Adhésion de la Cour constitutionnelle du Luxembourg à l’ACCF – Association des Cours Constitutionnelles Francophones

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Adhésion de la Cour constitutionnelle du Luxembourg à l’ACCF

Les cours membres de l’ACCF, réunies en Assemblée générale à Montréal, le 2 mai 2019, ont voté à l’unanimité en faveur de l’adhésion de la Cour constitutionnelle du Luxembourg à l’Association.

La Cour constitutionnelle du Luxembourg, présidée par M. Jean-Claude Wiwinius, devient ainsi le 45e membre de l’Association des cours constitutionnelles francophones.

Pour en savoir plus sur la Cour constitutionnelle du Luxembourg

 

Texte prononcé lors de l’Assemblée générale, le 2 mai 2019

La Cour constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg fait partie des « jeunes » institutions. Elle a été mise en place par le Constituant à travers une loi du 12 juillet 1996 qui a introduit dans la Constitution l’article 95ter. Cet article a été introduit parallèlement à l’article 95bis prévoyant les « nouvelles » juridictions de l’ordre administratif, à savoir la Cour administrative, juridiction suprême de l’ordre administratif, et le tribunal administratif, juridiction de première instance.

C’est la réforme nécessaire du contentieux administratif découlant de l’arrêt Procola de la Cour européenne des droits de l’homme du 28 septembre 1995 qui, en quelque sorte, entraînait dans son sillage la mise en place parallèle d’une Cour constitutionnelle, dont la création avait été discutée de longue date dans les milieux politiques et juridiques luxembourgeois.

La Cour constitutionnelle finalement mise en place résulte d’un compromis. Elle est uniquement composée de magistrats professionnels et s’est vu parallèlement attribuer une seule fonction essentielle, à savoir celle de statuer, par voie d’arrêt, sur la conformité des lois à la Constitution.

Le système mis en place est celui copié sur les questions préjudicielles soumises à la Cour de justice de l’Union européenne : chaque fois qu’une juridiction luxembourgeoise, quelle qu’elle soit, se trouve confrontée à une question de conformité d’une loi à la Constitution et que cette question conditionne la solution du litige lui soumis, elle est amenée à soumettre par voie préjudicielle la question à la Cour constitutionnelle. Celle-ci est seule compétente pour répondre aux questions de conformité des lois à la Constitution. C’est la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle qui prévoit les modalités du traitement de la question préjudicielle par la Cour constitutionnelle en indiquant des délais d’instruction stricts, des plaidoiries à l’audience à prévoir dans le mois de la fin de l’instruction et un délai maximal de deux mois réservé à la Cour pour prendre son arrêt après la prise en délibéré. De la sorte, l’incident préjudiciel est limité dans le temps et n’excède pas les six mois.

Les arrêts de la Cour constitutionnelle n’ont pas à proprement parler un effet erga omnes mais un effet relatif élargi. L’effet relatif vaut entre parties pour la juridiction de renvoi et toutes les autres juridictions appelées à connaître de l’affaire. L’effet relatif est élargi en ce sens que la Cour constitutionnelle n’a plus besoin d’être saisie lorsqu’elle a déjà statué sur la même question par avant. Dès lors, la disposition de la loi invalidée par la Cour constitutionnelle subsiste dans l’ordonnancement juridique jusqu’à ce que le législateur l’ait amendé.

Actuellement, l’article 95ter de la Constitution est sujet à révision ponctuelle. Il est prévu de conférer aux arrêts de la Cour constitutionnelle un effet d’annulation avec possibilité pour la Cour de leur conférer un effet différé en vue de permettre au législateur de remédier à la situation avec une limite dans le temps d’un an.

Les membres de la Cour constitutionnelle ont tous une tâche principale, soit en tant que juge judiciaire, soit en tant que juge administratif. La fonction de juge constitutionnel est dès lors pour tous les membres de la Cour constitutionnelle une fonction accessoire. Cette double casquette est en réalité un enrichissement en ce que tout juge constitutionnel peut être amené à saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle et, pour toutes les autres que celles qu’il a lui-même posées, à y répondre en tant que membre de la Cour constitutionnelle.

La Cour constitutionnelle est composée de neuf membres et statue actuellement en formation de cinq membres désignés par le président de la Cour.

Quatre membres de la Cour constitutionnelle sont prédésignés par la Constitution. Il s’agit du président de la Cour supérieure de Justice et des deux conseillers les plus anciens en rang de la Cour de cassation, de même que du président de la Cour administrative. Les cinq autres membres sont nommés sur proposition conjointe de la Cour supérieure de justice et de la Cour administrative. Traditionnellement, les juges les plus anciens en rang des deux ordres juridictionnels font partie de la Cour constitutionnelle à raison de sept pour l’ordre judiciaire et de deux pour l’ordre administratif. Actuellement, les cinq membres de la Cour de cassation, ainsi que deux présidents de chambre de la Cour d’appel font partie de la Cour constitutionnelle du côté judiciaire, tandis que le président et le vice-président de la Cour administrative sont membres de la Cour constitutionnelle en tant qu’émanant de l’ordre administratif.

Quant aux matières à traiter, une bonne moitié tourne autour de la question de l’égalité devant la loi, tandis qu’en seconde position, concernant le nombre des renvois, figurent des questions ayant trait, sous différents aspects, aux matières réservées par la Constitution à la loi.

Théoriquement, la Cour constitutionnelle répond à la seule question de la conformité des lois à la Constitution et ne serait dès lors pas amenée à poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Néanmoins, dans une affaire (arrêt n° 119 du 16 juin 2017 en matière de quotas d’émission), la Cour constitutionnelle a été amenée à saisir d’abord la Cour de justice de l’Union européenne en vue de fixer le cadre de la conformité de la loi sous renvoi par rapport à la législation européenne avant d’en analyser la conformité par rapport à la Constitution.

Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont tous rédigés en langue française. Il en est de même de toutes les écritures portées devant la Cour constitutionnelle. L’explication en réside à la fois dans la tradition juridique et l’emploi des langues tel que prévu par la loi. Durant tout le Moyen âge, le ci-avant Duché de Luxembourg était composé d’un point de vue linguistique d’un quartier Wallon français situé à l’Ouest, en gros l’actuelle province du Luxembourg belge, et d’un quartier allemand, pratiquant la langue francique, en gros le Grand-Duché actuel et certaines contrées anciennement luxembourgeoises de l’Eifel allemande et du pays de St.Vith en Belgique actuelle. Durant cette période, de nombreux textes juridiques étaient rédigés en français, tandis que d’autres l’étaient en allemand et les deux langues avaient cours dans la pratique judiciaire luxembourgeoise de l’époque.

A partir de l’incorporation du ci-avant Duché de Luxembourg en tant que Département des Forêts dans la République française avec effet au 1er octobre 1795, toute la législation fut en principe rédigée en français et le français devint la langue à la fois judiciaire et juridique essentielle. Cette situation s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui, en ce que tous les éléments de l’ordonnancement juridique en place sont en principe rédigés en français. La Constitution renvoie à la loi pour ce qui est de l’emploi des langues. Une loi du 24 février 1984 prévoit que le luxembourgeois est la langue nationale des Luxembourgeois, tandis qu’en matière administrative et judiciaire, les trois langues française, allemande et luxembourgeoise ont cours. Pratiquement, l’essentiel des écrits en matière judiciaire se fait en langue française. Tous les arrêts tant de la Cour constitutionnelle que de la Cour de cassation et de la Cour administrative, pour ce qui est des juridictions suprêmes du pays, sont rédigés en français, de même que la très grande majorité des arrêts et jugements des autres juridictions du pays. Seule, en matière pénale, quelques jugements de première instance sont encore actuellement rédigés en langue allemande. Aucun jugement n’a jamais été rédigé jusque lors en langue luxembourgeoise.

Dès lors, les juridictions luxembourgeoises et plus particulièrement la Cour constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg partagent effectivement l’usage du français.

Initialement il était prévu que tant le président que le vice-président de la Cour constitutionnelle, ensemble avec la secrétaire générale, présentent et soutiennent la demande d’admission devant l’assemblée générale à Montréal. Des concours de circonstances ont fait en sorte que, pour des raisons de santé d’abord le président, puis pour des raisons éminemment techniques tenant à l’aviateur devant les amener au Canada, le vice-président et la secrétaire générale n’ont pas pu faire utilement le déplacement à Montréal, ce qu’ils regrettent bien vivement.

Le présent document tient lieu de rapport de présentation aux fins voulues.

Luxembourg, le 30 avril 2019

 

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