Bulletin n°7 – Association des Cours Constitutionnelles Francophones

Association des Cours
Constitutionnelles Francophones

Le droit constitutionnel dans l’espace francophone

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Bulletin n°7

L'indépendance des juges et des juridictions

  •  Bucarest, Roumanie
  •  2005
  • N°ISBN 978-2-914106-10-6
  • © ACCF

Avant-propos

par Marie-Christine Meininger

Secrétaire général par intérim de l’ACCPUF

Le choix de « L’indépendance des juges et des juridictions », comme thème de la 4e Conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF, qui s’est tenue à Bucarest les 31 mai et 1er juin 2005, s’inscrit dans la tradition, maintenant établie, d’approfondissement des engagements pris par les ministres et chefs de délégation des États et gouvernements ayant le français en partage, le 3 novembre 2000, à Bamako.

Grâce à l’hospitalité de la Cour constitutionnelle de Roumanie et au rôle de son président, Monsieur Ioan Vida, cette rencontre a été un grand succès, salué par l’ensemble des participants. Qu’ils soient ici remerciés, ainsi que Monique Pauti, Secrétaire général de l’ACCPUF jusqu’en janvier 2006.

Au cours de deux journées de débats intenses, les chefs d’institution se sont interrogés sur la place de la justice dans la Constitution, la portée de l’indépendance des juges et des juridictions, des garanties qui l’entourent, et enfin des conditions juridiques et matérielles de cette indépendance.

Au préalable, et comme à l’accoutumée, les juridictions avaient répondu avec le plus grand soin au questionnaire qui leur avait été adressé par le Secrétariat général de l’ACCPUF. Ces réponses, dont la synthèse est présentée ici à la suite des débats, constituent une source exceptionnelle d’informations sur les textes en vigueur, leur mise en œuvre, la jurisprudence des Cours ainsi que les conditions réelles de fonctionnement de celles-ci.

La sincérité des débats, aux termes desquels une recommandation a été adressée à l’Organisation Internationale de la Francophonie, ainsi que la richesse des données recueillies sont autant de témoignages de la vitalité de l’ACCPUF et de son engagement à servir la poursuite des objectifs définis à Bamako.
Il restait à assurer la publication de ces travaux. Qu’il me soit permis de remercier ici les stagiaires de l’ACCPUF, Codrina Constantinescu, étudiante au collège franco-roumain de Bucarest, qui a assuré les traductions et la transcription des débats, ainsi que Josiane Chahounka, étudiante béninoise, qui a établi la synthèse des réponses au questionnaire. Sans oublier l’équipe du service des relations extérieures du Conseil constitutionnel français, qui a assuré l’édition de cet ouvrage.

Enfin, c’est grâce au soutien financier de l’Organisation Internationale de la Francophonie que cette publication a pu voir le jour.
Le message qu’elle porte confirme la place de l’indépendance des juges et des juridictions au cœur de l’État de droit, ainsi que le rôle qu’entend jouer à cet égard l’espace francophone, à travers les Cours membres de l’ACCPUF.

Introduction

par Monique Pauti[1]

Que dire aujourd’hui de nouveau sur l’indépendance de la justice ? Le lecteur peut se poser la question avec lassitude ou scepticisme. Le principe de l’indépendance, véritable colonne vertébrale de l’institution judiciaire a été si souvent analysé dans ses origines, son histoire, ses composantes ses applications voire ses transgressions, par des commentateurs très avertis (professeurs de droit, magistrats, auxiliaires de justice…) ou des observateurs critiques (medias…) que son étude semble épuisée.

Pourtant l’ACCPUF, par une décision concertée de ses membres a pris le parti d’en faire le thème de réflexion de la 4e Conférence des chefs d’institution réunie à Bucarest en juin 2005. La démarche de l’ACCPUF était claire : comment cette indépendance s’exprime-t-elle non seulement dans les textes mais aussi dans la réalité vécue par les Cours ?

Plus qu’un risque un pari était engagé : comment faire surgir une parole libre et vraie de la part de représentants d’institutions tels que les Cours et Conseils constitutionnels qui se situent au cœur même de l’équilibre institutionnel des États ? Qui plus est d’États démocratiques dont l’un des fondements est la séparation des pouvoirs. Souvent qualifiés d’organes régulateurs de l’activité des pouvoirs publics, les Cours et Conseils constitutionnels étaient par ce sujet invités à trouver un espace où ils pourraient sans négliger les conséquences de telle affirmation ou position qui risqueraient de les opposer au politique, ne pas porter atteinte au devoir de réserve que leur mission impose.

Tous ces risques ont été pesés et il a été décidé cependant de relever le défi.
Restait à trouver une démarche méthodologique rigoureuse, pour éviter l’écueil de la dispersion ou la reprise des lieux communs qu’un tel sujet pouvait susciter. Plusieurs mois avant la Conférence, un questionnaire détaillé, élaboré par le secrétariat général en accord avec la Présidence de l’ACCPUF, était envoyé à chacune des Cours et à chacun des Conseils membres.

Il distinguait :

  • l’indépendance de la justice ;
  • l’indépendance des juges ;
  • l’indépendance des juridictions.

Au sein de chacun de ces thèmes et des questions qui l’accompagnaient, devaient être mises en valeur les spécificités de la justice et des juges constitutionnels. Le taux des réponses reçues a permis de les considérer comme un instrument de référence utilisable pour une étude comparative. Pourtant la synthèse qui a pu en être faite a montré dans un nombre non négligeable de cas combien un tel sujet suscitait de la part des Cours réserve et prudence.

Il est sans doute possible d’attribuer ces dernières au fait que la rédaction des réponses n’émanait pas directement des Présidents eux-mêmes, mais de leurs collègues ou collaborateurs, enclins à plus de retenue. La spontanéité des débats a parfois donné lieu à des remarques très vives : il était normal compte-tenu des enjeux attachés aux propos de présidents ou représentants d’institutions, dans une position très sensible par rapport à l’exécutif, que leurs interventions telles qu’elles apparaissent dans cet ouvrage aient été revues par leurs auteurs à partir des enregistrements de séance. On peut espérer qu’aura ainsi été atteint un juste équilibre entre un discours trop direct et celui que la « raison d’état », ou plus simplement un certain « devoir de réserve » peut imposer.

C’est à la lumière de cet éclairage que le lecteur pourra prendre connaissance des travaux de cette conférence de Bucarest dont le déroulement a été facilité par les qualités d’organisation et d’accueil dont la Cour constitutionnelle roumaine a fait preuve. Il convient de l’en remercier à nouveau.

Le déroulement des travaux a une fois de plus révélé la solidarité et les liens profonds qui unissent les membres de l’Association. Ces liens nés de l’appartenance commune à la francophonie, sont aussi ceux créés par leur position semblable et combien délicate au sein de leurs États respectifs. Sur ce problème de l’indépendance, plus que sur tout autre, le soutien mutuel entre membres de l’ACCPUF comme celui de l’OIF sont vécus comme une nécessité, expressément sollicitée. La forte demande exprimée en ce sens par de nombreux participants restera l’apport le plus original et authentique de cette Conférence.

En effet, il est apparu évident que les participants à la rencontre de Bucarest se considéraient à juste titre comme des acteurs essentiels de la consolidation de l’État de droit dans chacun de leur pays. Et l’adhésion aux engagements pris par les ministres et chefs de délégations réunis à Bamako en 2000 se reflète concrètement à travers leurs témoignages et leur action.
Mais ces débats ont révélé leur profond réalisme. Le concept d’indépendance, même s’il est inscrit dans les textes, et il doit l’être, n’a de valeur que s’il est incarné dans la réalité quotidienne. Et cette réalité ne met pas toujours les acteurs de la justice à l’abri des pressions, de l’exécutif essentiellement. C’est sans concession, avec fermeté et courage, que certains représentants ont osé l’affirmer. Au demeurant, tous ont souhaité que soit clairement adressée une recommandation à leurs gouvernements respectifs, via le Secrétaire général de l’organisation intergouvernementale de la francophonie (cf. p. 169) rappelant les exigences minimales sans lesquelles l’indépendance de la justice n’est qu’un principe vide de contenu.

Deux points retiendront certainement l’attention du lecteur :

  • tant à travers la synthèse des questionnaires qu’à travers le compte rendu des débats, il constatera combien a été difficile pour les Cours et Conseils constitutionnels la distinction de leur indépendance de celle qui doit caractériser l’ensemble des représentants de l’institution judiciaire. Si la majorité des Cours ne font pas partie de l’ordre judiciaire, ce n’est pourtant pas le cas général. Quant au statut des juges constitutionnels, souvent spécifique, il emprunte toujours des éléments, d’inégale importance, à celui du juge ordinaire ;
  • le lecteur mesurera par ailleurs l’empreinte des systèmes juridiques, common-law ou système romano germanique, qui s’exprime par des traits ou procédures spécifiques témoignant du rattachement à tel ou tel de ces modèles ; ce facteur reste très présent. Ne doivent pas non plus être oubliés, dans les systèmes africains notamment, les emprunts au modèle français, si évidemment explicables par le poids de l’histoire.

Ces remarques étant faites, il apparaît que le constat tiré de l’examen de la réalité quotidienne de l’indépendance vécue par les Cours et Conseils constitutionnels est, outre celui d’une prise de conscience unanime de son caractère prioritaire et absolu comme il a été dit plus haut, celui non moins essentiel de ses corollaires qu’il convient de défendre, au premier rang desquels l’inamovibilité. Dans le cadre d’États « peu riches » en nombre de magistrats il ressort que ce principe se trouve, en des occasions qui ne sont pas exceptionnelles, battu en brêche, au nom de la notion de « nécessités du service ». Certaines Cours ont les moyens, de par leurs compétences et leur volonté, de sanctionner de tels écarts de l’exécutif. Et de l’avis général, une bonne formation, alliée à la force de caractère des magistrats, et à la pratique de la collégialité permettront de mieux résister à ces empiétements.

D’autres aspects, tel celui des salaires ou indemnités concernent également l’ensemble des magistrats. Il convient de ne pas les négliger car ils constituent un des éléments concrets de l’indépendance. Il est évident que des appointements élevés mettront les juges à l’abri des pressions et de la corruption. Sur ce plan de substantielles améliorations ont été relevées, pour les magistrats en général ; quant aux juges constitutionnels, il ne fait pas de doute que leurs indemnités sont aujourd’hui alignées sur celles des plus hauts dignitaires de l’État. D’autres éléments matériels apparaissent plus spécifiques aux Cours et Conseils constitutionnels, en particulier celui de l’indépendance financière de l’institution elle-même. L’indépendance d’une Cour n’est-elle pas battue en brèche lorsque son budget doit être discuté pied à pied avec le législatif et l’exécutif ?

Pour autant nombre de Cours et Conseils, et leur exemple suscite respect et admiration, n’ont pas manqué de réagir à toute atteinte au respect de l’indépendance des magistrats, affirmant ainsi leur propre indépendance par des décisions courageuses, voire audacieuses.

En réclamant de leur gouvernement, via l’OIF, l’adoption de règles minimales concernant en particulier la formation ou le mode désignation des juges ou encore la composition des Cours pour éviter les abus du pouvoir discrétionnaire, les juges constitutionnels affirment leur solidarité aussi bien que leur volonté de mieux garantir les justiciables.

Pour conclure ces propos introductifs, on ne peut que se réjouir de la vérité et de la profondeur des débats, qui témoignent de la maturité dont les Cours et Conseils représentés, pour la plupart des institutions jeunes, ont fait preuve, sur un thème dont le caractère sensible n’est plus à démontrer. Le lecteur à travers les témoignages fournis sera vite convaincu que le défiengagé a été affronté et y trouvera un message d’espoir pour la progression de l’État de droit.


  • [1]
    Lors de la Conférence de juin 2005, Monique Pauti était Secrétaire général de l’ACCPUF et chef du service des relations extérieures du Conseil constitutionnel français.  [Retour au contenu]

Compte-rendu des débats

Mardi 31 mai 2005

Allocution d’ouverture prononcée par le professeur Dr Ioan Vida,

président de la Cour constitutionnelle de Roumanie

Chère Madame la Présidente McLACHLIN, Mesdames et Messieurs les Présidents, Honorés collègues et amis ;

J’ai l’honneur de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue à la 4e Conférence des Chefs d’Institutions membres de l’ACCPUF. Au nom de la Cour constitutionnelle de Roumanie, nous sommes heureux de vous accueillir pour ce prestigieux événement, qui réunit de distingués participants, observateurs et invités. Votre présence, en si grand nombre, nous assure, que Bucarest, la capitale de la Roumanie, est devenue un point d’intersection de nos cultures, de nos aspirations, de nos activités scientifiques et pratiques, que nous dédions tous à la sauvegarde des valeurs suprêmes de la démocratie et de l’État de droit. Nous espérons que les efforts déployés pour l’organisation de cette conférence porteront leurs fruits, non seulement en ce qui concerne l’utilité des échanges d’expériences sur les thèmes proposés, mais aussi sur le plan des contacts personnels. Voilà pourquoi nous nous efforcerons de rendre votre séjour en Roumanie aussi agréable que possible, à travers, l’hospitalité traditionnelle des Roumains, et la beauté de notre pays.

La solennité de l’imposant édifice, dans lequel nous nous sommes rassemblés aujourd’hui, ne nous empêche pas de remarquer, un changement révélateur des profondes transformations subies par la Roumanie, ces quinze dernières années ; car l’ancienne « Maison du peuple » construite avant la Révolution de décembre 1989, abrite aujourd’hui, comme une réelle ouverture vers l’universalité, cette salle des « Droits de l’homme ».

La thématique même de notre réunion présente une importance particulière, compte tenu du contexte d’évolution de l’humanité au début de ce millénaire. L’indépendance de la justice au sein de l’ordre constitutionnel, l’indépendance des juges et l’indépendance des juridictions – des sujets qui seront largement traités pendant ces deux jours de débats, représentent des principes fondamentaux appartenant au « noyau dur » d’une Constitution, sur lequel repose l’ensemble de l’édifice de protection des droits et des libertés de l’homme. Conformément à l’article 21 de la Constitution de la Roumanie, le droit reconnu à toute personne de s’adresser aux instances de jugement pour la défense de ses droits et libertés se traduit par le droit d’accès libre à la justice, dont l’exercice ne peut être restreint.

Mais, la garantie de ces principes ne tient pas seulement à l’œuvre du législateur, elle constitue aussi un défi pour nous, afin de répondre à certaines circonstances sociales. Les changements inhérents à toute évolution doivent respecter un paradigme constitutionnel reposant sur les grands principes d’une société démocratique, parmi lesquels l’équilibre et la séparation des pouvoirs.

Ainsi, l’indépendance de la justice et des juges ne doit pas conduire, en même temps, à un soit-disant « gouvernement des juges ». Dans l’accomplissement de leur mission, les instances de jugement peuvent déterminer, en raison des décisions rendues, des orientations de nature personnelle ou patrimoniale ou peuvent influencer l’activité de l’administration publique, suite à l’annulation de certains de ses actes. Cependant, aucune immixtion d’un gouvernement dans l’acte de justice ne pourrait être acceptée, sans que l’État de droit ne soit lui-même mis à mal. Pour jouer son rôle de garant du respect de la loi et de la protection des droits de l’homme contre toute violation ou tout abus, la justice doit être impartiale et indépendante. L’indépendance de la justice est une caractéristique fondamentale de la séparation des pouvoirs (contrairement au fonctionnement des régimes totalitaires, que certains d’entre nous ont connus), non seulement à travers des débats d’idées, mais aussi par le biais de vives controverses doctrinales.

En Roumanie, la Loi fondamentale proclame, dans le premier article [1] de la section consacrée aux instances judiciaires, que la justice est rendue conformément à la loi et que cette loi est unique, impartiale et égale pour tous. Le même article poursuit que les dispositions constitutionnelles relatives à la question de l’indépendance de la justice ne peuvent pas faire l’objet d’une révision de la Constitution.

L’alinéa 3 dudit article de la Constitution énonce en outre le caractère neutre du pouvoir judiciaire, lorsqu’il affirme que « les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à la loi ».

L’interdiction d’appartenir aux partis politiques et d’exercer toute autre fonction publique ou privée, concrétise leur impartialité et leur indépendance.

Dans ces conditions, l’indépendance du juge doit être entendue en tant que liberté d’appréciation des faits qui lui sont soumis et en tant que liberté d’interprétation de la loi qu’il est tenu d’appliquer en l’espèce. Pour prouver son impartialité, le juge doit rester inaccessible à toutes pressions, qu’elles soient internes ou externes, politiques, financières ou médiatiques.

D’un autre point de vue, la garantie la plus significative de l’indépendance de la justice, de son fonctionnement normal et impartial, est l’inamovibilité accordée au juge. De plus, l’indépendance des juges est de nature à protéger l’indépendance des juridictions, notamment celle des juridictions constitutionnelles, de sorte que celles-ci puissent fonctionner à l’abri des ingérences et sans que les différentes autorités n’empiètent sur leur fonctionnement. La Cour Suprême du Canada montre bien cette exigence en affirmant que : « Historiquement, ce qui a généralement été accepté comme l’essentiel du principe de l’indépendance judiciaire a été la liberté complète des juges pris individuellement d’instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises : personne de l’extérieur – que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge – ne doit intervenir en fait, ou tenter d’intervenir, dans la façon dont un juge mène l’affaire et rend sa décision. Cet élément essentiel continue d’être au centre du principe de l’indépendance judiciaire [2]. »

La Cour constitutionnelle de Roumanie a eu elle aussi à se prononcer, très tôt après sa création, sur une loi, sur la base de laquelle le cours du jugement de certaines causes portées devant la justice ou la mise en application de certains arrêts définitifs auraient été suspendus, jusqu’à l’adoption d’une loi future. La Cour a déclaré cette disposition inconstitutionnelle, car « elle enfreint les rapports constitutionnels entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. (…) Une immixtion du pouvoir législatif mettrait l’autorité judiciaire dans l’impossibilité de fonctionner, en se référant à une certaine catégorie de causes et à une certaine période dans le temps ; elle aurait pour conséquence la rupture de l’équilibre constitutionnel entre ces autorités [3] ».

Chers collègues, chers invités, Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de souhaiter plein succès aux travaux de notre conférence et à tous les participants, nourrissant la conviction que l’esprit constructif de ces débats contribuera à l’enrichissement de l’expérience de nos instances nationales.

Mme R. Weber

Conseillère du président de la République de Roumanie

lecture du message adressé par le président de la République à l’occasion de la conférence).

Depuis déjà une décennie, la Cour constitutionnelle occupe une place spécifique dans le système de l’État de droit roumain. Mais dès le début, elle a connu des critiques. Celles-ci ont visé surtout le statut sui-generis reconnu à la Cour du point de vue politique et juridique au niveau de l’ensemble des autorités publiques. Ainsi, la Cour a dû prouver à ses détracteurs son utilité. Depuis quelques années, le nombre de demandes adressées à la Cour ne cesse de s’accroître, qu’il s’agisse de recours formés au moment de l’adoption d’une loi, ou de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée à l’occasion d’un procès. C’est la preuve que les justiciables et leurs avocats commencent à se rendre compte de la place importante que la juridiction constitutionnelle doit occuper.

Pourtant, des aspects qui au début semblaient acquis, comme l’effet obligatoire constitutionnellement reconnu aux décisions de la Cour, sont aujourd’hui remis en question par les magistrats eux-mêmes. Ceux-ci interprètent les décisions de la Cour comme de simples recommandations dont le Parlement doit tenir compte dans le futur pour l’élaboration d’autres lois.

Une question mérite donc d’être posée : cette étape est-elle dépassée aujourd’hui ? Il reste à voir si les magistrats confirment, à travers leur conception du rôle de la juridiction constitutionnelle, eux aussi cette impression.
Enfin, je souligne l’actualité du sujet choisi pour cette 4e Conférence et j’espère bien qu’elle dépassera les considérations théoriques pour aborder la réalité immédiate, rendant ainsi accessibles ces questions, aux justiciables.

Mme B. McLLachlin

Présidente de l’ACCPUF

Juge en chef du Canada.

Je voudrais tout d’abord situer l’ACCPUF dans le cadre plus large de la francophonie, et mettre en évidence sa vitalité à travers la grande participation à cette Conférence de Bucarest. Ensuite, il faut souligner que l’association ne cesse de s’agrandir : l’Algérie a soumis sa candidature après avoir été invitée lors de la Conférence d’Ottawa de 2003, la Tunisie la remplace maintenant en tant que cour invitée. L’organisation témoigne de sa vitalité à travers les rencontres organisées et par ses nombreuses publications. Il faut saluer à cet égard la publication du 5e bulletin sur le « Fonctionnement des Cours constitutionnelles en période électorale », véritable travail de droit comparé.

Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien financier et logistique de l’AIF [4]. Pour cette raison, il faut placer toutes les activités de l’ACCPUF dans le cadre plus large de la francophonie et, plus particulièrement, de l’AIF.

Je tiens en outre à assurer l’AIF que la collaboration des réseaux pour la mise en œuvre des résolutions de Bamako ne cessera de s’approfondir.

Je remercie la Commission de Venise de son appui, visant surtout l’échange constant des jurisprudences des Cours francophones grâce à la base de données CODICES (qui sera aussi présentée).

La quatrième Conférence des Chefs d’institutions bénéficie d’un lieu privilégié de par son histoire et ses traditions francophones. En effet, le choix de Bucarest permet de bien mettre en valeur les liens communs de tous les participants, c’est-à-dire : le droit constitutionnel et la francophonie. La participation des représentants – chefs d’institutions – de presque tous les pays membres de l’ACCPUF donnera lieu, à un dialogue très enrichissant sur le thème choisi pour cette conférence, à savoir « l’indépendance des juges et des juridictions ».

Ce thème très ample et très complexe sera développé selon les volets suivants :

  • la place et l’indépendance de la justice ;
  • l’indépendance des juges ;
  • l’indépendance des juridictions.

Cette conférence a une influence significative sur le congrès de 2006 et présente un intérêt considérable pour la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie [5] (DDHD) de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, car l’indépendance et l’équilibre des pouvoirs sont des garants du fonctionnement démocratique de la société et de la protection des droits de l’homme. Le choix de la Roumanie, comme je l’avais déjà souligné, est très significatif, car la Roumanie, est une participante très enthousiaste de la francophonie.

Mme P. Herdt

Responsable de projets ;

au nom de Mme C. Desouches,

Délégué à la démocratie et aux droits de l’homme;

Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)

Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle de Roumanie, Madame le Conseiller présidentiel,

Madame le Président de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français, juge en chef du Canada,

Mesdames et Messieurs les Présidents et Membres des Cours et Conseils constitutionnels, Madame le Secrétaire général de l’ACCPUF,

Monsieur le représentant de la Commission de Venise, Mesdames et Messieurs,

En débutant la lecture de ce message, permettez-moi, tout d’abord, de vous présenter les profonds regrets de Madame Christine DESOUCHES, Délégué aux droits de l’homme et à la démocratie de l’Organisation internationale de la Francophonie, qui aurait vivement souhaité participer à cette Conférence et de vous confirmer, au nom de Son Excellence Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire général de la Francophonie, l’intérêt majeur que notre institution porte à l’ACCPUF, depuis maintenant huit ans, lorsqu’à Paris, en avril 1997, l’Assemblée générale constitutive de l’Association a procédé à l’adoption de ses statuts et consacré la participation de la Francophonie en qualité d’observateur à ses travaux.

Nous sommes convaincus que l’engagement initial formulé par l’ACCPUF en faveur du partage des idées, de l’information et des méthodes, mais également de la créativité et de la diversité dont se nourrissent le droit comparé et la concertation francophone, a pleinement contribué, de par la qualité des travaux de l’ACCPUF, à cet objectif qui s’exprime dans la notion d’effectivité des institutions de l’État de droit et de la démocratie ainsi qu’à une connaissance plus approfondie et à une appropriation, par la communauté francophone, du fonctionnement des juridictions que vous représentez, aussi bien que des textes constitutionnels en vigueur dans vos États.

Aujourd’hui, à Bucarest, en cette fin de mois de mai 2005, cet engagement initial dispose d’un lieu hautement symbolique pour l’expression de nouvelles ambitions mobilisatrices. C’est à Bucarest, en effet, que les Chefs d’État et de Gouvernement des pays ayant le français en partage tiendront, en 2006, leur XIe Sommet. Surtout, notre inspiration se trouve ici encouragée par le rôle exemplaire joué par les institutions pour ancrer les valeurs francophones au sein de l’Est européen et nous pensons en particulier à la Cour constitutionnelle de Roumanie, institution dont la dynamique est tout à fait significative, mais également à la Cour constitutionnelle de Moldavie qui a associé la Francophonie, en février dernier, aux manifestations organisées à l’occasion de son 10e anniversaire. La Francophonie consacrera par ailleurs de nombreux efforts, tout au long de l’exercice 2005, à l’élaboration de sa nouvelle programmation, désormais quadriennale, pour les années 2006 à 2009, en réponse au Cadre stratégique décennal de l’OIF adopté par nos Chefs d’État et de gouvernement à Ouagadougou, en novembre 2004.

Aussi, ce contexte s’avère éminemment propice à un nouvel élan et nous avons pour ce faire identifié quelques perspectives à la lumière d’un partenariat désormais éprouvé, entre l’ACCPUF, les juridictions constitutionnelles et l’Organisation internationale de la Francophonie.

Il s’agit en premier lieu du soutien de la Francophonie aux fins de renforcement des capacités des juridictions constitutionnelles et, à titre d’illustration, j’évoquerai les actions menées cette année avec le Conseil constitutionnel du Burkina Faso en vue de la tenue d’un important séminaire sur la procédure en matière électorale, le Conseil constitutionnel de Djibouti et la Cour constitutionnelle du Niger, pour la fourniture d’un équipement, ou encore la Cour constitutionnelle de Moldavie, pour la publication de travaux menés en début d’année dans le cadre de son dixième anniversaire. Au titre de l’année 2005, nous avons également programmé une action de renforcement des capacités de la Cour constitutionnelle du Burundi et du Conseil constitutionnel du Tchad, ainsi qu’un appui au projet d’informatisation des décisions et avis de la Cour constitutionnelle du Bénin. Il y a là, omniprésente, l’expression de cette option, forte, en faveur du développement des institutions des États francophones, et le choix, clair, en réponse notamment à la Déclaration et au Programme d’action de Bamako, de contribuer, sous de multiples modalités, à la consolidation de l’État de droit.

L’accompagnement des juridictions constitutionnelles francophones s’est trouvé cette année encore approfondi puisque la Francophonie a su mobiliser, durant plusieurs mois, de hautes compétences, et je pense en particulier au savoir-faire des Cours béninoise et malgache, en faveur des Cours constitutionnelles de transition et de sortie de crise, comme la Cour constitutionnelle de l’Union des Comores ainsi que la Cour constitutionnelle de transition de la République centrafricaine, institutions clés, vous le percevez, des processus de paix.

Les projets que nous recevons de vos institutions mettent en exergue des objectifs significatifs, parmi lesquels la volonté de parvenir à une meilleure connaissance par les citoyens du fonctionnement des institutions, l’intérêt du développement de l’expertise francophone et de l’offre de formation, sur des questions qui ont trait à la matière constitutionnelle aussi bien que sur des thématiques électorales. Aux fins d’une efficacité toujours accrue de vos juridictions, est souhaité le développement continu des outils d’information et de communication. Enfin, un chantier essentiel se dessine également en matière de prévention des conflits. Il sera au cœur de la réflexion que nous engagerons avec les représentants des réseaux institutionnels francophones à l’occasion d’une réunion prévue à Maurice en juillet 2005.

La Francophonie est soucieuse d’un ajustement de ses ressources et objectifs à vos attentes et il s’agira également, pour notre Organisation, de poursuivre l’accompagnement des rencontres statutaires de l’Association parmi lesquelles les Congrès ainsi que les séminaires des correspondants nationaux, dont les méthodes, inventives, et l’éclairage porté sur des sujets extrêmement pratiques, nous interpellent systématiquement.

Au-delà de ces actions qui nous font nous rencontrer ponctuellement, la Francophonie ambitionne, avec votre concours, une opérationnalité accrue du dispositif d’observation et d’évaluation permanentes prévu par le chapitre 5 de la Déclaration de Bamako. Adopté le 3 novembre 2000, ce texte normatif de référence, portant engagements des États francophones pour la consolidation de l’État de droit, la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, la gestion d’une vie politique apaisée, la promotion d’une culture démocratique intériorisée et le plein respect des droits de l’homme, a en effet prévu, à la suite de cet énoncé, un dispositif, interactif, de suivi et d’alerte, qui se fonde sur une observation systématique des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone.

Le programme d’action de Bamako, adopté en octobre 2002 par les Chefs d’État et de Gouvernement francophones, est venu encore renforcer cet engagement et a précisé les modalités de mise en œuvre de ce suivi partagé, soulignant le rôle naturel qui revient aux partenaires privilégiés de la Francophonie, et notamment aux réseaux institutionnels.

Cette ambition suppose une action de proximité, déconcentrée et partagée, depuis la collecte de l’information et son traitement, jusqu’à son évaluation, croisée. La Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie se dotera, dans les prochains mois, dans cette perspective, d’un système d’information, dont le premier volet, c’est-à-dire un site Internet spécifique, a été lancé en novembre 2004.

La pleine opérationnalité de ce dispositif requiert surtout votre concours et, pour ce faire, la formulation des modalités précises de participation de vos Cours et de l’Association à ce projet majeur. Parmi celles-ci, figure la diffusion et la valorisation des travaux et publications de l’ACCPUF au sein du système d’information francophone qui, à terme, sera accessible en ligne sur Internet, mais également la valorisation des textes et jurisprudences des juridictions constitutionnelles. Il s’agira aussi d’identifier une expertise susceptible de procéder à la synthèse des nombreuses problématiques traitées depuis 1997 par l’ACCPUF et, par là, à la mise en exergue des problématiques significatives de l’évolution et de l’état des juridictions constitutionnelles francophones ainsi qu’à une première compilation des pratiques positives. Ces éléments sont appelés à contribuer au rapport annuel préparé par la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie à l’attention du Secrétaire général de la Francophonie, sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés, dont le premier volume a été transmis récemment à l’ensemble des Chefs d’État et de Gouvernement francophones et qui vous sera communiqué sous peu. Ces éléments devraient également nourrir la réflexion que nous mènerons ensemble, en novembre prochain, à l’occasion d’une Conférence dite « Bamako + 5 » et, auparavant, lors d’un rendez-vous à Cotonou, sur le bilan des institutions et des pratiques démocratiques dans l’espace francophone ainsi que lors d’une réunion sur le bilan de l’observation électorale. Sur cette question, nous saluons l’important travail réalisé par l’ACCPUF pour la publication d’un bulletin consacré au rôle et au fonctionnement des Cours constitutionnelles en période électorale.

Dans ce contexte, je voudrais vous confier, au nom de Madame le Délégué aux droits de l’homme et à la démocratie, notre intérêt immédiat pour le thème de la présente Conférence, consacrée à l’indépendance des juges et des juridictions.

Pour la consolidation de l’État de droit, les États et gouvernements francophones, en adoptant la Déclaration de Bamako, se sont en effet engagés à « Renforcer les capacités des institutions de l’État de droit, classiques ou nouvelles, et œuvrer en vue de les faire bénéficier de toute l’indépendance nécessaire à l’exercice impartial de leur mission » ainsi qu’à « assurer l’indépendance de la magistrature (…) et la promotion d’une justice efficace et accessible, garante de l’État de droit, conformément à la Déclaration et au Plan d’action quinquennal du Caire adoptés par la IIIe Conférence des Ministres francophones de la justice ».

Les échanges qui vont suivre permettront de préciser ces engagements et de mesurer, par l’examen de la pratique de vos Cours, leur portée.

En dernier lieu, il me revient de vous informer de la disponibilité de la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie à examiner les voies utiles pour permettre la tenue de la réunion d’échanges entre les réseaux francophones, à l’occasion du Sommet de Bucarest, comme cela a été le cas lors des derniers sommets à Beyrouth et à Ouagadougou, réunion qui témoigne du rôle des institutions en tant qu’acteurs à part entière de l’affirmation des valeurs de la Francophonie, tant au niveau national qu’au niveau international.

Permettez moi enfin, Monsieur le Président, de vous remercier vivement et sincèrement pour l’admirable accueil réservé à notre Organisation à Bucarest, et de souhaiter plein succès à vos travaux.

Je vous remercie de votre attention.

Présentation de la base de données CODICES [6]

M. S. R. Dürr

Chef de la division de la justice constitutionnelle de la Commission de Venise.

La Commission de Venise, qui fait partie du Conseil de l’Europe, donne des avis sur des projets de réforme constitutionnelle et para constitutionnelle (p. ex. législation électorale) de ses pays membres. Pour soutenir la mise en œuvre des constitutions, elle met l’accent sur le renforcement des cours et conseils constitutionnels. Ce renforcement est direct, par des avis pour les cours (avis amicus curiae) et sur la législation sur les cours, mais aussi indirect par la mise en réseau et l’échange d’informations entre les cours. Dans ce sens, un bulletin a été mis au point ainsi qu’un forum en ligne et la base de données CODICES. Ce dernier instrument s’est avéré utile aussi pour l’ACCPUF, qui a conclu le protocole de Djibouti [7] avec la Commission de Vénise pour inclure sa jurisprudence dans le cadre plus large de la base CODICES.

CODICES permet une recherche intégrale des textes, mais aussi une recherche plus systématique dans les décisions en forme abrégée qui se fait à l’aide d’un Thésaurus – celui-ci a été élargi suite à des propositions de l’ACCPUF surtout en ce qui concerne les questions électorales.

La base se présente à la fois sous forme de cédérom et via Internet (www.CODICES.coe.int). Tous les quatre mois, la nouvelle jurisprudence y est ajoutée. Elle comprend les éléments suivants :

  • décisions abrégées en anglais et en français ; la recherche des décisions abrégées se fait principalement par le Thésaurus systématique, par pays ou par titre/numéro de la décision ;
  • décisions intégrales en langue originale et en traduction si disponible ;
  • thésaurus systématique (à partir de ces mots, toutes les décisions les comprenant sont ouvertes et le lecteur peut faire son choix) ;
  • index alphabétique, qui complète le Thésaurus systématique du droit constitutionnelle pour couvrir d’autres domaines du droit (civil, pénal, etc.).

D’autres sections de CODICES (des descriptions des cours, des constitutions et des lois sur les cours) ne font pas encore l’objet de la coopération entre l’ACCPUF et la Commission de Venise.

La Commission de Venise invite cordialement les cours membres de l’ACCPUF à contribuer à la base pour faire connaître, au sein et même au delà de l’organisation, leur jurisprudence importante.

CODICES a pour but de promouvoir les principales valeurs constitutionnelles à travers la jurisprudence, de faciliter le travail des cours et leur permettre de donner encore davantage de poids à leurs décisions, en faisant référence aux décisions des juridictions homologues identifiées via la base.

La place et l’indépendance de la justice au sein de l’ordre constitutionnel

Introduction

Synthèse des questionnaires [8]

Mme M. Pauti

Secrétaire général de l’ACCPUF, Chef du service des relations extérieures,

Conseil constitutionnel français.

En guise d’introduction aux débats, et pour faciliter leur déroulement, sera proposée une brève synthèse des réponses aux questionnaires concernant le thème abordé lors de la séance. Il nous a en effet semblé intéressant pour les participants d’avoir une vue d’ensemble, même superficielle, de la situation des cours membres pour susciter réactions et questions. Par là même, il ne s’agit pas d’un compte rendu exhaustif et scientifique du contenu des réponses au questionnaire.

Les aspects retenus dans cette première partie sont les suivants : la mention et la place de la justice dans les textes, son indépendance, le contentieux que cette indépendance a pu soulever, la place et l’indépendance de la justice constitutionnelle.

Les constitutions proclament l’indépendance de la justice soit directement (Madagascar, Moldavie) soit indirectement – surtout en relation avec la séparation des pouvoirs comme au Liban… Cette mention ne se situe pas toujours à la même place dans les textes : le Bénin la mentionne dans son Préambule à côté de la garantie de la dignité humaine, ces deux valeurs ayant pour objectif d’assurer le développement de chaque Béninois dans sa dimension temporelle, culturelle et spirituelle. Précisons que la devise du Bénin est fraternité, justice, travail.

De même, pour la Guinée-Équatoriale, la justice est une des valeurs fondamentales de l’État avec l’unité, la paix et l’égalité.

En Albanie, la justice est l’un des piliers de la République. Le Cameroun a inclus le droit de se faire rendre justice dans le catalogue des droits fondamentaux. De façon semblable, la Constitution mauricienne parle du droit à un procès juste et équitable devant une justice indépendante et impartiale. La Suisse reconnaît, elle aussi, le droit à un tribunal indépendant dans le catalogue des droits fondamentaux. Le Canada prévoit ce même droit, mais dans des dispositions assez éparpillées (la Loi constitutionnelle de 1867 et la Charte des droits et libertés de 1982).

La place du pouvoir judiciaire par rapport aux autres pouvoirs se situe dans la majorité des cas, après les dispositions visant, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Des précisions terminologiques sont parfois nécessaires : les constitutions emploient surtout l’expression pouvoir judiciaire. On rencontre pourtant des exceptions notamment en France et au Maroc, où l’on trouve la notion d’autorité judiciaire. La France, invoque le fait que la source de l’autorité judiciaire, à la différence des deux autres pouvoirs, n’est pas le peuple ; le Maroc veut uniquement distinguer le judiciaire du législatif et de l’exécutif qui sont « politiques ». Certaines constitutions vont plus loin : la Roumanie emploie les deux expressions – le pouvoir dans le Préambule, l’autorité au titre III, chapitre 6 – de sorte que la Cour constitutionnelle a été appelée à donner des précisions après la révision constitutionnelle de 2003. Elle a décidé qu’il fallait distinguer entre les autorités publiques comme institutions et les pouvoirs publics comme fonctions de l’État.

Une formule de compromis vient de Madagascar qui parle de fonction judiciaire. Une évolution terminologique apparaît aussi au Mali qui, après la Conférence nationale de 1992 a préféré le terme de pouvoir judiciaire à celui d’autorité judiciaire pour souligner l’émergence d’une justice forte et indépendante, garante des droits et des libertés.

Dans les textes constitutionnels de plusieurs pays, on trouve une autre particularité : l’indépendance de la justice se confond avec celle des juges et des juridictions. De plus, elle n’est que rarement définie, pourtant elle se déduit de la formule selon laquelle les juges « ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi » avec la particularité que les juges constitutionnels, « ne sont soumis qu’à la Constitution ». On relèvera, pour mettre en exergue la même idée, l’article 62 de la Constitution française de 1958, que l’on retrouve également au Congo : « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

Une question particulièrement importante a trait aux autorités garantes de l’indépendance de la justice. Le plus souvent, l’indépendance de la justice est garantie par le président de la République assisté, selon les cas, par un organe spécialisé appelé Conseil supérieur de la magistrature (d’autres appellations sont également retenues, comme par exemple Conseil supérieur de la justice). Mais une question est alors posée : les Conseils supérieurs de la Magistrature ou les Conseils supérieurs de Justice sont-ils véritablement indépendants ?

Le Maroc fait exception. En effet, le Roi est le garant de l’indépendance de la justice, les jugements sont rendus au nom du Roi, et le Conseil de la magistrature lui est soumis.

L’indépendance soulève enfin la question du contentieux qui peut naître autour de cette notion. Certains pays connaissent un tel contentieux, d’autres ne répondent pas à la question. Outre la France, l’Égypte souligne plusieurs décisions qui affirment l’indépendance de la justice, de même que, le Maroc (avec deux décisions de 1995 et de 2004), l’Île Maurice, le Niger. La Cour de Slovénie en 1995 rend une décision très rigoureuse à propos des incompatibilités avec les fonctions judiciaires, en vue de protéger l’indépendance et la dignité de la Justice. L’Albanie précise que plusieurs arrêts rappellent que l’indépendance de la justice, l’inamovibilité des juges et leur immunité constituent des éléments essentiels. La Cour de Roumanie a développé une vue d’ensemble sur ce problème lors d’une décision dans laquelle elle a affirmé que l’indépendance de la justice implique un statut spécial et adéquat des magistrats afin de donner une valeur incontestable à l’acte de justice.

La juridiction constitutionnelle, quant à elle, se situe soit au sommet de l’ordre judiciaire (Canada, Suisse, Liban, Île Maurice), soit en dehors de l’ordre judiciaire ordinaire en tant qu’institution indépendante. Les formules de compromis ne manquent pas : au Niger, la Cour constitutionnelle se trouve au sommet de l’ordre judiciaire, mais elle est toutefois régie par des règles propres intégrées dans le chapitre concernant l’autorité judiciaire.

La grande majorité des Constitutions ne parlent pas expressément de « justice constitutionnelle » ou ne font pas mention de son indépendance. Le Bénin constitue pourtant une exception à cet égard. L’Égypte met en évidence le fait que les dispositions concernant l’autorité judiciaire s’appliquent aussi à la juridiction constitutionnelle, bien que celle-ci ne fasse pas partie de l’ordre judiciaire ordinaire. La Moldavie qualifie la Cour Constitutionnelle d’autorité « politico-juridictionnelle » indépendante du pouvoir judiciaire. La Roumanie a choisi de parler du statut indépendant de la Cour par rapport à l’ordre judiciaire dans la loi qui organise le fonctionnement et les compétences de la Cour.

Débats

M. A. Nassar

Président du Conseil constitutionnel, Liban

Je souhaite que nous puissions privilégier un débat constructif portant sur les remèdes véritables qui peuvent être apportés aux atteintes à l’indépendance et, par conséquent, éviter les débats trop stériles qui se résument à la présentation des moyens actuels (Conseils supérieurs de la magistrature, inamovibilité, autodétermination des juges). Ainsi, le point de départ des discussions doit être représenté par la proposition des nouveaux remèdes contre l’ingérence afin d’assurer une véritable indépendance de la justice. Cela est d’autant plus nécessaire que le problème de l’indépendance du juge est un véritable cercle vicieux : il y a des magistratures indépendantes et libres, mais des magistrats qui ne le sont pas, il y a des magistrats indépendants et libres, mais des magistratures qui ne le sont pas. Il ne s’agit pas de trouver le pays où la législation contient le plus de dispositions sur cette question, mais de proposer des solutions.

M. M. Bastarache

Juge à la Cour suprême, Canada

Le régime canadien comporte certaines spécificités. Comme le Canada ne bénéficie pas d’une Constitution entièrement écrite (elle se compose en tout de dix-sept lois constitutionnelles), la Cour suprême s’est faite le défenseur de l’indépendance de la justice en développant des principes constitutionnels sous-jacents à la Constitution. La Cour a précisé le contenu de ces principes qui n’étaient pas reconnus avant la Loi constitutionnelle de 1982. Elle est partie de la définition de plusieurs droits contenus dans la Charte de 1982 (le droit au procès, le droit au procès avec jury dans certaines circonstances) et du recours général (article 24), pour sanctionner toute violation des droits fondamentaux. Ce recours, auquel s’ajoute le pouvoir de révision judiciaire reconnu uniquement aux tribunaux dont les juges sont nommés par le Gouvernement fédéral (et non plus à l’exécutif ou au législatif, comme la Constitution le prévoyait au départ), constitue l’assise indirecte de l’indépendance de la justice.

Plusieurs décisions importantes illustrent cette évolution jurisprudentielle et donnent des définitions de l’indépendance judiciaire. Dans une décision, la Cour a précisé que pour garantir l’indépendance, le Parlement a l’obligation de créer un organisme administratif qui détermine les conditions d’emploi des juges. Le but était, en effet, d’éviter que les juges négocient leurs salaires et autres bénéfices avec les autres pouvoirs publics. Ainsi, un instrument efficace pour garantir l’indépendance des juges a pu être créé en quelque sorte par voie jurisprudentielle. De même, l’inamovibilité des juges était prévue dans les textes, mais n’avait pas de contenu précis.

À part son rôle de véritable créateur de droit, la Cour suprême jouit aussi d’un statut privilégié, depuis 1982, date à laquelle, la Loi constitutionnelle a clairement prévu l’impossibilité pour le législateur de modifier ou d’abolir la Cour suprême comme telle.
On observe par conséquent que les garanties d’indépendance sont très fortes et peuvent être mises en œuvre même dans des systèmes n’ayant pas une Constitution aussi formelle que d’autres.

M. J.-M. Rajaonarivony

Président de la Haute Cour constitutionnelle, Madagascar

La Cour suprême du Canada peut avoir un pouvoir constituant dérivé – elle interprète des principes non-écrits et les transforme, par sa jurisprudence, en principes constitutionnels écrits. Elle pourrait avoir même plus de pouvoirs que le Parlement. Dans quelle mesure, le Parlement et l’exécutif canadien doivent-ils respecter les décisions de la Cour suprême ?

M. M. Bastrache

Juge à la Cour suprême, Canada

Au Canada, il y a eu un débat sur le pouvoir de la Cour suprême jugé par certains trop vaste. Mais, cela n’a pas changé la situation et bien entendu les décisions de la Cour suprême demeurent obligatoires pour tous, y compris le Parlement. Il est d’ailleurs rare que le Parlement puisse s’opposer aux décisions de la Cour ; et s’il décide de le faire, c’est uniquement par le biais d’une loi dérogatoire dont la durée ne peut être supérieure cinq ans et qui doit être votée par les deux chambres.

M. M. Habchi

Membre du Conseil constitutionnel, Algérie

En Algérie, l’indépendance du pouvoir judiciaire est un principe constitutionnel. Elle est expressément énoncée dans la Constitution. Mais l’écrit constitutionnel n’est pas suffisant, il reste un énoncé sémantique. Il faut donc lui donner une signification pour le rendre applicable. C’est le rôle du juge constitutionnel.

Ainsi, dans un avis [9] de 1998, relatif à la conformité de la loi organique sur les compétences, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’État, à la Constitution, le Conseil constitutionnel algérien a considéré que le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire découle du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et tire sa signification des garanties énoncées dans la Constitution (ex. protection du juge contre toute forme de pression, intervention ou manœuvre ; responsabilité du magistrat devant le Conseil supérieur de la magistrature qui a la charge de gérer la gestion de la carrière des magistrats, etc.). Il précisera cependant dans son argumentaire que le Conseil d’État bénéficie de ces garanties d’indépendance, uniquement à l’occasion de l’exercice de ses compétences judiciaires. Par conséquent, lorsqu’il exerce ses compétences consultatives, donc en agissant comme conseiller du Gouvernement, il ne saurait en bénéficier.

Toutes ces précisions ne figurent pas dans la Constitution. C’est le juge constitutionnel qui, en exerçant le pouvoir d’interprétation qui est le sien par la volonté du Constituant, donne une signification au principe. Mais cette signification n’est pas définitive. Elle est appelée à évoluer avec le temps et donc à changer. C’est pourquoi le juge constitutionnel a souvent tendance à opter, au moment du choix du sens de la norme applicable, pour une signification qui ne doit pas le lier pour l’avenir. Les principes constitutionnels interprétés par le juge constitutionnel sont donc en perpétuelle construction.

M. D. A. Demba

Membre du Conseil constitutionnel, Mauritanie

Je propose, comme l’a fait M. Nassar au début, de nous attarder sur les remèdes. En effet, il faut mettre l’accent sur l’indépendance des juges et non pas obligatoirement sur celle des juridictions, qui au fond, ne sont que des institutions.

Il s’agit de savoir, comment faire pour que le juge soit véritablement indépendant. Cette indépendance n’est possible que lorsqu’il travaille dans des conditions qui lui sont favorables. En résumé, Il faudrait que le juge soit à l’abri du besoin, pour être indépendant.

M. M. Bastarache

Juge à la Cour suprême, Canada

Quelques précisions s’avèrent nécessaires. L’indépendance des juges est reconnue aussi par le Gouvernement canadien à travers la création du Conseil canadien de la magistrature regroupant les juges en chef et ayant autorité sur l’administration de la justice, ainsi que par la création du poste de Commissaire à la magistrature fédérale qui a compétence sur toutes les questions concernant les juges. Cette instance relève du Parlement et non du Gouvernement.

Il a été également créé une commission indépendante qui se réunit tous les quatre ans pour faire des recommandations concernant les salaires, l’organisation de la profession… Le gouvernement pourrait rejeter les propositions de cette commission ; mais il y a un contrôle judiciaire de sa décision.

M. V. Gotzev

Juge à la Cour constitutionnelle, Bulgarie

Il faut se concentrer sur la pratique des cours constitutionnelles à l’égard du principe de l’indépendance des juges.
La Cour constitutionnelle bulgare, quant à elle, a posé clairement les principes suivants :

  • le ministre de la Justice ne peut intervenir dans la nomination, l’évaluation, la révocation des magistrats ; il ne peut non plus rendre d’avis à ce propos, ni exiger du magistrat un rapport annuel d’activité ;
  • a fortiori, aucun autre ministre ne peut intervenir pour provoquer une sanction disciplinaire ;
  • l’institution de la magistrature est uniquement soumise au Conseil supérieur de la magistrature ;
  • l’inamovibilité des juges doit être maintenue même en cas de changement du régime politique ; ces changements ne doivent pas influer sur l’activité de la magistrature ;
  • le budget est toujours fixé par le Conseil supérieur de la magistrature avant d’être présenté au Parlement.

Certes, la magistrature ne doit pas se soustraire à tout contrôle ; mais les contrôles doivent être conformes à la loi et la Cour constitutionnelle se doit de procéder à une vérification.

M. S. Kanoute

Président de la Cour constitutionnelle, Mali

Les textes en vigueur au Mali comportent une spécificité relative à l’indépendance des juges, à savoir que le juge doit tout faire pour préserver son indépendance. Il s’agit d’une obligation positive qui incombe au juge. Le code de déontologie souligne ce devoir. Les textes doivent tenir compte de la situation réelle et faire prévaloir la personnalité et l’intégrité des juges dans l’acte de justice. Le Mali essaye de s’orienter dans cette voie, et ceci à travers des mesures parfois radicales, notamment l’annulation des élections. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour que la question de l’indépendance des juges occupe une place capitale.

M. M. Bossuyt

Juge à la Cour d’arbitrage, Belgique

Premièrement, la justice ordinaire bénéficie de garanties spécifiques à travers le Conseil supérieur de la magistrature qui, depuis 1999, est compétent en matière de nomination, de promotion, de révocation des juges. Il est composé, à parité, de magistrats et de représentants de la société civile. Le ministre ne peut pas modifier la décision de nomination prise par le Conseil supérieur de la magistrature.

Deuxièmement, la Cour d’arbitrage, qui est l’équivalent des cours constitutionnelles traditionnelles, assure son indépendance à travers : le mode de désignation de ses membres (les propositions du Sénat et la Chambre des représentants sont votées à la majorité qualifiée de 2/3) ; par la durée de leur mandat (ils exercent leur mandat jusqu’à l’âge de 70 ans, autrement dit, le mandat n’a pas de limitation de durée sauf à considérer l’âge de la retraite) et par leur statut spécifique (ils ont un statut de magistrats tout en ne faisant pas partie du pouvoir judiciaire).

Troisièmement, il faudrait souligner les modifications actuelles de la Cour d’arbitrage ; auparavant, elle était compétente en matière de répartition des compétences entre le pouvoir fédéral et les communautés, puis en 1989, il y a eu un développement vers le contrôle de l’égalité et, récemment, en 2003, la Cour est devenue compétente pour connaître du contentieux relatif à l’ensemble des droits et des libertés prévus par la Constitution et par les conventions internationales. Prochainement, un changement de la dénomination de la Cour pourrait intervenir.

M. I. Traore

Président du Conseil constitutionnel, Burkina Faso

Il y a des pays où la cour constitutionnelle ne peut pas se saisir d’office pour exercer des contrôles. Alors que pourrait-on faire afin de permettre à la Cour de se saisir d’office en vue de jouer pleinement son rôle ?

M. M. Bossuyt

Juge à la Cour d’arbitrage, Belgique

Les règles concernant la saisine des cours constitutionnelles sont d’une importance capitale. Car, même si une cour est dotée de compétences très larges, si l’auto-saisine n’est pas prévue par les textes, les dispositions concernant ses compétences ont alors une portée très limitée. En Belgique non plus, l’auto-saisine n’est pas prévue.

Mme M. M. Mborantsuo

Président de la Cour constitutionnelle, Gabon

L’indépendance de la Cour constitutionnelle du Gabon, résulte des aspects suivants :

  • le siège de la juridiction est irrévocable ;
  • son budget ne fait pas l’objet d’une discussion au Parlement ;
  • les membres de la Cour choisissent eux-mêmes le personnel administratif, ce qui traduit l’indépendance administrative de la Cour ;
  • les membres jouissent d’un privilège de juridiction ; ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être poursuivis pendant leur mandat. Pour qu’une telle poursuite soit possible, il faudrait un vote à la
  • majorité des deux tiers des membres de la juridiction, levant ainsi l’immunité que leur garantit la loi.

Mme S. Veil

Membre du Conseil constitutionnel, France

En France, la nomination, la promotion, la sanction, la révocation sont faites uniquement par le Conseil supérieur de la magistrature en ce qui concerne les juges de siège. Des dispositions distinctes concernent les magistrats du Parquet qui ont un statut à part, même si leur parcours est identique à celui des magistrats du siège.

Pourtant, le débat a été repris récemment par le Garde des Sceaux qui a proposé l’élaboration d’un code de déontologie pour les magistrats. Finalement, le projet est resté en suspens. Autrement dit, la question n’est pas à l’ordre du jour car, dans la situation actuelle, l’indépendance des juges est bien préservée ; de plus, les juges sont allés assez loin : ils ont une grande liberté d’expression et même des droits syndicaux.

Le Conseil constitutionnel est, quant à lui, à l’abri de toute influence, comme son statut et son budget le montrent.

Mme B. McLachin

Présidente de l’ACCPUF, Juge en chef du Canada

Je souhaiterais savoir s’il y a eu des situations dans lesquelles les Cours ont pris position en annulant, par exemple, une décision de l’exécutif. Quelles ont été les conséquences dans une pareille situation ?

M. K. Puto

Membre de la Cour constitutionnelle, Albanie

La Constitution prévoit toutes les hypothèses dans lesquelles peuvent se trouver les juges « ordinaires » et les juges constitutionnels. Ainsi, précise-t-elle les cas de destitution des juges : violation de la Constitution, crime, incapacité mentale ou physique, actes ou comportements discréditant la fonction… Cela montre clairement, que les dispositions constitutionnelles constituent une garantie supplémentaire de l’indépendance des juges.

Toujours au titre des spécificités du système albanais, la Cour constitutionnelle est compétente pour examiner les plaintes des juges et des juridictions (de grande instance et des cours d’appel), contre les décisions du Conseil supérieur de la justice. La pratique vient accréditer cette affirmation : un juge est venu se plaindre devant la Cour de ce que son droit à être entendu n’avait pas été respecté par le Conseil supérieur de la Justice.

Dans une autre décision, la Cour a de même affirmé que le Conseil supérieur de la Justice avait méconnu le droit à un procès équitable et la protection constitutionnelle des juges (reconnue à l’article 42 de la Constitution), parce qu’il n’avait pas fait référence aux raisons constitutionnelles de la destitution. Elle a ainsi décidé de renvoyer l’affaire pour réexamen auprès du Conseil supérieur de la justice.

M. A. Benjelloun

Président du Conseil constitutionnel, Maroc

Quelques précisons concernant le Maroc s’avèrent importantes, l’auto-saisine et la saisine par les particuliers ne sont pas prévues par les textes. Ensuite, le personnel doit être en nombre suffisant et compétent car, si le Conseil est obligé de faire appel à du personnel extérieur ou provenant d’autres institutions, alors l’indépendance de cette catégorie de personnel devient une nouvelle préoccupation.

M. I. Traore

Président du Conseil constitutionnel, Burkina Faso

Il faudrait qu’il y ait une harmonisation des législations, afin de permettre à tous les pays de résoudre la question de la saisine. En Afrique, une telle harmonisation a été faite dans le domaine du droit des affaires [10]. L’ACCPUF pourra y contribuer en essayant la même aventure avec les juridictions constitutionnelles.

M. A. Pillay

Juge en chef à la Cour suprême, Maurice

Il faudrait souligner une particularité de l’Île Maurice qui tient à la difficulté qu’il pourrait y avoir dans un pays multiracial, concernant le thème de l’indépendance des juges. À Maurice, les onze membres de la Cour suprême proviennent des différentes communautés de l’Île. Alors, en cas de litige, si un juge chinois rend un jugement favorable à un chinois et défavorable à une personne d’une autre appartenance, il sera soupçonné d’avoir été partial. Des telles situations se présentent parfois, et les recours peuvent remonter jusqu’à la Cour d’Angleterre en dernier ressort [11]. Il serait souhaitable en effet que le juge ne soit pas influencé dans sa prise de décision, par le risque d’avoir à supporter de tels soupçons.

Un autre problème important est celui de la corruption, et nous devrions nous interroger sur les incidences de ce phénomène sur l’indépendance des juges.

M. A. L. Diouf

Membre du Conseil constitutionnel, Sénégal

Si les textes prévoient des conditions de garantie de l’indépendance des juges, mais sans sanctions véritables en cas de non-respect, celles-ci sont lettres mortes. Exempli gratia, le non-respect des dispositions constitutionnelles est considéré comme une haute trahison de la part des autorités coupables et une lourde sanction est prévue.

J’aimerais proposer, comme l’a fait le président Traoré, une harmonisation, ne serait-ce que partielle, de certaines dispositions concernant les cours membres de l’ACCPUF.

M. J.-M. Rajaonarivony

Président de la Haute Cour constitutionnelle, Madagascar

La notion d’indépendance doit être mise en relation avec celle de souveraineté. Dans un État, il n’y a qu’une seule souveraineté (celle du peuple), et on ne peut concevoir une justice qui établit sa propre politique et élabore ses propres règles, parce que le juge n’est pas un élu. Le gouvernement des juges reste donc inconcevable.

M. A. Nassar

Président du Conseil constitutionnel, Liban

Il faudrait se concentrer davantage sur ce que font les juges, de façon pratique et directe, pour contrecarrer les pressions financières, politiques ou celles venues des juridictions supérieures ; et moins sur ce que les textes prévoient, car la lettre des textes n’est pas respectée dans la pratique.

Mme B. McLachin

Présidente de l’ACCPUF, Juge en chef du Canada

Il faudrait s’interroger sur les conditions nécessaires pour qu’un juge ou un tribunal puisse exercer ses compétences avec toute l’indépendance requise.

 

Mercredi 1er Juin 2005

L’indépendance des juges

Introduction

Synthèse des questionnaires

Mme M. Pauti

Secrétaire général de l’ACCPUF, Chef du service des relations extérieures,

Conseil constitutionnel français.

C’est une vision d’ensemble sur la question très vaste de l’indépendance des juges, qui ressort des questionnaires ; sont traitées en même temps l’indépendance individuelle et l’indépendance institutionnelle des juges. En revanche, une approche distincte a été utilisée pour analyser l’indépendance des juges ordinaires par rapport à celle des juges constitutionnels.

Les textes de référence, d’ailleurs communs à tous les pays participants, en matière d’indépendance des juges sont la Constitution et le statut de la magistrature (ayant pour support soit une loi organique, soit une loi ordinaire). Tous les deux posent l’indépendance des juges, comme principe fondamental.

De ce principe fondamental découle un autre principe : l’inamovibilité. Une définition classique de ce principe se retrouve le plus souvent : un juge ne peut recevoir, même en avancement, un déplacement sans son consentement. Pourtant cet énoncé, et bien entendu le principe qu’il contient est susceptible d’atténuations. Autrement dit, des restrictions, « pour nécessités du service » peuvent apparaître. C’est le cas notamment en Albanie, au Burkina Faso, à Madagascar, au Niger, au Sénégal, et si un déplacement est effectué, il faudra l’aval du Conseil supérieur de la magistrature. Certains autres pays sont allés encore plus loin : le Mali prévoit une inamovibilité limitée à 3 ans, le Cameroun supprime l’inamovibilité pour ses magistrats. Alors, il reste à ces pays, la tâche de motiver ces restrictions, leur utilité, leurs conséquences, etc.

En ce qui concerne les modalités de l’accès à la magistrature, l’uniformité domine. Il se fait par un concours d’entrée à la magistrature réservé aux titulaires d’une maîtrise en droit, suivi par une scolarité dans une école de formation (École nationale de la magistrature en France, ENM) par la suite. Deux notables exceptions à cette règle sont relevées : la Suisse et le Canada, où les magistrats sont d’anciens professionnels du droit n’ayant pas besoin de prouver leurs connaissances lors d’un concours.

Les obligations des magistrats sont aussi communes à la plupart des pays : obligations de discrétion, de réserve et d’impartialité.

Les sanctions et l’avancement se font d’après des règles procédurales relevant le plus souvent du statut.
En revanche des spécificités apparaissent au niveau du droit syndical : la Mauritanie et le Maroc ne le reconnaissent pas, tandis que le Canada prévoit le droit d’association, mais pas le droit syndical. La situation est variable aussi, en ce qui concerne, l’adhésion à des partis politiques. Le Burkina Faso, la Roumanie, le Sénégal sont plus radicaux et interdisent cette adhésion ; le Togo, le Bénin, la Slovénie, et Madagascar parlent de l’interdiction de toute activité politique, mais n’interdisent pas l’adhésion en tant que telle. Ainsi, militantisme actif ou simple adhésion : un débat autour de ce problème serait intéressant.

Les juges constitutionnels ont, quant à eux, un statut particulier puisque les cours constitutionnelles se situent en majorité en dehors de l’ordre judiciaire ordinaire. Quelques éléments le prouvent :

  • les modes de nomination varient : l’exigence de formation (mise à part la France et quelques autres pays), l’exigence d’une pratique professionnelle et d’une longue expérience dans le domaine juridique, l’autorité de nomination (nomination sur une liste proposée par le Conseil supérieur de la magistrature, nomination faite par une autorité étatique sans aucune proposition au préalable…) ;
  • le mandat varie entre cinq et neuf ans (parfois avec une limite d’âge, qui de fait se situe à 70 ans) pouvant, selon les cas, être renouvelable ou non ;
  • les incompatibilités sont très larges. Elles visent l’interdiction de toute activité privée ou publique et de tout mandat électif, permettant néanmoins l’exercice de fonctions universitaires ;
  • les obligations spécifiques sont presque identiques dans tous les pays : une obligation de discrétion et de réserve – beaucoup plus forte que celle à laquelle sont tenus les juges ordinaires. Cette obligation est parfois très large – la France étant un exemple à cet égard puisqu’elle s’étend – non seulement aux affaires que le juge a pu connaître, mais aussi à celles qu’il pourrait connaître dans le futur.

De toute façon, la question de l’indépendance des juges constitutionnels, ne se pose pas aujourd’hui avec la même acuité que celle de l’indépendance des juges ordinaires.

Débats

M. Abba Mousa Issoufou

Président de la Cour constitutionnelle, Niger

Il faudrait souligner le problème de la relation entre l’exécutif (à travers le ministre de la Justice) et le Conseil supérieur de la magistrature. Dans ce Conseil, se retrouvent parfois les représentants de l’exécutif : le président de la République (président du Conseil supérieur de la magistrature) et le ministre de la Justice qui gère le personnel de la magistrature. Or, ce genre de rapports influence le Parquet et les juridictions de siège.

De même, je considère que l’inamovibilité avec des restrictions, même en cas de nécessité de service, n’est pas une inamovibilité véritable ; il faudrait donc trouver le moyen de remédier à ce problème.

En ce qui concerne les juges constitutionnels, leur indépendance peut être mise à mal notamment à travers leur budget. En effet, le budget de la Cour constitutionnelle du Niger subit deux arbitrages (un premier arbitrage par l’Assemblée nationale et l’autre, au niveau du Gouvernement). C’est un contrôle financier que ces autorités exercent ainsi sur la Cour. La réciproque n’est malheureusement pas valable, car la Cour n’a pas les pouvoirs nécessaires pour exercer un contrôle sur les autres autorités.

Mme E. Drumeva

Juge à la Cour constitutionnelle, Bulgarie

Les incompatibilités ont été prévues afin d’éviter les risques de corruption. Les constitutions ont pour la plupart réglementé ces incompatibilités. La Constitution bulgare ne fait pas exception à la règle. En ce qui concerne les juges constitutionnels, elle prévoit des incompatibilités très sévères. Pourtant, il faut aussi voir les limites de ces incompatibilités. En effet, le principal risque serait d’avoir des cours trop restreintes du point de vue de leur composition. C’était le cas en Bulgarie où il a fallu attendre dix ans pour permettre aux juges d’enseigner à l’université.

Il faudrait donc chercher un équilibre. Dans certains pays (notamment en Autriche), il existe une certaine flexibilité en la matière. Il faudra peut être orienter les débats et les propositions sur cette voie, dans le cadre des travaux de notre association.

M. A. Nassar

Président du Conseil constitutionnel, Liban

Les aspects tenant à la personnalité des juges et au parcours social de ceux-ci sont très importants. Les conditions d’admission à l’École supérieure de la magistrature concernent ces aspects. Il faut alors analyser le profil des candidats avant leur entrée dans la magistrature. Ce profil peut parfois être une garantie de l’indépendance des juges lors de leur activité proprement dite. Dans l’analyse de ce profil, il faudrait tenir compte de plusieurs éléments : milieu social, famille, précédents sociaux. À cela s’ajoute une interview avant le concours pour connaître la valeur intellectuelle du candidat. Le suivi continue d’ailleurs pendant les quatre années de la formation. La valeur morale personnelle de chaque candidat est donc très importante.

M. G. Nay

Président du Tribunal fédéral, Suisse

Les moyens de garantir l’indépendance des juges doivent être conformes aux spécificités de chaque pays. De plus et de façon paradoxale, il peut y avoir des solutions apparemment mauvaises, mais qui en s’accompagnant d’une pratique excellente, peuvent devenir meilleures. La pratique varie significativement d’un pays à l’autre. Voilà pourquoi il n’y a pas de solution universellement valable.

Afin d’illustrer ce constat, j’aimerais dire qu’en Suisse, il n’y a pas de Conseil supérieur de la magistrature. Les partis politiques, qui sont des entités apparemment très éloignées des questions concernant la justice, peuvent proposer de nouveaux juges. Cela ne serait peut-être pas possible sans le système politique de la concordance : tous les partis importants sont représentés au Gouvernement, sans qu’il y ait une concurrence entre eux. Seule une Commission de la justice contrôle et intervient lors des nominations.

Ce système fonctionne sans problèmes en Suisse car il est en harmonie avec le système politique général.

Par contre, ces spécificités ne doivent pas occulter l’élément commun à tous les États : l’indépendance des juges doit être conçue comme une garantie envers le justiciable (et non pas du juge lui-même). Cette préoccupation devrait être générale et non propre à certains pays. Il s’agit d’un principe universel, et l’allusion qui y est faite dans les conventions internationales portant sur les droits de l’homme constitue une preuve de cette universalité.

La Constitution suisse, quant à elle, s’inspire aussi des dispositions internationales lorsqu’elle prévoit, dans son article 30-1, que toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. La portée de ce texte est considérable car tout justiciable peut l’invoquer devant les juridictions compétentes.

M. J. Youmsi

Membre de la Cour suprême, Cameroun

Dans l’esprit de ce qui vient d’être dit par M. le président NAY au début de son allocution, j’aimerais souligner le rôle de la pratique dans la vie des juridictions ordinaires ou constitutionnelles. L’inamovibilité des juges, à laquelle le Secrétaire général de l’ACCPUF a fait allusion dans la synthèse du questionnaire, a été supprimée au Cameroun. Bien que cette situation puisse paraître inadmissible, sa motivation est logique : dans le statut antérieur des magistrats, l’inamovibilité avait été prévue avec, notamment, une restriction « en cas de nécessités de service » ; dans le statut actuel, cette disposition a été supprimée pour la simple raison qu’aucun juge n’a invoqué une affectation sans son consentement et aucune décision jurisprudentielle n’a été rendue à cet égard.
Ainsi, la même situation prévaut avec ou sans cette disposition inscrite dans les textes. Il ne faut pas faire des textes que l’on n’applique jamais.

Enfin, il faudrait faire valoir la nécessaire transposition des propositions faites à cette occasion dans la réalité juridique immédiate. Cette transposition n’est possible qu’avec le support direct du milieu politique qui doit tenir compte de toutes ces propositions.

M. O. Chirdon Abass

Président du Conseil constitutionnel, Djibouti

Il faudrait mettre l’accent sur les difficultés propres aux pays africains et les solutions possibles. Ces difficultés peuvent se résumer de la façon suivante :

  • il y a une faible protection des magistrats contre les abus commis par les autres pouvoirs car le Conseil supérieur de la magistrature ne bénéficie pas de l’indépendance qui lui est nécessaire, et il
  • n’y pas de syndicats pour les protéger ;
  • les juges préfèrent céder aux pressions plutôt que de perdre leur fonction.

Plusieurs solutions sont envisageables, :

  • la participation accrue des chefs d’État aux sommets de la francophonie ;
  • la contribution des associations de juristes des pays francophones ;
  • la saisine individuelle des cours constitutionnelles ;
  • l’apparition d’une opposition forte au Parlement afin de promouvoir l’indépendance des juges et de pouvoir saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur les lois qui lui semblent contraires à la Constitution et qui semblent entraver l’indépendance des juges et des juridictions.

Mme C. D. Ouinsou

Président de la Cour constitutionnelle, Bénin

Le principe de l’inamovibilité occupe dorénavant au Bénin une place très importante. Plusieurs raisons peuvent être invoquées dont le fait que toute décision du Conseil supérieur de la magistrature est d’abord déférée à la Cour constitutionnelle. Ainsi, la Cour a-t-elle eu l’occasion d’expliquer la notion d’inamovibilité des juges en affirmant que l’affectation du magistrat est subordonnée à son consentement, c’est-à-dire à sa consultation concernant le lieu et la fonction qu’il occupera.

Pourtant, il arrive parfois que le Conseil supérieur de la magistrature, en raison du nombre réduit des magistrats, soit amené à enfreindre ces principes et règles posés par la Cour constitutionnelle. La Cour ne cède toujours pas et elle lui rappelle ces principes.

M. V. Gotzev

Juge à la Cour constitutionnelle, Bulgarie

La moralité des juges se trouve au-dessus de toute autre notion concernant l’indépendance des juges. Un juge doté d’une grande moralité ne peut pas être influencé.

M. I. Traore

Président du Conseil constitutionnel, Burkina Faso

J’aimerais revenir sur le rôle que doit jouer la francophonie dans le processus d’enracinement de l’indépendance des juridictions africaines. Elle doit surtout servir de relais pour faire passer le message jusqu’aux Chefs d’État et aux autres responsables de la justice.

M. S.Kanoute

Président de la Cour constitutionnelle, Mali

Il faudrait apporter quelques précisions concernant la notion de nécessités de service, en tant que limite à l’inamovibilité des juges.

Mais, il est aussi vrai que, derrière cette notion, peuvent se cacher certains abus. Cependant jusqu’alors, personne au Mali n’a saisi les juridictions suprêmes pour dénoncer un tel fait.

M. G. Nay

Président du Tribunal fédéral, Suisse

Dans le but de défendre l’indépendance des juges et de les préserver contre les abus des gouvernements, l’ACCPUF peut s’inspirer des méthodes de travail du Conseil consultatif des juges européens, créé dans le cadre du Conseil de l’Europe. Au vu du résultat de ses travaux, ce Conseil fait des recommandations générales auprès du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe.

M. D. A. Demba

Membre du Conseil constitutionnel, Mauritanie

Un autre aspect de l’indépendance des juges, qu’il s’avère très important de souligner, est la question des émoluments. En effet, dans la plupart de nos États, les juges appartiennent à la fonction publique, et sont payés comme les fonctionnaires. Leur rémunération n’est pas très élevée ; or pour qu’un juge soit vraiment indépendant et pour qu’il exerce sa fonction avec toute la transparence et l’impartialité requises, il doit avant tout être bien rémunéré. En somme, les juges devraient être les fonctionnaires les mieux payés. En Mauritanie, ce n’est pas encore le cas puisque les juges, après dix ans de carrière, bénéficient d’un salaire qui se situe entre 150 à 200 000 francs CFA.

M. M. Bastarache

Juge à la Cour suprême, Canada

Une solution au problème qui vient d’être soulevé, c’est-à-dire l’appartenance des juges à la fonction publique, a été trouvée au Canada. Les magistrats n’appartiennent pas à la fonction publique ; ils ne sont pas régis par les règles de la fonction publique. Leur statut est régi par la loi sur les juges. Un poste de commissaire à la magistrature fédérale, relevant du Gouvernement, a été créé en vue de contrôler tout ce qui touche aux émoluments des juges et une procédure spécifique a été mise au point. Cette procédure vise à éviter l’intégration des salaires des juges dans le budget général de l’État, et à éviter que les juges négocient eux-mêmes leurs salaires avec le Gouvernement. Elle a consisté dans la création d’une commission indépendante qui siège tous les quatre ans et qui établit une grille des salaires, le régime de retraite, de même que les conditions de travail des juges ; cette commission fait par la suite des recommandations au Gouvernement. En principe, le Gouvernement est tenu d’adopter cette recommandation sauf s’il fait valoir des motifs bien précis pour la rejeter. Tout rejet par le Gouvernement peut faire l’objet de contrôle judiciaire par une cour supérieure et ultimement par la Cour suprême.

M. A. Benjelloun

Président du Conseil constitutionnel, Maroc

Une solution de compromis a été envisagée au Maroc : le juge reste un fonctionnaire public, mais il bénéficie d’un statut particulier par rapport aux autres fonctionnaires publics. Il est le fonctionnaire le mieux payé, son salaire dépendant uniquement de son grade : par exemple, un magistrat de la Cour suprême gagne le même salaire qu’un directeur de l’administration centrale.
Quant aux émoluments des membres du Conseil constitutionnel, ils sont alignés sur ceux des députés de sorte que chaque fois que les députés bénéficient d’avantages pécuniaires, les juges constitutionnels en bénéficient aussi.

En conséquence, les magistrats marocains sont « théoriquement » protégés, et ils sont « à l’abri du besoin ».

M. A. Iloki

Vice-président de la Cour constitutionnelle, Congo-Brazzaville

Il y a eu deux étapes dans la solution au problème des émoluments des juges au Congo.

D’abord, lors de la Conférence nationale de 1991, il a été décidé que le niveau du salaire des magistrats et de leurs indemnités devait être significativement relevé par rapport à la situation antérieure. Le salaire initial des juges a été augmenté grâce aux indemnités qui y ont été attachées.

Puis, récemment, on a précisé dans le statut de la magistrature que le traitement des juges doit correspondre au traitement le plus élevé reconnu aux fonctionnaires assimilés de l’État. En outre, on a établi deux niveaux distincts de traitement pour les magistrats : un magistrat de la Cour suprême bénéficie d’un salaire établi par décret par le président de la République ; les autres magistrats, quant à eux, ont des salaires indiciaires, les indices étant plus élevés que ceux des autres fonctionnaires de l’État. Ces solutions sont le principal moyen de combattre la corruption.

M. M. Bossuyt

Juge à la Cour d’arbitrage, Belgique

En Belgique, également, on a, il y a vingt ans, aligné les salaires des juges de la Cour d’arbitrage sur ceux des juges de la Cour de cassation, ce qui signifie des salaires inférieurs à ceux des parlementaires. Ensuite, une réforme a introduit un système qui a supposé une augmentation des salaires des magistrats par rapport aux autres fonctionnaires. Cependant, je considère qu’il est plus important de déterminer un point de repère pour fixer les salaires des juges comme l’a fait valoir

M. le Président du Conseil constitutionnel du Maroc lors de son intervention.

M. C. Doldur

Juge à la Cour constitutionnelle, Roumanie

Je voudrais faire remarquer d’emblée que des progrès importants ont été faits dans la réévaluation du traitement des juges. Ainsi, ils perçoivent des salaires plus élevés que ceux des autres fonctionnaires publics et agents de l’État, et ces salaires sont proches de ceux des secrétaires d’État.

Les juges constitutionnels sont, eux aussi, bien rémunérés car, ils ont un traitement égal à celui du vice-président de la Haute Cour de cassation et de justice, tandis que le président de la Cour perçoit la même rémunération que le Premier ministre ou le président de la Haute Cour de cassation et de justice.

Les pensions sont, elles aussi, élevées ; elles sont constituées par une pension de service payée par le budget de l’État (et non pas par le système des assurances nationales).
En définitive, je considère que ces salaires et ces pensions permettent aux juges de rester à l’abri de la corruption et de la tentation.

M. A. Nassar

Président du Conseil constitutionnel, Liban

Au Liban, le traitement des juges est plus élevé que celui de tous les autres fonctionnaires de l’État car ils ne sont pas assimilés à ceux-ci. Un exemple éloquent est qu’un magistrat touche deux fois plus qu’un directeur de ministère. De plus, il existe un budget séparé des magistrats qui couvre toutes les charges concernant l’assurance maladie, la scolarité des enfants, l’indemnité mariage, etc. Les membres du Conseil constitutionnel bénéficient du même salaire que les ministres, et le président de ce Conseil a une rémunération équivalente à celle du président de la République (à y voir de plus près, sa rémunération pourrait même dépasser celle du président de la République, sans tenir compte bien évidemment des autres facilités dont bénéficie ce dernier).

Cependant, c’est la moralité du juge qui compte, car celle-ci est au-dessus de tout salaire ou traitement. Aucun salaire, aussi élevé soit-il, ne peut empêcher un magistrat de céder à la tentation et à la corruption.

M. S. Kanoute

Président de la Cour constitutionnelle, Mali

Il s’avère important d’analyser la question des émoluments en étroite liaison avec celle de la corruption. En effet, une relation de cause à effet peut s’établir entre ces deux notions. Celle-ci peut être formulée comme suit : un magistrat mal payé est plus facile à corrompre, et quand on est dans le besoin, on résiste difficilement à la tentation de corruption.

En outre, si l’État parvient à offrir un traitement honorable aux magistrats, encore faudrait-il que les qualités personnelles du magistrat (bonne moralité, efficacité) permettent de revaloriser la fonction de juge.

Mme S. Veil

Membre du Conseil constitutionnel, France

Il faudrait souligner qu’en France, en ce qui concerne les juges constitutionnels, c’est plutôt la renommée que la rémunération qui compte, bien que la rémunération atteigne un niveau significatif.
Les magistrats ordinaires français, quant à eux, ne peuvent pas être accusés de corruption (la question de la corruption dans l’acte de juger ne se pose pas en France). Même si, parfois, ceux-ci sont soumis à des influences, celles-ci proviennent de relations (parents, amis…) et ne se transforment pas en actes de corruption.

Cependant, un autre aspect doit être soulevé, c’est celui de la qualité du recrutement. Pendant de longues années, les magistrats ont été beaucoup plus mal payés que les membres de la fonction publique dont ils sont complètement séparés. Les fonctionnaires jouissent de primes de rendement qui leur sont octroyées en fonction de leurs responsabilités et de leurs charges. Certains ont proposé que des primes de rendement soient aussi prévues pour les magistrats. Ce système aurait créé un important clivage entre un juge de Paris qui travaille sur un grand nombre de dossiers et un juge d’une petite juridiction qui n’a que quelques dossiers à analyser. Les juges se sont opposés, au nom du principe d’indépendance, à un tel système. Le décalage de rémunération avec les membres de la fonction publique a donc perduré. Le Garde des Sceaux essaye de trouver des solutions pour équilibrer cette situation inégalitaire qui peut avoir des conséquences sur la qualité du recrutement. Les jeunes s’orienteront plutôt vers la fonction publique dont les rémunérations sont plus attrayantes.

En conclusion, la rémunération peut avoir des conséquences non pas seulement sur l’indépendance des magistrats, mais aussi sur leur recrutement dans le cadre de la fonction, en tant qu’aspect sous-jacent.

Mme C. D. Ouinsou

Président de la Cour constitutionnelle, Bénin

Les magistrats de l’ordre judiciaire bénéficient, avec leur nouveau statut, d’un traitement nettement plus important car ils ont été alignés sur les employés de l’armée et de l’enseignement supérieur, les deux catégories de la fonction publique les mieux payées.

Les juges constitutionnels reçoivent le même salaire qu’un ministre. Actuellement, il s’agit de l’indice le plus élevé de la fonction publique, indice affecté d’un coefficient.

Mais, le plus intéressant est le débat sur les indemnités supplémentaires que reçoivent les conseillers à la Cour. Lors de l’élaboration de cette disposition, les parlementaires ont voulu soumettre les indemnités supplémentaires à l’avis conforme du ministre des Finances. La Cour a censuré cette disposition en affirmant qu’elle était une institution indépendante par rapport au Gouvernement. Il en résulte que c’est l’assemblée générale des conseillers à la Cour constitutionnelle qui fixe ces indemnités. Le ministre des Finances en prend acte.

Mme M. M. Mborantuo

Président de la Cour constitutionnelle, Gabon

Les membres de la Cour constitutionnelle se situent, en ce qui concerne leurs émoluments, audessus des membres du Gouvernement. Pourtant, assez souvent, cela ne suffit pas. Il faut ajouter la moralité des juges et leur compétence (en particulier, en ce qui concerne les juges ordinaires).

Mercredi 1er Juin 2005

L’indépendance des juridictions

Introduction

Synthèse des questionnaires

Mme M. Pauti

Secrétaire général de l’ACCPUF

Chef du service des relations extérieures,

Conseil constitutionnel français.

L’indépendance des juridictions est rarement consacrée par les textes (Congo par exemple), cependant l’indépendance des Cours constitutionnelles est, plus souvent, mentionnée : au Bénin et à Maurice dans la Constitution, au Sénégal dans le statut de la magistrature. D’autres Cours essaient de combler ce vide à l’aide de leurs décisions (en Albanie, la Cour a annulé une décision de destitution d’un procureur ; la Cour du Mali a demandé l’organisation de nouvelles élections et en a fixé clairement les règles).

Pourtant, la séparation des pouvoirs est souvent battue en brèche et des pressions considérables s’exercent sur les Cours. Comme bien d’autres, la Moldavie et le Sénégal en témoignent dans leurs réponses aux questionnaires ; certains précisent même que les cloisons sont peu étanches entre les différents pouvoirs et que seule la force de caractère des magistrats leur permet de résister à des telles pressions.

Un autre aspect essentiel de l’indépendance des juridictions, d’ailleurs soulevé dans les réponses au questionnaire, mais souvent de façon imprécise, est le budget. En règle générale, le budget constitue un chapitre autonome au sein du budget de l’État. Des particularités peuvent apparaître au niveau de la procédure d’adoption :

  • le budget des juridictions est négocié avec le Gouvernement et l’Assemblée avant son adoption par l’Assemblée (Albanie…) ;
  • le budget est défendu devant l’Assemblée par un représentant du Tribunal fédéral (Suisse) ;
  • le budget des juridictions est discuté et débattu devant l’Assemblée avant son adoption (Belgique, Bulgarie, Madagascar, Sénégal…) ;
  • le budget des juridictions est accordé selon les disponibilités de l’État (Mali).

Cependant, certaines réponses ne permettent pas toujours de mettre en évidence, les modalités d’adoption du budget.

La France et le Gabon constituent des exceptions en la matière, comme le Canada de fait, puisque le budget est présenté par l’institution au Parlement, et ne fait pas l’objet de débats avant son adoption. De même ces pays ne connaissent pas de contrôle a posteriori de leur budget.

Dans les autres pays, le budget des juridictions est habituellement soumis à un contrôle a posteriori.

Par ailleurs, les États reconnaissent unanimement le principe de la collégialité comme une garantie de l’indépendance des juridictions. En revanche les solutions données au problème de l’expression des opinions dissidentes sont variées : on ne l’accepte pas partout, tant s’en faut. Elles sont reconnues au Canada, à Maurice, en Roumanie, en Slovénie, … pour la raison qu’elles encouragent le débat d’idées. Elles sont admises avec des restrictions au Congo (seulement à la Cour Suprême, lorsqu’elle siège en formation consultative) et en Suisse (seulement à l’oral). Elles ne sont pas du tout admises dans les pays suivants : Belgique, Bénin, Burkina Faso, Burundi, France, Gabon, Slovénie, Togo… Les raisons pour lesquelles ces pays refusent d’accepter les opinions dissidentes seront peut-être révélées lors des débats sur ce sujet.

M. Abba Moussa Issoufou

Président de la Cour constitutionnelle, Niger

La question de l’indépendance des juridictions relève encore à l’heure actuelle d’un souhait, un élément déterminant de cette indépendance dans le fonctionnement des juridictions étant la modalité d’adoption de leur budget.

Au Niger, c’est le ministre des Finances qui envoie des circulaires à toutes les institutions, y compris à la Cour constitutionnelle, afin qu’elles préparent leurs projets de budget. Quand la Cour prépare ce projet, celui-ci est soumis à un premier arbitrage qui se fait au niveau du Gouvernement. À cette étape une première censure se produit. Ensuite, le projet est envoyé à l’Assemblée nationale devant laquelle la Cour défend son budget. Mais l’Assemblée a le dernier mot à cet égard. Une deuxième réduction des crédits se produit à cette étape par le biais des pouvoirs reconnus à l’Assemblée.

La principale origine de cette procédure réside dans la notion d’unicité des comptes de l’État. Cela veut dire que le ministre des Finances est ordonnateur du budget et les autres institutions sont des ordonnateurs délégués. Des situations difficiles pour les cours, notamment la réduction importante de leur budget, peuvent résulter de cette procédure.
En ce qui concerne la collégialité, elle est reconnue au Niger, comme une garantie de l’indépendance des juridictions. Les opinions dissidentes quant à elles, ne sont pas reconnues et la Cour délibère à la majorité des voix.

M. D. A. Demba

Membre du Conseil constitutionnel, Mauritanie

Les modalités de nomination peuvent, elles aussi, constituer un frein à l’indépendance des juridictions. En Mauritanie par exemple, le président de la Cour suprême est nommé par le président de la République ; il n’existe en outre aucune condition de formation et par conséquent celui-ci peut en effet, ne pas être un magistrat et être simplement un homme politique ; ensuite, s’agissant du budget de la justice, la situation est inquiétante, car ce budget constitue la plus petite partie du budget de l’État. Il inclut pour autant tout ce qui est lié à la justice : le fonctionnement, le traitement des magistrats, et des greffiers, l’entretien des locaux, etc.

Mme C. D. Ouinsou

Président de la Cour constitutionnelle, Bénin

La Cour constitutionnelle se bat encore pour obtenir son autonomie financière. Des difficultés sont apparues après la mauvaise interprétation de cette indépendance financière par l’Assemblée. Aujourd’hui la situation au Bénin ressemble beaucoup à celle décrite par le président du Niger à ceci près que les coupures du budget de la Cour constitutionnelle ne sont pas si importantes et le ministère est plus attentif.

Les opinions dissidentes, quant à elles, n’existent que de façon formelle car elles apparaissent uniquement lors de l’audience, sans influer sur la décision finale de la cour et sans avoir d’écho au niveau de la doctrine. L’opinion dissidente n’apparaît donc pas dans la décision finale ; mais un membre peut néanmoins avoir des réserves lors des débats.

M. M. Bossuyt

Juge à la Cour d’arbitrage, Belgique

En ce qui concerne les opinions dissidentes, je considère que la situation de la Belgique peut être présentée sous deux aspects différents : l’aspect pratique et l’aspect théorique.

En pratique, les opinions dissidentes ne peuvent pas être admises en Belgique compte tenu de l’existence du système de l’État fédéral. Ainsi, dans une affaire concernant un conflit de compétences entre les différentes communautés, comme les juges appartiennent eux aussi à des communautés différentes, les opinions dissidentes donneraient lieu à la révélation du comportement des juges, de leurs options personnelles ; or cela serait inadmissible.

Du point de vue purement théorique, les opinions dissidentes seraient possibles dans le cas du contentieux de conformité des normes législatives avec les droits de l’homme garantis par la Constitution de la Belgique.

M. C. Doldur

Juge à la Cour constitutionnelle, Roumanie

En Roumanie, le ministre de la Justice continue de gérer le budget des instances judiciaires, et cela, même si on a pu considérer que le Conseil supérieur de la magistrature serait mieux placé pour accomplir cette tâche tout en assurant plus d’indépendance aux juges.

Concernant les opinions dissidentes, l’approche du questionnaire (soumis dans le cadre de ce congrès), entre ces opinions et la question de l’indépendance est très louable car, celles-ci représentent effectivement une garantie d’indépendance, de sorte que, le code de procédure civile ainsi que la loi sur l’organisation et le fonctionnement des instances de jugement les reconnaissent au profit des juges. Ces opinions offrent également au juge constitutionnel plus d’indépendance par rapport à ses pairs et, le responsabilisent, car il peut faire connaître publiquement sa position personnelle et la motiver.

Mme P. Herdt

Responsable de projets, Organisation internationale de la Francophonie

Dans la Déclaration de Bamako, les États et gouvernements francophones se sont notamment engagés en faveur de la consolidation de l’État de droit. En son chapitre 5, la Déclaration prévoit un dispositif de suivi du respect de ces engagements.

Dans la perspective de la réalisation de ce suivi, la Délégation aux droits de l’homme et à la démocratie prépare aujourd’hui son deuxième rapport sur « l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone », produit à l’intention du Secrétaire général de la Francophonie, à l’occasion du Sommet des Chefs d’État et de gouvernement francophones qui se tiendra à Bucarest, en septembre 2006. À l’instar du premier rapport de novembre 2004, le rapport 2006 présentera tant un état des lieux circonstancié que des recommandations opérationnelles sur chacun des grands engagements des États et gouvernements consignés dans la Déclaration de Bamako.

Une contribution des juridictions constitutionnelles est attendue dans ce cadre. Les recommandations formulées à Bucarest pourraient ainsi être utilement portées, dans le cadre de ce rapport, à la connaissance des instances de la Francophonie.

Mme M. M. Mborantsuo

Président de la Cour constitutionnelle, Gabon

La collégialité se manifeste au Gabon, avec plus d’acuité qu’ailleurs, car les décisions de la Cour constitutionnelle sont prises à la majorité renforcée des deux tiers. L’exigence de cette majorité peut être considérée comme une garantie d’indépendance des juges, car il est plus difficile d’influencer une juridiction entière. De plus, contrairement aux juridictions homologues d’autres pays, le président n’a pas de voix prépondérante.

Cependant, les opinions dissidentes, en tant que garantie d’indépendance, n’ont pas été admises au Gabon. En réalité, si un magistrat fait valoir, à l’issue de l’instruction, une opinion différente de celle des autres, celle-ci n’entre pas en compte une fois que la décision a été rendue par l’ensemble des membres.

En ce qui concerne le budget, la Cour constitutionnelle gabonaise jouit de l’autonomie financière. Elle a en outre la possibilité de censurer toute loi de finances qui ne mettrait pas à la disposition de l’institution les moyens nécessaires à son fonctionnement. L’expression « moyens nécessaires », a ainsi permis à la Cour de censurer deux lois de finances et de les renvoyer au Parlement. De fait, la Cour établit elle-même ses besoins financiers qui peuvent varier d’une période à une autre (ex : en période électorale, les dépenses d’une Cour constitutionnelle sont plus importantes qu’au cours des autres périodes).

Quelques règles de procédure budgétaire ont été mises en place pour le contrôle, en vue de permettre l’autonomie de l’institution. C’est une procédure exorbitante du droit commun (réunion avec les deux ministres concernés à savoir le ministre du Plan et le ministre des Finances). Le budget une fois arrêté, ni le Conseil des ministres, ni le Parlement ne peuvent intervenir pour le modifier. Il s’ensuit que le Président de la Cour est le principal ordonnateur des fonds budgétaires et que la dotation budgétaire de l’institution est mise à la disposition de l’agent comptable de la Cour. De même, le contrôle du budget se fait toujours au niveau de la Cour par une commission mise en place à cet effet, laquelle comprend un magistrat de la Cour de comptes.

En fin de compte, je tiens à souligner que l’indépendance de la Cour gabonaise est renforcée par le fait que tout texte applicable à la Cour est d’abord soumis à l’avis de celle-ci. D’ailleurs, ni le Gouvernement, ni le Parlement ne peuvent intervenir dans le fonctionnement de la juridiction constitutionnelle.

M. M. Bastarache

Juge à la Cour suprême, Canada

Les opinions dissidentes apportent une contribution importante à l’analyse des problèmes qui sont posés à la Cour. Par leur nature même, ces opinions dénotent des difficultés que la Cour a pu rencontrer dans la résolution d’une affaire. Ce n’est pas un simple hasard de constater que les opinions dissidentes apparaissent souvent lors des affaires les plus difficiles, voire des affaires comprenant des questions d’importance nationale. De ce point de vue, les divergences peuvent être constructives.

Mais, il faut reconnaître que des problèmes supplémentaires apparaissent lorsque la Cour est très divisée, par exemple, s’il y a cinq juges contre quatre. Cela crée bien évidemment une instabilité juridique. Cependant, la Cour suprême se rallie toujours à la majorité en vue de dépasser de tels obstacles et n’opère de changements jurisprudentiels qu’avec beaucoup de prudence.

Mme S. Veil

Membre du Conseil constitutionnel, France

Je tiens à préciser d’ores et déjà que la question des opinions dissidentes est si importante qu’il faudrait organiser tout un débat autour de ce thème. L’importance de ces voix dissidentes réside dans le fait que les cours qui ont décidé de les publier ont en effet consenti à changer la portée et le sens de la décision et, encore, le sens de l’obligation de réserve. C’est la raison pour laquelle ce thème devrait être traité plus en profondeur ; peut être lors des prochains congrès de l’Association.

M. F. Zvonko

Juge à la Cour constitutionnelle, Slovénie

Bien que les opinions dissidentes aient une longue tradition en Slovénie, cela ne veut pas dire que toutes les décisions de la Cour constitutionnelle s’accompagnent d’opinions dissidentes. Elles apparaissent surtout lors des questions importantes.
Dans ce contexte, il faut reconnaître que certaines questions donnent la possibilité aux juges d’exprimer leur propre point de vue, et de l’argumenter.

Cependant, l’expression des opinions dissidentes pourrait avoir une double conséquence : elles peuvent d’une part, influencer les développements jurisprudentiels futurs, et d’autre part, elles peuvent diminuer la portée même de la décision.
En conséquence, l’expression des voix ou opinions dissidentes comporte des effets tant positifs que négatifs, avec une prépondérance, il est vrai, des premiers.

M. I. Vida

Président de la Cour Constitutionnelle, Roumanie [12]

Les décisions des Cours constitutionnelles commencent à avoir une résonance considérable dans les médias, ainsi que dans le milieu politique et social. Récemment le président de la Roumanie a commenté l’une des décisions rendues par la Cour constitutionnelle. Celle-ci a montré, par une interprétation littérale de la Constitution, que les affaires dans lesquelles sont impliqués des parlementaires ne peuvent pas être jugées par la PNA [13], mais plutôt par la Haute Cour de cassation et de justice. Mais le texte constitutionnel établissant cette disposition a été introduit dans la Constitution après la création du PNA, par référendum portant modification de la loi fondamentale.

Les opinions dissidentes sont reconnues par la Cour constitutionnelle roumaine même si, en règle générale, les décisions sont rendues à l’unanimité des voix. Même si les membres ont souvent des points de vue divergents, les Cours finissent par dégager une majorité. À titre d’exemple, la Cour suprême des États-Unis a rendu la décision concernant l’élection du Président Bush en 2000 avec un rapport des voix de 5 pour et 4 contre et pourtant M. Bush a été élu président des États-Unis.

Cependant, en parlant de majorité de voix, on ne doit pas ignorer les opinions dissidentes, celles qui n’ont pas réussi à s’imposer. En Roumanie, ont été consacrés deux types d’opinions ou de voix dissidentes : il y a d’abord les opinions dissidentes des juges qui ne sont pas du tout d’accord avec la décision prise ; et ensuite les opinions dissidentes formulées par les juges qui sont d’accord avec la décision prise par la majorité, mais ne sont pas d’accord avec sa motivation. La conséquence qui peut apparaître dans les deux cas est que les opinions dissidentes sont très importantes dans l’interprétation de la législation roumaine, de la Constitution et, bien entendu, dans l’application et la pratique. De même, on ne peut ignorer l’influence que ces opinions peuvent exercer sur les instances roumaines. Le rôle des opinions dissidentes est par conséquent considérable pour la Cour et les autres instances roumaines, ainsi que pour la doctrine, et pour l’orientation de toute la jurisprudence.

M. S. V. Sta˘ Noiu

Juge à la Cour constitutionnelle, Roumanie

Il faut distinguer l’indépendance de la Cour constitutionnelle de celle des instances ordinaires. D’abord, en vertu de la Constitution et de la loi 47/1992, portant organisation de la Cour modifiée et complétée en 2004, la juridiction constitutionnelle jouit d’une pleine indépendance. Ainsi, la Constitution établit-elle que la Cour constitutionnelle est organisée de manière autonome par rapport aux instances judiciaires ordinaires. Cette disposition résulte également de la Constitution qui réglemente la Cour au titre V et les instances judiciaires ordinaires au chapitre 3 du titre VI.

La loi fondamentale ajoute que la Cour constitutionnelle est garante de la suprématie de la Constitution. Elle se compose de juges nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Ils sont indépendants et inamovibles. Il en résulte que l’indépendance de la Cour ne peut pas être mise en cause, du moins du point de vue des textes très explicites à cet égard. Des dispositions similaires existent concernant les instances ordinaires.

Cependant, des empiétements au principe de l’indépendance de la Cour constitutionnelle et des juridictions ordinaires sont fréquents dans la pratique.

Le président de la Roumanie a en effet annoncé le début de la lutte anti-corruption en faisant une série de déclarations d’intention en contradiction avec les principes constitutionnels. Sans nier l’existence du fléau de la corruption en Roumanie, ces déclarations se sont, par ailleurs transformées en de véritables réquisitoires menés contre de hauts responsables de l’ordre judiciaire, qui ont été accusés d’être contre la réforme et contre la lutte anti-corruption. Le principal risque est que ces déclarations donnent lieu à des lois inconstitutionnelles et créent ainsi les prémices d’un état d’inconstitutionnalité. Quelques affaires portées récemment devant la Cour constitutionnelle en apportent la preuve. La Cour a néanmoins dit le droit en affirmant que :

  • la loi concernant le jugement par le PNA (Parquet national anti-corruption) des parlementaires impliqués dans des affaires douteuses, citée auparavant par M. le Président Vida, est inconstitutionnelle car contrevenant à une disposition de la Constitution introduite postérieurement à la création du PNA ;
  • les lois sur le statut des magistrats et le projet de loi relatif à l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature – tous les deux compris dans le soi-disant « ensemble de lois » visant la justice et la propriété devaient être modifiées.
  • En effet, ces lois prévoyaient que le mandat des magistrats doit cesser de plein droit à 58 ans pour les femmes et 62 ans pour les hommes, cette disposition étant aussi applicable aux juges constitutionnels. La Cour a considéré que cette disposition était inconstitutionnelle car d’une part, elle soumettait les juges constitutionnels au même traitement que les juges ordinaires et, d’autre part, elle instituait un terme non prévu pas la loi au mandat des juges constitutionnels.
  • Ces deux exemples sont suffisants pour montrer que des atteintes à l’indépendance des juges et des juridictions, ordinaires comme constitutionnels, se produisent encore en Roumanie et viennent surtout de la part de l’exécutif.

J’ose espérer que ces atteintes graves portées à l’indépendance de la justice, que je dénonce dans mon intervention attireront l’attention de l’Association et la conduiront à prendre des initiatives qui permettront d’éviter à la Roumanie (sous l’étiquette d’un État de droit), d’échouer à nouveau dans un régime autoritaire.

M. L. Pirdenti

Directeur des relations internationales à la Cour constitutionnelle, Albanie

Les opinions dissidentes ou concurrentes ne mettent nullement en cause l’indépendance des juridictions. De fait, elles sont des garanties d’indépendance et constituent une contribution importante pour le développement de la doctrine et pour le pluralisme des opinions.

La loi relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour constitutionnelle reconnaît à chaque membre le droit d’exprimer son opinion dissidente ou concordante et de la faire publier conjointement à la décision de la Cour.
Cependant, la pratique des opinions dissidentes n’est pas toujours aussi simple. Une question se pose avec plus d’acuité : le juge voulant exprimer son opinion est-il obligé de l’exprimer par écrit ou l’expression orale de celle-ci durant les délibérations est-elle suffisante ? La seconde solution a été privilégiée dans certains cas, car la loi n’oblige pas le juge à rendre publique, par écrit, sa position. Chaque décision fait mention qu’elle est prise « unanimement » ou « à la majorité » et lorsqu’elle a été prise « à la majorité », les membres dissidents n’y sont pas mentionnés.

M. M. Iuga

Juge à la Cour constitutionnelle, Moldavie [14]

Plusieurs exemples illustrent la pratique des opinions dissidentes en Moldavie :

  • un groupe de trente-huit députés a élaboré un projet de loi dans lequel ils proposaient l’abrogation de la Constitution actuelle et son remplacement par une autre Constitution de la Fédération de Moldavie. La Cour a eu à donner son avis sur ce projet. Lors des débats une opinion dissidente a été formulée par le Juge M. Iuga, qui soutenait que la Constitution pouvait être modifiée, complétée, mais pas abrogée. Apparemment cette opinion a eu une influence considérable sur le président de la République lui-même qui a notifié à son tour, son opposition à tout processus de fédéralisation de la Moldavie, les auteurs du projet renonçant à leur initiative ;
  • au cours d’une autre affaire pendant laquelle une opinion dissidente a été formulée, un débat a été organisé au sein de la Cour. La Cour s’est conformée aux modifications du code de justice constitutionnelle, qui stipulent qu’en cas de partage égal des voix (trois juges pour, et trois juges contre), la loi contestée sera considérée conforme à la Constitution. Nombreux projets de lois évidemment non constitutionnels ont été ainsi considérés constitutionnels.

En conséquence, je considère que les opinions dissidentes sont d’une grande utilité et que leur rôle ne peut être méconnu car elles sont susceptibles d’orienter l’opinion générale dans un sens positif, ce qui ne serait pas possible sans leur publication.

M. A. Nassar

Président du Conseil constitutionnel, Liban

Au Liban, il a été décidé que les opinions dissidentes n’étaient plus acceptées. Mais c’est plus la publication des opinions dissidentes que ces opinions elles-mêmes qui posent un problème. Cette publication pose problème pour deux principales raisons :

  • elle contrevient à la notion même de juridiction opposant deux parties, pour ce qui concerne spécifiquement ici les juridictions ordinaires ; la situation de la juridiction constitutionnelle est tout à fait différente, les parties étant des institutions et non pas des particuliers. Ainsi, l’idée des opinions dissidentes peut être conforme à la notion de justice constitutionnelle, qui oppose des institutions et non pas des particuliers ;
  • elle peut apporter le doute dans l’esprit de ceux qui sont directement concernés par la décision.

Par souci de légitimité de la décision et par principe, il faudrait, qu’une fois que la majorité s’est prononcée, tous les autres membres se conforment à la décision.

Il est intéressant de noter dans la pratique au Liban que, les opinions dissidentes n’étant plus publiées, plus aucun juge n’est intéressé à en formuler, même au cours des débats.


  • [1]
    Art. 124 de la Constitution de la Roumanie  [Retour au contenu]
  • [2]
    Jugement ; Sa Majesté la Reine C. Beauregard, 1986, 2 R.C.S. 56.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Déc. n° 6 du 11 novembre 1992, le Journal Officiel de la Roumanie, Partie I, n° 48 du 4 mars 1993.  [Retour au contenu]
  • [4]
    À la suite à la Conférence ministérielle de la Francophonie qui s’est tenue à Antananarivo, le 23 novembre 2005, une réforme est intervenue et l’Organisation internationale de la Francophonie a succédé à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Devenue depuis lors la Délégation à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Lors de chaque rencontre ACCPUF, une présentation de la base de données CODICES est réalisée afin de sensibiliser et de familiariser les membres de l’Association à cet outil.  [Retour au contenu]
  • [7]
    La coopération entre l’ACCPUF et la Commission de Venise s’est concrétisée à travers la signature de deux documents principaux : l’Accord de Vaduz, signé en 1999, qui permet à l’ACCPUF d’utiliser le mode de présentation du Bulletin et le Thésaurus systématique de la Commission de Venise pour rassembler la jurisprudence de ses propres cours membres ; et le protocole de Djibouti, qui permet à l’ACCPUF d’intégrer des décisions des cours membres de l’Association dans la base de données CODICES.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Le questionnaire sur l’indépendance des juges et des juridictions, réalisé par l’ACCPUF, avait été envoyé préalablement à l’ensemble des cours membres. Au total vingt-sept cours et conseils y ont répondu.  [Retour au contenu]
  • [9]
    Les avis sont rendus par le Conseil constitutionnel dans la cadre du contrôle a priori, les décisions sont rendues dans le cadre du contrôle a posteriori. Les deux ont la même force juridique, ils sont définitifs et s’imposent aux pouvoirs publics.  [Retour au contenu]
  • [10]
    Il s’agit de l’OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires. Cette organisation a été créée par le traité relatif à l’Harmonisation du droit des affaires en Afrique signé à Port Louis à Maurice le 17 octobre 1993. Ce traité a pour objectif principal de remédier à l’insécurité juridique et judiciaire existant dans les États parties, que sont 14 pays de la Zone franc CFA, plus les Comores et la Guinée Conakry.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Le comité judiciaire du Conseil privé de Sa Majesté la reine d’Angleterre est une institution britannique qui possède de larges compétences s’étendant sur tout l’Empire britannique. L’Île Maurice bien qu’ayant acquis le statut de République en 1992, a maintenu la juridiction de Sa Majesté la reine d’Angleterre. Dans la terminologie juridique anglaise, la Cour suprême (Supreme court), n’est pas forcément celle qui statue en dernier ressort ou en cassation. Elle peut même statuer en premier ressort sur certaines affaires et sa décision peut être soumise au contrôle d’une autre juridiction, notamment le comité judiciaire.

    La procédure devant ce comité est très complexe et nécessite une autorisation préalablement à sa saisine. Le comité judiciaire de Sa Majesté la reine d’Angleterre est compétent pour contrôler la constitutionalité de tout acte interne créateur de droits. Ce contrôle peut s’effectuer par voie d’action directe, ou par le biais de l’exception d’inconstitutionnalité. Ce comité est, en outre, la seule instance compétente en matière de responsabilité disciplinaire des magistrats de la Cour suprême ; in Bulletin n° 2 de l’ACCPUF, Compétences et organisations des Cours constitutionnelles et Institutions équivalentes ayant en partage l’usage du français, juin 2003  [Retour au contenu]

  • [12]
    Traduction non officielle réalisée par Codrina Constantinescu, stagiaire au Secrétariat général de l’ACCPUF, du 15 septembre au 15 octobre 2005.  [Retour au contenu]
  • [13]
    Parquet national anti-corruption.  [Retour au contenu]
  • [14]
    1Traduction non officielle, op. cit., p. 52.  [Retour au contenu]

Première partie : La justice dans la Constitution

La consécration, par les différents textes, de l’indépendance des juges et des juridictions passe avant tout par la reconnaissance de la notion de justice elle-même. Cette notion est consacrée dans les différents pays membres de l’ACCPUF, soit dans la Constitution, soit dans une loi organique. Mais une nuance s’impose car les textes font une distinction entre la justice au sens large, et la justice constitutionnelle qui bénéficie souvent d’un statut spécifique.

I. La notion de «justice» et la Constitution

Question préalable: la justice est-elle évoquée dans la Constitution? La justice est abordée d’une manière ou d’une autre dans tous les textes des États dont les cours sont membres de l’ACCPUF; soit dans le Préambule de la Constitution, soit dans le chapitre ou le titre dédié à la justice. La notion apparaît dans de nombreux pays à travers le terme de «pouvoir judiciaire». Il s’agit par exemple du Bénin, de la Belgique, de la Bulgarie, du Burundi, du Cameroun, et du Congo-Brazzaville; d’autres pays, notamment l’Albanie, parlent de «juridictions», tandis que certains comme la France, utilisent la notion d’«autorité judiciaire».

A. La place de la justice au sein de l’ordre constitutionnel
  • Si la justice est évoquée dans la Constitution, à quelle place? Dans un Préambule? Dans un catalogue de droits fondamentaux? Avant ou après les pouvoirs exécutif et législatif?

Même si la justice n’est pas expressément citée dans le Préambule ou le catalogue des droits fondamentaux, lorsque ceux-ci font l’objet d’une formulation spécifique, on retrouve la notion dans les textes des États à travers différents articles. La notion se retrouve notamment en Belgique, à travers la formule selon laquelle «nul ne peut être distrait contre son gré, du juge que la loi lui assigne» (article 13 de la Constitution), au Bénin, la devise est «fraternité, justice, travail», au Cameroun, la justice est évoquée dans les droits fondamentaux, en Guinée-Équatoriale. À Maurice, au Canada, en Moldavie, elle est aussi mentionnée. La justice est placée dans la quasi totalité des constitutions des États dont les cours sont membres de l’ACCPUF, après les pouvoirs exécutif et législatif.

  • Comment? Parle-t-on de «pouvoir judiciaire» ou d’«autorité judiciaire»? Peut-on en déduire des conséquences concrètes?

Le terme «pouvoir judiciaire» est utilisé dans l’immense majorité des cas à la place du terme «autorité judiciaire». Il s’agit donc de l’un des trois pouvoirs prévus par la Constitution (pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire). À Madagascar, une formule de compromis a été trouvée avec l’utilisation du terme «fonction judiciaire». Le Mali souligne d’ailleurs qu’après la Conférence nationale [1] de 1991, la Constitution de 1992 a transformé «l’autorité judiciaire» en « pouvoir judiciaire » pour affirmer l’émergence d’une justice forte et indépendante, garante des libertés.

Quelques pays font néanmoins exception en utilisant le terme d’« autorité judiciaire » : il s’agit de la France, de Madagascar, de la Moldavie et de la Suisse.

Tableau 1 – « Pouvoir » ou « Autorité judiciaire » : quel terme est consacré par la constitution ?

Albanie Pouvoir judiciaire.
Belgique Pouvoir judiciaire.
Bénin Pouvoir judiciaire : la principale conséquence est l’indépendance des juges et des juridictions.
Bulgarie

Pouvoir judiciaire : la notion recouvre l’organisation et les compétences des juridictions, du Parquet et des services d’instruction mais aussi les modalités de recrutement des magistrats.

Burkina Faso Pouvoir judiciaire.
Burundi Pouvoir judiciaire : pas de conséquence concrète.
Cameroun Pouvoir judiciaire : pas de conséquence concrète.
Canada

Judicature [2] (texte ancien), tribunal [3] (texte récent) : le pouvoir judiciaire y est représenté comme une chose concrète ou une fonction individuelle plutôt que comme une entité abstraite. L’indépendance est davantage attachée aux juges qu’aux juridictions.

Comores Pouvoir judiciaire :la conséquence est notamment l’indépendance des juges et des juridictions consacrée par la loi relative au statut des magistrats.
Congo-Brazzaville Pouvoir judiciaire : indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ; les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi.
Égypte Pouvoir judiciaire.
France Autorité judiciaire.
Guinée-Équatoriale Pouvoir judiciaire.
Gabon

Pouvoir judiciaire : répond au principe de la séparation des pouvoirs. Il ne faut pas en déduire que les juges constituent un pouvoir au sens constitutionnel du terme (ce qui explique le sous-titre « de l’autorité judiciaire » désignant l’organi- sation et les structures).

Liban Pouvoir judiciaire (art. 20 de la Constitution).
Madagascar Autorité judiciaire (art. 13 al. 2 de la Constitution).
Mali

Pouvoir judiciaire (titre VII de la Constitution). Au Mali, après la conférence nationale de 1991, la nouvelle Constitution a consacré un « pouvoir judiciaire » afin de favoriser l’émergence d’une justice forte et indépendante, garante des libertés.

Maroc L’art. 82 du titre VII emploie le terme d’autorité judiciaire et cela, probablement, pour faire la différence avec l’exécutif et le législatif qui sont des pouvoirs.
Maurice Pouvoir judiciaire.
Mauritanie Pouvoir judiciaire.
Moldavie Autorité judiciaire.
Niger Pouvoir judiciaire : la conséquence semble toutefois davantage sémantique, que concrète.
Roumanie

La Constitution roumaine emploie les deux termes : le terme pouvoir judiciaire apparaît à l’art. 1er, al. 4 (introduit lors de la révision constitutionnelle de 1991), le terme autorité judiciaire apparaît dans les autres dispositions conte- nues dans le chapitre VI du titre III.

La raison de cette double terminologie a été relevée par la décision n° 339 du 18 juillet 1997 [4].

Sénégal Pouvoir judiciaire : compte tenu de la séparation des pouvoirs, la justice est considérée comme le troisième pouvoir de l’État.
Slovénie

La Constitution slovène emploie le terme de pouvoir judiciaire (art. 3, al. 2 ; art. 128). La désignation de la justice en tant que pouvoir la place au même niveau que les deux autres pouvoirs.

Suisse Autorité judiciaire.
Togo Pouvoir judiciaire.
B. L’organisation de la justice et son indépendance dans l’ordre constitutionnel et dans la jurisprudence
  • Le groupe de mots « indépendance de la justice » est-il expressément utilisé ? Où ?
    L’indépendance est-elle définie ? Est-elle analysée en relation avec un élément détermi- nant d’autres notions ?
    Est-elle confondue avec l’indépendance des juges – voire des juridictions ?

Dans la plupart des textes, l’indépendance de la justice se confond avec celle du juge ou des juridictions. Elle est néanmoins exprimée en tant que telle à Madagascar dans le Préambule de la Constitution, de même qu’au Bénin, en Égypte, au Sénégal, en Slovénie et au Burkina Faso. Par ailleurs, la notion n’est pas expressément définie. Pourtant, les cours s’accordent toutes à trouver une définition dans l’affirmation, relevée dans plusieurs textes, selon laquelle « les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi » et celle selon laquelle les juges constitutionnels « ne sont soumis qu’à la Constitution ». À titre d’exemple, au Bénin, au Cameroun et au Congo-Brazzaville, il est prévu dans les textes que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif » [5].

Tableau 2 – L’indépendance de la justice dans la constitution

Albanie Art. 145 : les juges sont indépendants et sont soumis uniquement à la Constitution et à la loi.
Belgique Art. 151 : les juges sont indépendants dans l’exercice de leurs compétences juridictionnelles.Le ministère public est indépendant dans l’exercice des recherches et poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d’ordonner des poursuites et d’arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite.
Bénin Art. 125 al. 1 : le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.Art. 126 al. 2 : les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles.
Bulgarie Art. 117 al. 2 et 3 : les autorités judiciaires sont indépendantes. Dans l’accomplissement de leurs fonctions, les juges, les jurés, les procureurs et les juges d’instruction n’obéissent qu’à la loi.Les autorités judiciaires ont un budget indépendant.
Burkina Faso Art. 129 : le pouvoir judiciaire est indépendant.
Burundi Art. 209 : le pouvoir judiciaire est impartial et indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.Dans l’exercice de ses fonctions, le juge n’est soumis qu’à la Constitution et à la loi.
Cameroun Art. 37 : le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
Canada Art. 11-d) de la loi constitutionnelle de 1982 (charte canadienne des droits et libertés) : tout inculpé a le droit :d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.

Le concept d’indépendance n’est pas défini dans le texte constitutionnel de 1867. Ce sont ses composants (nomination des juges, création de la Cour suprême) qui y sont présents. La jurisprudence et la doctrine ont défini le concept d’indépendance, en s’inspirant du texte de 1867 et des réalités actuelles : la jurisprudence parle d’indépendance négative, c’est-à-dire de l’absence d’ingérence de l’exécutif ou du législateur dans la fonction judiciaire.

Comores Art. 28 : le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles.
Congo-Brazzaville Art. 136 : le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi.
Égypte Art. 65 : l’État est soumis à la loi. L’indépendance de la magistrature et son immunité constituent deux garanties fondamentales pour la protection des droits et des libertés.Art. 165 : le pouvoir judiciaire est indépendant.

Art. 166 : les magistrats sont indépendants et ne sont soumis, en ce qui concerne leurs attributions judiciaires, qu’à la loi.

Aucune autorité ne peut s’ingérer dans les procès et les affaires de la justice.

Art. 168 : les juges sont inamovibles.

Art. 172 : le Conseil d’État est un organe indépendant.

France Art. 64 : Le président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Guinée-Équatoriale Art. 83 : le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.
Gabon Art. 68 : la justice est une autorité indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi.
Liban Art. 20 :le pouvoir judiciaire fonctionnant dans le cadre d’un statut établi par la loi et assurant aux juges et aux justiciables les garanties indispensables, est exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés. La loi fixe les limites et les conditions de l’inamovibilité des magistrats. Les juges sont indépendants dans l’exercice de leur magistrature. Les arrêts et jugements de tous les tribunaux sont rendus et exécutés au nom du peuple libanais.
Madagascar Le mot « indépendance » concernant la justice est expressément utilisé dans le Préambule de la Constitution.
Mali Le mot indépendance est expressément utilisé dans la Constitution et dans le code de déontologie annexé à la loi n° 02-054 portant statut des magistrats (chapitre 1er art. 3).
Maroc Art. 82 : L’autorité judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Maurice Le terme « indépendance » est expressément utilisé aux art. 10 al. 1 et 10 al. 8 de la Constitution.
Mauritanie Art. 89 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif (…) ».
Moldavie L’indépendance de la justice est expressément invoquée et définie dans l’art. 126 de la Constitution, ainsi que dans la loi sur l’organisation judiciaire, la loi sur le CSM [6], le code de procédure civile et le code de procédure pénale.
Niger Art. 98 : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ».
Roumanie L’expression « indépendance de la justice » est employée dans les art. 133 al. 1er et 134 al. 4e. Pourtant la Constitution proclame l’indépendance de la justice sans la définir. Elle est conçue en étroite liaison avec le principe de la séparation des pouvoirs dans le cadre de l’État démocratique.
Sénégal Art. 88 : Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Slovénie L’expression « indépendance de la justice » n’est pas expressément utilisée. Cependant, on peut considérer qu’elle apparaît implicitement lorsque la Constitution parle de l’indépendance des juges.
Suisse L’indépendance des tribunaux de l’ordre judiciaire fédéral ou des ordres judiciaires cantonaux, fait partie des garanties de procédure judiciaire figurant dans le catalogue des droits fondamentaux. Elle est exprimée non pas au titre consacré à l’autorité judiciaire, mais dans l’art. 30-1 du titre II qui contient le catalogue des droits.Quant aux dispositions sur l’autorité judiciaire, elles précisent l’autonomie de l’organisation de celle-ci (art. 188, al. 3), mais elles ne font pas expressément référence à l’indépendance du Tribunal fédéral et des autres autorités.
Togo Art. 113 : Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
  • Est-il prévu qu’une autorité soit garante de l’indépendance ? Si oui, laquelle ? (Président de la République ? Autorité collégiale de type Conseil supérieur de la magistrature ?)

Certaines constitutions citent expressément les autorités garantes de l’indépendance de la justice. Ces autorités sont, dans la plupart des cas, le président de la République, et le Conseil supérieur de la magistrature. C’est le cas au Bénin, au Burkina Faso, au Burundi, au Cameroun, aux Comores, au Congo-Brazzaville, en Égypte, en France, au Gabon, à Madagascar, au Maroc, et au Niger. Dans certains pays, il est prévu une autorité unique chargée de garantir l’indépendance de la justice ; dans certains cas c’est le président de la République (Guinée-Équatoriale, Maurice) ; dans d’autres, c’est au Conseil supérieur de la magistrature que revient cette mission (Bulgarie, Moldavie, Roumanie, Slovénie).

Dans certains États, les textes ne prévoient pas qu’une autorité soit garante de l’indépendance de la justice. Néanmoins, la Cour d’Albanie considère que le président de la République et le Conseil supérieur de la magistrature sont garants de cette indépendance ; la Cour suprême du Canada, considère quant à elle, que le pouvoir judiciaire est le garant de sa propre indépendance.

Tableau 3 – L’autorité garante de l’indépendance de la justice

Albanie La Constitution ne prévoit aucune autorité susceptible de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. On peut considérer que le président de la République et le CSJ [7], qu’il préside, constituent les organes garants de l’indépendance.
Belgique Le CSJ n’est pas formellement garant de l’indépendance de la justice, mais la Constitution précise qu’il doit respecter l’indépendance des juges (art. 151 § 2).
Bénin Le président de la République est garant de l’indépendance de la justice. Il est assisté par le CSM (art. 127).
Bulgarie Le pouvoir judiciaire est placé sous la direction du Conseil supérieur judiciaire.
Burkina Faso Le président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est assisté par le CSM dont il assure la présidence (art. 131).
Burundi Le président de la République, chef de l’État, est garant de l’indépendance de la magistrature. Il est assisté dans cette mission par le CSM.
Cameroun Le président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est assisté dans cette mission par le CSM qui lui donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du siège.
Canada Aucune autorité n’est nommément garante de l’indépendance judiciaire. Du fait du régime fédéral et de la Charte des droits, les tribunaux exercent un contrôle constant sur les lois, tant pour la conformité de celles-ci au partage des compétences qu’à la Charte. On peut considérer que le pouvoir judiciaire est le garant ultime de sa propre indépendance, sous réserve de la nomination des juges par le Gouvernement.
Comores Le président de l’Union est garant de l’indépendance de la justice. Il est assisté par le CSM (art. 29).
Congo-Brazzaville Le président de la République garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire à travers le Conseil supérieur de la magistrature (art. 140).
Égypte Le CSM, présidé par le président de la République, contrôle les organes judiciaires (art. 173).
France L’autorité garante de l’indépendance de la justice est le président de la République. Il est assisté du CSM.
Guinée-Équatoriale Le chef de l’État garantit l’indépendance de la justice (art. 86).
Gabon Le président de la République est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, dans le respect des dispositions de la présente Constitution, notamment en son article 36. Il est assisté du CSM et des présidents de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes (art. 69).
Liban N.C. [8]
Madagascar Le président de la République est garant de l’indépendance de la justice. Il est assisté du CSM (art. 98 al. 1 de la Constitution).
Mali Le président de la République est l’autorité constitutionnelle chargée de garantir l’indépendance de la justice. Il est en outre le président du CSM.
Maroc Il n’existe pas de disposition précise mentionnant cette autorité, mais on relève la convergence de plusieurs dispositions. L’art. 19 déclare que le Roi « veille au respect de la loi et de la Constitution » ; l’art. 83 dispose que les jugements sont rendus et exécutés au nom du Roi, ce qui est de nature à conforter les juges dans leur indépendance ; l’art. 87 dispose que le CSM veille à l’application des garanties accordées au magistrats quant à leur avancement et à leur discipline.
Maurice Le président de la République est l’autorité garante, aux termes de la Constitution, de l’indépendance de la justice, de l’État de droit et des institutions démocratiques.
Mauritanie Le président de la République est garant de l’indépendance de la justice.
Moldavie Le CSM garantit l’indépendance des juges comme l’indépendance de la justice.
Niger L’art. 100 de la Constitution dispose que le président de la République est garant de l’indépendance des juges, il est assisté dans cette mission par le CSM.
Roumanie Conformément à l’art. 133 al. 1er, le CSM est le garant de l’indépendance de la justice.
Sénégal N.C.
Slovénie Le CSM est le garant de l’indépendance de la justice en tant qu’autorité indépendante qui tranche les questions relatives à la situations des juges et des juridictions et analyse le travail des fonctionnaires judiciaires.
Suisse La Constitution ne prévoit pas qu’une autorité supérieure soit garante de l’indé pendance de la justice. Dans ce contexte, l’Assemblée fédérale, qui est l’autorité suprême de la confédération, a la compétence pour exercer la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux (art. 169, al. 1). Les modalités de cette surveillance sont définies dans la loi sur l’Assemblée fédérale (art. 162 de cette loi).
Togo N.C.
  • Pouvez vous trouver des décisions de votre Cour où la notion est réaffirmée ?

Certaines cours affirment qu’il n’y a pas eu de contentieux sur cette question (Cameroun, Congo, Madagascar, Mali, Moldavie, Niger, Togo). En revanche, plusieurs cours relèvent un contentieux important : outre le Conseil constitutionnel français, la Cour suprême constitutionnelle d’Égypte souligne plusieurs décisions qui affirment l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le Conseil constitutionnel du Maroc cite la décision n° 92 rendue le 10 novembre 1995 dans laquelle, lors de l’examen de la conformité à la Constitution de la loi organique relative aux commissions d’enquête parlementaires il s’est prononcé pour la dissolution de ces commissions si la justice est saisie, après leur constitution, des faits pour lesquels elles ont été créées. En 2004, à propos de la loi organique relative à la Haute Cour, le Conseil constitutionnel marocain a estimé contraire au principe constitutionnel de l’indépendance de la justice, la disposition qui soustrait de la procédure de récusation, le président de cette Cour ainsi que le président de la commission d’instruction.

Plusieurs arrêts de la Cour constitutionnelle d’Albanie soulignent que l’indépendance de la justice, l’inamovibilité des juges ainsi que leur immunité constituent des éléments essentiels. Le juge constitutionnel sanctionne tout empiétement sur le principe de séparation des pouvoirs.

La Cour constitutionnelle du Bénin cite différents arrêts dont, par exemple, la décision DCC 04-079 du 21 août 2004. Cette décision est relative à l’extradition d’un individu vers un pays voisin, décidée par une commission d’enquête, elle-même créée par décret présidentiel. La Cour a estimé que cette extradition était contraire aux dispositions contenues dans le Préambule de la Constitution et à l’article 125 [9] de cette dernière.

Le Conseil constitutionnel français précise que la dernière décision en date est celle du 20 janvier 2005 (n° 2004-510 DC) dans laquelle il rappelle que « le principe d’indépendance est indissociable de l’exercice des fonctions judiciaires ».

La Cour suprême de l’Île Maurice cite les arrêts Mattaboob de1982 et Vallet contre Ramgoolam de 1973. La Cour constitutionnelle du Niger cite un arrêt sur le conseil de discipline des magistrats.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle de Roumanie a considéré que sont inconstitutionnelles les dispositions permettant aux assistants judiciaires, non juges, de statuer dans des formations de jugement alors qu’ils ne possèdent pas le statut de magistrat, ne sont pas inamovibles et peuvent exercer d’autres fonctions. En 2004, la Cour a affirmé que l’indépendance de la justice implique un statut spécial et adéquat pour les magistrats afin d’imprimer une valeur incontestable au jugement. La Cour constitutionnelle de Slovénie a statué sur une loi rendant incompatibles certaines fonctions juridiques (pas seulement juridictionnelles) avec toutes les fonctions et activités qui pourraient porter préjudice à l’indépendance et à la dignité des juridictions. Même si cela constitue une ingérence dans les droits constitutionnels de la liberté de travail ou de la liberté d’entreprendre, la Cour a considéré que ces ingérences étaient proportionnelles aux objectifs du législateur.


  • [1]
    Les conférences nationales sont de grands rassemblements des différentes entités publiques, politiques et privées, qui ont marqué le début des processus démocratiques dans de nombreux pays africains au début des années 1990.  [Retour au contenu]
  • [2]
    Loi de 1867.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Loi constitutionnelle de 1982  [Retour au contenu]
  • [4]
    Dans cette décision, la Cour constitutionnelle de Roumanie devait se prononcer sur la constitutionalité d’une loi qui complétait et modifiait la loi n° 92/1992 sur l’organisation judiciaire. La Cour a affirmé que la distinction que cette loi faisait entre pouvoir judiciaire et autorité judiciaire était justifiée, car la Constitution consacre le syntagme « les pouvoirs de l’État » et fait une distinction entre ces pouvoirs et les « autorités publiques ». En outre, la théorie de la séparation des pouvoirs ne veut pas dire séparation des institutions, mais plutôt que les fonctions législative, judiciaire et exécutive de l’État sont distinctes et réalisées par des organes indépendants.  [Retour au contenu]
  • [5]
    Art. 125 al. 1 de la Constitution béninoise; art. 37 de la Constitution camerounaise et art. 136 de la Constitution congolaise.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Conseil Supérieur de la magistrature.  [Retour au contenu]
  • [7]
    Conseil supérieur de la justice.  [Retour au contenu]
  • [8]
    Non communiqué  [Retour au contenu]
  • [9]
    Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par la Cour suprême, les cours et tribunaux créés conformément à la présente Constitution.  [Retour au contenu]

II. Une justice constitutionnelle spécifique ?

La justice constitutionnelle dans l’équilibre des pouvoirs

La justice constitutionnelle est-elle évoquée dans les constitutions ? Bénéficie-t-elle d’un statut spécifique par rapport à la « justice ordinaire » ? Est-il question de son indépendance ? Autant de questions qui sont posées dans cette partie et auxquelles les cours membres de l’ACCPUF ont apporté une réponse.

A. La juridiction constitutionnelle et l’ordre judiciaire « ordinaire »
1. La place de la juridiction constitutionnelle dans la hiérarchie
  •  Votre Cour ou Conseil est-il au sommet de l’ordre judiciaire « ordinaire », et les dispositions qui gouvernent la justice lui sont-elles applicables ?

Les réponses à cette question sont multiformes et font apparaître des différences d’un État à l’autre. Si pour certains, la Cour ou le Conseil constitutionnel ne fait pas partie de l’ordre judiciaire (Albanie, Belgique, Bénin, Bulgarie, Gabon, Liban, Slovénie), pour d’autres, elle fait partie de l’organisation judiciaire (Canada, Sénégal, Suisse). Mais les différentes réponses, comme le montre le tableau ci-après, nous révèlent que la juridiction constitutionnelle, indépendamment de son intégration dans le chapitre consacré à la justice, bénéficie, dans certains cas, d’un statut autonome. Le cas du Sénégal est révélateur : le Conseil constitutionnel, bien qu’intégré dans le chapitre consacré au pouvoir judiciaire, bénéficie de règles spécifiques différentes de celles applicables à l’ordre judiciaire ordinaire. Au Niger, la justice constitutionnelle est évoquée et se trouve au sommet de l’ordre judiciaire. Malgré son intégration dans le chapitre consacré au pouvoir judiciaire, elle est régie par des règles propres.

Tableau 4 – La Cour constitutionnel et l’ordre judiciaire

FranceLe Conseil constitutionnel n’est pas un organe de l’ordre judiciaire.

Albanie La Cour constitutionnelle ne fait pas partie du pouvoir judiciaire. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome établi par la Constitution et par une législation spéciale.
Belgique La Cour d’arbitrage ne fait pas partie du pouvoir judiciaire. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome établi par la Constitution et par une législation spéciale.
Bénin La Cour constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Bulgarie La Cour constitutionnelle n’est pas un organe du pouvoir judiciaire. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Burkina Faso Le Conseil constitutionnel n’est pas un organe du pouvoir judiciaire. Il bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Burundi La Cour constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire. Elle est dite juridiction de l’État en matière constitutionnelle. Les dispositions qui gouvernent la justice lui sont applicables. Elle ne dispose pas d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Cameroun Le Conseil constitutionnel n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire. Il est la plus haute juridiction en matière constitutionnelle. Les dispositions qui gouvernent la justice ordinaire ne lui sont pas applicables. Il bénéficie d’un statut autonome.
Canada La Cour suprême est au sommet de l’ordre judiciaire canadien. Il n’y a pas d’instance constitutionnelle autonome.
Comores La Cour constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire ordinaire et les dispositions qui gouvernent la justice ne lui sont pas applicables. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Congo-Brazzaville La Cour constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire ordinaire et les dispositions qui gouvernent la justice ne lui sont pas applicables. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Égypte La Cour suprême constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire ordinaire. La loi instituant la Cour dispose que, sauf disposition expresse, les dispositions de la loi sur le pouvoir judiciaire sont applicables à la Cour. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Guinée-Équatoriale Le Tribunal constitutionnel n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire ordinaire et les dispositions qui gouvernent la justice ne lui sont pas applicables. Il bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Gabon La Cour constitutionnelle n’est pas un organe du pouvoir judiciaire. Elle bénéficie d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel.
Liban Le Conseil constitutionnel n’est pas un organe du pouvoir judiciaire.
Madagascar La Haute Cour constitutionnelle n’est pas au sommet de l’ordre judiciaire.
Mali La Cour constitutionnelle est une institution de la République à part entière.
Maroc Le Conseil constitutionnel marocain est indépendant de l’ordre judiciaire« ordinaire ».
Maurice La Cour suprême est au sommet de l’ordre judiciaire [1].
Mauritanie Le Conseil constitutionnel est indépendant de l’ordre judiciaire ordinaire.
Moldavie La Cour constitutionnelle est une autorité politicojuridictionnelle, politique du point de vue de la nomination de ses membres, juridictionnelle de par ses attributions et ses principes d’organisation et de fonctionnement, située en dehors de l’ordre judiciaire ordinaire et indépendante par rapport à toute autre autorité publique. Elle ne décide que sur des questions de droit commun.L’organisation de la Constitution montre bien que la juridiction constitutionnelle est placée en dehors des juridictions ordinaires. La Cour constitutionnelle est réglementée au titre V de la Constitution, tandis que les juridictions ordinaires occupent le chapitre 9 du titre III.
Niger La Cour constitutionnelle, compte tenu de sa spécificité, bénéficie de l’application de règles propres, souvent différentes de celles qui gouvernent la justice : art. 103 et 115 de la Constitution et loi organique réglant le fonctionnement de cette institution.
Roumanie La loi sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle prévoit que la Cour est indépendante à l’égard de toute autre autorité publique et n’obéit qu’à la Constitution et à la loi. Dans le même sens, l’art. 142 établit que la Cour constitutionnelle est le garant de la suprématie de la Constitution. Ces deux dispositions associées suggèrent, bien évidemment, que la Cour est organisée séparément de l’ordre judiciaire ordinaire, en bénéficiant d’un statut spécifique et de compétences propres.
Sénégal Le Conseil constitutionnel est intégré dans le chapitre consacré au pouvoir judiciaire. Il n’y a aucune mention spécifique de son indépendance.
Slovénie La Cour constitutionnelle bénéficie d’un statut autonome par rapport à l’ordre judiciaire ordinaire et même d’un titre autonome dans la Constitution ; la loi sur la Cour prescrit les compétences et le rôle de cette institution au sein de l’ordre constitutionnel.
Suisse Le Tribunal fédéral est l’autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 188 al. 1). Il possède des attributions de juridiction constitutionnelle (art. 189) et de Cour suprême en matière civile, pénale et administrative (art. 190, al. 1). Son organisation, telle qu’elle ressort de la Constitution et de la loi interne, est unitaire, de sorte qu’il n’y a pas de dispositions spéciales pour sa compétence en matière constitutionnelle.
Togo Le titre VI de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle.
2. Le statut de la juridiction constitutionnelle
  • Votre Cour ou Conseil bénéficie-t-il/elle d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel ?

L’organisation formelle de la Constitution peut être un élément important pour mesurer le degré d’autonomie dont bénéficie la juridiction constitutionnelle. Dans certains pays, la juridiction constitutionnelle bénéficie d’un titre autonome dans la Constitution. C’est le cas notamment en Albanie, au Bénin, au Cameroun, au Congo-Brazzaville, en France, au Gabon, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, en Moldavie, en Roumanie et au Togo ; dans d’autres, la juridiction constitutionnelle est placée dans le chapitre consacré au pouvoir judiciaire, comme en Bulgarie, au Niger, et au Sénégal.

Tableau  5 -La place de la Cour constitutionnelle dans la constitution

Albanie La 9e partie de la Constitution est consacrée à la Cour constitutionnelle. L’art. 124 prévoit que la Cour ne se soumet qu’à la Constitution.
Belgique La Constitution consacre son art. 142 à la Cour d’arbitrage. Elle fait l’objet d’un chapitre à part. La Constitution ne parle pas de la justice constitutionnelle et ne fait pas mention d’indépendance de la Cour d’arbitrage.
Bénin Le titre V de la Constitution (art. 114-124) est consacré à la Cour constitutionnelle. Il n’y a pas de mention spécifique concernant l’indépendance de la Cour mais il est précisé que la Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle (art. 114) et que les membres sont inamovibles pendant leur mandat (art. 115).
Bulgarie Le chapitre VIII de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle. Son indépendance n’est pas mentionnée dans la Constitution, mais se trouve dans la loi sur la Cour constitutionnelle.
Burkina Faso La Constitution consacre son titre XIV au Conseil constitutionnel. Son indépendance pourrait être déduite de l’art. 159 alinéa 2 qui affirme que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridiction nelles ».
Burundi La Cour constitutionnelle est intégrée dans la Constitution dans le titre consacré au pouvoir judiciaire après la Cour suprême. Aucune mention de son indépendance ne figure dans la Constitution.
Cameroun Le Conseil constitutionnel fait l’objet du titre VII de la Constitution. La Constitu tion ne parle que du Conseil constitutionnel en tant qu’organe et non de justice constitutionnelle. Il n’existe pas de dispositions constitutionnelles concernant son indépendance.
Canada Seul l’art. 101 de la loi constitutionnelle de 1867 concerne directement la Cour suprême. Les dispositions relatives à l’indépendance des tribunaux supérieurs s’appliquent à la Cour suprême (mais le texte ne la vise pas puisqu’elle n’existait pas à l’époque).
Comores Le titre IV de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle. La Cour est la 3e institution de l’Union après la présidence et l’Assemblée de l’Union. Aucune mention spéciale de son indépendance n’est inscrite dans la Constitution sauf à la déduire du fait que les décisions de la Cour s’imposent à toute autorité ainsi qu’aux juridictions de l’Union et ne sont pas susceptibles de recours.
Congo-Brazzaville Le titre IX de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle. La justice constitutionnelle n’est pas évoquée en tant que telle. Aucune mention spéciale de son indépendance n’est inscrite dans la Constitution. Elle peut se déduire de l’autorité des décisions de la Cour.
Égypte Le chapitre V du titre V de la Constitution est consacré à la Cour suprême constitutionnelle dont l’art. 174 dispose que la Cour est un organe judiciaire indépendant et autonome de la République arabe d’Égypte.
France Le titre VII de la Constitution est consacré au Conseil constitutionnel. Aucune mention spéciale de son indépendance n’est inscrite dans la Constitution.
Guinée-Équatoriale Le chapitre VII du titre II de la Constitution est consacré au Tribunal constitutionnel. Aucune mention spéciale de son indépendance ne figure dans la Constitution.
Gabon Le titre VI de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle. Aucune mention spéciale de son indépendance n’est inscrite dans la Constitution.
Liban Le Conseil constitutionnel est prévu à l’art. 19 de la Constitution. Aucune mention spéciale de son indépendance n’est inscrite dans la Constitution.
Madagascar La Haute Cour constitutionnelle est prévue au sous-titre IV de la Constitution.
Mali La Cour constitutionnelle fait l’objet du titre IX de la Constitution.
Maroc Le Conseil constitutionnel fait l’objet du titre VI de la Constitution.
Maurice La Cour suprême est régie par les art. 76 et suivants du chapitre VII de la Constitution, consacré au pouvoir judiciaire.
Mauritanie Le titre VI de la Constitution est consacré au Conseil constitutionnel.
Moldavie Les dispositions relatives à la Cour constitutionnelle sont regroupées dans le titre V de la Constitution.Selon l’art. 134 du titre V de la Constitution, la Cour est l’unique juridiction constitutionnelle du pays et ne se soumet qu’à la Constitution.

La justice constitutionnelle est mentionnée in fine dans l’art. 135 du même titre.

Niger La Cour constitutionnelle est inscrite à la section I du titre consacré au pouvoir judiciaire.
Roumanie La Constitution réserve à la Cour un titre entier, le Ve titre (art. de 142 à 147).
Sénégal Les dispositions relatives au Conseil constitutionnel sont intégrées dans le titre consacré au pouvoir judiciaire.
Slovénie La Cour constitutionnelle est régie par les dispositions contenues dans le chapitre VIII de la Constitution.
Suisse Le Tribunal fédéral est réglementé au titre V, chapitre 4 de la Constitution et ses compétences en matière constitutionnelle sont prévues par l’art 189 du même chapitre.
Togo La Cour constitutionnelle est régie par un titre autonome dans la Constitution.
  • La justice constitutionnelle est-elle invoquée en tant que telle dans la Constitution, ou parle-t-on de l’organe qui en est l’expression ?

La réponse est quasi unanime : dans presque tous les États dont les cours ont répondu au questionnaire, aucune mention spécifique n’est faite à la « justice constitutionnelle » en tant que telle. C’est plutôt, la juridiction constitutionnelle (cour ou conseil) qui est évoquée. Seules les juridictions constitutionnelles du Burundi et de Mauritanie, indiquent que la justice constitutionnelle est évoquée en tant que telle dans les textes.

« Justice constitutionnelle » en tant que telle ou « juridiction constitutionnelle », tous s’accordent à dire que l’on aboutit à la même signification.

B. La juridiction constitutionnelle et son indépendance dans la Constitution
  • La juridiction constitutionnelle est-elle intégrée dans le chapitre consacré à la justice, ou dans un chapitre autonome ?
  • Une mention spéciale de son indépendance est-elle inscrite dans la Constitution ?

La Cour ou Conseil constitutionnel bénéficie dans la quasi-totalité des cas d’un chapitre autonome au sein de l’ordre constitutionnel et n’est pas intégrée dans les dispositions concernant les pouvoirs et notamment le pouvoir judiciaire. C’est le cas en Albanie, en Belgique, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Burundi, au Cameroun, aux Comores, au Congo-Brazzaville, en Égypte, en France, au Gabon, en Guinée-Équatoriale, à Madagascar, au Mali, au Maroc, en Mauritanie, en Moldavie, en Slovénie, et au Togo. Il n’y a qu’au Liban, à Maurice, au Niger, au Sénégal, et en Suisse que la juridiction constitutionnelle est placée dans le chapitre consacré à la justice, ou plus généralement aux autorités (Suisse notamment) ; le Sénégal précise néanmoins que, malgré cette organisation plus formelle que réelle, la juridiction constitutionnelle bénéficie d’un statut autonome organisé par une loi propre au sein de l’ordre constitutionnel.

Hormis en Bulgarie, en Égypte, en Mauritanie, en Moldavie, et en Roumanie, dans aucun pays il n’est fait expressément mention de l’indépendance des juridictions constitutionnelles ; mais toutes les cours s’accordent à reconnaître que même si cette indépendance n’est pas mentionnée explicitement, il y est fait allusion d’une manière ou d’une autre, soit dans la loi organique sur le fonctionnement de la juridiction, soit à travers les dispositions selon lesquelles « la Cour constitutionnelle se soumet uniquement la Constitution » [2], ou encore celles prévoyant que « les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours » [3]et par conséquent s’imposent à tous.

Tableau 6 – Le statut de la juridiction constitutionnelle dans la constitution

Chapitre autonome ? Chapitre consacré à la justice ? Mention deson indépendance ?
Albanie OUI NON NON
Belgique OUI NON NON
Bénin OUI NON NON
Bulgarie NON OUI OUI
Burkina Faso OUI NON NON
Burundi NON OUI NON
Cameroun OUI NON NON
Canada S.O. [4] S.O. S.O.
Comores OUI NON NON
Congo-Brazzaville OUI NON NON
Égypte OUI NON OUI
France OUI NON NON
Gabon OUI NON NON
Guinée-Équatoriale OUI NON NON
Liban NON OUI NON
Madagascar OUI NON NON
Mali OUI NON NON
Maroc OUI NON NON
Mauritanie OUI NON OUI
Moldavie OUI NON OUI
Niger NON OUI NON
Roumanie OUI NON OUI
Sénégal NON OUI NON
Slovénie OUI NON NON
Suisse NON OUI NON
Togo OUI NON NON

Deuxième partie : L’indépendance des juges

La question de l’indépendance des juges mérite d’être analysée sous deux angles distincts : d’une part, celle des juges ordinaires et d’autre part, celle des juges constitutionnels. Les garanties accordées aux uns sont-elles plus importantes que celles accordées aux autres ? Bénéficient-ils de la même protection et des mêmes conditions de travail ?

I. Le cas des juges « ordinaires »

Remarque préalable

Maurice : il existe une seule catégorie de juges à Maurice. La Cour suprême qui est investie de la compétence constitutionnelle, est aussi investie d’une compétence générale pour connaître et juger tout procès civil ou pénal qui ne tombe pas sous la compétence des cours inférieures. Les juges de la Cour suprême sont aussi juges de la Cour d’appel civile et criminelle, qui sont des chambres de la Cour d’appel de Maurice (article 80 de la Constitution) [1].

Suisse : les réponses aux questionnaires ne font pas de différences entre les juges et les juridic- tions ; concernant l’organisation du Tribunal fédéral, les réponses valent aussi bien pour « l’ordre judiciaire ordinaire » que pour « les juridictions et les juges constitutionnels ».

En effet, le Tribunal fédéral suisse n’est pas exclusivement compétent pour trancher les conten- tieux relatifs à la Constitution, il fonctionne ordinairement comme juge suprême dans les différents domaines du droit fédéral.

A. Le principe

1. L’affirmation du principe d’indépendance dans les textes, sa signification, et ses conséquences
  • Le principe de l’indépendance est-il affirmé dans un texte ? Si oui, lequel ? Constitution ? Loi ? Statut de la magistrature ?

Le principe d’« indépendance » est affirmé d’une manière ou d’une autre dans les textes d’une large majorité des États dont les cours sont membres de l’ACCPUF. Que ce soit en Albanie, au Bénin, en Belgique, en Bulgarie, au Burkina Faso, au Burundi, au Congo-Brazzaville, en Égypte, en Guinée-Équatoriale, au Gabon, au Liban, en Mauritanie, en Moldavie, au Mali, et au Togo, on le retrouve soit dans la Constitution, soit dans les textes régissant la profession judi- ciaire (statut de la magistrature, loi organique sur la Cour constitutionnelle…).

Cependant, en France, au Maroc, à Maurice et en Suisse, même si le principe n’apparaît pas expressément, on y fait allusion d’une manière ou d’une autre dans les textes ; soit à travers les dérogations individuelles accordées aux magistrats pour faire face à l’interdiction pour eux d’exercer une fonction publique ou toute activité professionnelle ou salariée – ces dérogations ne sont possibles que si l’activité ne porte pas atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance (France) – soit encore que ce principe découle de celui plus général de l’indépendance de la justice (Maurice, Suisse).

Tableau 7 – L’indépendance des juges dans les textes

Affirmation de l’indépendance des juges ? Dans quel texte ?
Albanie OUI Art. 145/1 : « Les juges sont indépendants et ils se soumettent uniquement à la Constitution et aux lois ».Disposition reprise par l’art. 3 de la loi n° 8436 du 28 décembre 1998 qui organise le pouvoir judiciaire.
Belgique OUI Principe affirmé à l’art. 151 de la Constitution (art. 151).
Bénin OUI Constitution du 11 décembre 1990 ; loi n° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin ; loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.
Bulgarie OUI Principe affirmé par l’art. 117 al.2 de la Constitution et réaffirmé dans la loi sur le pouvoir judiciaire.
Burkina Faso OUI Constitution et loi organique n° 036-2001/AN du 13 décembre 2001 portant statut du corps de la magistrature en son art. 4 : « les magistrats sont indépendants ».
Burundi OUI Constitution et statut des magistrats.
Cameroun OUI Constitution et statut de la magistrature.
Canada NON
Comores N.C. 2
Congo-Brazzaville OUI Constitution (art. 136) ; loi n° 15-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 023-92 du 20 août 1992 portant statut de la magistrature dont le nouvel art. 5 dispose « Les magistrats sont indépendants vis-à-vis du pouvoir politique, des groupes de pression et de toute menace… ».
Égypte OUI Constitution et différents textes réglementant le pouvoir judiciaire.
France NON La Constitution n’évoque que l’indépendance de l’autorité judiciaire. L’indépendance des juges est évoquée à l’art. 8 de la loi sur le statut de la magistrature qui prévoit que les dérogations individuelles à l’interdiction pour les magistrats d’exercer une fonction publique ou activité professionnelle ou salariée ne sont possibles que si celle-ci ne porte pas atteinte à la dignité du magistrat ni à son indépendance.
Guinée-Équatoriale OUI Loi organique sur le pouvoir judiciaire.
Gabon OUI Art. 68 de la Constitution ; lois portant statut des magistrats et organisation de la justice qui distinguent l’indépendance de la justice de l’indépendance des juges.
Liban OUI Art. 20 de la Constitution.
Madagascar OUI Constitution : art. 99 al. 1 : « dans leurs activités juridictionnelles, les magistrats du siège et les assesseurs sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et à la loi » ; statut de la magistrature.
Mali OUI Constitution et code de déontologie.
Maroc NON Mais la Constitution fait mention de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Maurice NON Mais ce principe peut découler de celui de l’indépendance de la justice.
Mauritanie OUI Constitution et statut de la magistrature.
Moldavie OUI Constitution (art. 116) ; loi sur le statut des juges ; loi sur l’organisation judiciaire ; loi sur le CSM et différents codes de procédure civile et de procédure pénale.
Niger OUI Constitution ; ordonnance n° 88-01 du 7 janvier 1988, portant statut de la magistrature.
Roumanie OUI Constitution : art. 124 al. 3. Cette disposition, combinée avec celles de l’art. 133 al. 1 et de l’art. 134 al. 4, donne la mesure de ce principe fondamental qu’est l’indépendance de la justice et des juges.
Sénégal OUI Constitution et lois organiques sur le statut des magistrats.
Slovénie OUI Constitution (art. 125) : les juges, dans l’exercice de leur fonction, sont indépendants. Ils sont liés par la Constitution et par la loi.
Suisse NON Le principe découle de la garantie générale de l’indépendance de la justice.
Togo OUI Constitution et statut de la magistrature.
  • Existe-il un statut de la magistrature ? Quelle est sa place dans la hiérarchie des normes ?

La majorité des cours qui ont répondu au questionnaire soumis par l’ACCPUF dans le cadre du congrès de Bucarest, ont un statut de la magistrature. Ce statut est généralement régi par la Constitution et par une loi organique (Albanie, Bénin). Au Burkina Faso, au Canada et au Congo-Brazzaville, le statut de la magistrature est régi uniquement par une loi ; au Mali, c’est la Constitution qui régit le statut de la magistrature.

En Suisse, il n’existe pas de statut de la magistrature en tant que tel ; cependant des prescriptions concernant les juges et leur carrières sont contenues dans la Constitution et dans une loi.

Tableau 8 – Le statut de la magistrature et de sa place dans la hiérarchie des normes

Existe-t-il un statut de la Magistrature ? Dans quel texte ?
Albanie OUI Constitution et loi n° 8436 du 28/12/1998 qui organise le pouvoir judiciaire en Albanie.
Belgique OUI Code judiciaire.
Bénin OUI Loi n° 2001-35 du 21 février 2003 met en application les dispositions de la Constitution, de la loi portant organisation judiciaire et de la loi portant statut général de la fonction publique.
Bulgarie N.C.3 N.C.
Burkina Faso OUI Loi n° 036-2001/AN du 13 décembre 2001.
Burundi OUI Loi ordinaire.
Cameroun OUI Décret du président de la République en date du 8 mars 1995, antérieur à la Constitution du 18 janvier 1996.
Canada OUI Loi fédérale qui fixe, notamment, les salaires, avantages et pensions des juges.
Comores OUI N.C.
Congo-Brazzaville OUI Loi n° 15-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant cer taines dispositions de la loi n° 023-92 du 20 août 1992.
Égypte OUI N.C.
France OUI Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Guinée-Équatoriale OUI N.C.
Gabon OUI Loi.
Liban N.C. N.C.
Madagascar OUI Loi.
Mali OUI Constitution (art. 82).
Maroc OUI Dahir [2] portant loi du 11 novembre 1974 modifiée et complétée, formant statut fondamental de la magistrature.
Maurice N.C. N.C.
Mauritanie OUI N.C.
Moldavie OUI Loi.
Niger OUI Ordonnance n° 88-01 du 7 janvier 1988 ; cette ordonnance à valeur de loi organique.
Roumanie OUI Loi.
Sénégal OUI Loi organique n° 92-25 portant statut de la magistrature.
Slovénie OUI Loi sur le service judiciaire.
Suisse NON Néanmoins, les prescriptions sur le statut des juges (incompatibilités, durée des fonctions…) figurent dans la Constitution ou dans la loi. De plus, les ordonnances de l’Assemblée fédérale règlent les rapports du travail et le traitement des juges.
Togo OUI Loi organique.
  • Le principe de l’indépendance de la justice implique-t-il d’autres principes notamment l’inamovibilité des juges ?

Toutes les cours s’accordent à reconnaître que le principe d’indépendance des juges implique notamment leur inamovibilité. La Cour du Niger ajoute qu’il implique aussi l’impartialité du tribunal, le droit à un procès équitable et le respect d’un délai raisonnable de jugement. La Cour de Slovénie précise, quant à elle, que ce principe implique non seulement celui de l’inamovibilité, mais aussi celui de la permanence de la fonction de juge.

Le Cameroun fait exception à la règle : le principe d’indépendance des juges n’implique aucun autre principe et l’inamovibilité a été supprimée des textes.

Tableau 9 – Le principe d’indépendance de la justice et ses conséquences

 

Albanie L’indépendance implique l’inamovibilité et l’immunité du juge ; sauf dans certaines circonstances bien définies par la loi.
Belgique L’indépendance suppose l’inamovibilité (art. 152). Il existe des incompatibilités spécifiques (interdiction d’exercer toute fonction privée). La Constitution et le code judiciaire précisent ces principes.
Bénin OUI
Bulgarie Le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire implique le principe de l’indépendance des juges et celui de l’inamovibilité.
Burkina Faso Oui, notamment celui de l’inamovibilité.
Burundi NON
Cameroun Le principe de l’indépendance n’implique pas d’autres principes ; ainsi, la notion d’inamovibilité qui existait dans le statut de la magistrature du 4 octobre 1982 a été supprimée dans celui du 8 mars 1995.
Canada L’inamovibilité est l’assise principale de l’indépendance des juges au Canada ; elle est mentionnée dans la loi de 1867 plutôt que le principe d’indépendance. Dans la loi de 1982, au contraire, c’est le principe d’indépendance qui est mentionné et la jurisprudence s’est chargée de définir son contenu.
Comores Le principe de l’indépendance de la justice va de pair avec l’indépendance des juges. L’inamovibilité des magistrats est la garantie fondamentale de l’indépendance des juges ordinaires ou constitutionnels.
Congo-Brazzaville OUI, notamment l’inamovibilité.
Égypte OUI
France L’inamovibilité est une conséquence directe du principe de l’indépendance de la justice.
Guinée-Équatoriale OUI, notamment l’inamovibilité des magistrats.
Gabon OUI, notamment le principe de l’inamovibilité. Ce principe est énoncé par l’art. 9, al. 2, de la loi portant statut à la magistrature.
Liban L’indépendance des juges est en étroite liaison avec le principe de l’inamovibilité, ces principes se retrouvent tous les deux dans plusieurs textes (v. loi 150/ 1983).
Madagascar Le principe de l’indépendance n’est pas un attribut personnel du juge ; mais une garantie dont il bénéficie dans l’exercice de ses fonctions.
Mali Le principe de l’indépendance implique non seulement l’inamovibilité, mais aussi d’autres garanties liées au mode de recrutement des juges, à leur avancement, à leur cessation de fonctions…
Maroc Le principe de l’indépendance implique notamment celui de l’inamovibilité.
Maurice Le principe de l’indépendance de la justice est étroitement lié à celui de l’indépendance des juges et implique notamment l’inamovibilité des juges.
Mauritanie Le principe de l’indépendance de la justice implique notamment l’inamovibilité.
Moldavie Le principe de l’indépendance des juges se trouve en étroite liaison avec les principes d’inamovibilité, d’inviolabilité et de promotion ou de transfert des juges.
Niger OUI, notamment « l’impartialité » du tribunal, le droit à une procédure équitable et le respect d’un délai raisonnable. Il implique également le principe d’inamovibilité des juges posé aux articles 101 de la Constitution et 7 de l’ordonnance n° 88-01 du 7 janvier 1988.
Roumanie Le principe de l’indépendance se trouve en étroite liaison avec celui de l’inamovibilité des juges (art. 125 al. 1er Const.).
Sénégal OUI, l’inamovibilité, mais seulement pour les magistrats du siège.
Slovénie OUI, notamment l’inamovibilité et la permanence de la fonction de juge.
Suisse N.C.
Togo Le principe de l’indépendance implique celui de l’inamovibilité.
  • Si oui, l’inamovibilité est-elle définie ? Comment et dans quel texte ? Expliquez sa signification et ses conséquences directes.

La notion d’inamovibilité, qu’elle soit expressément définie ou non, signifie qu’aucun magistrat (notamment le magistrat du siège) ne peut recevoir une affectation, être déplacé ou changer de juridiction, même par voie d’avancement, sans son consentement. Cette inamovibilité est néanmoins atténuée ou limitée par nécessités de service. Dans ce cas, il pourrait y avoir une remise en cause du principe en ce qui concerne les magistrats du siège. L’inquiétude est que cela ne conduise à des abus.

Il est aussi important de relever la situation de quelques pays qui se démarquent de l’ensemble.

Il s’agit du Burundi, du Cameroun, et du Mali.

Au Burundi, les textes ne reconnaissent pas l’inamovibilité des magistrats et la seule garantie prévue concerne les magistrats du siège qui sont nommés à vie. Au Cameroun, l’inamovibilité a été supprimée. Au Mali, l’inamovibilité signifie que le magistrat ne peut être muté pendant trois ans.

Tableau 10 – Le principe d’inamovibilité et ses conséquences

Définition du principe d’inamovibilité Conséquences concrètes
Albanie La Constitution précise, en son art. 147 al. 15, que « le transfert du juge ne pourra être fait qu’après avoir obtenu son consentement, à moins que cette mesure ne soit dictée par la nécessité de la réorganisation du système judiciaire. » Le juge ne pourra par exemple être radié que s’il démissionne, s’il atteint l’âge de la retraite, s’il est établi qu’il est personnellement déficient…
Belgique La Constitution précise qu’aucun juge ne peut être privé de sa place ni sus- pendu, sauf par un jugement. Le déplacement d’un juge ne peut avoir lieu que par une nouvelle nomination et avec son consentement.
Bénin Le principe n’est pas expressément défini. Mais l’art. 23 de la loi n° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature dispose qu’« en consé- quence (de l’inamovibilité), le magis- trat du siège ne peut recevoir sans son consentement une affectation nou- velle, même par voie d’avancement.L’inamovibilité du magistrat du siège ne constitue pas un privilège person- nel pour le juge. Elle vise à garantir l’indépendance de la justice ».

L’art. 24 de la même loi dispose que l’affectation du magistrat du siège est subordonnée à sa consultation sur la nouvelle fonction proposée, le lieu où il est appelé à l’exercer et à son consentement préalable.

Bulgarie Le principe est défini à l’art. 9 al. 3 de la Constitution qui stipule que les juges, procureurs ou magistrats de l’ins- truction deviennent inamovibles après avoir exercé leurs fonctions pendant cinq ans et après certification par déci- sion du Conseil supérieur de la justice.
Burkina Faso Le principe est affirmé à l’art. 130 de la Constitution et il est repris par la Loi organique du 13 décembre 2001 qui l’explique en ces termes : « ils (les magistrats du siège), ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même à titre de promotion, sans leur consentement, sauf en cas de sanction disciplinaire… », sauf « lorsque les
nécessités du service l’exigent » et ceci après avis motivé du CSM.
Burundi Le statut des magistrats ne consacre pas l’inamovibilité du juge. La seule garantie qui soit affirmée par le statut est que le magistrat du siège est nommé à vie.
Cameroun N.C. [3]

N.C.

Canada Le principe de l’indépendance implique, selon la jurisprudence canadienne, les éléments suivants : l’inamovibilité, l’assignation des causes, la sécurité financière et la liberté de délibérer sans contrainte.

N.C.

Comores Les juges, en tant que magistrats, agissent à titre individuel et ne sont soumis à aucun contrôle hiérarchique. Le juge est nommé à vie, il ne peut être démis de ses fonctions avant la limite d’âge fixée par la Constitution sauf pour certaines raisons bien déter- minées (condamnation pénale, invali- dité…), raisons qui doivent être constatées par une décision judiciaire.
Congo-Brazzaville L’inamovibilité n’est pas définie dans la Constitution, mais on considère qu’elle est une prérogative en vertu de laquelle les magistrats du siège ne peuvent être déplacés sans la mise en œuvre d’une procédure protectrice exorbitante du droit commun. Les magistrats du siège, installés dans leurs fonctions, ne peuvent recevoir sans leur consentement, une affecta- tion nouvelle, ni même un avancement.
Égypte L’art. 168 de la Constitution dispose que « les juges sont inamovibles (…) ».
France Le principe de l’inamovibilité signifie qu’un « magistrat du siège ne peut rece- voir sans son consentement, une affec- tation nouvelle, même un avancement».
Guinée-Équatoriale Les juges et les magistrats ne pour- ront être déplacés, suspendus ou mis à la retraite, sauf dans les cas prévus par la loi.
Gabon N.C.
Liban N.C.
Madagascar N.C.
Mali L’inamovibilité est définie comme étant la garantie pour le magistrat sauf faute disciplinaire de second degré de ne pouvoir avant trois ans recevoir une affectation nouvelle ; même par voie d’avancement, sans son consentement préalable et après avis du CSM.
Maroc Les magistrats du siège ne peuvent être destitués, suspendus ou déplacés que dans les conditions fixées par la loi.
Maurice

NON

Mais concrètement, le principe signifie que le juge reste en fonctions jusqu’à l’âge de sa retraite qui est fixé à 62 ans. Il ne peut être démis de ses fonctions que pour incapacité physique ou mentale ou pour une mauvaise conduite dans le cadre de rigoureuses procédures prévues par les dispositions de l’art. 78 de la Constitution.
Mauritanie L’inamovibilité est définie dans la loi sur l’organisation judiciaire.
Moldavie L’inamovibilité doit être interprétée non pas comme un privilège, mais comme une procédure spéciale de protection du mandat, qui protège constitutionnellement les juges contre les éventuels actes ou faits abusifs ou insuffisamment fondés. Le juge ne peut pas être révoqué, suspendu, retraité prématurément, transféré, selon la volonté arbitraire des autorités publiques, en dehors des cas ou sans observation des formes et des conditions prévues par la loi.
Niger Aux termes des dispositions de la loi, les magistrats du siège ne peuvent recevoir, une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans avis conforme et motivé du CSM. Toutefois, lorsque les nécessités du service l’exigent, ils peuvent être déplacés par l’autorité de nomination, après avis conforme et motivé du CSM. Concrètement, la composition et les règles de fonctionnement du CSM atténuent fortement le principe d’inamovibilité.
Roumanie Le principe de l’inamovibilité n’est pas expressément défini par la Constitution, mais l’art. 3 de la loi sur le statut des magistrats (loi 303/2004) donne une définition, de façon indirecte : les juges inamovibles peuvent être transférés, délégués, détachés ou promus uniquement avec leur accord ; ils ne peuvent être suspendus ni dégagés de leurs fonctions que dans les conditions prévues par la loi.

Idem

Sénégal L’inamovibilité se définit comme le fait que les magistrats du siège ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement sans leur consentement (sauf si des nécessités du service l’exigent).
Slovénie Le chapitre IV de la loi sur le service judiciaire (droits des juges) dispose qu’il est interdit de déplacer un juge dans une autre juridiction ou dans un autre organe étatique sans son consentement préalable, sauf dans les cas prévus par ladite loi. La conséquence principale de ce principe est que le juge ne peut être dégradé, ni avoir une rémunération inférieure à la précédente. Il maintient aussi tous les droits à l’avancement. La conséquence principale de ce principe est que le juge ne peut être dégradé, ni avoir une rémunération inférieure à la précédente. Il maintient aussi tous les droits à l’avancement.
Suisse L’Assemblée fédérale peut révoquer un juge avant la fin de ses fonctions : s’il a violé gravement ses devoirs de manière intentionnelle ou du fait d’une négligence grave ou s’il a durablement perdu la capacité d’exercer ses fonctions.

Idem

Togo L’inamovibilité n’est pas expressément définie, mais elle est prévue par l’art. 114 de la Constitution qui stipule que « les magistrats du siège sont inamovibles ».
2. Les obligations du magistrat et les garanties de sa fonction

Existe-t-il des différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du siège et magistrats du Parquet ?

La différence fondamentale qui réside entre les garanties d’indépendance reconnues aux magistrats du siège et celles reconnues aux magistrats du Parquet est que les magistrats du siège bénéficient d’une protection plus grande due à leur inamovibilité ; la Cour d’arbitrage de Belgique ajoute que le magistrat du Parquet peut être chargé des relations avec la presse, tandis que cette charge est interdite au magistrat du siège. Au Congo-Brazzaville, au Liban et en Guinée-Équatoriale, il n’existe pas de différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du Parquet et magistrat du siège.

Tableau 11 – Les différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats de siège et magistrats du parquet

Albanie La Constitution attribue au magistrat du siège beaucoup plus de garanties qu’au magistrat du Parquet.
Belgique Les magistrats du Parquet peuvent recevoir une injonction positive de la part du ministre de la Justice : celui-ci peut leur imposer de poursuivre dans un cas ou une hypothèse qu’il détermine. Ces magistrats font partie d’un corps hiérarchisé : le Parquet.Les magistrats du Parquet peuvent être chargés de relations avec la presse ; les magistrats de siège ne peuvent avoir aucune relation avec la presse au sujet des affaires qu’ils traitent.
Bénin Les magistrats du siège sont placés sous la surveillance du président de leur juridiction et sous le contrôle du président de la cour d’appel de leur ressort. Ils sont inamovibles et ne peuvent donc être mutés de leur poste, même pour une promotion ; tandis que les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l’autorité du garde des sceaux. Ils peuvent être affectés sans avancement par décret pris en conseil des ministres, d’un poste à un autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service après avis conforme du CSM.
Bulgarie N.C. [4]
Burkina Faso Les garanties d’indépendance prévues par les textes concernent les magistrats du siège. Les magistrats du Parquet, quant à eux, même si le principe de leur indépendance est affirmé (il concerne essentiellement la liberté de parole à l’audience), ne bénéficient pas de l’inamovibilité et sont sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l’autorité du ministère de la Justice.
Burundi Dans l’exercice de ses fonctions, le magistrat du siège est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. Il n’est soumis qu’à la Constitution et à la loi tandis que le magistrat du Parquet est placé sous la direction et le contrôle du chef hiérarchique et sous la haute autorité du ministre de la Justice.
Cameroun Les magistrats du Parquet ne jouissent pas, dans leurs fonctions, de l’indépendance reconnue aux magistrats du siège.
Canada Étant donné les caractéristiques de la justice canadienne, il n’y a pas de juges du Parquet.Les règles de droit public canadien ainsi que le code de déontologie mettent l’accent sur l’indépendance des juges et sur l’apparence d’indépendance.
Comores Le statut des magistrats, adopté en 1991, octroie certaines garanties aux juges ordinaires : l’inamovibilité, l’avancement, l’affectation, la mutation ou le détachement des magistrats, la gestion des tribunaux, les congés…Le magistrat du Parquet est placé sous la direction et le contrôle de son chef hiérarchique et sous l’autorité du ministre de la Justice. Les magistrats du siège, des cours et tribunaux, les juges de paix ne peuvent recevoir une affectation, même par voie d’avancement sans leur consentement.
Congo-Brazzaville Il n’existe pas de différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du siège et magistrats du Parquet.
Égypte Il n’existe pas de différences.
France L’inamovibilité ne s’applique qu’aux magistrats du siège (art. 64 de la Constitution ; art. 4 du statut des magistrats). Les magistrats du Parquet sont placés sous l’autorité du garde des Sceaux. Leur parole est libre à l’audience (art. 5).
Guinée-Équatoriale Il n’existe pas de différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du siège et magistrats du Parquet.
Gabon La loi portant statut de la magistrature distingue entre les magistrats du siège et les magistrats de Parquet. Les premiers sont chargés de rendre la justice et de juger, les seconds ne rendent pas de jugement, mais sont tenus de veiller à l’application correcte de la loi et au respect de l’ordre public.Seuls les magistrats du siège jouissent d’une indépendance complète dans la mesure où elle est assurée, entre autres, par leur inamovibilité. De cette façon les magistrats du siège ne sont plus menacés par une démission forcée ou une sanction pécuniaire prononcées par le Gouvernement. Ce constat n’est pas valable pour les magistrats de Parquet qui sont soumis au contrôle de leurs chefs hiérarchiques et du garde des Sceaux. Aussi, peuvent-ils être déplacés librement pour des nécessités de service. Cependant à l’audience, leur indépendance est totale, conformément à l’adage : « la plume est serve, la parole est libre ».
Liban Les lois ne font pas cette différence, elles précisent simplement les deux principes d’indépendance et d’inamovibilité.
Madagascar Les magistrats du Parquet sont soumis à une subordination hiérarchique ; ils sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du ministère de la Justice (art. 101 de la Constitution ; art. 6 al. 1er du statut de la magistrature).
Mali Aux termes de la section II du chapitre II du statut de la magistrature, les magistrats du Parquet, des cours et tribunaux, sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du ministre chargé de la Justice. Ils possèdent la liberté d’expression à l’audience.Quant aux magistrats du siège, l’inamovibilité dont ils bénéficient garantit leur indépendance.
Maroc Les magistrats du Parquet ne bénéficient pas de la règle de l’inamovibilité. Ils forment, en effet, un corps hiérarchisé où chaque magistrat est subordonné à son supérieur ; le tout étant sous la direction du ministre de la Justice, chef du ministère public (art. 56 du Dahir de 1974).
Maurice La garantie d’indépendance des magistrats du Parquet est prévue à l’art. 72 de la Constitution. Les magistrats du Parquet ont des fonctions bien distinctes qui sont inspirées du système britannique. Ils ont comme chef hiérarchique le Solicitor General qui est le conseiller principal du gouvernement.
Mauritanie Des différences existent entre les magistrats du siège et ceux du Parquet.
Moldavie Les garanties d’indépendance et d’inamovibilité sont assurées à tous les procureurs.
Niger Les garanties d’indépendance sont plus importantes pour les magistrats du siège que pour les magistrats du Parquet, subordonnés hiérarchiquement au ministre de la Justice. Ils développent toutefois librement leurs observations à l’audience.Les magistrats du siège sont nommés par le président de la République sur proposition du ministre de la Justice, après avis du CSM, alors que les magistrats du Parquet sont nommés dans les mêmes formes, mais sans l’avis du CSM.
Roumanie Les différences qui peuvent apparaître entre ces deux catégories de magistrats sont exprimées dans la Constitution comme dans la magistrature. Pour les juges du siège on prévoit l’indépendance et l’inamovibilité, pour les juges du Parquet, on parle d’impartialité et de stabilité dans l’exercice de leurs fonctions, mais aussi de contrôle hiérarchique (art. 132 al. 1er de la Constitution et art. 4 du Statut).
Sénégal La garantie supplémentaire d’indépendance pour les magistrats du siège réside dans l’inamovibilité qui leur est reconnue.
Slovénie En opposition avec la situation des juges du siège, l’indépendance de ceux du Parquet n’est pas mentionnée dans la loi sur le ministère public. Certes, cette loi dispose que les magistrats du Parquet disposent des mêmes garanties que les magistrats du siège, cependant il faut lire cette disposition légale à la lumière de la nature du travail des magistrats du Parquet, de l’organisation hiérarchique, de l’obligation de présenter des rapports annuels et de leur mode de nomination (la nomination des magistrats du Parquet doit être confirmée par le Gouvernement). L’indépendance des magistrats du Parquet n’égale pas celle des magistrats de siège.
Suisse N.C.
Togo Il existe des différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du siège et magistrats du Parquet.
  • Quelles sont les obligations du magistrat ?

Les obligations du magistrat peuvent se résumer, dans la quasi-totalité des cas, à l’obligation de réserve, l’obligation de garder le secret des délibérations et d’exercer son activité en toute impartialité. Le Bénin et le Sénégal ajoutent que les magistrats doivent impérativement prêter serment avant leur entrée en fonction, cet acte constituant une importante obligation. Néanmoins, quelques originalités apparaissent dans certains pays, par exemple au Burkina Faso, les magistrats ont une interdiction formelle d’exercer le droit de grève, au Cameroun, ils ont un devoir de dignité et de respect des bonnes mœurs, en France, il leur est interdit toute manifestation d’hostilité envers le Gouvernement de la République ; on note aussi une certaine originalité au Mali, car les magistrats ont une obligation positive qui se résume au devoir de défendre leur indépendance. En Roumanie enfin, les magistrats ont l’obligation, à travers leurs activités d’assurer la suprématie de la loi et une obligation formelle de participer aux séances de formation continue.

B. Son expression concrète

1. L’entrée dans la fonction et le déroulement de la carrière des magistrats

Comment se fait le recrutement ? Par concours ? À quel niveau (licence, maîtrise de droit) ?

Par des voies latérales telles que des équivalences (exemple : expérience professionnelle, autre formation universitaire) ?

L’entrée dans la fonction de magistrat s’effectue sur la base d’un concours d’entrée (ouvert aux titulaires d’une licence en droit dans certains pays et d’une maîtrise en droit dans d’autres) ; ce concours est suivi la plupart du temps d’une formation dans une école spéciale (École nationale de la magistrature en France ; École nationale d’administration et de magistrature au Bénin ; Institut national de la magistrature en Roumanie…).

Il existe néanmoins des exceptions à ce mode de recrutement des magistrats : en Suisse et au Canada, les magistrats sont d’anciens professionnels du droit ne devant pas forcément passer un concours.

Il faut ajouter que dans les pays où il y a un concours, il existe, dans la majorité des cas, une voie latérale d’accès à la profession ouverte aux praticiens du droit (avocats, autres juristes), qui doivent justifier d’une expérience de quelques années : 5 ou 10 ans pour les juristes professionnels et 20 ans pour les avocats en Belgique par exemple. Souvent il faudra aussi une condition d’âge pour être magistrat, et l’Albanie précise à cet effet, qu’il faut être âgé de 25 ans au moins.

Tableau 12 – Les modalités de recrutement edes magistrats

Albanie Formation et diplôme : diplôme d’enseignement supérieur en droit.Âge : 25 ans au moins.

Concours : oui.

Autres : l’art. 136 al. 5 de la Constitution, stipule que le juge doit avoir la nationalité albanaise.

Les juges du tribunal de grande instance sont recrutés par le conseil supérieur de la Justice. L’examen des candidatures prend en compte, les résultats obtenus par le candidat pendant ses études supérieures, l’ancienneté dans le domaine juridique, ses qualités… ainsi que toute donnée permettant de mettre en évidence sa supériorité relative face aux autres candidats.

Belgique Formation et diplôme : licence en droit obligatoire. Trois possibilités ensuite :Concours : oui, suivi d’un stage pour les jeunes juristes, puis de la nomination.

Expérience professionnelle :

  • pour les juristes ayant au moins dix ans d’expérience : un examen d’aptitude ;
  • pour les juristes ayant plus de vingt ans dans le barreau : un entretien suivi de la nomination.
Bénin Formation et diplôme : les candidats sont recrutés parmi les auditeurs de justice qui doivent être titulaires de la maîtrise ès sciences juridiques ou d’un titre équivalent.Concours : oui.

Âge : 21 ans au moins et 35 ans au plus au 1er janvier de l’année du concours ; cette limite pouvant être prorogée jusqu’à 40 ans au maximum.

Expérience professionnelle : cinq ans au moins d’expérience de leur fonction dans une juridiction pour les officiers de justice, les greffiers titulaires de la maîtrise en droit, les professeurs et assistants, les avocats.

École de formation : oui.

Autres : dans tous les cas, les candidats sont soumis à une enquête de moralité.

Bulgarie Concours : le recrutement des juges assistants, des procureurs assistants et des magistrats instructeurs se fait par concours. Le jury qui organise le concours est composé de magistrats et comprend au moins une personne habilitée dans une discipline de droit (art. 127 al. b de la loi sur la profession judiciaire).
Burkina Faso Concours : oui, pour tous les candidats.Formation et diplôme : maîtrise en droit au moins ou tout autre diplôme équivalent.

École de formation : oui, pendant deux ans.

Expérience professionnelle : dix ans pour les avocats, les enseignants et chercheurs en droit.

Âge : 45 ans pour les enseignants et chercheurs en droit.

Autres : enquête de moralité.

Burundi Nomination : par le président de la République, sur proposition du ministre de la Justice, après avis du CSM pour tous les magistrats ; et après confirmation du Sénat pour les chefs des juridictions supérieures.Formation et diplôme : licence en droit ou formation spécialisée.

Concours : oui, mais jusqu’à la date de ce congrès, il n’y a jamais eu de concours, les postulants étant apparemment moins nombreux que les postes à pourvoir.

Cameroun Concours : oui.Formation et diplôme : maîtrise en droit pour tous les candidats.

Expérience professionnelle : intégration directe pour les personnes bénéficiant d’une expérience professionnelle acquise au Cameroun.

École de formation : les personnes ayant réussi le concours suivent une formation théorique et pratique de deux années sanctionnée par un diplôme.

Canada
  • Les juges des cours supérieures :

Un processus confidentiel de présélection est fait au niveau du pays par des comités. Ceux-ci font des propositions au ministre de la Justice fédérale, mais les nominations sont laissées à la discrétion du Gouvernement fédéral. Cette procédure est à présent remise en cause au Canada.

  • Les juges des juridictions inférieures :

La nomination est faite par les provinces selon des procédures bien établies. Au Québec, par exemple, on prévoit un concours public, en vertu duquel les candidats sont évalués par un comité de sélection selon des critères très rigoureux. Ensuite le ministre de la Justice procède aux nominations selon les recommandations de ce comité.

Comores Concours : oui, pour les candidats titulaires de la maîtrise en droit.Formation et diplôme : maîtrise en droit ou tout autre diplôme équivalent ; licence pour les avocats.

Expérience professionnelle : cinq ans pour les fonctionnaires titulaires de la maîtrise en droit en service dans les tribunaux et les fonctionnaires ayant déjà exercé les fonctions de magistrat ; dix ans pour les notaires, les greffiers en chef, lorsqu’ils sont titulaires d’une maîtrise ou de tout autre diplôme équivalent.

Congo-Brazzaville Concours : oui. Pour les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les greffiers en chef titulaires d’une licence en droit, il existe une dispense de stage en cas d’admission.Formation et diplôme : diplôme de fin de second cycle en droit.

École de formation : oui, pendant deux ans à l’École nationale de la magistrature. La formation est à la fois théorique et pratique.

Sur titre : les professeurs agrégés de droit, les maîtres de conférence, les maîtres assistants, les avocats, qui ont respectivement une ancienneté de cinq ans, huit ans, dix ans et quinze ans.

Égypte Concours : oui.Formation et diplôme : licence en droit.
France Concours : oui ; trois sortes de concours :

  • 1 Formation et diplôme :diplôme sanctionnant au moins quatre années d’études en droit, ou diplôme délivré par un institut d’études politiques, ou qualité d’ancien élève d’une école normale supérieure.

Âge : 27 ans au plus.

  • 2 Expérience professionnelle : quatre années de services publics, pour les fonctionnaires ou agents de l’État, ou d’une collectivité territoriale.
  • 3 :huit ans d’expérience professionnelle dans le privé ou au sein d’une ou de plusieurs collectivités territoriales, ou avoir eu des fonctions juridictionnelles à titre non professionnel.

Sur titre :

Peuvent être recrutés sur titre en tant qu’auditeurs :

  • les personnes que quatre années d’activité dans le domaine juridique, économique ou social qualifient pour l’exercice des fonctions judiciaires ;
  • les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme supérieur ;

Peuvent être nommées directement au second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d’être âgées de trente-cinq ans les personnes justifiant d’une expérience et d’une ancienneté les qualifiant particulièrement comme, par exemple, les greffiers en chef, les fonctionnaires de catégorie À du ministère de la Justice.

École de formation : École nationale de la magistrature.

Guinée-Équatoriale Concours : oui.Formation et diplôme : licence en droit.
Gabon Concours : oui.Formation et diplôme : maîtrise en droit, en économie ou en gestion.

École de formation : oui.

Sur titre et expérience professionnelle : après avis du CSM pour des personnes hautement compétentes et qualifiées dans le domaine du droit (exemple : les avocats ayant au moins 10 ans d’expérience, les greffiers titulaires d’une maîtrise en droit et ayant au moins 10 ans d’expérience).

Pour la juridiction administrative uniquement, le recrutement au tour extérieur est ouvert aux titulaires d’au moins une maîtrise en droit ou d’un diplôme équivalent, âgés de 40 ans et totalisant 15 ans d’exercice effectif de leur profession. Une condition supplémentaire est prévue par la loi organique 5/2002 : le nombre des fonctionnaires recrutés par ce procédé ne peut pas dépasser le dixième du nombre total des conseillers et des commissaires.

Liban Formation et diplôme : licence en droit.Concours : oui, à la fin de chaque année à l’institut, suivi d’un concours final au bout des quatre ans.

Interview au CSM ; on peut remarquer une particularité du système libanais de recrutement : le CSM peut à tout moment écarter l’admission de n’importe quel candidat au concours sans en donner les raisons et, surtout, sans qu’un recours – même un recours pour excès de pouvoir – soit possible contre cette décision.

École de formation : oui, pendant quatre ans en tant que juge stagiaire.

Madagascar Formation et diplôme : maîtrise en droit au moins.Concours : oui.

École de formation : oui, pendant deux ans.

Mali Formation et diplôme : maîtrise en droit.Âge : vingt-et-un ans au moins et quarante ans au plus (modulable sans toutefois dépasser quarante-cinq ans).

Concours : oui, sauf pour les personnes recrutées sur titre.

École de formation : oui ; pendant deux ans.

Sur titre : (5 % des places disponibles)

  • pour les avocats et notaires régulièrement inscrits au tableau de leur ordre et ayant exercé depuis quinze ans au moins ;
  • pour les docteurs en droit privé et public.
Maroc Concours : oui.Formation et diplôme : diplômes universitaires dont la liste est fixée par l’autorité gouvernementale.

École de formation : les personnes admises au concours sont nommées attachés de justice et suivent un stage de deux ans.

Après l’examen de fin de stage, elles peuvent être nommées magistrats par

dahir, sur proposition du CSM, au premier échelon du troisième grade.

Sur titre : le dahir de 1974 pose des conditions spécifiques pour le recrutement direct des professeurs de droit, et des avocats.

Maurice Formation et expérience professionnelle :le recrutement des juges et magistrats s’effectue par une commission composée du juge en chef, qui assure la présidence, de deux juges et du président de la commission de la fonction publique. Le recrutement s’effectue en tenant compte des qualifications, de la formation universitaire et professionnelle et de l’expérience des postulants.
Mauritanie Formation et diplôme : licence en droit.Concours : oui.
Moldavie Formation et diplôme : licence en droit.Concours : oui.

Les juges des instances ordinaires sont nommés dans leur fonction par le président de la République, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. La nomination comporte 2 étapes : une 1re nomination est faite pour 5 ans, une 2e est faite au bout de cette période (jusqu’à l’âge de 65 ans). Les présidents et les vice-présidents de ces instances sont, selon la Constitution, toujours nommés par le président de la République sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.

Les juges à la cour d’appel et à la Cour suprême de Justice sont nommés par le Parlement sur proposition du CSM.

Niger Formation et diplôme : maîtrise en droit.Concours : oui.

École de formation : oui.

Sur titre :

  • les professeurs agrégés des facultés de droit ayant enseigné trois années au moins ;
  • les avocats, les notaires, les greffiers titulaires de la maîtrise en droit et ayant exercé la profession pendant cinq ans au moins.
Roumanie Formation et diplôme : licence en droit.Concours : oui.

École de formation : oui ; pendant trois ans.

Expérience professionnelle : pour les professionnels du droit (les avocats, les notaires, les assistants judiciaires, les conseillers juridiques, les personnes ayant accompli des fonctions juridiques dans les institutions étatiques et possédant au moins cinq années d’expérience dans leur domaine respectif). Mais ils ne sont pas dispensés du concours.

Sénégal Concours : oui.Formation et diplôme : maîtrise en droit.

École de formation : oui.

Sur titre :

  • les avocats inscrits au tableau de l’ordre, ayant prêté serment depuis dix ans au moins ;
  • les greffiers en chef, lorsqu’ils sont titulaires d’une maîtrise en droit et qu’ils ont exercé depuis dix ans au moins ;
  • les professeurs titulaires en sciences juridiques (après dix ans d’ancienneté, ils peuvent être directement nommés à un poste de la hiérarchie judiciaire).
Slovénie Formation et diplôme : licence.Expérience professionnelle : trois ans au moins.

Concours : oui ; les candidatures reçues par le ministère sont présentées au conseil du personnel de la juridiction où il y a des postes vacants. Le conseil du personnel donne un avis sur les candidatures et présente une liste des personnes les plus compétentes. Le ministère de la Justice donne un avis sur les candidats et envoie l’ensemble des documents au Conseil de la magistrature qui choisit et propose la nomination à l’Assemblée nationale.

Suisse Il n’y a pas de plan de carrière type pour accéder à la fonction de juge au Tribunal fédéral. Il n’y a pas non plus, en Suisse, d’École de magistrature. Les postes sont mis en concours et tous les candidats éligibles [5] peuvent se présenter. Une commission spéciale du Parlement (formée des députés des deux chambres) sélectionne les candidatures. Traditionnellement, chaque parti politique disposant d’un groupe au Parlement fédéral peut prétendre à un certain nombre de postes au sein du Tribunal fédéral, selon son importance relative. Il est important que les juges proviennent des différentes régions linguistiques du pays (les langues de travail du Tribunal fédéral sont l’allemand, le français, l’italien, et exceptionnellement le Romanche).En pratique, les juges fédéraux sont d’anciens magistrats.
Togo Formation et diplôme : maîtrise en droit au moins.Concours : oui.
  • Quelles sont les incompatibilités avec la fonction de magistrat ? Quels sont les textes ?

Ces incompatibilités sont quasiment les mêmes dans tous les pays. Elles peuvent se résumer à l’interdiction d’exercer toute autre activité publique ou privée rémunérée. La fonction de juge est en outre incompatible avec toute fonction politique. La cour de Roumanie précise qu’il y a une interdiction d’appartenir à un parti politique ; au Sénégal, il est interdit au magistrat d’intervenir dans les journaux sur des sujets autres que ceux d’ordre juridique.

Il est important de préciser qu’une dérogation est apportée à ces incompatibilités très larges. Elle concerne les activités scientifiques, littéraires et académiques. Les magistrats peuvent ainsi enseigner dans les universités et participer à des activités scientifiques ; mais au Sénégal, même concernant ces activités scientifiques, il faut une permission accordée par le ministre de la Justice.

Tableau 13 – Les incompatibilités inhérentes à la fonction du magistrat

Albanie Incompatibilité avec toute activité politique, toute activité lucrative privée ou toute activité publique. Les art. 29 et 30 de la loi n° 8436 du 28/12/1998 énoncent aussi qu’;il est interdit au juge de militer au sein des partis politiques ou de participer à d’;autres activités à caractère politique ; de même, la fonction de juge est incompatible avec tout autre mandat représentatif, avec la gestion ou la présidence de sociétés civiles commerciales.
Belgique Incompatibilité avec l’;exercice d’;un mandat public électif, avec toute fonction ou charge rémunérée, avec les charges de notaire et d’;huissier de justice, avec la profession d’;avocat, avec une situation militaire ou ecclésiastique et avec toute fonction syndicale (uniquement pour le juge de travail).Dérogations : l’;exercice de la fonction de professeur et de membre d’;un jury d’;examen.
Bénin Incompatibilité avec l’;exercice de toute activité publique et de toute activité lucrative, professionnelle ou salariée, ainsi que l’;exercice d’;une activité politique. De même, il leur est interdit, devant les tribunaux autres que ceux où ils exercent leurs fonctions, de se charger de la représentation ou de la défense des intérêts des parties, quelles qu’;elles soient ou sous quelque forme que ce soit (art. 11 à 17 et 20 de la loi du 21 février 2003). Les parents en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu’;au second degré ne peuvent être membres d’;un même tribunal ou d’;une même cour d’;appel, soit comme juges, soit comme membres du ministère public, soit comme greffiers. Cette disposition est valable pour les conjoints.
Bulgarie Incompatibilité avec :

  • l’;exercice d’;un mandat parlementaire, les fonctions de ministre et viceministre, le poste de maire et de conseiller municipal ;
  • l’;exercice du métier d’;avocat ;
  • l’;exercice d’;une fonction élective au sein d’;organes publics ;
  • l’exercice d’activités commerciales (art. 132 de la LPJ [6] )…
Burkina Faso Incompatibilité avec l’;exercice de toute autre fonction publique et de toute activité professionnelle salariée, commerciale ou non (art. 11 de la loi organique portent statut de la magistrature). Les seules dérogations concernent les enseignants.
Burundi Incompatibilité avec :

  • toute fonction administrative publique ;
  • tout mandat ou service, même non rétribué, dans les affaires privées à but lucratif sauf si le mandat est exercé au nom de l’;État ;
  • tout mandat politique ;
  • toute occupation par le magistrat, son conjoint ou une personne agissant à sa place, qui serait de nature à nuire à l’;accomplissement des devoirs de sa fonction.
Cameroun Incompatibilité avec :

  • l’;exercice de toute activité dans le commerce ou l’;industrie ;
  • la qualité d’;auxiliaire de justice, notamment celle d’;avocat ou d’;huissier (art. 35 du statut de la magistrature).
Canada Le code de déontologie prévoit des incompatibilités avec les activités politiques et commerciales et oblige les juges à s’;abstenir de tout engagement susceptible de porter atteinte à la dignité de la profession.
Comores Incompatibilité avec toute activité publique ou privée, tout mandat électoral (art. 8 du statut des magistrats).
Congo-Brazzaville Incompatibilité avec l’;exercice de toute fonction publique ou élective et de toute autre activité, professionnelle ou salariée, à l’;exception des activités agricoles. Des dérogations individuelles peuvent être apportées aux magistrats pour exercer des fonctions ou des activités qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la dignité ou à l’;indépendance du magistrat.Les magistrats peuvent, sans autorisation préalable, se livrer à des travaux scientifiques, littéraires, artistiques ou d’;enseignement (art. 8 de la loi n° 15-99 du 15 avril 1999).
Égypte N.C.[7]
France Incompatibilité avec l’;exercice de toute fonction et de toute activité professionnelle salariée ainsi qu’;avec l’;exercice d’;un mandat au Parlement, au Parlement européen ou au Conseil économique et social. Nul ne peut être nommé magistrat dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur. Nul ne peut être nommé magistrat, ni le demeurer, dans une juridiction dans le ressort de laquelle il aura exercé depuis moins de cinq ans, une fonction publique élective ou fait acte de candidature à l’;un de ces mandats depuis moins de trois ans.Les magistrats et anciens magistrats ne peuvent exercer la profession d’;avocat, d’;avoué, de notaire, d’;huissier de justice, de greffier de tribunal de commerce, d’;administrateur judiciaire ou de mandataire-liquidateur ou travailler au service d’;un membre de ces professions dans le ressort d’;une juridiction où ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de cinq ans (sauf les magistrats de la Cour de cassation) (art. 8, 9 et 9-1).
Guinée-Équatoriale Les magistrats se voient interdire l’;exercice d’;une charge politique ou administrative, d’;emplois dans les tribunaux, d’;activités professionnelles, sauf l’;enseignement.
Gabon – Incompatibilité avec l’;exercice de toute fonction publique et de toute autre activité professionnelle ou salariée, et avec tout mandat électif. Cependant, la loi prévoit aussi certaines dérogations individuelles à condition que celles-ci
soient autorisées par le ministre et ne contreviennent pas à la dignité des juges ou à leur indépendance. De telles dérogations concernent l’;enseignement, les activités artistiques, etc.– Incompatibilités ratione personae (parenté) : les juges ne peuvent pas siéger dans la même affaire que leurs parents ou leurs alliés jusqu’;aux oncles ou neveux. De plus, les juges sont tenus de rendre impartialement la justice et de n’;y avoir aucun intérêt. Toute relation parentale, sociale ou ethnique est interdite.

Les juges sont en outre tenus au respect du secret des délibérations.

Liban Incompatibilités très larges, avec toute autre fonction ou activité, à l’;exception de l’;activité professorale dans les facultés de droit.
Madagascar Incompatibilité avec toute activité au sein d’;un parti ou d’;une organisation politique, de même que tout mandat électif ou toute activité professionnelle rémunérée (art. 102 de la Constitution).
Mali Le magistrat ne peut accomplir aucune autre fonction publique ou privée, rémunérée ou non, qui ne soit pleinement compatible avec ses devoirs et son statut, (art. 17 du code de déontologie).
Maroc Il est interdit aux magistrats d’;exercer, même de manière incidente, toute activité quelle qu’;elle soit, rétribuée ou non. Des décisions individuelles du ministre de la Justice permettent de déroger à cette règle.Toutefois, l’;interdiction ne s’;étend pas aux œuvres littéraires, scientifiques ou artistiques. Cependant, l’;indication de la qualité de magistrat dans ces œuvres est soumise à autorisation du ministre de la Justice (art. 15 du statut de la magistrature).
Maurice N.C.
Mauritanie Incompatibilités prévues par une loi organique.
Moldavie Incompatibilité avec toute autre fonction publique ou privée, à l’;exception des activités pédagogiques ou scientifiques (art. 116-7 de la Constitution). La loi sur le statut des juges, quant à elle, parle de restrictions qui coïncident avec les incompatibilités sus-mentionnées, mais de manière plus développée.
Niger Incompatibilité avec l’;exercice de toute fonction publique, de toute autre activité professionnelle ou salariée, et de toute fonction élective (ordonnance du 7 janvier 1988).
Roumanie Incompatibilité avec toute autre fonction publique ou privée, exception faite des fonctions pédagogiques dans l’;enseignement supérieur (art. 125 al. 3) ; interdiction d’;appartenir à un parti politique (art. 40 de la Constitution).
Sénégal Incompatibilité avec toute activité publique ou privée, tout mandat électoral. Des dérogations individuelles peuvent être accordées aux magistrats par décision du garde des Sceaux, pour enseigner ou exercer des fonctions ou des activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance : mais ceux-ci peuvent, sans autorisation préalable, se livrer à des travaux scientifiques ou artistiques. Il leur est interdit de traiter dans les journaux de sujets, autres que ceux d’;ordre professionnel ou technique (art. 9 de la loi organique sur le statut des magistrats).
Slovénie Incompatibilité avec l’;exercice de fonctions au sein d’;autres organes de l’;État ; dans les organes des collectivités locales et dans les organes des partis politiques, de même qu’;avec d’;autres fonctions et activités déterminées par la loi (art. 33 de la Constitution).
Suisse Le régime diffère pour les juges du Tribunal fédéral et pour ceux du Tribunal pénal fédéral.

  • Concernant les juges du Tribunal fédéral : incompatibilité avec la fonction de membre du Conseil national, du Conseil des États, du Conseil fédéral, ainsi qu’;avec toute autre fonction exercée pour le compte de Confédération ou d’;une entité privée à but lucratif. Le juge ne peut pas occuper un poste de directeur, de gérant ou de membre de l’;administration de l’;organe de surveillance ou de contrôle d’;une société commerciale. Il lui est également interdit d’;exercer une fonction pour un État étranger ou de recevoir des titres et des décorations de la part de celui-ci. Les liens de parenté peuvent être source d’;incompatibilités. Ainsi, la loi dispose : « les parents, les alliés en ligne directe ou, jusqu’;au 4e degré inclus, en ligne collatérale, les conjoints des frères et des sœurs ne peuvent exercer simultanément les attributions de juge ou de suppléant du Tribunal fédéral, de juge d’;instruction fédéral, de procureur général de la Confédération ou de représentant du Ministère Public ; le magistrat ou le fonctionnaire qui, en contractant mariage donne lieu à un cas d’;incompatibilité se démet, par ce fait, de ses fonctions ».
  • Concernant les juges du Tribunal pénal fédéral, la loi distingue les incompatibilités à raison de la fonction et les incompatibilités en raison de la personne :
  1. les incompatibilités en raison de la fonction

La LTPF reprend les dispositions valables pour les juges du Tribunal fédéral, mais précise en plus que le juge ne peut exercer aucune activité susceptible de nuire à sa fonction, à l’;indépendance du tribunal ou à sa réputation, ni représenter des tiers à titre professionnel devant un tribunal.

Toutefois, la loi prévoit que le Tribunal fédéral peut autoriser le juge à exercer d’;autres fonctions (ex : expert ou arbitre).

  1. les incompatibilités ratione personae

La loi reprend les dispositions de l’;organisation judiciaire pour les liens de parenté.

Togo Toutes les activités politiques et toutes les fonctions publiques et électives leur sont interdites.
  • Comment se fait l’avancement ? À l’ancienneté, au choix ? Selon quelle proportion (si la distinction est quantifiable) ?

L’avancement du juge se fait, soit sur la base de l’ancienneté ou, au choix, ou encore en combinant les deux. Le ministre de la Justice est dans certains pays l’acteur principal, car c’est lui qui dresse la liste du tableau d’avancement ; dans d’autres pays, comme en Belgique, c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui est compétent en matière d’avancement des magistrats.

En Roumanie, les magistrats ayant huit, douze ou quinze ans d’ancienneté et souhaitant occuper des postes de responsabilité au sein des instances judiciaires ou du Parquet doivent participer à un concours organisé à leur intention.

Tableau 14 – Le déroulement de la carrière des magistrats

Albanie L’avancement se fait sur la base du travail du juge, et notamment par rapport au respect des principes et des devoirs reconnus par la loi dans le cadre de la profession.
Belgique C’estle CSJ qui est compétent pour l’avancement des magistrats.
Bénin L’avancement en grade a lieu au choix et à l’ancienneté au profit des magistrats inscrits en raison de leur mérite au tableaud’avancement (art. 54 de la loi 2001-35). Le mécanisme de détermination du mérite est fixé par décret et les promotions ont lieu dans l’ordre d’inscription au tableau.

Selon les dispositions de l’art. 37 de la loi, le magistrat du siège qui décline une proposition d’affectation correspondant à son grade ne peut prétendre à un avancement.

Bulgarie L’accès à un niveau supérieur de la hiérarchie judiciaire est subordonné à plusieurs exigences : une certaine ancienneté dans l’exercice des fonctions, une proposition d’avancement du chef de la juridiction et une décision du CSJ.
BurkinaFaso L’avancement d’échelon des magistrats est automatique, il est constaté tous les 2 ans par arrêté du ministre de la Justice,tandis que l’avancement dans le grade se fait par ancienneté et au choix.C’est le ministre de la Justice qui, chaque année, dresse et arrête le tableau d’avancement suivant des critères définis par la loi ; ce tableau est soumis à la commission d’avancement présidée par le Premier président de la Cour de cassation.
Burundi L’avancement de grade se fait après une période de troisans prenant effet à ladate de prise de fonction comme magistrat stagiaire.
Cameroun L’avancement des magistrats se fait à l’ancienneté et au choix.
Canada La spécificité du Canada consiste dans le fait qu’il n’y a pasde progression dans la hiérarchie. Un juge à peine nommé bénéficie du même émolument et des mêmes pouvoirs qu’unjuge déjà en fonction.Cependant un juge d’une juridiction inférieure peut accéder à une juridiction supérieure.
Comores L’avancement se fait à l’ancienneté.
Congo-Brazzaville L’avancement a pour critère déterminant l’ancienneté. Un tableau d’avancement et les listes d’aptitude sont établies annuellement. Toutefois, l’avancement peut êtrer etardé si le magistrat a commis des fautes professionnelles.
Égypte L’avancement se fait à l’ancienneté.
France La commission d’avancement dresse et arrête le tableau d’avancement ainsi que les listes d’aptitude. Le tableau d’avancement est communiqué au CSM, avant d’être signé parle président de la République.
Guinée-Équatoriale N.C.[8]
Gabon La loi portant statut de la magistrature distingue plusieurs modalités d’avancement:

  1. L’avancement normal et automatique qui est celui d’un échelon à un autre ;
  2. L’avancement en grade au choix qui ne peut intervenir qu’après inscription sur un tableau établi annuellement, sur proposition du ministre de la Justice par décision du CSM.
Liban N.C.
Madagascar L’avancement se fait par combinaison de l’ancienneté et du choix.
Mali L’avancement d’échelon est automatique ; le temps requis pour accéder àl’échelon supérieur est de deux ans. L’avancementde gradene peut avoir lieu qu’au profit des magistrats inscrits au tableau d’avancement.

Le tableau est soumis au préalable, pour contrôle de sa régularité, à une commission d’avancement présidée par le président dela Cour suprême. Elle comprend : le directeurnational de l’administration, le procureur général près la Cour suprême, deux magistrats de premier grade, trois magistrats de deuxième grade élus par leurs pairs au bulletin secret pour une période de trois années. Les avancements de grade sont annuels. Par ailleurs, la formation donne droit à avancement et dispense son bénéficiaire de l’inscription au tableau.

Maroc L’avancement de grade nécessite une inscription préalable sur une liste d’aptitude, établie annuellement par le ministre de la Justice, après consultation du CSM. L’avancement d’échelon dépend de l’ancienneté et de la notation selon des conditions fixées par décret.Des nominations peuvent se faire par dahir, sur proposition du CSM en cas de vacance d’un poste à la Cour suprême, dans les cours d’appel et dans les tribunaux, pour permettre à des magistrats d’occuper, en raison de leur compétence, des postes supérieurs à ceux de leur grade.
Maurice N.C.
Mauritanie L’avancement se fait à l’ancienneté.
Moldavie Selon la Constitution, les promotions et les transferts des juges se font uniquement avec l’accord des intéressés. La loi sur le statut des juges précise un autre critère essentiel : l’avancement dans la hiérarchie des fonctions se fait en fonction de l’ancienneté et du niveau de formation. Ainsi, les juges d’instance doivent avoir au moins 30 ans et une ancienneté de 5 ans dans la fonction. Les juges des cours d’appel et de la Cour suprême doivent avoir, respectivement, 6 et 10 ans d’ancienneté dans la fonction.
Niger Dans le troisième grade comportant sept échelons, l’avancement est automatique d’un échelon à l’autre tous les deux ans. L’avancement avec changement de grade,se fait au choix, avec inscription préalable au tableau d’avancement. Une liste d’aptitude et un tableau d’avancement sont arrêtés.
Roumanie Quelques précisions s’avèrent nécessaires en ce qui concerne la promotion des magistrats dans des fonctions de responsabilité. Elle se fait uniquement par concours organisé au niveau national réservé aux juges ayant 8, 12 et 15 ans d’ancienneté enfonction de la position qu’ils veulent occuper dans les instances judiciaires ou les parquets. Ils doivent avoir obtenu le qualificatif très bien au cours des cinq dernières années et faire preuve d’une bonne capacité d’organisation. Ce qui est encore plus significatif, en terme d’indépendance, est le fait que la promotion dans ces fonctions n’est valable que pour 5 ans, sans possibilité de renouvellement par le CSM.
Sénégal Les grades de la hiérarchie comportent chacun plusieurs échelons franchis à l’ancienneté. Le nombre d’échelons dans chaque grade, leur rythme de progression et les indices y afférents, sont déterminés par décret. Les magistrats de chaque grade sont répartis en deux groupes. L’avancement de grade n’est dû qu’au choix. Cependant il faut réunir certaines conditions pour être promusau grade suivant :

  • avoir douze ans d’ancienneté ;
  • être inscrit au tableau d’avancement.
Slovénie L’avancement se fait à l’ancienneté et au choix. Il existe l’avancement de grade et l’avancement d’échelon ; le Conseil de la Magistrature agit comme arbitre final pour décider de la promotion. Pour chaque juge, il procède à l’appréciation de son aptitude professionnelle et du succès dans son travail.L’Assemblée nationale est compétente pour la promotion au grade de juge suprême, sur proposition du Conseil de la magistrature.
Suisse Aulong de la carrière, le principe de l’ancienneté permetd’attribuer les présidences (du tribunal ou des sections). Le président et le vice-président sont choisis par l’Assemblée fédérale parmi les juges; ils sont élus pour 2ans.
Togo L’avancement se fait à l’ancienneté.
  • Les juges ont-ils le droit de se regrouper ? En associations ? En syndicats ?

Des nuances apparaissent à propos du droit d’association et/ou du droit syndical des juges. Certains pays (Bénin, Cameroun, France, Gabon, Togo…) reconnaissent, à quelques exceptions près, le droit d’association. Le Maroc et la Mauritanie ne reconnaissent ni le droit d’association, ni le droit syndical ; le Canada reconnaît le droit d’association, mais pas le droit syndical. Au Burkina Faso, les juges sont interdits de toute activité syndicale. En Roumanie, l’article 40 de la Constitution interdit aux magistrats de devenir membres des partis politiques.

Tableau 15 – Le droit syndical et le droit d’association des juges sont-ils reconnus ?

Droit d’association ? Droit syndical ?
Albanie OUI OUI
Belgique OUI OUI
Bénin OUI OUI
Bulgarie OUI OUI
Burkina Faso OUI OUI
Burundi OUI OUI
Cameroun OUI OUI
Canada OUI NON
Comores N.C. [9] N.C.
Congo-Brazzaville OUI [10] OUI
Égypte OUI OUI
France OUI OUI
Gabon OUI OUI
Guinée-Équatoriale OUI OUI
Liban N.C. N.C.
Madagascar OUI OUI
Mali OUI OUI
Maroc NON NON
Maurice OUI OUI
Mauritanie NON NON
Moldavie OUI OUI
Niger OUI OUI
Roumanie OUI OUI
Sénégal OUI NON
Slovénie OUI OUI
Suisse N.C. N.C.
Togo OUI OUI
2. La protection en faveur des magistrats et la procédure judiciaire en cas de manquement aux devoirs de la fonction
  • Les juges bénéficient-il d’une protection spécifique contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ?

Dans certains pays, les juges bénéficient d’une protection spécifique. Ils ne peuvent être pour- suivis pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ; il s’agit du Bénin, de la Bulgarie, du Congo-Brazzaville, de l’Égypte, du Gabon et du Mali. Le Bénin et le Mali précisent que l’État doit réparer le préjudice qui résulterait d’une éventuelle action contre un juge pour faute commise dans l’exercice de ses fonctions. Le Canada, précise que le juge bénéficie d’une immu- nité dans l’exercice de ses fonctions.

Au Burundi et au Cameroun, les juges ne bénéficient d’aucune protection spécifique contre les attaques concernant des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, au Burundi, les juges peuvent intenter une action reconventionnelle pour les plaintes et les actions téméraires ou vexatoires dirigées contre eux.

Tableau 16 – La protection des juges contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions

Albanie En vue de garantir l’ordre et la sécurité, le palais de justice est doté d’un service de police qui agit conformément aux ordres des autorités judiciaires. Les juges jouissent aussi du droit d’avoir une protection corporelle pour euxmêmes, leur famille, et leur propriété lorsque cela est dicté par certaines circonstances ou lorsque cela s’avère nécessaire (art. 38 de la loi n° 8436).
Belgique N.C. [11]
Bénin L’art. 19 al. 1 et 2 de la loi n° 2001-35 énonce qu’« indépendamment des règles fixées par le code pénal et des lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces et attaques, de quelque nature que ce soit, dont ils pourraient être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions.L’État doit réparer le préjudice qui en résulte dans tous les cas non prévus par la législation des pensions. »
Bulgarie Les magistrats ne sont pas pénalement et civilement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ni des décisions qu’ils ont rendues, sauf en cas de délit prémédité qui est poursuivi d’office. Dans ce cas, le procureur peut engager des poursuites mais seulement avec l’autorisation du CSJ.
Burkina Faso Aux termes de l’art. 33 de la loi organique, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice de leurs fonctions ; l’État a en outre la charge de réparer le préjudice qui en résulterait.
Burundi La seule protection reprise par le statut des magistrats est celle qui résulte du rôle du CSM : celui-ci connaît les plaintes des particuliers concernant le comportement des magistrats ainsi que les recours des magistrats contre les mesures disciplinaires ou des réclamations relatives à leur carrière.Aucune protection particulière n’est assurée au magistrat dans l’exercice de ses fonctions, sauf à introduire une action reconventionnelle au cas où l’action dirigée contre lui serait jugée téméraire ou vexatoire.
Cameroun Aucune protection spécifique n’est accordée aux juges contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.
Canada En vertu du common law, les juges bénéficient en ce qui concerne leur responsabilité civile d’une immunité absolue dans l’exercice de leur fonction.Ils ont à leur disposition une arme très efficace pour imposer leurs décisions et faire respecter leur travail : l’outrage à tribunal. En plus, les cours supérieures disposent de l’outrage ex facie si l’acte de défi a lieu en dehors de la Cour.
Comores N.C.
Congo-Brazzaville En vertu des dispositions de la loi du 15 avril 1999, les magistrats bénéficient d’une protection contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Égypte Une protection spécifique existe.
France Oui. Ces protections sont prévues à l’art. 11 de la loi sur le statut de la magistrature : « Indépendamment des règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions. L’État doit réparer le préjudice direct qui en résulte, dans tous les cas non prévus par la législation des pensions. »
Guinée-Équatoriale N.C.
Gabon Les juges gabonais sont protégés contre les outrages et les violences de quelque nature que ce soit dans l’exercice de leurs fonctions. Le code pénal et les lois spéciales contiennent des dispositions très précises.En plus, l’art. 18 de la loi portant statut de la magistrature dispose que « lorsqu’un magistrat a été poursuivi pour faute de service et qu’un conflit d’attribution n’a pas été élevé, l’État doit, dans la mesure où aucune faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est imputable à ce magistrat, couvrir celui-ci de toutes condamnations civiles prononcés contre lui ». Par ailleurs, l’État peut se subroger dans les droits du magistrat victime d’un préjudice pour en réclamer réparation. Il dispose en outre d’une action directe qu’il peut exercer par voie de constitution de partie civile devant la juridiction compétente.
Liban Les juges bénéficient de protection contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions (le juge attaqué peut prononcer sur-lechamp des sanctions de prison à l’égard des contrevenants).
Madagascar Dans leurs activités juridictionnelles, les magistrats du siège et leurs assesseurs sont indépendants et ne sont soumis qu’à la Constitution et à la loi (…), ils ne peuvent en aucune manière, être inquiétés pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. » (art. 99 de la Constitution).
Mali L’art. 4 de la loi portant statut de la magistrature indique que « (…) les magistrats sont protégés contre les menaces et attaques de quelque ordre que ce soit dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice de leurs fonctions. L’État doit réparer le préjudice qui en résulte dans tous les cas non prévus par la législation des pensions. Cette réparation s’étend à la famille et aux biens des magistrats. ».
Maroc Il convient de noter qu’au-delà des garanties d’indépendance des juges, l’art. 267 du code pénal prévoit des peines d’emprisonnement contre toute personne qui « commet des violences ou voies de fait envers un magistrat ».L’art. 20 du statut prévoit quant à lui au profit des magistrats, la réparation des préjudices subis dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions et l’État se substitue, dans ce cas, au magistrat pour toute action contre le responsable de ces préjudices.
Maurice Les juges ne bénéficient d’aucune protection spécifique pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ; mais la police peut assurer leur sécurité en cas de nécessité.
Mauritanie Les magistrats bénéficient d’une protection spécifique contre les attaques et les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
Moldavie La loi relative à l’organisation judiciaire précise que toute immixtion dans l’exercice de la justice est complètement interdite. De même, toute pression exercée sur les juges dans le but de contrecarrer leur objectivité est punie par la loi.
Niger Indépendamment des règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, les magistrats sont protégés contre les attaques et menaces de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent faire l’objet dans l’exercice de leurs fonctions ; l’État doit réparer le préjudice qui en résulte (art. 20 de l’ordonnance de 1988).
Roumanie Les juges soupçonnés d’avoir commis des infractions ne peuvent être perquisitionnés, retenus ou arrêtés qu’avec l’accord des sections du CSM. De plus, dans l’étape suivante, les infractions commises par les juges sont uniquement de la compétence des cours d’appel et de la Haute Cour de Cassation et de Justice. Cette disposition du statut représente indubitablement une mesure de protection supplémentaire pour les juges.
Sénégal Les juges bénéficient d’une protection générale, comme tous les autres citoyens. Cependant, lorsqu’un magistrat est victime de violences ou voies de fait, d’outrages et d’injures, la peine prévue par la loi est aggravée lorsque les faits ont eu lieu en salle d’audience. Seuls les chefs de juridictions et de parquets bénéficient d’une protection rapprochée.
Slovénie L’art. 34 de la Constitution dispose que « nul ne peut, ayant participé à un jugement, être appelé à répondre de l’avis qu’il a donné lors des délibérations du tribunal ». Cette disposition est complétée par celle du paragraphe 2 du même article : « un juge ne peut être détenu, sans l’autorisation de l’Assemblée nationale, une procédure judiciaire ne peut être entamée contre lui, s’il est suspecté d’avoir commis un acte répréhensible dans l’exercice de sa fonction de juge ».
Suisse Les règles concernant l’immunité sont précisées exclusivement par les lois spéciales régissant les deux tribunaux.La loi sur l’organisation judiciaire (OJ) comme la loi sur le Tribunal pénal autorisent l’engagement d’une procédure pénale contre leurs membres à la condition qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit n’ayant pas trait à l’exercice de leur fonction ou de leur activité et que le juge ait donné son consentement par écrit ou que la Cour plénière ait donné son autorisation.

De même, l’arrestation préventive pour prévenir un risque de fuite, en cas de crime ou flagrant délit, ne peut se faire qu’avec l’autorisation de la Cour plénière donnée dans les 24 heures, à moins que la personne n’y ait pas consenti par écrit.

L’immunité ne peut être invoquée contre un jugement entré en force de chose jugée et infligeant une peine privative de liberté dont l’exécution a été ordonnée avant le début du mandat.

Le refus d’autorisation de poursuite d’un membre peut faire l’objet d’un recours devant l’Assemblée fédérale dans les 10 jours.

Togo Les juges bénéficient d’une protection dans le cadre de leurs fonctions.
  • Les sanctions en cas de manquement aux devoirs de la fonction :

Les juges sont-ils protégés ? De quelle manière ?

En cas de présomption de faute : quelle est la procédure disciplinaire prévue ? Pour les magistrats du siège ? Pour les magistrats du Parquet ?

La procédure disciplinaire en cas de présomption de faute est engagée par le ministre de la Justice, et poursuivie par un conseil de discipline, émanant du Conseil supérieur de la magistrature ou de la justice selon les pays. C’est une procédure contradictoire, avec des enquêtes, la comparution de la personne mise en cause, la présence d’un avocat et le prononcé d’une sanction. La procédure est entamée par le ministre de la Justice. Souvent, c’est au Conseil supérieur de la magistrature qui siège en tant que conseil de discipline des magistrats, qu’il revient de prononcer une sanction. Dans certains pays, le président de la République et le ministre de la Justice n’assistent pas à la commission disciplinaire des magistrats.

Cependant, des différences apparaissent au sein des pays entre les magistrats du siège et les magistrats du Parquet. Certains pays prévoient la même procédure pour tous les magistrats : il s’agit de l’Albanie, du Bénin, de la Bulgarie, du Burundi, du Canada, de l’Égypte, du Liban, du Maroc, du Mali, de la Moldavie et du Togo. En France et au Niger, par exemple, la procédure disciplinaire est exercée par le ministre de la Justice à l’égard des magistrats du siège ; ailleurs, c’est le procureur général près la Cour de cassation (au Sénégal), et le procureur général près la Cour suprême (au Mali), qui déclenche la procédure à l’égard des magistrats du siège. Les procédures en vigueur dans ces pays semblent en effet être plus protectrices à l’égard des magistrats du siège.

Tableau 17 – La procédure disciplinaire

La procédure disciplinaire
Pour les magistrats du siège Pour les magistrats du Parquet
Albanie La procédure judiciaire est entamée par le ministre de la Justice et doit être initiée dans un délai de trois ans. Après la procédure d’instruction, le dossier est remis au ministre de la Justice qui saisit le CSJ. Ce dernier, avant de délibérer, convoque les parties et entend leurs arguments. Le juge incriminé est dûment informé dix jours avant l’ouverture de l’audience devant le CSJ. Il pourra se faire assister d’un avocat. Idem
Belgique Les avertissements sont donnés par les présidents des tribunaux et des cours, suivant le rang de l’intéressé. Les sanctions sont prononcées par les cours d’appel et la Cour de cassation, selon le rang de l’intéressé et la gravité de la sanction encourue. Ils peuvent être sanctionnés par la hiérarchie du ministère public ou par le ministère de la justice.
Bénin La procédure disciplinaire est la même pour tous les magistrats : le Garde des Sceaux, dénonce au CSM les faits motivant la poursuite disciplinaire ; le CSM désigne un rapporteur parmi ses membres et le charge, s’il y a lieu, de mener une enquête. Il peut interdire au magistrat incriminé l’exercice de ses fonctions jusqu’à la décision définitive. La décision d’interdiction ne peut être rendue publique. Le rapporteur entend l’intéressé ou le fait entendre par un magistrat au moins du même niveau. Dans tous les cas, le magistrat est appelé à comparaître devant le CSM, il peut se faire assister d’un avocat. Le CSM doit, dans tous les cas, statuer dans les 30 jours de la saisine. Idem
Bulgarie Les magistrats ne peuvent être arrêtés que pour des délits graves avec l’autorisation du CSJ sauf en cas de flagrant délit. Idem
Burkina Faso La procédure disciplinaire est exercée par le CSM, siégeant en fonction disciplinaire. C’est le ministre de la Justice, qui, après avis du conseil de discipline entame la procédure. Le président du conseil de discipline, une fois saisi, fait procéder par un rapporteur à l’instruction de l’affaire. L’enquête terminée, le magistrat est cité à comparaître devant le conseil de discipline, dans un délai ne pouvant pas être inférieur à 21 jours entre la citation et la comparution.
Burundi La sanction prévue est une mise en disponibilité ou une révocation. Le magistrat est suspendu de sa fonction jusqu’à la clôture définitive de l’instruction disciplinaire. Il dispose d’un recours auprès du CSM contre la mesure sans préjudice de la poursuite de l’action disciplinaire.Mais le décret portant application du statut, qui aurait dû préciser les voies de recours, n’a pas encore été pris (en tout cas à la date de ce congrès) ; en l’absence de cette mesure, le magistrat écrit au Conseil et attend la décision. Idem
Cameroun Toute poursuite d’un magistrat est précédée d’une demande d’explications adressée à l’intéressé par son chef hiérarchique, sur instructions du ministre de la Justice. Idem ; sauf qu’ici, le dossier est transmis à la commission permanente de discipline. Dans les deux cas, le ministre de la Justice peut suspendre par arrêté le magistrat mis en cause
À l’issue de cette demande, le ministre transmet le dossier disciplinaire au président de la République. Le président de la République le transmet au CSM qui fait instruire le dossier par une commission désignée en son sein. Une fois, l’instruction achevée, le magistrat mis en cause comparaît devant le CSM présidé par le président de la RépubliquePour le magistrat du siège comme pour le magistrat du Parquet, les sanctions les plus graves (radiation du tableau d’avancement, rétrogradation, révocation) sont prises par le président de la République. de l’exercice de ses fonctions pendant une durée maximum de six mois.Le ministre de la Justice peut, en dehors de toute procédure disciplinaire, infliger un avertissement ou une réprimande aux magistrats du Parquet, ou à ceux en service au ministère de la justice.
Canada Le conseil de la magistrature détient le pouvoir de recommander la destitution d’un juge, de même pour les conseils des provinces. La jurisprudence a affirmé que cette mesure ne contrevient pas au principe de l’indépendance, étant intrinsèquement nécessaire lorsqu’elle vise des actes graves (par exemple, des actes criminels ou contraires aux droits de l’homme reconnus par la Constitution). Idem
Comores N.C. [12]
Congo-Brazzaville Le procureur général près la Cour suprême, sur rapport du supérieur hiérarchique du magistrat, dénonce les faits qui motivent la poursuite disciplinaire au CSM siégeant en conseil de discipline.Le CSM désigne un rapporteur parmi ses membres. Le magistrat est tenu de comparaître en personne Après l’audience, le Conseil statue à huis clos et prend sa décision. Celle-ci doit être motivée, elle est susceptible d’un recours devant la chambre administrative de la Cour suprême.

Les sanctions en cas de manquement sont :

  • la réprimande avec inscription au dossier ;
  • le déplacement d’office ;
  • le retrait de certaines fonctions ;

  • l’abaissement d’échelon ;

  • la rétrogradation ;

Idem
  • la mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser les fonctions lorsque le magistrat n’a pas droit à une pension de retraite ;
  • la révocation avec droits à pension.
Égypte Les manquements sont sanctionnés par la comparution devant le conseil de discipline Idem
France Le pouvoir disciplinaire est exercé par le CSM. Le conseil de discipline du CSM, présidé par le Premier président de la Cour de cassation, est saisi par le Garde des Sceaux ou les présidents des cours d’appel.Lorsque l’enquête n’a pas été jugée nécessaire ou lorsque celle-ci est achevée, le magistrat est cité à comparaître devant le Conseil. Il peut être assisté d’un avocat.

L’audience du Conseil est publique. La délibération se fait à huis clos. La décision doit être motivée et rendue publique.

La procédure disciplinaire est exercée par le Garde des Sceaux. Aucune sanction contre un magistrat du Parquet ne peut être prononcée sans l’avis de la formation compétente du CSM.Le Garde des Sceaux ou les procureurs généraux saisissent le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du CSM compétente pour les magistrats du Parquet des faits motivant une poursuite disciplinaire.

Le magistrat peut se faire assister ou représenter.

La formation du CSM donne un avis motivé sur la sanction que les faits reprochés lui paraissent entraîner ; cet avis est transmis au Garde des Sceaux, qui prend la décision. S’il entend prendre une sanction plus grave que celle proposée, il saisit la formation compétente du CSM qui émet alors un nouvel avis.

Guinée-Équatoriale Les sanctions possibles sont : l’avertissement, la condamnation à une suspension temporelle.Ces sanctions sont prononcées par le CSJ. Celui-ci nomme un juge instructeur qui formulera une proposition. Idem
Gabon Le blâme, le blâme avec inscription au dossier, le retrait de certaines fonctions, la radiation du tableau d’avancement, l’abaissement d’échelon, la rétrogradation, l’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de 6 mois, la mise à la retraite d’office ou sans suspension des droits à pension sont les sanctions encourues par un magistrat. Le CSM, en tant que conseil de discipline des magistrats, s’entoure de toutes les mesures visant à protéger l’indépendance des magistrats. Les réponses au questionnaire ne font aucune différence entre magistrats du siège et magistrats du Parquet.
Liban Les magistrats sont sujets, selon la gravité de cette faute, à des blâmes de leurs supérieurs hiérarchiques ou à des renvois devant l’inspection judiciaire qui peut les traduire devant le conseil de discipline formé par des magistrats ; la sanction peut varier de la suspension ou la retenue du traitement pour un certain délai, jusqu’à la radiation définitive. Idem
Madagascar Traduction devant le CSM érigé en conseil de discipline, après enquête préliminaire par l’inspection de la justice ; communication du dossier et débats contradictoires.La suspension ou l’interdiction de l’exercice de certaines fonctions est subordonnée à l’avis du conseil de discipline. Idem, sauf qu’il faut un avis motivé du chef de Cour.
Mali Sans préjudice des poursuites pénales ou civiles, les sanctions disciplinaires applicables au magistrat sont :

  • la réprimande avec inscription au dossier ;
  • le déplacement d’office ;
  • le retrait temporaire de certaines fonctions ;
  • la rétrogradation ;
  • la révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

Le CSM siégeant en conseil de discipline constitue l’instance disciplinaire des magistrats. Il est présidé par le président de la Cour suprême.

Le président de la République, président du CSM, ainsi que le ministre de la Justice n’assistent pas aux séances relatives à la discipline des magistrats. Le conseil de discipline délibère à huis clos. Les décisions sont prononcées publiquement.

Les décisions ne sont susceptibles de recours que devant la section administrative de la Cour suprême, dans les deux mois.

Idem

Cependant, ici, le conseil de discipline est présidé par le procureur général de la Cour suprême.

Maroc C’est le ministre de la Justice qui communique au CSM les faits reprochés au magistrat. Le magistrat rapporteur doit être d’un grade supérieur à celui du magistrat poursuivi. Idem
Les sanctions sont prononcées par arrêté du ministre de la Justice pour celles du premier degré (avertissement, blâme…), et par dahir pour celles du deuxième degré (mise à la retraite, révocation…)Le CSM peut cependant, suspendre l’examen du dossier du magistrat fautif en cas de poursuite pénale, jusqu’au moment où un jugement définitif, en dernier ressort, est rendu. Dans le cas d’une telle poursuite, ou en cas de faute grave, le ministère de la justice peut suspendre le magistrat incriminé.
Maurice C’est la commission judiciaire légale, qui est habilitée à enclencher des procédures disciplinaires. La commission est indépendante, de par sa composition, et une procédure rigoureuse est suivie pour apporter la preuve de la faute alléguée à l’encontre d’un magistrat du siège ou du Parquet. La commission est la seule autorité à décider des sanctions en cas de faute. Idem
Mauritanie En cas de faute, le magistrat peutêtre suspendu de façon provisoire. Idem
Moldavie Les faits qui peuvent engager la responsabilité des juges sont, principalement, les dérogations aux obligations de service, ainsi que les comportements qui nuisent à l’autorité de la justice.Les sanctions prévues par la loi pour ces manquements sont, dans l’ordre de leur gravité : l’observation, l’avertissement, l’avertissement sévère, le licenciement. Idem
Niger Le CSM siégeant en conseil de discipline est compétent. Dans cette formation, le CSM se réunit sous la présidence du vice-président de la Cour suprême (le président de la République, le ministre de la Justice et le président de la Cour suprême n’assistent pas aux séances). Le pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre de la Justice, après avis de la commission de discipline des magistrats du Parquet et de l’administration centrale.
Roumanie La procédure disciplinaire est engagée en cas de fautes limitativement prévues par le statut et pour mauvaise ou négligence grave – au cas où ces faits ne constitueraient pas des infractions plus graves (alors Idem
s’appliquent les dispositions pénales). Les instances disciplinaires sont les sections du Conseil supérieur de la magistrature. Les différentes sanctions sont : l’avertissement, la diminution de l’indemnisation financière, la mutation d’office, la révocation de la fonction de direction occupée, l’exclusion de la magistrature. Les sanctions sont proportionnelles à la gravité des faits commis.
Sénégal Le CSM est le conseil de discipline des magistrats.Le conseil de discipline est présidé par le président de la Cour de cassation. Outre son président, le Conseil doit comprendre au moins cinq membres. Le ministre de la Justice dénonce les faits au Conseil qui entame une enquête. Après la comparution de l’intéressé, le Conseil délibère à huis clos et rend une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours devant la Cour de cassation. Le président de la République peut cependant exercer son droit de grâce. Idem, sauf qu’ici c’est le procureur général près la Cour de cassation qui préside le conseil de discipline.
Slovénie L’organe disciplinaire est composé du président de la juridiction où le juge suspecté d’avoir commis une faute est en fonction. N.C.
Suisse Les juges du tribunal fédéral peuvent être révoqués ; mais cela n’est encore jamais arrivé. Idem
Togo Le CSM peut, en cas de faute, prendre des sanctions contre les magistrats. Il y a d’abord une dénonciation des faits, puis, une enquête et une décision du CSM. Idem

La procédure disciplinaire, telle que prévue dans les textes des différents pays, présente des garanties suffisantes pour protéger l’indépendance des magistrats. Ces garanties trouvent leur justification dans la composition du conseil de discipline des magistrats (c’est souvent le Conseil supérieur de la magistrature qui, rappelons-le, est composé de magistrats). Des conditions supplé- mentaires peuvent être prévues notamment en Slovénie où le nombre de personnes habilitées à demander l’engagement d’une procédure disciplinaire envers un magistrat est limité. Le Conseil français précise que les droits de la défense et le principe du contradictoire sont respectés pour les magistrats du siège.

Une réserve est exprimée par la Cour de Burundi : la réponse indique que la composition actuelle du conseil de discipline des magistrats ne constitue pas une garantie pour son indépendance.

Tableau 18 – La portée de la procédure judiciaire

La procédure disciplinaire présente-t-elle des garanties suffisantes pour protéger l’indépendance des magistrats ?
Albanie La procédure assure la défense effective du juge dont l’indépendance est garantie par la composition du CSJ [13].
Belgique N.C. [14]
Bénin Oui, les droits de la défense sont respectés tout au long de la procédure.
Bulgarie Les garanties prévues en ce sens, désignées par le terme « immunité fonctionnelle », sont considérées comme suffisantes pour assurer l’indépendance des juges.
Burkina Faso La procédure étant contradictoire et la décision susceptible d’un recours, les droits du magistrat sont respectés.
Burundi La composition actuelle du Conseil ne garantit pas l’indépendance du magistrat.
Cameroun La procédure disciplinaire est protectrice de l’indépendance des magistrats.
Canada N.C.
Comores N.C.
Congo-Brazzaville La procédure présente des garanties suffisantes pour l’indépendance du magistrat dans la mesure où le magistrat est jugé par ses pairs ; de plus, le débat est contradictoire et il est assisté par un conseil.
Égypte La procédure présente des garanties suffisantes.
France Pour le magistrat du siège, les droits de la défense et le principe du contradictoire sont respectés.
Guinée-Équatoriale La procédure est égale pour tous et garantit l’indépendance du magistrat ou du juge.
Gabon Les principes des droits de la défense sont respectés durant la procédure.
Liban N.C.
Madagascar OUI.
Mali La procédure décrite présente des garanties suffisantes.
Maroc Oui, car avant le prononcé de la décision, il faut consulter le CSM et une enquête complémentaire peut être ordonnée par le CSM avant de statuer sur l’affaire.
Maurice N.C.
Mauritanie La procédure appliquée présente des garanties suffisantes pour l’indépendance du magistrat.
Moldavie La protection réside dans la procédure, car un collège disciplinaire est créé auprès du CSM. Ses décisions peuvent être contestées par la personne concernée dans un délai de 10 jours devant le CSM.
Niger La procédure disciplinaire présente beaucoup de garanties pour les magistrats du siège.
Roumanie La procédure disciplinaire devant le CSM présente toutes les garanties nécessaires à la défense. De plus, le magistrat a le droit à exercer un recours contre la décision du CSM devant la Haute Cour de justice et de cassation, la seule compétente en la matière. Sa décision est irrévocable.
Sénégal La procédure est la même pour les deux catégories de magistrats et elle présente des garanties suffisantes.
Slovénie Oui : tout d’abord, le nombre des personnes habilitées à demander à l’organe disciplinaire d’entamer une procédure judiciaire contre le juge est limité. Ensuite, les juges sont protégés étant jugés par leurs pairs.En outre, il existe une disposition de la loi sur le service judiciaire qui interdit, dans le cadre de la procédure disciplinaire, les interventions de nature à nuire à l’indépendance des juges dans l’exercice de leur fonction.
Suisse N.C.
Togo La procédure présente des garanties suffisantes.

  • [1]
    La Cour suprême de Maurice connaît, à travers trois formations différentes, des appels de ses propres sections statuant en premier ressort, et d’appels venant des cours inférieures. La Cour suprême de Maurice statue parfois comme une Cour de cassation, liée par des faits constatés par la juridiction statuant en premier ressort. Il s’agit d’une procédure particulière appelée « by way off case stated ».  [Retour au contenu]
  • [2]
    Le dahir est un acte pris par le roi.  [Retour au contenu]
  • [3]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [4]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [5]
    Selon la loi sur l’organisation judiciaire tout citoyen suisse éligible au Conseil national peut être juge ou suppléant hormis les membres de l’Assemblée nationale et du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par ces autorités.  [Retour au contenu]
  • [6]
    Loi sur la protection judiciaire  [Retour au contenu]
  • [7]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [8]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [9]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [10]
    La loi n° 15-99 du 15 avril 1999 portant statut de la magistrature est muette à propos des associations ou syndicats. L’article 13 de la loi susvisée interdit aux magistrats d’être membres d’un parti politique. Les associations apolitiques ou les syndicats ne sont donc pas interdits par la loi.  [Retour au contenu]
  • [11]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [12]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]
  • [13]
    Conseil supérieur de la justice : en Albanie, il est présidé par le président de la République, et composé de quatorze membres dont neuf sont des magistrats élus par la Conférence nationale judiciaire qui est une ONG.  [Retour au contenu]
  • [14]
    Non Communiqué  [Retour au contenu]

II. Le cas des membres des cours et conseils constitutionnels

A. Le statut des membres des cours et conseils constitutionnels

  • Font-ils partie du corps judiciaire ? Dans ce cas, les garanties et obligations du corps judiciaire sont-elles applicables ? Y a-t-il cependant des spécificités ?

Dans la quasi-totalité des pays dont les cours sont membres de l’ACCPUF, les membres des cours et conseils constitutionnels ne font pas partie du corps judiciaire, à l’exception du Burundi, de Madagascar et du Sénégal. La situation du Canada est particulière, puisqu’il n’existe pas de juridiction constitutionnelle spécifique et par conséquent, pas de juge constitutionnel. Il serait aussi intéressant de relever le cas de la Suisse, car c’est le Tribunal fédéral – qui possède des compétences plus larges, notamment en tant que juridiction de cassation – qui détient aussi des compétences de « juge constitutionnel » ; par conséquent, en Suisse, il n’existe pas non plus de juge constitutionnel en tant que tel.

La juridiction constitutionnelle se présente souvent comme une juridiction à part entière, ayant sa propre organisation et dont les juges ne font pas partie du système judiciaire. Ces juges sont soumis à des règles spécifiques tenant à leur qualité de juge constitutionnel ; la Cour suprême constitutionnelle d’Égypte précise, qu’il n’existe aucune spécificité quant aux garanties et obligations des juges constitutionnels par rapport aux juges « ordinaires ».

Tableau 19 – Le statut des membres de la cour constitutionnelle

Les membres des Cours font-ils partie du corps judiciaire ?

Les garanties et obligations

du corps judiciaire leur sont-elles applicables ?

Albanie

NON

Les devoirs et immunités des juges constitutionnels diffèrent de ceux des juges ordinaires et sont régis par la Constitution et par la loi portant organisation de la Cour constitutionnelle.

Belgique

NON

Bénin

NON

Bulgarie

NON

Ils sont soumis à des règles spécifiques.
Burkina Faso

NON

NON
Burundi

OUI

Les garanties applicables au corps judiciaire leur sont applicables. Il n’y a pas de spécificité particulière.
Cameroun

NON

Canada [1]

OUI

Les mêmes dispositions légales régissent les juges ordinaires et constitutionnels.
Comores

NON

Les garanties et obligations applicables au corps judiciaire ne sont pas applicables aux membres de la Cour constitutionnelle.

Congo-Brazzaville

NON

Les garanties et obligations applicables au corps judiciaire ne leur sont pas applicables.
Égypte

NON

Il n’y a aucune spécificité.
France

NON

Il existe des spécificités (v. notamment ordonnance n° 58-1067 du 7 nov. 1958 et décret n° 59-1292 du 13nov. 1959).
Guinée-Équatoriale N.C.[2] N.C.
Gabon

NON

NON
Liban

NON

Il existe un statut propre qui garantit l’indépendance et l’inamovibilité des membres du Conseil constitutionnel.
Madagascar

OUI

OUI ; cependant, il y a certaines spécificités, car le président est justiciable devant la Haute Cour de Justice, tandis que les membres bénéficient d’une protection spéciale.

Mali NON Des garanties spécifiques concernant leurs obligations et la durée de leur mandat sont prévues.
Maroc NON N.C.
Maurice N.C.
Mauritanie NON Il existe des garanties spécifiques, notamment en matière de démission.
Moldavie NON N.C.
Niger NON Il existe des spécificités concernant leurs obligations.
Roumanie NON

Le statut des membres est réglementé partiellement par les dispositions constitutionnelles, complétées par une loi organique (Loi n° 47/1992).

Sénégal OUI Cependant leur statut est réglementé par une loi.
Slovénie NON Ils disposent de règles spécifiques.
Suisse OUI Il n’existe pas de spécificités.
Togo NON NON
  • En matière de nomination, quelles sont les spécificités ?

Autorités de nomination

Le choix des autorités de nomination des membres des juridictions constitutionnelles est d’une importance capitale car il pourrait influer sur l’indépendance de la juridiction. On relève généralement un « partage » entre les différentes autorités publiques c’est-à-dire que les membres de la juridiction sont désignés à parité par le président de la République, celui de l’Assemblée nationale et celui du Sénat (Burkina Faso, France, Togo, Roumanie). Cette désignation peut ne pas être à parité, mais néanmoins partagée (Bénin, Congo-Brazzaville, Cameroun, Madagascar). À titre d’exemple, à Madagascar, la Haute Cour constitutionnelle compte neuf membres, dont trois nommés par le président de la République, deux par l’Assemblée nationale, deux par le Sénat et deux autres sont élus par le Conseil supérieur de la magistrature.

Dans certains pays, le président de la République est la seule autorité compétente pour nommer les membres de la juridiction constitutionnelle. Il s’agit de l’Albanie, du Burundi et du Sénégal.

La Suisse et la Slovénie se distinguent par leur spécificité. En Suisse, les membres du Tribunal fédéral sont élus par l’Assemblée fédérale, et en Slovénie, ils sont élus, sur proposition du président de la République, par l’Assemblée nationale.

Tableau 20 – Les autorités de nomination des membres des cours constitutionnelles

Albanie Les membres de la Cour constitutionnelle sont nommés par le président de la République avec le consentement de l’Assemblée de la République.
Belgique Ils sont nommés par le Roi sur présentation, alternativement, de la Chambre et du Sénat, à la majorité de deux tiers. Le Conseil supérieur de la magistrature n’intervient pas dans leur nomination.
Bénin La Cour constitutionnelle est composée de sept membres dont quatre sont nommés par le bureau de l’Assemblée nationale et trois par le président de la République.
Bulgarie Les juges constitutionnels sont au nombre de douze, dont un tiers élu par l’Assemblée nationale à la majorité simple, un tiers nommé par le président de la République et le tiers restant, élu lors des Assemblées communes des juges de la Cour suprême de cassation et de la Cour suprême administrative.
Burkina Faso Le président est nommé par le chef de l’État ; trois membres sont nommées par le chef de l’État ; et les trois autres par l’Assemblée nationale.
Burundi Les membres du conseil sont tous nommés par le président de la République après approbation du Sénat.
Cameroun Ils sont nommés de la façon suivante :

  • trois par le président de la République ;

  • trois par le président de l’Assemblée nationale ;

  • trois par le président du Sénat ;

  • deux par le CSM.

Canada S.O.[3]
Comores Aux termes de l’art. 32 de la Constitution de l’Union, le président de l’Union, le vice-président, le président de l’Assemblée de l’Union, ainsi que les chefs exé- cutifs des îles nomment chacun un membre de la cour.
Congo-Brazzaville
  • trois des membres sont désignés par le président de la République ;

  • deux membres proposés par l’Assemblée nationale ;

  • deux membres proposés par le président du Sénat ;

  • deux membres proposés par le bureau de la Cour suprême.

Égypte Le président de la Cour est nommé par décret du président de la République, chacun des membres est nommé par décret du président de la République, pris après avis du CSM, sur une liste de deux noms proposés, l’un par l’Assemblée générale de la Cour, et l’autre par le président de la Cour.
France Trois des membres sont nommés par le président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. Le prési- dent du Conseil est nommé parmi les membres par le président de la Répu- blique (art. 56 de la Constitution).
Guinée-Équatoriale Deux des quatre membres sont nommés par le président de la République, deux autres par la Chambre des représentants du peuple.
Gabon Les autorités de nomination sont : le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Chaque autorité nomme trois juges. Au total, la Cour constitutionnelle gabonaise comprend neuf membres.
Liban Les autorités de nomination sont le Parlement – qui élit cinq membres – et le Conseil des ministres – qui désigne cinq juges.
Madagascar Trois des membres sont nommés par le président de la République, deux sont désignés par l’Assemblée nationale, deux par le Sénat, deux élus par le CSM. Le Président est nommé par décret du président de la République.
Mali Trois des neuf membres sont nommés par le président de la République dont au moins deux juristes.Trois sont nommés par le président de l’Assemblée nationale et les trois autres par le CSM.
Maroc Les membres sont au nombre de douze : six sont nommés par le Roi, dont le président ; les six autres sont nommés, moitié par le président de la Chambre des représentants, moitié par le président de la Chambre des conseillers, après consultation des groupes parlementaires.
Maurice S.O.
Mauritanie Le Conseil constitutionnel comprend six membres. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les 3 ans. Trois des membres sont nommés par le président de la République, deux par le président de l’Assemblée nationale et un par le président du Sénat. Les membres du Conseil constitutionnel doivent être âgés de trente cinq ans au moins. Le président du Conseil consti- tutionnel est nommé par le président de la République parmi les membres qu’il a désignés. Il a voix prépondérante en cas de partage.
Moldavie Les autorités de nomination sont : le Parlement, le Gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature. Chaque autorité nomme deux juges. Au total, la Cour constitutionnelle compte six juges nommés pour 6 ans.
Niger La Cour est composée de deux personnalités ayant une grande expérience professionnelle dont une, proposée par le bureau de l’Assemblée nationale et une proposée par le président de la République ; deux magistrats élus par leurs pairs, un avocat élu par ses pairs, un enseignant de la faculté ayant un doctorat en droit public, élu par ses pairs.Un représentant des associations de défense des droits de l’homme reconnu pour sa compétence en droit public élu par le collectif des associations de défense des droits de l’Homme.
Roumanie Les autorités de nomination sont : le président de la République, le Sénat et la Chambre des députés. Chaque autorité nomme trois juges.
Sénégal Les cinq membres du Conseil constitutionnel sont nommés par décret du prési- dent de la République.
Slovénie Les neufs membres de la Cour constitutionnelle sont élus sur proposition du président de la République, par l’Assemblée nationale, à la majorité de l’ensemble des députés.
Suisse Le Tribunal fédéral se compose de trente juges et quinze suppléants. Ils sont élus par l’Assemblée fédérale, qui doit à cet égard faire en sorte que les quatre langues soient représentées.
Togo La Cour constitutionnelle est composée de neuf membres dont :

  • trois désignés par le président de la République, dont au moins un en raison de ses compétences juridiques ;

  • trois élus par l’Assemblée nationale à la majorité des 2 /3 de ses membres, dont au moins un en raison de ses compétences juridiques ;

  • trois élus par le Sénat, à la majorité des 2/3 de ses membres dont au moins un, en raison de ses compétences juridiques.

Condition de formation, d’âge et d’expérience professionnelle

Les membres de la Cour constitutionnelle doivent satisfaire à certaines conditions avant leur élection. Ce sont des conditions d’âge, de formation et d’expérience professionnelle.

Dans de nombreux pays, les membres de la juridiction constitutionnelle doivent avoir des compétences professionnelles et doivent en outre avoir une expérience significative. Elle est de quinze ans en Albanie, au Bénin, aux Comores et au Gabon. Au Sénégal, le nombre d’années d’expérience exigé est relativement élevé ; il faut au moins vingt-cinq années d’expérience pour être membre du Conseil constitutionnel sénégalais.

Certains pays prévoient une condition d’âge : au Gabon et au Niger, il faut être âgé de quarante ans au moins ; en Égypte, l’âge minimum est de quarante-cinq ans et en Mauritanie, il faut avoir trente ans au moins pour être membre de la juridiction constitutionnelle.

Nonobstant ces différences qui existent d’un pays à un autre, très souvent, la nomination au sein des juridictions constitutionnelles est soumise à des conditions très strictes de formation, de compétence, d’âge, et surtout d’expérience professionnelle. Ces conditions s’avèrent importantes compte-tenu du rôle délicat que doivent jouer les cours et conseils constitutionnels.

Tableau 21 – Les conditions requises pour être membre de la Cour constitutionnelle [4]

Conditions
Albanie Expérience professionnelle : quinze ans au moins d’expérience (art. 125 de la Constitution).
Belgique Expérience professionnelle : six sur douze membres doivent avoir été membres d’une Assemblée législative pendant au moins cinq ans, les six autres doivent, pendant au moins cinq ans, avoir occupé une fonction juridique de haut niveau (ex : haut magistrat à la Cour de cassation ou au Conseil d’État, professeur à l’université).
Bénin Âge : aucune condition d’âge n’est requise.

Expérience professionnelle : les sept membres doivent être :

  • trois magistrats ayant une expérience de quinze ans au moins (…) ;
  • deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant quinze ans d’expérience (…) ;
  • deux personnalités de grande réputation professionnelle (…) ;

En dehors de la condition de compétence professionnelle, les membres de la cour constitutionnelle doivent être de bonne moralité et d’une grande probité.

Bulgarie Âge : il n’y a pas de limite d’âge.

Expérience professionnelle : peuvent être juges constitutionnels, des juristes qui ont fait preuve de hautes qualités professionnelles et possèdent au moins quinze ans d’expérience professionnelle.

Burkina Faso N.C.[5]
Burundi Âge : il n’y a pas de limite d’âge.

Formation : la formation requise est celle exigée dans toute la profession : une licence en droit au minimum.

Cameroun N.C.
Canada S.O.[6]
Comores Expérience professionnelle : les membres de la Cour doivent justifier d’une compétence reconnue dans le domaine juridique, administratif, économique ou social. Ils doivent justifier d’une expérience professionnelle minimale de quinze ans. Ils doivent être d’une grande moralité, et d’une grande probité.
Congo-Brazzaville Âge et formation : il n’y a pas de condition d’âge ni de formation.
Égypte Âge : les membres de la Cour doivent être âgés de quarante-cinq ans au moins.

Expérience professionnelle : ils doivent être choisis parmi :

  • les membres actuels de la Cour suprême :
  • les membres et ex-membres des corps judiciaires ayant exercé leurs fonctions de conseiller pendant cinq ans au moins ;
  • les professeurs et ex-professeurs de droit des universités égyptiennes ayant exercé cette fonction pendant huit années au moins ;
  • les avocats ayant exercé près de la Cour de cassation ou de la Haute Cour administrative pendant dix années consécutives au moins.
France Aucune condition d’âge ni de formation n’est requise.
Guinée-Équatoriale N.C.
Gabon Âge : les conseillers doivent être âgés de quarante ans au moins.

Formations : les conseillers (les juges membres de la Cour) sont choisis à titre principal parmi les professeurs de droit, les magistrats et les avocats.

Expérience professionnelle : chacune des autorités mentionnées dans le tableau précédent doit obligatoirement nommer deux juristes dont un magistrat. Les conseillers doivent avoir au moins quinze ans d’expérience professionnelle et figurer parmi les personnalités ayant honoré le service de l’État.

Liban N.C.
Madagascar Expérience professionnelle : les membres sont choisis en raison de leur compétence, et doivent avoir une pratique suffisante de la magistrature de l’ordre administratif ou judiciaire, du barreau, de l’enseignement supérieur du droit ou de l’administration.
Mali Âge : aucune condition d’âge n’est indiquée dans la Constitution ni dans la loi organique relative à la Cour constitutionnelle.

Formation, expérience professionnelle : les conseillers [7] de la Cour constitutionnelle sont choisis, à titre principal, parmi les professeurs de droit, les avocats, les magistrats ayant au moins quinze années d’activité, ainsi que les personnalités qualifiées qui ont honoré le service de l’État.

Maroc Âge : aucune condition d’âge n’est prévue.

Formation : aucune condition de formation n’est prévue.

Maurice S.O.
Mauritanie Âge : les membres du Conseil constitutionnel doivent être âgés de trente-cinq ans au moins.
Moldavie Formation, expérience professionnelle : l’art. 138 de la Constitution établit expressément que les juges doivent avoir une formation juridique supérieure, une haute compétence professionnelle et une ancienneté d’au moins quinze ans dans l’activité juridique, l’enseignement juridique ou dans l’activité scientifique.
Niger Âge : les membres doivent être âgés de quarante ans au moins.

Expérience professionnelle : les membres doivent avoir une expérience professionnelle significative.

Roumanie Formation, expérience professionnelle : l’art. 143 de la Constitution établit expressément que les juges de la Cour doivent avoir une formation juridique supérieure, une haute compétence professionnelle et une ancienneté d’au moins dix-huit ans dans l’activité juridique ou dans l’enseignement juridique supérieur.
Sénégal Formation : trois des membres sont choisis parmi les hauts magistrats ou anciens hauts magistrats, les autres peuvent être choisis parmi les professeurs titulaires ou anciens professeurs titulaires d’une faculté de droit, les inspecteurs généraux d’État ou anciens inspecteurs généraux d’État, et les avocats.

Expérience professionnelle : toutes les personnes choisies doivent avoir au moins vingt-cinq ans d’ancienneté dans la fonction publique ou dans l’exercice de leur profession.

Slovénie Âge : les membres doivent être âgés de quarante ans au moins.

Formation : conformément à la loi sur la Cour constitutionnelle, les candidats doivent être spécialisés en droit.

Suisse Formation : la loi n’impose pas de conditions de formation mais, en pratique, les juges du Tribunal fédéral sont d’anciens juges des tribunaux cantonaux ou d’anciens avocats.
Togo N.C.
  • Le mandat est-il limité à un nombre d’années déterminées ?

Si oui, combien d’années ?

Le mandat est-il renouvelable ? Combien de fois ?

La règle largement admise est celle du mandat limité à un certain nombre d’années : cinq ans (Bénin) ; six ans (Burundi, Comores,Liban, Niger) ; sept ans (Gabon, Togo, Moldavie), neuf ans (Bulgarie, Cameroun, Congo-Brazzaville,France, Maroc, Mauritanie, Slovénie). Ce mandat est parfois renouvelable comme au Bénin, aux Comores, au Congo-Brazzaville, en Guinée-Equatoriale, en Moldavie… ; Le renouvellement lui-même est limité (une fois pour certains pays). À Madagascar, le mandat est renouvelable sans limitation de durée.

Le mandat n’est en revanche pas renouvelable en Bulgarie, au Burkina Faso, au Burundi, au Cameroun, en France, au Liban, en Mauritanie, en Roumanie, en Suisse, et au Togo.

Dans certains pays, le mandat du juge constitutionnel n’a pas de limitation de durée et le juge peut rester en fonction jusqu’à l’âge de la retraite, souvent fixé à 70 ans ; par exemple en Albanie, en Belgique et en Egypte.

Tableau 22 – Le mandat des membres des cours constitutionnelles

>La durée et le renouvellement du mandat des membres des cours constitutionnelles
> >Durée du mandat >Renouvellement du mandat
>Albanie >9 ans mais le mandat prend fin lorsque le juge atteint l’âge de 70 ans révolus. >NON
>Belgique >Nomination à vie, autrement dit jusqu’à l’âge de 70 ans. >
>Bénin >5 ans >OUI : une fois
>Bulgarie >9 ans >NON
>Burkina Faso >9 ans, sauf celui du président. >NON
>Burundi >6 ans >NON
>Cameroun >9 ans >NON
>Canada >S.O.[8] >S.O.
>Comores >6 ans >OUI
>Congo-Brazzaville >9 ans >OUI
>Égypte >Mandat valable jusqu’à l’âge de la retraite (68 ans en Égypte). >
>France >9 ans>Le mandat des membres de droit [9]

>est sans limitation de durée.

>NON
>Guinée-Équatoriale >7 ans >OUI : une fois
>Gabon >7 ans >OUI : une fois.
>
>Liban
>
>6 ans
>NON. Il existe une condition de limite d’âge.
>Madagascar >7 ans >OUI : sans limitation de durée.
>Mali >7 ans >OUI : une fois.
>Maroc >9 ans >NON
>Maurice >S.O. >S.O.
>Mauritanie >9 ans >NON
>Moldavie >6 ans >OUI : une fois.
>Niger >6 ans >NON
>Roumanie >9 ans >NON
>Sénégal >6 ans >NON
>Slovénie >9 ans >NON
>Suisse Les juges du Tribunal fédéral sont élus pour six ans : art. 145 de la Const. La loi ajoute que les juges ayant atteint l’âge de la retraite achèvent leur fonction à la fin de l’année civile. >NON
>Togo >7 ans >NON
  • À quelles incompatibilités sont soumis les membres des cours et conseils constitutionnels ?

La question des incompatibilités avec la fonction de membre d’une Cour constitutionnelle se pose avec plus d’acuité que pour les juges. Les incompatibilités avec la fonction de membre d’une juridiction constitutionnelle concernent surtout les activités politiques, notamment de membre du Gouvernement, du Parlement, ou d’une collectivité territoriale. Il leur est aussi interdit toute activité publique ou privée rémunérée ou non.

Des dérogations individuelles concernant la fonction d’enseignant et les activités scientifiques peuvent néanmoins être accordées.

Une originalité nous vient du Congo-Brazzaville, où les membres de la Cour constitutionnelle peuvent exercer des activités agricoles.

Tableau 23 – Les incompatibilités avec la fonction de membre d’une Cour constitutionnelle

Albanie Incompatibilité avec toute activité politique, toute activité lucrative privée ou toute activité publique (art. 130 de la Constitution).
Belgique Incompatibilité avec les fonctions judiciaires, avec l’exercice d’un mandat public électif, avec toute fonction ou charge publique d’ordre politique ou administratif, avec les charges de notaires et d’huissier, avec la profession d’avocat, avec la situation de militaire ou d’ecclésiastique.
Bénin Incompatibilité avec la qualité de membre du Gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute autre activité professionnelle ainsi que de toute fonction de représentation nationale, sauf dans le cas prévu à l’art. 50 alinéa 3 de la Constitution [10].
Bulgarie Incompatibilité avec l’exercice d’un mandat représentatif, l’exercice d’une fonction publique ou sociale, l’adhésion à un parti politique ou à un syndicat et avec l’exercice d’une profession libérale, commerciale ou toute activité professionnelle rémunérée.Mais les juges constitutionnels peuvent exercer leur profession d’enseignant.
Burkina Faso Incompatibilité avec la qualité de membre du Gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi privé ou public, civil, militaire, de toute activité professionnelle ainsi que de toute fonction de représentation nationale ou d’administrateur de société.
Burundi Ils sont soumis aux mêmes incompatibilités que les autres magistrats.
Cameroun Le statut des membres du Conseil constitutionnel n’ayant pas encore été promulgué à la date du congrès, on ne peut connaître les incompatibilités liées à leur fonction.
Canada S.O. [11]
Comores Incompatibilité avec la qualité de membre des institutions de l’Union ou des îles, ainsi qu’avec tout emploi public ou activité professionnelle.
Congo-Brazzaville Incompatibilité avec la fonction de membre du Gouvernement, du Parlement, de la Cour suprême, du Conseil économique et social, du Conseil supérieur de la liberté de communication, de la Commission nationale des droits de l’Homme, du CSM et des conseils locaux.En outre, pendant la durée de leur mandat, les membres ne peuvent occuper aucun emploi public ou privé. Ils peuvent cependant, sans autorisation, se livrer à des travaux agricoles, littéraires, artistiques, ou d’enseignement.
Égypte Aucune incompatibilité.
France Incompatibilité avec la fonction de membre du Gouvernement ou du Conseil économique et social et avec l’exercice de tout mandat électoral (art. 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).
En outre, les membres ne peuvent occuper aucun poste de responsabilité ou de direction au sein d’un parti ou d’un groupement politique.
Guinée-Équatoriale Les incompatibilités sont les mêmes que pour les magistrats ordinaires.
Gabon Incompatibilité avec toute autre fonction publique, avec toute autre activité professionnelle ou privée, ainsi qu’avec tout mandat public électif. Pourtant, des dérogations sont admises. Un conseiller peut être autorisé, après délibération de la Cour statuant à la majorité des membres, à exercer les professions suivantes : professeur ou médecin dans un établissement public ou privé, mais à titre de vacataire ; écrivain, peintre ou sculpteur. Il est également interdit d’occuper au sein des partis politiques tout poste de responsabilité ou de direction.
Liban N.C. [12]
Madagascar Incompatibilité avec la fonction de membre du Gouvernement, du Parlement, du gouvernorat d’une province autonome, avec tout mandat public électif, toute autre activité professionnelle rémunérée ainsi que toute activité au sein d’un parti, d’une organisation politique, ou au sein d’un syndicat (art. 120 de la Constitution).
Mali Incompatibilité avec toutes fonctions publiques, politiques, administratives ou toute activité privée ou professionnelle (art. 93 de la Constitution).
Maroc « Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel, sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, de la Chambre des représentants, de la Chambre des conseillers et du Conseil économique et social.Elles sont également incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction publique ou mission publique élective, ainsi que tout emploi salarié dans les sociétés dont le capital appartient pour plus de 50 % à une ou plusieurs personnes morales de droit public. » (art. 4 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel).
Maurice S.O.
Mauritanie Ils ne peuvent appartenir aux instances dirigeantes des partis politiques.
Moldavie Selon la loi relative à la Cour constitutionnelle, la nomination dans la fonction de juge ne se fait qu’après l’engagement écrit du juge qu’il renonce aux fonctions incompatibles (toute fonction publique ou privée, appartenance à un parti politique) avec celle de juge constitutionnel. La seule dérogation admise concerne les fonctions pédagogiques ou scientifiques.
Niger Incompatibilité avec la qualité de membre du Gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, ou tout autre emploi public, civil ou militaire et toute activité professionnelle, ainsi que toute fonction de représentation nationale.
Roumanie Selon l’art. 144 de la Constitution, la fonction de juge constitutionnel est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction publique ou privée, à l’exception de la fonction pédagogique dans l’enseignement supérieur.
Sénégal Incompatibilité avec la qualité de membre du Gouvernement ou d’un cabinet ministériel, avec l’exercice d’un mandat électif, avec l’exercice de la profession d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de justice et de toute activité professionnelle privée. L’exercice de toute activité publique doit être autorisé par le Conseil.
Slovénie Incompatibilité avec des fonctions au sein des organes de l’État, des collectivités locales, des partis politiques et des syndicats, avec l’appartenance à un organe de direction ou de contrôle de sociétés commerciales, d’instituts ou de coopératives ainsi qu’avec un engagement dans toute affaire ou activité lucrative à l’exception du travail universitaire.
Suisse Différentes incompatibilités existent dans la Constitution et dans la loi.
Togo Incompatibilité avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, de toute activité professionnelle ainsi qu’avec toute fonction représentative nationale (art. 103 de la Constitution).
B. Les spécificités inhérentes aux obligations et à la protection des membres des juridictions constitutionnelles :
  • Une protection spécifique est-elle prévue en leur faveur ?

Les membres des juridictions constitutionnelles bénéficient d’une protection plus importante que celle accordée aux juges (magistrats du Parquet et du siège) de l’ordre judiciaire ordinaire. Ils ne peuvent cependant, sauf cas de flagrant délit, être poursuivis sans l’accord préalable de la Cour elle-même ; le Gabon renforce cette mesure en subordonnant une telle poursuite à l’avis conforme de la Cour statuant à la majorité des trois quarts des membres.

L’Égypte et Madagascar ne prévoient aucune protection spécifique envers les membres de la cour ; autrement dit, ils bénéficient, dans ces deux pays, des mêmes protections que celles accordées aux juges ordinaires.

Tableau 24 – Une protection spécifique est-elle prévue en faveur des membres de la cour constitutionnelle ?

Albanie Le juge constitutionnel n’est pas tenu responsable pour les opinions émises, ou pour le vote exprimé durant les délibérations (art. 16 de la Constitution) ; il jouit, de même que les membres de sa famille, du droit d’avoir une protection corporelle.
Belgique Aucune protection spécifique n’est prévue en leur faveur.
Bénin L’art. 115 de la Constitution prévoit que « les membres de la Cour sont inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle et du Bureau de la Cour Suprême siégeant en session conjointe sauf en cas de flagrant délit ».
Bulgarie N. C.[13]
Burkina Faso Ils bénéficient de l’inamovibilité ; il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique ou lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales ; ils ne peuvent être poursuivis sans l’avis du Conseil constitutionnel, sauf en cas de flagrant délit.Cependant, selon l’art. 11 de la loi organique, il peut être mis fin, à titre provisoire ou définitif, aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme du Conseil.
Burundi Aucune protection spécifique n’est prévue en leur faveur.
Cameroun Le statut des membres du Conseil constitutionnel n’ayant pas encore été promulgué à la date du congrès, on ne peut connaître les protections spécifiques prévues en leur faveur.
Canada S.O.30
Comores N.C.
Congo-Brazzaville Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou jugé à l’occasion des votes émis dans l’exercice de leurs fonctions.
Égypte Ils n’ont aucune protection spécifique.
France Aux termes de l’art. 5 du décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel, le Conseil apprécie, le cas échéant, si l’un des membres a manqué à ses obligations.Le Conseil se prononce au scrutin secret, à la majorité simple des membres le composant, y compris ses membres de droit.
Guinée-Équatoriale Ils ne pourront être poursuivis, destitués ou suspendus pour des opinions exprimées dans l’exercice de leurs fonctions.
Gabon Les juges de la Cour constitutionnelle jouissent d’une protection spécifique. Ils ne peuvent être inquiétés, poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l’occasion d’opinions ou de votes émis par eux dans l’exercice de leur fonction. De même, les dispositions du code pénal et des lois pénales spéciales relatives aux outrages et violences envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique sont applicables aux juges constitutionnels.Cependant en cas de crime flagrant avéré ou de condamnation définitive, une mesure d’arrestation ou de détention d’un membre de la Cour ne peut intervenir qu’après avis conforme de la Cour statuant à la majorité renforcée des trois quarts.

De plus, les juges constitutionnels jouissent d’un privilège de juridiction car ils sont pénalement responsables, seulement devant la Haute Cour de justice, des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Liban La protection spécifique des membres du Conseil constitutionnel se fait par le biais de leur statut complètement autonome qui leur assure l’indépendance et l’inamovibilité.
Madagascar Il n’y a aucune protection spécifique.
Mali N.C.
Maroc Aucune protection spécifique n’est prévue explicitement par les dispositions relatives au Conseil constitutionnel.
Maurice S.O.
Mauritanie Ils jouissent de l’immunité parlementaire.
Moldavie La loi relative à la Cour constitutionnelle prévoit que les juges constitutionnels ne peuvent être tenus juridiquement responsables pour les opinions et les votes exprimés dans l’exercice de leurs fonctions.
Niger Les garanties conférées aux membres de la Cour sont plus importantes que celles conférées aux membres du corps judiciaire.
Roumanie La loi organique sur la Cour constitutionnelle prévoit, dans son chapitre VII, que les juges constitutionnels ne peuvent être tenus juridiquement responsables pour les opinions et les votes exprimés à l’occasion des décisions.De plus, les juges constitutionnels ne peuvent être arrêtés ou traduits devant la justice en matière criminelle qu’avec l’approbation des hautes autorités de nomination et, selon les cas, sur demande du Procureur général.
Sénégal Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale sans l’autorisation de la cour.
Slovénie Les juges de la Cour constitutionnelle jouissent de la même immunité que les députés à l’Assemblée nationale ; ils ne peuvent être tenus responsables pénalement des opinions ou votes émis lors d’une audience publique ou d’une session et ne peuvent être détenus ou faire l’objet de poursuites pénales, s’ils invoquent leur immunité, sans autorisation de l’Assemblée nationale, à moins qu’ils n’aient commis une infraction pénale pour laquelle la peine encourue est supérieure à cinq ans. L’Assemblée nationale décide de la main levée de cette immunité.
Suisse N.C.
Togo Les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour, sauf en cas de flagrant délit. Dans ce cas, le président de la Cour constitutionnelle doit être saisi immédiatement et au plus tard dans les quarante-huit heures.
  • Si les membres de la Cour ou du Conseil constitutionnel manquent aux devoirs de leur fonction, quelle est la procédure applicable ?

Dans une large majorité des cas, la procédure disciplinaire des juges constitutionnels est assortie de plus de garanties que celle des juges de l’ordre judiciaire ordinaire. Les dispositions en vigueur dans la plupart des pays prévoient en effet, que lorsqu’un juge constitutionnel manque aux devoirs de sa fonction, la procédure disciplinaire n’est engagée qu’avec l’accord de la juridiction elle-même (France, Bénin, Niger – c’est d’ailleurs, la Cour elle-même qui siège en tant qu’organe disciplinaire dans ce pays, Roumanie…)

Cependant, en Guinée, la procédure est la même que pour les juges ordinaires ; le Conseil constitutionnel du Sénégal, quant à lui précise qu’aucune procédure spécifique n’est prévue car la désignation les membres du Conseil constitutionnel étant soumise à des conditions d’âge, d’ancienneté et de formation, ceux-ci sont considérés comme des « sages ».

Tableau 25 – La procédure applicable en cas de manquement aux devoirs de leur fonction par les membres des cours constitutionnelles

Albanie Le juge constitutionnel ne pourra être arrêté ou détenu que s’il est pris en flagrant délit ou tout de suite après avoir commis une infraction pénale. L’organe compétent avertit immédiatement la Cour constitutionnelle. Lorsque la Cour, dans un délai de 24 heures après son arrestation, n’accorde pas son consentement pour le maintien du juge en détention, l’organe compétent est tenu de le relâcher (art. 126 de la Constitution).Le juge constitutionnel pourra être destitué par un vote qualifié des deux tiers des membres de l’Assemblée de la République, pour certains motifs énoncés à l’art. 128 de la Constitution.
Belgique Ils peuvent être destitués ou suspendus de leurs fonctions par arrêt rendu par la Cour d’Arbitrage.
Bénin L’art. 8 de la loi du 4 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 précise que tout manquement au serment prêté avant l’entrée en fonction constitue un acte de forfaiture et sera puni conformément à la législation en vigueur.
Bulgarie N.C.[14]
Burkina Faso N.C.
Burundi La procédure est la même que pour les autres magistrats.
Cameroun V. réponse du tableau précédent.
Canada V. supra : procédure disciplinaire des juges de la Cour suprême de Canada.
Comores Selon l’art. 13 de la loi organique relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour, le membre de la Cour qui n’a pas rempli ses obligations, qui a enfreint le régime des incompatibilités ou perdu la jouissance de ses droits civils et politiques est réputé démissionnaire d’office.
Congo-Brazzaville Lorsqu’un membre de la Cour a manqué à ses devoirs, celle-ci apprécie. Les membres de la Cour sont justiciables devant la Haute Cour de Justice, pour les actes qualifiés de crimes ou délits, commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Égypte Au cas où ils manqueraient aux devoirs de leur fonction, ils sont interrogés en vertu des procédures et des statuts prévus par la loi relative à la Cour.
France Aux termes de l’art. 5 du décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel, le Conseil apprécie, le cas échéant, si l’un des membres a manqué à ses obligations.Le Conseil se prononce au scrutin secret, à la majorité simple des membres le composant, y compris ses membres de droit.
Guinée-Équatoriale La procédure est la même que pour les magistrats de l’ordre judiciaire ordinaire.
Gabon C’est la Cour constitutionnelle, statuant à la majorité des trois quarts, qui peut mettre fin, au terme d’une procédure contradictoire, aux fonctions du membre qui a méconnu ses obligations.
Liban N.C.
Madagascar N.C.
Mali L’art. 10 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle précise, qu’en cas de manquement, « la Cour constate le cas échéant, la démission d’office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité, une fonction, ou un mandat électif incompatible avec sa qualité de membre de la Cour, qui n’aurait plus la jouissance de ses droits civils et politiques ou qui aurait méconnu les obligations générales et particulières visées aux art. 3 et 8 de la loi organique (…) ».
Maroc En cas de manquement à leurs obligations, les fonctions de membre du Conseil constitutionnel, prennent fin par la démission d’office qui doit être constatée par le Conseil.
Maurice S.O.[15]
Mauritanie N.C.
Moldavie Le retrait du mandat intervient, selon la loi sur la Cour, dans les hypothèses suivantes : impossibilité d’exercer sa fonction pour raison de santé pour une période d’au moins quatre ans ; violation du serment et des obligations de la fonction ; condamnation par une instance judiciaire pour une infraction commise par le juge ; incompatibilité avec la fonction de juge constitutionnel. Ensuite la loi dispose que, pour la seconde hypothèse, le contrôle factuel est effectué par deux juges nommés par décision du président. Enfin, il faut préciser que le retrait du mandat équivaut au retrait de l’immunité du juge et à la cessation de l’exercice de la fonction.
Niger L’organe disciplinaire des membres de la Cour est non le CSM mais la Cour elle-même siégeant en assemblée générale.
Roumanie L’établissement des manquements et des sanctions disciplinaires est de la compétence exclusive du plénum de la Cour constitutionnelle.
Sénégal Aucune procédure spécifique n’est prévue en cas de manquement aux devoirs de leur fonction. Cette disposition tient peut-être compte des conditions de nomination (âge, ancienneté, expérience professionnelle…). Les membres du conseil sont considérés comme des « sages ».
Slovénie V. tableau précédent.
Suisse La loi donne le pouvoir à l’Assemblée fédérale de révoquer un juge avant la fin de sa période de fonction dans deux hypothèses : 1. S’il a violé gravement ses devoirs de manière intentionnelle ou par négligence grave ; 2. S’il a durablement perdu sa capacité d’exercer la fonction.
Togo N.C.
  • Les membres des juridictions constitutionnelles ont-ils des obligations spécifiques (devoir de réserve…) ?

Cette question nous ramène à nous interroger sur les différences concernant les obligations des membres des juridictions constitutionnelles par rapport aux magistrats « ordinaires ». Ont-ils des obligations plus importantes ?

Les obligations des membres des cours et conseils constitutionnels, sont souvent les mêmes que celles qui incombent aux autres juges. Les membres des juridictions constitutionnelles doivent remplir leur mission avec impartialité, observer un devoir de réserve et le secret des délibérations. Au Bénin, ils ne doivent donner aucune position publique sur les questions relevant des compétences de la Cour. En France et au Maroc, cette obligation s’étend non seulement aux affaires que la Cour a connues, mais aussi aux questions dont elle pourrait être saisie plus tard.

Au Congo-Brazzaville, le membre de la Cour constitutionnelle qui était membre d’un syndicat avant sa nomination, doit présenter sa démission par écrit, avant son entrée en fonction. Enfin, en Suisse, les juges du Tribunal fédéral doivent veiller dans leurs déclarations à ne pas mettre en péril la réputation de l’institution.

Tableau 26 – Les obligations des membres des cours constitutionnelles

Albanie N.C. [16]
Belgique Une obligation de réserve incombe aux membres de la Cour d’arbitrage.
Bénin Les membres de la Cour constitutionnelle ont l’obligation de « … fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour » (art. 7 de la loi organique sur la Cour).
Bulgarie N.C.
Burkina Faso Les obligations imposées aux membres du Conseil constitutionnel, afin de garantir leur indépendance et la dignité de leur fonction, comprennent notamment l’interdiction pendant la durée de leur fonction, de dévoiler le secret des délibérations et des votes, de prendre une position publique sur les questions ayant fait l’objet de décision de la part du conseil, de donner une consultation sur les mêmes questions.
Burundi Les obligations sont les mêmes que pour tous les autres magistrats.
Cameroun V. tableau n° 24.
Canada S.O. [17]
Comores Durant leur mandat, les membres de la Cour, ne peuvent prendre aucune position publique sur les matières relevant de la compétence de la Cour, ni être consultés sur les mêmes matières.
Congo-Brazzaville Les membres de la Cour appartenant à des partis, associations politiques ou à des syndicats, doivent, avant leur prise de fonction, faire par écrit une déclaration de démission de leurs partis et syndicats (art. 20 de la loi n° 1-2003 du 17 janvier 2003).
Le règlement de la Cour définit certaines obligations à savoir : s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité des fonctions ; ne prendre aucune position publique sur les questions qui ont fait l’objet de décisions de la part la Cour ; ne pas mentionner la qualité de membre de la Cour dans un document publicitaire.
Égypte Ils n’ont pas d’obligation spécifique.
France Outre le respect du secret des délibérations et des votes, les membres ont l’obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions.Plus précisément, ils ne peuvent prendre aucune position ou être consultés sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décisions de le part du Conseil. Ils ne peuvent laisser mentionner leur qualité de membres du Conseil constitutionnel dans tout document susceptible d’être publié et relatif à toute activité publique ou privée.

Tout membre du Conseil qui entend solliciter un mandat électif doit demander sa mise en congé pour la durée de la campagne électorale.

Guinée-Équatoriale Ils sont tenus d’exercer leurs fonctions avec impartialité, et avec dignité.
Gabon Les conseillers de la Cour gabonaise sont tenus à l’obligation de réserve, à l’obligation de respecter le secret des délibérations et des votes.
Liban N.C.
Madagascar Ils ont un devoir de réserve.
Mali Ils ont des obligations spécifiques prévues aux art. 93 de la Constitution et 8 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
Maroc Les membres du Conseil ont l’obligation de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre leur indépendance et la dignité de leurs fonctions.Ils ont pour obligations particulières de s’abstenir, pendant leur mandat, de prendre une position publique ou d’être consultés sur des questions ayant fait l’objet ou pouvant faire l’objet de décision de la part du Conseil, d’occuper au sein d’un parti politique, d’un syndicat, ou de tout groupement à caractère politique ou syndical, tout poste de responsabilité ou de direction, et de façon générale d’y exercer une activité inconciliable avec les dispositions ci-dessus.

Ils ne doivent pas non plus laisser mentionner leur qualité de membre du Conseil constitutionnel dans tout document susceptible d’être publié et relatif à une activité publique ou privée (art. 7 de la loi organique).

Maurice S.O.
Mauritanie Ils ont une obligation de réserve.
Moldavie L’art. 17 de la loi sur la Cour constitutionnelle prévoit de façon limitative les obligations qui incombent aux juges constitutionnels :

  • remplir impartialement et dans le respect de la Constitution leurs fonctions ;
  • garder le secret des délibérations et des votes, ne pas prendre publiquement position ou donner des consultations sur les questions qui relèvent de la compétence de la Cour ;
  • exprimer affirmativement ou négativement leur vote lors de l’adoption des actes de la Cour ;
  • informer le président de la Cour sur toute activité incompatible avec les attributions des juges constitutionnels ;
  • ne pas utiliser les fonctions qu’ils exercent à des fins de propagande.
Niger Il leur est interdit pendant, la durée de leurs fonctions, d’être consultés sur les questions susceptibles de faire l’objet d’une décision ou ayant fait l’objet d’une décision de la part de la Cour.
Roumanie L’art. 64 de la loi organique sur la Cour prévoit de façon limitative toutes les obligations qui incombent aux juges constitutionnels :

  • remplir impartialement et dans le respect de la Constitution la fonction confiée ;
  • garder le secret des délibérations et des votes, ne pas prendre de position publique ni donner de consultations sur les questions qui relèvent de la compétence de la Cour ;
  • exprimer affirmativement ou négativement leur vote lors de l’adoption des actes de la Cour, l’abstention au vote n’étant pas permise ;
  • communiquer au président de la Cour toute activité qui pourrait entraîner une incompatibilité ;
  • interdire l’utilisation de la fonction qu’ils remplissent à des fins commerciales ou de propagande ;
  • s’abstenir de toute activité ou manifestation contraires à l’indépendance et à la dignité de leur fonction.
Sénégal Le texte du serment que les membres du Conseil prêtent, avant leur entrée en fonction, les soumet à des obligations.
Slovénie Le statut des juges constitutionnels ne prévoit pas d’obligations spécifiques, mais après avoir été élu, le membre de la Cour prête serment de juger conformément à la Constitution, à la loi et à sa conscience ; de respecter les principes de constitutionnalité, de légalité et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Suisse Les juges suisses ont un devoir de réserve. Ils veillent à ne pas mettre en péril la réputation de l’institution par leurs déclarations publiques ou par leurs activités accessoires.
Togo Ils ont un devoir de réserve.

Troisième partie : L’indépendance des juridictions

La démarche est la même que celle de la deuxième partie, mais elle s’applique ici aux juridictions. Il s’agit d’en exposer l’organisation et le fonctionnement en relevant les particularités des juridictions ordinaires et constitutionnelles à chaque étape.

I. Les juridictions ordinaires

A. L’indépendance des juridictions ordinaires dans les textes et dans la réalité

1. Dans les textes
  • L’indépendance des juridictions est-elle affirmée en tant que telle ?

Si oui, dans quels textes et par quels moyens concrets ?

L’indépendance des juridictions n’est pas souvent prévue expressément par les textes, cependant celle des juridictions constitutionnelles est mentionnée dans la Constitution du Bénin, de Maurice et dans le statut de la magistrature du Sénégal. D’une manière ou d’une autre, cette indépendance, même si elle n’est pas expressément mentionnée, découle, soit de celle des juges, qui est souvent mentionnée dans les textes, soit des garanties accordées aux juges et aux juridictions, soit encore de la consécration du principe de séparation des pouvoirs.

Tableau 27 – Affirmation expresse ou non de l’indépendance des juridictions

Oui/Non Dans quel texte ? Par quels moyens ?
Albanie NON Elle découle plutôt de l’indépendance des juges affirmée expressément dans la Constitution (art. 145/1).
Belgique NON Elle découle de l’indépendance des juges et est assurée par le statut de ceux-ci.
Bénin OUI Constitution et loi portant organisation judiciaire. Réaffirmée en rapport avec le principe de la séparation des pouvoirs.
Bulgarie OUI Constitution (art. 117 al. 2). Dans la pratique, ce principe exclut par exemple que le Conseil des ministres exerce, directement ou par l’intermédiaire d’autres organes, des compétences en matière d’adminis tration des biens de l’État mis à la disposition du pouvoir judiciaire pour l’exercice de ses fonctions.
Burkina Faso NON L’indépendance peut néanmoins être déduite des différents textes fixant la procédure applicable devant les juridictions. Cette indépendance est aussi liée à celle des juges eux-mêmes pour lesquels la Constitution et la loi organique portant statut du corps de la magistrature, organisent des garanties.
Burundi OUI Constitution. Cette indépendance n’est concrétisée ni par des moyens matériels, ni par le statut des magistrats.
Cameroun NON Mais cette indépendance est assurée par le statut des juges et l’existence d’un budget autonome de la Cour suprême.
Canada NON Mais cette indépendance découle du contrôle des lois et des actes de l’administration. En outre, la Cour suprême du Canada est protégée par les art. 41 et 42 de la loi constitutionnelle, lesquels empêchent le législateur fédéral de modifier seul les textes concernant sa création.
Comores OUI Constitution et ensemble des textes relatifs au pouvoir judiciaire et à l’organisation judiciaire du pays. Cette indépendance est assurée par le statut des juges qui prévoit que les juges ne peuvent recevoir une affectation sans leur consentement.
Congo-Brazzaville OUI Constitution et loi n° 15-99 du 15 avril 1999 portant statut de la magistrature. L’indépendance des juridictions se concrétise par les arrêts, jugements et décisions qu’elles rendent en toute souveraineté conformément à la loi.
Égypte OUI Constitution. N.C. [1]
France NON Mais l’art. 64 de la Constitution mentionne l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Guinée-Équatoriale OUI Loi organique sur le pouvoir judiciaire. L’indépendance est assurée par le statut des juges et des magistrats.
Gabon NON Mais elle résulte de la concrétisation de l’indépendance de la justice par la Constitution, laquelle énumère les différentes catégories de juridictions auxquelles elle reconnaît l’autonomie de gestion, un gage d’indépendance.
Liban OUI Constitution et toutes les lois concernant la magistrature. N.C.
Madagascar NON Mais cette indépendance est assurée par le statut des juges.
Mali OUI Constitution. Cette indépendance est assurée par le statut de la magistrature.
Maroc NON Néanmoins, l’art. 266-2 du code pénal punit « les actes, paroles ou écrits publics qui tendent à jeter un discrédit sur les décisions juridictionnelles et qui sont de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance. Cet article protège ainsi indirectement l’indépendance des juridictions. De plus, la règle constitutionnelle de l’indépendance de l’autorité judiciaire par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif (art. 82 de la Constitution) est au fond une affirmation de l’indépendance des juridictions.
Maurice NON Cette indépendance s’affirme néanmoins par le fait que le juge ou le magistrat est souverain dans sa décision ; le seul moyen de recours étant l’appel.
Mauritanie NON Mais l’indépendance des juridictions découle de l’indépendance de la justice qui, elle, est affirmée par la Constitution.
Moldavie OUI Loi relative à l’organisation judiciaire. Le moyen principal pour assurer l’indépendance des juridictions est la séparation des pouvoirs.
Niger OUI Constitution (art. 98). Mais, il reste que, dans la réalité concrète, cette indépendance est purement formelle en raison des moyens limités mis à la disposition des juridictions.
Roumanie OUI Constitution et loi sur l’organisation judiciaire 304/2004.
Sénégal OUI Constitution et loi organique sur le statut des juges.
Slovénie NON Selon la Constitution, les juges sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions. La Constitution ne fait pas directement état de l’indépendance des juridictions ; mais
l’indépendance des juridictions est assurée indirectement par l’indépendance de chaque juge en fonction.
Suisse NON pour le Tribunal fédéral ; OUI pour le Tribunalpénal fédéral La LTPF (art. 2) : « le tribunal pénal est indépendant et n’est soumis qu’à la loi ». Une formulation identique est envisagée pour la future loi sur le Tribunal fédéral.
Togo NON N.C.
2. Dans la pratique
  • Comment est-elle concrètement assurée ? Par des moyens matériels ? Par le statut des juges ?

Le tableau précédent nous l’a montré : l’indépendance des juridictions est parfois mentionnée dans les textes. Prévue ou non, c’est la question de sa concrétisation qui se pose ici. Quels sont véritablement les moyens matériels mis à la disposition des juridictions pour assurer leur indépendance ? Certaines cours reconnaissent que les juridictions disposent de moyens financiers leur permet tant d’être indépendants des deux autres pouvoirs. Cette indépendance se concrétise à travers un budget autonome alloué aux juridictions et géré par elles ; il s’agit par exemple des cours d’Albanie, de Bulgarie, du Cameroun, et du Gabon. La Cour du Mali ajoute que cette autonomie financière est complétée par des actions de coopération internationale (avec la francophonie et le Canada – notamment pour un projet de modernisation de la justice – PRODEJ).

La Cour du Burundi nous révèle que l’indépendance des juridictions, bien que prévue par les textes, n’est que formelle puisque n’étant pas concrétisée par des moyens matériels, ni par le statut des juges. Au Niger, la situation est similaire car les moyens matériels mis à la disposition des juridictions sont très limités.

Tableau 28 – Les moyens mis en œuvre pour assurer concrètement l’indépendance des juridictions

Comment l’indépendance des juridictions est-elle concrètement assurée (moyens matériels, statut des juges…) ?
Albanie L’art. 144 de la Constitution stipule que les tribunaux disposent d’une dotation budgétaire gérée de manière indépendante et conformément à la loi.
Belgique Par le statut des juges. Le principe de la séparation des pouvoirs est mis en œuvre et aucun des deux autres pouvoirs ne peut empiéter sur les juridictions.
Bénin N.C.[2]
Bulgarie L’indépendance économique du pouvoir judiciaire est garantie par l’art. 117 al. 3 de la Constitution qui stipule que le pouvoir judiciaire dispose d’un budget autonome. Le budget est établi par le Conseil supérieur de la justice et déposé au Conseil des ministres qui ne peut lui apporter aucun changement.
Burkina Faso N.C.
Burundi Cette indépendance affirmée par la Constitution n’est concrétisée ni par des moyens matériels ni par le statut des magistrats.
Cameroun Cette indépendance est assurée par le statut des juges et par l’existence d’un budget autonome de la Cour suprême.
Canada La condition essentielle de l’indépendance des juridictions est leur existence. En ce qui concerne les cours supérieures, leur existence est prévue de façon indirecte par les deux lois constitutionnelles qui règlementent le contrôle des lois et des actes administratifs et le contrôle sur les cours inférieures. L’existence de la Cour suprême est protégée de façon expresse par les art. 41 et 42 de la loi constitutionnelle de 1982, lesquels empêchent le législateur fédéral de modifier seul les actes relatifs à sa création.
Comores L’indépendance constitutionnelle des juges reste plus une indépendance statutaire qu’une indépendance fonctionnelle. Néanmoins la loi protège les juges et leur assure des moyens matériels : il s’agit d’une indépendance matérielle et intellectuelle.
Congo-Brazzaville L’indépendance des juridictions se concrétise par les arrêts, jugements, et décisions qu’elles rendent en toute souveraineté conformément à la loi. De plus, des moyens concrets sont prévus pour assurer l’indépendance des juridictions par le biais du statut des juges : au niveau de la Cour Suprême par exemple, les magistrats bénéficient de salaires fonctionnels et de véhicules de fonction ; les magistrats des juridictions inférieures disposent de salaires indiciaires plus élevés que les autres secteurs de la fonction publique.
Égypte N.C.
France L’indépendance des juridictions est assurée par la combinaison de règles diverses, de niveau constitutionnel (exemple : inamovibilité des magistrats du siège), législatif (organique et ordinaire), réglementaire.De plus, l’indépendance des juridictions dépend des moyens qui leur sont accordés. Par ailleurs, la culture de gestion acquiert une place de plus en plus grande dans les juridictions, notamment avec la mise en place d’une nouvelle architecture budgétaire au sein de l’État (Loi organique sur les lois de finances).
Guinée-Équatoriale N.C.
Gabon La Constitution gabonaise reconnaît l’autonomie de gestion financière aux différentes catégories de juridictions et les lois spéciales précisent les modalités d’organisation, les compétences et le fonctionnement de celles-ci.
Liban N.C.
Madagascar Le principe est concrétisé à travers le statut des juges.
Mali Cette indépendance est assurée par le statut de la magistrature, par des moyens matériels compatibles avec le budget de l’État et par le biais de la coopération internationale à travers la francophonie, le Canada, en l’occurrence, pour le financement d’un projet de développement de la justice (PRODEJ).
Maroc Une étude réalisée au sein du ministère de la Justice a montré qu’il y a tout d’abord des insuffisances quantitatives et qualitatives relevées par les pouvoirs publics eux-mêmes en ce qui concerne les moyens matériels ; deux principaux projets de réformes ont été élaborés en 1996 et 1998. Il convient aussi de relever que le meilleur indicateur est celui de l’évolution du budget de l’État. Sur 10 années, la part du budget prévisionnel du ministère de la Justice dans le budget prévisionnel de l’État a augmenté de 14 %. Concernant les magistrats, entre 1993 et 2003, leur nombre pour 1 000 habitants a augmenté en moyenne de 4,12 % par an.
Maurice Les juridictions restent quelque peu dépendantes du pouvoir exécutif par les moyens matériels tels que bâtiments, équipements, …
Mauritanie Cette indépendance est concrètement assurée par des moyens matériels et par le statut des juges.
Moldavie La loi relative à l’organisation de la justice dispose que l’assistance organisationnelle, matérielle et financière des tribunaux et des Cours d’appel est opérée par le ministère de la Justice, tout en respectant le principe de l’indépendance.
Niger Dans la réalité, cette indépendance est purement formelle, en raison des moyens limités mis à la disposition des juridictions.
Roumanie L’indépendance des juges garantie par la Constitution constitue la base de l’indépendance des juridictions.
Sénégal L’indépendance est assurée par la loi organique sur le statut des juges.
Slovénie L’indépendance est assurée par le statut des juges et par des moyens matériels ; mais les fonds des juridictions ordinaires dépendent, dans une large mesure, des ressources financières de l’État.
Suisse La loi sur l’Assemblée fédérale permet au Tribunal, représenté par un de ses membres, de défendre directement devant le Parlement son projet de budget ainsi que ses comptes. Ceci est évidemment une garantie supplémentaire de l’indépendance des juges.
Togo L’indépendance des juridictions est assurée par des moyens matériels et par le statut des juges.
  • Le principe de la séparation des pouvoirs est il respecté ?
  • Les juridictions subissent-elles des pressions ?

De la part de l’exécutif ?

De la part du législatif ?

La majorité des cours membres reconnaît que ce principe est respecté (Belgique, Bénin, Bulgarie, Comores, Mali, …) ; certaines comme l’Albanie ont néanmoins émis une réserve ; les cours de Burundi et de Moldavie reconnaissent que le principe de la séparation des pouvoirs est souvent battu en brèche. Le Conseil constitutionnel du Sénégal fait même état de cloisons peu étanches entre les pouvoirs. Certaines cours n’ont simplement pas communiqué d’informations sur cette question.

Quant aux pressions de la part des pouvoirs exécutif et législatif, le Burundi et les Comores font état de pressions que les juridictions peuvent subir dans certaines circonstances ; cela étant, seule la force de caractère des juges permet de faire face aux pressions. Au Canada, les tribunaux administratifs sont comme un prolongement de l’administration publique, ce qui limite quelque peu leur indépendance.

Tableau 29 – Le respect du principe de la séparation des pouvoirs et les pressions subies par les juridictions

Le respect de la séparation des pouvoirs Pressions de la part de l’exécutif ? Pressions de la part du législatif ?
Albanie OUI, mais, la démocratie albanaise est encore fragile, et de temps en temps, le judiciaire devient le point de mire de la pression politique des médias. N.C. [3] N.C.
Belgique OUI NON NON
Bénin OUI NON NON
Bulgarie OUI N.C. N.C.
Burkina Faso N.C. N.C. N.C.
Burundi NON OUI quant à la gestion de carrière des magistrats OUI lorsqu’il est question des dotations budgétaires.
Cameroun OUI, le principe est relativement respecté. NON NON
Canada Respect limité du principe. L’exécutif et le législatif sont étroitement liés. Le judiciaire est pour sa part séparé. Aucune pression n’est exercée sur les tribunaux suprêmes. Pourtant les tribunaux administratifs constituent une prolongation de l’administration publique et voient donc leur indépendance plus limitée.
Comores OUI, dans certaines affaires OUI, dans certaines affaires
Congo-Brazzaville OUI NON NON
Égypte OUI NON NON
France OUI

Le Conseil constitutionnel veille à son respect.

Il ne doit pas être exercé d’autres pressions que celles qui sont autorisées par les textes. Ainsi, en matière pénale, le ministre de la Justice peut adresser aux magistrats du ministère public, mais non aux magistrats du siège, des instructions générales d’action publique. Il peut enjoindre au procureur général, par instructions écrites et versées au dossier, d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes (art. 30 du code de procédure pénale). Le législateur n’exerce pas de pression sur les juridictions. Il peut toutefois, par la loi, faire échec à une jurisprudence qui ne le satisfait pas.Suivant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il peut également valider, par des lois, des actes administratifs, aux conditions suivantes : but d’intérêt général suffisant ; respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non rétroactivité des peines et des sanctions ; absence de méconnaissance, par l’acte validé, d’une règle ou d’un principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; définition stricte de la portée de la validation.
Guinée-Équatoriale OUI N.C. N.C.
Gabon OUI NON NON
Liban OUI Même si le principe de la séparation des pouvoirs est mentionné par les textes, des pressions peuvent parfois apparaître au Liban comme ailleurs.Les pressions de la part de l’exécutif sont plus fréquentes que celles de la part du législatif, mais il Idem
revient à chaque magistrat fort de son indépendance et de ses pouvoirs de rejeter ces interventions et de garantir l’intégrité du corps duquel il dépend.
Madagascar OUI NON NON
Mali OUI N.C. N.C.
Maroc N.C. Il faut rappeler que le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif est consacré par la Constitution ; et il a été donné au Conseil, d’affirmer ce principe dans certaines de ses décisions. Idem
Maurice OUI NON NON
Mauritanie OUI NON NON
Moldavie OUI La Cour constitutionnelle ne dispose pas pour le moment de données dont il résulterait que les juridictions subissent des pressions de la part de l’exécutif ou du législatif. Idem
Niger Le principe de la séparation des pouvoirs est souvent battu en brèche par l’exécutif dont la propension à s’immiscer dans le traitement des affaires judiciaires a été maintes fois relevée. Idem N.C
Roumanie OUI Cependant, la Cour constitutionnelle a pu constater des cas dans lesquels ce principe n’est pas respecté par le Gouvernement : décision n° 333/3.12.2002 et décision n° 28/23.02.1999. .De telles pressions n’ont pas été constatées jusqu’à présent par la Cour constitutionnelle dans ses décisions. Les médias ont seulement parfois fait état de pressions provenant de la sphère politique.
Sénégal Le principe de la séparation des pouvoirs même s’il est respecté, n’entraîne Les juridictions subissent certes des pressions aussi bien de l’exécutif que du Idem
pas de fait, un cloisonnement entre les différents pouvoirs. législatif, mais le dernier mot revient aux hommes qui concourent à l’œuvre de la justice.
Slovénie OUI NON NON
Suisse OUI Les juridictions fédérales ne subissent pas de pression de la part des autres pouvoirs. Idem
Togo OUI NON NON

B. Les décisions juridictionnelles et la position de la juridiction

  • Les décisions juridictionnelles expriment-elles le point de vue de la juridiction ?

Les opinions dissidentes sont-elles admises ?

La collégialité vous paraît-elle être une source d’indépendance pour la juridiction ?

Les cours membres s’accordent à l’unanimité à admettre que le principe de collégialité est une garantie d’indépendance. Elles semblent également toutes satisfaites de la réponse donnée à l’expression des opinions dissidentes, que celles-ci soient admises ou non.

Les systèmes qui admettent les opinions dissidentes au sein des juridictions constitutionnelles, notamment le Canada, l’Île Maurice, la Moldavie, la Roumanie, la Slovénie, considèrent qu’elles encouragent les débats d’idées. Au Congo, ces opinions sont admises à la Cour suprême lorsqu’elle siège en formation consultative. En Suisse, les opinions dissidentes ne sont admises qu’à l’oral.

La Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Gabon, la Slovénie admettent les opinions dissidentes uniquement pour les juridictions ordinaires ; de nombreux pays tels que la Belgique, l’Égypte, la France, la Mauritanie et le Togo n’admettent pas les opinions dissidentes.

Tableau 30 – Les opinions dissidentes

Les décisions juridictionnelles et la position de la juridiction

Les décisions juridictionnelles expriment-elles le point de vue de la juridiction ?

Les opinions dissidentes sont-elles admises ?

La collégialité vous paraît-elle être une source d’indépendance pour la juridiction ?

Albanie L’expression libre par le juge de son opinion dissidente ou concurrente constitue une approche non négligeable vers le renforcement de l’indépendance du juge. La collégialité constitue non seulement une source d’indépendance, mais aussi un moyen très important à la disposition du juge pour pouvoir écarter toute ingérence dans son activité.
Belgique Les arrêts rendus par la Cour ne comportent pas d’opinions dissidentes. Les juges ne peuvent communiquer leur position personnelle par rapport à la décision de la Cour. N.C. [4]
Bénin Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction et les opinions dissidentes ne sont pas consignées dans les décisions. N.C.
Bulgarie Les opinions dissidentes sont admises N.C.
Burkina Faso Les opinions dissidentes ne sont pas admises et les décisions juridictionnelles sont censées exprimer le point de vue de la juridiction qui la prononce. Nul doute que la collégialité participe fortement à l’impartialité et constitue par conséquent une source supplémentaire d’indépendance pour la juridiction qui la vit.
Burundi Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction. Les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité assure une décision mûrie, et réfléchie, et étant plus facile d’exercer des pressions sur une personne plutôt que sur un groupe, la collégialité paraît être une source d’indépendance.
Cameroun Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction. Les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité semble à cet égard être une source d’indépendance.
Canada Les opinions dissidentes sont admises et motivées, elles donnent lieu à un raffinement des notions de droit en cause, ainsi que parfois à des jugements d’une longueur et d’une complexité impressionnantes.Cela constitue certainement une richesse ainsi qu’une garantie de libre développement des idées. N.C.
Comores Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction, car dans la réalité, il apparaît difficile de faire pression sur beaucoup de juges. À l’heure du congrès, seule la cour d’appel est collégiale. La loi organique prévue par la Constitution et portant organisation de la justice dans l’Union et les îles n’est pas encore transmise à la Cour constitutionnelle.La collégialité paraît pourtant une source d’indépendance, notamment face aux tentatives de pressions des pouvoirs publics.
Congo-Brazzaville Les décisions expriment effectivement le point de vue de la juridiction.Oui, au niveau de la Cour Suprême La collégialité constitue une source d’indépendance pour la juridiction.
uniquement, lorsque cette dernière se réunit en assemblée générale pour donner des avis consultatifs.
Égypte Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction et les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité constitue une source d’indépendance pour la juridiction.
France Les décisions juridictionnelles n’expriment que le point de vue de la juridiction, qu’elle soit collégiale ou à juge unique.Les opinions dissidentes ne sont pas admises, conformément à la tradition française qui garantit ainsi l’indépendance des juges. La collégialité demeure le principe et concourt à l’indépendance surtout dans la mesure où elle s’accompagne de l’interdiction des opinions dissidentes. Néanmoins, la loi ou le règlement accroissent régulièrement les cas où une juridiction est composée d’un juge unique, notamment à des fins d’économie budgétaire. Dans le même temps, les inconvénients du juge unique en matière de détention provisoire, constatés dans des affaires particulières, inclinent les parlementaires et l’opinion vers un retour à la collégialité, laquelle se heurte aux problèmes budgétaires évoqués plus loin.
Gabon Les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité est un facteur d’indépendance pour la juridiction et peut être de nature à freiner l’intervention de l’exécutif et du législatif dans la prise de décisions.
Guinée-Équatoriale Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction. Les opinions dissidentes sont admises. La collégialité constitue une source d’indépendance pour la justice.
Liban

N.C.

N.C.
Madagascar Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction et les opinions dissidentes sont admises. La collégialité est une source d’indépendance de la juridiction.
Mali

OUI

N.C.
Maroc Les décisions juridictionnelles n’expriment pas « le point de vue » de la juridiction mais l’application de la loi et l’intime conviction des juges qui les ont rendues.Les opinions dissidentes ne sont pas admises. Entre l’unité du juge et la collégialité, le débat n’est pas toujours facile à trancher. En 1974, une réforme a simplifié l’organisation judiciaire en intégrant les tribunaux de sadad et les tribunaux régionaux dans les nouveaux tribunaux de première instance qui se caractérisent par l’unité de juridiction et l’unité du juge.Elle a supprimé, à ce niveau, la collégia-
lité en vue d’augmenter la productivité et l’autorité des juges, et renforcer leurs responsabilités. La réforme a été critiquée, et considérée comme un renoncement à l’espoir d’une justice plus indépendante.La collégialité a été restaurée, pour ces tribunaux en septembre 1993 (dahir portant loi du 15 septembre 1993) ; mais le débat, théorique et pratique, reste toujours ouvert, notamment du point de vue de la performance et de la responsabilité morale.
Maurice Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction et les opinions dissidentes sont admises. La collégialité demeure une source d’indépendance pour la juridiction.
Mauritanie Les décisions expriment le point de vue de la juridiction et les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité est une source d’indépendance pour la juridiction.
Moldavie Les décisions (les arrêts, les sentences) des instances judiciaires sont adoptées au nom de la loi et doivent être légales, fondées et motivées.Les opinions dissidentes sont admises. La collégialité est considérée comme une source d’indépendance pour la juridiction.
Niger Les décisions expriment le point de vue de la juridiction.Les opinions dissidentes ne ressortent pas dans la décision. La collégialité limite les risques de pression sur les acteurs judiciaires et améliore la qualité du travail juridictionnel.
Roumanie Les décisions juridictionnelles expriment l’opinion de la majorité des juges qui composent la juridiction, ayant participé aux délibérations (art. 26 du code de procédure civile). Les opinions divergentes éventuelles sont admises et sont inscrites à la fin des arrêts. La collégialité renforce les garanties d’indépendance des juges et exclut en principe le péril des pressions extérieures sur les magistrats.
Sénégal Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction. La collégialité paraît être une source d’indépendance pour la juridiction et peut constituer un frein aux pressions d’où qu’elles émanent.
Slovénie Les décisions juridictionnelles, sans influence de l’exécutif et ou du législatif, expriment le point de vue de la juridiction. Les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité est une source d’indépendance pour la juridiction.
Suisse Chaque juge peut défendre oralement son point de vue, mais en revanche, il est impossible d’exprimer une opinion dissidente par écrit, dans le texte de l’arrêt. Le fonctionnement collégial, associé au devoir de réserve, est une source d’indépendance pour la juridiction.
Togo Les décisions juridictionnelles expriment le point de vue de la juridiction. Les opinions dissidentes ne sont pas admises. La collégialité est une source d’indépendance pour la juridiction.

II. La juridiction constitutionnelle

A. L’indépendance de la juridiction constitutionnelle en question

1. L’indépendance dans les textes et à travers le budget
  • Cette indépendance est-elle affirmée en tant que telle ? Si oui, dans quel texte ?

Hormis les Comores, le Congo-Brazzaville, l’Égypte, la Mauritanie, la Moldavie, la Roumanie, la Slovénie, et le Togo, où l’indépendance de la juridiction constitutionnelle est affirmée dans la Constitution, notamment à travers par exemple l’expression, « la Cour constitutionnelle suprême est un organe indépendant et autonome en la République arabe d’Égypte et a pour siège le Caire » [1]; ou encore « la Cour constitutionnelle est indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire » [2]; les textes des autres États ne prévoient pas expressément cette indépendance.

Cependant les différentes cours membres de l’ACCPUF s’accordent à trouver que cette indépendance ressort des affirmations selon lesquelles les décisions de la Cour constitutionnelle sont définitives et s’imposent à tous les pouvoirs. Une affirmation similaire existe en Albanie, au Bénin, en France, au Gabon, et au Niger ; la France ajoute d’ailleurs, que l’indépendance de la juridiction a une valeur constitutionnelle et qu’elle découle du principe de la séparation des pouvoirs.

Tableau 31 – La juridiction constitutionnelle et son indépendance

Affirmation expresse de l’indépendance de la juridiction constitutionnelle
OUI/NON Dans quel texte ? Par quels moyens concrets ?
Albanie NON Néanmoins, l’art. 124 de la Constitution stipule que « les décisions de la Cour constitutionnelle sont définitives et obligatoires ».
Belgique NON
Bénin NON Mais aux termes de la Constitution, « une décision déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée, ni mise en application ; les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.» (art. 124 al. 1 et 2.)
Bulgarie [3] V. annexes. V. annexes. V. annexes.
Burkina Faso N.C. [4] N.C. N.C.
Burundi NON Mais son indépendance s’entrevoit dans les textes relatifs aux juridictions
Cameroun [5] S.O. [6] S.O. S.O.
Canada S.O. S.O. S.O.
Comores OUI Dans la Constitution C’est l’inamovibilité des membres de la Cour qui en est l’expression.
Congo-Brazzaville OUI La loi organique n° 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour dispose en son art. 1 al. 2 :« La Cour Constitutionnelle est indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. »
Égypte OUI Dans la Constitution : art. 174 :« la Cour constitutionnelle suprême est un organe indépendant et autonome en la République arabe d’Égypte et a pour siège le Caire.» N.C.
France NON Cependant, cette indépendance a valeur constitutionnelle en tant que corollaire du principe de séparation des pouvoirs. Il en résulte la détention d’un pouvoir normatif d’auto-régulation.
Guinée-Équatoriale NON Cependant, cette indépendance découle de l’égalité entre les différents pouvoirs ; en conséquence,
la juridiction constitutionnelle est indépendante et n’est soumise à aucun autre pouvoir.
Gabon NON Bien que l’indépendance de la Cour constitutionnelle ne soit pas prévue in terminis, elle résulte de plusieurs éléments. D’abord, la force obligatoire de ses décisions et l’autonomie de son budget. Ensuite, l’inviolabilité du siège et le fait que la Cour doive donner son avis sur toute loi et sur tout règlement qui la concernent.
Liban NON Mais elle peut découler de l’indépendance de la justice affirmée en tant que telle dans la Constitution.
Madagascar NON Mais l’art. 41 de la Constitution précise que « les institutions de l’État sont : (…) La Haute Cour constitutionnelle.Les trois fonctions de l’État : fonction exécutive, fonction législative et fonction juridictionnelle sont exercées par des organes distincts. »
Mali NON Cependant, il est précisé que la Cour constitutionnelle est une institution de l’État comme la Cour suprême et l’Assemblée nationale. La Cour suprême est indépendante du législatif et de l’exécutif. Il en est de même pour la Cour constitutionnelle. C’est la Cour constitutionnelle qui est chargée de réguler le bon fonctionnement des institutions de l’État.
Maroc NON Mais la Constitution indique que« le mandat du président et des membres du Conseil constitutionnel n’est pas renouvelable » art. 79 de la Constitution ; ceci constitue une garantie habituelle d’indépendance. Les incompatibilités invoquées dans les parties précédentes constituent aussi une garantie d’indépendance.
Maurice S.O. S.O. S.O.
Mauritanie OUI Dans l’ordonnance n° 9201 du 18 février 1992.
Moldavie OUI La Constitution dispose que la Cour constitutionnelle est indépendante par rapport à tout autre pouvoir. Il est inscrit toujours dans la Constitution que la Cour est soumise uniquement à la loi fondamentale et qu’elle est l’unique juridiction constitutionnelle de la République.
Niger NON Mais l’affirmation de son indépendance découle des dispositions de la Constitution traitant du pouvoir judiciaire. La disposition selon laquelle« les arrêts de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours » peut en être une expression.
Roumanie OUI Le principe est expressément prévu dans la loi organique sur la Cour. La loi sur la Cour (47/1992) précise que la Cour est le garant de la suprématie de la Constitution. Elle se soumet uniquement à la loi fondamentale. (v. art. 1 al. 1 et 3)
Sénégal NON Cependant cette indépendance découle de l’indépendance du pouvoir judiciaire, elle-même affirmée dans le Préambule et dans le texte de la Constitution.
Slovénie OUI Dans la loi sur la Cour constitutionnelle, l’art. 1 al. 2 dispose :« la Cour constitutionnelle est un organe autonome et indépendant par rapport aux autres organes de l’État. »
Suisse S.O. S.O. S.O.
Togo OUI Dans la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
  1. La détermination de son budget lui assure-t-elle une véritable indépendance ?

Est-il autonome ou intégré dans un chapitre du budget de l’État ? Lequel ?

Est-il discuté devant le Parlement ?

Son exécution est-elle contrôlée ? Si oui, par qui ?

La question du budget est l’une des plus importantes concernant les juridictions constitutionnelles, étant donné qu’il leur assure une indépendance ne serait-ce que financière. Il ressort des réponses au questionnaire que le budget des juridictions constitutionnelles constitue un chapitre du budget de l’État. Il est souvent discuté au Parlement. Son exécution est contrôlée soit par la Cour des comptes, soit par un délégué du service du Trésor public. Le Niger affirme d’ailleurs que le budget de la Cour constitutionnelle subit une double censure (au niveau de l’Assemblée nationale, pendant le vote et au niveau du Gouvernement par le contrôle de son exécution).

La France et l’Égypte font cependant exception à cette règle, car le budget du Conseil constitutionnel français et celui de la Cour suprême constitutionnelle égyptienne ne sont pas discutés devant l’Assemblée nationale ; de plus ces budgets ne subissent aucun contrôle financier a posteriori.

Tableau 32 – Le budget de la cour constitutionnelle

 

Budget autonome ou intégré dansun chapitre du budget de l’État ? Budget discuté devantle Parlement ? Contrôle de l’exécutiondu budget ?
Albanie Budget intégré au budget de l’État. Oui, le budget de la Cour est négocié avant son adoption par le Gouvernement et l’Assemblée de la République. Le Haut contrôle de l’État exerce périodiquement le contrôle de la gestion du budget.
Belgique Budget autonome. La dotation est votée annuellement par la Chambre. Contrôle par la Cour des comptes.
Bénin Budget intégré au budget de l’État. Budget présenté et défendu par le président de la Cour devant l’Assemblée nationale. L’exécution du budget est contrôlée par un délégué du contrôleur financier et un contrôle est exercé à la fin de l’exercice par la Chambre des comptes pour le ministère chargé des Finances.
Bulgarie V. Annexes Idem Idem
Burkina Faso Budget intégré au budget de l’État. OUI Son exécution est contrôlée par la Cour des comptes et par la Direction centrale du contrôle financier.
Burundi Budget intégré au budget du ministère de la Justice. Le budget n’est pas discuté devant le Parlement. Exécution contrôlée par les services du cabinet du ministre.
Cameroun S.O. [7] S.O. S.O.
Canada S.O. S.O. S.O.
Comores En vertu de la loi organique relative à l’organisation de la Cour, elle dispose d’une autonomie administrative et financière ; mais son budget est inscrit au budget général de l’État. N.C. [8] Exécution du budget soumise au contrôleur financier, fondé de pouvoirs au Trésor, nommé par le président de la Cour constitutionnelle.
Congo-Brazzaville Les crédits alloués aux dépenses de la Cour constitutionnelle sont inscrits au budget de l’État. Le budget est discuté au Parlement lors du vote de la loi des finances. N.C.
Égypte Le budget de la Cour est totalement autonome. Le budget n’est pas discuté devant le Parlement. Le budget de la Cour ne subit aucun contrôle.
France L’autonomie financière du Conseil constitutionnel n’est expressément mentionnée dans aucun texte ; il bénéficie cependant, d’une autonomie financière similaire à celle du Parlement ou de la présidence de la République, en tant que pouvoir constitutionnel de l’État. Le projet de budget est élaboré par le service financier et administratif du Conseil. Les crédits sont inscrits au budget général. Ils figurent au titre II du budget de charges communes, au titre des « pouvoirs publics ».Le montant du budget n’est pas discuté devant le Parlement lors de l’adoption de la loi des finances. L’insertion du budget dans la loi des finances ne constitue qu’une mesure d’enregistrement, non susceptible de modification. Le Conseil constitutionnel n’est assujetti à aucun contrôle, mais, il a décidé en 2005 de rendre publiques les données budgétaires sur son site internet. Un membre de la cour des comptes lui apporte un concours technique et déontologique, sans exercer aucune fonction juridictionnelle.
Guinée-Équatoriale Le Tribunal constitutionnel a son propre budget à l’intérieur du budget de l’État. Le budget est discuté au Parlement. N.C.
Gabon Budget autonome. Le budget est adopté par le Parlement dans le cadre de la loi des finances, mais, il ne fait pas l’objet d’une discussion, il est annexé au budget de l’État. La procédure de contrôle budgétaire est une procédure exorbitante du droit commun. Elle est effectuée par une Commission de vérification et d’apurement des comptes composée de deux membres de la Cour constitutionnelle et d’un magistrat de la Cour des comptes, président de la Commission.
Liban Le Conseil constitutionnel comme le corps de la magistrature bénéficie d’un budget indépendant. OUI N.C.
Madagascar Budget autonome. Budget discuté devant le Parlement. L’exécution est contrôlée à travers le contrôle des dépenses engagées par l’État et l’Inspection générale de l’État.
Mali La Cour jouit de l’autonomie de gestion, mais le budget est inscrit au budget de l’État ; toutefois, c’est la Cour elle-même qui détermine son budget. Le budget est voté par l’Assemblée nationale. Exécution du budget contrôlée par le contrôleur financier.
 

Maroc

 

Budget autonome ; mais inscrit au budget de l’État.

 

N.C.

 

N.C.

Maurice Le budget est autonome pour tout le corps judiciaire, mais le montant des allocations et salaires est déterminé par l’exécutif et le législatif. Exécution contrôlée par le directeur de l’audit qui agit comme vérificateur des comptes, en toute indépendance, aux termes de l’art. 110 de la Constitution.
Mauritanie Budget discuté devant le Parlement. N.C.
Moldavie L’art. 37 de la loi relative à la Cour prévoit un budget propre, partie intégrante du budget de l’État. Le projet de budget, avec l’avis préalable du ministère des Finances, est approuvé par le Parlement. Exécution budgétaire contrôlée par la Cour des comptes.
Niger La Cour constitutionnelle propose son budget qui est inscrit au budget de l’État. Le budget proposé peut donc être modifié tant par l’exécutif lors de la procédure d’adoption de la loi de finances, que par le législatif lors de la discussion au Parlement. Exécution du budget contrôlée par l’exécutif (au cours de l’année budgétaire) ; et par le Parlement (contrôle a posteriori).
Roumanie L’art. 75 de la loi organique sur la Cour : elle établit son budget, partie intégrante du budget de l’État. Le budget est approuvé par le plénum de la Cour constitutionnelle et il est présenté au Gouvernement afin d’être inclus, d’une manière distincte, dans le budget de l’État. Exécution budgétaire contrôlée par la Cour des comptes, qui a la compétence dans ce domaine.
Sénégal Le budget est intégré dans un chapitre du budget de l’État. Il est discuté devant l’Assemblée nationale. Exécution du budget contrôlée par les organes du ministère de l’Économie et des Finances.
Slovénie Le budget de la Cour est autonome et fait l’objet d’un titre du budget de l’État. Le budget est fixé par l’Assemblée nationale sur proposition de la Cour constitutionnelle. L’État n’exerce aucun contrôle sur son exécution ; mais la Cour des comptes, autorité indépendante, contrôle toutes les institutions de droit public dont la Cour constitutionnelle.
Suisse S.O. S.O. S.O.
Togo Le budget est autonome. Il est discuté devant le Parlement. Exécution contrôlée par le Trésor public.
2. L’indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif
  • L’indépendance par rapport au pouvoir exécutif est-elle réelle ? Donnez des exemples concrets, négatifs ou positifs, concernant cette question.
  • L’indépendance par rapport au pouvoir législatif est-elle réelle ? Donnez des exemples concrets, positifs ou négatifs, concernant cette question.

La séparation et l’équilibre des différents pouvoirs constituent la base de l’État de droit. Les différents pouvoirs doivent ainsi être indépendants les uns des autres, s’autoréguler entre eux. Mais les pouvoirs exécutif et législatif peuvent parfois exercer des pressions sur la juridiction constitutionnelle, compte tenu du rôle qu’elle a et de son pouvoir à annuler des actes provenant des deux autres pouvoirs. Ces pressions sont-elles fréquentes dans les différents pays dont les cours sont membres de l’ACCPUF ? La juridiction constitutionnelle est-elle véritablement indépendante des pouvoirs exécutif et législatif ?

Certaines cours affirment qu’elles sont indépendants des deux pouvoirs ; il s’agit par exemple de la Belgique, du Bénin, de l’Égypte, de la France, de la Guinée-Équatoriale, du Gabon, de Madagascar, du Mali, de Maurice, du Sénégal.

L’Albanie formule une réserve concernant cette indépendance ; de même que le Congo-Brazzaville qui affirme que, du point de vue de son budget, la Cour constitutionnelle n’est pas indépendante des autres pouvoirs.

Le Burundi, indique que l’indépendance est plus grande par rapport au pouvoir législatif que par rapport au pouvoir exécutif, car ce dernier exerce une sorte de tutelle sur la juridiction constitutionnelle comme au niveau de l’administration.

Tableau 33 – L’indépendance de la juridiction constitutionnelle par rapport au pouvoir exécutif

 

Indépendance réellepar rapport au pouvoir exécutif ? Exemples
Albanie OUI, mais parfois, lorsque le milieu politique de gauche ou de droite n’apprécie pas une décision rendue par la juridiction, elle devient le point de mire de la pression exercée et essaie de faire face à cette pression. La Cour a déclaré irrecevable une requête soumise par le Premier ministre ayant pour objet l’interprétation de dispositions lui permettant de rejeter les revendications des ex-persécutés du régime communiste.
Belgique OUI N.C. [9]
Bénin OUI Décision CC96-064 du 26 septembre 1996 : l’arrêté n° 356/MDN/DC/SP-C du 30 juillet 1996 portant amnistie des fautes militaires et professionnelles, pris par le ministre délégué auprès du président de la République, est déféré devant la Cour. La Haute juridiction le déclare inconstitutionnel parce qu’aux termes des dispositions de l’art. 98 de la Constitution, les règles concernant l’amnistie relèvent du domaine de la loi.D’autres décisions sanctionnent aussi les comportements de l’exécutif qui violent la Constitution : DCC 01-018 du 9 mai 2001 ; DCC 01-050 du 21 juin 2001 ; DCC 01-074 du 13 août 2001 ; DCC 02-058 du 04 Juin 2002.
Bulgarie V. annexes. Idem
Burkina Faso OUI N.C.
Burundi OUI mais moins réelle que l’indépendance vis-àvis du pouvoir législatif. Le président de la République considérera souvent la Cour comme une institution sur laquelle il exerce une certaine tutelle comme au niveau de l’administration. N.C.
Cameroun S.O. [10] S.O.
Canada S.O. S.O.
Comores OUI N.C.
Congo-Brazzaville Il y a lieu de noter que la Cour constitutionnelle n’est pas complètement indépendante des deux pouvoirs du point de vue de son budget. Bien qu’elle dispose de la liberté de son élaboration, la Cour le soumet pour décision au ministère des Finances qui peut, comme le Parlement, le modifier à sa guise. La Cour constitutionnelle du Congo étant encore très jeune (2 ans d’existence), il n’existe pas encore d’exemples concrets de son indépendance par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif, en dehors des relations normales de fonctionnement des institutions de la République, dans le cadre de la séparation des pouvoirs.
Égypte OUI N.C.
France OUI, comme l’attestent de nombreuses décisions de censure portant sur des dispositions auxquelles le pouvoir exécutif s’est montré attaché. Idem
Guinée-Équatoriale OUI Depuis son installation aucune pression de la part de l’exécutif n’a été notifiée au tribunal constitutionnel.
Gabon OUI L’indépendance par rapport à l’exécutif se veut réelle par l’autorité reconnue aux décisions de la Cour, ainsi que par la procédure d’adoption et de contrôle du budget. Cette indépen dance s’affirme aussi à travers le rôle joué par la juridiction constitutionnelle dans les choix de ses collaborateurs. En effet, quel qu’il soit, le personnel en service à la Cour ne peut être nommé sans son aval. Certes, il s’agit de fonctionnaires, mais la Cour a le privilège de choisir ceux des agents qui serviront à son siège ; les autorités administratives se chargeant uniquement d’entériner les décisions de la juridiction constitutionnelle.
Liban OUI N.C.
Madagascar OUI Des dispositions jugées non conformes à la Constitution ne peuvent pas être promulguées.
Mali OUI Depuis l’installation de la Cour, aucune autorité de l’exécutif (président de la République, Premier ministre) ne s’est immiscée dans la prise de ses décisions. De plus, les autorités ont mis à exécution les décisions rendues par la Cour en matière de contrôle de constitutionnalité, en matière électorale et référendaire.
Maroc OUI Aucune intervention n’a été relevée jusque-là.
Maurice OUI De nombreux arrêts en témoignent.
Mauritanie OUI N.C.
Moldavie OUI L’indépendance de la Cour par rapport au pouvoir exécutif résulte du fait que beaucoup de décisions d’inconstitutionnalité ont été rendues par la Cour contre les actes du Gouvernement. De plus, selon la loi relative à la Cour (art. 28), le président de la République et le Gouvernement ont l’obligation d’exécuter les décisions de la Cour soit en modifiant l’acte déclaré inconstitutionnel en tout ou en partie, soit en adoptant un nouvel acte cette fois-ci conforme à la Constitution et à la décision de la Cour.
Niger OUI Dans plusieurs décisions, la Cour a eu à déclarer non conforme à la Constitution tout ou partie des projets de loi gouvernementaux adoptés par le Parlement.
Roumanie OUI Tout au long de ses 12 ans d’existence, l’indépendance de la Cour constitutionnelle n’a pas été remise en cause ni par le pouvoir exécutif ni par le législatif.
Sénégal OUI : Choisis selon certains critères et nommés pour un mandat de six ans non renouvelable, les membres ne subissent et n’acceptent de subir aucune pression. Dans sa décision n° 2/E/2001, 3/E/ 2001, et 4/E/2001 en date du 28 mars 2001, le Conseil constitutionnel saisi lors des élections législatives par l’Union pour le Renouveau (URD), le Parti Socialiste (PS) et l’Alliance pour les Forces du Progrès (AFP), avait déclaré que « le nom WADE et la photographie du président de la République ne devraient pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition WADE »
Slovénie OUI, la Cour jouit d’une indépendance réelle par rapport au pouvoir exécutif. Le principe de la séparation des pouvoirs comprend l’application du « système des freins et contrepoids ». En constatant la violation de la Constitution ou une violation grave de la loi, la Cour peut mettre fin aux fonctions du président de la République ainsi qu’à celle de Premier ministre ou de ministre. N.C.
Suisse OUI N.C.
Togo OUI N.C.

Tableau 34 – L’indépendance de la juridiction constitutionnelle par rapport au pouvoir législatif

 

Indépendance réellepar rapport au pouvoir législatif ? Exemples
Albanie OUI, mais parfois il y a des tentatives d’immixtion. La Cour a déclaré incompatibles avec la Constitution une décision de l’Assemblée de la République et un décret du président de la République à travers lesquels le procureur de la République était destitué de ses fonctions.
Belgique OUI N.C. [11]
Bénin OUI Décision 01-011 du 12 janvier 2001 : la Cour a décidé que la décision n° 01003/AN/PT de l’Assemblée nationale portant élection des membres de la CENA et la décision n° 01-004/AN/PT de l’Assemblée nationale du 9 janvier portant élection des membres des commissions électorales départementales sont, tant dans la forme qu’au fond, contraires à la Constitution, aux motifs que telle que décidée par le Parlement, la composition de la CENA conduit à une confiscation de cette institution par certains groupes parlementaires en violation de la règle d’égalité édictée par l’art. 26 de la Constitution ; elle n’était donc pas de nature à assurer la transparence et la sincérité des élections. Voir aussi les décisions DCC98-052 du 29 mai 1998 ; DCC 01-015 du 14 février2001 ; DCC 02-069 du 19 juin 2002.
Bulgarie V. annexes. Idem
Burkina Faso Aucun élément ne permet de mettre en doute l’indépendance du Conseil constitutionnel vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif. N.C.
Burundi OUI, en tout cas plus réelle que vis-àvis du pouvoir exécutif. Les présidents de l’Assemblée et du Sénat ont plus conscience de la séparation des pouvoirs et feront moins pression sur la Cour que ne le fera le président de la République. N.C.
Cameroun S.O. [12] S.O.
Canada S.O. S.O.
Comores OUI N.C.
Congo-Brazzaville V. tableau précédent. Idem
Égypte OUI N.C.
France V. tableau précédent. Idem
Guinée-Équatoriale OUI Un juge a été cité devant une commission parlementaire et a, dans ce cadre, recouru au Tribunal constitutionnel. Le Tribunal a, dans sa décision, dénoncé cette comparution comme violant le principe de la séparation des pouvoirs et l’indépendance judiciaire.
Gabon OUI Tout texte législatif ou réglementaire concernant la Cour constitutionnelle, doit au préalable être soumis à son avis.
Liban OUI N.C.
Madagascar OUI V. tableau précédent.
Mali OUI La Cour, dans le contrôle de constitutionnalité du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, a plusieurs fois déclaré non conformes à la Constitution, les règlements intérieurs et leurs modifications successives. L’Assemblée nationale a corrigé ces règlements conformément aux décisions de la Cour.
Maroc OUI Aucun cas n’a été notifié jusqu’ici.
Maurice OUI De nombreux arrêts en témoignent.
Mauritanie N.C. N.C.
Moldavie OUI L’indépendance de la Cour par rapport au pouvoir législatif résulte du contentieux constitutionnel très vaste visant les lois et les autres actes du Parlement.
Niger OUI V. tableau précédent.
Roumanie OUI V. tableau précédent.
Sénégal OUI V. tableau précédent.
Slovénie OUI, mais il faut ajouter que le pouvoir législatif a une certaine influence sur la Cour car les juges de la Cour sont élus par l’Assemblée nationale à la majorité absolue des députés. Mais la Cour dispose aussi de larges compétences, en particulier, elle peut abroger en tout ou en partie une loi déclarée non conforme à la Constitution. N.C.
Suisse OUI N.C.
Togo OUI N.C.

B. Les décisions rendues par la juridiction constitutionnelle et leurs effets

  • L’autorité de ses décisions s’impose-t-elle à tous ? Pouvoirs constitutionnels ? Autorités administratives ? Autres juridictions ? Citoyens ?

Que ce soit en Albanie, au Bénin, au Burkina Faso, au Burundi, aux Comores, en Égypte, en France, au Gabon, au Maroc, au Niger, au Sénégal et au Togo, la Constitution prévoit que les décisions de la juridiction constitutionnelle s’imposent à tous : pouvoirs publics, citoyens, autorités administratives et juridictionnelles. La formule peut être différente selon les cas, mais elle se résume souvent à celle de l’article 62 de la Constitution française qui dispose que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, elle s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

La Cour de Moldavie précise à cet effet, que les actes et autres règlements normatifs sont nuls à partir du prononcé de l’arrêt d’inconstitutionnalité rendu par la Cour. La loi prévoit aussi, que la non exécution, l’exécution non conforme, l’entrave de l’exécution des actes de la Cour entraînent la responsabilité de leurs auteurs.

La Cour de Roumanie explique la pratique de cette mesure : dans le cadre du contrôle a priori, les actes doivent être mis en conformité à la Constitution par le Parlement ; et dans le cadre du contrôle a posteriori, les auteurs des actes soumis à la Cour (le Parlement pour les lois, le Gouvernement pour les ordonnances) sont tenus de les rendre conformes aux décisions de la Cour dans un délai de 45 jours suivant la publication de la décision d’inconstitutionnalité dans le Moniteur Officiel. Pendant ce délai, les dispositions déclarées inconstitutionnelles sont suspendues de droit. Après ce délai, les dispositions inconstitutionnelles des lois et ordonnances en vigueur cessent leurs effets juridiques.

Tableau 35 – L’autorité des décisions de la cour constitutionnelle

 

Albanie Les décisions de la Cour constitutionnelle sont définitives et « ont force obligatoire ».
Belgique L’autorité de ses décisions s’impose à tous, mais elle est modulée en fonction du contentieux dans lequel la décision est rendue. Ainsi, l’arrêt d’annulation d’une norme est revêtu d’une autorité erga omnes, l’arrêt d’invalidation rendu dans une question préjudicielle n’a, en principe, d’autorité que pour les parties intervenues a quoet pour les juges de l’affaire ; en réalité cet arrêt fait autorité sur les juridictions qui peuvent, soit l’appliquer dans des affaires similaires, soit interroger à nouveau la Cour. Par contre, il ne s’impose pas à l’administration qui doit appliquer la norme invalidée.
Bénin « Les décisions de la Cour constitutionnelle s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. » (art. 124 al. 3 de la Constitution).
Bulgarie V. annexes.
Burkina Faso Les décisions de la Cour constitutionnelle s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Burundi OUI, ses décisions sont sans recours et s’imposent aux pouvoirs constitutionnels, aux autorités administratives, aux juridictions et aux citoyens.
Cameroun S.O. [13]
Canada S.O.
Comores Conformément à l’art. 35 de la Constitution, les décisions de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent à toute autorité ainsi qu’aux juridictions sur tout le territoire de l’Union.
Congo-Brazzaville Selon l’art. 150 de la Constitution, « … les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles et aux particuliers. »
Égypte L’art. 49 de la loi n° 48 de 1979 portant promulgation de la loi sur la Cour constitutionnelle suprême dispose que « les décisions de la Cour en matière constitutionnelle et ses ordonnances d’interprétation s’imposent à toutes les autorités de l’État et à tous. »
France Les décisions du Conseil s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (art. 62 de la Constitution).
Guinée-Équatoriale L’autorité des décisions du tribunal s’impose à tous les pouvoirs publics et organes de l’administration.
Gabon Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent à toutes les autorités étatiques, ainsi qu’à toutes les personnes physiques ou morales. La juridiction constitutionnelle ne peut être déplacée ou convoquée afin de s’expliquer sur ses décisions.
Liban N.C. [14]
Madagascar L’autorité des décisions de la Haute Cour constitutionnelle s’impose à tous, aux pouvoirs constitutionnels, aux autorités administratives, aux autres juridictions et aux citoyens.
Mali Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales.
Maroc L’art. 81 de la Constitution déclare clairement qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Maurice L’autorité des décisions de la Cour suprême s’impose à toutes les institutions et pouvoirs constitutionnels à l’exception du président dans l’exercice de ses fonctions constitutionnelles pour lesquelles la Constitution prévoit que le Président est admis à agir de son propre chef et de plein droit.
Mauritanie L’autorité des décisions s’impose à tous : pouvoirs publics, autorités administratives et juridictionnelles, citoyens.
Moldavie Les décisions de la Cour sont officielles et exécutoires sur tout le territoire du pays. Quelques précisions supplémentaires sont apportées par la Constitution (art. 140) qui dispose que les actes normatifs, sont nuls à partir de l’adoption de l’arrêt d’inconstitutionnalité de la Cour ; la loi sur la Cour qui prévoit que la non exécution, l’exécution non conforme, l’entrave de l’exécution des actes de la Cour entraînent la responsabilité prévue par la législation en vigueur.
Niger Les décisions de la Cour « ne sont susceptibles d’aucun recours » et « lient les pouvoirs publics et toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles et s’imposent à tous. » Art. 115 de la Constitution.
Roumanie Les décisions de la Cour sont obligatoires à partir de leur publication (dans le Moniteur Officiel) etn’ont de pouvoir que pour l’avenir.
Dans le cadre du contrôle a priori, le Parlement est tenu de réexaminer la loi à la lumière de la décision rendue par la Cour, avant la promulgation, pour que la version finale de la loi soit en accord avec la décision de la Cour (v. art. 147, al. 2 Cst).Dans le cadre du contrôle a posteriori, en vertu de la Constitution (art. 147, al. 1), les auteurs des actes soumis à la Cour (le Parlement pour les lois, le Gouvernement pour les ordonnances) sont tenus de les mettre en conformité avec les décisions de la Cour dans un délai de 45 jours suivant la publication de la décision d’inconstitutionnalité au Moniteur Officiel. Pendant ce délai, les dispositions déclarées inconstitutionnelles sont suspendues de droit. Après ce délai, les dispositions inconstitutionnelles des lois et ordonnances en vigueur cessent leurs effets juridiques.
Sénégal L’art. 92 al. 2 de la Constitution stipule que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Slovénie L’autorité des décisions de la Cour s’impose à tous, aux pouvoirs et autorités de l’État, mais aussi aux entreprises et citoyens qui peuvent saisir la Cour.
Suisse N.C.
Togo L’autorité des décisions de la Cour constitutionnelle s’impose à tous : aux pouvoirs publics, aux autorités et aux citoyens.
  • Les opinions dissidentes sont-elles admises ? Assurent-elles l’indépendance de la juridiction ou la mettent-elles en cause ?

Les positions à propos de la question des opinions dissidentes sont variées : certains pays les admettent, d’autres, non.

Les pays qui les admettent, le justifient par le fait qu’elles n’entravent en rien l’indépendance de la juridiction, et que mieux, elles constituent une richesse pour les débats d’idées. Elles sont notamment admises en Albanie, en Guinée-Équatoriale, à Madagascar, en Mauritanie, en Moldavie, en Roumanie, et en Slovénie.

Certains pays ne les admettent pas pour plusieurs raisons. La Cour du Gabon précise que l’admission des opinions dissidentes serait un frein à l’indépendance de la juridiction ; car si les décisions des juges ne sont plus unitaires, des pressions individuelles pourraient être exercées sur les membres de la Cour afin qu’ils orientent leurs positions dans un sens, ou dans un autre.

Tableau 36 – Les opinions dissidentes et leurs conséquences sur l’indépendance de la juridiction constitutionnelle

Opinions dissidentes admises ? Assurent-elles l’indépendance dela juridiction ou la mettent-elle en cause ?
Albanie OUI Les opinions dissidentes ne mettent nullement en cause l’indépendance de la juridiction ; d’autre part, elles contribuent de façon importante au développement de la doctrine et ouvrent la voie au pluralisme des opinions.
Belgique NON. Les arrêts rendus par la Cour ne comportent pas d’opinion dissidente. Ils n’indiquent pas non plus le résultat du vote en faveur de la décision, ni la teneur des délibérés. Les juges ne peuvent communiquer leur position par rapport à la décision. N.C. [15]
Bénin NON Cela n’entrave en rien l’indépendance de la juridiction constitutionnelle.
Bulgarie V. annexes. Idem
Burkina Faso NON N.C.
Burundi NON N.C.
Cameroun S.O. [16] S.O.
Canada S.O. S.O.
Comores NON N.C.
Congo-Brazzaville NON N.C.
Égypte NON Cela n’entrave en rien l’indépendance de la Cour.
France NON, l’expression publique des opinions dissidentes n’est pas admise. La tradition juridique française considère cette non admission comme une garantie d’indépendance.
Gabon NON Les opinions dissidentes ne sont admises au Gabon ni au niveau des juridictions ordinaires, ni au niveau de la juridiction constitutionnelle. La principale raison trouvée pour expliquer cette situation est que les opinions dissidentes sont susceptibles de mettre en cause l’indépendance de ces institutions. Une fois que leurs décisions ne sont plus unitaires, des influences peuvent s’exercer sur les membres afin d’orienter la décision dans un certain sens.
Guinée-Équatoriale OUI Elles assurent l’indépendance de la doctrine du tribunal.
Liban N.C N.C.
Madagascar OUI Elles assurent l’indépendance de la juridiction
Mali NON N.C
Maroc NON N.C.
Maurice N.C N.C.
Mauritanie OUI N.C
Moldavie OUI La loi relative à la Cour dispose que le juge ayant une opinion différente de celle exprimée par la majorité dans l’arrêt ou l’avis émis peut l’exposer par écrit et peut demander à l’annexer.
Selon la Cour, le principal rôle d’une opinion dissidente est d’assurer l’indépendance de la juridiction concernée.
Niger NON N.C.
Roumanie Oui La loi organique ne se réfère pas à l’influence de ces opinions sur l’indépendance de la Cour, mais précise qu’elles donnent la possibilité aux juges qui ont voté contre la solution prononcée par la majorité, de présenter leurs considérants (v. art 59, al 3).
Les opinions dissidentes des juges constitutionnels roumains sont publiées avec la décision rendue à la majorité.
Sénégal Il est permis à tout un chacun d’exprimer son opinion, mais le Conseil constitutionnel rend ses décisions conformément au droit constitutionnel et aux compétences qui lui sont dévolues. N.C
Slovénie OUI Elles assurent l’indépendance de la Cour, car elles encouragent les débats sur les questions juridiques, la diversité des opinions et les recherches sur ces questions. Tout le système juridique peut en bénéficier.
Suisse Si, dans une affaire concrète, il y a des divergences au sein de la Cour, la loi exige – sauf exceptions (en matière pénale ou fiscale par exemple), que la délibération soit publique. Chaque juge défend oralement son opinion ; mais la possibilité n’est en revanche pas donnée d’exprimer une opinion dissidente par écrit. Le fonctionnement collégial, associé au devoir de réserve, est une source d’indépendance pour la juridiction.
Togo NON N.C

Recommandations

Nous, chefs des Cours constitutionnelles et institutions équivalentes membres de l’Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF), réunis les 31 mai et 1er juin 2005 à Bucarest, pour la Quatrième Conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF, autour du thème de « l’indépendance des juges et des juridictions », adoptons la recommandation suivante :

  • Affirmant que chaque Constitution des pays dont les Cours sont membres de l’ACCPUF prévoit des garanties en matière d’indépendance des juges et des juridictions ;
  • Constatant, cependant, que la mise en application de ces normes peut s’avérer difficile ;
  • Demandons à l’Organisation internationale de la francophonie de transmettre aux Chefs d’État et de gouvernement des pays dont les Cours sont membres de l’ACCPUF, nos sérieuses préoccupations à ce sujet et de les appeler à :
  1. 1. mettre tout en œuvre pour que l’indépendance des juges et des juridictions puisse être concrètement assurée notamment en respectant le principe de l’inamovibilité des juges et le principe de la séparation des pouvoirs ;
  2. 2. permettre que les Cours constitutionnelles et institutions équivalentes puissent exercer pleinement leurs compétences en assurant une saisine effective, des moyens financiers suffisants ainsi que l’autonomie budgétaire ;
  3. 3. favoriser la formation systématique et continue des juges et des magistrats.

Nous affirmons, par ailleurs, notre volonté d’exercer nos fonctions dans le respect de nos devoirs d’impartialité, d’intégrité et de moralité.

Bucarest, le 1er juin 2005

Questionnaire

« L’indépendance des juges et des juridictions »

Telle a été la formulation précise du thème retenu lors de la réunion du Bureau du 7 juillet 2004, pour la 4e Conférence des chefs d’institution de l’ACCPUF (Bucarest, 31 mai et 1er juin), à l’invitation de la Cour constitutionnelle de Roumanie.

Ce libellé rassemble en fait deux facettes d’une même réalité : l’indépendance de la justice. Pas d’indépendance des juges et des juridictions sans indépendance de la justice. Pas d’indépendance de la justice sans indépendance des juges et des juridictions.

Les trois aspects du présent thème (la justice dans la Constitution, l’indépendance des juges et l’indépendance des juridictions) ont été envisagés au regard des deux possibilités de statut des cours constitutionnelles ou institutions équivalentes : appartenance à l’ordre judiciaire ordinaire ou statut autonome.

Quelle que soit la position de votre Cour, il est souhaitable de répondre à l’ensemble du questionnaire.

La justice dans la constitution

I. Question préalable : la justice est-elle évoquée dans votre Constitution ?

Si oui :

  • À quelle place :
    • Dans le préambule de la Constitution ?
    • Après un préambule ou catalogue de droits fondamentaux ?
    • Avant ou après les pouvoirs exécutif et législatif ?
    • Quel plan suit votre Constitution ? (pour l’exécutif, le législatif et le judiciaire ?)
    • Le judiciaire fait-il l’objet d’un titre autonome ? Si non à quoi est-il rattaché ?
  • Comment :
    • Parle-t-on de pouvoir judiciaire ou d’autorité judiciaire ? Peut-on en déduire des conséquences concrètes ?
    • Le mot « indépendance » (de la justice) est-il expressément utilisé : où ?
    • L’indépendance est-elle définie ?
    • L’indépendance est-elle analysée en relation ou comme un élément déterminant d’autres notions ? État de droit – démocratie – séparation des pouvoirs… ?
    • Est-elle confondue avec celle de l’indépendance des juges – voire des juridictions ?
    • Est-il prévu qu’une autorité soit garante de cette indépendance: si oui, laquelle? (Président de la République? Autorité collégiale type Conseil supérieur de la magistrature? Autres…)
    • Pouvez-vous trouver des décisions de votre Cour où la notion est réaffirmée ?
II. Une justice constitutionnelle spécifique ? La justice constitutionnelle dans l’équilibre des pouvoirs
  • Votre Cour ou Conseil est-il au sommet de l’ordre judiciaire « ordinaire », et les dispositions qui gouvernent la justice lui sont-elles applicables ?
  • Votre Cour ou Conseil bénéficie-t-il d’un statut spécifique et autonome au sein de l’ordre constitutionnel ?
  • La justice constitutionnelle est-elle évoquée en tant que telle dans la Constitution ou parle-t-on uniquement de l’organe qui en est l’expression ?
  • Votre institution (Cour ou Conseil) est-elle, dans la Constitution, intégrée dans le titre ou le chapitre consacré à la justice ou en est-elle totalement indépendante ?
  • Une mention spéciale de son indépendance est-elle inscrite dans le texte constitutionnel ?

L’indépendance des juges

I. Le cas des juges « ordinaires »
  • Le principe :
    • Le principe de l’indépendance est-il affirmé dans un texte ? Lequel ? Constitution, loi, statut de la magistrature ?
    • Est-il distingué de l’indépendance de la justice ?
    • Existe-t-il un statut de la magistrature ? Quelle est sa place dans la hiérarchie des normes ?
    • Le principe de l’indépendance de la justice implique-t-il d’autres principes ? Notamment l’inamovibilité des juges ?
    • Si oui : l’inamovibilité est-elle définie : comment et dans quel texte ? Expliquez sa signification et ses conséquences concrètes.
    • Existe-t-il des différences quant aux garanties d’indépendance entre magistrats du siège et magistrats du Parquet ?
    • Quelles sont les obligations des magistrats ? (Devoir de réserve…)
  • Son expression concrète :
    • Entrée dans la fonction et déroulement de la carrière.
    • Comment se fait le recrutement? Par concours? À quel niveau (licence de droit…) ? Par des voies latérales-équivalence(ex: expérience professionnelle, autre formation universitaire)?
    • Quelles sont les incompatibilités prévues par les textes avec la fonction de magistrat ? Par quels textes ?
    • Comment se fait l’avancement ? À l’ancienneté ? Au choix ? Selon quelle proportion (si la distinction est quantifiable) ?
    • Les juges ont-ils le droit de se grouper ? En associations ? En syndicats ?
    • Bénéficient-ils d’une protection contre les attaques pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ?
    • Les sanctions en cas de manquement aux devoirs de la fonction :
      • les juges sont-ils protégés ? de quelle manière ?
      • en cas de présomption de faute : quelle est la procédure disciplinaire prévue ?
      • pour les magistrats du siège ?
      • pour les magistrats du Parquet ?

Cette procédure présente-elle des garanties suffisantes pour protéger leur indépendance?

II. Le cas des membres des Cours ou Conseils constitutionnels

  • Font-ils partie du corps judiciaire ? Dans ce cas les garanties et obligations applicables au corps judiciaire sont-elles applicables ? Y-a-t-il cependant des spécificités ?
  • En matière de nomination, quelles sont les spécificités (autorité de nomination – conditions de formation, d’âge) ?
  • La limitation du mandat à un nombre d’années déterminées existe-t-elle ? Si oui : combien d’années ? Le mandat est-il renouvelable ? Combien de fois ?
  • À quelles incompatibilités sont-ils soumis ?
  • Une protection spécifique est-elle prévue en leur faveur ? S’ils manquent aux devoirs de leur fonction, quelle est la procédure applicable ?
  • Ont-ils des obligations spécifiques (devoir de réserve…) ?

L’indépendance des juridictions

I. Les juridictions ordinaires

  • L’indépendance des juridictions est-elle affirmée en tant que telle ? Si oui : dans quel texte et sous quelle forme ? Et par quels moyens concrets ?
  • Sinon, comment est-elle concrètement assurée ?
  • Par des moyens matériels ?
  • Par le statut des juges ?
  • Le principe de séparation des pouvoirs est-il respecté ?
  • Les juridictions subissent-elles des pressions ?
    • De la part de l’exécutif ?
    • De la part du législatif ?
  • Les décisions juridictionnelles expriment-elles le point de vue de la juridiction ? Des opinions dissidentes sont-elles admises ?
  • La collégialité vous paraît-elle source d’indépendance pour la juridiction ?

II. La juridiction constitutionnelle

  • Son indépendance est-elle affirmée en tant que telle ? Si oui, dans quel texte ?
  • La détermination de son budget lui assure-t-elle une véritable indépendance ? Est-il autonome ou intégré dans un chapitre du budget de l’État ? Lequel ? Est-il discuté devant le Parlement ? Son exécution est-elle contrôlée ? Si oui, par qui ?
  • L’indépendance par rapport au pouvoir exécutif est-elle réelle ? Donnez des exemples concrets négatif ou positifs concernant cette question.
  • L’indépendance par rapport au pouvoir législatif est-elle réelle ? Donnez des exemples concrets, négatifs ou positifs.
  • L’autorité de ses décisions s’impose-elle à tous ? Pouvoirs constitutionnels ? Autorités administratives ? Autres juridictions ? Citoyens ?
  • Les opinions dissidentes sont-elles admises ? Assurent-elles l’indépendance de la juridiction ou la mettent-elles en cause ?

Rapport

L’indépendance des juges et des juridictions : contrôle de constitutionnalité de la législation relative à l’indépendance du pouvoir judiciaire

M.Vassil GOTZEV,

Juge à la Cour constitutionnelle, Bulgarie

L’indépendance des juges et du système judiciaire est la condition fondamentale du fonctionnement de la démocratie et du développement de la société démocratique dans tout État respectant la primauté de la loi.

Lorsque la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (art. 8) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 2, art. 3 « b ») proclament que le rétablissement des droits violés doit être réalisé par le pouvoir judiciaire compétent, cela signifie en fait par un pouvoir indépendant et impartial. La disposition de l’article 6 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales va expressément dans ce sens. Sur ce principe fondamental repose aussi la recommandation n° R (94) 12 du Comité des ministres des États membres du Conseil de l’Europe relative à l’indépendance, à l’efficacité et au rôle de la magistrature [1]. Elle recommande aux gouvernements de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect, la protection et le renforcement de l’indépendance des juridictions et signale que les décisions qui sont entrées en vigueur ne doivent pas être sujettes à une révision en dehors des procédures légalement établies. Pour garantir l’indépendance des juridictions, la recommandation prévoit que l’organe chargé des décisions en matière de sélection, nomination et carrière professionnelle des juges doit être indépendant du pouvoir exécutif et ses membres, inamovibles. La révocation des magistrats de leurs fonctions en cas de violations graves des règles disciplinaires doit être confiée à un organe indépendant. Les principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés par le VIIe Congrès de l’ONU pour la prévention des crimes et le traitement des délinquants du 26.11.1985, confirmés par l’Assemblée générale de l’ONU [2] insistent aussi sur l’indépendance, l’impartialité et l’inamovibilité des magistrats et sur le fait que leurs décisions ne sont pas sujettes à une révision extrajudiciaire. Selon ces principes, chaque État a le devoir de fournir les ressources nécessaires pour que la magistrature puisse s’acquitter normalement de ses fonctions.

Le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe [3] proclame aussi que la protection des droits et des garanties des citoyens européens est confiée à un tribunal indépendant et impartial.

Le problème de l’indépendance des juges et des juridictions s’est posé avec acuité dans les pays effectuant la transition du régime totalitaire communiste vers l’établissement d’un État démocratique.

Il n’est un secret pour personne que, dans les pays communistes, les juridictions étaient, dans une grande mesure, un instrument entre les mains du pouvoir lui permettant d’user de la contrainte pour soumettre les citoyens. Les magistrats, à de rares exceptions près, étaient choisis parmi les membres du parti communiste et leurs enfants. Ce principe était suivi au plus haut degré pour la promotion et même le recrutement des membres du Tribunal suprême, qui était à l’époque la plus haute institution judiciaire. Il est donc tout à fait compréhensible qu’à la suite des changements qui se sont opérés vers la fin de 1989 dans les systèmes judiciaires des ex-pays communistes, la législation cherche à mettre en place de nouvelles dispositions susceptibles de garantir au mieux aussi bien l’indépendance que l’impartialité de la magistrature.

Très tôt après ces changements, il fut imposé aux juges, aux procureurs et aux magistrats d’instruction, l’obligation de ne plus adhérer à des partis politiques. Ils ont été ainsi formellement dépolitisés. En outre, aux termes de la Constitution bulgare, adoptée en 1991, les juridictions, le Parquet et les services d’instruction font désormais partie du pouvoir judiciaire. Afin de garantir l’indépendance des organes d’instruction vis-à-vis du pouvoir exécutif, ils ont été retirés du domaine des compétences du ministère de l’Intérieur.

La nomination des magistrats et l’organisation du pouvoir judiciaire en général ont été confiées à un nouvel organe, à savoir le Conseil supérieur judiciaire (CSJ). Élu pour une durée de 5 ans, le CSJ est compétent en matière de nomination, évaluation, formation, sanctions disciplinaires et promotion des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction. Il est présidé par le ministre de la Justice qui participe aux délibérations sans pour autant avoir le droit de vote. La majorité de ses membres est élue par l’Assemblée nationale à la majorité simple et le reste des membres est élu, par les assemblées des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction. Le président de la Cour suprême de cassation, celui de la Cour suprême administrative et le procureur général sont membres de droit du CSJ.

La Constitution bulgare proclame la séparation des pouvoirs et la notion d’indépendance des juges, des procureurs et des magistrats de l’instruction. Dans sa rédaction initiale elle prévoyait que les juges, les procureurs et les magistrats d’instruction jouissent de la même immunité que les députés. À la suite de l’amendement constitutionnel de 2004, il a été précisé que les juges n’ont pas de responsabilité civile et pénale pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions sauf en cas de crime prémédité. Dans ce cas, le magistrat sera poursuivi d’office par le procureur. La mise en accusation ne peut ainsi intervenir qu’avec l’autorisation du Conseil supérieur de la justice.

L’inamovibilité des magistrats, reconnue dans la rédaction initiale de la Constitution, a atteint, à mon avis, un degré d’absurdité. Ce principe méconnu pendant longtemps à l’époque du totalitarisme, s’est retrouvé tout d’un coup reconnu par un retour de balancier. Un juge ne pouvait ainsi être révoqué ni pour non accomplissement de ses obligations professionnelles, ni même en cas de manquement durable à celles-ci. Les seuls motifs de révocation étaient la mise en retraite, la démission, l’entrée en vigueur d’un jugement privatif de liberté pour crime prémédité ou l’incapacité effective de s’acquitter de ses obligations pendant plus d’un an.

Les nouvelles dispositions sur l’inamovibilité [4], stipulent que les juges peuvent aussi être révoqués lorsqu’ils violent gravement leurs obligations officielles ou lorsqu’ils manquent systématiquement à celles-ci, ou encore quand ils commettent des actes de nature à porter préjudice au prestige du pouvoir judiciaire. Sans enfreindre la règle de l’inamovibilité des juges, des cas de révocation sont prévus, pour éviter les abus. Cet amendement constitutionnel qui a répondu à une nouvelle exigence de réalisme est en conformité avec le principe VI des recommandations du Comité des ministres des États membres du Conseil de l’Europe. Conformément à ces directives, la Cour constitutionnelle veille, dans la pratique, au respect par les autorités des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d’indépendance du pouvoir judiciaire.

Exigence essentielle d’un État démocratique, l’indépendance du pouvoir judiciaire est proclamée dans l’art. 117, al. 2 de la Constitution de la République de Bulgarie et consacrée dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. À l’article 8 de la Constitution, est énoncé le principe de la séparation des pouvoirs, principe dont résulte l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif.

Dans sa décision n° 8/94, a.c. 9/94, JO n° 78/94, la Cour constitutionnelle observe que le pouvoir judiciaire peut lui-même garantir son indépendance en se chargeant de la nomination, de la promotion, de la rétrogradation, de la mutation et de la révocation des magistrats.

Dans nombre de ses décisions, la Cour constitutionnelle a annulé des textes de loi sur le pouvoir judiciaire qui attribuaient certains pouvoirs au ministre de la Justice. Par exemple, dans sa décision n° 13/02, a.c. n° 17/02, JO n° 118/2002, la Cour constitutionnelle, considérant que la séparation des pouvoirs n’empêche pas ceux-ci de coopérer, conclut que le ministre de la Justice ne doit pas participer avec voix délibérative aux discussions sur la nomination et la promotion des magistrats, qu’il ne doit pas exercer de pouvoirs disciplinaires à leur égard, contrôler la régularité de leurs actes juridiques, ni disposer des rapports annuels sur l’activité des juridictions. La Cour a aussi estimé à cet effet, que placer l’Institut national de formation des magistrats sous la direction du ministre de la Justice était contraire à l’indépendance du pouvoir judiciaire et que, par conséquent, cet institut devrait être placé sous la direction du Conseil supérieur de la justice.

Dans d’autres décisions, la Cour constitutionnelle a affirmé que l’inamovibilité des juges ne peut dépendre de changements dans le système judiciaire, et qu’il était inadmissible que le changement des noms des juridictions ou la création de nouvelles instances entraîne la destitution des juges. Elle a aussi affirmé que la définition d’exigences pour la nomination des juges à certains postes ne devrait pas conduire à violer la règle de leur inamovibilité (décisions n° 9/94, a.c. n° 11/94, JO n° 87/84 et n° 8/94, a.c. n° 9/94, JO n° 98/94).

Dans la pratique de la Cour constitutionnelle, le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire exclut que le Conseil des ministres exerce, directement ou par l’intermédiaire d’autres organes, des compétences en matière d’administration des biens de l’État mis à la disposition du pouvoir judiciaire pour l’exercice de ses fonctions. La Cour est d’avis que le terme d’« indépendance » utilisé dans la Constitution inclut aussi l’indépendance dans l’administration de ces biens (décision n° 11/02, a.c. n° 18/02, JO n° 110/02).

La Cour constitutionnelle a en outre annulé certains textes de la loi sur le budget de l’État lorsqu’ils ne prévoyaient pas suffisamment de moyens pour le fonctionnement normal du pouvoir judiciaire et portaient par là atteinte à son indépendance (décision n° 17/96, a.c. n° 18/96, JO n° 88/96).

L’indépendance économique du pouvoir judiciaire est garantie par l’art. 117, al. 3 de la Constitution qui stipule que le pouvoir judiciaire dispose d’un budget autonome. Dans sa décision n° 18/93, a.c. n° 19/93, JO n° 1/94 la Cour déclare que l’établissement du budget du pouvoir judiciaire, ainsi que son exercice sont hors du domaine du pouvoir exécutif. Le budget est établi par le Conseil supérieur judiciaire et déposé au Conseil des ministres, ce-dernier ne pouvant lui apporter aucun changement. Le Conseil des ministres est ainsi tenu de faire inclure le budget reçu, tel que présenté par le CSJ, au projet de budget de l’État. Le Conseil des ministres et le ministre des Finances sont libres de donner leur avis sur le budget, de présenter des remarques et même, de proposer qu’il soit réduit. Cependant, il ne s’agit que d’un avis, car le budget doit être inclus sans changement (tel que proposé par le Conseil supérieur judiciaire) dans le projet du budget de l’État. Il s’avère néanmoins important de préciser que la décision finale concernant le budget revient à l’Assemblée nationale.

Or, la pratique de l’établissement du budget s’éloigne assez souvent de ces exigences. Au lieu d’inclure le budget du pouvoir judiciaire tel qu’établi par le CSJ à celui de l’État, le Conseil des ministres élabore son propre projet, y compris pour la justice et le dépose au même moment que celui du Conseil supérieur judiciaire. Dans ce cas, la Cour constitutionnelle prononce l’inconstitutionnalité des dispositions du budget (décisions n° 17/95, a.c. n° 13/95, JO 93/95 ; n° 15/97, a.c. n° 9/97, JO n° 101/97 ; n° 16/2001, a.c. n° 6/01, JO 50/01).

Conformément aux principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, la Cour constitutionnelle a admis, par sa décision n° 4 de 1998, a.c. n° 16/97, JO n° 30/98, que, sauf amnistie, qui est proclamée par la loi, aucun jugement ne peut être remis en cause par voie législative et qu’en outre il était inadmissible de suspendre par voie législative les affaires pendantes devant des juridictions (décision n° 20/95, a.c. n° 24/95, JO n° 94/95).

L’Association des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction de Bulgarie n’a pas manqué de faire entendre sa voix à chaque fois que nécessaire, en faveur du renforcement de l’indépendance de la magistrature.

Au regard de ce qui précède, il est évident que l’indépendance du pouvoir judiciaire est non seulement proclamée par la Constitution, mais aussi garantie par la loi. De cette façon, l’indépendance des juges lors du jugement des affaires dont ils sont saisis et l’indépendance des juridictions sont assurées.

Mais il est important de préciser que cette indépendance sous-entend des exigences strictes non seulement en ce qui concerne les juridictions, mais aussi à l’égard des juges. Au nombre de ces exigences, on pourrait citer le respect des principes de déontologie ; ce principe a d’ailleurs été adopté par l’Association des juges à la conférence tenue en Suisse sous le patronage du Conseil de l’Europe (Justice in the World, magazine 1998). De ces droits dont jouissent les juges et qui sont le corollaire de l’indépendance qui leur est reconnue, découlent aussi des obligations dont ils doivent s’acquitter ; ce sont, entre autres, l’impartialité et le respect de la loi.

En définitive, bien que séparé des deux autres pouvoirs, le pouvoir judiciaire fait partie de l’organisation générale de l’État. Il est par conséquent du devoir de l’État de réunir toutes les conditions garantissant l’indépendance et le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire. En revanche, les magistrats doivent eux aussi s’acquitter de leurs obligations de façon à renforcer la crédibilité de l’État. Car, la crédibilité de l’État, aux yeux de chaque citoyen, passe par la crédibilité de la justice.


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