseil de l’Europe.
Comme vous le constatez, les activités électorales de la Commission de Venise ont encore un bel avenir, les idées ne manquent pas, et toute proposition est bienvenue ; nous donc sommes ouverts à vos suggestions pour nos activités futures et, pourquoi pas, notre coopération future.


  • [1]
    Référence du document : CDL-AD (2002) 023rév, Code de bonne conduite en matière électorale, lignes directrices et rapport explicatif. Adopté par la Commission de Venise en octobre 2002. Le Code de bonne conduite existe en français, anglais, russe, serbe, azéri, arménien et géorgien.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Pour retrouver ce principe dans le Code de bonne conduite, voir:
    I. Les principes du patrimoine électoral européen
    (…)
    II. Les conditions de la mise en œuvre des principes
    (…)
    3.Les garanties procédurales
    3.1. L’organisation du scrutin par un organe impartial.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Voir II. 3.3. L’existence d’un système de recours efficace.  [Retour au contenu]
  • [4]
    Voir II. 2. Niveaux normatifs et stabilité du droit électoral.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Voir II. 3.2. L’observation des élections.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Référence du document : CDL-AD (2003) 010, Guide pour l’évaluation des élections. Adopté par le Conseil des élections démocratiques et la Commission de Venise, juin 2003, sur la base d’une contribution de M. Claude Casagrande (expert auprès du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, France). Ce document existe également en anglais.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Référence du document : CDL-EL (2003) 6rév, Les systèmes électoraux, tableau de l’offre et critères de choix. Rapport introductif présenté par M. Christophe Broquet (expert, France) et M. Alain Lancelot (membre, France), novembre 2003. Ce document existe également en anglais.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Adresse directe en français: http ://www.coe.int/dossiers/elections Adresse directe en anglais: http ://www.coe.int/files/elections Le site existe également en italien, en russe et en allemand.  [Retour au contenu]

Avis n° 190/2002

Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise)

Lignes directrices en matière électorale adoptées par la Commission de Venise lors de sa 51e session (Venise, 5-6 juillet 2002)

Introduction

Le 8 novembre 2001, la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire, agissant au nom de l’Assemblée, a adopté la résolution 1264 (2001), par laquelle elle a invité la Commission de Venise :

  1. à créer en son sein un groupe de travail auquel participeraient des représentants de l’Assemblée parlementaire, du CPLRE et, éventuellement, d’autres organisations ayant une expérience en la matière, dans le but de réfléchir de façon régulière aux questions électorales;
  2. à élaborer un code de bonne conduite en matière électorale… ;
  3. à recenser… les principes du patrimoine électoral européen…

Le texte qui suit concrétise les trois aspects de cette résolution. Il a été adopté par le Conseil des élections démocratiques – groupe de travail conjoint prévu par la résolution de l’Assemblée parlementaire – lors de sa 2e réunion (3 juillet 2002); il est basé sur les principes du patrimoine électoral européen ; il contient des lignes directrices, noyau d’un code de bonne conduite en matière électorale.
Ce texte s’inspire des lignes directrices qui se trouvent dans l’annexe à l’exposé des motifs du rapport ayant servi de base à la résolution de l’Assemblée (Doc. 9267). Il s’inspire aussi des travaux menés par la Commission de Venise dans le domaine électoral, tels que résumés dans le document CDL (2002) 7.

I. Les principes du patrimoine électoral européen

Les cinq principes du patrimoine électoral européen sont le <i>suffrage universel, égal, libre, secret et direct. En outre, les élections doivent être périodiques.

1. Le suffrage universel

    1. Le suffrage universel implique en principe que tout être humain ait le droit de vote et soit éligible. Toutefois, un certain nombre de conditions peuvent ou doivent être prévues:
      1. condition d’âge :
        1. la capacité civique doit être soumise à un âge minimal ;
        2. le droit de vote doit être acquis au plus tard avec la majorité civile ;
        3. l’éligibilité devrait de préférence être acquise au même âge que le droit de vote, mais au plus tard à 25 ans, sous réserve de fonctions particulières (sénateur, chef de l’État).
      2. condition de nationalité :
        1. la condition de nationalité peut être prévue ;
        2. il est toutefois souhaitable que, après une certaine durée de résidence, les étrangers disposent du droit de vote sur le plan local ;
      3. condition de résidence :
        1. une condition de résidence peut être imposée ;
        2. la résidence est comprise comme la résidence habituelle ;
        3. une condition de durée de résidence ne peut être imposée, pour les nationaux, que pour les élections locales ou régionales;
        4. cette durée ne devrait pas dépasser six mois; une durée plus longue peut être prévue uniquement en vue d’assurer la protection des minorités nationales;
        5. le droit de vote et d’éligibilité peut être accordé aux citoyens résidant à l’étranger.
      4. exclusion du droit de vote et de l’éligibilité :
        1. une exclusion du droit de vote et de l’éligibilité peut être prévue, mais elle est soumise aux conditions cumulatives suivantes:
        2. elle doit être prévue par la loi ;
        3. elle doit respecter le principe de la proportionnalité ; l’exclusion de l’éligibilité peut être soumise à des conditions moins sévères que celle du droit de vote ;
        4. elle doit être motivée par une interdiction pour motifs liés à la santé mentale ou des condamnations pénales pour des délits graves;
        5. en outre, l’exclusion des droits politiques ou l’interdiction pour motifs liés à la santé mentale doivent être prononcées par un tribunal dans une décision spécifique.
    2. Listes électorales
      Les conditions suivantes doivent impérativement être remplies pour que les listes électorales soient fiables:

      1. il faut des listes électorales permanentes;
      2. il faut des mises à jour régulières, qui doivent être au moins annuelles. L’inscription des électeurs, lorsqu’elle n’est pas automatique, doit être possible pendant un laps de temps relativement long ;
      3. les listes électorales doivent être publiées;
      4. il doit exister une procédure administrative – sujette à contrôle judiciaire –, ou une procédure judiciaire, permettant à l’électeur non mentionné de se faire inscrire ; l’inscription ne doit pas avoir lieu au bureau de vote le jour de l’élection ;
      5. une procédure analogue devrait permettre à l’électeur de faire corriger les inscriptions erronées;
      6. une liste supplémentaire peut permettre aux personnes ayant changé de domicile ou ayant atteint l’âge légal du droit de vote depuis la publication définitive de la liste, de voter.
    3. Présentation des candidatures:
      1. la présentation de candidatures individuelles ou de listes de candidats peut être soumise à l’obtention d’un certain nombre de signatures;
      2. la loi ne devrait pas exiger la signature de plus de 1 % des électeurs de la circonscription ;
      3. iii. la procédure de vérification des signatures doit obéir à des règles claires, notamment en ce qui concerne les délais;
      4. la vérification doit porter en principe sur l’ensemble des signatures; toutefois, lorsqu’il est certain qu’un nombre suffisant de signatures a été atteint, il peut être renoncé à la vérification des signatures restantes;
      5. la validation des candidatures doit être terminée au début de la campagne électorale ;
      6. si une caution est demandée, elle doit être remboursée si le candidat ou le parti dépasse un certain nombre de suffrages; son montant et le nombre de suffrages requis pour le remboursement ne doivent pas être excessifs.

2. Le suffrage égal

Le suffrage égal comprend :

  1. L’égalité de décompte : chaque électeur a normalement une voix ; dans le cas où le système électoral accorde aux électeurs plus d’une voix, chaque électeur a le même nombre de voix.
  2. L’égalité de la force électorale : les sièges doivent être répartis de manière égale entre les circonscriptions;
    L’égalité de la force électorale :

    1. doit s’appliquer en tout cas aux premières chambres, aux élections régionales et locales;
    2. implique une répartition égale et claire des sièges selon l’un des critères de répartition suivants: population, nombre de résidents ressortissants (y compris les mineurs), nombre d’électeurs inscrits, éventuellement nombre de votants; une combinaison appropriée de ces critères de répartition est envisageable ;
    3. le critère géographique et les délimitations administratives voire historiques peuvent être pris en considération ;
    4. l’écart maximal admissible par rapport à la clé de répartition ne devrait pas dépasser 10 %, et en tout cas pas 15 %, sauf circonstance spéciale (protection d’une minorité concentrée, entité administrative à faible densité de population).
    5. Afin d’assurer l’égalité de la force électorale, une nouvelle répartition des sièges doit avoir lieu au moins tous les dix ans et de préférence hors des périodes électorales.
    6. En présence de circonscriptions plurinominales, la nouvelle répartition se fera de préférence sans redécoupage des circonscriptions, et les circonscriptions correspondront si possible à des entités administratives.
    7. Lorsqu’un nouveau découpage est prévu – ce qui s’impose dans un système uninominal –, il doit :
      • ne pas être partisan ;
      • ne pas défavoriser les minorités nationales;
      • tenir compte d’un avis exprimé par une commission, comprenant en majorité des membres indépendants, et de préférence un géographe, un sociologue, une représentation équilibrée des partis et, le cas échéant, des représentants des minorités nationales.
  3. L’égalité des chances
    1. L’égalité des chances doit être assurée entre les partis et les candidats. Elle implique la neutralité des autorités publiques, en particulier relativement :
      1. à la campagne électorale ;
      2. à la couverture par les médias, notamment les médias publics;
      3. au financement public des partis et campagnes.
    2. Selon les matières, l’égalité peut être stricte ou proportionnelle. Si elle est stricte, les partis politiques sont traités sans que leur importance actuelle au sein du parlement ou de l’électorat ne soit prise en compte. Si elle est proportionnelle, les partis politiques doivent être traités en fonction de leurs résultats électoraux. L’égalité des chances porte notamment sur le temps de parole à la radio et à la télévision, les subventions publiques et les autres formes de soutien.
    3. Dans le respect de la liberté d’expression, la loi devrait prévoir que les médias audiovisuels privés assurent un accès minimal aux différents participants aux élections, en matière de campagne électorale et de publicité.
    4. Le financement des partis, des candidats et des campagnes électorales doit être transparent.
    5. Le principe de l’égalité des chances peut, dans certains cas, conduire à limiter les dépenses des partis, notamment dans le domaine de la publicité.
  4. Représentation des minorités nationales
    1. Les partis de minorités nationales doivent être autorisés.
    2. N’est pas contraire, en principe, à l’égalité du suffrage l’adoption de règles spécifiques garantissant aux minorités nationales des sièges réservés ou prévoyant une exception aux règles normales d’attribution des sièges (par exemple suppression du quorum) pour les partis de minorités nationales.
    3. Les candidats et les électeurs ne doivent pas être contraints d’indiquer leur appartenance à une minorité nationale.
  5. Parité des sexes

Les règles juridiques imposant un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe parmi les candidats ne devraient pas être considérées comme contraires à l’égalité du suffrage, si elles ont une base constitutionnelle.

3. Le suffrage libre

  1. La libre formation de la volonté de l’électeur
    1. Les autorités publiques ont un devoir de neutralité. Celui-ci porte notamment sur:
      1. les médias;
      2. l’affichage ;
      3. le droit de manifester sur la voie publique ;
      4. le financement des partis et des candidats.
    2. Les autorités publiques ont des obligations positives et doivent notamment :
      1. soumettre les candidatures déposées aux électeurs;
      2. permettre à l’électeur de connaître les listes et les candidats qui se présentent aux élections, par exemple par un affichage adéquat.
      3. L’information mentionnée aux points précédents doit être accessible aussi dans les langues des minorités nationales.
    3. Les violations du devoir de neutralité et de la libre formation de la volonté de l’électeur doivent être sanctionnées.
  2. La libre expression de la volonté de l’électeur et la lutte contre la fraude électorale
    1. la procédure de vote doit être simple ;
    2. dans tous les cas, le vote dans un bureau de vote doit être possible ; d’autres modalités de vote sont admissibles aux conditions suivantes:
    3. le vote par correspondance ne doit être admis que si le service postal est sûr et fiable ; il peut être limité aux personnes hospitalisées, aux détenus, aux personnes à mobilité réduite et aux électeurs résidant à l’étranger; la fraude et l’intimidation ne doivent pas être possibles;
    4. le vote électronique ne doit être admis que s’il est sûr et fiable ; en particulier, l’électeur doit pouvoir obtenir confirmation de son vote et le corriger, si nécessaire, dans le respect du secret du vote ; la transparence du système doit être garantie ;
    5. le vote par procuration ne peut être autorisé que s’il est soumis à des règles très strictes; le nombre de procurations détenues par un électeur doit être limité ; –
    6. le recours à l’urne mobile ne doit être admis qu’à des conditions strictes, permettant d’éviter la fraude ;
    7. deux paramètres au moins doivent être utilisés pour juger de la justesse du vote : le nombre d’électeurs qui ont participé au vote et le nombre de bulletins introduits dans l’urne ;
    8. les bulletins ne doivent pas être manipulés ou annotés par les membres du bureau de vote ;
    9. les bulletins non utilisés doivent rester en permanence dans le bureau de vote ;
    10. le bureau de vote doit compter des membres représentant plusieurs partis et les observateurs désignés par les candidats doivent pouvoir assister aux élections;
    11. les militaires doivent voter à leur lieu de résidence lorsque cela est possible ; sinon, il est souhaitable qu’ils soient inscrits dans les bureaux de vote proches de leur caserne ;
    12. le décompte devrait avoir lieu de préférence dans les bureaux de vote ;
    13. le décompte doit être transparent ; la présence des observateurs, des représentants des candidats et des médias doit être admise ; les procès-verbaux doivent être accessibles à ces personnes;
    14. la transmission des résultats au niveau supérieur doit avoir lieu de manière transparente ;
    15. l’État doit punir toute fraude électorale.

4. Le suffrage secret

  1. Le secret du vote est non seulement un droit, mais aussi une obligation pour l’électeur, qui doit être sanctionnée par la nullité des bulletins dont le contenu a été révélé.
  2. Le vote doit être individuel. Le vote familial et toute autre forme de contrôle d’un électeur sur le vote d’un autre doivent être interdits.
  3. La liste des votants ne devrait pas être rendue publique.
  4. La violation du secret du vote doit être sanctionnée.

5. Le suffrage direct

Doivent être élus au suffrage direct :

  1. au moins une Chambre du Parlement national ;
  2. les organes législatifs infra-nationaux ;
  3. les assemblées locales.

6. La périodicité des élections

Les élections doivent avoir un caractère périodique ; le mandat des assemblées législatives ne doit pas dépasser cinq ans.

7. Système électoral

Le choix du système électoral est libre, sous réserve du respect des principes mentionnés ci-dessus.

II. Les conditions de la mise en œuvre des principes

1. Le respect des droits fondamentaux

  1. Les élections démocratiques ne sont pas possibles sans respect des droits de l’homme, et notamment de la liberté d’expression et de la presse, de la liberté de circulation à l’intérieur du pays, ainsi que de la liberté de réunion et d’association à des fins politiques, y compris par la création de partis politiques.
  2. Les restrictions à ces libertés doivent respecter les principes de la base légale, de l’intérêt public et de la proportionnalité.

2. Niveaux normatifs et stabilité du droit électoral

  1. À l’exception des règles techniques et de détail – qui peuvent avoir un caractère réglementaire –, les règles du droit électoral doivent avoir au moins rang législatif.
  2. Les éléments fondamentaux du droit électoral, et en particulier le système électoral proprement dit, la composition des commissions électorales et le découpage des circonscriptions ne devraient pas pouvoir être modifiés moins d’un an avant une élection, ou devraient être traités au niveau constitutionnel ou à un niveau supérieur à celui de la loi ordinaire.

3. Les garanties procédurales

  1. Les commissions électorales
    1. Un organe impartial doit être compétent pour l’application du droit électoral.
    2. En l’absence d’une longue tradition d’indépendance de l’administration face au pouvoir politique, des commissions électorales indépendantes et impartiales doivent être créées, du niveau national au niveau du bureau de vote.
    3. La Commission électorale centrale doit être permanente.
    4. La Commission électorale centrale devrait comprendre :
      1. au moins un magistrat ;
      2. des délégués des partis déjà représentés au parlement ou ayant obtenu au moins un certain nombre de suffrages; ces personnes doivent avoir des compétences en matière électorale.
        Elle peut comprendre
      3. un représentant du ministère de l’Intérieur;
      4. des représentants des minorités nationales.
    5. Les partis politiques doivent être représentés de manière égale dans les commissions électorales ou doivent pouvoir observer le travail de l’organe impartial. L’égalité peut se comprendre de manière stricte ou proportionnelle (voir point I.2.c.bb).
    6. Les membres des commissions électorales ne doivent pas pouvoir être révoqués par les organes qui les ont nommés.
    7. Une formation standardisée doit être assurée aux membres des commissions électorales.
    8. Il est souhaitable que les décisions des commissions électorales se prennent à la majorité qualifiée ou par consensus.
  2. L’observation des élections
    1. La possibilité de participer à l’observation doit être la plus large possible, en ce qui concerne aussi bien les observateurs nationaux que les observateurs internationaux.
    2. L’observation ne doit pas se limiter au jour de l’élection, mais comprendre la période d’enregistrement des candidats et, le cas échéant, des électeurs, ainsi que la campagne électorale. Elle doit permettre d’établir si des irrégularités se sont produites aussi bien avant l’élection que pendant celle-ci et après celle-ci. Elle doit en particulier être possible pendant le dépouillement.
    3. La loi doit indiquer très clairement les lieux où les observateurs ne peuvent pas se rendre.
    4. L’observation doit porter sur le respect par les autorités de leur obligation de neutralité.
  3. L’existence d’un système de recours efficace
    1. L’instance de recours en matière électorale doit être soit une commission électorale, soit un tribunal. Un recours devant le Parlement peut être prévu en première instance en ce qui concerne les élections du Parlement. Dans tous les cas, un recours devant un tribunal doit être possible en dernière instance.
    2. La procédure doit être simple et dénuée de formalisme, en particulier en ce qui concerne la recevabilité des recours.
    3. Les dispositions en matière de recours, et notamment de compétences et de responsabilités des diverses instances, doivent être clairement réglées par la loi, afin d’éviter tout conflit de compétences positif ou négatif. Ni les requérants, ni les autorités ne doivent pouvoir choisir l’instance de recours.
    4. L’instance de recours doit être compétente notamment en ce qui concerne le droit de vote – y compris les listes électorales – et l’éligibilité, la validité des candidatures, le respect des règles de la campagne électorale et le résultat du scrutin.
    5. L’instance de recours doit pouvoir annuler le scrutin si une irrégularité a pu influencer le résultat. L’annulation doit être possible aussi bien pour l’ensemble de l’élection qu’au niveau d’une circonscription ou au niveau d’un bureau de vote. En cas d’annulation, un nouveau scrutin a lieu sur le territoire où l’élection a été annulée.
    6. Tout candidat et tout électeur de la circonscription ont qualité pour recourir. Un quorum raisonnable peut être imposé pour les recours des électeurs relatifs aux résultats des élections.
    7. Les délais de recours et les délais pour prendre une décision sur recours doivent être courts (trois à cinq jours en première instance).
    8. Le droit des requérants au contradictoire doit être sauvegardé.
      1. Lorsque les commissions électorales supérieures sont instances de recours, elles doivent pouvoir rectifier ou annuler d’office les décisions des commissions inférieures.

 

 

 

VI/La proclamation des résultats et le contentieux électoral

A. La gestion du contentieux électoral par les Cours constitutionnelles

L’expérience de la Cour suprême du Cameroun

M. Dagobert BISSECK, Conseiller de la Cour suprême du Cameroun

La gestion du contentieux électoral camerounais, à l’exception du contentieux né des élections municipales et régionales, est dévolue au Conseil constitutionnel en vertu de l’article 48 de la Constitution de la République promulguée le 18 janvier 1996 aux termes duquel :

  1. « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats;
  2. En cas de contestation sur la régularité de l’une des élections prévues à l’alinéa 1 ci-dessus, le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l’élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d’agent du gouvernement pour cette élection ;
  3. En cas de contestation sur la régularité d’une consultation référendaire, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, un tiers des députés. »

Aucune consultation référendaire, n’ayant été organisée au Cameroun depuis l’adoption de cette Constitution, nous limitons notre intervention à la gestion du contentieux électoral en ce qui concerne l’élection présidentielle et l’élection des députés à l’Assemblée nationale respectivement organisées en 1997 et 2002.
En application de cette Constitution, un toilettage des lois électorales existantes a été fait le 19 mars 1997 en ce qui concerne l’élection des députés à l’Assemblée nationale et le 9 septembre de la même année pour ce qui est de l’élection présidentielle (loi n° 91-20 du 16 décembre 1991 modifiée par la loi n° 97-13 du 19 mars 1997 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée Nationale et loi n° 92-010 du 17 septembre 1992 modifiée par la loi n° 97-020 du 9 septembre 1997 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la république).
Ces lois, en leurs articles consacrés au Conseil constitutionnel, reprennent presque mot pour mot les dispositions déjà inscrites dans la Constitution en précisant cependant les délais de saisine, qui en raison de l’urgence qui s’attache à la matière, ont été particulièrement écourtés à quatre jours pour l’élection parlementaire et soixante-douze heures pour l’élection présidentielle à compter du jour de la clôture du scrutin (articles 47 et 94) et en délimitant le cadre de l’administration des preuves devant ladite institution.

À ce titre, les deux textes de loi disposent :

« (1) Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection des députés à l’Assemblée nationale (ou de l’élection présidentielle).
À ce titre il vérifie les opérations électorales au vu des procès-verbaux et les pièces annexes, transmis par la Commission nationale de recensement général des votes.

(2) Des réclamations ou contestations formulées par tout candidat aux élections peuvent être, dans un délai de quatre jours à compter de la date de clôture du scrutin pour les législatives (et de soixante-douze heures pour la présidentielle) directement adressées au Conseil constitutionnel qui peut, s’il le juge nécessaire, entendre tout candidat, requérant, tout parti politique ayant pris part à l’élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d’agent du gouvernement pour l’élection en cause et/ou demander la production contre récépissé des pièces à conviction… »

Le Conseil constitutionnel peut donc soit se saisir d’office, sur le vu du procès-verbal transmis par la Commission nationale de recensement général des votes, soit être saisi à la requête d’un candidat, d’un parti politique ou d’un agent du gouvernement.
Il importe de rappeler que le Conseil constitutionnel n’ayant pas été mis en place, ses attributions sont temporairement exercées par la Cour suprême ; à ce titre, sauf dispositions légales contraires, l’organisation, les fonctionnements et la procédure sont ceux régissant ladite cour.

Nous examinerons dans un premier temps:

  • L’organisation administrative et l’instruction préliminaire des affaires

et dans un second temps

  • Le déroulement de l’instance et l’instruction définitive.
I. L’organisation administrative et l’instruction préliminaire des affaires

A. L’instruction par les commissions électorales

Pour accomplir la tâche qui lui est dévolue par la loi, la Cour suprême du Cameroun agissant au lieu et place du Conseil constitutionnel ne dispose ni en dehors de la période électorale ni pendant ladite période d’une organisation administrative spécifique lui permettant de veiller à la régularité du scrutin.
C’est pourquoi le code électoral a prévu au niveau des bureaux de vote, au niveau départemental et sur le plan national, des commissions chargées de faire un travail préparatoire à son bénéfice. Il s’agit des commissions locales de vote des commissions départementales de supervision et de la Commission nationale de recensement général des votes.
Il y a lieu de s’appesantir sur deux de ces commissions, à savoir: les commissions départementales de supervision et la Commission nationale de recensement général des votes.

a) La commission départementale de supervision

La commission départementale de supervision est composée ainsi qu’il suit :

  • Président : le président du Tribunal de grande instance du ressort ;
  • Membres: trois représentants de l’administration désignés par le préfet ;
  • une personnalité indépendante désignée par le préfet de concert avec les partis politiques légalisés présents dans la circonscription concernée ;
  • un représentant de chaque parti politique légalisé participant aux élections dans la circonscription électorale en cause.

Cette commission est compétente, entre autre, pour vérifier et centraliser les opérations de décompte des suffrages effectuées par les commissions locales de vote.
Ses travaux sont consignés dans un procès-verbal signé de tous les membres présents; celui-ci est transmis à la Commission nationale de recensement général des votes accompagné des procès verbaux et des documents provenant des commissions locales de vote.

b) La Commission nationale de recensement général des votes

Cette commission est composée de :

  • vingt-trois membres dont un magistrat de la Cour suprême, président ;
  • deux magistrats de l’ordre judiciaire, désignés par le président de la Cour suprême ;
  • dix représentants de l’administration ;
  • dix représentants des candidats désignés par les partis politiques ayant pris part au scrutin, membres.

Au titre de ses compétences:

Elle vérifie les opérations électorales au vu des procès-verbaux et des pièces annexes transmis par les commissions départementales de supervision et dans le cadre des dispositions susvisées.
Elle consigne les observations qu’elle estime devoir faire sur la régularité des opérations électorales, mais ne peut en proclamer la nullité.
Elle dresse procès-verbal de toutes ces opérations qu’elle transmet au Conseil constitutionnel assorti de tous les procès-verbaux et documents annexes provenant des commissions départementales de supervision.

On peut alors sans risque de se tromper conclure que la Commission nationale de recensement général des votes est, en la matière, « le juge d’instruction placé auprès du Conseil constitutionnel. »
Les séances de cette Commission qui siège dans les locaux de la Cour suprême sont publiques. Toute personne ayant intérêt (agent du gouvernement, candidat, parti politique) peut intervenir devant la Commission, y déposer des éléments de preuve, présenter ses observations sur le déroulement du scrutin, son dépouillement etc.
Cette Commission a même eu, lors de la dernière élection des députés à l’Assemblée nationale, à ordonner dans quelques cas litigieux des compléments d’enquête auprès de certaines commissions départementales de supervision ou à entendre des présidents des dites commissions, voire à faire appel à l’Observatoire national des élections (ONEL) organisme étatique d’observation des élections.
Le procès-verbal élaboré par la Commission de recensement général des votes est transmis dans les plus brefs délais au Conseil constitutionnel qui, sur le vu des recommandations ou observations de cette Commission, peut se saisir d’office soit pour annuler totalement ou partiellement, soit pour valider l’élection.

B. L’instruction sur requêtes des parties

Tout recourant devant le Conseil constitutionnel est tenu, à peine d’irrecevabilité de sa requête, d’adresser celle-ci audit Conseil dans un délai de quatre jours à compter de la date de clôture du scrutin pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale et les soixante-douze heures pour l’élection présidentielle.
Dès réception du recours, un dossier est ouvert au Greffe de la Cour suprême et la procédure est celle suivie par ladite Cour sauf en ce qui concerne les délais d’instruction compte tenu du souci du législateur de parvenir à un règlement rapide du contentieux électoral pour aboutir à la proclamation des résultats.
La loi relative à l’élection présidentielle dispose, en outre, que la requête doit préciser les faits et les moyens allégués, d’une part, et d’autre part que le Conseil peut, sans instruction contradictoire préalable, rejeter par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs ne pouvant avoir aucune incidence sur le résultat de l’élection.
La Cour suprême semble avoir étendu ces dispositions à l’élection des députés à l’Assemblée nationale puisque dans de nombreuses décisions rendues à l’audience du 17 juillet 2002, relative à la dernière élection des députés en date du 30 juin 2002, elle a jugé irrecevables, sans instruction préalable, les recours relatifs aux opérations préélectorales, concernant notamment le rejet des déclarations de candidature, l’installation des bureaux de vote dans les domiciles privés, le déplacement desdits bureaux, l’établissement et la délivrance sélective des cartes électorales, la délivrance de plusieurs cartes à un même électeur etc.
Ce contentieux, selon la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun siégeant aux lieu et place de la Cour constitutionnelle, ne relève pas de cette dernière institution (arrêt n° 29/CE du 17 juillet 2002 Affaire : S.D.F., M.D.P., U.N.D.P., c/ État du Cameroun).
S’inspirant donc de la procédure devant la Cour suprême statuant en matière ordinaire, la copie de la requête est communiquée au ministère de l’Administration territoriale (entendre ministère de l’Intérieur), organisateur général des élections et à toute autre partie intéressée dans la cause. Ce département ministériel peut faire par écrit ses observations dans un délai de quarante-huit heures.
Le dossier est ensuite transmis à un conseiller rapporteur, membre de la Cour suprême qui établit son rapport et le communique par l’intermédiaire du président de ladite Cour au Procureur général pour ses conclusions.
Au jour arrêté par le président de la Cour, une audience dite « audience de contentieux électoral » est organisée.

II. Le déroulement de l’audience et l’instruction définitive

Une seule audience est tenue pour traiter l’ensemble du contentieux. Ceci s’explique par la nécessité de vider tout le contentieux avant la proclamation des résultats.
Cette audience tient compte à la fois de l’instruction faite par la Commission nationale de recensement général des votes et des recours adressés au Conseil constitutionnel par les parties intéressées.
Cette audience se tient dans les formes ordinaires des audiences de la Cour suprême. Elle est publique ; les parties et avocats sont admis à présenter leurs observations de plaidoiries.
Aux termes de l’article 49 de la Constitution :
« Dans tous les cas de saisine, le Conseil constitutionnel statue dans un délai de quinze jours.
Toutefois à la demande du président de la République, ce délai peut être ramené à huit jours ».
Cette disposition a eu pour conséquence pendant la période du règlement du contentieux électoral à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale en juin 2002, la suspension par la Cour suprême de toutes ses autres activités traditionnelles pour se consacrer uniquement au règlement de ce contentieux, en raison du nombre élevé des recours (plus d’une centaine).
Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Après le règlement du contentieux, la proclamation des résultats est faite à une autre audience (solennelle) de la Cour suprême.
À cette audience soit les députés soit le président de la République sont alors déclarés élus et peuvent dès lors entrer en fonction, sous réserve de l’accomplissement d’autres formalités ne relevant pas du Conseil constitutionnel.

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Congo

M. Auguste ILOKI, Vice-président de la Cour constitutionnelle du Congo

Introduction

La Cour constitutionnelle du Congo-Brazzaville est issue de la Constitution du 20 janvier 2002. Les élections en vue de mettre en place les institutions prévues par ladite Constitution ont eu lieu le 20 janvier 2002 pour le référendum constitutionnel, le 10 mars 2002 s’agissant de l’élection présidentielle, les 26 mai et 23 juin 2002 en ce qui concerne les élections législatives, enfin le 11 juillet 2002 pour les élections sénatoriales.
Ces élections ont donc eu lieu avant l’installation de la Cour constitutionnelle dont les membres, nommés par décret n° 2003-11 du 30 janvier 2003, ont prêté serment le 12 avril 2003 devant le Parlement réuni en congrès.
Il n’était donc pas possible à la jeune Cour constitutionnelle de connaître du contentieux électoral antérieur à son installation. Aussi, les développements qui suivent, bien que rendant compte de la gestion du contentieux électoral, impliquent, au plan pratique, uniquement l’exercice des fonctions de juge constitutionnel par la Cour suprême statuant dans le cadre d’une organisation administrative spécifique. Ils recèlent par conséquent un intérêt purement historique en raison de la réforme fondamentale intervenue dans ce domaine.
Le contentieux électoral concerné est celui relatif aux élections à la présidence de la République, aux élections législatives et sénatoriales. Ce type de contentieux relève de la compétence exclusive du juge constitutionnel. Il englobe donc l’instruction des affaires, le calendrier de leur traitement et le déroulement des instances dans le cadre d’une organisation administrative spécifique.

I. Organisation administrative

L’Acte fondamental, en tant que Constitution de la République du Congo pendant la période de transition s’étendant du 24 octobre 1997 au 20 janvier 2002, avait prévu en son article 73 que « la Cour suprême assure le contrôle de la conformité des lois, des traités et des accords internationaux à l’Acte fondamental ».
Il fut ainsi institué, en application de cette disposition constitutionnelle, la chambre administrative et constitutionnelle au sein de la Cour suprême, qui comprend bien d’autres formations juridictionnelles: trois chambres civiles, la chambre pénale, la chambre commerciale, la chambre sociale, la chambre mixte, les chambres réunies. Les fonctions consultatives sont assurées par le biais de l’assemblée générale consultative.
Aux termes de l’article 24 nouveau de la loi n° 17/99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 025/92 du 20 août 1992 et de la loi n° 30/94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême :
«La Chambre administrative et constitutionnelle est compétente en matière administrative, financière et constitutionnelle.
«Elle reçoit les recours formés notamment contre les décisions de la Cour des comptes.
«Lorsqu’elle exerce les attributions constitutionnelles, la chambre administrative et constitutionnelle adopte la même composition que les chambres réunies. La Cour suprême prend dans ces conditions ses décisions à la majorité absolue de ses membres. »
Cependant, la compétence de la Cour suprême, en tant que juge constitutionnel a fait l’objet de contestations par certains candidats de l’opposition à l’élection présidentielle du 10 mars 2002.
Aussi, le secrétaire général du Gouvernement saisissait-il, par requête, la Cour suprême aux fins d’interprétation des dispositions de l’Acte fondamental relatives à la qualité de juge constitutionnel conférée à cette institution pendant la période de transition d’une part, à l’organisation des élections et à la légitimité du processus électoral d’autre part.
Émettant son avis, la Cour suprême avait affirmé sa compétence en ces termes:
« … Considérant que selon l’article 73 de l’Acte fondamental du 24 octobre 1997, la Cour suprême assure pendant la période de transition, le contrôle de la conformité des lois, des traités et accords internationaux ; considérant par ailleurs qu’aux termes de l’article 24 nouveau de la loi n° 17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 025/92 du 20 août 1992 et de la loi n° 30/94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, prise en application de l’article 73 de l’Acte fondamental, il a été institué au sein de la Cour suprême, la chambre administrative et constitutionnelle, compétente en matière administrative, financière et constitutionnelle, laquelle adopte la même composition que les chambres réunies de la Cour suprême lorsqu’elle statue en matière constitutionnelle, et prend à la majorité absolue de ses membres, des décisions qui s’imposent à tous; considérant que la compétence que la Cour suprême tient, comme sus énoncé, des dispositions combinées des articles 73 de l’Acte fondamental du 24 octobre 1997 et 24 nouveau de la loi n° 17-99 du 15 avril 1999, est une compétence générale telle qu’elle résulte de la loi n° 17-94 du 1er août 1994 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel en ses dispositions non contraires à l’Acte fondamental ; considérant qu’au regard de ces dispositions, la Cour suprême est juge constitutionnel pendant la période de transition… » (décision EL. PR. 004-02 du 21 février 2002).
C’est ainsi que statuant en cette qualité, la Cour suprême a procédé à :

  • la déclaration de conformité de la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale à l’Acte fondamental du 24 octobre 1997 :
    « … Considérant que le requérant allègue que la matière ayant trait aux élections n’étant pas mentionnée aux articles 54, 55, 56 et 57 de l’Acte fondamental du 24 octobre 1997 au nombre de celles qui forment le domaine de la loi, il en résulte que la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale viole ledit Acte fondamental d’une part, et que d’autre part la loi électorale prise sous l’empire de la Constitution du 15 mars 1992 demeure applicable ; mais considérant que la citoyenneté, les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens dans l’exercice des libertés publiques sont des matières qui relèvent de la loi tel que prévu à l’article 54 de l’Acte fondamental du 24 octobre 1997 ; considérant que les droits civiques se rapportent aux citoyens, lesquels sont, au sens de l’article 54 de l’Acte fondamental, des individus qui jouissent des droits civils et politiques; qu’ainsi, la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale, 146 LE rôle ET LE fonctionnement DES Cours constitutionnelles EN période électorale en ce qu’elle fixe les conditions d’exercice, par les citoyens, du droit de suffrage en tant qu’il constitue un droit civique, conformément à l’article 54 de l’Acte fondamental du 24 octobre 1997, n’est entachée d’aucune inconstitutionnalité ; considérant par ailleurs que la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale a expressément abrogé, en son article 155, la loi n° 001-92 du 21 janvier 1992 portant loi électorale, qui dès lors ne peut plus produire aucun effet juridique ; qu’il s’ensuit que la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 susvisée doit s’appliquer dans toutes ses dispositions… » (décision EL n° 006-02 du 8 mars 2002);
  • la proclamation définitive des résultats du référendum constitutionnel du 20 janvier 2002 (décision REF. const. 002-02 du 06 février 2002);
  • la nomination du collège des médecins chargés d’examiner les candidats à l’élection présidentielle (décision EL. PR 001- 02 du 4 février 2002);
  • la validation des déclarations de candidatures à l’élection présidentielle (décision EL. PR. 003-02 du 15 février 2002);
  • la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle (décision P R. 007-02 du 29 mars 2002).

C’est évidemment pendant la période post électorale que la Cour suprême, en tant que juge constitutionnel, a exercé ses attributions contentieuses portant essentiellement sur l’examen des requêtes en annulation des élections introduites par différents candidats.
L’instruction des affaires y relatives impliquait l’observation de la procédure prévue à cet effet par les lois, notamment la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale et la loi n°17-94 du 1er août 1994 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.

II. Instructions des affaires

La procédure applicable en cas de contentieux électoral varie suivant qu’elle concerne les élections législatives et sénatoriales ou qu’elle se rapporte aux élections référendaires et présidentielles.

A – Le contentieux des élections législatives et sénatoriales

La procédure liée au contentieux des élections législatives et sénatoriales était déterminée par la loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale qui reconnaissait, aux candidats ou à leurs représentants, aux partis et aux groupements politiques, le droit de contester une élection, dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin (art. 110 et 111 de cette loi).
Les nouvelles règles de procédure y afférentes sont déterminées dans la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle qui reprend les dispositions sur la contestation des élections des articles 110 et 111 de la loi électorale susvisée, en ses articles 53 et 54. La nouvelle législation envisage en outre le cas des élections de listes. Le droit en contestation de celles-ci appartient aux partis ou aux groupements politiques concernés.

1. Les conditions de saisine du juge constitutionnel

L’introduction du recours en contestation des élections était faite par l’intéressé au Greffe de la Cour suprême où les requêtes étaient enregistrées par le greffier en chef de cette juridiction. Ce dernier, assurant le secrétariat des chambres, était assisté d’autant de greffiers que la Cour suprême en estimait nécessaires au fonctionnement régulier du greffe.
À ce stade, la procédure fut la même que celle prévue par le législateur pour l’instruction et le jugement du pourvoi en d’autres matières dans la loi n° 51/83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière (art. 107 à 111).
La requête en contestation d’une élection devait être écrite. Cependant, aucune indication n’était fournie par la loi concernant ses signataires. Et la Cour suprême, statuant comme juge constitutionnel, refusait d’accueillir les requêtes en contestation des élections émanant des avocats mandatés par les candidats aux dites élections.
La Cour suprême, statuant comme juge constitutionnel, déclarait, en effet, de manière constante, irrecevables toutes les requêtes des demandeurs en annulation des élections signées par les avocats qui représentaient leurs clients, en ces termes:
« … Considérant que par deux requêtes en date des 12 et 19 juillet 2002, Maîtres O… et N…, Avocats au barreau de Brazzaville, ont formé pour le compte de B…, candidat aux élections législatives (scrutin du 23 juin 2002) dans la circonscription électorale n° 1 de T… à PointeNoire, un recours en annulation de l’élection de M…, candidat élu dans ladite circonscription électorale ; mais considérant que selon l’article 110 alinéa 3 de la loi électorale, le droit de contester une élection appartient aux candidats ou à leurs représentants, aux partis et aux groupements politiques; que la loi électorale étant d’interprétation restrictive, les requêtes en contestation doivent, en vertu de la disposition sus-énoncée, être signées par le candidat lui même, ou ses représentants ou encore par le parti et le groupement politique qu’il a représenté aux élections; qu’en effet, les requêtes en contestation des élections sont un acte de foi qui requiert, à l’instar de l’acte de candidature aux élections, la signature du requérant lui-même ou, le cas échéant, celle des seules personnes limitativement énumérées à l’article 110 alinéa 3 ci-dessus; que l’avocat est un mandataire de justice et non un représentant au sens de la loi électorale ; que dans ces conditions, les requêtes en annulation signées par les avocats O… et N… pour le compte de B… sont irrecevables… »
Cette jurisprudence était fortement critiquée par les avocats. C’est ainsi que tenant compte des difficultés rencontrées dans l’application du code électoral relativement à la saisine de la Cour suprême en tant que juge constitutionnel, la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle a confirmé cette jurisprudence en indiquant que les mandataires constitués par le requérant ne peuvent intervenir qu’à l’occasion des actes ultérieurs de procédure.
Autrement dit, l’avocat constitué par le candidat ne peut signer la requête en contestation des élections. Toutefois, il a la faculté de développer oralement les observations de son client à l’audience, par sa plaidoirie.

2. La désignation du rapporteur

La requête écrite était adressée au premier président de la Cour suprême qui, dès réception, désignait, en sa qualité de président de la juridiction constitutionnelle, un rapporteur qui instruisait l’affaire.
La particularité en matière électorale résultait de la prévision du législateur relative à la compétence du juge qui pouvait, dans ce domaine, rejeter immédiatement, par décision motivée, les requêtes irrecevables en la forme ou ne contenant que des griefs qui ne pouvaient manifestement pas avoir d’influence sur les résultats de l’élection (art. 114, loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale).
Il revenait donc au rapporteur, lors de l’instruction de l’affaire, de procéder à ce constat d’irrecevabilité et de suggérer la décision de cette nature aux chambres réunies.
Au cas où il y aurait lieu à instruction contradictoire, l’élu contesté en était avisé et un délai de huit jours lui était imparti afin qu’il prenne connaissance de la requête en contestation de son élection et pour la production de ses observations écrites. L’affaire ne pouvait être jugée que dès réception de ces observations ou alors à l’expiration du délai susdit (art. 115, loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale).
Il s’agissait ici d’un délai spécifique car dans la procédure ordinaire, le rapporteur avise le défendeur au pourvoi qu’il dispose d’un délai légal de deux mois pour déposer son mémoire (art. 117, loi n° 51/83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière).
La notification du recours par le rapporteur ainsi que celle de tous les actes de procédure en cas de réclamation contre une liste de candidats était valablement faite au candidat figurant en tête de liste ou au siège du parti ou du groupement des partis politiques qui avait présenté la liste. En cas de liste commune, la notification intervenait au siège du parti ou du groupement politique qui a présenté la liste (art. 124, loi n° 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale). Cette disposition est reprise dans la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle (art. 54 de ladite loi).

3. Les difficultés de l’instruction et la suite à donner

Lors de l’instruction, le rapporteur pouvait être confronté aux difficultés liées à la recherche de la réalité des résultats du scrutin, surtout lorsque le requérant demandait au juge constitutionnel de reformuler les résultats proclamés par le ministre de l’Intérieur et de déclarer élu le candidat régulièrement élu au vu de ces résultats.
Ne disposant pas d’outils informatiques, la Cour suprême avait procédé manuellement à l’exploitation des procès-verbaux transmis par la Commission nationale d’organisation des élections.
Le rapporteur pouvait, selon la loi, procéder à toutes investigations et ordonner la production des pièces utiles. C’est ainsi que le juge constitutionnel pouvait rendre une décision avant dire droit ordonnant une enquête ou la production d’une preuve.
Actuellement la loi prévoit que la Cour constitutionnelle peut ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l’élection et même désigner un de ses membres pour recevoir les déclarations des témoins (art. 59 loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle).
Au cas où l’affaire serait en état d’être jugée ou que le délai prévu pour le dépôt du mémoire du défendeur serait expiré, le rapporteur établissait son rapport.
Le dossier de la procédure était ensuite transmis par le greffier en chef de la Cour suprême au premier président de la Cour suprême qui le communiquait au ministère public. Le procureur général près la Cour suprême le lui retournait avec ses conclusions écrites. C’est alors que le premier président de cette juridiction fixait la date de l’audience.
Cette procédure est identique à celle prévue en cas de contentieux des élections référendaires ou présidentielles.

B – Le contentieux des élections référendaires et présidentielles

Si le contentieux relatif aux élections référendaires et présidentielles relève également du juge constitutionnel tel que le prévoit l’article 110 alinéa 1er de la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale, la procédure y relative est fixée dans la loi organique n°1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. L’alinéa 2 de l’article 110 sus énoncé de la loi électorale renvoie en effet l’organisation de la procédure relative au contentieux des élections référendaires et présidentielles à la loi sur la Cour constitutionnelle.
Ainsi, aux termes de l’article 53 alinéa 1er de la loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, «L’élection du président de la République peut être contestée devant la Cour constitutionnelle dans les cinq jours qui suivent la publication des résultats provisoires par le ministre en charge des élections ».
Comme dans l’ancienne législation issue de la loi électorale, le droit de contester une élection appartient aux candidats ou à leurs représentants, aux partis et aux groupements politiques. La nouvelle législation envisage aussi le cas des élections de listes dont le droit en contestation appartient aux partis ou aux groupements politiques concernés.
La Constitution du 20 janvier 2003 prévoyant que le président de la République est élu pour sept ans, le contentieux électoral y relatif ne pourra alors éventuellement intervenir qu’aux prochaines élections présidentielles.
En ce qui concerne le contentieux électoral ayant trait à la contestation de l’élection des députés et des sénateurs, le traitement des affaires s’est déroulé dans le cadre précisé par le président de la juridiction constitutionnelle.

III. Calendrier de traitement des affaires

Élaboré par le greffier en chef sous le contrôle du premier président de la Cour suprême, le calendrier de traitement des affaires comportait les noms des rapporteurs, la liste des affaires et la date éventuelle de leur enrôlement à l’audience.
C’est aussi en fonction du rôle établi par le greffier en chef qu’étaient examinées les affaires en audience publique des chambres réunies de la Cour suprême siégeant en matière constitutionnelle, en débutant par les affaires en délibéré, et se poursuivant par l’examen des affaires nouvelles.

IV. Déroulement des instances

L’instance débutait par l’appel des causes par le premier président de la Cour suprême en tant que président des chambres réunies. Il constatait la présence de toutes les parties et éventuellement celle de leurs conseils autorisés à ce stade à présenter oralement les observations de leurs clients.
La procédure d’audience relative à l’examen des affaires nouvelles commençait par la lecture du rapport par le juge rapporteur nommé par ordonnance du premier président de la Cour suprême. Intervenaient ensuite le Procureur général ou l’Avocat général, le représentant et le défendeur.
Comme dans une instance ordinaire, l’affaire était ensuite mise en délibéré. Celui-ci était traité après délibération à une date précise communiquée aux parties.
Le déroulement de la procédure de jugement des affaires relatives au contentieux électoral en audience publique ne comportait pas fondamentalement de disposition dérogatoire de celles qui régissent le déroulement des instances ordinaires en matière civile.
La décision motivée était signée par tous les membres des chambres réunies appartenant au siège de la Cour suprême et aussitôt notifiée, aux parties et à l’assemblée à laquelle appartenait l’élu, par le greffier en chef et publiée au Journal officiel de la République du Congo.

Conclusion

Il est prévu à l’article 61 alinéa 2 de la Constitution du 20 janvier 2002 que « lorsqu’elle fait droit à la requête, la Cour constitutionnelle peut, selon le cas, annuler l’élection contestée ou reformuler le résultat proclamé et déclarer élu le candidat régulièrement élu au vu de ces résultats ».
Or pour parvenir à l’annulation de l’élection ou à la nouvelle formulation des résultats, la Cour constitutionnelle doit avoir les outils informatiques exigés pour l’exploitation des procès-verbaux des élections d’autant plus que ceux-ci existent à la Commission nationale d’organisation des élections où sont centralisés et traités tous les résultats en provenance des différentes commissions locales d’organisation des élections.
C’est pourquoi il est impérieux de procéder, dans la perspective des prochaines élections, à la dotation de la jeune Cour constitutionnelle du Congo en moyens informatiques ainsi qu’à la formation du personnel pour leur utilisation rationnelle en matière électorale, suivant les techniques appropriées. La crédibilité de la vérification des résultats électoraux et plus globalement du contrôle de ceux-ci par la Cour constitutionnelle est à ce prix.
Il est en effet indispensable d’équilibrer les conditions de travail entre la Commission nationale d’organisation des élections et l’organe juridictionnel de leur contrôle qu’est la Cour constitutionnelle, si tant est que l’on désire assurer la promotion de l’État de droit qui constitue en soi une exigence de la réalisation de la démocratie.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire

M. Bosse Zou-Kouba BOSSE-GNADOU, Secrétaire général du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire

Dans l’organisation formelle des élections en Côte d’Ivoire, l’an 2000 constitue une période charnière.

Auparavant les élections étaient organisées par le ministère de l’Intérieur. La Constitution issue de la loi n° 2000-513 du 1er août 2000 a créé deux organismes permanents pour l’organisation des élections en Côte d’Ivoire, ce sont :

  • la Commission électorale indépendante ;
  • le Conseil constitutionnel.

Chaque organisme utilise ses attributions à la lumière des conditions d’organisation de chaque élection au regard du code électoral.

Les dispositions de l’article 94 de la loi 2000-513 portant Constitution de la Côte d’Ivoire déterminent les attributions du Conseil constitutionnel en ces termes:

  • Le Conseil constitutionnel contrôle la régularité des opérations du référendum et en proclame les résultats.

Le Conseil statue sur:

  • l’éligibilité des candidats aux élections présidentielle et législatives;
  • les contestations relatives à l’élection du président de la République et des députés;
  • le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs des élections présidentielles.

Il résulte de ses attributions que le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire est une juridiction qui exerce des compétences contentieuses à l’occasion de ces trois types d’élections.

Ce contentieux comporte nécessairement une gestion administrative et une gestion juridictionnelle. Ce sont les différentes étapes de la gestion du contentieux électoral par le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire que je vais vous exposer à travers deux axes:

  1. La gestion administrative du contentieux électoral par le secrétaire général et le Service juridique du Secrétariat général du Conseil constitutionnel.
  2. La connaissance du contentieux électoral par les membres du Conseil constitutionnel.

Au cours de cette présentation, je ne retiendrai que les actes essentiels de chaque gestion. Le reste peut-être implicitement déduit de ces actes.

I. La gestion administrative du contentieux électoral

Cette gestion consiste en actes d’administration qui préparent et accompagnent le processus qui aboutit à la décision et à sa notification au président de la République en vue de sa publication et son exécution.
Ces actes que je vais vous exposer rapidement sont le fait personnel du secrétaire général et du service juridique placé sous son autorité pour assister tous les membres du Conseil.

La saisine

Elle comporte des conditions de forme qui sont essentielles et des conditions de fond.

1. Les conditions de forme

La caractéristique essentielle de la saisine est qu’elle est faite par requête écrite.
La saisine est faite par les parties intéressées ou leur fondé de pouvoir ou par la Commission électoral indépendante. La gestion de la saisine quelque soit son auteur et l’élection qu’elle concerne est une requête écrite. La requête est enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel qui en fait la gestion administrative.
Pour éviter toute ambiguïté quant au décompte du délai qui est souvent très bref, les services du Secrétariat général doivent absolument sécuriser les éléments suivants:

  • la date d’arrivée de la requête ;
  • l’heure de son enregistrement ;
  • identifier au temps que possible le requérant ou son fondé de pouvoir.

Pour se faire le Secrétariat général doit délivrer au requérant ou au déposant un récépissé qui doit comporter les mentions de date et d’heure et la signature du déposant.
Lorsqu’il s’agit d’une élection à la présidence de la République, le candidat qui émet une contestation relativement à la régularité du scrutin ou à son dépouillement adresse une requête au président du Conseil constitutionnel.
Par contre, lorsqu’il s’agit d’une contestation à l’occasion d’une élection législative, la requête est adressée au secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Lorsque la circonscription est située en dehors du siège du Conseil constitutionnel, dans la gestion administrative de la requête, le Secrétaire général doit s’assurer que la requête lui a été adressée soit par la Commission électorale indépendante locale soit par l’intermédiaire de l’autorité administrative sous-préfectorale ou préfectoral.
De même, il doit s’assurer pour les problèmes de délai que l’autorité administrative l’a avisé du jour de la requête par tout moyen écrit rapide tel un télégramme ou un fax.
Ce sont les premiers actes d’administration qui doivent être accomplis pour sécuriser l’arrivée et la transmission de la requête pour en connaître sans le moindre doute le délai par rapport à l’élection concernée et si le déposant a qualité pour saisir le Conseil constitutionnel.

2. Les conditions de fond (article 36)

Selon les dispositions de l’article 36 de la loi organisant le Conseil constitutionnel, la requête doit, outre les noms et qualités du requérant, contenir les nom et prénom de l’élu dont l’élection est contestée.
Le demandeur doit mentionner dans sa requête aussi clairement que possible les moyens d’annulation invoqués. Il doit y annexer les pièces produites au soutien de ses moyens.
Il appartient donc au secrétaire général dans la gestion administrative de la requête de faire l’inventaire exhaustif de toutes les pièces qui accompagnent la requête et de faire apposer par le requérant sa signature sur le bordereau d’inventaire et le récépissé de remise de pièces pour éviter toute discussion lorsque que les membres du Conseil auront à connaître du dossier.
C’est après avoir fait cette double vérification de fond et de forme que le secrétaire général transmet le dossier au président du Conseil constitutionnel.
S’il s’agit d’une élection législative, le secrétaire général est tenu de donner avis de chaque requête à l’Assemblée nationale et à chaque député dont l’élection est contestée.

II. La connaissance de la cause par le juge constitutionnel

Cette phase comporte un stade préparatoire, l’instruction de l’affaire par le conseiller rapporteur et la tenue d’audience.

1. La recherche documentaire

Dans la recherche documentaire, le service juridique qui dispose d’une copie de la requête effectue immédiatement toutes les recherches en matière juridique pouvant aider efficacement le conseiller rapporteur à l’appréciation des éléments de droit soulevés dans la requête.

2. L’instruction de la cause par le conseiller rapporteur

Le conseiller rapporteur fait son instruction de l’affaire à un premier niveau qui est son étude du dossier.
Aux pièces fournies par le demandeur ou la Commission électorale indépendante au soutien des moyens pour demander l’annulation de l’élection, le conseiller rapporteur peut ordonner une enquête et impartir un nouveau délai au demandeur en vue d’apporter d’autres pièces supplémentaires.
Dans cette instruction, il peut entendre le requérant sur des points qui lui paraissent obscurs.
De même, il peut entendre toute personne qu’il estime devoir lui fournir les renseignements utiles à la compréhension de la cause.
Aucune administration publique ou privée ne peut lui opposer un secret professionnel.
Il peut même entendre tout membre du Gouvernement.
Il peut se faire assister d’experts.
Il est tenu alors (article 37 de la loi organique) de donner connaissance aux parties adverses de la teneur du dossier en le tenant à leur disposition pendant 48 heures.
Dès réception de toutes les observations à la fin des délais qu’il a impartis aux parties pour compléter le dossier, il peut clore son instruction et le président choisira une date d’audience.

3. Le calendrier des audiences et le déroulement des instances

Il est à noter tout de suite que chaque contestation obéit à un délai au terme duquel le Conseil constitutionnel doit avoir donné la suite de l’affaire par une décision motivée et la porter à la connaissance du public.
Il s’en suit que pour la fixation de l’audience pour chaque affaire, le calendrier du président doit tenir compte du délai imparti à la connaissance de l’affaire par le code électoral. C’est la règle essentielle qui préside au calendrier de chaque affaire.

Le déroulement de l’instance

L’instance est présidée par le président du Conseil et en cas d’empêchement par le conseiller le plus âgé. C’est sous la responsabilité de ce président d’audience que se déroulent les débats de chaque affaire.
Selon les dispositions de l’article 15 de la loi organique sur le Conseil constitutionnel, ce dernier siège en toute matière à huis clos. Seuls les parties, leurs représentants, les experts et conseils participent aux débats.
Le paragraphe deuxième de cet article dispose que les décisions du Conseil sont rendues en audience publique.
Lorsque l’audience est ouverte par le président, la parole est donnée au conseiller rapporteur pour donner lecture de son rapport, de son dossier et du projet de décision.
Les questions essentielles discutées au cours de chaque audience sont relatives à la recevabilité de chaque affaire, à la compétence du Conseil ; et enfin au fond de l’affaire.
En présence des parties, des experts et des conseils, s’instaure un deuxième niveau d’instruction où les points invoqués ci-dessus sont discutés si une partie élève une protestation. Chaque point fait l’objet d’un vote.
Il est de principe que le président ou le conseiller qui assure son intérim a voix prépondérante (sa voix compte double en cas de partage de voix). Toutes les décisions du Conseil sont prises par au moins cinq membres.
Voici succinctement exposée la gestion du contentieux électoral par le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire.
Il faut quand même faire remarquer que la loi organique n’édicte aucune nullité absolue ou relative en cas d’inobservation d’une obligation à la charge d’un demandeur.
En conclusion la décision rendue qui ne fait l’objet d’aucun recours et qui s’impose à tous, est signée du président et ensuite du secrétaire général pour lui donner sa force probante.
Enfin, dernier acte d’administration, le secrétaire général fait des expéditions de la minute de la décision à l’intention des parties et surtout du président de la République pour sa publication au Journal officiel et pour son exécution.
La réforme entreprise par la Constitution de l’an 2000 est d’effacer dans l’organisation des élections, toute intervention prépondérante du ministère de l’Intérieur afin de mieux relever l’indépendance de la Commission électorale indépendante par la provenance de ses membres et la désignation des présidents de ses commissions locales.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel français : instruction des requêtes, dispense d’instruction

M. Régis FRAISSE, Chef du Service juridique du Conseil constitutionnel français

En 2002, le Conseil constitutionnel français a profondément modifié ses méthodes de travail pour traiter le contentieux électoral. Il a voulu éviter des gaspillages inconsidérés de photocopies, permettre une circulation de l’information plus rapide, responsabiliser chaque intervenant, éviter des instructions inutiles, traiter le contentieux plus rapidement… Un an et demi après, on peut dire que ces objectifs ont été atteints.
Ces modifications ont principalement porté, si l’on excepte le greffe dont vous ont parlé Stéphane Cottin et Guy Prunier, sur:

  • le rôle du Service juridique ;
  • la circulation de l’information ;
  • la responsabilisation de la section d’instruction ;
  • un recours plus important à la dispense d’instruction.
I. Le rôle du Service juridique

Le Service juridique a joué un rôle de coordination entre le greffe, les rapporteurs adjoints, le secrétaire général et les sections d’instruction.
Après enregistrement et premier traitement par le greffe, les requêtes étaient affectées à un juriste et à une section (en fonction du dernier chiffre du n° de dossier, sauf affaires jointes = 1 à 4 : CR1 / 5 à 7 : JL2 / 8 à 0 : RF3). Il y avait donc un juriste plus spécialement chargé d’une section d’instruction.
Le juriste chargé du dossier, en lien avec le secrétaire général et le président de la section d’instruction, avait pour mission de :

  • examiner la requête ;
  • noter les griefs sur la page de garde afin d’identifier les affaires pouvant appeler des solutions jurisprudentielles communes;
  • identifier les affaires pilotes posant des questions nouvelles, destinées à être inscrites au rôle par priorité ;
  • fixer les délais proportionnellement à la difficulté du dossier (de 14 à 28 jours) ou à l’intervention obligatoire de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques;
  • veiller au bon avancement de l’instruction des affaires en évitant de communiquer aux parties les mémoires qui n’ajoutaient rien au débat ou, lorsque communication il y avait, en n’incitant pas la partie destinataire à y répondre ;
  • transmettre le dossier au rapporteur adjoint dès lors qu’il était en état d’être jugé ;
  • vérifier que les dossiers de séance d’instruction et de plénière étaient complets;
  • veiller à la cohérence de la jurisprudence et à l’harmonisation de la rédaction des décisions.

Cette dernière mission, commune au secrétaire général et au Service juridique, était primordiale. En effet, les rapporteurs adjoints, qui sont membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, sont au nombre de dix. Ainsi chacun d’entre eux ne voyait que le dixième de l’activité contentieuse du Conseil constitutionnel. Il était donc indispensable que le secrétaire général et le service juridique suivent ensemble les séances des trois sections d’instruction pour conserver une vision globale du contentieux.
Par ailleurs, et pour la première fois, des décisions collectives ont pu être rendues sur des affaires simples: par exemple, des décisions déclarant inéligibles une cinquantaine de candidats qui n’ont pas déposé leur compte de campagne. L’avantage de telles décisions collectives est d’occuper moins de pages au Journal officiel et de fournir une information plus accessible et plus synthétique.

II. La circulation de l’information

La règle antérieure qui voulait que chaque membre du Conseil constitutionnel reçoivent, au fur et à mesure de leur enregistrement, toutes les requêtes, tous les mémoires et toutes les pièces jointes a été abandonnée en 2002.
Si le greffe a continué à détenir le dossier original de la requête, il n’a été créé que deux copies du dossier: un « dossier juriste » utilisé par le secrétaire général et le service juridique et un « dossier rapporteur ».
Les membres de chaque section recevaient, peu avant la réunion de leur section, copie du dossier « en l’état », comportant les mémoires échangés et éventuellement les pièces indispensables à la solution du litige.
L’entier dossier de chaque affaire, comportant toutes les pièces originales, et notamment celles qui ne peuvent être photocopiées (listes d’émargements par exemple), était à leur disposition au greffe.
Pour cette séance plénière, chaque membre du Conseil constitutionnel disposait pour chaque affaire :

  • du projet de décision ;
  • de la liste des questions;
  • et éventuellement des pièces indispensables à la solution du litige.

L’entier dossier de procédure n’était donc pas distribué aux membres qui ne faisaient pas partie de la section responsable de l’instruction de l’affaire. Il s’agissait là d’une innovation par rapport aux pratiques antérieures.
De même, compte tenu du volume des dossiers à traiter, il n’y a pas eu, sauf exceptions motivées par un projet d’annulation ou une question de principe à résoudre, de dossier de documentation comme pour le contentieux normatif.
Il convient toutefois de préciser que les membres avaient tous reçu en temps utile une documentation très riche sur le contentieux électoral (textes, jurisprudence, formulaire de rédaction et bilans des élections précédentes).

III. La responsabilisation de la section d’instruction

Devant l’ampleur du contentieux et la nécessité de le régler dans des délais raisonnables, le Conseil constitutionnel s’est réuni en séance plénière pour accorder une très large délégation aux trois sections d’instruction, composées chacune de trois membres du Conseil.
Il a mis en place une méthode de travail précise : le rapporteur adjoint était chargé de présenter à la section un projet de décision et un « questionnaire » listant de façon lapidaire les problèmes à trancher. La section devait, quant à elle, valider, après modifications éventuelles, ces deux documents en vue de la séance plénière qui, sauf supplément d’instruction, était programmée pour le surlendemain.
Chaque section d’instruction était investie du pouvoir de trancher certaines questions de droit ou d’opportunité. Il s’agissait évidemment des questions les plus courantes et les plus banales. Les questions nouvelles, les questions délicates, ou celles ayant suscité des divergences au sein de la section, ont fait l’objet d’un délibéré très complet de la plénière.
Ainsi les problèmes inédits, ceux qui étaient susceptibles de faire progresser la jurisprudence du Conseil, ont été largement débattus au cours des séances plénières. Délégation ne signifiait en aucun cas abandon de compétence : la plénière a toujours conservé, outre « le dernier mot », un pouvoir entier d’évocation.

IV. Un recours plus important à la dispense d’instruction

À cet effet, le Conseil a fait application du deuxième alinéa de l’article 38 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, aux termes duquel : «Le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats des élections ».
Sur 162 réclamations, le Conseil constitutionnel en a rejeté 76 sans instruction contradictoire préalable, soit 47 %, c’est-à-dire presque une sur deux.
À titre de comparaison, 48 réclamations sur 172 avaient été rejetées sans instruction en 1997, soit 28 %.
L’augmentation importante du nombre des réclamations jugées sans instruction vient du fait que, pour la première fois, le Conseil a donné sa véritable portée au second alinéa de l’article 38. Il a rejeté sans instruction non seulement les requêtes manifestement irrecevables comme pour les élections précédentes, mais aussi celles qui étaient insusceptibles de remettre en cause les résultats de l’élection soit parce qu’elles comportaient des griefs inopérants soit parce qu’elles ne pouvaient remettre en cause le résultat de l’élection compte tenu de l’écart des voix séparant les candidats.
Une première audience, moins de deux mois après le second tour de l’élection, le 25 juillet 2002, a permis de rejeter 64 requêtes de ce type. Ces requêtes se répartissaient entre les huit catégories suivantes.

  1. – Le Conseil constitutionnel s’est tout d’abord déclaré incompétent pour connaître d’une série de 24 requêtes soulevant une même question et rédigées en termes semblables, qu’il a jointes pour cette raison.
    Ces requêtes (n° 2002-2637/2702…) concluaient à l’annulation des élections auxquelles il avait été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans diverses circonscriptions. Leur seul grief était tiré de ce que la répartition actuelle des sièges de députés entre circonscriptions ne reposait pas sur « des bases essentiellement démographiques », violant ainsi le principe d’égalité devant le suffrage.
    Ce grief ne pouvait prospérer dès lors qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il se prononce comme juge électoral, c’est-à-dire au titre de l’article 59 et non au titre de l’article 61 de la Constitution, d’apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives (en l’espèce, celles figurant dans le tableau n° 1 annexé à l’article L. 125 du code électoral).
  2. – Quatre requêtes étaient dirigées contre les opérations du seul premier tour, alors que ce dernier n’avait pas été décisif et que les requérants ne demandaient la proclamation d’aucun candidat dès le premier tour. De telles requêtes étaient prématurées et donc irrecevables, ainsi qu’il ressort des termes des articles 33 et 35 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.
  3. – Un requérant (n° 2002-2766, Vienne 3ème circ.) a été déclaré forclos, car sa réclamation n’a été enregistrée à la préfecture que le lendemain de l’expiration du délai de dix jours fixé par l’article 33 de l’ordonnance.
    Le dépôt du mémoire à la sous-préfecture, a jugé le Conseil, n’a pas interrompu le délai de recours. Il a ainsi fait une lecture stricte de l’article 1er de son règlement relatif à la procédure applicable au contentieux de l’élection des parlementaires, aux termes duquel la requête « doit être enregistrée dans un délai de dix jours, soit au Secrétariat général du Conseil constitutionnel, soit à la préfecture du département… ».
  4. – L’irrecevabilité de cinq requêtes résultait de ce qu’elles ne tendaient pas à l’annulation d’une élection, mais concluaient selon le cas:
    1. à la réparation du préjudice subi en raison de «manœuvres dolosives » ayant, selon ses dires, empêché un candidat de dépasser 5 % des suffrages exprimés, seuil au-delà duquel, en vertu de l’article L 52-11-1 du code électoral, l’État rembourse forfaitairement les frais de campagne ;
    2. au rétablissement des 887 suffrages obtenus par le candidat requérant au premier tour et invalidés, à tort selon lui, par la commission de recensement des votes;
    3. à la « vérification » par le Conseil constitutionnel de diverses dépenses de campagne ;
    4. au rétablissement de 9 suffrages en faveur d’un candidat ayant obtenu 3 % des voix au premier tout ;
    5. à ce que soit « examinée la validité du mandat des élus de l’Union pour la majorité présidentielle ».
  5. – Est à rapprocher de cette dernière espèce, une requête (n° 2002-2665) tendant à l’annulation de l’ensemble des élections législatives organisées les 9 et 16 juin 2002, au motif que le décret de convocation du 8 mai 2002 aurait été pris par une autorité incompétente.
    1. Ces conclusions étaient irrecevables en tant qu’elles étaient dirigées contre les opérations électorales autres que celles auxquelles il a été procédé dans la circonscription où l’intéressé était électeur. L’irrecevabilité résultait des termes mêmes de l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, qui, contrairement à ce que soutenait le requérant dans une « exception d’inconventionnalité », ne restreint pas le « droit à la représentation » reconnu aux citoyens par l’article 25 du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques.
    2. En tant qu’elles étaient dirigées contre l’élection du député de sa circonscription, ses conclusions se heurtaient à l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel, puisque le 22 mai 2002, celui-ci avait repoussé le même grief.
  6. – Également irrecevable, parce que son unique grief n’était pas assorti de précisions permettant au juge de l’élection d’en apprécier la portée, était la requête n° 2002-2650 (Val-de-Marne, 5e circ.). Le requérant se bornait en effet à évoquer, de façon allusive, des « déclarations de candidats » relatives aux difficultés d’acheminement du matériel électoral avant le premier tour. En 1997, les requêtes rejetées pour défaut de motivation avaient été plus nombreuses.
  7. – Seize requêtes, quoique recevables, ont été rejetées au motif qu’elles ne contenaient que des griefs inopérants ou qui manifestement ne pouvaient avoir une influence sur les résultats de l’élection :
    1. Au premier titre (griefs inopérants), le Conseil constitutionnel a rejeté :
      1. Un recours contestant exclusivement l’exactitude de la liste électorale sans allégation de manœuvre. Une telle contestation n’intéresse que le juge judiciaire.
      2. Un recours (n° 2002-2624, Loire 5e circ.) dont l’auteur se bornait à contester l’éligibilité du député élu au regard de l’article 3 de l’ordonnance du 24 novembre 1958 portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité et aux incompatibilités parlementaires. Le requérant estimait que le député élu n’avait pas satisfait aux prescriptions légales concernant le service national. Mais, ce moyen, déjà présenté en 1997 par le même requérant à l’encontre du même député, avait été rejeté par le Conseil (n° 97-2143 du 14 octobre 1997) et le requérant n’apportait aucun élément nouveau.
      3. Un recours contestant l’élection (dès le premier tour) de M. Balladur, dans la 12e circonscription de Paris, au seul motif qu’en recevant l’investiture de l’Union pour la majorité présidentielle, qui se proposait de « soutenir pendant les cinq ans à venir l’action du Président de la République et de son Gouvernement », le député élu aurait souscrit un engagement contraire à l’article 27 de la Constitution, aux termes duquel : «Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel ».
      4. Un recours (n° 2002-2715) articulant le même unique grief à l’encontre de l’élection de M. Michel Voisin, dans la 4e circonscription de l’Ain.
      5. Un recours se bornant à critiquer la mention, sur les bulletins du député élu, du parti politique soutenant sa candidature, soutien dont le requérant ne contestait pas la réalité. Une telle mention n’était par elle-même contraire à aucune disposition législative ou réglementaire.
      6. Une réclamation soulevant un seul grief inédit et intéressant, mais dont le caractère inopérant était manifeste (n° 2002-2682, Savoie 1re circ.). Cette réclamation mettait en cause l’utilisation gratuite de « pages Internet » par un candidat.
        Certes, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral, invoqué par l’auteur de la réclamation : «Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui son habituellement pratiqués. »
        Toutefois, il est clair que l’hébergement gratuit de pages relatives à la campagne d’un candidat par une société fournisseur d’accès à Internet ne méconnaît pas les dispositions précitées dès lors que, conformément aux conditions générales d’utilisation de ce service relatives à l’hébergement de pages personnelles, tous les candidats peuvent bénéficier du même avantage auprès de la même société. Or, ainsi que le reconnaissait le requérant, cette condition était en l’espèce remplie.
      7. Une réclamation se bornant, au soutien de sa demande d’annulation de l’élection, à faire valoir que la requérante avait été « privée arbitrairement du droit consacré par tout candidat par l’article L.67 du code électoral, de porter au procès-verbal des opérations de vote ses observations… ».
      8. Une requête se bornant à invoquer plusieurs faits qui auraient empêché un candidat de franchir la « barre des 5 % », sans soutenir pour autant qu’il aurait pu prendre part au second tour.
      9. Un recours (n° 2002-2769, Guadeloupe 2e circ.) se bornant à dénoncer la diffusion par certains médias, avant la clôture des bureaux de vote locaux, d’estimations en provenance de métropole, sans alléguer pour autant de manœuvres. Reprenant la formule figurant dans sa décision du 22 mai 2002, en réponse à la requête présentée par l’association « DECLIC», le Conseil a considéré que « la situation dénoncée, résultant du décalage horaire, si regrettables qu’en soient les inconvénients, n’a porté atteinte ni à la sincérité de l’élection, ni à l’égalité devant le suffrage ».
      10. Une requête se contentant de dénoncer l’impression de caractères et autres mentions de couleur sur les bulletins de vote du député élu, alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne l’interdit (l’art. L. 66 du code électoral proscrit seulement les fonds de couleur).
    2. Au titre des griefs manifestement infondés, le Conseil a rejeté le 25 juillet 2002, eu égard à l’écart de voix comme à l’inconsistance ou à l’imprécision des griefs:
      1. Une requête se bornant à dénoncer des irrégularités, au demeurant vénielles, affectant les bulletins de vote de certains candidats.
      2. La requête d’une candidate ayant recueilli 221 voix et qui, si l’on comprenait bien son argumentation, se bornait à dénoncer des « dysfonctionnements administratifs » dont elle aurait été victime, notamment dans l’acheminement du matériel électoral.
      3. Une réclamation se bornant à évoquer le grand nombre de professions de foi distribuées par la candidate élue et l’accès privilégié aux moyens de communication écrite et audiovisuelle dont auraient bénéficié les deux candidats du second tour.
      4. Un recours émanant d’un candidat ayant recueilli 161 voix et attribuant ce faible résultat aux refus d’accès à l’antenne que lui auraient opposés la station Radio France Bleue Pays d’Auvergne et la station régionale de télévision FR3 Auvergne.
      5. Une réclamation d’un candidat ayant rassemblé sur son nom 136 voix au premier tour et qui se bornait à invoquer: l’irrégularité affectant les bulletins de vote de deux autres candidats ayant recueilli un non moins faible nombre de suffrages; la fermeture quelque peu tardive de certains bureaux de vote ; l’irrégularité de quatorze procurations; enfin, l’indisponibilité d’une salle de réunion dans une commune de la circonscription.
      6. Un recours d’un candidat ayant recueilli 173 voix au premier tour et se bornant à alléguer que plusieurs de ses affiches avaient été lacérées.
  8. – Les douze autres requêtes rejetées le 25 juillet 2002 font l’objet de cinq décisions en raison des jonctions auxquelles a procédé le Conseil.
    Ces nouvelles méthodes de travail ont permis de faire face dans des délais raisonnables non seulement aux autres réclamations, dont certaines soulevaient des questions très délicates et parfois nouvelles et qui ont abouti à l’annulation de cinq élections, mais également aux 601 saisines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, lesquelles ont donné lieu à 563 déclarations d’inéligibilités et à 2 annulations d’élections. Pour mémoire, il n’y avait eu que 278 saisines en 1997.

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Gabon

M. Paul MALEKOU, Conseiller de la Cour constitutionnelle du Gabon

Depuis la révision constitutionnelle de 1997, la Cour constitutionnelle de la République gabonaise est désormais juge de la régularité de toutes les élections politiques.
Il faut dire qu’avant ladite révision, la Cour n’avait pour compétence que le contrôle des élections présidentielles et parlementaires. Cette révision a donc élargi le champ de compétences de la Cour en la matière jusqu’au contrôle des élections des membres des conseils départementaux et des conseils municipaux.
In limine, précisons que l’organisation administrative des élections politiques relève de la compétence à la fois du ministre chargé de l’Intérieur et de la Commission nationale électorale.
En effet, l’article 7 du code électoral gabonais précise bien que : «La préparation et l’organisation des élections incombent respectivement à l’administration et à la Commission nationale électorale. »
Dans tous les cas, l’intervention de la Cour dans cette phase est, et on va le voir, presque écartée. Et c’est bien malheureusement cette situation qui pose problème.
Pour peu que l’on soit un observateur averti du fonctionnement des différentes phases électorales, on remarque rapidement qu’aussi bien lors des élections passées qu’au cours des toutes dernières, de nombreux griefs se rapportant au fonctionnement des opérations de la phase administrative ont été soulevés devant le juge électoral gabonais.
Des actes responsables du mauvais fonctionnement des opérations électorales, il faut en distinguer deux catégories: il y a d’une part les actes préélectoraux aux incidents différés et d’autre part les actes à effets immédiats accomplis au moment du scrutin.

I. La faute de l’administration dans la phase préélectorale

Il s’agit des actes posés soit par le ministère chargé de l’Intérieur, soit par la Commission nationale électorale dans le cadre de la préparation de l’élection et qui pourraient au moment du scrutin se révéler inadaptés.
Il en est ainsi de l’épineux problème de l’établissement des listes électorales ou encore de la constatation de l’absence totale des bulletins de vote d’un candidat ou de la liste de candidatures.
Dans le premier cas, la Cour se déclare incompétente car, il s’agit là d’une compétence qui revient en dernier ressort au tribunal administratif (voir entre autres, la décision n° 065/CC du 18 avril 2003).
Dans le second cas, la Cour statue et rend une décision sur la base des éléments qui lui sont présentés (voir la décision n° 35/CC du 15 avril 2003 NZEMBOTE/MEKOMEDEB). Dans cette décision, la Cour a donné raison à Monsieur NZEMBOTE estimant que la disparition de ses bulletins de vote, faute imputable à la Commission électorale, était de nature à porter atteinte à la régularité de l’élection.
Il y a aussi des actes administratifs à cheval entre l’organisation et le déroulement du scrutin, lesquels produisent des effets immédiats.
En l’espèce, plusieurs exemples peuvent être donnés, on citera, la mise en place de bureaux de vote composés de membres non habilités ou de vote par une circulaire du président de la Commission départementale électorale (décision n° 68/CC du 26 mars 2002).
En réalité, le véritable problème concerne l’attitude que doit avoir la Cour face à cette faute de l’administration en cas de réclamation. On sait qu’il est arrivé et qu’il arrivera encore que le juge soit saisi par un candidat en raison de la mauvaise organisation des opérations de vote. Et là, la question est, que doit-il faire ? La position de la Cour va dépendre d’un certain nombre de facteurs.
Il faut tout de suite préciser qu’on est mal à l’aise face à l’idée que la faute de l’administration puisse conduire à l’annulation de l’élection d’un candidat.
Face à cette situation, quelle a été la position de la Cour constitutionnelle gabonaise ?
Elle se pose deux questions essentielles.
Premièrement, la faute de l’administration est-elle intentionnelle, c’est à dire de mauvaise foi ? Si oui, l’annulation n’est pas totalement acquise, il faut répondre à la deuxième interrogation. Cette faute de l’administration est-elle déterminante ? En d’autres termes, la mauvaise organisation des opérations de vote a-t-elle exercé une influence déterminante pour l’élection d’un candidat ?
À cette dernière question si la réponse est affirmative, la Cour conclut à l’annulation du scrutin dont les résultats sont contestés. Dans le cas contraire elle rejette le recours.
La Cour confirme cette position jurisprudentielle dans ses décisions n° 025/CC du 12 mars 2002 OTANDO/DOSSOU NAKI et n° 78/CC du 26 mars 2002 MOUGALA/NZENGUE MAYILA.
Dans ces deux décisions, la Cour a admis le mauvais établissement des listes électorales et a estimé que les listes litigieuses ont porté préjudice à tous les candidats et qu’en l’absence de la preuve que les anomalies relevées ont profité au candidat élu ou même qu’elles lui sont imputables, le moyen invoqué n’est pas fondé.

II. La faute de l’administration dans la phase du scrutin

Dans le cadre du déroulement du scrutin, le raisonnement de la Cour reste le même. Saisie aux fins de voir prononcer l’annulation de l’élection d’un candidat au motif d’absence des conditions de transparence dans l’organisation des opérations de vote imputable à la Commission départementale électorale, la Cour, dans ces décisions du 21 mars 2002 MASSALA/PENDY et AVORE/OYONO MINTSA, a maintenu sa jurisprudence selon laquelle : «La mauvaise organisation des opérations de vote ne peut conduire à l’annulation de l’élection d’un candidat que si la faute de l’administrateur a exercé une influence déterminante pour l’élection d’un candidat ».
Sur cette question de la mauvaise organisation du scrutin par l’administration, le code électoral gabonais est silencieux, alors même que celle-ci peut favoriser l’élection d’un candidat et malheureusement contribuer à l’échec d’un autre.
Finalement, la Cour se prononce sur des questions sur lesquelles le législateur ne lui a pas expressément donné la parole.
On peut tout de même se demander si la Cour a eu raison de se prononcer sur des questions pour lesquelles le législateur ne lui a pas expressément permis de s’exprimer.
Sans doute, la Cour a estimé que, selon la Constitution, elle est juge de la régularité des élections, et à ce titre, toute irrégularité quelle qu’elle soit, est de nature à porter atteinte au résultat du vote.
Alors la question est: le juge électoral gabonais a-t-il eu raison d’interpréter ainsi sa compétence ?
En réalité, une position contraire aurait été gênante parce que difficilement explicable car l’organisation administrative de l’élection ici mise en cause est directement liée au déroulement du scrutin. Elle ne peut qu’influencer, de façon déterminante, le choix des électeurs.
Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, celle-ci doit s’assurer de la sincérité des résultats de l’élection. Comment, dès lors, affirmer que les résultats d’une élection sont sincères si toutefois une faute grave, qui plus est intentionnelle, de l’administration a joué de façon déterminante en faveur du candidat proclamé élu.
Il est indiscutable que la Cour ne pouvait valablement contrôler la régularité d’une élection en écartant la possibilité d’examiner un facteur aussi important de régularité. On ne peut que se réjouir de savoir que le juge gabonais l’a compris.
De ce qu’on peut retenir de sa jurisprudence en la matière, la faute de l’administration dans l’organisation de l’élection n’est pas une cause péremptoire d’annulation, mais un motif facultatif d’annulation de l’élection d’un candidat.

III. Les aspects généraux des interventions électorales de la Cour

Pour le reste, concernant les grands traits des interventions de la Cour dans le cadre de l’instruction des affaires, du calendrier des traitements des affaires et du déroulement des instances, on relèvera que deux jours avant la tenue du scrutin, la Cour envoie ses délégués observer le déroulement des élections dans les neuf provinces que compte le Gabon, à raison de deux par province. Le rapport établi par le délégué servirait à éclairer le juge sur la position à adopter en cas de contentieux.
On ne passera pas sous silence ici les insuffisances constatées: il s’agit du nombre limité de ces délégués qui, de ce fait, ne peuvent rendre compte du déroulement de l’ensemble des opérations de vote. Une telle situation peut accentuer les difficultés rencontrées au moment de l’instruction.
L’instruction est la phase au cours de laquelle la Cour procède à l’analyse des requêtes qui lui sont adressées. Au cours de l’instruction, la Cour examine à la fois les mémoires déposés par le requérant et ceux en réplique établis par la partie défenderesse. Elle auditionne les parties et entend les témoins si besoin est. Elle peut aussi, si la situation l’exige, se transporter sur les lieux. L’affaire est en principe ici instruite de façon contradictoire.
Le conseiller rapporteur, en réalité, ne donne pas la solution au litige, il en dégage quelques pistes cependant. Ajoutons que le conseiller rapporteur dispose de nombreux moyens d’investigation en dehors de ceux sus exposés. Il peut, entre autre, consulter les procès-verbaux, soit du bureau de vote litigieux, soit de centralisation des résultats transmis par la Commission nationale électorale. Tout comme il peut consulter le rapport de mission établi par les délégués de la Cour.
À la fin de l’instruction, le conseiller rapporteur établit de façon contradictoire son rapport. Rappelons aussi, que lorsque le conseiller rapporteur le juge nécessaire, il peut décider d’approfondir ses investigations. Cette situation oblige la Cour à rendre une décision avant dire droit. Et dans ce cas, le délai accordé à la Cour pour rendre sa décision est prorogé d’un mois, le délai initial étant lui-même de deux mois à compter de la date d’enregistrement de la requête au greffe de la Cour.
Une fois cette étape terminée les affaires sont enrôlées en fonction de leurs situations. Le rôle indique les affaires à traiter et la date des audiences.
Le déroulement des instances est simple, huit conseillers gardent leur qualité de juge, le neuvième devient pour la circonstance le commissaire à la loi. C’est à ce dernier que revient la tâche de proposer la solution du litige. Celle-ci peut être suivie ou pas.
Pendant l’instance, le conseiller rapporteur lit contradictoirement son rapport après que la parole lui soit donnée par le président de la Cour. Après quoi, il est demandé aux parties qui le souhaiteraient d’ajouter un élément ou de préciser un fait. La partie peut alors le faire par elle-même ou par son représentant. Il est accordé à chacune d’elles pour ce faire 5 à 7 minutes. Par ailleurs, la Cour peut exceptionnellement demander à l’une des parties de déposer une note en délibéré avant de fixer la date du délibéré de l’affaire. L’exigence de la règle du contradictoire, règle de valeur constitutionnelle, est ainsi respectée.

Résultats statistiques du contentieux des derniers scrutins

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

Toute candidature peut faire l’objet de réclamation au niveau de la Cour constitutionnelle. Le droit de saisine appartient à tout candidat, tout parti politique, délégué du Gouvernement ou à toute personne inscrite sur la liste électorale.
La Cour constitutionnelle, durant les cinq jours qui suivent la date du scrutin peut être saisie de toute contestation sur l’élection du président de la République ou des députés.
Dans les quarante-huit heures qui suivent la proclamation des résultats provisoires du premier et second tour de l’élection du président de la République ou des députés, le droit de saisine appartient à tout candidat, tout parti politique ayant présenté un ou des candidats pour contester les résultats provisoires.

  • Organisation administrative

Le président est chargé de l’administration de la Cour. À cet effet, la Cour se réunit sur sa convocation. Il assure la police des audiences et dirige les débats. La Cour ne peut délibérer valablement que si cinq au moins de ses membres sont présents. Le vote est acquis à la majorité simple. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Le vote se fait à main levée ou à bulletin secret. L’abstention n’est pas admise.
La Cour est toujours assistée du greffier en chef qui tient la plume de toutes les délibérations.

  • Instructions des affaires

Dès réception d’une requête, le président la soumet à la Cour et désigne un rapporteur. Celui-ci procède à l’instruction de l’affaire et rédige un rapport.
Le président donne avis de la requête au président de l’Assemblée nationale, aux candidats dont l’élection est contestée ou à leurs représentants ainsi qu’au ministre chargé de l’Administration territoriale.
Dans tous les autres cas, la Cour peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tout document et rapport ayant trait à l’élection.
Le rapporteur peut délivrer des commissions rogatoires à tout fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, recevoir sous serment les déclarations des témoins, en dresse procès-verbal et le notifie aux requérants pour leurs observations écrites à la Cour. La Cour peut procéder sur place à d’autres mesures d’instruction.
La Cour peut, sans instruction préalable, rejeter par arrêt motivé les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement, ne peuvent avoir une influence sur le résultat de l’élection.
Lorsque la Cour termine l’instruction de l’affaire, son président avise les intéressés ou leurs mandataires du jour où ils peuvent prendre connaissance de toutes les pièces du dossier sur place au Greffe. L’affaire est ensuite inscrite au rôle d’une audience.

  • Déroulement des instances

Les conseillers entendent le rapporteur en la lecture de son rapport et sa proposition d’arrêt. La discussion porte aussi bien sur le rapport que sur la proposition d’arrêt dont la rédaction, le sens, le contenu ou l’ordre des considérants, peuvent être modifiés.
La discussion se termine par un vote, qui selon le cas peut être demandé sur le principe de l’arrêt d’abord, sur chacun des considérants ensuite et enfin sur l’ensemble de la décision. Toutefois un seul vote peut suffire s’il apparaît que le projet du rapporteur recueille l’accord de ses collègues. Le vote est acquis à la majorité simple. En cas de partage des voix celle du président est prépondérante.
Les débats ne sont pas publics. Les parties intéressées peuvent demander à y être entendues. Les arrêts ou la décision sont rendus en audience publique.
La décision ou l’arrêt se présente sous forme de « considérant » et comporte l’exposé du litige, ensuite l’exposé des griefs ou des moyens d’annulation invoqués par le requérant, puis les motifs qui soutiennent la solution retenue.
L’arrêt est signé par le président, le greffier, le rapporteur et les autres conseillers ayant siégé et transmis par le président pour publication au Journal officiel.

  • Calendrier du traitement des affaires
    • 21 jours avant la date des élections pour statuer sur la validité des candidatures reçues pour l’élection du président de la République ou des députés;
    • aucun délai pour constater les résultats provisoires du 1er tour des présidentielles ou des législatives;
    • 15 jours avant l’expiration du mandat du président sortant, pour proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle ;
    • avant l’expiration de la législature en cours pour proclamer les résultats définitif des législatives.

 

B. L’administration des preuves

L’expérience de la Cour suprême du Cameroun

M. Moïse EBONGUE, Conseiller de la Cour suprême du Cameroun

Introduction et rappel de quelques dispositions constitutionnelles

La Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996 traite dans son Titre VII du Conseil constitutionnel.
L’article 46 de ladite loi fondamentale stipule que «Le Conseil constitutionnel est l’instance compétente en matière constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des lois. Il est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions ».
L’article 48 de la même Constitution dispose quant à lui ce qui suit : «

  1. Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats.
  2. En cas de contestation sur la régularité de l’une des élections prévues à l’alinéa (1) ci-dessus, le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l’élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette élection.
  3. En cas de contestation sur la régularité d’une consultation référendaire, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs. »

L’article 49 prescrit le délai dans lequel le Conseil constitutionnel doit statuer. Ce délai est de 15 jours à compter du jour de la saisine. À la demande du président de la République, ce délai peut être raccourci. Il peut donc être de 8 jours seulement à compter du jour de la saisine.
Enfin, l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel, les modalités de saisine ainsi que la procédure suivie devant lui sont fixés par la loi.
Au Cameroun, le Conseil constitutionnel est certes créé, mais ses membres ne sont pas encore nommés, et c’est la Cour suprême, en vertu de l’article 67 alinéa 4 qui « exerce les attributions du Conseil constitutionnel, jusqu’à la mise en place de celui-ci ».
Les dispositions précédentes impliquent qu’à présent, il n’existe au Cameroun aucun système de preuve particulière propre au Conseil constitutionnel. Le système de preuve en usage à la Cour suprême est celui utilisé en la matière. Il s’agit donc d’un système de preuve classique, applicable en droit d’inspiration française, ou de la <i>Common Law selon le cas, systèmes juridiques dont a hérité, eu égard à son histoire, à son passé de peuple colonisé ayant bénéficié de la tutelle française et de la tutelle britannique.
Les divers modes de preuve sont :

  • la preuve scripturale ou écrite ;
  • la preuve testimoniale ou celle administrée par l’audition des témoins;
  • sans oublier les descentes sur les lieux ou transports judiciaires, les commissions rogatoires le cas échéant, les expertises (commission d’un expert graphologue, d’un expert comptable ou tout autre expert par voie de décisions préparatoires ou interlocutoires ou des décisions avant dire droit). Il existe aussi des présomptions légales qui instituent une preuve. Elle est acquise dès lors que les conditions prévues par la présomption sont réunies. Il en est ainsi de la présomption pater is est… de l’article 312 du code civil.

Cependant, compte tenu du délai très court (8 à 15 jours) donné à la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel, pour vider sa saisine, la preuve en matière constitutionnelle est dominée par un principe d’une part (Ire partie) et par deux modes de preuves prépondérants d’autre part (IIe partie).

I. Le principe de droit: celui qui allègue un fait doit le prouver

La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue le fait frauduleux, d’après la maxime, <i>« Sapiens nihil affirmat quod non probet[1]».

L’élection législative du 30 juin 2002 nous offre un exemple d’utilisation de ce principe de droit dans les deux affaires suivantes:

Affaire U.N.D.P. c/ État du Cameroun (Minat)
Recours n° 97/CE/01-02 du 4 juillet 2002
La Cour suprême, siégeant comme Conseil constitutionnel,
« Vu les articles 48 alinéas 1 et 2 et 67 alinéas 4 de la Constitution ;
« Vu la loi n° 91/20 du 16 décembre 1991 modifiée par la loi n° 97/13 du 13 mars 1997 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale ;
« Vu le décret n° 2002/158 du 23 juin 2002 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale ;
« Vu l’ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême modifiée par les lois 75/16 du 8 décembre 1975 et 76/28 du 14 décembre 1976 ;
« Vu la loi 2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire national des élections;
« Vu la requête du 04 juillet 2002 déposée le même jour à la présidence de la Cour suprême par le Président national de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) ayant pour conseil Maître EHONGO Némès Alexandre, avocat au Barreau du Cameroun B.P. 744 Yaoundé ;

« Attendu que le requérant articule sa demande autour d’un ensemble d’idées personnelles relatives non seulement au déroulement du scrutin dans la circonscription sus-visée mais encore sur le système électoral mis en place par le pouvoir;
« Attendu qu’il résulte de l’article 47 « que le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection des députés à l’Assemblée nationale. À ce titre il vérifie les dispositions électorales au vu des procès-verbaux et des pièces annexes, transmis par la Commission nationale de recensement général de votes. Les réclamations ou contestations formulées par tout candidat aux élections peuvent être, dans un délai maximum de quatre jours à compter de la date de clôture du scrutin, directement adressées au Conseil constitutionnel » ;

« Sur la recevabilité du recours:
« Attendu que la requête susvisée est recevable comme introduite conformément aux dispositions de l’article 47 (2) nouveau de la loi n° 91/20 du 16 décembre 1991 modifiée susvisée ;

« Au fond :
« Attendu que le requérant ne précise pas les violations de la loi électorale ou les manœuvres caractérisées de l’administration susceptibles d’entraîner l’annulation du scrutin dans ce département;
« qu’en se bornant tout simplement à dire que le déroulement du scrutin du 30 juin 2002 dans la circonscription électorale a été émaillé de fraudes, d’entraves aux opérations électorales; d’atteintes aux droits civiques, le requérant n’a pas permis au Conseil constitutionnel de vérifier le bien-fondé de ses prétentions conformément aux dispositions de l’article 47 alinéas 1 et 2 de la loi susvisée ;

«Il s’ensuit que le présent recours n’est pas fondé et encourt par conséquent le rejet;

« Par ces motifs
« Décide :
« Article 1er : Le recours du Président de l’UNDP est recevable en la forme ;
« Article 2 : Au fond il n’est pas fondé et est par conséquent rejeté ;
« Article 3 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. »

Dans une seconde espèce :
Affaire SDF c/ État du Cameroun (MINAT)
Recours n 87/CE/2001-2002

Il est décidé ce qui suit :
«La Cour suprême,
« Vu les articles 48 alinéa 2 et 67 alinéa 4 de la Constitution ;
« Vu la loi n°91/20 du 16 décembre 1991, modifiée par la loi n°97/13 du 19 mars 1997 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale ;
« Vu l’ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême modifiée par les lois 75/16 du 08 décembre 1975 et 76/28 du 14 décembre 1976 ;
« Vu la loi 2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire national des élections;
« Attendu que la requête précitée est ainsi libellée :
« À Monsieur le président du Conseil constitutionnel du Cameroun,
«Le Social Democratic Front (S.D.F) parti politique, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, ayant pour conseil Mes NDEM Lenard, TCHOKONGOE Emmanuel, MBANDAM Joseph, TSAPY Joseph Lavoisier NDONGA Wilfred, MBAMI Augustin, avocats au Barreau du Cameroun, B.P12516 YAOUNDE – TEL. 774 88 89 en l’Etude desquels il élit domicile pour la présente et ses suites.
« Ont l’honneur de vous exposer:
« Qu’il vient par la présente solliciter l’invalidation de la liste RDPC dans le Moungo-Nord lors des élections législatives du 30 juin 2002.

«En la forme,

« Attendu que conformément à l’article 12, alinéas 2 et 3 de la loi, toute contestation portée contre les opérations électorales devraient être faite par devant l’auguste juridiction dans un délai maximum de 4 jours.

« Au fond,

« Attendu que la tête de liste RDPC dans le Moungo-Nord, M …………………….. ne bénéficie plus de ses droits civiques, ayant été incarcéré à la prison de NKONGSAMBA, ceci devrait provoquer sa déchéance conformément à la loi électorale.

« Par ces motifs,

«En la forme,

«Recevoir la requête du Social Democratic Front pour avoir été faite dans les formes et délais légaux.

« Au fond,

«L’y dire fondé ;
«Corriger les résultats des bureaux de vote sus-nommés en annulant certains d’entre eux.

« Attendu que le texte invoqué, l’article 12 alinéas 2 et 3 de la loi est imprécis et inexistant, que l’article 12 alinéas 2 et 3 du code électoral des députés à l’Assemblée nationale est relatif à la capacité électorale pour les inscriptions sur les listes électorales.

« Attendu qu’au soutien de sa requête, le SDF fait valoir que M ………………… ne bénéficie plus de ses droits civiques ayant été incarcéré à la prison de Nkongsamba, qu’il convient pour ce motif de corriger les résultats des bureaux de vote non dénommés en annulant certains d’entre eux ;
« Attendu que non seulement le texte cité n’est pas relatif à la forme de saisine du Conseil constitutionnel mais aussi les élucubrations de la requête ne permettent pas de savoir en quoi l’irrégularité alléguée de la candidature de X …………………. se rattache aux résultats des bureaux de vote dont certains, sans aucune précision, doivent être annulés.
« Attendu, au surplus, qu’aucun document n’est produit pour étayer ladite requête imprécise.

« Décide :

« Article1er : Le recours du SDF aux fins d’invalidation de la liste RDPC du Mungo-Nord pour les élections législatives du 30 juin 2002 est rejeté ;
« Article 2 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. »

Ces deux cas, démontrent que devant le Conseil constitutionnel, il ne suffit pas d’alléguer une fraude ou une irrégularité dont est entachée l’élection dans une circonscription donnée ; il faut encore en rapporter la preuve, au risque de voir son recours rejeté.


  • [1]
    Il ne faut pas avancer une chose sans être en mesure de la prouver.  [Retour au contenu]

 

II. En matière constitutionnelle, la preuve écrite et la preuve testimoniale sont les plus utilisées

A) La preuve écrite

1. L’utilisation de la preuve écrite

Affaire : SDF (Haut-Nkam) c/ État du Cameroun (MINAT)
Sur le calcul de la Commission de recensement :

« Attendu par ailleurs que le SDF soutient que le mode de calcul des voix adoptées par la Commission départementale de supervision est erroné ;
« Attendu qu’un nouveau décompte des voix ayant été effectué, il apparaît que les chiffres en ce qui concerne le département du Haut-Nkam sont les suivants:
Inscrits: 65 093
Votants: 41 747
Bulletins nuls: 37
Suffrages valablement exprimés: 41 710
« Attendu qu’il résulte en effet de l’examen des résultats que 867 bulletins exprimés en faveur de l’UNDP ont été annulés à tort ;
« Attendu qu’il y a lieu d’intégrer ces suffrages dans le décompte des résultats de telle sorte que les pourcentages réels soient les suivants:

« Attendu qu’il résulte de ces chiffres, qui ont donné lieu à calcul des pourcentages que le RDPC a une majorité relative, et qu’il convient de procéder à un partage dans la proportion de deux députés pour le RDPC et un député pour le SDF dans la circonscription du Haut-Nkam;

« Par ces motifs;

« Décide :

« Article 1er : Le recours du SDF est recevable en la forme ;
« Article 2 : Il est fondé, en conséquence il y a lieu de procéder à un partage dans la proportion de deux députés pour le RDPC et un député pour le SDF dans la circonscription du Haut-Nkam;
« Article 3 : Les dépens sont mis à la charge du Trésor public. »

2. Un autre cas d’utilisation de la preuve écrite

L’arrêt n° 27/CE 01-02 du 17 juillet 2002 de la Cour suprême du Cameroun statuant comme Conseil constitutionnel :

Les attendus suivants illustrent bien notre propos:

« Attendu qu’il en résulte qu’en cas de contradiction, les mentions de la copie du procès-verbal détenue par l’ONEL priment sur celles du procès-verbal du bureau de vote concerné ;
« Attendu en l’espèce que le procès-verbal de la Commission nationale de recensement général des votes relève ce qui suit :
« Sur un échantillon de 39 procès-verbaux transmis par la Commission départementale de supervision, 36 ne correspondent pas par leurs chiffres à ceux détenus par l’ONEL, les rajouts étant faits par unité de 100 ou 200. Compte tenu de ces rajouts, la Commission nationale de recensement général des votes n’a pas modifié les chiffres précédemment retenus par la Commission de supervision ;
« Attendu que la falsification ainsi opérée a faussé les résultats du scrutin et en a violé de ce fait le principe de la sincérité ;
« Qu’il s’ensuit que l’élection concernée encourt l’annulation, loin d’une simple rectification de ses résultats;

« Décide

« Article 1er : Les recours nos 31/CE, 40/CE et 113/CE du 4 juillet 2002 du SDF et de l’UNDP sont joints;
« Article 2 : Les recours sont recevables;
« Article 3 : Les recours sont fondés; en conséquence l’élection législative du 30 juin 2002 dans la circonscription de la MIFI est annulée ;
« Article 4 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. »

3. Autre cas d’utilisation de la preuve écrite

L’arrêt n° 54/CE 01-02 du 17 juillet 2002 de la Cour suprême du Cameroun statuant comme Conseil constitutionnel :
« Attendu que ces griefs ont été constatés par la Commission nationale de recensement général des votes;
« Qu’en effet il résulte du procès-verbal de cette Commission que des bulletins de vote présentés par le commissaire représentant l’UNDP, il ressort que les noms des candidats qui y figurent ne sont pas ceux officiellement retenus;
« Que trois procès-verbaux détenus par l’ONEL attestent que les bulletins de vote de l’UNDP sont arrivés avec un retard de plus de quatre heures après l’ouverture du scrutin ;
« Attendu que ces irrégularités ont porté atteinte à la sincérité du scrutin et à l’égalité de chances;
« Qu’il s’ensuit que les recours sont fondés;

« Décide

« Article 1er : Les recours nos 30/CE et 107/CE du 4 juillet 2002 du SDF et de l’UNDP sont joints;
« Article 2 : Ces recours sont recevables;
« Article 3 : Les recours sont fondés; en conséquence l’élection législative du 30 juin 2002 dans la circonscription de BAMBOUTOS est annulée ;
« Article 4 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. »

B) La preuve testimoniale

Elle apparaît de manière indirecte dans l’arrêt n° 44/CE 01-02 du 17 juillet 2002 de la Cour suprême du Cameroun SDF et UPC contre État du Cameroun (MINAT). En voici quelques considérants et le dispositif:

« Attendu que dans son mémoire en intervention volontaire déposé le 8 juillet 2002, Me Guy NOAH, avocat à Yaoundé, agissant au nom et pour le compte du RDPC a conclu au rejet des recours, toujours comme non fondés;
« Attendu qu’en vertu des articles 39 et 43 de la loi électorale susvisée le contentieux des opérations préélectorales relève de la compétence de la Commission départementale de supervision dont les décisions sont susceptibles d’être déférées devant la Cour d’appel ;
« Attendu en l’espèce que les griefs relatifs aux listes et cartes électorales sont de la compétence de la Commission départementale de supervision et par suite échappent à celle du Conseil constitutionnel ;
« Attendu que sur le reste des griefs, il ressort des pièces produites, notamment du procès-verbal de la Commission nationale de recensement général des votes que “des pressions financières ont été faites sur les délégués de l’ONEL dans le but de faire les irrégularités constatées” ;
« Qu’il ressort en outre de la lettre n° 288/ONEL.DRDE/SG/VPO/PO du 15 juillet 2002 du président de l’ONEL que « des irrégularités majeures portant essentiellement sur le bourrage des urnes, le remplacement des électeurs absents par d’autres personnes » ont été constatées;
« Attendu que ces faits ont porté atteinte à la sincérité du scrutin ;
« Qu’il s’ensuit que les recours sont fondés;
« Par ces motifs

« Décide

« Article 1er : Les recours nos 46/CE et 122/CE du 04 juillet 2002 du Social Democratic Front (SDF) et de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) sont joints;
« Article 2 : Ces recours sont recevables;
« Article 3 : Le Conseil constitutionnel est incompétent pour connaître du contentieux de l’établissement des listes électorales et de l’établissement ou distribution des cartes électorales;
« Article 4 : Les recours du SDF et de l’UPC sont fondés; en conséquence l’élection législative du 30 juin 2002 dans la circonscription du NKAM est annulée ;
« Article 5 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. »

 

 

L’expérience de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar

M. Dieudonné RAKOTONDRABAO, Juge, Mme Gisèle RANAMPY, Juge et M. Samuel RALISON, Greffier en chef de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar

Introduction générale

À Madagascar, le processus électoral s’effectue par le biais:

  • des bureaux de vote composés chacun de 7 membres;
  • des commissions de recensement matériel de vote (CRMV) dirigées par des magistrats, assistées par des représentants de l’État et par ceux des observateurs ainsi que par ceux des candidats;
  • de la juridiction compétente pour une élection déterminée.

Le règlement du contentieux électoral par la juridiction compétente s’effectue sur la base des documents électoraux et principalement des procès-verbaux. Les requêtes présentées tendent généralement à faire respecter la sincérité du scrutin et à rectifier toute tendance à faire modifier le sens du vote. Dans ce sens, en cas de contestation, les procédés relatifs à la recherche de la vérité par la juridiction compétente sont relatifs à l’analyse des procès-verbaux, principaux modes de preuve, à la confrontation des résultats figurant dans les procès-verbaux détenus par les parties ainsi que l’audition des parties en tant que de besoin.

I. La présentation des procès-verbaux

A) La forme des procès-verbaux en matière électorale à Madagascar

D’une manière générale, le procès-verbal des opérations électorales contient :

  • les noms des candidats;
  • les indications précises sur les membres du bureau de vote et sur les scrutateurs;
  • le lieu où est situé le bureau de vote ;
  • une partie réservée appelée « feuille de dépouillement » où figurent les résultats obtenus;
  • une partie réservée aux contestations ou réclamations éventuelles.

Suite aux problèmes issus de la crise électorale lors de l’élection présidentielle de décembre 2001 à Madagascar, des améliorations ont été apportées, l’objectif étant d’annihiler toute velléité de fraude. Il s’agit notamment :

  • de la création de procès-verbaux autocopiants au niveau même du bureau de vote, chaque observateur, délégué de candidat en détenant une copie, ceci pour éviter des erreurs dans la transcription de voix ;
  • de l’obligation pour le président du bureau de vote d’amener directement les documents électoraux au président de la commission de recensement matériel de vote (CRMV); ainsi tout circuit intermédiaire est supprimé pour éviter toute manipulation des résultats au cours de l’acheminement des documents;
  • de l’obligation tant du président du bureau de vote amenant les documents que du président de la CRMV de certifier que les documents reçus sont vraiment des originaux.

Il est à remarquer qu’à Madagascar, les requêtes soumises à l’appréciation de la juridiction électorale se rapportent essentiellement à la discordance des voix obtenues par chaque candidat figurant dans les procès-verbaux originaux et ceux détenus par chaque partie, le non respect de la sincérité du vote ou la modification du sens du vote. Selon les dispositions légales en vigueur, les réclamations ou contestations objets des requêtes, doivent être déclarées irrecevables si elles n’ont pas été préalablement consignées dans la partie réservée à cet effet dans le procès-verbal.

B) La valeur juridique du procès-verbal

Comme il a été dit au début de l’intervention, le procès-verbal est le premier et le principal mode d’administration de preuves en matière électorale. En effet, un procès-verbal est censé refléter le déroulement des opérations électorales; il est signé par le président et les membres du bureau de vote, les scrutateurs et éventuellement par les délégués des candidats et les observateurs.
Le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire et la preuve du contraire pourra être apportée par les procès-verbaux en possession des différents candidats, des observateurs ou du Conseil national électoral qui ont chacun droit à un exemplaire.
C’est dans cette phase de confrontation que les difficultés se présentent. Tel était le cas lors de la dernière élection présidentielle de décembre 2001 à Madagascar, détériorée en crise durant l’année 2002, mais réglée par le recomptage des voix en utilisant la procédure de confrontation des résultats.
En effet, lors de cette élection :

  • les chiffres portés sur les procès-verbaux détenus par chaque candidat, par les observateurs, par le Conseil national électoral, ne concordaient pas;
  • le candidat Marc Ravalomanana était convaincu qu’il avait été élu au 1er tour parce que les procès-verbaux en sa possession le créditaient de plus de 51 % des suffrages alors que les résultats officiels proclamés le renvoyaient au 2e tour pour n’avoir obtenu que 46,21 % ;
  • il s’en est suivi une crise qui a bouleversé tout le premier semestre de l’année 2002 sur le plan économique et social ;
  • sous la pression de la communauté internationale, il a fallu procéder à un décompte contradictoire des voix obtenues par les deux premiers candidats, Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana ;
  • les principaux acteurs de l’élection (candidats, observateurs) ont été invités à communiquer les documents en leur possession en vue de les comparer avec ceux en possession de la Cour constitutionnelle et ceux détenus par le Conseil national électoral ;
  • le candidat Didier Ratsiraka n’a pas manifesté son intention de participer au décompte contradictoire et n’a pas envoyé de document.
II. La confrontation des résultats

Confronter les résultats ou opérer un décompte contradictoire des voix consistait à :

  • comparer les résultats figurant sur les documents électoraux issus des commissions de recensement matériel des votes et conservés aux archives de la Cour constitutionnelle, avec ceux en possession des candidats, des observateurs nationaux et du Conseil national électoral ;
  • mobiliser du matériel informatique avec du personnel qualifié et assermenté.

Une première confrontation des suffrages par la voie informatique a fait ressortir que sur 10 259 bureaux de vote (sur un total de 16 493), les chiffres recueillis étaient parfaitement concordants.

Pour les 6 234 bureaux de vote restants, la Cour a :

  • annulé les suffrages dans une dizaine de localités car il a été prouvé que les préfets et sous-préfets desdites localités ont reçu des ordres du gouverneur de la province pour retarder la transmission des procès-verbaux et de modifier les résultats au profit du candidat Didier Ratsiraka ;
  • relevé des discordances manifestes entre les résultats figurant dans les procès-verbaux issus des commissions de recensement matériel des votes et ceux remis aux délégués d’un candidat ainsi que ceux en possession des observateurs nationaux ;
  • validé les résultats des documents qui ont consigné les mêmes chiffres que ceux des observateurs nationaux ;
  • validé des annulations antérieurement effectuées pour des carences commises volontairement ou non par les responsables officiellement chargés de réaliser la formalisation des résultats du scrutin, de la collecte et de la centralisation des documents électoraux. Le fait de ces responsables officiellement désignés ne peut, en aucun cas, être imputable aux électeurs et au détriment de la sincérité du scrutin ;
  • redressé des voix inversées.

À l’issue du décompte contradictoire, le candidat Marc Ravalomanana a été proclamé élu avec 51,46 % des suffrages, contre 35,90 % pour le candidat Didier Ratsiraka.

Problèmes rencontrés: l’originalité des procès-verbaux, la falsification ou la substitution des pièces par des gens malintentionnés à divers niveaux de responsabilité.
Solution adoptée : la nouvelle formule de procès-verbal, instituée pour la première fois lors des élections communales dont la première partie s’est déroulée le 9 novembre 2003.

La nouveauté apportée par cette dernière version de procès-verbal est le fait qu’il est autocopiant pour autant de nombre de procès-verbaux destinés pour l’administration, la juridiction compétente, chaque candidat et les observateurs.
Cette formule pourra réduire les risques de falsification ou d’altération et les polémiques sur l’originalité des procès-verbaux en possession des divers acteurs de l’élection.

III. L’audition des parties

La Haute Cour constitutionnelle peut aussi, si elle le juge utile et à la demande des parties, recourir au témoignage pour statuer sur la sincérité du scrutin dans une ou plusieurs circonscriptions électorales.
Certes, même s’il est stipulé dans la loi organique relative à la Haute Cour constitutionnelle qu’en matière contentieuse, la procédure est essentiellement écrite, la même loi précise que toutes les pièces proposées au soutien des moyens doivent être annexées à la requête. Elles peuvent être soit des documents authentiques ou officiels, soit des témoignages sous forme de déclaration écrite et signée par au moins trois témoins présents lors des faits ou de l’irrégularité invoquée.
C’est ainsi que lors de la dernière élection présidentielle sus énoncée, bien que l’audition n’ait pas été effectuée directement par la Haute Cour constitutionnelle, cette dernière a pris en considération le témoignage d’un avocat général près la Cour d’appel de Fianarantsoa, recueilli dans un procès-verbal d’huissier et relatant que le gouverneur de la province autonome de Fianarantsoa a donné des ordres aux préfets et sous-préfets de certaines localités afin de retarder la transmission des procès-verbaux aux commissions de recensement matériel de vote et de modifier les résultats au profit du candidat Didier Ratsiraka.

 

 

C. Les Cours constitutionnelles et les juridictions pénales

L’expérience de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar

M. Dieudonné RAKOTONDRABAO, Juge, Mme Gisèle RANAMPY , Juge et M. Samuel RALISON, Greffier en chef de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar

I. Les catégories d’infractions pénales en matière électorale

A) Les infractions pénales aux préliminaires de l’élection

1. Les infractions pénales lors de l’établissement de la liste électorale :

  • les fraudes émanant des électeurs;
  • les fraudes émanant des personnes responsables de l’établissement de la liste électorale.

2. Les infractions pénales commises au cours de la propagande électorale :

  • les atteintes à l’intégrité physique et morale des personnes;
  • les atteintes à l’ordre public ;
  • les atteintes aux biens;
  • les atteintes à la réglementation de la propagande.

3. Les infractions pénales commises au cours du transport des documents ou matériels électoraux :

  • détournement de véhicules transportant des matériels ou accessoires devant servir à une élection.

B) Les infractions pénales commises le jour du scrutin

  • les infractions pénales portant atteinte à la sincérité du vote ;
  • les infractions pénales portant atteinte à la sécurité publique.

C) Les infractions commises après le scrutin

Les actes visant à changer ou falsifier les résultats.

II. Les peines

Le code électoral prévoit des peines privatives de liberté assorties ou non d’amendes:

  • emprisonnement de 6 jours à 10 ans;
  • amende : entre 100 000 et 5 000 000 francs.

Peines complémentaires:

  • incapacité à l’exercice du droit de vote et à être éligible pendant 5 à 10 ans;
  • disqualification du candidat ;
  • confiscation de l’objet du délit.
III. Application du code électoral

Toutes ces infractions pénales sont prévues et punies par le code électoral mais elles relèvent du juge pénal. Donc si la Cour constitutionnelle est saisie de requêtes qui font état de ces infractions pénales, elle doit se déclarer incompétente pour en connaître et renvoyer les requérants à saisir la juridiction pénale.
La saisine de la juridiction pénale ne suspend pas la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle.
Si par la suite, un candidat proclamé élu par la Cour constitutionnelle est condamné par le juge pénal pour une infraction électorale, le candidat élu encourt la déchéance, prononcée par la Cour constitutionnelle.

 

D. La proclamation des résultats par les Cours constitutionnelles et les efforts de communication

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

I. Fondements textuels
  • Article 86 de la Constitution : «La Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur… la régularité des élections présidentielles, législatives et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats. »
  • Articles 142 et 150 de la loi n° 02-007 du 12 février 2002 relatifs respectivement à l’élection du président de la République et à celle des députés à l’Assemblée nationale.
II. Déroulement des cérémonies de proclamation
  • Lieu : Siège de la Cour constitutionnelle.
  • Publicité : Les audiences ordinaires et solennelles sont publiques et médiatisées.
    Dans ce sens, un communiqué de la Cour constitutionnelle radiodiffusé et télévisé indique la nature de l’élection ainsi que le lieu et l’heure de la cérémonie.
    Les présidents des institutions de la République, les structures impliquées dans l’organisation des élections, les médias d’État et la presse privée sont nommément invités par ledit communiqué.
  • Couverture médiatique :
    Elle se fait au moyen de la radio, de la télévision et de la presse écrite d’État et privée. Selon le cas, la cérémonie est retransmise en direct à la radio et à la télévision.
    La presse écrite, dans sa livraison du lendemain, revient amplement sur l’événement.

Diffusion des décisions de la Cour :
Les décisions de la Cour sont publiées au Journal officiel.
Des copies sont adressées sans délai au président de la République, au Premier ministre selon le cas et au secrétaire général du Gouvernement pour publication au Journal officiel.
S’agissant d’une décision sanctionnant un contentieux, les parties reçoivent leurs copies par les soins du greffier en chef de la Cour.

Conférence de presse :
La réunion d’une conférence de presse autour des décisions de la Cour n’est pas encore systématique. Toutefois, la pertinence de son utilité est établie et partagée.

 

L’expérience du Conseil constitutionnel du Sénégal

Mme Ndéye Maguette MBENGUE
Greffier en chef
Conseil constitutionnel du Sénégal

L’étude sociologique et politique du Sénégal nous a appris que jamais des élections (et même bien avant l’indépendance) ne se sont déroulées dans le calme et la discipline, qu’elles n’ont jamais échappé aux turbulences et que l’imagination des politiciens, quelque soit leur bord, n’a jamais manqué de déborder…
À peine créé et organisé par la loi n°92-23 du 30 mai 1992, le Conseil constitutionnel s’est trouvé dans l’obligation, pour le premier rôle qui lui a été attribué – en duo avec la Cour d’appel – de tenir le devant de la scène en tant que juge électoral et d’offrir à un peuple peut être exaspéré par une attente fiévreuse, à une opinion publique pas forcément préparée, quelque peu naïve et pleine d’espoir, le bouquet final : la vérité sortie des urnes.
Il a fallu donc s’y préparer avec le maximum de conscience mais surtout d’informations techniques. Les élections présidentielles de mars 2000 qui ont conduit à une alternance jugée démocratique et pacifique en sont néanmoins une parfaite illustration et la grande médiatisation qui a accompagné l’événement pose le problème de la nécessité du développement des stratégies de la communication des Cours constitutionnelles.

  1. Avant le scrutin, le Conseil constitutionnel doit recevoir des candidatures à la présidence de la République, arrêter les listes et peut être amené à statuer en cas de contestations d’un acte du ministre de l’Intérieur, autorité chargée de recevoir les candidatures aux législatives.
  2. Après le scrutin, il doit éventuellement statuer sur les contestations relatives aux élections présidentielles et législatives.
  3. Il doit proclamer les résultats définitifs des élections, après la Commission nationale de recensement des votes (CNRV) qui donne les résultats provisoires.

Donc, que le Conseil constitutionnel soit uniquement juge de la régularité des élections au sens strict, ou juge de la moralité, ou juge de la sincérité, quelque soit son option, il doit en terminer par un décompte, calcul qui peut s’avérer complexe, et conclure par des chiffres précis et concordants: c’est là l’authentification des opérations de vote, de dépouillement et du résultat qu’on attend de lui.
Le président de la CNRV, après proclamation des résultats provisoires, transmet le procèsverbal de proclamation et tous les documents au Conseil constitutionnel.
Dès le lendemain, les candidats déposent leur recours. Tous les recours sont examinés et joints. Le Conseil constitutionnel reprend le décompte, vérifie et rectifie. Par une seule et même décision, le Conseil règle les griefs soulevés par les recours et procède à la proclamation.
Le jour de la proclamation des résultats, le greffe contacte les organes de presse, la télévision nationale en priorité pour lui permettre de se mettre en place techniquement. À part elle, les autres ne sont autorisés à accéder à la salle d’audience que juste quelques minutes avant l’arrivée du greffier en chef. La presse parlée retransmet la proclamation en direct.

Le greffier en chef commence par annoncer le nombre des:

  • électeurs inscrits;
  • votants;
  • bulletins nuls;
  • suffrages exprimés: différence entre le nombre de votants et les bulletins nuls;
  • majorité absolue : nombre de suffrages exprimés divisé par deux.

S’agissant des présidentielles, le greffier en chef énonce le nombre de voix obtenues par chaque candidat et le pourcentage. Le total de contrôle permet de vérifier si le nombre de voix obtenues par les différents candidats est conforme aux suffrages exprimés.
Pour ce qui est des législatives, le Sénégal a opté pour deux modes de scrutin : Le scrutin majoritaire départemental et le scrutin proportionnel sur la liste nationale.
Les députés à l’Assemblée nationale sont élus à raison de 65 députés au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort de chaque département et 55 députés au scrutin proportionnel sur une liste nationale.

Comme pour les présidentielles, le greffier en chef énonce le nombre des:

  • électeurs inscrits;
  • votants;
  • bulletins nuls;
  • suffrages exprimés;
  • quotient national (nombre de suffrages valablement exprimés par le nombre de députés à élire).

Le nombre de voix obtenues par chaque parti permet ensuite de connaître,

1. Au scrutin majoritaire départemental :
Liste des députés élus pour chaque parti,

2. Au scrutin de la liste nationale :
Le nom de chaque parti est énoncé, suivi de la liste de ses députés élus. Les candidats reçoivent du greffe une expédition de la décision.
La décision est toujours publiée au Journal officiel conformément aux dispositions de l’article 23 de la loi n° 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil. Au Greffe du Conseil, toutes les décisions relatives aux élections sont affichées.
La mission du Conseil constitutionnel lors de la proclamation définitive des résultats se limite à la lecture de ces chiffres. Il ne s’arroge pas d’autres prérogatives, en soulignant les rectifications auxquelles il a été procédé, les constatations susceptibles d’avoir une certaine valeur pédagogique sur l’opinion publique.
En conclusion, il est à déplorer l’absence de suivi des relations entre la haute juridiction et la presse. Les rencontres avec la presse et le citoyen ne sont pas organisées, les communiqués de presse sont exceptionnels. L’on ne semble s’intéresser à l’institution qu’en période électorale, et l’institution elle-même semble éprouver une certaine méfiance vis-à-vis de la presse qui, parce que non spécialisée en droit, peut dénaturer certains propos.

 

E. L’archivage des procès-verbaux et autres documents électoraux

L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Stéphane COTTIN, Chef du Service du greffe et de l’informatique du Conseil constitutionnel français

Le Conseil constitutionnel français est compétent pour les contentieux des élections parlementaires (législatives et sénatoriales), de l’élection présidentielle et des votations nationales. Chacun de ces quatre types de scrutin fournit des documents fort différents dont le Conseil doit assurer la gestion et l’archivage.
La grande hétérogénéité des procédures impose de traiter ici les élections une par une, mais dans chaque cas, on parlera du type de documents arrivant au Conseil (ou généré par celui-ci), de leur volume, de la gestion de leur circuit et de leur archivage.

I. Documents électoraux gérés par le Conseil par type d’élections

1. Élection du président de la République et référendum

Concernant l’élection du président de la République, le Conseil constitutionnel doit gérer de très nombreuses et de très diverses tâches de nature tant administrative que contentieuse.
Aussi n’y a-t-il eu pas moins de 3 mètres linéaires (27 dossiers à sangle) de documents produits uniquement pour la préparation de l’élection (notes, avis, marchés d’impression de divers documents…). Les parrainages (présentation de candidatures) ont représenté à eux seuls plus de 4 mètres linéaires. Les procès-verbaux de recensement des votes sont établis dans chaque département par une commission spéciale qui recense tous les suffrages émis sur un document spécial traditionnellement de couleur bleue, au format A2 plié en deux. Ce dernier reprend, si besoin est, les constatations ou contestations portées sur les procès-verbaux des bureaux de votes (couleur blanche), et éventuellement, les bulletins litigieux annulés. Pour certains départements, l’ensemble peut être très volumineux.
Deux mois après le second tour de scrutin, la loi impose à tous les candidats le dépôt de leur compte de campagne. À défaut (ou si leur compte est finalement rejeté après contrôle par le juge constitutionnel), les candidats ne seraient pas remboursés de leur dépenses, et devraient même rendre l’avance forfaitaire remise lors l’établissement de la liste des candidats. Les comptes de campagne rassemblent les pièces justificatives de dépenses et de recettes, des comptes bancaires des mandataires financiers et toutes les autres pièces comptables émises ou reçues à l’occasion de la campagne, le tout présenté par un expert-comptable selon un plan de classement savamment mis au point par l’ordre des experts-comptables pour le compte du Conseil constitutionnel. La mise en place de ce procédé a été fort longue et a nécessité beaucoup de réunions de travail fort délicates, mais, au final, le canevas mis au point a permis tant aux mandataires financiers des candidats au moment de l’engagement des dépenses, qu’aux experts-comptables au moment de la présentation des comptes, et surtout qu’aux rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel d’assurer le contrôle des comptes dans les meilleures conditions.
Enfin, des documents utiles au contrôle de la campagne électorale, constitués au cours de celle ci par des étudiants recrutés tout spécialement par le Conseil constitutionnel, sont issus de coupures de journaux de la presse quotidienne régionale. Il s’agit de la mention par la presse locale des actions ayant pu entraîner des frais pour les candidats. Les rapporteurs adjoints s’en sont servis pour les confronter avec les pièces comptables et s’assurer de la réalité des dépenses engagées.
L’ensemble de ces documents a vocation à être conservé au Conseil constitutionnel jusqu’à la prochaine élection du président de la République (normalement cinq ans), afin de servir de références. Au moment de l’archivage des documents de l’élection N, sont donc remis aux services des Archives contemporaines de la direction des Archives nationales, les documents de l’élection N-1, hormis les coupures de presse, qui sont remises au CEVIPOF (centre d’études de la vie politique française, laboratoire de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris).

Récapitulatif (élection présidentielle 2002): 76 mètres linéaires

  • 27 dossiers documentaires de préparation : 3 ml (et autant pour le « dossier du secrétaire général »)
  • 13 cartons Dimab (voir plus bas) de parrainages: 4,5 ml
  • 47 cartons de PV (24 pour le 1er tour, 23 pour le second): 14 ml
  • 160 cartons de comptes de campagne : 46,5 ml
  • 11 cartons de coupures de presse : 3,5 ml
  • 4 cartons de correspondances avec les candidats: 1 ml

Le rôle du Conseil constitutionnel lors d’un référendum national est très proche de celui qu’il exerce pour une élection présidentielle mais les étapes sont nettement moins nombreuses (consultations portant sur l’organisation du scrutin, contentieux des actes préalables au scrutin et recensement des votes). On peut considérer qu’en volume un référendum représente le tiers d’une élection présidentielle.

2. Élections législatives et sénatoriales

Les élections parlementaires (sénatoriales et législatives), génèrent, pour le Conseil constitutionnel, des masses de documents de nature contentieuse, la préparation de ces élections n’étant pas du ressort du Conseil.
Le Conseil constitutionnel reçoit directement les mémoires des requérants potentiels (candidats ou électeurs) dans les délais légaux (10 jours après l’élection). Ces mémoires pourront être accompagnés de pièces, mémoires ampliatifs, en réponse, réplique, duplique, triplique…
Le Conseil n’est destinataire des documents officiels (procès-verbaux, …) que s’il en fait la demande. Celle-ci est systématique auprès du ministère concerné (Intérieur ou Outre-mer), en même temps qu’une demande d’observations au dit ministère, dès que la requête est considérée comme devant être instruite. Une partie non négligeable des requêtes suit le traitement prévu à l’article 38-2 de l’ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958 qui prévoit que « sans instruction contradictoire préalable, (le Conseil) peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection ».

Selon les griefs exposés dans la requête, le Conseil peut décider la production des procès verbaux de tout ou partie des bureaux de vote de la circonscription (ainsi que des suffrages annulés), des listes d’émargements, des volets de procuration, de leurs documents justificatifs, etc. Le code électoral prévoit leur éventuel versement comme pièces de contentieux au Conseil constitutionnel : article L.O. 179 «Les procès-verbaux des commissions chargées du recensement, auxquels le préfet joint l’expédition de l’acte de naissance et le bulletin n° 2 du casier judiciaire des élus et de leurs remplaçants, sont tenus à la disposition des personnes inscrites sur les listes électorales et des personnes ayant fait une déclaration de candidature, pendant un délai de dix jours.
Passé ce délai, les procès-verbaux et leurs annexes sont déposés aux archives départementales. Ils ne peuvent être communiqués qu’au Conseil constitutionnel, sur demande de ce Conseil. »
Ces documents peuvent être très volumineux, mais il est finalement assez rare de demander toute la série des documents électoraux. Ils nécessitent un soin particulier de conservation, comme toutes les autres pièces de procédure.
En plus des requêtes des particuliers, le Conseil peut être saisi, essentiellement par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui, depuis 1992, transmet tous les comptes de campagne des candidats aux élections législatives qu’elle a rejetés (654 en 1993, 274 en 1997, 599 en 2002 – chiffres issus de leurs statistiques: http ://www.cnccfp.fr/ paccueil_accesdirect/statistiques/statelect_RA.htm).
Tous ces documents sont archivés et classés, le temps du traitement contentieux, dans une pièce fermée sous la responsabilité du Service du greffe. Si les documents émanant des parties (mémoires et pièces) ont vocation à être archivés définitivement au Conseil, les comptes de campagne, ainsi que les autres documents électoraux officiels, sont immédiatement remis aux autorités dont ils émanent dès la fin du traitement, comme le précise l’article 19 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs:
« Art. 19. – La requête, les mémoires ainsi que les pièces ou leurs copies et photocopies versés aux dossiers sont conservés aux archives du Conseil constitutionnel. Il en va de même des saisines effectuées sur le fondement de l’article L.O. 136-1 du code électoral ainsi que des observations auxquelles elles donnent lieu.
Toutefois, les comptes de campagne, leurs annexes et les pièces de la procédure suivie devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont retournés à cet organisme.
En outre, à l’expiration de leur période d’utilisation courante, les documents mentionnés au premier alinéa du présent article sont transmis à l’administration des archives dans les conditions et suivant les modalités définies par la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979. »
Ainsi, le Conseil détient dans ses archives 124 cartons DIMAB (environ 36 mètres linéaires) pour les élections parlementaires de 1958 à 1996, les élections 1997 et 2002 étant archivées au 3e étage plus accessible et représentant environ 10 mètres linéaires.
Le contentieux des élections législatives partielles et celui des élections sénatoriales, générales ou partielles, obéit aux mêmes règles. S’agissant des élections sénatoriales, la masse des documents à traiter est nettement moindre : traditionnellement, ces élections suscitent peu de contentieux et la loi ne prévoit aucun contrôle de leur financement. Par rapport au volume des archives issu d’une élection législative générale, celui d’une élection sénatoriale générale est négligeable.

3. Cas particulier: l’archivage des débats en séance et des originaux des décisions

Il n’a été question dans tout ce qui précède que des documents servant à préparer les décisions du Conseil constitutionnel. Il faut en effet réserver un sort particulier aux documents originaux émanant directement du huis clos de la salle de séance du Conseil. Ces derniers sont essentiellement composés des originaux des décisions du Conseil signés par le président, le rapporteur et le secrétaire général, et surtout des procès-verbaux de la séance, tels que « sommairement » décrits par l’article 3 du décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 relatif à l’organisation du Secrétariat général du Conseil constitutionnel : «Le secrétaire général prend les mesures nécessaires à la préparation et à l’organisation des travaux du Conseil. Il établit un compte rendu sommaire de ces travaux. »
L’ensemble de ces documents originaux, selon la décision du 27 juin 2001, ne sont pas librement consultables avant 60 ans: «Est fixé à soixante ans le délai au-delà duquel peuvent être librement consultés les comptes rendus établis en application de l’article 3 du décret susvisé du 13 novembre 1959 relatif à l’organisation du secrétariat général du Conseil constitutionnel. »
Aussi a-t-il été établi un système d’archivage assurant la conservation la plus efficace de ces documents (qui sont fréquemment utilisés par les services): les documents originaux sont archivés et classés de façon rigoureuse dans des chemises selon des codes couleurs en fonction de leur degré de confidentialité (avant la décision de 2001, pas moins de quatre couleurs différentes pouvaient cohabiter pour une même séance selon les types de décisions rendues). Deux copies de ces documents sont effectuées (une copie de travail, conservée dans un coffre fort ignifugé à proximité du service juridique, principal utilisateur; et une copie de secours, sous clef à un autre endroit du bâtiment); les originaux sont remis chaque année au service des archives contemporaines qui en assure le plus efficacement la conservation.

II. Gestion des archives

1. La remise aux Archives nationales

L’ensemble des documents ne suivent donc pas tous le même chemin. Les documents les plus utiles pour le travail des services au Conseil restent à proximité des bureaux, au même étage, dans un couloir aménagé contenant deux coffres ignifugés pour les copies des originaux des procès verbaux de séances et des décisions. Ce même couloir est flanqué de placards fermés à clef contenant les deux dernières séries de contentieux électoraux (ici législatives 2002 et 1997), ainsi que les dossiers de séances des décisions de conformité depuis 1986. Le reste des documents conservés au Conseil est archivé au sous-sol et au deuxième étage.
Sont remis aux Archives nationales, tous les ans, les originaux des procès-verbaux de séances et les originaux des décisions; et, régulièrement, les documents relatifs aux élections présidentielles et aux référendums (une seule élection complète est conservée, dès que la nouvelle doit être archivée, on fait de la place en remettant la précédente aux Archives).

Les cartons Dimab :
La mission des Archives nationales dispose sur son site Internet (http ://www.recherche. gouv.fr/archives/default.htm), de conseils utiles pour le versement des archives.
La mission utilise des cartons normalisés de type Dimab. Il s’agit d’un carton normalisé (format h ✕ L ✕ l = 280 ✕ 385 ✕ 290) disposant d’un couvercle, de poignets et d’une petite sangle pour le déplacer facilement. Conçus pour s’insérer dans les étagères métalliques classiques, suffisamment peu volumineux pour ne pas contenir trop de masse de papier, ils permettent de gérer efficacement l’archivage dans les meilleures conditions de conservation.
Pour l’ensemble des cartons remis, il faut établir un bordereau : la liste des documents remis. Ce document fait office de catalogue.

Présentation matérielle des dossiers
Les dossiers doivent être conditionnés dans des chemises à sangle, classeurs ou boîtes d’archives (3 pour 1 carton Dimab). Au dos, sont portées les mentions suivantes:

  • titre du dossier
  • dates extrêmes

= mentions reportées sur le bordereau de versement

Fonction du bordereau
Le bordereau est la pièce justificative de l’opération de versement. C’est l’outil de gestion et de recherche principal des archives et un instrument de liaison entre le service versant et le service d’archives.
Conseil pour l’établissement du bordereau

  • Il comporte l’identification de l’administration versante.
  • Il indique la durée d’utilisation administrative (D.U.A.) possible des documents versés ce qui correspond à la durée pendant laquelle le service pense avoir besoin de ces archives et pendant cette période la Mission des archives nationales s’engage à ne faire aucun travail de tri des documents.
  • Il propose leur conservation définitive ou leur destruction, opération qui ne peut-être effectuée qu’avec l’accord préalable du service versant, par le service d’Archives.

Ses feuilles intercalaires comportent les numéros de cartons et énumèrent les titres et dates extrêmes des dossiers contenus dans chaque carton Dimab.
Les titres portés par les services doivent être compréhensibles de l’extérieur; il s’agit trop souvent de raccourcis hermétiques ou d’un langage inintelligible aux non-initiés.

2. Notes complémentaires sur les pratiques d’archivage

2.1. – Les bordereaux de pièces de contentieux

Chaque pièce de contentieux fait l’objet d’un enregistrement informatique. Ce dernier établit une fiche de transmission qui est attachée au document en question : l’original est archivé le plus rapidement possible au Service du greffe, et c’est une copie qui est transmise au juriste, qui, grâce au bordereau, donne les ordres de transmission au greffier.
Ci-après, un modèle de fiche de transmission d’un dossier contentieux complet, suivi d’une fiche de transmission d’une pièce (en l’occurrence une saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques)
Le premier document a vocation à être généré dès l’ouverture du dossier contentieux, puis à être inséré dans une pochette « cristal » fixée au dossier dit « juriste » (la première copie). Ce document sert de résumé pour le juriste chargé de l’affaire : il lui permet d’avoir en un clin d’œil l’état de l’affaire (si les mémoires sont arrivés, si le rapporteur adjoint a été désigné…) et, sur le fond de l’affaire, il peut indiquer en quelques croix le type de contentieux, ainsi que, critère parmi les plus importants, l’écart de voix entre les candidats.
Le second document a vocation à être remis à chaque nouvelle pièce de procédure. Il sert de feuille d’ordre pour le greffier, qui sait quel sort donner ensuite à la pièce (transmission, rangement, reproduction…).

2.2. Page de garde d’un dossier contentieux

2.3. Fiche de transmission d’une pièce

2.4. Abréviations usuelles

  • MDéf = mémoire en défense
  • MRép = mémoire en réplique
  • MAmp = mémoire ampliatif / complémentaire
  • MDup = mémoire en duplique
  • MTri = mémoire en triplique
  • Req = Requête introductive
  • OMI = observations du ministère de l’intérieur
  • OMOM = observations du ministère de l’outre-mer
  • OCSA = observations du CSA

2.5. Les codes couleurs

En plus de la mise en cartons et en dossiers à sangle, il a été mis au point un code couleur pour le contentieux électoral permettant rapidement de savoir à quel type de pièces on a affaire

  • Codes couleurs des chemises et sous-chemises à l’intérieur des dossiers:
    • Jaune = requête introductive (par extension mémoire en réplique)
    • Vert = mémoire en réponse et autres pièces du parlementaire
    • Bleu = observations et autres pièces du ministère
    • Violet = documentation
    • Rouge/orange = courrier et correspondances
    • Gris = décision
  • Code couleur des dossiers originaux :
    • Chemise à dos toilé bleu = requête élection législative
    • Chemise à dos toilé rouge = requête élection sénatoriale
    • Chemise à dos toilé jaune = saisine CCFP
  • Autres types de dossiers (copies):
    • Quelle que soit la couleur mais avec une pochette cristal fixée sur le recto du dossier et contenant une page de garde = DOSSIER JURISTE
    • Chemise à dos toilé vert pâle = dossier copie rapporteur adjoint

 

L’expérience de la Cour constitutionnelle du Mali

Mme Aïssata CISSE SIDIBE, Conseiller et M. Mamoudou KONE, Greffier en chef de la Cour constitutionnelle du Mali

L’archivage est une technique de classement et de conservation des documents. C’est une science réelle qui a ses spécialités.
Ce travail méticuleux, concernant les procès-verbaux des élections d’une importance capitale, revient au greffier en chef faute de spécialiste. Cependant le décret n° 94-421/PRM du 21/12/1994 portant organisation du Secrétariat général et du Greffe de la Cour constitutionnelle a prévu à l’article 10, la présence d’un archiviste, qui en collaboration avec le greffier en chef, procède à la conservation des documents relatifs aux travaux de la Cour.
À défaut d’un spécialiste, l’archivage au niveau de la Cour constitutionnelle du Mali se fait avec des moyens rudimentaires.
À la réception des procès-verbaux les agents du Greffe procèdent au classement de la manière suivante : classement numérique et alphabétique par région, par cercle et par commune des procès verbaux validés et invalidés logés dans des enveloppes séparées.
Nous disposons de deux salles d’archives non équipées. Les archives sont conservées dans des cartons entreposés selon le système décrit ci-dessus.

 

VII/Le financement des campagnes électorales et le patrimoine des élus

L’expérience du Conseil constitutionnel algérien

M. Bouzid AMMI, Directeur d’études et de recherche du Conseil constitutionnel algérien

Introduction

La plupart des législations à travers le monde ont prévu des modes de financement des campagnes électorales, en raison de l’importance que revêt cette opération dans la vie de toute société quelle soit politique ou civile pour le candidat aux élections en particulier, et les citoyens en général, car ces derniers participent au financement des charges publiques de l’État.
L’État couvre la plus grande partie du financement des opérations électorales de façon directe, notamment concernant l’organisation matérielle afin de garantir le bon déroulement de l’opération électorale. L’État accorde également des aides aux candidats de façon indirecte afin de leur permettre de faire leur campagne électorale dans la limite de ce que prévoit la loi.

Le financement des campagnes électorales est souhaitable dans la mesure où il implique le principe d’égalité des chances par:

  • La limitation des dépenses – des plafonds pour chaque candidat ou pour chaque parti ;
  • La limitation des contributions – des restrictions sur les montants qu’un individu est autorisé à verser;
  • Les règlements de divulgation – déclaration obligatoire des contributeurs aux campagnes et aux partis et divulgation des montants versés par chacun ;
  • L’interdiction de certains types de contributions – organisations étrangères et citoyens étrangers.

Les objectifs des textes législatifs et réglementaires

  • Contrôler la corruption – objectif primordial.
  • Promouvoir l’équité (partis politiques riches et pauvres).
  • Égalité des chances.

Pourquoi s’est-il avéré si difficile de concevoir des lois satisfaisantes pour réglementer le financement politique ?

Il y a au moins deux raisons fondamentales.

  1. Les échappatoires – vides législatifs
    Les restrictions risquent de ne pas produire l’effet souhaité si d’autres formes de financement pertinentes politiquement demeurent incontrôlées.
  2. Une mise en œuvre inadéquate
    Dans un domaine aussi controversé et complexe que le financement des partis et des campagnes, les lois ont besoin d’une supervision et d’une mise en œuvre efficaces.

L’exécution nécessite une autorité forte dotée de pouvoirs légaux pour superviser, vérifier, enquêter et si nécessaire intenter une action en justice.
Les lois imposent de strictes règles de financement aux candidats aux élections législatives et présidentielles sous peine de voir leur élection invalidée quelques mois après le scrutin.
Ainsi, les candidats sont tenus de ne pas dépasser le plafond légal fixé par la loi.
Il y a lieu de signaler, que les candidats ne peuvent pas recevoir de dons d’une personne morale (on vise les entreprises). Seuls les partis politiques qui sont soumis à un contrôle de leurs comptes peuvent aider les candidats.
Les personnes physiques peuvent eux aussi contribuer à octroyer des dons dans la limite fixée et cette contribution ne peut se faire que par chèque.
En ce qui concerne les dépenses, certaines ne sont pas permises (publication d’un livre).

Les comptes de campagne électorale en Algérie

L’article 191 de l’ordonnance n° 97-07 du 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral, ainsi que les articles 30 et 43 du règlement fixant les procédures de fonctionnement du Conseil constitutionnel traitent des comptes de campagne électorale des candidats aux élections législatives et présidentielles.
Cette matière constitue l’une des principales garanties juridiques que doivent respecter les candidats et les partis politiques en vue de la consécration du principe de transparence financière dans la vie politique et de préserver la dignité des candidats.
À cet effet, le législateur a prévu des dispositions pénales pour punir tous ceux qui transgressent les règles juridiques qui régissent les modalités et les conditions de présentation des comptes de campagne électorale.

1. L’obligation d’établir un compte

L’ordonnance n° 97-07 du 6 mars 1997 relative au régime électoral en son article 191, ainsi que le règlement du Conseil constitutionnel font obligation à tout candidat (y compris les suppléants) et les candidats aux élections présidentielles de présenter un compte de campagne suivant les modalités et les conditions prévues dans ce domaine.

2. Le délai de dépôt

Le règlement du Conseil constitutionnel a prévu que le dépôt s’effectue dans les deux mois qui suivent la publication des résultats définitifs pour les candidats aux élections législatives et trois mois pour les candidats aux élections présidentielles.

3. Le compte doit comporter (art. 191 ord. relative au régime électoral) :

  • l’origine et la nature des recettes dûment justifiées;
  • les dépenses appuyées de pièces justificatives;
  • le rapport du comptable doit être revêtu de son sceau et de sa signature.

Le plafond des dépenses est fixé à 150 000 dinars pour chaque candidat aux élections législatives (art. 189 du régime électoral), à 15 millions de dinars pour les candidats aux élections présidentielles pour le premier tour et à 20 millions pour le second tour (art. 187).

4. Remboursement

  • Pour les élections législatives
    La liste qui recueille 20 % des voix exprimées peut obtenir un remboursement de 25 % sur les dépenses réellement engagées, dans la limite du plafond autorisé (art.190 du régime électoral).
  • Pour les élections présidentielles
    Tous les candidats ont droit à un remboursement de 10 % des frais réellement engagés, il est porté à 20 % lorsque les candidats obtiennent un taux supérieur à 10 % et inférieur à 20 %. Le taux est porté à 30 % pour le candidat ayant obtenu plus de 20 % des suffrages exprimés. Le remboursement ne peut s’effectuer qu’après la proclamation des résultats.

5. Le rejet du compte

En cas de rejet, le remboursement est exclu (art. 191-4 du régime électoral). Ainsi, les conditions de rejet se présentent comme suit :

  1. –Absence de pièces justificatives pour les dépenses et les recettes.
  2. –Compte de campagne non certifié par le comptable.
  3. –Compte présenté en dépassement.
  4. –Non respect du délai de dépôt fixé par le règlement du Conseil.
  5. –Compte ne faisant apparaître aucune recette.

6. Les décisions prises par le Conseil sont transmises :

  • Pour les élections législatives:
    • au bureau de l’Assemblée populaire nationale (candidats élus) (article 191-3 du régime électoral);
    • aux autres candidats;
    • au ministère de l’Intérieur en vue du remboursement.
  • Pour les élections présidentielles:
    • publication du candidat déclaré élu (JO);
    • aux autres candidats.

Suite aux élections législatives qui se sont déroulées le 5 juin 1997 et le 30 mai 2002, le Conseil constitutionnel algérien a rendu des décisions relatives à la campagne électorale en se basant sur les éléments suivants:

  • non déclaration des recettes et des dépenses;
  • dépassement du plafond autorisé ;
  • non adoption par un comptable ;
  • absence de documents retraçant l’origine et la nature des recettes déclarées;
  • dépôts des comptes au delà des délais fixés par le règlement intérieur du Conseil ;
  • présentation d’un compte global par la liste de candidats.

 

 

L’expérience de la Cour suprême du Canada

Mme Anne ROLAND, Registraire de la Cour suprême du Canada

La loi modifiant la loi électorale du Canada et la loi de l’impôt sur le revenu (C-24) apportent de profonds changements au financement des élections fédérales. Le résumé ci-dessus est tiré du site web d’Élections Canada dont l’adresse est : www.elections.ca.
Le projet de loi C-24 a reçu la sanction royale le 19 juin 2003. À l’exception de certaines dispositions, notamment celles relatives aux rapports trimestriels des partis politiques enregistrés, le projet de loi C-24 entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Ce projet de loi modifie la loi électorale du Canada afin d’élargir les obligations de divulgation et d’enregistrement des entités politiques. Il prévoit de nouveaux plafonds pour les contributions politiques, et il interdit aux syndicats et aux personnes morales de verser des contributions aux partis politiques et aux candidats à la direction. Le projet de loi prévoit également le versement d’une allocation trimestrielle aux partis politiques enregistrés, calculée sur la base du nombre de votes obtenus à la dernière élection générale. Le projet de loi modifie également la loi de l’impôt sur le revenu pour faire passer de 500 $ à 650 $ le montant maximum admissible à un crédit d’impôt et permettre aux associations de circonscription de délivrer des reçus d’impôt.
Voici un résumé des principales modifications:

Plafonds des contributions

Les particuliers (citoyens ou résidents permanents) pourront verser:

  • jusqu’à 5 000 $ par année en contributions à chaque parti enregistré et ses entités affiliées: associations de circonscription enregistrées, candidats et candidats à l’investiture (personnes briguant le soutien d’un parti enregistré en vue de se présenter comme candidat dans une circonscription);
  • jusqu’à 5 000 $ par campagne à la direction d’un parti enregistré, à l’ensemble des candidats à la direction ;
  • jusqu’à 5 000 $ par élection à un candidat non affilié à un parti enregistré.
    Les entreprises qui œuvrent au Canada, les syndicats qui représentent les droits des travailleurs au Canada et les associations non constituées en personne morale pourront verser:
  • jusqu’à 1 000 $ par année au total aux candidats, candidats à l’investiture et associations de circonscription enregistrées de chaque parti enregistré ;
  • jusqu’à 1 000 $ par élection à un candidat non affilié à un parti enregistré.

De plus, advenant une seconde élection dans une circonscription donnée dans la même année, les entreprises, syndicats et associations non constituées en personne morale qui ont fait des contributions à une association de circonscription enregistrée, un candidat à l’investiture ou un candidat d’un quelconque parti enregistré, pourront verser une contribution additionnelle de 1 000 $ aux candidats, candidats à l’investiture ou associations de circonscription enregistrées de ce même parti.
Lorsqu’une entreprise, un syndicat ou une association non constituée en personne morale a fait, au cours d’une année civile, une contribution à un candidat à l’investiture qui, au terme de la course à l’investiture tenue au cours de cette année, n’obtient pas le soutien du parti enregistré comme candidat, le donateur pourra faire une contribution additionnelle d’un maximum de 1 000 $ au candidat soutenu par le parti après l’obtention du soutien.

Financement public

Les partis politiques enregistrés ayant obtenu au moins 2 % des votes valides à l’échelle nationale ou 5 % des votes valides dans les circonscriptions où ils ont soutenu un candidat seront admissibles à une allocation trimestrielle qui, calculée sur une année, reviendra à 1,75 $ par vote valide obtenu à l’élection générale précédente.
Le pourcentage des dépenses électorales des partis politiques enregistrés pouvant faire l’objet d’un remboursement passera de 22,5 à 50 % (60 % pour la première élection générale suivant l’entrée en vigueur du projet de loi).
Le seuil de remboursement des dépenses électorales des candidats diminuera de 15 à 10 % des votes valides obtenus, alors que la part remboursable des dépenses d’élection des candidats passera de 50 à 60 %.

Plafonds des dépenses

Le projet de loi plafonne les dépenses des candidats à l’investiture à 20 % des dépenses électorales maximales accordées aux candidats à l’élection générale précédente dans la circonscription.
Le montant utilisé pour calculer le plafond des dépenses électorales des partis passera de 0,62 $ à 0,70 $ par électeur.
La définition des dépenses électorales sera élargie pour inclure les dépenses relatives aux sondages électoraux ou autres et aux recherches effectuées en période électorale.

Divulgation

Les exigences de divulgation concernant les recettes et les dépenses s’appliqueront désormais aux associations de circonscription enregistrées, aux candidats à la direction et aux candidats à l’investiture des partis enregistrés.
Les partis enregistrés qui reçoivent l’allocation trimestrielle devront présenter, au plus tard 30 jours après la fin de chaque trimestre, un rapport faisant état de leurs contributions et transferts aux partis.
Cette exigence entrera en vigueur le 1er janvier 2005.
À chacune des quatre dernières semaines de la campagne à la direction, les candidats à la direction d’un parti auront à fournir des rapports intérimaires faisant état de leurs contributions.
Les candidats à l’investiture n’auront à produire un rapport financier que s’ils ont accepté des contributions d’au moins 1 000 $ ou engagé des dépenses d’investiture d’au moins 1 000 $.
Le financement des élections est un sujet sensible dans les démocraties modernes. La Cour suprême du Canada sera appelée ce printemps à examiner la contestation des nouvelles règles de publicité électorale des tiers dans l’affaire Procureur général du Canada c. Harper, dossier 29618 (appel à être entendu[1]).


 

 

L’expérience du Conseil constitutionnel français

M. Jean-Claude COLLIARD, Conseiller  au Conseil constitutionnel français

La question du financement des campagnes électorales est de celles sur lesquelles les débats ont diminué d’intensité ces dernières années. Pourtant, pendant longtemps, on a nié l’évidence en France, en affectant de croire, avec une grande hypocrisie, que les campagnes électorales ne coûtaient rien ou se finançaient toutes seules.
Certes, plusieurs propositions avaient été formulées depuis les années 1970 dans le sens d’une transparence de ces financements. Mais elles n’ont pu aboutir, essentiellement pour des raisons politiques, l’alternance n’ayant pas facilité les choses. En effet, quand la gauche dans l’opposition proposait un projet en ce sens, la droite au pouvoir l’accusait de vouloir couvrir légalement ses turpitudes. À l’inverse, quand la droite dans l’opposition reprenait à son compte cette idée, la gauche au pouvoir l’accusait de vouloir s’enrichir à bon compte.
C’est donc une conséquence, inattendue mais bénéfique, de la première cohabitation, que l’établissement en 1988 de la première législation dans ce domaine en France. À ce moment-là, la gauche ne s’est pas opposée à un projet dont le président de la République de l’époque était l’initiateur, et la droite pareillement puisque le Premier ministre d’alors avait accepté de le mener à bien devant le Parlement.
Il est bon de rappeler ce contexte conflictuel car il a été largement dépassé depuis. En effet, on est passé du stade de la guerre de religion, portant sur le principe lui-même, à celui des divergences d’opinion sur les modalités de son application.
À cet égard, on peut noter que le même mouvement général en faveur d’un contrôle des financements politiques se constate au même moment dans l’ensemble des démocraties avec des variantes locales.
Dans le peu de temps qui m’est imparti pour présenter le système français, je me bornerai à en décrire les points essentiels.

I. Le plafonnement des dépenses électorales

C’est donc la loi du 11 mars 1988 qui a défini le point essentiel qui est qu’on ne doit pas dépenser plus d’un certain montant fixé par la loi pour une campagne électorale. La première élection ainsi concernée était l’élection présidentielle, même si dans la pratique, l’application immédiate de ce texte n’a pas donné de résultats très probants. En effet, en 1988, la loi a été publiée presque à la fin de la campagne électorale. LE financement DES campagnes électorales
Entre-temps, ce système a été étendu à la quasi totalité des élections. Quant aux montants définis par la loi, j’ai pu constater moi-même, ayant été candidat à une élection municipale dans le sud de la France, que le plafonnement retenu permettait de financer raisonnablement une campagne électorale.
S’agissant de l’élection présidentielle, ce plafond a été fixé respectivement pour le premier et le second tour à 90 et 120 millions de francs. Comme la loi le prévoit, il a depuis été actualisé en fonction du coût de la vie et converti en euros. Grâce à la fiche établie fort judicieusement par les services du Conseil, je peux ainsi vous dire quels sont les montants actuels, respectivement 14 796 000 et 19 764 000 €.
À quelques nuances près, le dispositif a fonctionné pour l’élection présidentielle de 1995. En 2002, le plafonnement a été respecté, aucun compte n’approchant, et de loin, le plafond légal.
Ce constat est d’autant plus important qu’il est général. Pour les élections législatives de juin 2002, le Conseil n’a eu à sanctionner aucun dépassement de plafond, ce qui est remarquable si l’on tient compte du fait que ces élections se sont déroulées au terme du mandat des élus sortants, donc d’une campagne longue, et non à la suite d’une dissolution comme en 1997.
C’est donc que la législation a rempli un de ses objectifs essentiels qui était de mettre fin à la dérive inflationniste des dépenses électorales des années 80.

II. Le contrôle des dépenses électorales

Pour que ce plafonnement soit respecté, il a fallu instaurer une procédure de contrôle. Je serai bref sur ses modalités pratiques. Chaque candidat doit déposer un comptes de campagne recensant la totalité de ses dépenses et l’origine et le montant de ses recettes. Il doit estimer les avantages en nature dont il bénéficie. Le document est certifié par un expert-comptable.
Comme les instances administratives indépendantes étaient à la mode, on en a créé une qui s’appelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (abrégé C.C.F.P.). Elle est composée de 9 membres, tous magistrats, les uns judiciaires, les autres administratifs, avec une répartition tripartite classique (Cour de cassation, Cour des comptes, Conseil d’État).
Cette instance vérifie que les candidats ont bien respecté le plafonnement des dépenses électorales, mais aussi, je dirais même surtout, si l’origine de leurs recettes est licite, autrement dit si les candidats n’ont pas financé leur campagne par des moyens interdits.
Le Conseil constitutionnel intervient dans cette procédure en tant que juge de l’élection. En effet, la loi prévoit que le rejet du compte de campagne entraîne automatiquement la saisine du juge de l’élection compétent, ce qui est le cas du Conseil pour les élections législatives. Seul le juge peut prononcer une sanction électorale, qui en l’occurrence est l’inéligibilité. Ainsi, les candidats bénéficient d’une garantie contre les décisions de la Commission, du moins contre les décisions négatives.
Au terme des dernières élections législatives, le Conseil a établi une sorte de bilan, dont il a fait connaître la teneur en rendant publiques ses observations, comme il le fait désormais pour toutes les élections dont il s’occupe. En général, ces observations sont suivies d’effet dans un délai variable.
En résumé, si le système fonctionne relativement correctement dans son principe, il faudrait maintenant procéder à des retouches de détail. Par exemple, le fait que l’essentiel des sanctions concerne des candidats qui n’ont pas fait certifier leur compte de campagne par un expert-comptable ou n’ont pas déposé de compte, encombre, sans doute inutilement, le rôle des instances de contrôle.
Il y a par ailleurs un contraste entre la gravité formelle de la sanction légale, qui prive l’intéressé d’un droit fondamental qui est de pouvoir se présenter à une élection, et son efficacité pratique. Le juge a réduit la portée de la sanction à la nature de l’élection qui l’a suscitée. Si vous êtes déclaré inéligible aux élections législatives, vous pouvez vous présenter à une élection cantonale. Il faut noter par ailleurs que si vous n’êtes pas le candidat élu, la circonstance que vous soyez inéligible un an n’a pas grande importance en l’absence d’élection partielle à venir.
Enfin, le système actuel, complété par une jurisprudence sans doute trop subtile, aboutit au fait paradoxal qu’une approbation du compte de campagne par la Commission clôt le dossier et qu’elle ne comporte aucune voie de recours. En conséquence, le juge est saisi systématiquement d’un non dépôt de compte pour un motif bénin de pure forme et il ne l’est nullement d’un compte qui a pu être approuvé dans des conditions contestables.
Il y a donc bien des adaptations à envisager, mais je le répète, elles sont de l’ordre du détail, de la finition.

III. Le remboursement des dépenses électorales par l’État

La contrepartie nécessaire du plafonnement des dépenses électorales et de la limitation des sources de financement est une prise en charge du coût des campagnes électorales par l’État, point qui a longtemps été contesté dans son principe et qui ne l’est plus guère maintenant.
Je passerai sur les détails des modalités concrètes du remboursement, d’autant que la jurisprudence la plus récente a parfois rendu cette question, non seulement complexe, mais difficilement lisible pour les non initiés. Là encore, je me bornerai à rappeler les principes.
L’idée centrale du dispositif de remboursement des dépenses électorales par l’État est de le lier au respect de la procédure par les candidats, donc de le faire dépendre de l’approbation du compte de campagne.
Par ailleurs, le règlement par l’administration devait se faire globalement, donc forfaitairement, c’est-à-dire pour l’ensemble des dépenses concernées, et sans lien avec les résultats obtenus par le candidat.
Certes, les candidats marginaux, c’est-à-dire ceux qui ont recueilli moins de 5 % des suffrages exprimés, ont été écartés du droit à remboursement, mais pour les autres, les modalités du remboursement ne devaient pas établir de différence entre le candidat qui a obtenu 8 % et celui qui a eu 30 %, contrairement à ce qui se pratique dans certains pays. On a en effet considéré que ce système introduirait trop d’incertitudes pour les candidats en les amenant à ajuster, parfois de façon fort erronée, leurs dépenses de campagne à leurs prévisions de résultats.

Voilà, très sommairement présenté, le dispositif de contrôle des campagnes électorales français. D’une manière générale, il n’est pas remis en cause, mais il est susceptible de beaucoup d’améliorations.
Le Conseil constitutionnel, pour sa part, s’y emploie comme je l’ai indiqué précédemment. S’il faut retenir une proposition, ce serait de prévoir maintenant des sanctions plus adaptées au contexte. En particulier, un des moyens qui pourraient être développés serait de permettre à l’instance de contrôle ou au juge de moduler le niveau des remboursements par l’État.
Le système s’adapterait ainsi au comportement des candidats. En effet, pour certains d’entre eux, le plafonnement, loin de constituer une limitation, peut au contraire apparaître comme une sorte de droit de tirage maximal sur la collectivité et ainsi encourager à la dépense.
S’agissant de l’élection présidentielle, le Conseil a une certaine latitude d’action parce que, pour cette élection, il est à la fois instance de contrôle des comptes de campagne, à l’instar de la C.C.F.P. pour les autres élections, et juge de l’élection.
Dans l’immédiat pourtant, ces questions de financement n’ont pas retenu l’attention du législateur, bien qu’il ait eu récemment de nombreuses occasions de modifier les règles électorales en vigueur. Faut-il y voir une sorte d’approbation tacite mais ferme du statu quo ou une hésitation à rouvrir la boîte de Pandore ? L’avenir le dira !

 

VIII/Contributions libres

Le rôle du Conseil constitutionnel algérien dans l’élection du président de la République

M. Nadir ZERIBI, Conseiller au Conseil constitutionnel algérien

Introduction

Outre le contrôle de constitutionnalité et de conformité à la Constitution dont le Conseil est investi en vertu de l’article 153 de la Constitution de 23 février 1989, le Conseil constitutionnel contrôle également la régularité des grandes consultations politiques nationales, en l’occurrence :

  • l’élection du président de la République ;
  • les élections législatives;
  • le référendum.

Il proclame les résultats de ces opérations.
Le Conseil constitutionnel est donc chargé de contrôler la régularité de l’opération qui conduit à l’élection des représentants de la volonté populaire puis de contrôler leurs activités normatives une fois élus.
Le constituant a investi le Conseil constitutionnel de larges prérogatives dans le contrôle des élections mais celles-ci se trouvent réduites dans la pratique puisque le Conseil constitutionnel se contente de proclamer les résultats sur la base de procès-verbaux qui lui sont adressés et d’examiner les recours introduits suivant les conditions et procédures fixées par la loi électorale. Or le Conseil constitutionnel est à chaque fois contraint d’annuler la quasi majorité des recours car ne remplissant pas les conditions de forme. L’absence d’une culture juridique et l’impossibilité pour les candidats ou leurs représentants de justifier leur griefs en raison de l’environnement général dans lequel se déroule l’élection, en constituent les raisons majeures.
Pour donner un large aperçu sur le rôle du Conseil constitutionnel dans le contrôle de l’élection présidentielle puisque c’est le thème de ma présente intervention, j’ai pris le soin de reprendre l’ensemble des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires qui régissent cette élection avant, pendant et après le scrutin. Dans la seconde partie, j’ai délibérément mentionné avec détails les différentes interventions du Conseil constitutionnel dans le traitement des résultats, l’examen des recours et des comptes de campagne.

I. Fondements juridiques relatifs au rôle du Conseil constitutionnel dans l’élection présidentielle

Les fondements juridiques du rôle du Conseil constitutionnel en matière de contrôle de l’élection présidentielle sont les suivants:

1. Dispositions constitutionnelles

Les dispositions contenues dans la Constitution qui fixent le rôle du Conseil constitutionnel pour l’élection présidentielle sont :

Art 71
Le président de la République est élu au suffrage universel, direct et secret.
L’élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés.
Les autres modalités de l’élection présidentielle sont fixées par la loi.

Art 73
Pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit :

  • Jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine ;
  • Être de confession musulmane ;
  • Avoir quarante ans révolus au jour de l’élection ;
  • Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques;
  • Attester de la nationalité algérienne du conjoint ;
  • Justifier de la participation à la révolution du 1er novembre 1954 pour les candidats nés avant juillet 1942 ;
  • Justifier de la non implication des parent du candidat né après juillet 1942, dans des actes hostiles à la révolution du 1er novembre 1954 ;
  • Produire la déclaration publique du patrimoine mobilier et immobilier, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Algérie.
    D’autres conditions sont prescrites par la loi.

Art 74
La durée du mandat présidentiel est de cinq ans.
Le président de la République est rééligible une seule fois.

2. Dispositions législatives
Les dispositions législatives relatives au rôle du Conseil constitutionnel dans l’élection présidentielle sont fixées par l’ordonnance n° 97/07 du 27 Chaouel 1417 correspond au 6 mars 1997 portant loi organique relative au régime électoral.

Il s’agit des dispositions ci-après:

Art 153
Les élections présidentielles ont lieu dans les trente jours qui précèdent l’expiration du mandat du président de la République.

Art 154
Le corps électoral est convoqué par décret présidentiel, soixante jours avant la date du scrutin.
Toutefois, ce délai est ramené à trente jours dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de l’article 88 de la Constitution. Le décret présidentiel portant convocation du corps électoral doit intervenir au plus tard dans les quinze jours suivant l’acte de déclaration de vacance définitive de la présidence de la République.

Art 155
Les élections du président de la République ont lieu au scrutin uninominal à deux tours, à la majorité absolue des suffrages exprimés.Art 156
Si au premier tour du scrutin, aucun candidat n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, un deuxième tour est organisé.
Ne participent à ce deuxième tour que les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour.Art 157
La déclaration de candidature à la présidence de la République résulte du dépôt d’une demande d’enregistrement auprès du Conseil constitutionnel contre récépissé.
La demande de candidature doit comporter les nom, prénom, émergement, profession et adresse de l’intéressé.
La demande est accompagnée d’un dossier comportant les pièces suivantes:

  1. –Une copie intégrale de l’acte de naissance de l’intéressé ;
  2. –Un certificat de nationalité algérienne d’origine de l’intéressé ;
  3. –Une déclaration sur l’honneur attestant de la non possession d’une nationalité autre que la nationalité algérienne de l’intéressé ;
  4. –Un extrait n° 3 du casier judiciaire de l’intéressé ;
  5. –Une photographe récente de l’intéressé ;
  6. –Un certificat de nationalité algérienne du conjoint de l’intéressé ;
  7. –Un certificat médical délivré à l’intéressé par des médecins assermentés;
  8. –La carte d’électeur de l’intéressé ;
  9. –Une attestation d’accomplissement ou de dispense de service national ;
  10. –Les signatures prévues à l’article 159 de la présente loi ;
  11. – Une déclaration sur le patrimoine mobilier et immobilier de l’intéressé à l’intérieur et à l’extérieur du pays;
  12. –Une attestation de participation à la révolution du 1er novembre 1954 pour les candidats nés avant le 1er juillet 1942 ;
  13. –Une attestation de non implication des parents du candidat né après le 1er juillet 1942, dans des actes hostiles à la révolution du 1er novembre 1954 ;
  14. –Un engagement écrit et signé par le candidat portant sur:
    • la non utilisation des composantes fondamentales de l’identité nationale dans sa triple dimension, islamique, arabe et amazighe, à des fins partisanes;
    • la promotion de l’identité nationale dans sa triple dimension islamique, arabe et amazighe ;
    • le respect et la concrétisation des principes du 1er novembre 1954 ;
    • le respect de la Constitution et des lois en vigueur et l’engagement de s’y conformer;
    • le rejet de la violence comme moyen d’expression et/ou d’action politique et d’accès et/ou de maintien au pouvoir, et sa dénonciation ;
    • le respect des libertés individuelles et collectives et le respect des droits de l’homme ;
    • le refus de toute pratique féodale, régionaliste et népotique ;
    • la consolidation de l’unité nationale ;
    • la préservation de la souveraineté nationale ;
    • l’attachement à la démocratie dans le respect des valeurs nationales;
    • l’adhésion au pluralisme politique ;
    • le respect de l’alternance au pouvoir par voie du libre choix du peuple algérien ;
    • la préservation de l’intégrité du territoire national ;
    • le respect des principes de la République ;

le contenu de cet engagement écrit doit être reflété dans le programme du candidat prévu à l’article 175 de la présente loi.

Art 158
La déclaration de candidature est déposée au plus tard dans les quinze jours qui suivent la publication du décret présidentiel portant convocation du corps électoral.
Ce délai est ramené à huit jours dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du dernier alinéa de l’article 154 de la présente loi.

Art 159
Outre les conditions fixées par l’article 73 de la Constitution et les dispositions de la présente loi, le candidat doit présenter:

  • soit une liste comportant au moins 600 signatures de membres élus d’assemblées communales, de wilaya ou parlementaires et réparties au moins à travers vingt-cinq wilaya.
  • soit une liste comportant 75 000 signatures individuelles, au moins, d’électeurs inscrits sur une liste électorale. Ces signatures doivent être recueillies à travers au moins vingt-cinq wilayas et le nombre minimal de signatures exigées pour chacune des wilayas ne saurait être inférieur à 1 500.

Les signatures sont portées sur un formulaire individuel et légalisées auprès d’un officier public. Lesdits formulaires sont déposés en même temps que l’ensemble du dossier de candidature, objet de l’article 157 de la présente loi, auprès du Conseil constitutionnel.
Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie réglementaire.

Art 160
Tout électeur inscrit sur une liste électorale ne peut accorder sa signature qu’à un seul candidat.
Toute signature d’électeur accordée à plus d’un candidat est nulle et expose son auteur aux sanctions prévues à l’article 208 de la présente loi.

Art 161
Dés le dépôt des candidatures, le retrait de candidat ne peut se faire qu’en cas de décès ou empêchement légal.
Un nouveau délai est ouvert pour le dépôt d’une nouvelle candidature ; ce délai ne peut excéder le mois précédant la date du scrutin ou quinze jours dans le cas visé par l’article 88 de la Constitution.
En cas de décès ou d’empêchement légal d’un candidat après la publication de la liste des candidats au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire, la date du scrutin est reportée pour une durée maximale de quinze jours.

Art 162
Le Conseil constitutionnel proclame les résultats du premier tour et désigne les deux candidats appelés à participer au deuxième tour, le cas échéant.

Art 163
La date du deuxième tour du scrutin est fixée au quinzième jour après la proclamation des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel. La durée maximale entre le premier et le deuxième tour ne doit pas dépasser trente jours.
Ce délai peut être réduit à huit jours dans le cas prévu à l’article 88 de la Constitution.
En cas de décès, de retrait ou d’empêchement de l’un des deux candidats au deuxième tour, le Conseil constitutionnel déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales.
Le Conseil constitutionnel proroge, dans ce cas, les délais d’organisation de nouvelles élections pour une durée maximale de soixante jours.

Art 164
Dans chaque bureau de vote, les résultats de l’élection du président de la République sont consignés dans un procès-verbal rédigé en double exemplaire sur des formulaires spéciaux.
La commission électorale communale procède au recensement des résultats obtenus au niveau communal, qu’elle consigne dans un procès verbal en triple exemplaire dont l’un est transmis immédiatement à la commission électorale de wilaya et ce, en présence des représentants des candidats.

Art 165
La commission électorale de wilaya se réunit au lieu visé dans l’article 88 de la présente loi.
Cette commission est chargée de centraliser les résultats des communes du wilaya, de procéder au recensement général des votes et de constater les résultats à l’élection du président de la République.
Les travaux de la commission doivent être achevés le lendemain du scrutin. Elle procède au recensement général des votes et constate les résultats de l’élection du président de la République.
Les travaux de la commission doivent être achevés au plus tard le lendemain du scrutin, à douze heures.
Elle transmet aussitôt les procès-verbaux correspondants, sous plis scellés au Conseil constitutionnel.

Art 166
Tout candidat ou son représentant dûment mandaté dans le cas d’élections présidentielles et tout électeur, dans le cas de référendum, ont le droit de contester la régularité des opérations de vote en faisant mentionner leur réclamation sur le procès-verbal disponible dans le bureau de vote.
Le Conseil constitutionnel est informé immédiatement et par voie télégraphique de cette réclamation.
Les modalités d’application du présent article seront définies par voie réglementaire.

Art 167
Le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle au plus tard dans les dix jours de la date de la réception des procès-verbaux des commissions électorales de wilaya prévues à l’article 165 de la présente loi.

3. Des dispositions prévues par le règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel

Le règlement fixant le fonctionnement du Conseil constitutionnel a prévu des dispositions relatives au rôle du Conseil dans le contrôle de l’élection présidentielle. Il s’agit des articles:

Art 24
Les déclarations de candidature à la présidence de la République sont déposées dans les conditions, formes et délais prévus par l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral, auprès du Secrétariat général du Conseil constitutionnel ; il en est délivré accusé de réception.

Art 25
En cas de décès, d’empêchement légal d’un candidat, il est fait application des dispositions de l’article 161 de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.

Art 26
Le président du Conseil constitutionnel désigne parmi les membres du Conseil, un ou plusieurs rapporteurs chargés de procéder à la vérification des dossiers de candidature, en application des dispositions constitutionnelles et législatives y afférentes.

Art 27
Le Conseil constitutionnel examine à huis clos, les rapports et se prononce sur la validité des candidatures.

Art 28
Le Conseil constitutionnel arrête et proclame officiellement la décision relative aux candidatures dans les délais fixés à l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.
La décision est notifiée aux candidats et aux autorités concernées.
La décision est transmise au secrétaire général du gouvernement aux fins de publication au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Art 29
Le Conseil constitutionnel proclame les résultats du scrutin conformément à l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.
Il désigne, s’il y a lieu, les deux candidats appelés à participer au deuxième tour du scrutin.
En cas de décès, de retrait ou d’empêchement de l’un des deux candidats au deuxième tour, il est fait application des dispositions des alinéas 3 et 4 de l’article 163 de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.
Le Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs du scrutin.

Art 30
Tout candidat à l’élection du président de la République est tenu d’adresser son compte de campagne électorale au Conseil constitutionnel dans un délai maximum de trois mois à compter de la publication des résultats définitifs du scrutin et selon les conditions et modalités prévues à l’article 191 de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.
Le compte de campagne doit comporter notamment :

  • la nature et l’origine des recettes dûment justifiées;
  • les dépenses appuyées de pièces justificatives.

L’expert-comptable ou le comptable agréé présente un rapport sur le compte revêtant son sceau et sa signature.
Le Conseil constitutionnel se prononce sur le compte de campagne électorale et notifie sa décision au candidat et aux autorités concernées.

Art 31
Les recours relatifs aux opérations électorales sont examinés par le Conseil constitutionnel conformément aux dispositions de l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral.

Art 32
Les réclamations dûment signées par leurs auteurs doivent comporter les nom, prénom(s), adresse et qualité ainsi que l’exposé des faits et moyens justifiant la réclamation.
Les réclamations sont enregistrées au Secrétariat général du Conseil constitutionnel.

Art 33
Le président du Conseil constitutionnel désigne un ou plusieurs rapporteurs, parmi les membres du Conseil, chargés d’examiner les réclamations et de soumettre au Conseil constitutionnel un rapport ainsi qu’un projet de décision dans le délai fixé par l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral pour le règlement du contentieux.

Art 34
Le rapporteur peut entendre toute personne et requérir la transmission au Conseil constitutionnel de tout document afférent aux opérations électorales.
À l’issue de l’instruction des recours, le président convoque le Conseil constitutionnel qui se prononce, à huis clos et dans les délais fixés par l’ordonnance portant loi organique relative au régime électoral, sur la recevabilité et le bien fondé de ces recours.

Art 35
La décision du Conseil constitutionnel sur les recours relatifs aux opérations de vote est notifiée aux intéressés.

4. Des éclaircissements jurisprudentiels apportés par le Conseil constitutionnel sur les dossiers de candidatures pour l’élection du président de la République.

4.1. – Concernant l’exigence de présenter un document attestant la participation à la Révolution du 1er novembre 1954 pour les candidats nés avant juillet 1942, le Conseil a estimé que ce document doit être présenté par la Commission nationale ou les commissions instituées par l’article 20 de la loi n° 16/91 relative au Moudjahid et au Chahid (Martyre) composées de Moudjahiddines (hommes et femmes) agréés par les autorités concernées.
4.2. – Concernant l’exigence de la justification de la non implication des parents du candidat nés après juillet 1942 dans des actes hostiles à la Révolution du 1er novembre 1954, les candidats peuvent présenter des déclarations sur l’honneur légalisées ou des attestations notariées attestant leur non implication dans des actes hostiles à la Révolution et ce en raison de l’absence d’une autorité officielle dûment habilitée pour délivrer ce genre d’attestation.
4.3. – Concernant la déclaration publique du candidat de son patrimoine mobilier et immobilier, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, le Conseil considère comme déclaration publique, la déclaration publiée dans la presse écrite, dont une copie est jointe au dossier de candidature.
4.4. – Concernant l’exigence de la nationalité algérienne d’origine du candidat, l’intéressé doit présenter l’attestation de la nationalité d’origine établie par la commune de son lieu de naissance.
4.5. – Concernant la condition édictée dans le second alinéa de l’article 73 de la Constitution qui stipule que le candidat doit être de confession musulmane, le Conseil a estimé que le candidat doit présenter une déclaration sur l’honneur certifiée prouvant sa confession musulmane.

II. Les modalités pratiques relatives au rôle du Conseil constitutionnel dans l’élection présidentielle

Après avoir évoqué les fondements juridiques du rôle du Conseil constitutionnel dans l’élection présidentielle, nous examinerons dans cette seconde partie les modalités pratiques relatives au rôle du Conseil constitutionnel dans cette élection ; celles-ci sont réparties selon les étapes suivants:

1. Avant le scrutin

Le rôle du Conseil constitutionnel dans l’étape pré-électorale est fixé par la Constitution et la loi organique relative au régime électoral. Ce rôle consiste en ce qui suit :

1. –Dépôt des demandes de candidatures et des dossiers des candidats
En vertu de l’article 157 de la loi organique relative au régime électoral, tout candidat à l’élection présidentielle dispose d’un délai de quinze jours à partir de la date de publication du décret présidentiel portant convocation du corps électoral pour déposer sa demande de candidature.
Conformément au 1er alinéa de l’article 157 susvisé et à l’article 24 du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la demande est déposée sous forme de déclaration de candidature au Secrétariat général du Conseil constitutionnel contre récépissé.
Toujours en vertu de l’article 157 susvisé, la demande doit être accompagnée d’un ensemble de documents au nombre de 14 pièces à fournir. Il s’agit de documents qui viennent en complément de la demande de candidature et qui précisent les conditions prévues par l’article 73 de la Constitution.
Outre ces conditions, le dossier doit être accompagné d’une liste de souscriptions de signatures prévues à l’article 159 de la loi organique relative au régime électoral.
Le dossier contenant tous les documents requis ainsi que les souscriptions de signatures prévues par la loi doivent être déposés, au même moment, au Secrétariat général du Conseil constitutionnel dans un délai de quinze jours au plus tard de la date de publication du décret présidentiel portant convocation du corps électoral.

2. –Contrôle des souscriptions de signatures
Avant le scrutin, le contrôle et la vérification de la validité des signatures déposées par les candidats, constituent l’une des tâches les plus importantes que doit accomplir le Conseil constitutionnel. Tout candidat doit en effet, présenter soit une liste comportant 600 signatures de membres élus d’assemblées communales, de wilayas ou parlementaires réparties à travers vingt-cinq wilayas au moins, soit 75 000 signatures individuelles, au moins, d’électeurs inscrits sur la liste électorale. Ces signatures doivent être recueillies à travers vingt-cinq wilayas au moins, sans que le nombre minimal de signatures exigées pour chacune des wilayas ne soit inférieur à 1 500 signatures, et ce conformément à l’article 159 de la loi organique relative au régime électoral.

Le rôle du Conseil constitutionnel dans le contrôle des signatures, réside en ce qui suit :

A – Dans le cas où le candidat présente 75 000 signatures individuelles au moins:

  • le signataire doit être électeur inscrit dans une liste électorale ;
  • il doit accorder sa signature à un seul candidat ;
  • les signatures doivent être réparties sur 25 wilayas au moins;
  • le nombre de signatures dans chaque wilaya ne doit pas être inférieur à 1 500 signatures.

B – Dans le cas où le candidat présente 600 signatures au moins de membres élus dans les différentes assemblées:

  • le signataire doit être membre élu dans une assemblée communale, de wilaya ou parlementaire ;
  • les signatures doivent être réparties sur vingt-cinq wilayas au moins;
  • les souscriptions de signatures déposées par les candidats sont mises à la disposition du membre rapporteur concerné pour l’instruction des dossiers des candidats et à partir de là, commence l’opération de contrôle à deux niveaux :

3. –Contrôle manuel
L’opération de contrôle de la validité des signatures est assurée par les membres du Conseil en leurs qualités de rapporteurs assistés de magistrats de la Cour suprême et du Conseil d’État, tous mobilisés à cet effet. Ainsi, ils doivent s’assurer de l’existence de tous les renseignements dans les souscriptions de signatures, tels que le nom, le prénom, le lieu de naissance et la signature.
Ils doivent, aussi, s’assurer que les souscriptions portent le sceau de l’autorité chargée de leur authentification. Les souscriptions de signatures qui ne remplissent pas les conditions légales sont alors soit invalidées par le rapporteur soit présentées au Conseil pour statuer sur leur cas.

4. –Examen informatisé
La loi électorale dispose que toute signature accordée par un électeur à plus d’un candidat dans une même wilaya ou dans plusieurs wilayas est réputée nulle. Pour s’en assurer, le Conseil constitutionnel fait élaborer un logiciel informatique qui lui permet d’exercer un contrôle minutieux et d’invalider toute souscription double. Il mobilise à cet effet des moyens humains (agents de saisie) et matériels (ordinateurs) impressionnants.

5. –Étude des dossiers de candidature et annonce des candidats retenus
En vertu de l’article 26 du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, le président du Conseil constitutionnel désigne parmi les membres un ou plusieurs rapporteurs chargés de procéder à la vérification des dossiers de candidature. Cette vérification est axée principalement autour du contrôle des souscriptions de signature ; l’examen des documents joints à la demande de candidature s’effectue donc conformément à l’article 157 de la loi organique relative au régime électoral.
Les dossiers de candidature sont déposés au Secrétariat général du Conseil constitutionnel puis remis au président du Conseil qui désigne un membre rapporteur pour procéder à la vérification du dossier en application des dispositions constitutionnelles et législatives y afférentes.
Au terme du délai de dépôt des dossiers de candidature prévu à l’article 158 de loi organique relative au régime électoral quinze jours à partir de la date de publication du décret présidentiel portant convocation du corps électoral, le Conseil constitutionnel examine à huis clos, les rapports présentés par les membres rapporteurs et se prononce sur la validité des candidatures conformément aux articles 27 et 28 du règlement fixant les règles du fonctionnement du Conseil constitutionnel. Il arrête ainsi, la décision qui fixe la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle. Celle-ci est rendue publique par voie de presse et notifiée aux candidats et aux autorités concernées. Elle est aussi transmise au Secrétaire général du Gouvernement pour publication au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

2. Pendant le scrutin

1. –Réception des procès-verbaux des résultats
Conformément à l’article 165 de loi organique relative à la loi électorale, les travaux des commissions électorales de wilayas doivent être achevés au plus tard le lendemain du scrutin à douze heures. Les procès-verbaux sont transmis ensuite au Conseil constitutionnel.
Le travail du Conseil constitutionnel consiste dès lors en ce qui suit :
Les procès-verbaux centralisant les résultats de l’élection dans chaque circonscription électorale (wilaya) ainsi que tout autre document sont déposés contre récépissé au Conseil par les présidents des commissions électorales de wilayas. Ils sont dispatchés entre les services de traitement des résultats (saisie, contrôle, vérification).

2. – Le traitement des résultats
L’opération de traitement des résultats s’effectue comme suit :
Les résultats sont saisis par l’introduction de toutes les données contenues dans les procèsverbaux dans un logiciel conçu à cette effet. À la lumière du traitement informatique, les résultats sont corrigés et redressés.
Il y a lieu de noter que le Conseil constitutionnel a eu à contrôler deux élections présidentielles et, dans les deux cas, l’élection du président de République a eu lieu au premier tour.
Cette vérification des résultats est dictée par le nombre important d’erreurs contenues dans les procès-verbaux.

3. –Réception des requêtes de recours
Les conditions et les procédures relatives aux recours et aux réclamations présentés à l’occasion de l’élection présidentielle sont définies par l’article 166 de la loi organique relative au régime électoral, ainsi que par les articles de 31 à 35 du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel.
Ainsi le recours est recevable en la forme s’il :

  • est présenté par le candidat lui-même ou son représentant dûment mandaté ;
  • comporte le nom, le prénom (s), le domicile et la qualité ainsi que l’exposé des faits et la signature du candidat ou son représentant ;
  • est mentionné sur le procès-verbal disponible dans le bureau de vote et transmis au Conseil constitutionnel immédiatement par voie télégraphique.

Ainsi contrairement, aux élections législatives, où le requérant dépose son recours auprès du Greffe du Conseil constitutionnel après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, le requérant, dans le cas des élections présidentielles, saisit le Conseil constitutionnel immédiatement par voie télégraphique pour présenter la réclamation qu’il avait au préalable mentionné le cas échéant sur le procès-verbal disponible dans le bureau de vote.

4. – L’examen des dossiers de recours
Le président du Conseil constitutionnel désigne un ou plusieurs rapporteurs, parmi les membres du Conseil, pour examiner les recours et soumettre au Conseil constitutionnel des projets de décision. Le rapporteur peut entendre toute personne et requérir la transmission de tout document dans le cadre de l’instruction du dossier.
À l’issue de l’instruction des recours, le président du Conseil constitutionnel convoque les membres du Conseil constitutionnel qui se prononcent sur la recevabilité et le bien fondé des recours.
Après avoir statué sur les recours, le Conseil constitutionnel notifie les décisions aux concernés.
Le Conseil constitutionnel publie généralement un communiqué de presse dans lequel il donne toutes les informations relatives aux recours.

5. – La proclamation des résultats
L’article 167 de la loi organique relative au régime électoral accorde un délai de dix jours au Conseil constitutionnel pour proclamer les résultats définitifs.
En général, ce délai commence à courir à partir du dépôt du dernier procès-verbal. L’article 165 dispose que les travaux de commissions chargées de centraliser les résultats au niveau de la wilaya doivent être achevés le lendemain du scrutin, à douze heures au plus tard.
Le Conseil constitutionnel devra donc examiner les résultats, se prononcer sur les recours, tenir ses délibérations puis proclamer les résultats définitifs dans un délai maximum de dix jours de la date de réception du dernier procès-verbal des résultats, soit en général, jours après la date du scrutin.
Dans le cas d’un second tour et conformément à l’article 162 de la loi organique relative au régime électoral et à l’article 29 alinéa 2 du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel désigne, s’il y a lieu, les deux candidats appelés à participer au second tour du scrutin.
La date de second tour du scrutin est fixée au quinzième jour après la proclamation des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel. La durée maximale entre le premier et le second tour ne doit pas dépasser trente jours, tel qu’il ressort de l’article 163 de la loi organique relative au régime électoral.

3. Après le scrutin

1. –Dépôt des dossiers des comptes de campagne des candidats
Chaque candidat à l’élection présidentielle doit présenter au Conseil constitutionnel son compte de campagne électorale conformément aux dispositions de la loi organique relative au régime électoral notamment les articles 187, 188, 191.
Il ressort de ces articles que les conditions de forme sont les suivantes:

  • les comptes de campagne doivent être établis par un expert-comptable ou un comptable agréé ;
  • les comptes de campagne doivent comporter l’ensemble des recettes perçues et des dépenses effectuées selon leur nature et leur origine et dûment justifiées;
  • les dépenses doivent être appuyées de pièces justificatives;
  • le compte doit être présenté au Conseil constitutionnel ;
  • le compte doit être présenté dans un délai de trois mois au plus tard de la date de la publication des résultats définitifs du scrutin ;
  • l’expert-comptable ou le comptable agréé doit présenter un rapport sur le compte revêtant son sceau et sa signature.

2. –Examen des dossiers des comptes de campagne
Pour chaque dossier de compte de campagne, le président du Conseil constitutionnel désigne un rapporteur parmi les membres, pour procéder à l’examen et à la vérification dudit dossier. Il faut noter que le dossier de compte de campagne doit être rédigé dans la langue nationale et officielle.
Outre les conditions de forme susvisées, le dossier est recevable s’il remplit impérativement les conditions de fond prévues aux articles 187 et 188 de la loi organique relative au régime électorale, en effet :

  • les dépenses de campagne ne peuvent excéder un plafond de quinze millions de dinars pour le premier tour;
  • ce montant est porté à vingt millions de dinars pour le second tour;
  • le candidat a droit, dans la limite des frais réellement engagés, à un remboursement forfaitaire de l’ordre de 10 % ;
  • ce remboursement est porté à 20 % des dépenses réellement engagées et dans la limite du plafond autorisé, lorsque le candidat obtient un taux supérieur à 10 % et inférieur ou égal à 20 % des suffrages exprimés;
  • le taux de remboursement est porté à 30 % pour le candidat ayant obtenu plus de 20 % des suffrages exprimés.

À la lumière des conditions de forme et de fond susvisées, le Conseil constitutionnel examine et se prononce sur le compte de campagne électorale par décisions. Les décisions rendues sont notifiées aux candidats et aux autorités concernées. L’article 191 de la loi organique relative au régime électoral, prévoit que le compte de la campagne électorale du président de la République élu est publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Conclusion

Le Conseil constitutionnel assume un rôle important en matière électorale, notamment dans l’invalidation des dossiers ne remplissant pas les conditions juridiques requises. À titre d’exemple, pour l’élection présidentielle de 1999, le Conseil constitutionnel a rejeté la candidature de quatre postulants.

 

 

La Cour suprême du Canada et le système électoral fédéral canadien Survol de la jurisprudence récente

Mme Anne ROLAND, Registraire à la Cour suprême du Canada

Le sujet proposé pour le 3e séminaire des correspondants nationaux de l’A.C.C.P.U.F. pose un problème particulier découlant du rôle et du fonctionnement des institutions canadiennes et du système fédéral. En général la Cour suprême ne joue pas un rôle particulier en période électorale, quoiqu’elle puisse être appelée à examiner des litiges électoraux dans le cadre d’élections fédérales en cours ou a posteriori. Dès sa création, la Cour suprême a régulièrement tranché des litiges en matière électorale. Pour situer la contribution de la Cour suprême au processus électoral canadien, il est opportun de faire un survol des institutions régissant le système électoral fédéral, suivi d’un aperçu de la jurisprudence de la Cour suprême antérieure à l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 et de la jurisprudence récente au regard des différents sujets soulevés par le thème de ce séminaire.

I. Bref aperçu du système électoral fédéral

Créé aux termes de la Loi électorale du Canada[1], c’est Élections Canada, un organisme non partisan, qui est actuellement chargé de la conduite des élections, des référendums fédéraux et de l’ensemble des activités entourant le processus électoral, y compris le financement des partis. Cet organisme est dirigé par le Directeur général des élections, nommé par une résolution de la Chambre des communes et considéré comme un mandataire de la Chambre. Il est nommé jusqu’à l’âge de 65 ans, à moins qu’il ne démissionne avant. C’est à cette structure qu’Élections Canada doit son indépendance et son impartialité[2].
C’est cet organisme qui offre un soutien technique aux commissions de redécoupage, présidées par un juge. Ces dernières procèdent à la révision périodique des limites des circonscriptions électorales pour que la représentation reflète aussi équitablement que possible la répartition de la population[3]. En effet, la géographie du Canada soulève des défis particuliers. Par exemple, la plus grande circonscription canadienne est le Nunavut dans le Grand Nord canadien, avec quelque 3 100 000 kilomètres carrés et tout juste 21 000 habitants, et la plus petite, Laurier-Sainte Marie au Québec, avec seulement 9 kilomètres carrés et plus de 96 000 habitants[4].

Élections Canada enregistre les partis politiques et les tiers qui veulent participer aux élections. Aux élections générales de 2000, il y avait onze partis enregistrés et 1088 candidats pour l’ensemble du pays.
Cet organisme s’assure que l’accès physique aux bureaux de scrutin est facile (accès de plein pied par exemple) et s’occupe d’informer et d’éduquer le public en matière d’élections.
Il contrôle les dépenses électorales des candidats, des partis enregistrés et des tiers, examine et publie leurs rapports financiers et rembourse certaines dépenses selon les formules prévues dans la Loi électorale du Canada. Il fait appliquer la législation électorale par l’entremise du Commissaire aux élections fédérales[5] qui est nommé par le Directeur général des élections, ce qui assure notamment son indépendance des partis politiques. Le Commissaire a le pouvoir d’entamer des poursuites de son propre chef à l’échelle du pays.
Élections Canada a de nombreuses activités reliées au processus électoral. Les plaintes qui peuvent avoir trait à des infractions à la Loi électorale du Canada sont soumises au Commissaire aux élections et les personnes reconnues coupables sont passibles d’amendes, de peines d’emprisonnement et peuvent perdre le droit de se présenter à une élection fédérale[6]. Toutes ces questions et bien d’autres litiges connexes peuvent faire l’objet de poursuites devant les tribunaux judiciaires du Canada et se terminer par un appel à la Cour suprême. Ces affaires suivront la procédure normale de saisine de la Cour suprême (demande d’autorisation, appel ou renvoi). Toutefois, en vertu de la Loi électorale du Canada[7], les contestations pour inéligibilité du candidat élu, irrégularité, fraude ou acte illégal ayant influencé le résultat de l’élection seront portées devant les tribunaux supérieurs provinciaux ou la Cour fédérale. Il peut y avoir un appel direct à la Cour suprême du Canada qui doit se dérouler selon une procédure sommaire.
Comme nous allons le voir, si au début de la Confédération, la Cour suprême a été saisie d’un bon nombre d’affaires électorales entraînant l’annulation de l’élection de certains candidats, cette tendance a disparu dès les années 1930. Les litiges électoraux ont alors été résolus par les tribunaux provinciaux, sans que le besoin se fasse sentir d’en appeler au plus haut tribunal du pays. Par contre, comme nous allons aussi le constater, l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 a fait renaître les appels à la Cour suprême.

II. Aperçu de la jurisprudence de la Cour suprême antérieure à la Charte canadienne des droits et libertés de 1982

Le Canada est créé en 1867 par une loi du Parlement britannique, connue maintenant sous le nom de Loi constitutionnelle de 1867. Une analyse de la jurisprudence ancienne révèle le type de problèmes qui se posaient à une nation démocratique naissante et à un système électoral encore très jeune. La Cour suprême d’alors est saisie de litiges qu’on peut tenter de regrouper par thèmes.

1. Le vote et les bulletins de vote

Des anomalies dans le traitement de bulletins donnent lieu à un bon nombre d’affaires. La Cour suprême a dû déterminer si le marquage des bulletins avec des crayons de couleur au lieu d’utiliser des crayons à papier annulait le bulletin[8]. La Loi d’alors requérait que les bulletins soient marqués avec une croix. Toutefois, la Cour suprême a décidé que si on ne pouvait pas déduire d’une marque autre qu’une croix, l’intention de s’identifier ou d’enfreindre la loi, le bulletin était valide[9]. Par contre, elle a conclu que la numérotation des bulletins de vote ajoutée par le sous-officier rapporteur qui pourrait identifier les électeurs annule les bulletins. Le secret du vote est un des éléments importants du système électoral[10].

2. La publicité

L’interdiction contenue dans un règlement municipal de faire de la publicité sur des panneaux ou des immeubles ne s’applique pas à la publicité relative à des élections fédérales. Le droit de participer à des élections fédérales est un droit accordé aux électeurs en tant que citoyens canadiens et les lois provinciales ne peuvent pas y porter atteinte. La Cour suprême a conclu que l’interdiction était illégale[11].

3. La corruption

Elle prend des formes multiples dans le cadre des élections.

  • Le transport: On note à la fin du XIXe siècle de nombreux cas où le transport gratuit des électeurs vers les bureaux de scrutin était en cause. Un électeur avait demandé et obtenu deux dollars d’un intermédiaire d’un agent d’un candidat pour couvrir ses frais pour aller voter. La Cour suprême a conclu que le candidat avait commis ainsi une infraction à la Loi électorale de l’époque[12]. Toutefois, elle a jugé que transporter gratuitement en bateau ou en train des électeurs au bureau de scrutin sans poser de conditions ne constitue pas une infraction de corruption[13].
  • L’emploi: L’agent d’un candidat avait employé des électeurs pour maintenir l’ordre alors qu’il n’y avait en fait pas de problème. Ceci a été jugé être une forme de corruption car l’embauche des électeurs était un subterfuge, d’autant plus que s’il y avait eu de réels problèmes d’ordre public, il appartenait aux autorités civiles et non au candidat de les régler[14].
  • L’argent: Payer les électeurs, avec de l’argent ou sous forme de cadeaux divers, y compris l’alcool, est à l’origine de nombreuses affaires. Voici quelques exemples dont la Cour suprême a eu à traiter. Fournir de l’argent pour des paris sur les résultats des élections est interdit par la Loi[15]. Les candidats doivent inclure leurs dépenses personnelles dans leur déclaration conformément à la Loi[16]. L’argent donné ostensiblement à des œuvres de charité avec la connaissance du candidat et qui n’est pas inclus dans la déclaration des dépenses constitue de la corruption et annule l’élection du candidat[17].
  • L’influence indue : L’élection d’un député a été annulée par la Cour suprême parce que les sermons des curés de certaines paroisses du comté menaçaient les paroissiens de sanctions temporelles et spirituelles s’ils ne votaient pas pour un candidat donné[18]. Il est à noter que cette affaire est parmi les premières affaires entendues par la Cour suprême. L’agent d’un candidat avait intimidé les électeurs lors d’un second scrutin qui suivait l’annulation d’une première élection avec une majorité de trois voix seulement. La seconde élection a été annulée[19].
  • Les agents des candidats: Les organisateurs locaux d’un candidat ont offert de l’alcool et de l’argent aux électeurs potentiels sans l’accord du candidat, mais néanmoins sans que ce dernier ne leur demande de comptes. Il en découle que les organisateurs jouent le rôle d’agents du candidat et que leurs pratiques constituent des infractions de corruption qui justifient l’annulation de l’élection même si le candidat et son agent officiel eux-mêmes n’étaient pas partie à ces manœuvres[20].

Comme nous l’avons indiqué au départ, il s’agit seulement d’une illustration des questions que la Cour suprême a eu à résoudre au cours des années. C’est bien loin d’être une analyse exhaustive. Il est intéressant de noter que les affaires soulevant de telles questions ont essentiellement disparu du rôle de la Cour à compter des années 1930.

III. La jurisprudence de la Cour suprême depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982

Cette section va tenter d’illustrer par la jurisprudence les différents sujets du séminaire, de voir quels types de problèmes se sont posés et comment la Cour suprême y a répondu.

Tout d’abord, il est important de citer les articles pertinents de la Charte canadienne des droits et libertés :

Garantie des droits et libertés
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Libertés fondamentales
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ;

d) liberté d’association.

Droits démocratiques
3. Tout citoyen a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

Droits à l’égalité
15.(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Dérogation
33. (1) Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.

C’est dans ce nouveau contexte constitutionnel que la Cour suprême a tranché un certain nombre de litiges depuis 1982.

1. Les décisions de la Cour suprême relatives aux partis et groupements politiques

  • Dépenses de publicité : La Loi électorale du Canada plafonnant les dépenses de publicité qu’un tiers peut engager au cours d’une campagne électorale[21].
    Il est à noter que depuis 1974, la Loi électorale plafonne les dépenses électorales et impose la divulgation des sources de revenu des partis et des candidats. En 2000, on a notamment introduit dans la Loi électorale de nouvelles règles sur la publicité électorale des tiers[22].
    Dans cette affaire née en Alberta, M. Harper demande que les dispositions de la Loi électorale du Canada plafonnant les dépenses de publicité qu’un tiers peut engager au cours d’une campagne électorale fédérale soient déclarées inconstitutionnelles, parce qu’elles limitent de manière injustifiable le droit à la liberté d’expression. Alors que le procès est en cours, mais avant que le juge de première instance rende sa décision, une élection fédérale est déclenchée. M. Harper demande alors une injonction interlocutoire interdisant le plafonnement des dépenses des tiers pendant l’élection en cours, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à l’action. Cette injonction est accordée par le juge qui préside le procès et elle est confirmée par la Cour d’appel. À la demande du Procureur général du Canada, la Cour suprême accorde le sursis d’exécution de l’injonction, en concluant que l’intérêt du public à ce que la mesure législative dûment adoptée par le Parlement soit maintenue jusqu’à ce qu’elle ait fait l’objet d’un examen constitutionnel complet l’emporte sur le préjudice que celle-ci cause à la liberté d’expression. Les tribunaux n’ordonneront pas à la légère que les lois adoptées par le Parlement ou une législature soient inopérantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet. Il s’ensuit que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne seront délivrées que dans les cas manifestes.
    Les tribunaux de l’Alberta ont finalement jugé que les dispositions contestées par M. Harper violent la Charte et la cause se retrouve donc une fois de plus devant la Cour suprême. Elle devrait être entendue en 2004. Plusieurs dispositions de la Loi électorale du Canada ayant trait aux dépenses de publicité qu’un tiers peut engager au cours d’une campagne électorale fédérale sont contestées en vertu des articles 2b), 2d) et 3 de la Charte.
  • Dépenses pendant un référendum : Loi provinciale sur la consultation populaire imposant des restrictions aux dépenses permises pendant une campagne référendaire[23]. Dans ce cas-ci, il s’agissait d’un référendum fédéral qui était régi, au Québec, par la loi provinciale.
    L’appelant conteste certaines dispositions de la Loi sur la consultation populaire du Québec qui imposent des restrictions aux dépenses permises pendant une campagne référendaire. Cette loi prévoit que les groupes qui souhaitent participer à une campagne référendaire pour une option donnée ont la possibilité soit de s’inscrire directement au comité national soutenant la même option, soit de s’y affilier. Elle prévoit également le financement des comités nationaux et limite leurs dépenses et celles des groupes affiliés. L’appelant a soutenu que les dispositions contestées portent atteinte aux libertés d’expression et d’association garanties par les alinéas 2b) et d) de la Charte. Il prétend que s’il veut mener une campagne référendaire indépendamment des comités nationaux, sa liberté d’expression politique serait limitée aux seules dépenses non réglementées. À l’inverse, s’il souhaite pouvoir engager des dépenses réglementées, il serait obligé de s’associer ou de s’affilier à l’un des comités nationaux. La Cour lui a donné raison. Elle a jugé que les dispositions contestées portent atteinte à la liberté d’expression politique de l’appelant puisqu’il ne pouvait effectuer des dépenses réglementées pendant la période référendaire, au même titre que les comités nationaux, afin d’exprimer son point de vue. Selon la Cour, la liberté d’expression inclut le droit d’utiliser les moyens, autres que la violence, nécessaires à la communication. Pour des raisons analogues, la Cour a jugé que les dispositions contestées portent également atteinte à la liberté d’association. La protection prévue à l’alinéa 2d) de la Charte inclut l’exercice collectif des droits et libertés individuels garantis par la Constitution.
    La Cour a conclu que l’objectif de la loi contestée revêt une importance urgente et réelle et qu’il existe un lien rationnel entre la limitation des dépenses des indépendants et l’objectif poursuivi par le législateur. Cependant, elle a jugé que dans le cas d’individus et de groupes qui ne peuvent s’associer ou s’affilier aux comités nationaux, et qui ne peuvent donc s’exprimer qu’au moyen de dépenses non réglementées, les limites imposées par la loi ne pouvaient satisfaire au critère de l’atteinte minimale sous l’article premier de la Charte. Selon la Cour, il existe des solutions de rechange qui respectent l’objectif de la loi. Une exception aux dépenses réglementées qui permettrait aux individus de dépenser, individuellement ou en groupe, un certain montant de manière entièrement discrétionnaire, tout en interdisant la mise en commun de ce montant, serait nettement moins attentatoire.
  • Partis politiques: Nombre minimum de candidats requis par la Loi électorale du Canada pour être enregistré comme parti politique[24].
    Suivant la Loi électorale du Canada, tout parti politique qui désire être enregistré doit présenter un candidat dans au moins 50 circonscriptions électorales s’il veut obtenir et maintenir son enregistrement. Les partis politiques enregistrés bénéficient d’un certain nombre d’avantages, y compris le droit pour leurs candidats de délivrer des reçus fiscaux pour les dons recueillis en dehors des périodes électorales, le droit de remettre à leur parti les fonds non dépensés pendant la campagne électorale et celui de voir inscrire leur appartenance politique sur les bulletins de vote. L’appelant a contesté la constitutionnalité de l’obligation de présenter au moins 50 candidats. La Cour a accueilli le pourvoi et déclarés inconstitutionnels les paragraphes 24(2), 24(3) et 28(2) de la Loi électorale du Canada. L’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité a été suspendu pendant une période de 12 mois.
    Bien que, suivant le texte de l’article 3 de la Charte, cette disposition n’accorde que le droit de voter et de se porter candidat aux élections fédérales et provinciales, les tribunaux ne doivent pas se limiter au texte de la disposition dans l’analyse fondée sur la Charte, mais ils doivent recourir à une interprétation libérale et téléologique. L’objet de l’article 3 est la représentation effective. Cet article doit être interprété en fonction du droit de tout citoyen de jouer un rôle important dans le processus électoral. Le fait de refuser aux candidats des partis qui ne satisfont pas au critère des 50 candidatures le droit de délivrer des reçus fiscaux pour les dons recueillis en dehors des périodes électorales et de remettre à leur parti respectif les fonds électoraux non dépensés compromet le droit de tout citoyen de participer utilement au processus électoral. Aux termes de l’article 3, le Parlement ne doit pas renforcer la capacité d’un citoyen de participer au processus électoral d’une manière qui compromette le droit d’un autre citoyen de participer utilement à ce processus. Les partis politiques qui satisfont à cette condition disposent de ressources plus considérables pour communiquer leurs idées et leurs opinions que ceux qui n’y satisfont pas. Le critère des 50 candidatures porte en conséquence atteinte aux droits garantis par l’article 3 de la Charte en diminuant la capacité des membres et des partisans des partis défavorisés par ce critère de présenter des idées et des opinions dans le débat public auquel donne lieu le processus électoral. En outre, pour voter conformément à ses préférences, un citoyen doit disposer d’informations lui permettant d’évaluer le programme de chacun des partis. Les dispositions contestées portent atteinte au droit à l’information protégé par l’article 3. Le fait que les candidats des partis qui ne satisfont pas au critère des 50 candidatures n’ont pas droit à ce que leur appartenance politique soit inscrite sur les bulletins de vote viole également l’article 3. Cette règle réduit la capacité des citoyens de prendre part au débat électoral et porte également atteinte au droit de tout citoyen de faire un choix éclairé et de voter selon ses préférences.
    La validité des dispositions attentatoires n’est pas sauvegardée par l’article premier de la Charte. La règle exigeant 50 candidatures ne satisfait pas au critère du lien rationnel avec l’objectif consistant à assurer le rapport coût-efficacité du régime de crédits d’impôt. Les dispositions contestées ne satisfont pas non plus au critère de l’atteinte minimale, étant donné que la réduction du coût du régime de crédits d’impôt pourrait être réalisée sans violer l’article 3. De plus, les effets bénéfiques de cette réduction des coûts ne l’emportent pas sur les effets préjudiciables des dispositions contestées.

2. Les décisions de la Cour suprême relatives aux candidatures électorales

  • Inhabilité à occuper une charge de député provincial pendant 5 ans selon une loi provinciale[25].
    Après son élection à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, l’appelant est déclaré coupable d’un acte illicite au sens de la Loi électorale de cette province et, de ce fait, est expulsé de la législature. L’appelant conteste la constitutionnalité des dispositions de la loi prévoyant son expulsion et rendant quiconque est déclaré coupable d’un acte illicite inhabile à voter et à occuper une charge de député pendant une période de cinq ans. La disposition qui concerne l’inhabilité à voter fut jugée inconstitutionnelle par les tribunaux inférieurs et cette décision n’a pas été contestée en Cour suprême.
    La Cour a jugé que la disposition prévoyant l’expulsion et l’inhabilité à occuper une charge de député viole les droits que l’article 3 de la Charte garantit à l’appelant, mais que cette atteinte est justifiée au sens de l’article premier. L’objectif premier de la loi contestée, qui est de maintenir et de renforcer l’intégrité du processus électoral, est toujours une préoccupation urgente et réelle de toute société qui prétend suivre les préceptes d’une société libre et démocratique. Il y a également un lien rationnel entre les moyens utilisés à la disposition législative contestée et son objectif. L’expulsion est une solution appropriée. L’imposition d’une période d’inéligibilité de cinq ans satisfait également au critère de l’atteinte minimale. Le législateur a ainsi fait en sorte que l’appelant ne puisse pas se porter candidat à l’élection générale suivante et cette période est un temps de « purification » qui permet de rétablir l’intégrité du processus électoral tant dans les faits que dans l’esprit des électeurs. Enfin, les effets de la disposition contestée sont proportionnels à son objectif. La Cour a également décidé que la période d’inéligibilité n’est pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte puisqu’elle n’est pas excessive au point d’être incompatible avec la dignité humaine ou exagérément disproportionnée par rapport à l’infraction.
  • L’arrêt Figueroa présenté ci-dessus, qui conclut à l’inconstitutionnalité du nombre minimum de candidats requis pour être un parti politique reconnu, traite également de la question des candidatures électorales.

3. Les décisions de la Cour suprême relatives aux circonscription électorales

  • Délimitation des circonscriptions électorales[26] :
    Appelée à interpréter pour la première fois l’étendue du droit de vote, la Cour a jugé qu’une carte électorale provinciale qui comporte un certain nombre de circonscriptions électorales dont le quotient s’écarte de plus de 15 pour 100 du quotient provincial et révèle une certaine sous-représentation dans les zones urbaines ne porte pas atteinte à l’article 3. Selon la Cour, il faut donner au droit de vote garanti par la Charte un sens large, fondé sur l’objet visé, qui tienne compte du contexte historique et social. Il faut rechercher la philosophie générale qui sous-tend l’évolution historique du droit de vote tout en gardant à l’esprit certaines considérations pratiques, comme la géographie sociale et physique. La Cour doit être guidée par l’idéal de la « société libre et démocratique » qui fonde la Charte. Le droit de vote garanti par l’article 3 n’a pas pour objet l’égalité du pouvoir électoral comme telle, mais le droit à une « représentation effective ». La parité relative du pouvoir des électeurs est une condition primordiale de la représentation effective. Les dérogations à la parité électorale absolue peuvent toutefois se justifier pour des raisons d’impossibilité matérielle ou d’amélioration de la représentation réelle. Des facteurs comme la géographie, l’histoire et les intérêts de la collectivité, et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération afin de garantir que nos assemblées législatives représentent réellement la diversité de notre mosaïque sociale.
  • Empêchement de voter à un référendum fédéral en raison des critères de résidence[27]
    En septembre 1992, le gouvernement fédéral a décrété la tenue d’un référendum portant sur une question concernant la Constitution du Canada, le 26 octobre 1992, dans chacune des provinces et chacun des territoires, à l’exception du Québec. Le Québec devait tenir, à la même date et sur la même question, un référendum distinct auquel s’appliquait la loi provinciale en vigueur. En raison des différentes exigences en matière de résidence entre les lois fédérale et provinciale, l’appelant, qui avait quitté l’Ontario pour s’installer au Québec en août 1992, n’avait pas qualité pour voter au référendum québécois parce qu’il n’avait pas résidé dans cette province pendant les six mois précédant le référendum. Il n’avait pas non plus qualité pour voter au référendum fédéral parce que, le jour du recensement, il n’avait pas sa résidence ordinaire dans une section de vote établie en vue de ce référendum. L’appelant alléguait que lui refuser la possibilité de voter au référendum fédéral portait atteinte aux droits que lui garantissent l’article 3, l’alinéa 2b) et le paragraphe 15(1) de la Charte.
    La Cour a jugé que l’article 3 de la Charte ne garantit pas le droit de voter à un référendum, mais uniquement le droit de voter aux élections législatives fédérales et provinciales. Un référendum n’est qu’un processus de consultation et non une élection. La Cour a également décidé que, bien qu’un référendum soit une tribune pour favoriser l’expression, l’alinéa 2b) de la Charte n’impose à aucun gouvernement une obligation positive de consulter les citoyens par référendum. Il ne confère pas non plus à l’ensemble des citoyens le droit d’exprimer leur opinion dans le cadre d’un référendum. Celui-ci en tant que tribune pour favoriser l’expression relève de la politique législative et non du droit constitutionnel. En l’espèce, le gouvernement fédéral n’a pas contrevenu à l’alinéa 2b) en ne tenant pas son référendum dans la totalité des provinces et territoires. Si l’appelant n’a pu voter, c’est simplement parce qu’à la date du recensement, il ne résidait pas ordinairement dans une province où se tenait le référendum fédéral, et cette restriction ne porte aucunement atteinte à sa liberté d’expression. Enfin, la Cour a jugé que le droit à l’égalité de l’appelant n’a pas été violé puisque les nouveaux résidents d’une province ne forment pas un groupe désavantagé visé au paragraphe 15(1) de la Charte. De même, l’exclusion d’une province du champ d’application de la loi fédérale en matière référendaire ne constitue pas une violation du paragraphe 15(1). Dans un système fédéral, les distinctions entre les provinces ne donnent pas automatiquement naissance à une présomption de discrimination.
  • Droit de vote des prisonniers sous la Loi électorale fédérale[28] : Il faut noter qu’il n’existe pas de déchéance des droits civiques aux termes du Code criminel du Canada.
    La version antérieure de l’alinéa 51e) de la Loi électorale du Canada[29] interdisait à tous les détenus de voter aux élections fédérales, peu importe la durée de leur peine. Cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême en 1993 parce qu’elle constituait une atteinte injustifiée au droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte. Le législateur a réagi à ce jugement en remplaçant cette disposition par un nouvel alinéa 51e)[30] qui prive du droit de vote tous les détenus purgeant une peine de deux ans ou plus. La constitutionnalité de l’alinéa 51e) a été contestée de nouveau au motif qu’il allait à l’encontre de l’article 3 et du paragraphe 15(1) de la Charte et que sa justification ne pouvait se démontrer au regard de l’article premier. Le ministère public a reconnu que l’alinéa 51e) portait atteinte au droit de vote garanti par l’article 3. Par une majorité de 5 à 4, la Cour a décidé que le gouvernement n’avait pas établi que cette atteinte était autorisée au regard de l’article premier de la Charte et qu’elle s’inscrivait dans des limites raisonnables dont la justification pouvait se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. La Cour a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’argument fondé sur le droit à l’égalité.
    Pour justifier l’atteinte portée à un droit garanti par la Charte au regard de l’article premier, le gouvernement doit démontrer qu’elle vise un but ou objectif valide du point de vue constitutionnel, et que les mesures choisies sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. La Cour a rejeté l’argument du gouvernement selon lequel le fait de priver les détenus du droit de vote appelle la retenue parce que c’est une question de philosophie sociale et politique. Le droit de vote est un droit fondamental pour notre démocratie et pour la protection de la primauté du droit, et il ne peut être écarté à la légère. Les rédacteurs de la Charte en ont souligné l’importance non seulement en employant des termes généraux et absolus, mais aussi en le soustrayant à l’application de l’article 33 de la Charte, la clause de dérogation.
    Le gouvernement invoquait deux objectifs généraux pour justifier l’alinéa 51e): (1) accroître la responsabilité civique et le respect de la règle de droit ; et (2) infliger une sanction supplémentaire, ou « faire ressortir les objets généraux de la sanction pénale ». Le premier objectif pourrait être invoqué à l’égard de presque toutes les lois pénales et de nombreuses mesures non pénales. Pour ce qui est du deuxième objectif, le dossier n’indique pas précisément pourquoi le législateur a estimé qu’il fallait infliger une sanction supplémentaire à cette catégorie de prisonniers en particulier, ni quels objectifs, autres que ceux réalisés par les peines déjà prévues, le législateur espérait ainsi atteindre. Le gouvernement n’a pas réussi non plus à établir un lien rationnel entre la privation du droit de vote prévue à l’alinéa 51e) et les objectifs qu’il poursuit. La disposition contestée ne porte pas atteinte au droit de vote de façon minimale. L’alinéa 51e) a une portée trop large, touchant de nombreuses personnes qui, de l’avis même du gouvernement, ne devraient pas être visées. Il ne peut être justifié du seul fait qu’il est moins restrictif qu’une exclusion générale de tous les détenus du droit de vote. Enfin, les effets négatifs de la privation du droit de vote l’emporteraient facilement sur les minces effets bénéfiques pouvant en découler. Priver les prisonniers du droit de vote a des effets négatifs sur les intéressés et sur le système pénal. Cela fait disparaître un moyen de susciter le développement social et sape les lois et politiques correctionnelles visant la réadaptation et la réinsertion sociale. Compte tenu du nombre disproportionné d’Autochtones dans les pénitenciers, les effets négatifs de l’alinéa 51e) sur les prisonniers sont disproportionnés à l’égard de la population autochtone déjà désavantagée du Canada.

4. Les décisions de la Cour suprême du Canada relatives au déroulement de la campagne électorale et aux questions de propagande électorale

  • Sondages: Loi électorale du Canada interdisant la diffusion de sondages sur les intentions de vote durant les 3 derniers jours des campagnes électorales[31].
    La Cour a jugé que l’article 322.1 de la Loi électorale du Canada, qui interdisait d’annoncer, de publier ou de diffuser les résultats de sondages sur les intentions de vote durant les trois derniers jours des campagnes électorales, porte atteinte à la liberté d’expression protégée par l’alinéa 2b) de la Charte, puisque la publication des résultats de sondages est une activité qui transmet un message et qui, par conséquent, entre dans le champ d’application de cette disposition.
    De plus, la Cour a conclu que l’article 322.1 n’est pas justifié au sens de l’article premier de la Charte. L’objectif qui consiste à prévenir contre l’influence possible de sondages inexacts publiés tard dans les campagnes électorales par l’instauration d’une période de critique et d’examen immédiatement avant le jour du scrutin est suffisamment important pour satisfaire à la première étape de l’analyse fondée sur l’article premier. L’embargo de trois jours sur les sondages permet de réaliser cet objectif en donnant aux critiques la possibilité d’évaluer l’information fournie par le sondeur sur la méthodologie qu’il a utilisée et de mettre en doute la validité du sondage sur ce plan. Dans cette mesure, l’interdiction a un lien rationnel avec l’objet de la loi. Toutefois, l’article 322.1 ne porte pas atteinte le moins possible à la liberté d’expression. Cette disposition est un instrument très grossier pour réaliser l’objectif du gouvernement. On doit présumer que l’électeur canadien est un être rationnel, capable de tirer des leçons de son expérience et de juger de façon indépendante de la valeur de certaines sources d’information électorale. L’article 322.1 n’a pas été conçu strictement en vue de la réalisation de son objectif. La solution de rechange évidente est la communication obligatoire des données méthodologiques sans interdiction de publication. Bien qu’une telle disposition laisse encore subsister la possibilité que la publication des résultats d’un sondage inexact immédiatement avant le jour du scrutin ait quelque influence, cette possibilité serait considérablement amoindrie du fait que les électeurs auraient accès à ces données méthodologiques et que les partis auxquels ce sondage serait préjudiciable auraient la possibilité de réagir rapidement. Les effets préjudiciables de l’interdiction l’emportent en l’espèce sur ses avantages douteux. L’effet de l’article 322.1 sur la liberté d’expression est profond. L’interdiction transmet le message général que le gouvernement peut empêcher les médias de publier de l’information factuelle. De plus, elle entrave le rôle de communicateurs de l’information des médias en période électorale. Enfin, en niant l’accès à une information électorale que certains électeurs peuvent considérer utile, l’interdiction porte non seulement atteinte à leur liberté d’expression, mais également à leur perception que leur vote est libre et valide[32].
  • Activités politiques des fonctionnaires fédéraux[33].
    La Cour a jugé qu’une disposition de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique[34] qui, sous peine de mesures disciplinaires allant jusqu’au renvoi, interdit aux fonctionnaires de travailler pour ou contre un candidat ou un parti politique viole l’alinéa 2b) de la Charte. Du fait que cette disposition interdit de s’exprimer en faveur d’un parti politique ou d’un candidat, elle vise en effet explicitement à restreindre l’activité d’expression. Elle n’est pas sauvegardée par l’article premier de la Charte. Bien que l’objectif législatif du maintien de la neutralité de la fonction publique revête une importance suffisante pour justifier qu’une restriction soit imposée à la liberté d’expression, la disposition contestée ne satisfait pas au critère de proportionnalité. Elle interdit à tous les fonctionnaires tout travail de caractère partisan, sans égard à la nature de ce travail et sans tenir compte du rôle, du rang ou de l’importance de ces fonctionnaires dans la hiérarchie de la fonction publique. Les restrictions s’appliquent à un grand nombre de fonctionnaires qui, dans une fonction publique moderne, n’ont absolument rien à voir avec l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire susceptible d’être influencé de quelque manière par des considérations d’ordre politique. La disposition contestée a donc une portée excessive et dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’une fonction publique impartiale et loyale.

Ceci conclut le survol de la jurisprudence de la Cour suprême répertoriée depuis 1982 au sujet des élections. Comme on l’a dit au départ, les tribunaux provinciaux ont certainement tranché de nombreux litiges à ce sujet émanant tant de la Loi fédérale que des Lois provinciales sur les élections, mais seuls les cas touchant à la Charte se sont rendus à la Cour suprême ces dernières années.

IV. Conclusion

En conclusion, il est fort probable que la Cour suprême sera appelée à trancher d’autres questions touchant le processus électoral canadien compte tenu des nouveautés incorporées récemment dans la Loi électorale du Canada, comme le financement des candidats aux élections. Le système électoral canadien a connu une longue et lente évolution au cours des 136 ans d’histoire de notre pays. Maintenant tous les citoyens et citoyennes canadiens ont le droit de vote, mais cela n’a pas toujours été le cas. Si les femmes ont acquis ce droit en 1918 au niveau fédéral, il a fallu attendre 1960 pour que les Indiens aient le droit de vote, 1970 pour que les jeunes puissent voter à 18 ans et pour que les juges puissent voter[35]. Le processus électoral est la pierre angulaire de la démocratie et il est dans l’intérêt de tous les citoyens et citoyennes que tous et chacun puissent prendre le chemin des urnes pour exercer ce droit fondamental qu’est le suffrage universel[36].


  • [1]
    L.C. 2000, ch. 9.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Voir Kingsley, Jean-Pierre (Directeur général des élections du Canada), « Administration et application du processus électoral : le modèle canadien », dans Les Cahiers du Conseil constitutionnel, No 13, 2002, 91-99.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Le système électoral canadien, Élections Canada, EC 91050 (04/01), p. 24 www.elections.ca  [Retour au contenu]
  • [4]
    Ibid., p. 10.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Ibid., p. 24.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Ibid., p. 32.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Art. 522 à 532.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Bennett v. Shaw (1922), 64 R.C.S. 235.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Hawkins v. Smith (1884), 8 R.C.S. 676.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Sealey v. Smith (1905), 36 R.C.S. 497.  [Retour au contenu]
  • [11]
    McKay v. R., [1965] R.C.S. 798.  [Retour au contenu]
  • [12]
    Campbell v. Grieve (1892), 20 R.C.S. 331.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Genereux v. Cuthbert (1884), 9 R.C.S. 102.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Cimon v. Perrault (1881), 5 R.C.S. 133.  [Retour au contenu]
  • [15]
    Walsh v. Trebilcock (1894), 23 R.C.S. 695.  [Retour au contenu]
  • [16]
    Larue v. Deslauriers (1881), 5 R.C.S. 91.  [Retour au contenu]
  • [17]
    Cote v. Goulet (1884), 9 R.C.S. 279.  [Retour au contenu]
  • [18]
    Brassard v. Langevin (1877), 1 R.C.S. 145.  [Retour au contenu]
  • [19]
    Cholette v. Bain (1885), 10 R.C.S. 652.  [Retour au contenu]
  • [20]
    Sideleau v. Davidson, [1942] R.C.S. 306.  [Retour au contenu]
  • [21]
    Harper c. Canada (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 764 (8-1). Procureur général du Canada c. Harper, dossier 29618 (Appel entendu en février 2004, 2004 CSC 33).  [Retour au contenu]
  • [22]
    Ibid., p. 17.  [Retour au contenu]
  • [23]
    Libman c. Québec (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 569 (9-0).  [Retour au contenu]
  • [24]
    Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37 (Décision unanime 6-3).  [Retour au contenu]
  • [25]
    Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 2 R.C.S. 876 [Décision unanime 7-2].  [Retour au contenu]
  • [26]
    Renvoi: Circ. électorales provinciales (Sask.), [1991] 2 R.C.S. 158 (6-3).  [Retour au contenu]
  • [27]
    Haig c. Canada ; Haig c. Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 R.C.S. 995 (7-2).  [Retour au contenu]
  • [28]
    Sauvé c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 438 (9-0); Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2002] 3 R.C.S. 519 (5-4).  [Retour au contenu]
  • [29]
    L.R.C. 1985, ch. E-2.  [Retour au contenu]
  • [30]
    L.C. 1993, ch. 19, art. 23.  [Retour au contenu]
  • [31]
    Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877 (5-3).  [Retour au contenu]
  • [32]
    Il est à noter qu’en 2000, la Loi électorale a été modifiée et limite l’interdiction de diffuser des publicités électorales et des sondages à la journée même des élections.  [Retour au contenu]
  • [33]
    Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 2 R.C.S. 69 (6-1).  [Retour au contenu]
  • [34]
    L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 33.  [Retour au contenu]
  • [35]
    Muldoon c. Canada [1988] C.F. 631, déclarant inopérant l’art. 14(4)d) de la Loi électorale du Canada qui rendait les juges nommés par le gouvernement fédéral inhabiles à voter. Cet article a été abrogé en 1993.  [Retour au contenu]
  • [36]
    Mes remerciements à Me Chantal Demers, avocate à la Cour suprême, pour ses recherches et ses conseils de rédaction et à Mme Alicia Loo, bibliothécaire à la Cour, pour la recherche documentaire. Mes remerciements également à Mme Hélène Blouin pour la mise en page.  [Retour au contenu]

L’expérience du Conseil constitutionnel de Djibouti

M. Omar CHIRDON ABASS, Président du Conseil constitutionnel de Djibouti

Introduction

Nous savons tous que le monde d’hier était divisé sur la base de la colonisation par les puissances essentiellement européennes. Les relations entre les pays nouvellement indépendants et les anciennes puissances coloniales se prolongent généralement par la culture et l’éducation dans le monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que, l’espace ayant en partage le français se regroupe autour de la Francophonie. C’est un cadre éminemment important pour la concertation, le dialogue et la coopération au sens large entre les pays membres.
Donc aujourd’hui ce qui nous intéresse, c’est la coopération institutionnelle et surtout constitutionnelle pour développer la culture démocratique à Djibouti en vue de promouvoir l’État de droit, la démocratie pluraliste et les droits de l’homme.
La pratique d’une démocratie constitutionnelle contribue largement à la paix, au développement et aux succès de tout régime d’un pays donné.
Les années 1990 auront été marquées dans le monde entier et en particulier dans le monde francophone par une véritable explosion constitutionnelle et démocratique. Le sommet FranceAfrique de la Baule en était aussi une impulsion toute particulière. François Mitterrand a déclaré que dorénavant la puissance titulaire liera ses efforts pour la contribution à tous les efforts faits pour aller vers les libertés et la démocratisation de la vie politique.

Le rôle et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle de la République de Djibouti en période électorale.

La Cour constitutionnelle est mobilisée pour être à l’écoute des opérations électorales. Elle est prête pour agir rapidement sur les conflits qui peuvent surgir avant, pendant et après les opérations électorales.
L’opposition comme la majorité peuvent agir pour porter à la connaissance du Conseil constitutionnel toute anomalie observée à tout moment. Le Conseil étant en permanence attentif aux analyses de tout conflit porté à sa connaissance, pour donner la meilleure réponse possible.
Les candidats sont déclarés auprès du ministère de l’Intérieur pour leur enregistrement, pendant une période bien déterminée : les enregistrements de candidatures sont ouverts de telle date à telle date à 00 h 00. Pendant cette période les modifications ou changements de candidats sont autorisées; au delà de la date limite, il n’est plus possible de modifier ou changer la liste des candidats proposés.
Tout candidat doit remplir toutes les conditions prévues par la loi organique électorale n°1/AN/92 pour se porter candidat à une élection quelconque à savoir:

  • l’inscription préalable sur une liste électorale de la circonscription administrative où se trouve le domicile ou la résidence ;
  • est éligible à l’Assemblée nationale tout Djiboutien âgé de 23 ans.

L’enregistrement des candidats se fait auprès de l’administration du ministère de l’Intérieur.
Le contrôle se fait aussi par une commission dont les membres sont choisis par le ministre de l’Intérieur et présidée par un magistrat. Depuis les élections de l’année dernière, la CENI (La Commission électorale nationale indépendante) a été mise en place. Son rôle s’est accru par rapport à l’ancienne commission qui ne dépendait que du ministre de l’Intérieur.
Cette commission, entre autres tâches qui relèvent d’elle, contrôle l’éligibilité de tous les candidats proposés par tous les partis politiques en compétition.
En cas de litige entre l’administration organisatrice des élections et un parti politique sur l’éligibilité ou modification de noms sur la liste d’un parti, ce dernier a la possibilité de s’adresser au Conseil constitutionnel en vue de statuer sur le litige.
Lors des élections du 10 janvier 2003, le Conseil constitutionnel a été amené à traiter un cas de litige à propos de la liste unifiée de l’opposition qui voulait remplacer un candidat par un autre candidat, alors que le délai de dépôt de la liste définitive auprès du ministère de l’Intérieur était expiré. Alors l’opposition a été déboutée sur ce cas précis.
La décision du Conseil constitutionnel et ses membres n’a pas été bien perçu par l’opposition. Nous avons été accusés de tout.

I – Les compétences du Conseil constitutionnel en matière d’éligibilité à la présidence de la République.
Tout candidat aux fonctions de président de la République doit être de nationalité djiboutienne, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de quarante ans au moins.

II – Pour ce qui concerne l’éligibilité à l’Assemblée nationale.
Est éligible à l’Assemblée nationale tout Djiboutien âgé de 23 ans révolus ayant la qualité d’électeur et sachant lire et écrire le français ou l’arabe.

Aux élections présidentielles les candidats sont déclarés auprès du ministère de l’Intérieur pour leur enregistrement. La déclaration de candidature doit mentionner les nom, profession, résidence, date et lieu de naissance du candidat.
Elle doit être accompagnée d’un certificat de nationalité, d’une copie certifiée conforme de l’acte de naissance ou toute autre pièce en tenant lieu, d’un curriculum vitae certifié sincère, d’un extrait de consignation d’une caution financière de 5 000 000 FD versée à la caisse du trésorier payeur national.
En outre, le candidat doit fournir quatre photographies d’identité et préciser le sigle et la couleur retenus pour l’impression de ses bulletins de vote.
Les dossiers de déclaration de candidature sont communiqués le 30e jour précédant le premier tour de scrutin au Conseil constitutionnel qui les retourne dans les 3 jours au ministère de l’Intérieur après avoir vérifié l’éligibilité de chacun des candidats.

Les listes de candidats à l’Assemblée nationale sont déposées en double exemplaire au ministère de l’Intérieur au plus tard quinze jours avant l’ouverture de scrutin. Elles doivent comporter les nom, date et lieu de naissance, domicile et profession de candidats ainsi que leur signature précédée de la mention manuscrite « pour acceptation » et la date. Elles doivent également mentionner le titre de la liste et la couleur ou l’emblème choisi pour l’impression des bulletins de vote. Par ailleurs, chaque candidat doit annexer à la liste les documents suivants:

  • un extrait de casier judiciaire datant de moins de 3 mois;
  • un extrait d’acte de naissance ;
  • une attestation du commissaire de la République ou son lieu de résidence prouvant qu’il est domicilié dans le pays et qu’il est inscrit sur la liste électorale.

Après avoir rempli tout ce qui précède, il est immédiatement délivré au déposant de la liste un récépissé provisoire. Un récépissé définitif est délivré après versement auprès du trésorier payeur national d’une caution fixée à 500 000 FD par candidat et après examen de la recevabilité des candidatures.
En cas de refus d’enregistrement d’une liste ou en cas de contestation, les candidats peuvent se pourvoir devant le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de 3 jours.
Aucun retrait ou modification de candidature n’est admis après la délivrance du récépissé définitif. En cas de décès ou d’inéligibilité constatée avant le jour du scrutin le remplacement des candidats défaillants est autorisée.
L’éligibilité, l’enregistrement des candidats, le contrôle des investitures des partis politiques, la vérification des « parrainages » … tous ces points sont traités et contrôlés par une commission compétente pour ce faire, qui dépend du ministre de l’Intérieur. En cas de litige tous les partis politiques ont la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel pour faire valoir leurs droits.

Pour ce qui concerne les élections du président de la République, le « parrainage » par un parti politique légalement constitué, est obligatoire.

 

 

L’expérience de la Cour suprême constitutionnelle d’Égypte

M. Hanafi Ali GUIBALI, Vice-président de la Cour suprême constitutionnelle d’Égypte

I. Le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des dispositions législatives sur les élections

La Constitution égyptienne a attribué à la Cour suprême constitutionnelle le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois et des règlements, ainsi que l’interprétation des lois et des décrets-lois. L’article 175 de la Constitution dispose que : «La Cour suprême constitutionnelle est seule compétente pour le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois et des règlements ainsi que de l’interprétation des textes législatifs comme le prévoit la loi. La loi détermine les autres compétences de la Cour et règle les procédures à suivre devant elle. »
À été ensuite promulguée la loi n° 48 de 1979 déterminant les procédures adoptées par la Cour à ce propos. L’article 29 de ladite loi a énoncé les deux voies pour saisir la Cour suprême constitutionnelle :

  1. Si le tribunal de fond prévoit l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un règlement nécessaire au jugement du litige.
  2. Si l’une des parties, au cours d’une instance, invoque l’inconstitutionnalité d’un texte de loi ou d’un règlement, et si le tribunal de fond juge le sérieux de cette exception, il sursoit l’examen de l’affaire et fixe, à la partie invoquant cette exception, un délai de 3 mois au plus, pour saisir la Cour suprême constitutionnelle.

Et ainsi, la Cour n’assume pas le contrôle a priori de la constitutionnalité des législations; son rôle est limité au contrôle a posteriori des lois et des règlements après leur promulgation et leur mise en vigueur. La Cour suprême constitutionnelle surveille les élections à travers son rôle limité de contrôle a posteriori de la constitutionnalité des législations en général.
En ce qui concerne le contrôle de l’opération électorale même, la Cour a jugé, dans sa décision rendue le 8/7/2000, l’inconstitutionnalité de la disposition du 2e alinéa de l’article 24 de la loi n° 73 de 1956 sur l’exercice des droits politiques, qui précise qu’il n’est pas nécessaire que les présidents des bureaux de vote secondaires soient des membres du corps judiciaire. En conséquence de cette décision, la juridiction égyptienne a le droit de contrôler, de façon totale, les élections législatives et présidentielles, en surveillant les bureaux, de vote ou de référendum, principaux ou secondaires. Auparavant, et en vertu du texte jugé inconstitutionnel, les magistrats devaient présider les principaux bureaux de vote (publics): ce sont les bureaux chargés de dépouiller le scrutin, de calculer les résultats et de statuer sur toute question liée à l’opération électorale, sur la validité et l’annulation des voix des électeurs, tandis que la présidence par un magistrat des bureaux secondaires, bureaux où les électeurs votent, était facultative.
En plus de cette décision historique, la Cour suprême constitutionnelle a rendu d’autres importantes décisions, telles que :

A)La décision, rendue le 16/5/1987, dans laquelle elle a jugé l’inconstitutionnalité des dispositions mentionnées dans la loi n° 38 de 1972 sur l’Assemblée du peuple, qui empêchaient les candidats qui n’ont pas adhéré à des partis politiques de présenter leur candidature à l’Assemblée du peuple. De même, la loi attaquée n° 114 de 1983 limitait la candidature à l’Assemblée du peuple aux candidats membres de partis politiques, même si elle prévoyait le passage du système électoral uninominal au système électoral par liste partiale. Cette loi a modifiée la loi sur l’Assemblée du peuple (le Parlement), et ceci en application de la modification de l’article 5 de la Constitution égyptienne le 22/5/1980, en vertu duquel le système politique en Égypte est fondé sur la pluralité des partis, ayant pour conséquence la modification du nombre des circonscriptions électorales en les incorporant et en diminuant leur nombre, l’organisation des candidatures et la répartition des voix et des sièges dans le Parlement conformément au résultat des élections. L’effet de cette décision a été que le président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée du peuple et d’effectuer de nouvelles élections. Et ceci en application de l’article 36 de la Constitution qui dispose que : «Le président de la République peut dissoudre le Parlement, en cas de nécessité et après un référendum public par lequel les citoyens approuvent la dissolution à la majorité absolue. »

B)La Cour a jugé, dans sa décision rendue le 15/4/1989, concernant une instruction similaire, inconstitutionnelle la disposition, mentionnée dans la loi sur le Conseil consultatif (le Sénat), qui empêchait les candidats qui ne sont pas affiliés à un parti politique de présenter leur candidature à ce Conseil.

C)En sa décision rendue le 19/5/1990, la Cour a jugé inconstitutionnelle la disposition, mentionnée dans ladite loi sur l’Assemblée du peuple, qui prévoit que chaque circonscription électorale doit inclure un seul membre, parmi les candidats élus par la voie d’élection individuelle et donc qui n’est pas adhérent à un parti politique, tandis que l’élection des autres membres de la circonscription serait faite par liste partiale, c’est-à-dire parmi les membres des partis politiques.

D) La Cour a appliqué les même principes, à ce propos, dans la loi des gouvernorats locaux (les élections locales), en jugeant, dans sa décision rendue le 15/4/1989, l’inconstitutionnalité de la disposition, mentionnée dans la loi précitée, qui empêchait les candidats qui ne font pas partie d’un parti politique de présenter leur candidature aux Conseils locaux, comme elle a jugé, dans sa décision rendue le 3/2/1996, l’inconstitutionnalité de la disposition, mentionnée dans la loi des gouvernorats locaux, qui approuvait l’élection d’un seul membre parmi les non-membres d’un parti politique et l’élection des autres membres par la voie d’élection par liste partiale, c’est-à-dire des adhérents aux partis politiques.

II. L’interprétation des lois

L’article 33 de la loi sur la Cour suprême constitutionnelle dispose que la requête d’interprétation des textes de loi et des décrets-lois doit être envoyée à la Cour par le ministre de la Justice à la demande du Premier ministre, du président de l’Assemblée du peuple ou du Conseil supérieur des corps judiciaires. La requête doit préciser le texte législatif objet de l’interprétation, la divergence résultant de son application et l’importance qu’exige son interprétation afin d’unifier le domaine de son application.
Comme il a été déjà cité, en application des dispositions de la Constitution égyptienne et des dispositions relatives à la création de la Cour suprême constitutionnelle, cette dernière a pour compétence l’interprétation des lois et des décrets-lois et son interprétation est obligatoire à toutes les autorités de l’État et à tous. Le ministre de la Justice l’a saisie, à la demande du président de l’Assemblée du peuple, sur l’interprétation des dispositions de la loi n° 38 de 1972 sur l’Assemblée du peuple, qui exigent que le membre du Parlement ait accompli le service militaire ou qu’il en soit exonéré. L’interprétation de la Cour a démontré que le législateur vise à l’accomplissement effectif du service militaire ou à l’exonération de ce service, et ainsi on ne prend pas compte la disposition prévoyant de dispenser à tous ceux qui ont dépassé l’âge de 35 ans de présenter les documents prouvant l’accomplissement ou l’exonération du service militaire. La Cour a jugé que cette exception représente une présomption légale qu’on peut toujours prouver son contraire.

En conclusion, il est important de signaler qu’à part le rôle mentionné de la Cour suprême constitutionnelle dans le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des législations, en général, et des législations électorales, en particulier, la juridiction égyptienne – soit les tribunaux ordinaires ou les tribunaux administratifs (Conseil d’État égyptien), selon leur compétence – exerce son rôle soit avant, pendant ou après les élections. Par exemple : son rôle précité de contrôle des élections et ainsi son rôle de contrôle de la validité de l’admission de la candidature au Parlement, sur la satisfaction des candidats aux conditions légales, sur la décision de division des circonscriptions électorales, sur les conflits évoqués par les élections et sur les réparations des dommages qui en résultent. Et enfin, le rôle de la Cour de cassation dans l’instruction en ce qui concerne la validité de la qualité de membre après la proclamation du résultat des élections.

 

 

Le Conseil constitutionnel et le déroulement du scrutin présidentiel en France en 2002

Jean-Eric Schoettl, Secrétaire général du Conseil constitutionnel français

Au cours de l’année précédant le scrutin, le Conseil constitutionnel est très présent dans la préparation des opérations électorales (adaptation des textes, avis rendus sur les mesures d’organisation, information des équipes de campagne des candidats, contrôle des « parrainages », etc.).
Je n’évoquerai dans ce qui suit que ce qui a trait au déroulement des opérations électorales proprement dites.

I. Le premier tour (21 avril 2002)

Le Conseil constitutionnel exerce, pour l’élection présidentielle, une double fonction :

  • Il est bureau national de recensement des votes. C’est lui (et lui seul) qui arrête les chiffres définitifs pour les quelque 64 000 bureaux et centres de vote.
  • Par ailleurs, il examine les réclamations portées aux procès-verbaux par les électeurs, les observations des commissions départementales de recensement, les rapports de ses délégués (près de 2000 magistrats de l’ordre judiciaire et administratif), les recours des représentants du Gouvernement (aucun cas au premier tour, un seul au second) et, le cas échéant (il n’y en a pas eu en 2002), les recours directs des candidats.

A) Le décret du 8 mars 2001 fixait une date butoir à l’intervention de la décision « déclarant » les résultats du premier tour: le mercredi suivant le dimanche du scrutin à 20 heures.
En 2002, les opérations incombant au Conseil se sont déroulées sans interruption depuis le lundi 22 avril au matin, avec le concours de ses dix rapporteurs adjoints membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes et celui de l’équipe des vérificateurs du ministère de l’Intérieur.
La décision qui les parachève a été délibérée le 24 avril 2002 à 15 heures. Le même jour à 17 heures, le Président Guéna tenait une conférence de presse pour rendre publics les résultats du premier tour.

Voici ces résultats, dans l’ordre des voix obtenues:

Jusque là, il était inexact de parler de « résultats officiels » ou de « résultats définitifs ».
À noter aussi que, le dimanche 21 avril, le Conseil a tenu une permanence téléphonique de 8 heures à 22 heures.
Dans l’ensemble, les opérations se sont déroulées de façon satisfaisante sur le plan juridique et administratif. Elles ont au demeurant donné lieu à un faible nombre de réclamations.
Les délégués du Conseil ont presque toujours été courtoisement accueillis par les bureaux de vote.
Dans deux cas cependant, l’attitude du bureau de vote a été telle qu’elle a conduit le Conseil, après avoir procédé à une instruction complémentaire, à annuler l’ensemble des suffrages émis dans ce bureau et à saisir le procureur de la République. Au-delà des deux espèces, il y a lieu de s’interroger sur l’institution d’un délit d’entrave à l’action des délégués du Conseil constitutionnel.
Diverses rectifications ont été opérées qui ne sont pas développées dans la décision du 24 avril 2002. Elles ont toujours porté sur de petits nombres et leur sommation n’a pas modifié le rang des candidats tel qu’il se dégageait des données brutes fournies par le ministère de l’Intérieur dès lundi matin.

En revanche sont motivées dans la décision les quatre annulations de bureaux de vote auxquelles a procédé le Conseil :

  1. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), dans lequel 889 suffrages ont été exprimés, il n’a pas été procédé au contrôle d’identité des électeurs prévu par les articles L. 62 et R. 60 du code électoral. Cette irrégularité s’est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le délégué d’un candidat ; devant cette méconnaissance délibérée de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, l’ensemble des suffrages émis dans ce bureau a été annulé.
  2. Dans le bureau de vote n° 11 de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), dans lequel 633 suffrages ont été exprimés, la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre les chiffres inscrits dans le procès-verbal retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de pointage notamment entre le décompte des voix et le total des suffrages obtenus. Le Conseil constitutionnel n’étant pas en mesure d’exercer son contrôle sur la régularité des votes, il a annulé l’ensemble des résultats dans le bureau susmentionné.
  3. Certains membres du bureau de vote n° 27 du treizième arrondissement de Paris, dans lequel 883 suffrages ont été exprimés, se sont opposés à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, chargé de suivre sur place les opérations électorales, exerce la mission qui lui était impartie. Des pressions ont même été exercées à son encontre. Ces faits constituent une entrave à l’exercice du contrôle du Conseil constitutionnel. Qui plus est, les observations de ce magistrat ont été soustraites du procès-verbal transmis à la commission départementale de recensement. Dans de telles conditions, les suffrages exprimés dans ce bureau de vote ont été annulés.
  4. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune du Cannet des Maures (Var), dans lequel 948 suffrages ont été exprimés, il n’a pas été procédé au dépouillement des votes selon les formes prévues par l’article L. 65 du code électoral. Cette irrégularité (qui était, en l’espèce, de nature à favoriser des fraudes) s’est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, le Conseil a annulé l’ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

B) Entre les deux tours de l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a été directement destinataire d’un assez grand nombre de recours émanant d’électeurs et tendant à l’annulation de l’ensemble des opérations électorales pour des motifs tirés de ce que la sincérité du vote du 21 avril 2002 avait été altérée par diverses circonstances (diffusion prématurée outre-mer des résultats de métropole, publication de résultats de sondage d’opinion donnant toujours M. Jospin présent au second tour etc.).
De tels recours sont irrecevables.
S’agissant en effet de l’élection présidentielle, les seules réclamations que peuvent former les électeurs à l’encontre des résultats sont celles portées par eux au procès-verbal du bureau de vote où ils sont inscrits.

Cela résulte clairement des termes de l’article 30 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, qui reprend les dispositions analogues de l’article 28 de décret n° 64-231 du 14 mars 1964 :
« Tout électeur a le droit de contester la régularité des opérations en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa réclamation.
Le représentant de l’État dans les départements, en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans un délai de quarante-huit heures suivant la clôture du scrutin, défère directement au Conseil constitutionnel les opérations d’une circonscription de vote dans laquelle les conditions et formes légales ou réglementaires n’ont pas été observées.
Tout candidat peut également, dans le même délai de quarante-huit heures, déférer directement au Conseil constitutionnel l’ensemble des opérations électorales. »

L’irrecevabilité s’opposant à l’examen par le Conseil constitutionnel des recours que lui adressent directement de simples électeurs a été explicitement rappelée par la décision du Conseil constitutionnel du 12 mai 1995 proclamant les résultats de l’élection présidentielle de 1995 :
« Sur des réclamations adressées au Conseil constitutionnel par certains électeurs: Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 28 du décret susvisé du 14 mars 1964 que la faculté de saisir directement le Conseil constitutionnel est réservée aux candidats ainsi qu’au représentant de l’État; qu’un électeur ne peut contester les opérations qu’en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa réclamation ; qu’il suit de là que les réclamations adressées directement au Conseil constitutionnel ne sont pas recevables. »

On comprend que, pour un scrutin de l’envergure de l’élection présidentielle, dont la préparation est longue et présente un coût budgétaire élevé, et pour lequel le Conseil constitutionnel doit exercer dans des délais très brefs une double fonction du bureau national centralisateur et de juge des réclamations, il est inévitable que les règles régissant les voies de recours soient très strictes.
On observera cependant que les griefs du type de ceux invoqués par de simples électeurs à l’encontre des résultats globaux du 21 avril 2002 auraient pu être utilement soulevés par des candidats dans les quarante-huit heures suivant la clôture du scrutin du premier tour. Tel n’a pas été le cas.

C) Le déroulement du scrutin fait ressortir quelques problèmes récurrents:

  • L’exercice du vote par procuration a rencontré quelques difficultés, notamment s’agissant des personnes malades ou infirmes qui ont le droit de faire établir la procuration à leur domicile (article R. 22 du code électoral); ou encore en raison de retards parfois surprenants dans l’acheminement postal des volets de procuration :
  • Pour l’élection présidentielle, comme pour un référendum et pour les élections européennes, les Français établis à l’étranger inscrits dans un centre de vote à l’étranger ne peuvent participer au scrutin dans le bureau de vote où ils sont par ailleurs inscrits en France (où ils prennent part au vote, directement ou par procuration, lors des élections locales). Cette conséquence de la loi du 31 janvier 1976 sur le vote des Français de l’étranger à l’élection présidentielle a souvent été méconnue, en dépit du rappel de cette règle par le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire aux maires du 18 février 2002.
  • Il a été constaté que certains sous-traitants de l’Imprimerie nationale ont commis de légères (quoique regrettables) malfaçons dans la préparation des bulletins de vote. Ces défauts n’ont heureusement n’a pas eu de conséquences dommageables, soit que le remplacement ait pu être effectué à temps, soit que les bureaux de vote n’aient pas regardé les bulletins comme invalides. Mais ils auraient pu en avoir s’ils avaient été interprétés comme des « signes de reconnaissance » par les bureaux de vote.
  • Quelques bureaux de vote ont eu des difficultés à siéger au complet. Le Conseil n’en pas tiré de conséquences en l’espèce, mais il conviendrait de prendre toutes mesures appropriées pour prévenir ou pallier le renouvellement de cette situation (déjà relevée par le Conseil dans ses observations sur le référendum de septembre 2000) lors de scrutins ultérieurs.
  • L’obligation de justifier de son identité dans les communes de plus de 5 000 habitants (article R. 60 du code électoral) est parfois méconnue. Elle a entraîné une annulation, l’irrégularité s’étant poursuivie en dépit des remarques du délégué d’un candidat.
  • Une autre obligation est souvent aussi ignorée : celle de n’émarger qu’après avoir voté. L’émargement constate en effet l’accomplissement du vote et lui est donc postérieur (article L. 62-1 du code électoral).
  • En présence de suffrages irrégulièrement exprimés (irrégularité de la procuration, électeurs radiés ayant participé au vote, Français inscrits dans un centre de vote à l’étranger mais ayant voté en France etc.), mais non attribuables à tel ou tel candidat, certains bureaux de vote et même quelques commissions départementales de recensement ont opéré des retranchements (selon le cas: au candidat arrivé en tête dans le bureau, ou à tous les candidats, ou selon une règle de prorata). De tels retranchements sont arbitraires et, lorsqu’ils sont le fait des commissions départementales de recensement, excèdent les compétences de celles-ci. Lorsque le nombre de tels votes irréguliers est faible, comme en l’absence de fraude, le Conseil constitutionnel s’en tient aux suffrages effectivement émis dans le bureau. Dans le cas inverse, il annule l’ensemble des suffrages émis dans le bureau. S’agissant d’un scrutin dont la circonscription est nationale, le retranchement n’aurait de sens que dans le cadre d’un raisonnement hypothétique pratiqué au niveau national par le Conseil constitutionnel lui-même. Le 21 avril 2002, en raison de l’amplitude des écarts constatés, le retranchement (ou l’addition) hypothétiques de tous ces suffrages « douteux » n’aurait ni modifié le classement des trois candidats arrivés en tête au plan national, ni fait franchir à tel ou tel des autres le seuil de 5 % des voix exprimées au-delà duquel le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne est porté du vingtième à la moitié du plafond.
  • S’agissant de la couverture du scrutin par les moyens audiovisuels, on peut faire les remarques suivantes:
    • Certaines chaînes de télévision ont livré implicitement les résultats du scrutin avant la clôture des opérations. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est à juste titre saisi de cette affaire en prenant, le 30 avril, une recommandation destinée à prévenir la répétition des mêmes errements.
    • Compte tenu du décalage horaire, nos compatriotes de Polynésie, des Antilles, de Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon et d’une partie des pays étrangers connaissent les résultats de métropole avant même d’avoir voté. Cette situation irritante n’est qu’en partie traitée par l’interdiction faite aux moyens d’information français par l’article L. 52-2 du code électoral de diffuser localement des résultats avant la clôture du dernier bureau de vote en métropole. Les délégués du Conseil constitutionnel sont toutefois intervenus dans ce cadre en Polynésie[1] et en Guadeloupe et le CSA a adressé le 30 avril des mises en demeure dans le même sens aux services de communication audiovisuelle d’outre-mer qui avaient méconnu leurs obligations légales le 21 avril. Restent les médias étrangers, le satellite, le téléphone et Internet. La législation ne peut faire obstacle à ces moyens de communication. La seule solution efficace serait d’organiser le scrutin le samedi dans ces régions. Le Conseil constitutionnel avait déjà préconisé cette solution s’agissant du référendum («En Polynésie française, il serait souhaitable, comme pour les élections législatives, que le référendum ait lieu le samedi plutôt que le dimanche afin de permettre aux électeurs de ce territoire de prendre part au scrutin avant que les résultats de métropole ne soient connus ». Voir ses observations sur le référendum du 24 septembre 2000, Rec. p. 158). Mais, s’agissant de l’élection présidentielle, pareille solution appelle une modification de l’article 7 de la Constitution ou, en tous cas, une lecture constructive de cet article.
    • Sur ces deux points, la Commission nationale de contrôle a publié le 29 avril 2002 un communiqué caractérisant les manquements constatés à l’article L.52-2 du code électoral et rappelant que la raison d’être de cette disposition était d’équilibrer le droit à l’information avec « l’absolue nécessité de maintenir le respect de la libre expression du suffrage de chaque citoyen à l’écart de toute pression de personnes ou de circonstances ».

D) Conformément à l’article 7 de la Constitution et aux articles 9, 10 et 29 du décret du 8 mars 2001 :

  • La décision du Conseil déclarant les résultats du premier tour a été publiée au Journal officiel du jeudi 25 avril.
  • Dans les 24 heures suivant la déclaration des résultats du premier tour, les deux candidats arrivés en tête ont confirmé au Conseil leur intention de se maintenir ou non au second tour.
  • Le jeudi 25 avril, le Conseil constitutionnel a désigné les deux candidats du second tour, au vu des décisions de maintien de MM Chirac et Le Pen.
  • L’ordre dans lequel les deux noms figurent sur cette liste a été, conformément aux pratiques antérieures, celui du nombre des suffrages obtenus au premier tour.
  • La décision désignant les deux candidats du second tour a été publiée au Journal officiel le lendemain, soit le vendredi 26 avril. Cette publication marquait le début de la campagne du second tour.
  • Le même jour, après avis de la Commission nationale de contrôle, le Conseil constitutionnel a examiné la grille des émissions de la campagne radiotélévisée officielle du second tour préparée par le CSA.

E) Les services du Conseil constitutionnel ont été saisis sur le site Internet de celui-ci de questions assez nombreuses émanant de particuliers. Il ne leur était matériellement pas possible de répondre à toutes ces questions. En tout état de cause, ils s’interdisent d’engager la position future du Conseil constitutionnel lui-même, se contentant de rappeler des éléments de texte, de jurisprudence ou de simple fait.
On peut évoquer les trois principales interrogations émises par les internautes à la veille ou au lendemain du premier tour:

  1. Le contenu des documents de campagne, qu’ils soient écrits (affiches, déclarations) ou audiovisuels (émissions de la campagne officielle) a parfois suscité émotion ou critiques.
    Si la jurisprudence électorale fait obstacle à toute interférence des autorités administratives et juridictionnelles dans le débat électoral proprement dit, le contenu de ces documents, une fois le scrutin clos, peut faire l’objet de recours dès lors qu’il tombe sous le coup des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, par exemple en ce qu’il serait diffamatoire ou inciterait à la violence ou à la haine raciale.
  2. Certaines personnes pouvaient bénéficier, entre les deux tours, d’une décision du juge d’instance leur donnant droit à être inscrites sur la liste électorale (Cass. civ. 2e, 5 juillet 2001, Mme Pradet). Il va de soi, en pareil cas, que la production de cette décision du juge d’instance leur permettait de voter le 5 mai 2002.
  3. Plusieurs électeurs ont cru devoir indiquer au Conseil constitutionnel que, compte tenu des résultats du premier tour, ils regrettaient le choix qu’ils avaient fait. Estimant avoir été abusés par les médias et les instituts de sondages, certains ont même été jusqu’à demander l’annulation des opérations électorales dans leur ensemble, au motif qu’ils auraient fait un choix différent au premier tour si les résultats de celui-ci avaient été correctement « prévus ». Faut-il rappeler que le vote de chacun lui appartient et qu’il est irrévocable ? que les sondages d’opinion ont pour ambition de « photographier » l’état de l’opinion et non de faire des prévisions ? En tout état de cause, le Conseil ne peut exercer que les attributions que lui confèrent la Constitution et ses textes d’application. Il ne saurait donc examiner des réclamations de particuliers, formées au lendemain d’un scrutin présidentiel ou référendaire, et tendant à l’annulation de celui-ci.
II. Le second tour (5 mai 2002)

Le second tour de l’élection présidentielle de 2002 s’est déroulé le dimanche 5 mai sans incident majeur (en dehors de l’intrusion dans un bureau de vote de la Sarthe de deux individus cagoulés qui ont brisé une bouteille contenant une variété d’acide).

A) Le jour du scrutin, le Conseil constitutionnel a tenu, comme pour le premier tour, une permanence téléphonique de 8 heures à 22 heures.
Le Conseil a arrêté les résultats du second tour le 8 mai 2002. Ayant rassemblé sur son nom 62 % des inscrits et plus de 82 % des suffrages exprimés, M. Jacques Chirac devient le président le mieux élu de toute l’histoire de la Ve République. Le nouveau mandat du chef de l’État commence le 17 mai à 0 heure, ainsi que le précise la décision relative à la proclamation.
Cette décision a été communiquée au chef de l’État le jeudi 9 mai en fin de matinée par le président du Conseil constitutionnel, M. Yves Guéna. Le Président Guéna a procédé à la proclamation officielle des résultats le 9 mai à 17 heures, devant la presse et M Patrick Stefanini, représentant de M. Chirac, dans le grand salon du Conseil constitutionnel.
La décision relative à la proclamation des résultats a été publiée au Journal officiel du 10 mai, c’est-à-dire dans les 24 heures de la proclamation officielle, comme le prévoit le deuxième alinéa du III de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel (« Le Conseil constitutionnel (…) proclame les résultats de l’élection qui sont publiés au Journal officiel de la République française dans les vingt-quatre heures de la proclamation. La déclaration de situation patrimoniale du candidat proclamé élu est jointe à cette publication. »)
A donc été publiée au Journal officiel du 10 mai 2002, en même temps que la décision relative à la proclamation, la déclaration de patrimoine de « début de mandat » du président de la République nouvellement élu.
Cette déclaration avait été remise au Conseil, sous pli scellé, comme celles des quinze autres candidats présents au premier tour, ainsi que le prévoit le quatrième alinéa du I de l’article 3 de la loi précitée du 6 novembre 1962. Le sceau a été rompu le jour de la proclamation. Auparavant (6 avril 2002), la déclaration de patrimoine de « fin de mandat » de M. Jacques Chirac avait fait l’objet d’une publication au Journal officiel comme le veut la loi du 6 novembre 1962. Quant aux déclarations de patrimoine des autres candidats, elles leur seront restituées sans avoir été ouvertes.

Les résultats du second tour sont les suivants:

Électeurs inscrits: 41 191 169
Votants: 32 832 295
Suffrages exprimés: 31 062 988
Majorité absolue : 15 531 495
Blancs et nuls[2] : 1 769 307
M. Jacques CHIRAC: 25 537 956 M.
Jean-Marie LE PEN : 5 525 032

Le taux d’abstention s’établit donc à 20,29 % et la proportion des blancs et nuls (par rapport aux votants) à 5,39 %.

B) Dans sa décision relative au second tour, le Conseil constitutionnel s’est efforcé de bien distinguer les différents éléments sur lesquels il se fondait tant comme juge de l’élection que comme autorité chargée de la centralisation des résultats au niveau national. Cette clarification résulte des derniers visas et des premiers considérants (« Après avoir… ») de la décision du 8 mai 2002.

Ces éléments sont les suivants:

  • les mémoires, enregistrés en temps utile au Secrétariat général du Conseil constitutionnel, par lesquels les représentants de l’État dans une collectivité territoriale défèrent les opérations électorales de tout ou partie de celle-ci, en application du deuxième alinéa de l’article 30 du décret susvisé du 8 mars 2001 (un seul cas en l’espèce);
  • les rapports des délégués du Conseil constitutionnel, auxquels doivent être assimilées les observations portées au procès-verbal de la commission locale de recensement par le magistrat qui la préside ;
  • les rapports de ses dix rapporteurs adjoints (membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes) couvrant les 106 départements et autres circonscriptions (collectivités territoriales d’outre-mer, Français établis à l’étranger) dans lesquels s’effectuent la première totalisation des résultats et l’examen des bulletins litigieux ;
  • les réclamations portées par les électeurs aux procès-verbaux de leurs bureaux de vote.

À noter que, de même qu’au premier tour, aucun candidat n’a déféré au Conseil l’ensemble des opérations électorales, comme le lui permettait l’article 30 du décret du 8 mars 2001.
Sur le plan matériel, les procès-verbaux des commissions locales de recensement, accompagnés des procès-verbaux litigieux des bureaux de vote de la circonscription et des rapports des délégués du Conseil désignés dans celle-ci, sont acheminés rue de Montpensier par service postal rapide (Chronopost, Chronomission). Parvenus au Conseil, ils font d’abord l’objet d’un traitement informatique, réalisé par une équipe de vérificateurs mis à la disposition du Conseil par le ministère de l’Intérieur. Ils sont ensuite confiés aux rapporteurs adjoints qui les instruisent et en exposent les difficultés devant les membres du Conseil constitutionnel réunis de façon continue en séance plénière. Les rectifications et annulations décidées par le Conseil sont alors répercutées dans la base de données. Enfin, la décision est délibérée en séance plénière.

Sur le plan intellectuel, l’ordre suivi (retracé en tête de la décision du 8 mai 2002) est le suivant :

  • le Conseil rejette comme irrecevables les réclamations d’électeurs qui lui sont parvenues directement, en méconnaissance du premier alinéa de l’article 30 du décret susvisé du 8 mars 2001 ;
  • il examine, parmi les réclamations portées par les électeurs aux procès-verbaux des opérations de vote, celles mettant en cause les opérations électorales dans leur ensemble. En l’espèce, il a à chaque fois conclu que les faits exposés, à les supposer établis, n’étaient de nature à porter atteinte ni à la régularité ni à la sincérité du scrutin ;
  • pour chaque circonscription, il statue sur les autres réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote (c’est-à-dire sur celles, de loin les plus nombreuses, qui ne portent que sur le bureau de vote de leur auteur). Pour des raisons évidentes de volume et de délai, le rejet d’une réclamation n’est pas motivé ;
  • pour chaque circonscription, il opère diverses rectifications d’erreurs matérielles et procède aux redressements qu’il juge nécessaires. Ces rectifications et redressements, généralement d’ampleur minime, ne sont pas explicités dans la décision ;
  • sont en revanche motivées les annulations des suffrages émis dans l’ensemble d’un bureau de vote.

C) Ainsi, la décision du 8 mai 2002 procède à l’annulation des suffrages émis dans sept bureaux de vote, situés dans cinq départements métropolitains:

  1. Au voisinage immédiat du bureau de vote de la commune de Villemagne (Aude), dans lequel 157 suffrages ont été exprimés, le maire de la commune a, d’une part, mis à la disposition des électeurs un dispositif symbolique de « décontamination », d’autre part, suscité un simulacre de vote invitant les électeurs à désigner un candidat ne figurant pas au second tour. Ces initiatives, annoncées et organisées par l’autorité même qui était chargée des opérations électorales dans la commune, sont incompatibles avec la dignité du scrutin et ont été de nature à porter atteinte au secret du vote ainsi qu’à la liberté des électeurs. Dans ces conditions, il y avait lieu d’annuler l’ensemble des suffrages émis dans cette commune. Notons que les agissements du maire de Villemagne ainsi censurés ont fait l’objet – ce qui est assez rare pour mériter d’être relevé – d’un déféré préfectoral. Par la suite, ce qui est également rare, les mêmes faits ont valu à l’intéressé une sanction disciplinaire. Le maire de Villemagne a été en effet suspendu de ses fonctions pendant quinze jours par un arrêté du ministre de l’Intérieur en date du 12 août 2002 publié au Journal officiel.
  2. Dans les bureaux n° 1 de la commune de Furiani et n° 15 de la commune de Bastia (Haute Corse), dans lesquels 957 et 279 suffrages ont été respectivement exprimés, la commission départementale de recensement des votes a relevé des discordances importantes et non justifiées entre, d’une part, le nombre des bulletins déclarés blancs et nuls dans les procès-verbaux retraçant les résultats et, d’autre part, les bulletins blancs et nuls joints à ces mêmes procès-verbaux. En outre, les causes d’annulation de vingt-deux bulletins, dans le bureau n° 1 de la commune de Furiani, et de dix-neuf bulletins, dans le bureau n° 15 de la commune de Bastia, demeurent inexpliquées. Il résulte enfin de l’instruction que les conditions dans lesquelles ces bulletins blancs et nuls ont été annexés aux procès-verbaux ont méconnu les dispositions de l’article L. 66 du code électoral. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel n’a pas été en mesure d’exercer le contrôle que lui confie la Constitution sur la régularité des opérations de vote. Là encore, il y avait lieu d’annuler l’ensemble des suffrages émis dans les bureaux susmentionnés.
  3. Dans le bureau de vote de la commune de Mettray (Indre-et-Loire), dans lequel 1 230 suffrages ont été exprimés, il n’a pas été procédé au dépouillement des votes dans les formes prévues par l’article L. 65 du code électoral. En l’espèce, cette irrégularité était de nature à entraîner des erreurs et pouvait favoriser des fraudes. Si aucune fraude n’a été alléguée et moins encore établie, pareille méconnaissance délibérée de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin n’en a pas moins conduit le Conseil à annuler l’ensemble des suffrages émis dans cette commune.
  4. Dans les bureaux de vote n° 3 et 4 de la commune de Mazingarbe (Pas-de-Calais), dans lesquels 817 suffrages ont été exprimés, il n’a pas été procédé au contrôle d’identité des électeurs, en violation des articles L. 62 et R. 60 du code électoral. Cette irrégularité s’est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y avait lieu d’annuler l’ensemble des suffrages émis dans ces bureaux.
  5. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune d’Erstein (Bas-Rhin), dans lequel 1 457 suffrages ont été exprimés, de nombreux électeurs ont été autorisés à voter sans être passés par l’isoloir en violation de l’article L. 60 du code électoral. En outre, il n’a pas été procédé au contrôle d’identité de tous les électeurs, contrairement à ce qu’exige, pour les communes de plus de 5 000 habitants, l’article R. 60 du même code et ce, malgré les observations du délégué du Conseil constitutionnel. Face à cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, le Conseil a dû annuler l’ensemble des suffrages émis dans ce bureau.

D) Beaucoup de remarques, déjà présentées à propos du premier tour, peuvent être faites à nouveau pour le second :

  • des retards anormaux ont été parfois observés dans l’acheminement postal des volets de procuration, ce qui a conduit le Conseil, eu égard à l’afflux des demandes de procurations entre les deux tours, à recommander une attitude libérale, allant jusqu’à admettre les volets transmis par télécopie à la mairie par les officiers de police judiciaire.
  • une incompréhension a pu être ressentie par les Français inscrits dans un centre de vote à l’étranger lorsqu’il leur a été refusé de prendre part au scrutin présidentiel dans leur commune de rattachement en France. Ce refus est certes régulier, mais mal accepté. La situation est plus grave lorsque nos compatriotes revenus de l’étranger, mais ne s’étant pas fait radier de leur centre de vote, découvrent qu’ils se trouvent toujours dans l’impossibilité de voter en France pour l’élection présidentielle. La solution à ce problème est sans doute multiple : meilleure information de nos compatriotes; plus grande diligence des commissions administratives chargées de tenir à jour les listes électorales des centres de vote à l’étranger; clarification et modernisation de la réglementation ; plus grande latitude donnée au juge d’instance pour statuer en faveur de l’inscription en France d’un Français rentré définitivement de l’étranger.
  • du fait du décalage horaire, la diffusion des résultats de métropole, alors que les opérations électorales n’étaient pas closes localement, a à nouveau provoqué l’irritation de nos compatriotes des Antilles, de Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Polynésie. Comme il a été dit pour le premier tour, le problème ne peut trouver de solution que dans l’anticipation du scrutin dans ces collectivités. Elle semble être réalisable par simple arrêté ministériel dans les collectivités territoriales françaises d’Amérique, compte tenu de l’habilitation très large généralement donnée aux représentants de l’État par le décret de convocation (voir article 3 du décret n° 2002-346 du 13 mai 2002). S’agissant en revanche de la Polynésie française (et de certains pays étrangers), le scrutin devrait s’y dérouler le samedi plutôt que le dimanche, ce qui impose une révision de l’article 7 de la Constitution ou, pour le moins, une lecture « constructive » des termes de cette disposition.
  • en dépit de l’information à laquelle a procédé le Conseil constitutionnel avant le premier tour comme entre les deux tours, certaines commissions départementales de recensement persistent à retrancher des voix obtenues par les candidats les quelques suffrages exprimés irrégulièrement mais dont l’imputation ne peut être déterminée (faible écart entre émargements et enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne ; vote d’électeurs non inscrits, etc.). Ces retranchements outrepassent la compétence des commissions départementales de recensement. En pareil cas, comme il a été dit pour le premier tour, le Conseil rétablit les chiffres figurant aux procès-verbaux des communes, sauf à annuler l’ensemble des suffrages émis dans le bureau de vote en cause si l’irrégularité revêt trop d’ampleur ou relève d’une manœuvre frauduleuse.

E) Un certain nombre de problèmes inédits ont surgi entre les deux tours.
Il en a été ainsi des prises de position publiques, hostiles à l’un des candidats, de tel ou tel organisme, de telle ou telle personnalité ou émanant de certains milieux socio-professionnels. La nature de nombre d’entre elles n’était pas sans poser problème au regard de diverses dispositions relatives à la propagande électorale ou aux commentaires de la campagne par les services de communication audiovisuels (article L. 49, L. 52-1, L. 90-1, L. 113-1 du code électoral ; recommandation du CSA du 23 octobre 2001…).

Beaucoup d’électeurs se sont plaints, en particulier:

  • de la violation du premier alinéa de l’article L 52-1 du code électoral, aux termes duquel : «Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite » ;
  • de la méconnaissance, par les services de communication audiovisuelle, des prescriptions de la recommandation du CSA du 23 octobre 2001, applicables à compter du 5 avril 2002, selon lesquelles: « La présentation et les commentaires relatifs à chacune des candidatures n’en défavorisent aucune. » La Commission nationale de contrôle a été saisie à cet égard par l’un des deux candidats, qui dénonçait un déséquilibre de ces initiatives en sa défaveur.

Pour le juge de l’élection, lorsqu’il en a été saisi par des réclamations portées aux procès-verbaux des opérations de vote, de tels comportements n’ont pu inverser les résultats du second tour, compte tenu de l’important écart des voix entre les deux candidats (pour un exemple a contrario, voir n° 98-2552 du 28 juillet 1998, AN, Var, 1re circ., Rec. p. 274[3]).
Lorsqu’il a été saisi directement de faits pouvant constituer des infractions aux dispositions applicables à la campagne électorale (publicité politique par voie de presse par exemple), le Conseil constitutionnel a transmis la plainte à la Commission nationale de contrôle de la campagne organisée en vue de l’élection présidentielle, seule compétente pour en tirer les conséquences éventuelles au plan judiciaire (saisine du parquet).

F) En revanche, et en partie grâce aux instructions données à ses délégués – qui ont été relayées par la presse et diffusées sur son site Internet – le Conseil constitutionnel a constaté qu’à de rares exceptions près (ainsi, s’agissant de la dignité de la consultation, pour la commune de Villemagne dans l’Aude), certaines des difficultés qu’il avait pu craindre pour le second tour ont pu être évitées.

Il en est ainsi :

  • de l’exercice effectif du droit de vote par les personnes ayant obtenu du juge d’instance, entre les deux tours, une décision favorable à leur inscription sur la liste électorale ;
  • du respect de la confidentialité des opérations de vote, lequel, aux termes de la circulaire du 1er août 1969 adressée aux maires par le ministre de l’Intérieur, conduisait à l’alternative suivante : soit l’utilisation d’un bulletin reçu à domicile, soit la prise des deux bulletins disposés sur la table de décharge avant de se rendre dans l’isoloir;
  • du respect de la dignité de la consultation, du secret du vote et de la liberté du vote, qui s’oppose à toute manifestation ostentatoire de la part d’électeurs désireux d’exprimer publiquement, lors du déroulement même des opérations électorales, le sens qu’ils donnent à leur participation au scrutin.

A été également évitée, grâce aux interventions de la Commission nationale de contrôle et du CSA (recommandation n° 2002-5 du 30 avril 2002) l’annonce prématurée, le soir du scrutin, des résultats de ce dernier.

G) Un certain nombre d’électeurs ont fait annexer aux procès-verbaux de leurs bureaux de vote de véritables recours, souvent fort argumentés, mettant en cause l’ensemble des opérations électorales.
Le Conseil a reconnu la recevabilité de tels recours au regard de l’article 30 du décret n° 2001-219 du 8 mars 2001, mais en tant seulement qu’ils étaient dirigés contre les opérations du second tour. La décision du Conseil désignant les deux candidats du second tour est en effet insusceptible de recours en vertu de l’article 62 de la Constitution et fait obstacle à la remise en cause des résultats du premier tour.
Sans réfuter explicitement les griefs présentés contre l’ensemble des opérations du second tour, le Conseil les a examinés et s’est convaincu qu’ils étaient infondés. La décision mentionne les réclamations en cause et les rejette globalement.
Il en allait ainsi, par exemple, en raison de l’écart des voix entre M. Chirac et M. Le Pen, du recours présenté par un électeur inscrit au 13e bureau du 1er arrondissement de Lyon qui estimait viciée la sincérité du second tour, du fait du nombre élevé d’agissements tombant, selon lui, sous le coup de l’incrimination définie au III de l’article L. 113-1 du code électoral, aux termes duquel : « Sera puni d’une amende de 25 000 F et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque aura, pour le compte d’un candidat ou d’un candidat tête de liste, sans agir sur sa demande, ou sans avoir recueilli son accord exprès, effectué une dépense de la nature de celles prévues à l’article L. 52-12. »
Il convient de citer intégralement le passage de la décision qui rejette globalement de telles réclamations, car c’est la première fois qu’il figure dans une décision de proclamation :
«Après avoir examiné, parmi les réclamations portées par les électeurs aux procès-verbaux des opérations de vote, celles mettant en cause les opérations électorales dans leur ensemble, et conclu que les faits exposés, à les supposer établis, n’étaient de nature à porter atteinte ni à la régularité ni à la sincérité du scrutin. »

*

À la suite de la proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel n’était pas quitte de ses obligations relatives à l’élection présidentielle, puisqu’il lui restait à examiner les comptes de campagne des seize candidats. Ces comptes lui ont été transmis, avec leurs annexes, jusqu’au 5 juillet 2002. Il les a examinés au cours de l’été et a statué sur eux le 26 septembre. Le 7 novembre, il rendait publiques ses observations sur l’ensemble de l’élection présidentielle.


  • [1]
    Ainsi, M. PF Racine, délégué spécial du Conseil constitutionnel en Polynésie, a obtenu de l’office des postes et télécommunications territorial la suspension de la reprise du signal LCI.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Y compris les suffrages exprimés dans les sept bureaux de vote ayant fait l’objet d’une annulation globale.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Il s’agissait d’une émission diffusée le jour du second tour d’une élection législative et qui avait pu altérer les résultats du scrutin compte tenu, d’une part, du faible écart de voix, d’autre part, de l’audience et de la tonalité de l’émission, laquelle « a revêtu le caractère d’un message de propagande électorale ».  [Retour au contenu]

Annexe I
Les principales étapes de l’élection présidentielle de 2002

Au cours du premier trimestre de 2002, le Conseil a été consulté sur de nombreux textes (décrets, circulaires, documents divers) relatifs à l’élection présidentielle.
Le 21 février, le 8 mars et le 21 mars, il a désigné ses délégués en vue de contrôler le bon déroulement des opérations électorales.
Le 6 mars, a été délibéré en Conseil des ministres le décret convoquant les électeurs le dimanche 21 avril et, en cas de second tour, le dimanche 5 mai. Ce décret (n° 2002-346 du 13 mars 2002) a été publié au Journal officiel du 14 mars 2002.
Le jeudi 14 mars constituait par conséquent, en vertu de l’article 2 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, le premier jour de la période au cours de laquelle les présentations des candidats à l’élection du président de la République étaient adressées au Conseil constitutionnel. Elles devaient lui être adressées au plus tard à minuit le dix-neuvième jour précédant le premier tour de scrutin, soit le 2 avril à 24 heures.
Le 4 avril à 16 heures, le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l’élection présidentielle du 21 avril 2002. La publication de leurs seize noms au Journal officiel du 5 avril marquait le début de la campagne électorale du premier tour.
Le 5 avril à 20 heures, le Conseil constitutionnel, peu après la Commission nationale de contrôle de l’élection, a été consulté sur la grille des émissions radiotélévisées de la campagne officielle du premier tour, ainsi que sur les modalités du tirage au sort des candidats retenues par le CSA.
Les réclamations contre la liste des candidats du premier tour étaient recevables jusqu’au samedi 6 avril à minuit. Le dimanche 7 avril à 12 heures, le Conseil constitutionnel a rendu quatre décisions sur les réclamations reçues.
Au Journal officiel du 10 avril ont été publiés les noms et qualités, dans la limite de 500 par candidat, des présentateurs tirés au sort par le Conseil constitutionnel.
Le 15 avril, le Conseil a rejeté diverses requêtes dirigées contre des actes préparatoires au scrutin présidentiel.
Le dimanche 21 avril s’est déroulé le premier tour du scrutin.
Le mercredi 24 avril, le Conseil a déclaré les résultats du premier tour.
Le jeudi 25 avril, au vu des lettres par lesquelles les deux candidats arrivés en tête du premier tour ont déclaré se maintenir au second tour, le Conseil a désigné Monsieur Jacques Chirac et Monsieur Jean-Marie Le Pen comme candidats au tour décisif.
Le 26 avril à 17 heures 30, le Conseil constitutionnel, peu après la Commission nationale de contrôle de l’élection, a été consulté sur la grille des émissions radiotélévisées de la campagne officielle du second tour, retenue par le CSA.
Le dimanche 5 mai s’est déroulé le second tour du scrutin.
Le 6 mai, le président de la République a mis fin aux fonctions du précédent gouvernement sur présentation, par le Premier ministre, M. Jospin, de la démission de son gouvernement, puis nommé M. Raffarin en qualité de Premier ministre.
Le lendemain, sur proposition de M. Raffarin, le chef de l’État a signé le décret fixant la composition du nouveau Gouvernement.
Le 8 mai, le Conseil a arrêté les résultats du second tour et proclamé élu Jacques Chirac Président de la République. Son nouveau mandat commence le 17 mai à 0 h.
Le 9 mai, il a rejeté divers recours dirigés contre des actes préparatoires à l’élection présidentielle.
Le même jour, à 12 heures, le Président Guéna a porté au chef de l’État la décision du 8 mai 2002 et, à 17 heures, a proclamé publiquement les résultats de l’élection.
La décision relative à la proclamation à été publiée au Journal officiel du 10 mai, en même temps que la déclaration de patrimoine de début de mandat du président de la République.
Le même jour s’est tenu le premier Conseil des ministres réunissant le Gouvernement formé au lendemain du second tour de l’élection présidentielle.
Le 16 mai, a eu lieu au Palais de l’Élysée la cérémonie officielle d’investiture du président de la République.
Le quinquennat de M. Jacques Chirac commençait le lendemain.
Les comptes de campagne des 16 candidats devront être déposés au Conseil constitutionnel au plus tard le 5 juillet 2002. Le Conseil devra statuer sur eux (soit en les validant, soit en les réformant, soit en les rejetant) d’ici à la fin de l’année.

Annexe II
Les délégués du Conseil constitutionnel

L’article 58 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel la mission de veiller « à la régularité de l’élection du président de la République ».
Cette mission a été précisée par des dispositions législatives de rang organique.
Ainsi, le premier alinéa du III de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel dispose que : «Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations et examine les réclamations dans les mêmes conditions que celles fixées pour les opérations de référendum par les articles 46, 48, 49, 50 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »
L’article 48 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoit notamment que : «Le Conseil constitutionnel peut désigner un ou plusieurs délégués choisis, avec l’accord des ministres compétents, parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif et chargés de suivre sur place les opérations. »
Ces magistrats, dont la mission est précisée par le Conseil constitutionnel, sont défrayés de leurs dépenses, ils disposent d’un ordre de mission délivré par leur président de Cour ou leur chef de juridiction.
Ils visitent les bureaux de vote et s’assurent de la régularité des opérations. Ils adressent au besoin des observations au président du bureau. Si celles-ci ne sont pas prises en compte, ils en font mention au procès-verbal et en font rapport au Conseil constitutionnel.
En tant que de besoin, ils peuvent faire parvenir au Conseil constitutionnel un rapport.
En cours d’inspection, ils peuvent se mettre en rapport par téléphone avec les services du Conseil constitutionnel pour obtenir tout renseignement ou éclaircissement nécessaire à l’accomplissement de leur mission.
Les magistrats judiciaires délégués du Conseil peuvent cumuler cette fonction avec d’autres attributions relatives à l’élection (par exemple la participation à la commission départementale de recensement).
Selon les scrutins (présidentiels ou référendaires), leur nombre est compris entre 1 000 et 2 000.
Outre-mer, il est également fait appel à des délégués membres de la juridiction administrative pour contrôler sur place les opérations de vote.
Les délégués chargés de contrôler sur place les opérations de vote ont été nommés le 21 février par le Conseil constitutionnel.
Des représentants communs au Conseil constitutionnel et à la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l’élection présidentielle ont été en outre désignés pour superviser outre-mer les opérations de propagande électorale et de vote au nom des deux organismes. Ils ont été nommés par le Conseil constitutionnel (les 8 et 21 mars 2002).

 

Le Tribunal suprême de Monaco et la loi électorale

M. Laurent ANSELMI, Directeur des affaires législatives de la Principauté de Monaco, représentant le Tribunal suprême de Monaco

À Monaco, le contentieux des réclamations consécutives aux opérations électorales échappe à la cour constitutionnelle – le Tribunal suprême – mais est confié à la juridiction ordinaire.
La matière est en l’occurrence régie par les articles 52 à 58 de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, le premier alinéa de l’article 52 posant le principe de la compétence des tribunaux judiciaires en la matière : « Tout électeur a le droit d’arguer de nullité les élections auprès du tribunal de première instance. »
Ce contentieux a fait l’objet d’une jurisprudence peu abondante, seules pouvant être relevées quatre réclamations, les deux premières concernant les élections des membres du Conseil national, le parlement monégasque, du 15 janvier 1978 et les deux autres celles du 1er février 1998. Aucun de ces recours n’a abouti à l’annulation des élections des membres du Conseil national.
S’agissant de la juridiction constitutionnelle, il est toutefois apparu intéressant, dans le cadre du présent séminaire, de présenter une décision rendue par le Tribunal suprême en décembre 2002, à la requête des Sieurs René GIORDANO, Jean-Luc NIGIONI et Jean-Michel RAPAIRE, au sujet de la constitutionnalité d’une loi récente ayant modifié le système électoral monégasque[1].

A. Les faits

La loi n° 1.249 du 2 avril 2002 portant révision de la Constitution du 17 décembre 1962 a, notamment, modifié l’article 53 de la Constitution, dont l’alinéa 1er dispose désormais: « Le Conseil national comprend vingt-quatre membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste dans les conditions prévues par la loi. »
Pour l’application de ces dispositions, la loi n° 1.250 du 9 avril 2002 modifiant la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales a, notamment, modifié le régime électoral jusqu’alors régi par l’ancien article 20 de la loi n° 839, lequel prévoyait : « Le Conseil national comprend dix-huit membres élus pour cinq ans. […] Le suffrage est universel et direct. / Le scrutin est plurinominal majoritaire à deux tours, avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel; il est secret. […] ».
La modification du mode de scrutin pour les élections nationales entérinée par la loi n° 1.250 du 9 avril 2002, en ses articles 8 et 9, a consisté à remplacer le scrutin plurinominal majoritaire à deux tours, avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel (faculté pour l’électeur de modifier l’ordre de présentation des candidats sur une liste), par un système mixte, à savoir un scrutin de liste plurinominal à un tour, toujours avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel, combinant scrutin majoritaire pour deux tiers des sièges (soit seize sièges) et représentation proportionnelle pour le tiers restant (soit huit sièges), la répartition se faisant selon la règle de la plus forte moyenne.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions imposent la constitution de listes comportant un nombre de candidats égal ou supérieur au chiffre de la majorité absolue, soit treize candidats, ce qui a eu pour effet d’exclure les candidatures isolées, jusqu’alors admises.
Ainsi, l’article 8 de la loi n° 1.250 du 9 avril 2002 a modifié l’article 20 de la loi n° 839 susvisée comme suit :
« Le Conseil comprend vingt-quatre membres élus pour cinq ans. […] Le suffrage est universel et direct. / Les élections au Conseil national se font au scrutin de liste, plurinominal, à un tour, avec possibilité de panachage et sans vote préférentiel. Les listes en présence doivent comporter un nombre de candidats au moins égal à celui correspondant au chiffre de la majorité absolue au sein de cette assemblée soit treize, classés par ordre alphabétique. […] Le scrutin est secret. […]. »

De même, l’article 9 de la loi n° 1.250 précitée a ajouté un article 20-1 ainsi rédigé :

« Les deux tiers des sièges au Conseil national sont attribués au scrutin majoritaire. Le tiers restant est attribué au scrutin proportionnel. Sont tout d’abord élus les seize candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. En cas d’égalité des suffrages, le plus âgé des candidats est proclamé élu.
Les huit sièges restants sont attribués aux listes en présence, ayant obtenu au moins cinq pour cent des suffrages valablement exprimés, selon les modalités de la représentation proportionnelle.
Chaque liste obtient un nombre de sièges égal au nombre de fois où le quotient électoral est contenu dans le total des suffrages valablement exprimés en faveur de l’ensemble de ses candidats.
Le quotient électoral est obtenu en divisant le nombre total de suffrages valablement exprimés par le nombre de sièges à pourvoir à la proportionnelle.
Les sièges éventuellement restants sont attribués par application de la règle de la plus forte moyenne.
La moyenne est déterminée pour chaque liste en ajoutant, chaque fois qu’il y a un siège restant, un siège fictif au nombre de sièges qui lui sont attribués au scrutin proportionnel et en divisant le total des voix qu’elle a obtenues par le nombre de sièges, y compris le siège fictif ajouté.
Au sein de chaque liste, les sièges obtenus sont attribués aux candidats dans l’ordre du nombre de suffrages qu’ils ont obtenus. En cas d’égalité du nombre de suffrages, le plus âgé des candidats est élu. »

En application de l’article 90 – A – 2° de la Constitution, les Sieurs René GIORDANO, Jean-Luc NIGIONI et Jean-Michel RAPAIRE ont formé devant le Tribunal suprême, par requête déposée le 7 juin 2002, un recours en matière constitutionnelle en vue d’obtenir l’annulation des articles 8 et 9 précités de la loi n° 1.250 du 9 avril 2002 modifiant la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales.

B. La procédure

1. L’argumentation des requérants

À l’appui de leur recours, les requérants ont invoqué les moyens suivants:

  • l’article 8 de la loi n° 1.250 porterait atteinte à l’article 23 de la Constitution, dont le premier alinéa garantit « la liberté de manifester ses opinions en toutes matières », en ce que « la nouvelle exigence d’un nombre minimum de candidats sur une liste, en empêchant certains Monégasques de se présenter aux élections, porte atteinte à la liberté d’opinion aussi bien des candidats privés de la possibilité de se présenter que des électeurs privés de la possibilité de voter pour eux » (cf. requête du 7 juin 2002); par ailleurs, les requérants soutenaient que « l’exigence d’un nombre minimum de candidats, ne répondant ni à une logique institutionnelle, ni à une logique de technique de vote, ni à une logique liée au mode de scrutin, a pour seule logique d’entraver la liberté d’opinion du peuple monégasque » (ibid.);
  • l’article 9 de la loi dont s’agit porterait atteinte au principe d’égalité entre les Monégasques posé par l’article 17 de la Constitution, ainsi qu’à la liberté d’opinion garantie par l’article 23 de la Constitution, en ce que maintenir le panachage pour la partie proportionnelle du scrutin « revient à attribuer une voix à la liste de laquelle est issu le candidat pour lequel l’électeur a voté au moyen du panachage, alors que précisément l’électeur n’a pas voulu voter pour cette liste, ce qui constitue une déviation du vote portant atteinte à la liberté de l’électeur de manifester son opinion politique en votant pour les candidats de son choix et entraînant rupture de l’égalité entre l’électeur qui aura utilisé le panachage et celui qui ne l’aura pas utilisé » (cf. requête du 7 juin 2002);
  • – les articles 8 et 9 seraient également contraires à l’article 53 de la Constitution « en ce que, pour la partie proportionnelle du scrutin, le mode de scrutin n’est pas un scrutin de liste, mais un scrutin majoritaire déguisé, les effets proportionnels du système étant quasiment nuls, et le système étant au surplus inintelligible pour l’électeur, et portant atteinte à l’égalité entre électeurs et entre candidats » (cf. réplique du 30 août 2002).

2. La décision du Tribunal suprême

Le Tribunal suprême a rejeté dans leur totalité les moyens et les conclusions des requérants.

a) Sur le moyen tiré de la violation de l’article 23 de la Constitution par l’article 8 de la loi du 9 avril 2002 :
Dans cette décision, le Tribunal suprême affirme le principe que « seul un système électoral ayant pour effet d’empêcher la manifestation des opinions serait contraire à la liberté garantie par l’article 23 de la Constitution ».
Après avoir posé ce principe, le Haut Tribunal en fait application et considère qu’en l’espèce, « en exigeant la présentation des candidatures sous forme de liste comportant au moins treize candidats, le quatrième alinéa de l’article 20 […] n’a ni pour objet ni pour effet d’empêcher quiconque de manifester ses opinions; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l’article 23 de la Constitution est sans fondement ».

b) Sur les moyens tirés de la violation des articles 17 et 23 de la Constitution par l’article 9 de la loi du 9 avril 2002 :
Le Tribunal suprême considère que « par le panachage, les électeurs manifestent leur volonté de substituer aux candidats figurant sur une liste ceux d’une autre liste ; qu’en additionnant, pour obtenir le nombre total des voix obtenues par chaque liste, les voix obtenues par les candidats aussi bien par panachage avec une autre liste que sans panachage, les dispositions attaquées ont pour objet et pour effet de déterminer le total des voix obtenues par chaque liste ; que, loin de détourner la volonté des électeurs, elles en établissent un compte exact; que le vote de tous les électeurs, les voix obtenues par chaque candidat et le total des voix obtenues par chaque liste sont traités de la même manière ; que, par suite, les moyens tirés de la violation de l’article 23 et de l’article 17 de la Constitution ne sont pas fondés ».

c) Sur le moyen tiré de la violation de l’article 53 de la Constitution par les articles 8 et 9 de la loi du 9 avril 2002 :
L’article 90 – A – 2° de la Constitution dispose qu’en matière constitutionnelle, le Tribunal suprême statue souverainement « sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article » (concernant les recours en matière administrative).
Aussi, le Tribunal suprême considère-t-il, à propos de l’article 9 de la loi du 9 avril 2002, que « le moyen tiré de la violation de l’article 53 de la Constitution n’est pas de ceux qui peuvent être invoqués à l’appui d’un recours exercé en vertu de l’article 90 – A – 2° de la Constitution ».
Cependant, au sujet de l’article 8 de ladite loi, le Haut Tribunal a tenu à préciser que « l’article 53 de la Constitution impose l’élection des membres du Conseil au scrutin de liste dans les conditions prévues par la loi; qu’en exigeant la présentation des candidatures sous forme de liste comportant au moins treize candidats, le quatrième alinéa de l’article 20 fixe une des conditions prévues par l’article 53 de la Constitution ».

d) Sur les autres moyens:
Par ailleurs, le Tribunal suprême considère, au sujet de l’article 8 de la loi du 9 avril 2002, que « les moyens tirés de la violation de la logique institutionnelle, de la logique de technique de vote, de la logique liée au mode de scrutin, ne concernent pas une atteinte aux libertés et droits consacrés par le titre III de la Constitution ; qu’ils ne relèvent pas de la compétence du Tribunal Suprême ».

Enfin, au sujet de l’article 9 de ladite loi, il relève que « le moyen tiré du manque de clarté et d’intelligibilité de la loi est, en toute hypothèse, inopérant ».


  • [1]
    Cette décision figure sur la base de donnée de jurisprudence constitutionnelle de l’A.C.C.P.U.F.  [Retour au contenu]

 

 

Le rôle du Tribunal fédéral suisse comme autorité de recours dans le processus électoral

Robert ZIMMERMANN, Conseiller scientifique auprès du Tribunal fédéral suisse

Remarques liminaires

Contrairement à ce qui prévaut dans d’autres États, le Tribunal fédéral comme Cour constitutionnelle n’intervient pas dans les opérations préalables du scrutin. En particulier, il ne lui appartient pas de veiller à la bonne préparation et organisation du vote, par exemple par l’envoi de délégués dans les bureaux électoraux. Ceux-ci sont formés de citoyens, représentants toutes les sensibilités politiques, désignés spécifiquement pour cette tâche (qui inclut le dépouillement local). Les données rassemblées, y compris les procès-verbaux et les listes, sont acheminées auprès des services informatiques de l’État. Les résultats sont proclamés au niveau du canton, puis de la Confédération, dans les heures qui suivent la fermeture des bureaux de vote. Le Tribunal fédéral n’est pas investi de la mission de proclamer des résultats, ni de celle consistant à contrôler le financement public des partis politiques et les comptes des campagnes électorales.
Le Tribunal fédéral tranche les recours, relatifs au droit de vote, formés contre les décisions des autorités fédérales et cantonales inférieures. Il n’y a pas de saisine directe du Tribunal fédéral dans cette matière. La section compétente est la Première Cour de droit public.
Dans l’analyse, il convient de prendre en compte la démocratie directe dont les deux principales institutions, le référendum[1] et l’initiative[2] populaires, ont donné lieu à une abondante jurisprudence. Les référendums et les initiatives sont nombreux, ce qui a pour effet que les citoyens sont très fréquemment appelés à voter, au moins quatre fois par an et souvent sur plusieurs objets simultanément[3].
On distingue l’exercice des droits politiques au niveau de l’État fédéral (la Confédération) et des États fédérés (les cantons). Les droits politiques au niveau fédéral sont régis par le droit fédéral[4], au niveau cantonal par le droit cantonal. En légiférant, les cantons sont tenus de respecter les droits fondamentaux des citoyens, en particulier le principe d’égalité[5]. La jurisprudence du Tribunal fédéral joue un rôle important dans la concrétisation de ces droits[6].

A. La protection des droits politiques au niveau de la Confédération

Pour ce qui concerne les droits politiques en matière fédérale, la protection juridique n’est assurée que dans une mesure restreinte. On distingue à cet égard le recours relatif au droit de vote, le recours relatif aux votations et le recours relatif à l’élection du Conseil national[7]. Le recours relatif au droit de vote concerne les décisions relatives au domicile politique[8], au registre des électeurs[9], à l’exercice du droit de vote, à l’urne ou par correspondance[10], au vote des invalides[11] et au contrôle des signatures pour le référendum populaire[12]. Dans ces matières, il faut d’abord recourir auprès du gouvernement cantonal[13], dont la décision peut être entreprise devant le Tribunal fédéral[14]. Le recours relatif aux votations vise à redresser les irrégularités affectant les scrutins fédéraux. La voie du recours est ouverte auprès du gouvernement cantonal[15], puis, le cas échéant, auprès du Conseil fédéral[16]. Le recours au Tribunal fédéral est exclu[17]. Les contestations relatives à l’élection du Conseil national sont tranchées par le gouvernement cantonal[18], puis par le Conseil national lui-même[19], dont la décision n’est pas attaquable auprès du Tribunal fédéral[20]. Celui-ci connaît des recours dirigés contre les décisions prises par la Chancellerie fédérale[21] concernant l’aboutissement d’une initiative populaire ou d’un référendum[22], la validité formelle de la liste des signatures[23] ou le titre de l’initiative[24]. Il n’y a pas de recours contre la fixation de la date du scrutin[25], le message officiel à l’appui du scrutin[26] et la validité de l’intervention étatique dans le scrutin[27]. L’élection du Conseil des États est régie par le droit cantonal[28], y compris pour ce qui concerne les voies de droit.

B. La protection des droits politiques au niveau des cantons

Les droits politiques du citoyen comprennent les droits de voter, de signer des initiatives et des demandes de référendum, ainsi que le droit d’élire et d’être élu[29]. Pour leur protection, le Tribunal fédéral dispose d’une pleine compétence. Il peut être saisi par la voie du recours de droit public au sens de l’article 85 let. a OJ, contre tous les actes cantonaux et communaux affectant les droits politiques, quelle que soit leur forme[30]. Le citoyen peut aussi se plaindre que l’acte attaqué heurterait les droits politiques garantis par une norme supérieure[31]. Lorsque le recours porte sur une consultation cantonale ou sur le traitement d’une initiative populaire, la qualité pour agir appartient à tous les citoyens actifs exerçant leur droit de vote dans la collectivité publique concernée[32]. Le recours peut aussi être exercé par les partis politiques[33] ou d’autres organisations, telles qu’un comité formé pour le lancement d’une initiative ou d’une référendum, à condition que ces groupements soient constitués en personnes morales[34]. Cette voie de droit n’est pas accessible aux organes de l’État, ni aux collectivités publiques[35]. Le candidat évincé peut recourir pour se plaindre de la violation des règles ayant trait à l’éligibilité et aux incompatibilités[36]. Par le recours pour violation du droit de vote, le citoyen exerce non seulement un droit individuel, mais aussi une compétence organique et donc une fonction publique. Cette particularité justifie d’examiner le fond d’un tel recours même s’il n’y a plus d’intérêt pratique à annuler l’acte attaqué, lorsque le recours porte sur des questions juridiques que l’intérêt public, après comme avant, commande de clarifier[37]. Le Tribunal fédéral n’annule une élection ou un scrutin relatif à un référendum ou à une initiative que si l’irrégularité constatée a été de nature à affecter le résultat[38].
Saisi d’un recours de droit public pour la violation du droit de vote, le Tribunal fédéral examine librement l’interprétation et l’application du droit constitutionnel cantonal ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et l’étendue[39] ; il revoit sous l’angle restreint de l’arbitraire l’application d’autres règles de droit, ainsi que la constatation et l’appréciation des faits par l’autorité cantonale[40]. En présence de deux interprétations également défendables, il donne la préférence à celle retenue par le Parlement ou, de façon tacite ou expresse, par le peuple du canton[41].

C. Questions choisies[42]

1. Actes préparatoires

Les décisions relatives aux actes préparatoires du scrutin peuvent être attaquées avant et après celui-ci[43]. Ainsi, par exemple, les électeurs peuvent contester la formulation de la question qui leur est posée dans le cadre d’une votation relative à une initiative ou un référendum, ainsi que la présentation typographique du bulletin de vote[44]. Ils peuvent aussi attaquer les messages officiels et les rapports explicatifs émanant des autorités de la collectivité publique concernée[45].

2. Découpage des circonscriptions électorales, composition des listes de candidats et vérification de la qualité d’électeur

Dans la plupart des cantons, l’élection du Parlement se fait au scrutin proportionnel. À ce propos, le Tribunal fédéral a jugé que dans un district qui ne dispose que de deux sièges, le fait d’exclure de la répartition finale les listes qui n’ont pas obtenu le quotient électoral dans la première répartition est contraire au principe de la représentation proportionnelle[46]46. Sont en revanche compatibles avec celle-ci les prescriptions limitant le cumul et le panachage des candidats[47]. La répartition du nombre de sièges entre les différentes circonscriptions électorales a également donné lieu à jurisprudence[48].

3. Campagne électorale et propagande

Dans les scrutins ayant trait à des initiatives et référendums cantonaux et communaux, il est admis que la collectivité publique concernée puisse intervenir dans la campagne électorale, selon des conditions et des modalités définies restrictivement. Une telle intervention est en revanche exclue lors d’élections[49]. Elle doit être justifiée par des motifs importants, notamment lorsqu’il s’agit de garantir la formation libre et éclairée des citoyens, par exemple pour leur donner une information objective ou redresser des informations manifestement erronées de la propagande adverse[50]. Les moyens utilisés doivent rester proportionnés à ce qui est nécessaire[51]. Les messages officiels, complets et clairs, doivent exposer de manière impartiale et équivalente l’opinion des citoyens à l’origine de l’initiative ou du référendum en question[52]. L’intervention excessive des tiers (citoyens, partis politiques, comités divers) peut aussi conduire à l’invalidation du scrutin. En ce sens, le respect des droits politiques et du caractère libre et honnête du scrutin est opposable non seulement aux organes étatiques, mais aussi aux tiers. En cela, les droits politiques produisent aussi un effet dit horizontal[53].

4. Contrôle des normes

Le recours pour violation du droit de vote au sens de l’art. 85 let. a OJ peut être formé directement contre une loi cantonale dont les recourants prétendent qu’elle restreindrait les droits politiques garantis par le droit supérieur[54]. Un tel contrôle peut aussi être exercé a posteriori, dans le cadre d’un recours formé contre un acte cantonal touchant aux droits politiques.

5. Financement

Il n’existe pas de législation relative au financement public des partis, ni de contrôle des dépenses électorales. Toutefois, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de juger inconstitutionnel le fait de réserver le remboursement des frais d’impression des listes électorales aux seuls partis ayant obtenu au moins 7,5 % des suffrages de liste par circonscription électorale[55], ainsi que la loi électorale cantonale limitant à 50 000 CHF les contributions de tiers au financement des campagnes électorales cantonales[56].

6. Procédures spéciales de vote

En dérogation à la règle qui veut que les droits politiques s’exercent dans la commune du lieu de domicile, les nomades exercent leurs droits dans leur commune d’origine[57]. Les personnes astreintes au service militaire ou civil peuvent voter par correspondance, y compris dans les scrutins cantonaux et communaux[58]. Les autorités fédérales, cantonales et communales instituent le vote par correspondance, en veillant à préserver le secret du vote[59]. Le vote par procuration est admis, à condition que son contrôle n’aboutisse pas à dévoiler l’identité des citoyens ayant voté par ce moyen[60]. Le vote électronique[61] fait actuellement l’objet d’expérimentations[62].

7. Dispositions pénales

Le code pénal réprime les violences commises dans le cadre des campagnes électorales[63], l’atteinte au droit de vote d’autrui[64], la corruption[65] et la fraude électorales[66], ainsi que la captation de suffrages[67] et la violation du secret du vote[68].

8. Le contrôle des initiatives

Le recours institué par l’art. 85 let. a OJ permet au citoyen de se plaindre de ce qu’une initiative a été indûment soustraite au scrutin populaire, notamment parce qu’elle a été déclarée totalement ou partiellement invalide par l’autorité chargée de cet examen, et quelle que soit la motivation de cette décision. La qualité pour recourir dans ce domaine appartient à toute personne à laquelle la législation cantonale accorde l’exercice des droits politiques pour participer à la votation en cause, même si elle ne peut faire valoir aucun intérêt juridique personnel à l’annulation de l’acte attaqué[69]. Une initiative doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, cantonal, fédéral ou international[70]. L’autorité appelée à statuer sur la validité matérielle d’une initiative doit en comprendre les termes dans le sens le plus favorable aux initiants, en usant des méthodes d’interprétation reconnues. Lorsque le texte d’une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valide et soumise au peuple[71], quitte à annuler partiellement l’initiative, pour autant que la partie subsistante puisse former un tout cohérent et corresponde à la volonté des initiants[72].


  • [1] Pour mémoire, on rappellera que le référendum consiste, pour une fraction déterminée du corps électoral, à contester une loi votée par le Parlement. Une fois le nombre de signatures requises réunies dans un délai fixé après la publication de la loi, celle-ci est soumise au vote du peuple.  [Retour au contenu]
  • [2] Pour mémoire, on rappellera que l’initiative consiste, pour une fraction déterminée du corps électoral, à soumettre au peuple une proposition de modification de la Constitution ou l’adoption d’une loi.  [Retour au contenu]
  • [3] En mai 2003, les électeurs ont eu à se prononcer simultanément sur huit objets fédéraux, sans compter les objets cantonaux et communaux.  [Retour au contenu]
  • [4] Art. 136 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101). Les textes y relatifs sont la loi fédérale sur les droits politiques, du 17 décembre 1976 (LDP ; RS 161.1) et l’ordonnance d’exécution de cette loi, du 24 mai 1978 (ODP ; RS 161.11).  [Retour au contenu]
  • [5] Art. 8 Cst.  [Retour au contenu]
  • [6] Les arrêts du Tribunal fédéral (ATF) sont accessibles sur le site fédéral (www.admin.ch).  [Retour au contenu]
  • [7] Le Conseil national est l’une des deux Chambres de l’Assemblée fédérale (Parlement). Il est composé de 200 députés du peuple. L’autre Chambre, le Conseil des États, représente les États fédérés, à raison de deux députés par canton (art. 148- 150 Cst.).  [Retour au contenu]
  • [8] Art. 3 LDP.  [Retour au contenu]
  • [9] Art. 4 LDP.  [Retour au contenu]
  • [10] Art. 5 al. 3 LDP.  [Retour au contenu]
  • [11] Art. 6 LDP.  [Retour au contenu]
  • [12] Art. 60-63 LDP.  [Retour au contenu]
  • [13] Art. 77 al. 1 let. a LDP.  [Retour au contenu]
  • [14] Art. 80 al. 1 LDP.  [Retour au contenu]
  • [15] Art. 77 al. 1 let. b LDP.  [Retour au contenu]
  • [16] Art. 81 LDP. Pour mémoire, le Conseil fédéral est le gouvernement collégial de la Confédération (art. 174 Cst.).  [Retour au contenu]
  • [17] Art. 100 al. 2 let. p de la loi fédérale d’organisation judiciaire, du 16 décembre 1943 (OJ; RS 173.110).  [Retour au contenu]
  • [18] Art. 77 al. 1 let. c LDP.  [Retour au contenu]
  • [19] Art. 83 LDP.  [Retour au contenu]
  • [20] Art. 100 al. 2 let. p LDP.  [Retour au contenu]
  • [21] La Chancellerie fédérale est le Secrétariat général du Conseil fédéral (art. 179 Cst.).  [Retour au contenu]
  • [22] Art. 80 al. 2 LDP.  [Retour au contenu]
  • [23] Art. 80 al. 3 LDP, mis en relation avec l’art. 69 al. 1 LDP.  [Retour au contenu]
  • [24] Art. 80 al. 3 LDP, mis en relation avec l’art. 69 al. 2 LDP.  [Retour au contenu]
  • [25] Décision du Conseil fédéral du 17 mai 2000, W., reproduite in : Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (JAAC) 64.100.  [Retour au contenu]
  • [26] Décision du Conseil fédéral du 17 mai 2000, E., reproduite in : JAAC 64.101.  [Retour au contenu]
  • [27] Décision du Conseil fédéral du 17 mai 2000, E. et consorts, reproduite in : JAAC 64.104.  [Retour au contenu]
  • [28] Art. 83 LDP  [Retour au contenu]
  • [29] ATF 128 I 34 consid. 1b p. 36.  [Retour au contenu]
  • [30] ATF 128 I 34 consid. 1b p. 36 ; 123 I 97 consid. 1b/aa p. 100.  [Retour au contenu]
  • [31] ATF 123 I 41 consid. 6bp. 46.  [Retour au contenu]
  • [32] ATF 121 I 140 consid, 1, 252 consid. 1b p. 255, 357 consid. 2a p. 360, et les arrêts cités.  [Retour au contenu]
  • [33] ATF 123 I 41 consid. 6a p. 46 ; 121 I 252 consid. 1b p. 255, 334 consid. 1a p. 337, 357 consid. 2a p. 360, et les arrêts cités.  [Retour au contenu]
  • [34] ATF 114 Ia 270 consid. 2b, 113 Ia 49 consid. 1a, 112 Ia 211 consid. 1a.  [Retour au contenu]
  • [35] ATF 118 Ia 201 consid. 3b, 117 Ia 244 consid. 4a, et les arrêts cités.  [Retour au contenu]
  • [36] ATF 128 I 34 consid. 1e p. 38. L’électeur a le droit de s’opposer à ce qu’une candidature qui n’a pas été présentée conformément aux prescriptions applicables soit néanmoins soumise aux électeurs, ATF 113 Ia 43.  [Retour au contenu]
  • [37] ATF 104 Ia 226 consid. 1b p. 229.  [Retour au contenu]
  • [38] ATF 117 Ia 41. En d’autres termes, plus l’écart de voix est important, plus l’irrégularité doit être grave pour emporter l’annulation du scrutin. Lorsque le résultat du scrutin n’est acquis que de justesse et qu’un électeur évoque des indices concrets d’un décompte erroné des voix ou d’un comportement illicite des organes chargés de diriger la votation, les autorités doivent examiner de manière approfondie ses griefs; ATF 114 Ia 42.  [Retour au contenu]
  • [39] ATF 129 I 185 consid. 2 p. 190 ; 128 I 34 consid. 1g p. 39 ; 123 I 175 consid. 2ds p. 178-180.  [Retour au contenu]
  • [40] ATF 123 I 152 consid. 2a p. 155, 175 consid. 2d/aa p. 178.  [Retour au contenu]
  • [41] ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178 ; 121 I 2/3 consid. 2, 291 consid. 1c p. 293, 334 consid. 2b p. 338, 357 consid. 3 p. 360, et les arrêts cités.  [Retour au contenu]
  • [42] Le tableau qui suit n’est pas exhaustif. Il se borne à donner quelques illustrations de la jurisprudence.  [Retour au contenu]
  • [43] ATF 118 Ia 271.  [Retour au contenu]
  • [44] ATF 121 I 1.  [Retour au contenu]
  • [45] ATF 101 Ia 241.  [Retour au contenu]
  • [46] ATF 107 Ia 217.  [Retour au contenu]
  • [47] TF 118 Ia 415. On rappellera que le cumul consiste à ajouter sur la liste (au maximum une fois) le nom d’un candidat que l’on entend favoriser par rapport aux autres candidats de la même liste ; le latoisage consiste au contraire à biffer le nom d’un candidat que l’on entend défavoriser. Le panachage consiste à ajouter sur une liste le nom d’un candidat figurant sur une autre liste.  [Retour au contenu]
  • [48] Dans l’ATF 129 I 185, le Tribunal fédéral a constaté le caractère inconstitutionnel, au regard du principe de la représentation proportionnelle et de l’égalité de traitement, de la répartition opérée pour l’élection du Parlement de la ville de Zurich.  [Retour au contenu]
  • [49] ATF 124 I 55 consid. 2a p. 57/58.  [Retour au contenu]
  • [50] ATF 121 I 252 ; 119 Ia 271 ; 116 Ia 466 ; 114 Ia 427 ; 113 Ia 291.  [Retour au contenu]
  • [51] ATF 112 Ia 232.  [Retour au contenu]
  • [52] ATF 112 Ia 129.  [Retour au contenu]
  • [53] ATF 118 Ia 259 ; 102 Ia 264 ; 98 Ia 615.  [Retour au contenu]
  • [54] ATF 121 I 291 consid. 1 p. 293.  [Retour au contenu]
  • [55] ATF 124 I 55.  [Retour au contenu]
  • [56] ATF 125 I 441.  [Retour au contenu]
  • [57] Art. 3 al. 1 LDP. Cette disposition vise la petite communauté tzigane (ou rom), désignée sous la locution de « gens du voyage ».  [Retour au contenu]
  • [58] Art. 9 LDP.  [Retour au contenu]
  • [59] Art. 8 LDP. Concrètement, l’électeur reçoit le matériel électoral par la poste à son domicile. Il remplit son bulletin. Il appose sa signature et complète sa date de naissance sur un formulaire joint qui comporte un code-barre permettant de l’identifier sur le registre des électeurs. Il glisse le tout dans une enveloppe spéciale et remet celle-ci dans l’enveloppe d’expédition, à l’adresse du bureau de vote de sa commune. Le vote par correspondance a permis de réduite l’abstention. Il est très fréquemment utilisé, au point que dans certaines communes, le vote à l’urne a pratiquement disparu.  [Retour au contenu]
  • [60] ATF 113 Ia 161.  [Retour au contenu]
  • [61] Ce vote consiste pour le citoyen à voter depuis son ordinateur personnel. Il télécharge le bulletin, le remplit, puis le retourne par courrier électronique à un bureau de vote central.  [Retour au contenu]
  • [62] Art. 8a LDP. Des expériences ont eu lieu, avec succès, dans au moins deux scrutins communaux à Genève. Pour un état de la question, on peut se rapporter aux actes de la Journée 2002 d’informatique juridique, Berne 2003. La personne de référence dans ce domaine est Andreas Auer, Professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l’Université de Genève (andreas.auer@droit.unige.ch).  [Retour au contenu]
  • [63] Art. 279 CP.  [Retour au contenu]
  • [64] Art. 280 CP.  [Retour au contenu]
  • [65] Art. 281 CP.  [Retour au contenu]
  • [66] Art. 282 CP.  [Retour au contenu]
  • [67] Art. 282bis CP.  [Retour au contenu]
  • [68] Art. 283 CP.  [Retour au contenu]
  • [69] ATF 128 I 190 consid. 1.1 p. 193 ; 121 I 138 consid. 1 p. 139, 357 consid. 2a p. 360.  [Retour au contenu]
  • [70] ATF 128 I 190 consid. 4 p. 197 ; 124 I 107 consid. 5b p. 118/119.  [Retour au contenu]
  • [71] ATF 128 I 190 consid. 4 p. 197/198 ; 125 I 227 consid. 4a p. 213/232.  [Retour au contenu]
  • [72] ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118/119 ; 121 I 134 consid. 2a p. 338, 357 consid. 4 p. 362, et les arrêts cités.  [Retour au contenu]

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